Primo Levi - CRISES - Université Paul Valéry

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Primo Levi - CRISES - Université Paul Valéry
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PRIMO Levi (1919-1987)
1) Le témoin :
Primo Levi est né à Turin le 31 juillet 1919 dans une famille italienne juive de la moyenne
bourgeoisie. Son père, Cesare Levi était un ingénieur. Quant à sa mère, Rita, elle était sans
emploi.
Élève surdoué, il entre au Gymnase royal Massimo d’Azeglio avec un an d’avance. Il est
souvent insulté par ses camarades car non seulement il est le plus jeune, mais de plus il est le
seul juif.
Entre 1925 et 1937, il effectue ses études à Turin, durant lesquelles il montre des qualités plus
scientifiques que littéraires.
Bien que Mussolini ait créé « le conseil supérieur pour la démocratie de la race », et
promulgué des lois raciales fascistes qui interdisaient l’instruction, l’enseignement, l’armée,
l’administration aux juifs, Primo Levi est tout de même autorisé à poursuivre ses études de
chimie. Il obtient son doctorat en chimie avec mention très bien en juillet 1941 sur lequel est
mentionné « de race juive ».
Entre 1941 et 1943, il travaille clandestinement dans une usine d’amiante, puis dans une usine
de produits chimiques à Milan.
En 1943, il intègre le parti d’action clandestin et rejoint le mouvement de résistance
antifasciste « Justice et Liberté » avec lequel il part en guerre contre la politique de Mussolini.
Le 13 décembre de cette même année, il est arrêté et fait prisonnier avec ses camarades par la
milice fasciste. Un mois plus tard, il est envoyé au camp d’internement des juifs de Fossoli
(près de Modène), où il reste deux mois, avant d’être envoyé avec 650 juifs italiens à
Auschwitz.
Au début du mois de mars 1944, il est affecté au camp de Monowitz, (à 10 km d'Auschwitz),
en Pologne, pour travailler à l'usine de caoutchouc synthétique de Buna. D'abord condamné à
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des travaux de force, il sera finalement affecté au laboratoire de chimie, fin 1944, ce qui lui
apporte de meilleures conditions de vie et de travail.
Lorsque, le 17 janvier 1945, le camp est pris d’assaut et évacué par les Allemands, Primo Levi
est à l’infirmerie (il a attrapé la scarlatine). C’est ainsi qu’il est laissé sur place, ce qui lui
permet d’être libéré par les Soviétiques, le 27 janvier 1945.
2) Le témoignage :
C’est en 1946, que Primo Levi a commencé à écrire ses souvenirs, qui lui ont permis de
concevoir son livre Si c’est un homme.
Au début, son ouvrage n’a pas eu beaucoup de succès (refus de croire l’expérience des camps)
puis il est traduit dans toutes les langues. Il fut imprimé pour la première fois en 1958 par un
éditeur italien (Enaudi). Ce n’est qu’en 1987, qu’il fut traduit en français par Martine
SCHRUOFFENEGER et édité par la maison Juliard.
La sortie de son ouvrage ne rencontre pas un franc succès, les lecteurs refusant de croire en
l’expérience des camps de concentration.
Dans l’appendice de son ouvrage, il insiste bien sur le fait qu’il se pose en tant que témoin et
non en tant que juge. Il rapporte uniquement les faits tels qu’il les a connus et subis.
3) L’analyse :
LE VOYAGE VERS LES CAMPS
1943. Primo Levi est un jeune juif italien de 24 ans. Il s’est engagé avec quelques amis dans
la résistance contre le fascisme et le nazisme. Il est arrêté le 13 décembre 1943 avec ses
camarades de la Giustizia e Libertà, par la milice fasciste. Il est d'abord interné à Fossoli, puis
en tant que juif, il sera déporté, en février 1944, à Auschwitz avec 650 autres juifs italiens.
Il raconte de façon détaillée ce long voyage qui dure 15 jours, relatant la promiscuité dans les
wagons de marchandise, la faim mais aussi la soif. Descendus du train, c'est le choc de
l’arrivée dans le camp. Les « voyageurs » sont triés par sexe, âge et état de santé général. Les
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femmes, les enfants et les vieillards partent pour les chambres à gaz. Primo Levi fait partie
des « bons pour le travail ». Il est alors envoyé dans le camp de Monowitz.
L’auteur a mis en valeur le début du phénomène de déshumanisation perpétré par les
Allemands, qui ne parlaient jamais aux prisonniers. En effet, ils « avaient l’air indifférent »
(p.22).
L’ACQUISITION D ’UN STATUT PLUS HUMAIN
La redécouverte du travail
Primo Lévi n'a pas l’impression de travailler, dans le laboratoire dans lequel il occupe
désormais ses journées. En effet, étant à l'intérieur, au chaud, avec un minimum de confort, il
est assis et se livre à des activités plus intellectuelles que les prisonniers confrontés au travail
physique et manuel de l’extérieur. Il avait perdu conscience que le travail pouvait aussi être de
cette nature : « Travailler, c'est pousser des wagons, transporter des poutres, fendre des pierres,
déblayer de la terre, employer à mains nues l'horreur du fer glacé. Tandis que moi je reste
assis toute la journée ».
Son travail nécessite comme seul outil, un cahier, un crayon, et un livre. Sa condition
d'esclave s'en trouve atténuée, dans un lieu où personne ne le bat, où il a la liberté de sortir
quand il veut. Par tout cela, il redécouvre ainsi au fur et à mesure sa vie d’homme libre, et a
bien conscience de ses avantages en comparaison avec le statut des autres prisonniers.
La possibilité d’un endroit personnel
Pour Primo Levi, l’acquisition d’un objet personnel est capitale et permet de garder de
l’espoir pour que cette nouvelle vie s’arrête aussi vite qu’elle a commencé. Il possède en effet
un « tiroir » dans lequel il peut entreposer notamment son calot et ses gants (accessoires qu’il
ne faut surtout pas perdre ou se faire voler, car les hivers sont très rudes dans le camp).
Dans le camp, aucun prisonnier n'a droit à un lieu fermé pour mettre ses affaires, et chacun
doit par conséquent sans cesse les surveiller afin d'éviter les vols. Ils doivent donc apporter
leurs affaires partout avec eux, au travail comme aux toilettes.
Primo Levi comprend ainsi son grand avantage, avec cette possibilité de lieu fermé, privatif,
qui n'appartient qu'à lui, dans lequel personne ne peut rien lui voler.
Cet élément de propriété apparaît comme essentiel dans sa nouvelle condition, comme un
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symbole de sa capacité à s'être « débrouillé » pour améliorer son statut dans le camp, et donc
dans la redécouverte de certains sentiments humains.
LE SOUVENIR DE SA CONDITION PERDUE D ’HOMME LIBRE
A mi-chemin entre l’homme et l’esclave
Dans le chapitre intitulé « Die drei Leute von Labor » (Les trois hommes du laboratoire),
Primo Levi nous parle de son recrutement au laboratoire de la Buna avec deux autres
prisonniers. Il retrace, ici, le sentiment d’être à la fois un prisonnier mais aussi un privilégié.
Par cette amélioration sociale, sa progression dans la hiérarchie du camp, Primo Lévi se
rapproche petit à petit de l'homme qu'il était avant sa déportation. Mais cette forme de "ré
humanisation" s'accompagne d'une profonde douleur morale, faite de souvenirs de cette vie
perdue. Il mesure les aspects positifs de son évolution, qui le distingue des prisonniers qui ne
se considèrent plus comme des « hommes ».
De plus, le terme « conscience » malgré son importance, n’avait plus aucun sens pour lui : il
ne réfléchissait plus en termes de bien et de mal, mais avec en terme de survie à travers le troc,
le recel d’objets pour sensiblement son existence concentrationnaire. Rodé à la vie du camp, il
maîtrise les techniques de vol et de revente, pour améliorer son ordinaire.
Ces éléments sont par ailleurs toujours présents pour lui, qui voit à cet effet un avantage non
négligeable à travailler au laboratoire : il a accès au savon et à l'essence, des produits
introuvables dans le camp et donc très prisés.
Une apparence physique inhumaine
Au laboratoire, Primo Lévi travaille avec des femmes, ce qui lui rappelle à quel point il est
éloigné du jeu de séduction. Il se sait physiquement très épuisé, comme ses collègues :
« devant les filles du laboratoire, nous nous sentons tous trois mourir de honte et de gêne.
Nous savons à quoi nous ressemblons : nous nous voyons l’un dans l’autre, il nous arrive
parfois de nous servir d’une vitre comme miroir. Nous sommes ridicules et répugnants » La
rencontre avec le monde extérieur, symbolisé par les femmes qui travaillent au laboratoire,
fait rejaillir des sentiments qu'il ne connaissait plus, notamment la honte. Entre prisonniers,
tous semblables, la honte n'existe pas. Face à des individus, des femmes, il a conscience de ne
pas pouvoir se présenter sous son meilleur jour, et cela le mine.
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LES ÉLUS ET LES DAMNÉS (chapitre 8)
Ce chapitre constitue un élément capital de l’œuvre de Primo Levi. En effet, c’est dans ce
dernier qu’il analyse la vie à l’intérieur du Lager et la nature humaine. Il constate qu’ici aussi,
comme dans n’importe quel groupe humain, ils peuvent se diviser en deux catégories : les
« élus » et les « damnés », les rescapés et les naufragés. Mais ici cette distinction est
essentielle, car il s’agit de vie ou de mort.
Les « élus » sont ceux qui arrivent à « atteindre le salut » (p.124). Concernant les « damnés »,
l’auteur fait référence à ceux qui ont péri à Auschwitz (il ne les a jamais décrit dans son récit,
il ne les a même pas nommés).
En revanche, il s’est attelé à nous décrire 4 portraits d’hommes, qui représentent les hommes
enfermés dans le sous-camp d’Auswitch :
 Schepschel (p 124 – 125) : survivant du camp. Y est resté 4 ans. Primo Levi le décrit
d’une façon à la foi neutre, mais aussi personnelle. En effet, il évoque des moments de
communication entre eux deux. Mais dès fois, il utilise le pronom personnel « on » qui
laisse supposer une certaine neutralité. Il le caractérise comme étant une personne
solide, capable de résister au pire.
 Alfred L (p 125 – 127) : Primo Levi le décrit comme un personnage chanceux grâce à
son statut social. De plus son caractère de dominateur lui permet d’avoir une place
« plus confortable » que les autres prisonniers.
 Elias LINDZIN (p 128 – 132) : Primo Levi n’a pas beaucoup apprécié cette personne
dont « le visage tout entier […] lui faisait penser à une tête de bélier ». Pour l’auteur,
ce n’est pas un personnage sympathique, et selon lui ce sont ses déficiences, qui lui on
permit de survivre au Lager.
 Henri (p 132 – 135) : d’après la description de Primo Levi, Henri est un personnage
opposé à Elias, qui inspire la piété de son entourage, ce qui lui permet de survivre au
camp. Il l’a décrit comme un jeune homme froid, calculateur et prêt à séduire des
brutes pour obtenir protections et avantages.
Aurélie METAYER (Université Paul-Valéry Montpellier III)