Le « low cost » a gagné tous les secteurs

Transcription

Le « low cost » a gagné tous les secteurs
11 JAN 12
Quotidien Paris
OJD : 94439
Surface approx. (cm²) : 828
N° de page : 12
18 RUE BARBES
92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
Page 1/3
Le « low cost » a gagné
tous les secteurs
I Les annonces de Free illustrent
comment le low cost a essaimé
dans de multiples secteurs,
obligeant les entreprises
installées à revoir leurs prix.
I Le phénomène a toutefois
conservé une image mitigée
et des entrepreneurs viennent
de créer un Club des entreprises
low cost pour la corriger.
I Le low cost favorise
le développement
de la concurrence,
mais les consommateurs
doivent être vigilants.
« Low cost »... Les puristes de la
langue française regretteront sans
doute l'anglicisme, mais l'expression
s'est imposée en France pour désigner les entreprises qui proposent
leurs biens et leurs services à des
prix souvent très bas, en rupture de
leur marché de référence. Comme
l'opérateur de téléphonie Free hier
(lire page 17).
« Le phénomène est arrivé en
France à la fin des années 1980 à
travers le secteur aérien et la grande
distribution, rappelle Philippe
DECOUVERTE3
6603780300502/XHM/OTO/1
Moati, coprésident de l'Observatoire
société et consommation. Dans
l'alimentaire, Ed avait été précurseur
en 1973, mais il a fallu attendre l'arrivée des Allemands, notamment
Liai, pour que le hard discount
prenne de l'essor. » Ce dernier a pris
aujourd'hui 14 % de parts de marché
de la grande distribution. Le phénomène a encore plus marqué les
esprits dans l'aérien depuis l'apparition dans le ciel européen de l'irlandais Ryanair en 1985, puis du
britannique Easyjet.
Depuis une grosse dizaine d'années, la vie en low cost a dépassé
le cadre du chariot de supermarché
ou celui des aéroports pour gagner
de nombreux secteurs, de l'hôtellerie à la jardinerie, du bricolage
au coiffeur, de la banque à l'automobile, de la distribution de carburant à la gymnastique... « Ces
entreprises s'inspirent des recettes
qui ont fait le succès de l'aérien,
explique Emmanuel Combe, professeur d'économie à l'université
Paris I et auteur d'un essai sur ce
créneau commercial (I). À savoir
une réflexion pour simplifier à l'extrême les produits ou les services
Eléments de recherche : EDITIONS DE LA DECOUVERTE : maison d'édition, toutes citations
11 JAN 12
Quotidien Paris
OJD : 94439
Surface approx. (cm²) : 828
N° de page : 12
18 RUE BARBES
92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
Page 2/3
Bricoman, chaîne de magasins de bricolage à prix discount. Le « low cost » s'est étendu de l'aérien et l'alimentaire à la coiffure, au jardin...
proposés, et vendre le reste en option .. »
L'économiste met en garde contre
une idée reçue : ce n'est pas parce
qu'un produit n'est pas cher qu'il
est forcément low cost « Le producteur d'articles ou de services low cost
a trouvé la manière très simple de
les concevoir afin de baisser ses coûts.
Souvent, il les propose donc moins
cher Le low cost est une innovation •
on repense le produit et la manière
de le fabriquer, la "chaîne de valeur".
On tente, et ce n'est pas si facile, de
déterminer ce qui est essentiel à proposer et ce qui ne l'est pas »
À chacun ses secrets pour optimiser la chaîne de valeur Ainsi les
pare-brise de la Logan, créée par
Dacia, filiale à bas coût de Renault,
sont-ils dessinés avec une courbure
moins prononcée que ceux d'autres
véhicules. Ils sont donc plus simples
et moins chers à produire « De
DECOUVERTE3
6603780300502/XHM/OTO/1
même, la standardisation est poussée à l'extrême, précise Emmanuel
Combe Vous n'avez qu'un minimum
définitions différentes pour chaque
niveau de gamme. Pour une voiture
allemande de moyenne gamme, il
en existe des dizaines possibles »
« On tente, et
ce n'est pas si facile,
de déterminer ce qui
est essentiel à proposer
et ce qui ne l'est pas. »
De même, dans le hard discount,
un petit nombre de produits référencés dans les magasins entraîne des
volumes de commande importants,
d'où un pouvoir de négociation accru
L'aérien a également ses propres receltes : des rotations très rapides, des
correspondances non garanties, des
sièges plus nombreux, des aéroports
souvent secondaires...
Inventer un modèle économique
est essentiel pour réussir son entrée
dans le low cost La chaîne Formule I
(groupe Accor), pionnière de l'hôtellerie, a bouleversé le rôle des
consommateurs qui ont appris à
s'enregistrer par eux-mêmes. Dans
le domaine de la coiffure, la réussite
des salons Tchip est aussi basée sur
des ruptures avec le marché traditionnel « Cette chaîne illustre en
quelque sorte le taylorisme appliqué
a la coiffure avec des coupes quasi
précataloguées Onsesertd'unprocess
industriel et on l'applique a un secteur
artisanal », dit Emmanuel Combe
Rien ne semble échapper au low cost •
agences immobilières basées au domicile des gérants, cabinets d'avocats
ou d'experts-comptables...
« II suffit parfois de proposer un
noyau de services simples et de s'y
Eléments de recherche : EDITIONS DE LA DECOUVERTE : maison d'édition, toutes citations
tenir exclusivement pour réduire les
coûts », dit Pascal Pern Cet économiste, spécialiste des questions de
prix, vient de fonder avec l'entrepreneur Jean-Paul Tréguer un Club des
entreprises low cost « C'est un coup
de gueule économique, disent-ils.
Nous en avons assez que l'on nous
caricature, qu'on nous assimile a des
voyous du social, alors que nous
sommes fondamentalement des innovateurs économiques qui veulent
casser un modèle pour être moins
chers et plus efficaces » Une allusion
au tort supposé que le patron iconoclaste de RyanAir, Michael O'Leary,
ferait en raison de ses provocations
verbales et des polémiques sur sa
politique sociale
«llya sept ans, j'ai décidé d'assumer l'expression de "low co?*" -"••l'accoler à mon entreprise,
11 JAN 12
Quotidien Paris
OJD : 94439
Surface approx. (cm²) : 828
N° de page : 12
18 RUE BARBES
92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
Page 3/3
dit Jean-Paul Tréguer, créateur de l'agence de publicité TVlowcost. L'expression sentait alors le
souffre... » Et elle souffre encore
souvent d'une image peu qualitative. Les responsables de ce club
veulent convaincre de tous les potentiels de ce marché en termes
d'éthique, de qualité, de création
d'emplois et de pouvoir d'achat
« rendu » aux Français. « Nous
sommes des casseurs de monopole »,
insistent Pascal Perri et Jean-Paul
Tréguer, qui estiment que cette pratique a rompu avec la politique du
« packaging » qui oblige les consommateurs à payer des services dont
ils n'ont pas besoin.
« Les grands gagnants
du low cost
sont moins ses clients
que ceux des
opérateurs historiques,
notamment
dans l'aérien
et la téléphonie. »
De fait, Emmanuel Combe estime que le low cost est « le plus
grand événement concurrentiel
depuis trente ans : il a remis en
cause les rentes des entreprises installées, les a obligées à réinventer
leur marché, parfois à lancer ellesmêmes des filiales low cost. Au point
même que, parfois, les grands gagnants du low cost sont moins ses
clients que ceux des opérateurs historiques, notamment dans l'aérien
et la téléphonie. »
DECOUVERTE3
6603780300502/XHM/OTO/1
Le spécialiste de la concurrence
appelle cependant à la vigilance
du consommateur. « Dans des services comme les assurances ou les
banques, il faudrait faire cocher
aux consommateurs autant les
prestations qu'ils veulent que celles
qu'ils refusent», dit-il, estimant
que ces derniers doivent se rendre
compte exactement des services
qui leur sont proposés.
Les entreprises low cost font en
tout cas souvent mieux que les sociétés installées en ce qui concerne
la rentabilité. La compagnie aérienne la plus rentable au monde
est américaine, Southwest Airlines,
pionnière du low cost depuis les
années 1970. La Logan, elle, est
sans doute la voiture qui offre à
Renault ses plus grandes marges...
« En dehors de l'aérien ou de l'alimentation, le low cost a vocation
à gagner tous les secteurs mais à y
rester un marché de niche, commente Emmanuel Combe. Certains
consommateurs vont consommer
low cost dans des secteurs où ils ne
mettent pas d'affect, où leur statut
social n'est pas en cause. C'est le cas
dans le court et moyen courrier
aérien. Mais les mêmes consommateurs vont se tourner vers les marchés traditionnels pour le reste. »
On peut ainsi se fournir en produits
de base dans le hard discount, préférer de grandes marques pour des
mets plus prestigieux et rouler en
voiture de luxe...
MICHEL WAINTROP
[I] Le Low Cost Éd. La Découverte,
coll. « Repères », 2011.
Eléments de recherche : EDITIONS DE LA DECOUVERTE : maison d'édition, toutes citations