Les exigences liées à la nouvelle Loi fédérale sur les placements
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Les exigences liées à la nouvelle Loi fédérale sur les placements
PAGE 16. INDICES | | Septembre 2012 | Gestion indépendante Les exigences liées à la nouvelle Loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux La révision de la LPCC va occasionner des contraintes réglementaires pour les fonds de placement traditionnels et alternatifs. RUTGER VAN DER KROON Director Business Development, TMF group A l’heure actuelle, les gestionnaires de fortune ne sont pas tenus d’obtenir une autorisation de la FINMA pour la gestion d’un fonds offshore (cette autorisation est requise pour la gestion d’un fonds suisse). Une adhésion ou un enregistrement auprès de l’un des organismes d’autorégulation (OAR) est requis pour être en conformité avec la réglementation suisse de lutte contre le blanchiment d’argent. LES ACTIVITÉS des gestionnaires suisses doivent se limiter strictement à la gestion d’actifs, l’administration d’un fonds offshore ne peut pas être effectuée depuis la Suisse et la majorité des membres du Conseil d’administration d’un fonds offshore doivent être domiciliés hors de Suisse. Selon la réglementation actuelle, il est interdit d’offrir au public des actions dans un fonds offshore, sauf si ce fonds est enregistré auprès de la FINMA. La distribution des actions de tout fonds offshore est soumise aux règles suisses sur les placements privés. Ces règles sont basées sur le concept d’investisseurs qualifiés, qui sont: entités réglementées, corporations et fonds de pension, «particuliers à valeur nette élevée» et gestionnaires d’actifs indépendants gérant des comptes clients. Le 21 juillet 2011 (20 jours après la publication dans le Journal officiel de l’Union européenne) est entrée en vigueur la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM). En conséquence, les États membres de l’UE doivent incorporer la directive AIFM dans leur législation locale d’ici juillet 2013. LA DISTRIBUTION DES ACTIONS DE TOUT FONDS OFFSHORE SERA SOUMISE À LA RÉGLEMENTATION SUISSE SUR LES PLACEMENTS PRIVÉS. LA DIRECTIVE AIFM va imposer de nouvelles exigences aux gestionnaires extérieurs à l’Union européenne cherchant à commercialiser des produits alternatifs auprès d’investisseurs sophistiqués et professionnels au sein de l’UE. Ainsi, cette directive aura des conséquences sur les activités des gestionnaires d’actifs suisses gérant un fonds domicilié à l’intérieur de l’UE ou un fonds domicilié hors de l’UE (un fonds offshore) mais qui y sera distribué. Selon la directive AIFM, la législation locale applicable aux gestionnaires suisses, soit la Loi fédérale suisse sur les placements collectifs de capitaux (LPCC), doit être en accord avec la directive AIFM et doit donc être amendée. D’autres arguments avancés pour l’amendement de la Loi fédérale suisse sur les placements collectifs de capitaux sont le renforcement des exigences réglementaires concernant la gestion, la garde et la distribution de placements collectifs de capitaux étrangers en Suisse, l’amélioration de la protection des investisseurs et la garantie de l’accès au marché de l’UE. Quels seront les principaux changements pour les gestionnaires indépendants? Bien que le texte de la LPCC amendée n’ait pas encore été finalisé (au moment de la rédaction de cet article), les principaux changements pour les gérants suisses apportés par les amendements de cette loi peuvent être résumés comme suit: z L’obligation de s’enregistrer auprès de la FINMA: tous les gestionnaires d’actifs suisses gérant des fonds offshore devront demander une autorisation délivrée par la FINMA. Les gestionnaires d’actifs de moindre envergure s’occupant d’actifs correspondant à un total maximal de 100 millions de francs pourront éventuellement être exemptés de l’obtention de cette autorisation; z Les gestionnaires d’actifs suisses ne pourront gérer les actifs de fonds offshore que si ces derniers sont basés dans une juridiction ayant conclu un accord de coopération et d’échange d’informations avec la FINMA; z La distribution des actions de tout fonds offshore sera soumise à la nomination d’un représentant légal suisse réglementé. Il va sans dire que les amendements de la LPCC auront un impact sur les activités des gestionnaires d’actifs suisses. Les changements proposés entraîneront certainement une augmentation des coûts pour les gestionnaires. Bien que le texte de la Loi révisée n’ait pas été finalisé, il est recommandé de consulter un conseiller juridique suisse pour en évaluer l’impact et se préparer à ces changements à venir. Révision de la LPCC: la fin du bricolage Le temps des structures de gestion de fonds de placement pro forma avec des coquilles vides sera bientôt révolu. ALESSANDRO PELIZZON Directeur général adjoint chez Compagnie Privée de Conseils et d’Investissements SA L a chasse est ouverte pour les structures de gestion de fonds de placement pro forma, ayant des coquilles vides ou autres boîtes aux lettres dans leur organisation. Un nombre grandissant de pays dans le monde a – ou aura sous peu – dans sa législation des dispositions explicites qui augmentent sensiblement les exigences pour que la réalité corresponde mieux à la forme décrite sur papier. Et les autorités respectives font de plus en plus savoir qu’elles entendent faire appliquer ces dispositions en matière de substance. LE BUT PRINCIPAL de la révision de la LPCC est de combler certaines lacunes réglementaires: les exigences au niveau international vont être renforcées, notamment par le biais de la directive AIFM (AIFMD) relative aux gestionnaires de fonds dits alternatifs adoptée par l’Union européenne en 2011, qui règle la garde et la distribution de placements collectifs et soumet à une surveillance tous les gestionnaires de placements collectifs qui ne sont pas déjà soumis à la directive OPCVM (ou UCITS en anglais). La particularité de l’AIFMD par rapport à la directive OPCVM est de se focaliser sur le gestion- naire ou manager du fonds et non sur le fonds lui-même. Selon l’AIFMD le gestionnaire ne pourra pas être une boîte aux lettres qui délègue tout mais devra réellement être l’entité au sein de laquelle se prennent les décisions d’investissement et se fait la gestion du risque. A noter que sous le régime OPCVM le gestionnaire ne peut pas être une boîte aux lettres non plus. A partir de mi-2013, l’administration des produits couverts par l’AIFMD ne pourra être déléguée qu’à des gestionnaires dans des pays tiers hors Union européenne qui sont soumis à une surveillance équivalente. L’autorité de surveillance du gestionnaire mandant devra en outre coopérer avec l’autorité de surveillance du gestionnaire auquel l’administration est déléguée. A partir de mi-2013, l’activité des gestionnaires suisses en matière de placements collectifs européens serait donc plus difficile, voire impossible, sans une révision de la LPCC. Dans sa Communication 33 (FINMA-Mitteilung 33 (2012), 17 janvier 2012), la FINMA écrit: «Il est dès lors particulièrement important que la délégation de tâches à des tiers n’entrave pas le respect des obligations prudentielles. A cet égard, il convient tout particulièrement d’éviter que le titulaire d’autorisation devienne une coquille vide en raison de l’importance de la délégation, et qu’en conséquence il ne soit plus en mesure de respecter les devoirs qui lui incombent. […] En outre, les décisions en matière de placement peuvent être déléguées uniquement à des gestionnaires de fortune soumis à une surveillance reconnue.» La FINMA demande aux autorités étrangères des garanties que les structures en place à l’étranger qui ont des liens avec la Suisse aient une substance en ligne avec les normes suisses. La CSSF (Commission de Surveillance du Secteur Financier) au Luxembourg est également LES DÉCISIONS DE PLACEMENT PEUVENT ÊTRE DÉLÉGUÉES UNIQUEMENT À DES GÉRANTS DE FORTUNE SOUMIS À UNE SURVEILLANCE RECONNUE. en train d’augmenter fortement ses exigences en matière de substance et tout le monde suit. Malte et Chypre, par exemple, devront se mettre à niveau. D’autant plus qu’en 2018 ce sera la fin des règles nationales sur le placement privé dans l’UE, autrement dit il y aura les mêmes règles dans tous les pays de l’Union européenne. LE LIECHTENSTEIN, en tant que membre de l’EEE (Espace économique européen), est également concerné par cette convergence et les sociétés «boîte aux lettres» y sont d’ailleurs explicitement interdites en lien avec l’AIFMD. Les diverses autorités directement concernées par l’AIFMD ont déjà annoncé qu’elles seront LE GESTIONNAIRE NE POURRA PLUS ÊTRE UNE SIMPLE BOÎTE AUX LETTRES. IL DEVRA ÊTRE L’ENTITÉ OÙ SE PRENNENT LES DÉCISIONS D’INVESTISSEMENT. vigilantes en ce qui concerne les structures où les mêmes personnes apparaissent partout, par exemple dans le conseil d’administration du fonds, chez le gestionnaire et chez l’éventuel conseiller (ou «advisor») du fonds. L’AIFMD a des répercussions indirectes dans le monde entier. Et les exigences croissantes des législations dans les grands centres financiers vont continuer à pousser les acteurs du secteur à se regrouper et augmenter leurs ressources en personnel à l’interne, que ce soit directement en lien avec des exigences en matière de substance, ou indirectement pour répondre à un cadre réglementaire général toujours plus contraignant.