jacques boyvin - Orgues

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jacques boyvin - Orgues
JACQUES BOYVIN
ORGANISTE ROUENNAIS
ORGANISTE FRANÇAIS
(toujours pour l'orgue), avec une qualité que
nous tenterons d'analyser dans le cadre de ce
travail mais qui, avouons-le dès maintenant,
ne pâlit aucunement devant celle des deux
géants. Sur le nombre d ' organistes prestigieux
restant dans 1 ' ombre aujourd'hui (il partage ce
ghetto avec des gens aussi remarquables que
Guilain et Louis Couperin notamment), il
nous a paru tenir une place importante en
raison de l'abondance de son oeuvre comme
de sa fonction stratégiquement intéressante de
musicien de province.
L'essentiel des renseignements dont nous
disposons à son sujet, aujourd'hui, se trouve
dans un ouvrage paru en 1894, sous la plume
de l'abbé Collette et du chanoine Bourdon,
s'intitulant : Notice historique sur les orgues et
les organistes de la cathédrale de Rouen (2) ;
il s'agit d'un opuscule à tirage limité, épuisé
depuis fort longtemps; on ne le trouve plus que
dans certaines bibliothèques ou archives
(Archives régionales de Haute-Normandie,
Bibliothèque Nationale...) ou chez quelques
particuliers : il représente pourtant le fruit
d'une recherche proprement monumentale dans
la collection G du fond rouennais, alliant la
Parler d'un compositeur français baroque en 1991, surtout lorsqu'il s'agit, comme
c'est le cas pour Jacques Boyvin, d'un organiste, relève encore de la gageure, et ce en
dépit des immenses efforts accomplis depuis la
fin du XIXème siècle avec le début des parutions
de Guilmant et Pirro, par des générations de
musicologues.
Deux raisons expliquent en partie cette
carence d'information précise sur les individus : d'une part les archives constituent un
fond immense souvent très éparpillé; d'autre
part, jusqu'à présent, l'accent a été plutôt mis
sur l'oeuvre au détriment des individus.
C'est un choix logique. On ne peut sensibiliser le public, y compris celui de la recherche, par des vies, si celles-ci ne sont reliées à
des écrits, des sons susceptibles d'intéresser
nos oreilles.
Le cas Jacques Boyvin est celui d'un
compositeur encore fort peu connu. Ses deux
livres d ' orgue, publiés respectivement en 1690
et 1700 (1), représentent pourtant un total de
121 pièces, chiffre enviable pour l'époque,
surtout si on le compare aux 42 oeuvres d'un
François Couperin ou aux 43 d'un Grigny
(1) Le Premier Livre paraît chez «Mr de Baussend rue Simon Le Franc». Il sera repris par Christophe Ballard en 1700, en
même temps que l'impression du Second Livre et du Traité d'Accompagnement parle «seul imprimeur de la musique du Roy»
(2) Notice historique sur les orgues et les organistes de la cathédrale de Rouen. Rouen, impr. Cagniard 1894. Archives
départementales de Rouen, BHR 63.
5
finesse de l'observation à la persévérance du
paléographe et la rigueur de l'historien; il n'y
manque que l'indication des sources.
Toutefois, d'après les vérifications «de
visu» effectuées sur le terrain, cette lacune ne
dissimule aucune erreur. De tels livres ont
fondé la musicologie moderne, en toute modestie, et mériteraient une réédition, au même
titre que certains écrits considérés comme plus
intéressants parce que «d'époque».
Toutes les publications ultérieures sur la
vie rouennaise de Jacques Boyvin se réfèrent à
cette étude. On en trouvera la liste dans la
notice biographique, en fin de travail. Les
origines parisiennes de notre rouennais d'adoption furent, elles, mises en valeur par Pierre
Hardouin en deux étapes, respectivement en
1955 et 1966 (3)et (4).
En ce qui concerne l'oeuvre, les références dont nous disposons au niveau discographique s'avèrent proportionnellement plus
maigres encore. Nous n'avons trouvé aucune
parution intégrale, ce à quoi on pouvait hélas
s'attendre, mais en outre un déséquilibre flagrant semblant révéler une préférence des
interprètes pour le Premier Livre.
Mieux encore, en l'année 1989, comme
en 1990, rien n ' a été fait à Rouen pour célébrer
le tricentenaire, d'abord de la restauration par
Clicquot du grand-orgue de la cathédrale (1689),
ensuite de la parution à Paris du premier livre
de Boyvin (janvier 1690)... Nul n ' est prophète
en son pays!
Nous avons évoqué le double aspect provincial et parisien de Jacques Boyvin; celui-ci
termine une longue période de mouvements de
Paris vers Rouen. Avec lui, l'école rouennaise
va atteindre son apogée et les disciples du
grand maître (à l'instar de ceux de Titelouze)
vont aller rayonner dans toute l'Ile de France.
LA VIE DE
JACQUES BOYVIN
LA JEUNESSE
On doit à Pierre Hardouin d'avoir définitivement tranché la question des origines de
Boyvin, et ce, en deux étapes; en 1957 (3),
grâce à la mise à jour du contrat de mariage de
Gabriel Boyvin, frère de Jacques, l'origine
parisienne de la famille se trouve avérée de
façon certaine :
Est-il parent de Paul Boyvin, organiste
de Sainte-Geneviève des Ardents, époux de
Catherine Guyard dont naissent à Paris Nicolas (21 sept. 1627) et Marie (11 mars 1629)
filleul de Gilles Fouquet l'organiste ? Ce n 'est
pas encore sûr, car les Boyvin sont nombreux.
Mais nous le trouvons avec certitude aux
Quinze-vingts, l'hôpital des aveugles, où s'est
retiré Simon Boyvin son père après avoir
perdu la vue. (...) Tous deux (Jacques et
Gabriel) ont appris à jouer de l'orgue, et
(3) Pierre Hardouin, Quatre Parisiens d'origine : Nivers, Gigault, Jullien, Boyvin, Revue de musicologie, Juillet 1957, page
77; Bibliothèque nationale Per 36.
(4) Idem, La jeunesse de Boyvin, Revue de musicologie, 1966, n°2, pages 208-10; Bibliothèque nationale Per 36.
6
/ 'aîné, Jacques, est déjà titulaire de l'orgue de
la cathédrale de Rouen, quand le cadet se
marie, le 26 septembre 1680, avec une jeune
veuve, Anne Barthélémy. Le contrat stipule,
parmi les modestes avoirs du futur, 25 livres de
rentes, moitié de 50 L. venant de ses parents,
l'autre moitié appartenant comme de juste à
Jacques Boyvin, son frère, organiste de la
cathédrale de Rouen.
En 1966 (5), ayant pu consulter les
archives des Quinze-vingts, voici ce qu'en
extrait Pierre Hardouin :
Le père de Jacques et Gabriel, Simon
Boyvin, fils d'un taillandier de la rue St
Honoré, semble avoir été aveugle de naissance ou de la première enfance. Il fut admis
à l'âge de douze ans, le 29 VI 1606, à
l'infirmerie de Quinze-vingts (6). Hardouin
remarque la proximité de l'hospice (on se
déplace peu à l'époque), puis il évoque l'ambiance toute musicale ainsi que de bonnes
moeurs, pour nous décrire la vie presque
exemplaire de simplicité de Simon Boyvin.
Celui-ci ne recourut que tardivement au mariage si indispensable à ces infirmes. En 1646,
à 50 ans, il épouse Barbe Lezier (ou Ledain),
28 ans. Et de décrire la vie tout autant exem-
plaire de la jeune femme (7).
Venons en aux deux fils : L'aîné Jacques
n'est pas né comme on le supposait en 1653
(8): il n'est pas majeur en 1674 puisque ses
gages sont alors payés à son père, mais il ne
peut avoir moins de 14 ans quand on le prend
comme organiste. Il serait donc né en 1649. Le
cadet Gabriel, majeur en 1680 pour se marier,
l'était déjà en 1678, ce qui le fait naître peu
avant 1653 (9).
Ensuite, la biographie des deux frères
reste liée pendant toute l'enfance avec des
études communes aux Quinze-vingts. Simplement, Jacques se signale par son accession au
poste d'organiste en 1663 (10). Une petite
imprécision nous empêche de savoir si, à cette
époque, le jeune prodige avait étudié l'orgue
pendant quatre ans (son prédécesseur, Ger-
(5) Idem.
(6) Quinze-Vingts : 5865 (Note de Hardouin).
(7) Simon Boyvin ne peut pas avoir eu douze ans en 1606 et cinquante en 1646. L'âge est donc erronné pour l'une ou l'autre
date.
(8) L'acte de décès porte en effet la mention : «âgé de cinquante trois ans ou environ», et date du 1er juillet 1706. Archives
Départementales, Rouen, G 9848.
(9) Nous n'avons trouvé nulle trace du versement des gages de Jacques Boyvin à son père. Au contraire, nous disposons de ses
quittances dès 1674 (Archives Départementales, Rouen, G 2731), et à aucun moment les délibérations capitulaires ne font état
du père de l'organiste.
(10) Quinze-Vingts : 6262 (Note de Hardouin).
7
main Larivière, n'était pas resté plus longtemps) ou s'il avait commencé le travail avec
Jacques Laudet, organiste voyant, en poste de
1630 à 1659.
Les 48 livres de gages annuels, plus 48
sols pour les saluts sont versés trimestriellement, puis mensuellement, à son père. L'entretien de l'orgue est confié d'abord à Pierre
Cauchois, puis à Pierre Desenclos. Ce nom ne
doit pas rester à l'écart de nos investigations,
puisque Desenclos restaure en 1663 l'orgue de
la cathédrale de Rouen, en compagnie d'Alexandre Thierry. C 'est cet instrument que touchera
Jacques Boyvin dès 1674.
L'adolescence de Boyvin se poursuit à
l'orgue des Quinze-vingts. Sur la formation
qu'il a reçue durant les onze années suivant sa
première nomination, les archives sont muettes. Pierre Hardouin évoque l'influence possible de Cambert, de Saint-Honoré, Richard de
Saint-Jacques, Lebègue de Saint-Merry, peutêtre de Raquet de Notre-Dame (ce qui paraît
d'autant plus possible que celui-ci prête un
petit positif aux Quinze-vingts lors de la restauration de l'orgue en 1672 (11), enfin de
Michel Delaguerre à la Sainte-Chapelle, où le
père de Boyvin était quêteur (fonction qu'il
cumulait avec le règlage de l'horloge de l'institution).
En ce qui concerne le frère cadet, Gabriel, on suppose qu'il dut suivre les traces de
son frère. Pourtant, lorsque Jacques Part à
Rouen, ce n'est pas à lui que l'on s'adresse
pour la succession : Peut-être le maître de
(11) Idem : 6263 (Idem).
(12) Idem : 5871 (Idem).
(13) Idem : 6267 (Idem).
Jacques était-il Delaguerre, car c 'est un fils de
celui-ci, Marin, encore un enfant (né en 1658)
qui prend la place. Il y restera à peine un an.
La place est en effet mal rémunérée. Il n'est
que de comparer les 48 livres et 48 sols versés
à Jacques Boyvin chaque années aux 400 livres
de François Couperin à saint-Gervais, auxquelles s'ajoute naturellement le casuel. Le
poste d'organiste des Qinze-vingts ne saurait
être valable à cette époque que pour un frère
aveugle arrondissant ainsi ses fins de mois.
Aussi ne compte-t-on pas moins de trois organistes en trois ans et demi entre Jacques et
Gabriel Boyvin. Ce dernier entre en fonction
en janvier 1678 (12) : Il restera sans s'en faire
gloire (il ne le signale pas dans son acte de
mariage), l'organiste des Quinze-vingts jusqu'en 1687. Il cède alors la place, on ne sait
pourquoi, à Nicolas Aury (13). Il ne nous reste
aucune trace connue de son activité postérieure.
Avant de refermer ce «livret de famille»,
on nous permettra d'attirer l'attention sur le
fait que le Père de Boyvin était fils de taillandier. Or, il n'est que d'ouvrir un certain
nombre de livres de musique française parus
durant la fin du XVIIèmc siècle ou la première
moitié du XVIIIème; on y trouve régulièrement
cette inscription, à l'emplacement réservé aux
adresses où l'on peut se procurer l'imprimé :
Chez Boyvin, à la règle d'or, rue St Honoré.
Cette «règle d'or» évoque bien sûr l'un des
instruments les plus importants pour un
tailleur, celui qui permet le tracé des futures
découpes. Elle nous révèle également que,
pendant deux bons tiers de siècle, cette simple
boutique fut aussi un petit centre musical,
puisque, de Boyvin à Jean-Philippe Rameau,
en passant par Corrette et bien d'autres, de
grands noms l'ont honoré de leurs dépôts et
des bénéfices s'y rapportant...
che de Paris, fait de cette très grande ville un
satellite culturel de la capitale. Ensuite, sa
puissance financière : en pleine recession
économique, le grand orgue sera toujours
régulièrement visité par des facteurs et Jacques Boyvin, à partir de sa nomination, exception faite de la période de restauration, n'aura
jamais à se plaindre de son instrument, ce qui
à Rouen, mérite d'être souligné. Et puis le
salaire (400 livres) est ajusté au niveau parisien (Couperin perçoit le même à St Gervais).
Enfin, le prestige de succéder, après quelques
musiciens médiocres, au virtuose incomparable, tant du clavier que de l'écriture musicale
et littéraire que fut Jehan Titelouze au début du
siècle permet à un organiste vraiment talentueux de s'assurer un renom dans tout le
royaume.
LE CONCOURS
A LA CATHEDRALE
DE ROUEN
Pierre Hardouin écrit que Boyvin avait
été recommandé par Lebègue (14). Nous
n ' avons trouvé aucun élément confirmant cette
information.
Un poste de prestige
Au XVIIème siècle, le principe de la nomination d'un organiste sur concours est déjà
une tradition ancienne. A la cathédrale de
Rouen, le plus illustre devancier de Jacques
Boyvin, Jehan Titelouze, n'avait été nommé
qu ' après s ' être affranchi de ce qui, pour lui, ne
dut sembler qu'une formalité. Il est vrai qu'un
poste aussi prestigieux ne pouvait être offert à
n'importe qui.
Un conflit sous-jacent ?
Le seul adversaire que semble avoir rencontré le jeune homme est un nommé Mareschal. Voici ce que Fétis dit de celui-ci (15):
Boyvin (Jacques), organiste de l'église cathédrale de Rouen, obtint cette position en 1674,
après un concours où il trouva un rival redoutable dans un organiste nommé Maréchal.
Voici également, de la même époque, les
allusions qu'en fait Jules Cariez dans sa notice
D'abord, la situation géographique pro-
(14) In Connaissance de l'Orgue n° 43-44. Le Grand orgue de la cathédrale de Rouen, page 33,1982. Archives Départementales de Rouen : BHR 406/10.
(15) Fétis, Biographie des Musiciens : vol.2 (Boi.Der), page 50. Bibliothèque de Rouen i 3150 (c).
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sur quelques musiciens Rouennais (16) : Deux
concurrents se distinguèrent surtout dans cette
lutte: un nommé Maréchal, organiste très
habile, et un artiste du nom de Jacques Boyvin. Ils firent d'abord assaut de virtuosité sur
l'orgue, dont chacun d'eux aspirait à devenir
titulaire, après quoi le jury s'étant transporté
dans la bibliothèque du chapitre, les concurrents se donnèrent réciproquement un sujet de
fugue à traiter, sans le secours d'aucun instrument.
sieurs organistes de la même famille comptaient encore parmi les musiciens renommés
de Rouen. Nous lisons en effet dans Le confiteor de l'infidèle voyageur, par feu Georges
Martin, publié en cette année : Il y a encore de
sçavants organistes messieurs les mareschaux,
Le Grain, Yart, Roussel, Boisvin, Minorville,
Noël, L'Enfant, etc...
On remarquera le pluriel les Mareschaux qui confirme l'hypothèse d'une généalogie. En tout cas, le chapitre ne sut départager
le 20 Juillet 1674 (18), lequel des deux candidats avait le plus brillé.
Nous ne relèverons pas ici les nombreuses fautes ou imprécisions de ces deux textes
aux évidentes qualités littéraires. Qu'il nous
Comme si cela ne suffisait pas à nous
soit toutefois permis de douter de la réelle
valeur de ce Maréchal qui ne nous a laissé surprendre, ce même chapitre décide huit
jours plus tard de faire composer les candidats,
aucune pièce d'orgue.
ce qui était fréquent, bien que l'on associât en
Par ailleurs, il paraît probable qu'il ait général les deux épreuves à une même date. Ce
appartenu à une dynastie de musiciens rouen- sont des parisiens qui jugeront les composinais des XVIIè-XVIIIème siècles. Pirro en cite tions: Pierre Robert, Henry Dumont et Barré.
pour sa part plusieurs (17): En 1645 un Une question se pose: Pourquoi va t-on cherMares-chal s'était déjà présenté à l'orgue de cher des musiciens certes de renom, à Paris
la cathédrale, après la mort de Jacques alors que Rouen en regorge, à telle enseigne
Lefeb-vre, mais il avait été écarté et François que Marcel Degrutère (19) cite cette anecdote
de Minorville avait eu la préférence. En de Claude Noisette de Crauzat: A Caen, vers
1649, Pierre le Mareschal était nommé 1660, l'attribution d'un prix de composition
organiste de St Maclou, après la mort de est discutée. Les candidats malchanceux déMallet. Un musicien du même nom tenait fient alors le vainqueur de composer sur un
l'orgue de St Nicolas : il mourut en 1650. sujet de Paris ou de Rouen.
En 1680, plu(16) Jules Cariez, Notice sur quelques musiciens rouennais (Boyvin, Broche, Exaudet, Chapelle, etc.). Caen, F. Le Blanc Hardel, éditeurs, 1885. Bibliothèque Nationale : Vmc 328.
(17) Tome VI des Archives des Maîtres de l'Orgue, Jacques Boyvin, Paris, A. Durand et Fils, éditeurs, 1905. Bibliothèque
Nationale Mon 22 G.
(18) Archives Départementales de Rouen, délibérations capitulaires de la cathédrale : G 9843.
(19) Marcel Degrutère, In L'Orgue à Rouen aux XVlIè et XVIIlè siècles. Etude historique et organologique.
10
On nous permetra ici une hypothèse,
évidemment gratuite, car ce genre de situation
ne laisse presque jamais de trace dans l'histoire officielle. Jacques Boyvin, musicien
parisien, peut-être recommandé par des parisiens, vient s'immiscer dans un millieu provincial très fermé: le coeur des normands si
difficile à conquérir pour les «étrangers» a
souvent été décrillé. Contre ce jeune prodige,
qui vit à la pointe du «progrés musical» de la
nouvelle génération, «parachuté» des sphères
centralistes de la capitale, les musiciens rouennais se liguent, et proposent leur «champion»:
Mareschal.
Boyvin est certainement soutenu par le
chapitre qui a accepté sans hésiter sa candidature. Dans cette joute où aucun parti ne veut
entendre raison, chacun soutient son favori et
après l'audition, force est de recourir à l'avis
d'arbitres impartiaux et évidemment parisiens,
puisque tous reconnaissent leur suprématie.
Si cette hypothèse paraît mal étayée, elle
a du moins le double mérite de s'appuyer sur
un comportement fréquent (que l'on songe, à
une autre échelle, au duel entre Bach et Marchand) et de ne rencontrer aucune contradiction dans les éléments dont nous disposons et
que nous livrons à présent.
Déroulement chronologique
Le vendredi 25 Juillet 1674 (18), les
chanoines responsables de la nomination du
titulaire sont priez de faire donner les clefs de
l'orgue aux organistes qui prétendent à la
condission de le touché et de faire advertir
les Srs Mareschal et Boivin organistes de venir
ce jourd'hui le touché après l'office et de leur
ordonné (de se donner) un subject de composition (...).
Le lundi 28 Juillet 1674 (18) les mêmes
chanoines sont priés de donner jour et heure
aux dits Srs le mareschal et boivin et se trouver
dans la bibliothèque pour se donner l'un à
l'autre un subject de composition affin de
travailler en présence des dits sieurs chanoines à la ditte composition dans laditte bibliothèque. Pour icelle composition faitte sans y
mettre leurs noms esté cachetée du sceau du
chapitre et envoyé à Monsr Robert mtre de la
musique du roy auquel il sera offert de la part
du chapitre pour le prié de donner son sentiment sur l'une et l'autre composition, de
laquelle composition sera gardée le double
souscript des sieurs Lemareschal et Boivin, et
des sieurs chanoines et cascheté du Sceau du
chapitre.
Le 1er Août 1674 (18), nouvelle décision capitulaire par laquelle deux responsables
(messieurs Charles (?) et DeLaRoque) enverront les compositions a tel maistre de musique
qu 'il leur plaira, pour y donner leur sentiment
pour ce faict et estre délibéré par la compagnie.
Le vendredi 3 Août 1674 (18), confor11
mément à la réunion du mercredi précédent il
a esté dit que les sr Mareschal et boivin
composerons ce jourd'huy après midy dans la
bibliothèque sans instrument pour ce faict esté
executé le surplus de ladiite ordonnance donnée au subject de laditte composition.
Le 14 Août 1674 (18), Mareschal est
autorisé de touscher lorgue de cette église ce
jourd'huy a vespre et demain à tout l'office.
On le voit, la cathédrale vit toujours sans
organiste, et Boyvin étant sans doute reparti à
Paris où il attend le résultat, son concurrent
occupe le terrain; peut-être espère t-il ainsi
faire pencher la balance en sa faveur! Mais
continuons notre lecture:
Le jeudi 16 Août (18), il est précisé que
l'on examinera le problème de la nomination
de l'organiste le lendemain. On peut donc
supposer que l'avis des experts parisiens venait d'arriver.
Il aura fallu au total 29 jours entre 1 '
épreuve d ' exécution et le résultat définitif du
concours, le changement des experts locaux
(puisque les chanoines sont remplacés par
messieurs Charles (?) et DeLaRoque) et celui
des expert parisiens (Robert remplacé par
Dumon et Barré) ; Un record pour 1 ' époque où,
si les préliminaires sont souvent longs, les
nominations ne se font jamais attendre.
Au delà de la simple importance du poste
en jeu, nous croyons discerner dans cette
situation des éléments conflictuels, éléments
qui viennent renforcer notre hypothèse de
rivalité et peut être tout simplement de
jalousie à l'égard du nouveau venu. En tout
cas la lecture des dates vient démentir ce
que l'on trouve dans presque tous les articles
sur Jacques Boyvin: Le concours a duré bien
plus de sept jours et ne fut pas seulement
brillant mais certainement tendu. Si
Mareschal était un «rival redoutable (15)», ce
n'était peut-être pas sur un plan purement
musical.
Le vendredi 17 Août (18), lecture faitte
de la lettre des Srs Dumon et Barré musiciens
de la cour du Roy sur la composition de
musique faite par les Srs Mareschal et Jacques
Boivin, organistes prétendant à la charge
d'organiste en cette église, et icelle mise en
délibération, il a esté dit que eu eggard à
l'advis des Srs Dumon et Barré, ledit Boivin a
esté élu pour organiste à cette église.
Enfin, on trouve cette note du mardi 2
octobre 1674 (18): les gages de l'organiste ont
esté réglez pour chacun an à la forme de quatre
cent livres payable ainsi qu 'il a esté acoustumé.
L'ORGUE
DE LA CATHEDRALE
DE ROUEN
En 1663
Il n'est pas question dans le cadre d'un
simple article sur Jacques Boyvin de fournir
toutes les pièces consignant l'évolution de
l'orgue de la cathédrale de Rouen, depuis
Titelouze jusqu'à la mort de notre compositeur. D'autres l'ont fait. Nous nous contente12
rons de poser les grands jalons.
Avant l'arrivée de Boyvin, le grand
orgue a connu une grande restauration en 1663
par Thierry et Desenclos. Pierre Hardouin
nous fournit la composition à la suite de ces
travaux (20) :
Positif :
Grand-orgue :
Montre 8'
Montre 16'
Bourdon 8'
Prestant 4'
Fourniture IV
Cymbale IV
Flûte 4'
Nazard
Flûte 2'
Tierce
Bourdon 16'
Montre 8'
Bourdon 8'
Prestant 4'
Doublette 2'
Fourniture V
Cymbale IV
Flûte 4'
Nazard
Larigot
Sacqueboutte
Cromorne.
Echo :
Bourdon et prestant
Doublette
Fourniture cymb. III
Nazard et tierce Voix
humaine.
Flûte 2'
Quarte
Tierce
Larigot
Flageolet
Cornet V
Trompette
Clairon
Cromorne
On notera simplement la présence au
Positif de tuyaux du XVIème siècle, dans les
jeux de montre 8', prestant 4', flûte 4', nazard,
flûte 2' et sacqueboutte.
Le 2 octobre 1675 (21) : Il a été accordé
à l'organiste de cette église la somme de
quarante livres pour accorder les jeux de
l'orgue et les nettoyer quand besoin sera a
quoy il sera obligé. Installé dans sa nouvelle
région, Jacques Boyvin est devenu autonome.
En 1678, deux événements justifient
l'intervention au mois de janvier de Clément
Lefebvre et au mois d'octobre d'Adrien Anquetin. Nous avons conservé les quittances de
ces deux opérations : la première, sur laquelle
nous reviendrons ultérieurement, concerne la
fourniture d'un «jeu d'orgue» «à la maitrise»;
la seconde est ainsi libellée (22) : receu de
monsieur Dieppedalle chanoine et receveur de
la fabrique la somme de vingt quatre livres
pour avoir faict deux tremblants neufs dans
lorgue de LEglise de nostre Dame faict ce
vingt sixième jour doctobre gbj soixte dix
huict.
Voix humaine.
Pédale :
Flûte
Flûte
8'
4'
Trompette.
(20) In Connaissance de l'Orgue n°43-44; le grand orgue de la cathédrale de Rouen, pages 31-32-33, Paris, 1982. Archives
Départementales de Rouen : BHR 406/10.
(21) Archives départementales de Rouen. G 9843
(22) Idem G 2720. Reçu de Adrien Anquetin facteur d'orgue.
13
tes et pour obvier aux plus grands désordres
qui pourroient arriver et de faire dresser des
En Juin 1683, comme le note Marcel procès verbaux par les ouvriers et architectes
Degrutere (23), un évènement majeur viendra de tous les désordres et ruines arrivez en cette
troubler le déroulement des travaux, et impo- dite église par la dite tempeste.
ser un rythme nouveau. Un ouragan d'une
rare violence s'abat sur la ville; la quasi
C'est dans ce milieu tourmenté et sans
totalité des églises subit des dégâts de propor- doute un peu traumatisé que Jacques Boyvin
tions variables, affectant plus ou moins les va continuer d'oeuvrer. Fut-il personnelleorgues.
ment touché par les dégâts ? Nous ne saurions
dire, puisque à ce jour, aucune information
Voici le récit de la catastrophe, tel qu'il précise ne nous est parvenue sur son lieu
apparaît dans les délibérations capitulaires de d'habitation. Une chose est certaine : aucun
la cathédrale, à la date du samedi 26 Juin 1683 incendie n'est survenu dans la cathédrale en
1683, qui ait pu laisser des traces dans les
(24).
archives. Ce sont bien les débris de la voute
Ce jourd'huy la chapitre per juram et qui ont ravagé l'orgue, ce qui infirme ce
domos assemblés pour les ruines et désordres qu'écrit Norbert Dufourcq à la page 1629,7ème
de cette église causés par la tempeste extraor- ligne de l'Histoire de la Musique, dans le
dinaire arrivée hier sur les huit heures du soir premier volume de l'encyclopédie la Pléiade
laquelle auroit abattu trois des tours faisant la (25) ; il nous a par ailleurs été impossible de
face du grand portail Lesquels par leur chute retrouver quelle source avait pu fournir ce
se seroient renversées sur la voute de la nef et renseignement erroné.
l'auroient rompue en partie Laquelle voute en
tombant sur l'orgue l'auroit abattu pour la
Après 1683
plus grande partie et en auroit ruiné le restant
Laquelle tempeste auroit encore causée des
Ici encore, nous nous contenterons de la
désordres et ravages extraordinaires tant au partie congrue. Les travaux de restauration du
dehors qu 'au dedans de cette dite église Sur grand-orgue débutèrent aux alentours de mars
quoy délibéré, mrs Charles Ridel et guéroult 1686, sous l'égide de Robert Clicquot pour la
conjointement avec Mrs Lire Intendant de la partie instrumentale, et de Joseph Pilon pour la
fabrique ont esté prié de donner incessament menuiserie, que le visiteur peut encore admiles ordres pour les nécessités les plus pressan- rer au fond de la large nef.
La tourmente
(23) Marcel Degrutere, In L'Orgue à Rouen aux XVIIè et XVIIIè siècles. Etude historique et organologique (Université de Paris
IV 1986). page 97. 1er volume.
(24) Archives Départementales de Rouen. G 9844.
(25) Norbert Dufourcq, Instruments Polyphoniques, In Histoire de la musique, 1er volume, Encyclopédie de la Pléiade,
Gallimard, i960, page 1629.
14
Voici la composition de l'instrument
qu'inventorièrent (26) Ingoult et Lefebvre le
lundi 20 juin 1689, et dont la composition fut
conditionnée par la conservation d'une grande
part de la tuyauterie ancienne :
Grand-orgue
(48 notes) :
Montre 16'
Bourdon 16'
Montre 8'
Bourdon 8'
Prestant 4'
Doublette 2'
Fourniture V
Cymbale IV
Flûte 4'
Double tierce 3 1/5'
Nasard 2 2/3'
Quarte 2'
Echo (34 notes) :
Flûte 2'
Bourdon prestant
Tierce 1 3/5'
Doublette
Fourniture cymb. III Flageolet 2'
Nasard tierce
Cornet V (25 notes)
Voix humaine.
Trompette 8'
Clairon 4'
Pédale (30 notes) : Cromorne 8'
Flûte 8'
Voix humaine 8 '.
Flûte 4'
Trompette 8'
Récit (25 notes) :
Clairon 4'.
Cornet
Trompette.
Positif (48 notes) :
Montre 8' Bourdon
8' Prestant 4'
Doublette 2'
Fourniture IV
Cymbale III
Flûte 4'
Nasard 2 2/3'
Tierce 1 3/5'
Larigot 1 1/3'
Cromorne 8'
Voix humaine 8'.
place la composition lors de la réception en
totalisant exactement les tuyaux était vraiment
ce que souhaitaient les organistes de la grande
génération du siècle de Louis XIV, un bel
exemple d'orgue français classique... et pourtant, trois ans après la réception, Boyvin luimême demanda les premières retouches qui
allaient au cours du XVIIIème siècle le faire
profondément évoluer.
LES TEMOINS
D'UNE VIE
Les expertises d'orgues
La première participation à une expertise de Jacques Boyvin, dont nous ayons gardé
la trace, est celle effectuée à Sainte Croix des
Pelletiers, le 6 novembre 1679 (27). Nous
fournissons le texte complet du compte-rendu,
qui est vraisemblablement un autographe de
Boyvin.
nous soubsignez Organistes à Rouen
Certifions avoir veu Lorgue de Ste Croix des
Pelletiers, à la réquisition de Monsieur le Curé
de la dite parroisse et de Quesné et avoir
trouvé Les registres du positif sans mouvement
à lexception du bourdon et du petit bourdon,
Ce qui est causé par leau qui est tombée dans
Le dit orgue, et que pour y remédier II ConNous laissons la parole à Pierre Har- vient relever tous Les tuyaux de dessus Le
douin pour conclure ce chapitre : Cet instru- Sommier, Démonter le faux Sommier et les
ment dont Boyvin releva avec satisfaction sur Chapes et Nettoyer Les tâches de leau qui
(26) Archives Départementales de Rouen ; G 9845.
(27) Archives Départementales de Rouen. G 6374.
15
COMPTE-RENDU D'EXPERTISE A SAINTE CROIX DES PELLETIERS
LE 6 NOVEMBRE 1679
Archives départementales de Rouen G 6374
16
pourroient estre aux registres pour les faire
marcher, et ensuitte replacer le tout le faire
parler et accorder le dit positif en perfection et
comme il Estoit auparavant, et remédier à la
Cornerie de l'Emila d'en haut causée par le dit
accident de leau, lequel dict Quesné Consent
que La réparation du dit orgue soit faicte par
Mr Robert Ingout facteur, En foy de quoy II a
signé Le présent pour ensuitte Le prix en estre
réglé par Mondt Sieur Le Curé qui a aussy
signé le présent avec Nous Ce six de Novembre
gbj soixante et dix neuf
On reconnaît les signatures de Clément
Lefebvre ainsi que celle de Y ancien concurrent
de Jacques Boyvin (mais est-ce le même ?) Lemareschal ; la signature de Boyvin, quant à
elle, attire l'attention par la mention «organiste de N. Dame» qui l'orne et surtout par sa
parfaite harmonie avec l'écriture du constat.
ques, réussit à expliquer véritablement clairement tous les mécanismes.
Ce texte n'est par ailleurs pas sans ironie, puisque l'eau qu'évoque Boyvin était en
fait, d'après l'histoire, l'urine d'un particulier
qui s'était soulagé dans le positif.
En 1681, Jacques Boyvin joue régulièrement l'orgue des Jacobins (28), qui vient
d'être refait par Antoine Vincent, un instrument qu'il visitera en 1683. A cette occasion,
il dut soutenir le facteur dans un procès qui
l'opposa au clergé qui prétextait de la mauvaise qualité du travail. Boyvin déclara alors
que 1 ' orgue des Jacobins est un des plus grands
ouvrages qu 'il y ait après Nostre Dame et St
Ouen. (29)
Cette citation va au-delà de la simple expertise : elle nous indique d'abord la confiance
Les trois autres paraphes demeurent illi- que voue Boyvin à Vincent dès cette époque,
sibles et nous importent peu. On comparera et ensuite, le poids qu'il doit avoir dans la vie
cet écrit avec la lettre que nous connaissons musicale rouennaise pour soutenir aussi oudéjà de Jacques Boyvin, et son expertise de vertement un simple artisan contre le clergé.
l'orgue de la cathédrale. A chaque fois, il
Sur l'un des orgues que joua l'organiste
pourrait s'agir d'un auteur différent, n'était
son écriture bien pesée, cultivée, déjà proche de la cathédrale durant la restauration du sien,
du XVIIIème siècle. On remarquera son appa- nous citons Marcel Degrutère, qui, dans la
rente habileté à rédiger un texte administratif foulée de sa thèse, a beaucoup travaillé sur
(il ne suit probablement pas un modèle) et la Boyvin (30) :
parfaite compréhension de la facture d'orgue
Parallèlement à ce poste prestigieux,
de cet homme qui, non content de ne faire
aucune approximation dans les termes techni- Boyvin fréquente d'autres tribunes rouennai(28) Marcel Degrutère, Revue de Musicologie, 1988, N° 1, tome 74.
Archives Départementales ; BHB 582/9.
(29) Idem.
(30) Idem.
17
ses (...) Entre 1685 et 1688, période qui
correspond à celle de la reconstruction de
l'orgue de la cathédrale par Robert Clicquot,
Jacques Boyvin joue chez les Carmes de Rouen,
où il se fait parfois remplacer par Julien de Ste
Hélène.
Cet organiste dont on peut supposer
qu'il fut l'élève de Boyvin, en raison même de
la confiance que celui-ci semble lui porter,
avait visité avec lui l'orgue des Jacobins (1683).
Au hasard de nos recherches, nous l'avons
trouvé organiste en divers endroits : de 1694 à
1698 (31), il occupe la tribune de St Candé le
Vieux, où le salaire, en raison de l'état de
délabrement de l'orgue, devient vite insignifiant. Il laisse la place à Thomas Eude.
Par ailleurs, il remplace Le Tellier à
Notre Dame de la Ronde (32), en 1726, pour
abandonner ce poste en 1730. Il semblerait
donc qu'il ait suivi la carrière d'organiste en
pointillé. De quoi vivait-il par ailleurs ? Sa
noblesse lui assurait-elle suffisamment de
revenu? Ces questions et d'autres que nous
évoqueront plus tard concernant l'école d'orgue rouennaise, nécessiteraient à elles seules
l'élaboration d'une thèse.
L'expertise suivante est celle de l'orgue
de St Herbland (33), le 15 mai 1688. Là
encore, nous trouvons un texte de la main de
Jacques Boyvin : d'abord par sa parenté évidente avec le précédent (au niveau stylistique),
ensuite parce que des trois signatures qui l'ornent, celle de notre organiste est la seule à être
autant appuyée que le compte rendu. Là aussi,
nous donnons ci-dessous la transcription de ce
document :
Nous soubsignez hypolitte ducâtel Mre
facteur d'orgues demeurant à paris. Jacques
Boivin organiste de l'Eglise Cathédralle de
Rouen et Michel Delisle organiste de l'Eglise
de st vivien à la réquisition de Messrs Les Curé
et Thrésoriers de l'Eglise parroissialle de st
Erbland avons visité l'orgue de la dite Eglise
faicte par les Sirs Clément et Germain Lefebvre père et fils, auxquels nous y avons trouvé
quelques déffauts à la première visite, qui ont
été réparez par Lesdt Sirs Lefebvre, et trouvé
bon et en bon état dans la seconde visite,
composé de tous Les Jeux mentionnez dans le
marché faict en datte du deuxiesme jour d'aouste
mil six Cent quatre vingt cinq en foy de quoy
nous avons signé le présent rapport pour leur
valloir et servir que besoin sera fait ce quinziesme jour de May mil six Cent quatrevingt
huict.
Boyvin
Delisle
h. Du Castel.
A l'époque de la rédaction de ce texte,
Jacques Boyvin attend toujours son nouvel
orgue. Nous nous permettrons de trouver cette
page saluant l'érection d'un instrument neuf
de quatre claviers dans une église jouxtant la
(31) Archives Départementales de Rouen : G 6344.
(32) Idem. G 7378 ; en 1742, 1743, 1744, l'organiste sera un nommé «Duphy» (erreur pour Duphly ?).
(33) Idem. G 6700.
18
un mois et demi (Boyvin hésitait-il à cumuler
deux charges ?), puisque le 31 Janvier 1697,
les marguilliers décident qu'on ne peut faire
un meilleur choix que de la personne de mr
Le document suivant, que nous puisons Boyvin qui étant prié de se charger de nostre
dans la revue Jeunesse et orgue (34), nous orgue se trouvera engagé dhonneur non seulemontre qu'au contraire, des liens réels unis- ment d'en prendre beaucoup de soin, ce qui
saient le titulaire de la cathédrale aux artisans n 'a pas été fait jusques à présent mais aussi de
de sa ville d ' adoption ; il s'agit de 1 ' orgue de la le toucher ce qu'il pourra faire aussi plus
cathédrale (à l'époque simple église) Notre commodément que dans aucune autre paroisse
Dame du Havre : En 1690, Jacques Auber et de la ville, nostre Eglise étant aussi proche de
Clément Lefebvre, facteurs d'orgues à Rouen la cathédrale qu 'elle est.
réparent le grand jeu d'orgues, et reçoivent
Il succédait alors au facteur Germain Le829 livres du trésor. L'année suivante, Boivin,
organiste de Notre-Dame à Rouen, se voit febvre, fils aîné de Clément, nommé à St
attribuer 40 livres «pour estre venu exprès de Herbland le 23 Mai 1688, pour quatre vingt
la dite ville en celle du Havre pour examiner livres par an. La proximité de leur deux
les travaux par Lefebvre, facteurs d'orgues à tribunes parle d'elle même quant au minimum
de relations que les deux hommes devaient
Rouen pour le prix de 200 livres.»
entretenir.
D'après le texte, on peut supposer que
c'est Lefebvre lui-même qui a demandé que la
visite soit effectuée sous l'autorité de Boyvin.
Celui-ci n'hésite pas à se déplacer de sa
lointaine métropole pour 40 livres (somme
non négligeable pour lui mais tout de même
minime) afin de cautionner le facteur rouennais, ce qui implique une certaine entente entre
les deux hommes.
sienne, un peu plus aigre que la précédente.
N'y voyons pourtant pas une défiance pour la
facture locale.
En 1697 (35), le 13 Mars, Boyvin est
nommé organiste à St Herbland au lieu et
place de défunt Sr Le Febvre et au mesme
charge Condition et Emoulumens que funt le
sr Lefebvre. La décision avait été reportée
durant
(34) In revue Jeunesse et Orgue, 2nd semestre 1981, La reconstruction du Grand Orgue de la Cathédrale Notre-Dame du
Havre, page 30.
(35) Archives Départementales de Rouen. G 6702.
19
Nous ne savons pas exactement quand
Boyvin renonça à ce poste. En 1703, Gaspard
Corette, publiant sa Messe d'orgue, précise
qu'il est organiste de l'Eglise de Saint Herbland de Rouen.
En Avril 1698 (36), Jacques Boyvin est
prévu comme membre du Jury au concours
pour l'élection d'un nouvel organiste à Saint
Jean: de plus a esté reconnu que par reconnaissance pour les bons servisses que le sieur
Hugo a rendu à l'Eglise ses mesmes gages luy
seront conservez comme si il touchoit lorgue
mais que sependant veu l'impossibilité où il est
de le pouvoir toucher II sera procédé lundy
Prochain septième Avril à l'élection d'un austre
organiste et que le choix s'en fera par le
concours et le méritte qua set effet le sieur
Boivin organiste de la Cathédralle Le sieur
Dumesnil prestre de la ditte cathédralle et le
sieur de Lille prestre et organiste de St Vivien
seront priez de venir juger de la capassité des
concurrents et d'en donner leur advis.
Nous apprenons où exerçait Hugo, cet
organiste qui, lui aussi, participa à l'expertise
de Juin 1689 à la cathédrale. Par ailleurs, nous
découvrons une facette relationelle de plus
pour Jacques Boyvin, siégeant au milieu de
ses confrères organistes de Rouen. Il n'était
donc pas isolé. Lorsqu'en 1711, le poste de St
Jean sera de nouveau au concours, d'Agincourt, alors titulaire de la cathédrale à la suite
de Boyvin, ne fera pas partie du jury. Il est vrai
qu'il semblait exiger des rémunérations audessus de la moyenne.
Toujours à St Jean, Boyvin donnera un
mémoire de l'état de l'orgue auquel la séance
capitulaire du 8 mars 1701 (36) fait allusion.
Le facteur pressenti pour les travaux est Antoine Vincent, choisi dès la séance du 21
décembre 1698. Le conseil paroissial semble
faire allusion à une recommandation : et vu par
nous une lettre d'un nommé Antoine Vincent
facteur d'Orgue que l'on dit estre très habile
homme de son mestier. Derrière ce «on dit»,
nous serions tentés, comme Marcel Degrutère, de placer Jacques Boyvin.
Les documents suivants concernent une
visite d'orgue à la paroisse St Herbland (37),
du temps où Gaspard Corette y était titulaire.
Le premier jour de juin 1704, en effet, les
marguilliers s'interrogent sur ce que les orgres
tomboitent en décadence scavoir si on restablieroit seullement les canaux et tuyaux qui
sont tombés depuis peu, Il a esté délibéré par
la pluralité des voix que le sieur Thrésorier en
charge accompagné de monsieur le curé et de
monsieur boivin organiste de l'église cathédrale feroit marché avec le sieur Vincent pour
estre démonter et réparer entièrement sous la
visite de monsieur boivin...
Le reste du texte évoque les arrangements avec ce «Sieur Vincent». Encore une
fois nous retrouvons Jacques Boyvin expertisant un orgue en compagnie d'Antoine Vincent. En 1704, il n'a plus que deux ans à vivre.
Le fait que, lors de la réception des travaux à
St Herbland, le 28 juin 1705, la commission
d'expertise ne soit composée (37) que de
(36) Idem. G 6766.
(37) Idem. G 6703.
20
de son existence, on ait de plus en plus sollicité
notre organiste pour des manifestations de
toutes sortes. Après la parution de son second
livre d'orgue et celle de sa méthode d'accompagnement (39), il dut devenir une sorte de
vedette musicale rouennaise, d'autant qu'après
Lesueur et Lallouette, Michel Lamy dut paraître un chef de choeur nettement plus ordinaire.
Les liens qu'il a manifestement eus à coeur
d'entretenir avec chacun y sont certainement
pour quelque chose.
Lefebvre facteur dorgres pour en visiter le
travail et le sieur Le maréchal et Legrain
pour l'accord et l'harmonie, semblerait
indiquer que, d'ores et déjà, Jacques Boyvin
limitait ses activités.
Nous savons qu'il n'hésitait toutefois
pas à sortir quelques mois plus tôt, comme
pour l'expertise de l'orgue de St Michel, le 17
février 1705 (38). C'est donc entre ces deux
pôles que l'état de santé de l'organiste de la
cathédrale dut décliner. Là encore, nous trouvons un texte de Boyvin que nous aurions pu
lui attribuer sans les assurances qu'il nous
donne, rien qu'à la vue de son écriture un peu
plus épaisse avec l'âge, mais franche et nette:
Le document
Il nous est impossible de refermer ce
chapitre sans publier cette lettre de Boyvin à
M. de Séricourt, maître d'oeuvre de la restauration du grand orgue, datée du lundi 23 mai
1689 (40). Nous en fournissons la photocopie
ci-après, mais celle-ci vaut surtout pour la
connaissance du style et de l'écriture de notre
compositeur. On y apprend également que
Boyvin eut un «accident» peu de temps avant la
fin des travaux, mais sans autre précision.
Je soussigné Organiste de l'Eglise Cathédralle de nostre Dame de Rouen certifie
qu 'après avoir touché et visité très exactement
l'Orgue de St Michel en présence de monsieur
le curé, de monsieur hamel, et de quelques
particuliers qui s'y sont trouvez dans le moment ay trouvé qu'on ne peut pas mieux faire
que d'exécuter tout ce qui est porté dans le
mémoire cy-dessus parcequ 'il explique généralement tous les défauts qui sont dans le dit
orgue, lesquels estant bien réparés on entendra une harmonie très parfaite. Ce que i 'atteste véritable; fait à Rouen après la visite ce
dix septième iour de Février mil sept cent cinq.
J. Boyvin.
Là encore, le marché est signé Antoine
Vincent ! D'autre part, il semblerait qu'à la fin
(38) Idem. G 7178.
(39) En 1700.
(40) Archives Départementales de Rouen G 2829
21
LETTRE DE JACQUES BOYVIN A M. DE SERICOURS DU 23 MAI 1689
Archives départementales de Rouen G 2829
22
VIE FAMILIALE DE
JACQUES BOYVIN.
SON DECES.
SA SUCCESSION.
La famille
Nous n'aurons pas le front de reprendre
à notre compte le fruit des recherches de
Marcel Degrutère au sujet de la descendance
de Boyvin. Dans son article (41) intitulé Jac-
ques Boyvin, Jacques Duphly, celui-ci démontre d'une façon certaine que le célèbre claveciniste parisien n'était autre que le petit-fils de
notre organiste !
Toutefois, les dates empêchent impitoyablement toute rencontre entre les deux
hommes. Néanmoins, sans bénéficier de conseils directs, on sait ainsi que Duphly naquit
dans un milieu marqué par la musique; peutêtre eut-il accès aux manuscrits de son grandpère, à ses instruments? Nous fournissons ciaprès, l'arbre généalogique des descendants
de Boyvin à la seconde génération.
TABLEAU GENEALOGIQUE DE JACQUES
BOYVIN ET DE JACQUES II DUPHLY
d'après Marcel Degrutère (41)
23
La fin d'une vie
(42), concerne une demande de la famille de
Jacques Boyvin :
Nous souhaiterions pouvoir donner au
lecteur l'image d'une fin brillante. Que l'on
songe à cet homme en pleine activité qui fait
paraître un second livre d ' orgue en 1700 ainsi
qu'un traité d'accompagnement la même année,
tout en promettant de donner bientôt un écrit
sur la composition. Son orgue est en parfait
état, transformé au gré de ses fantaisies par les
facteurs les plus compétents du moment. On
s'attend à le voir, comme Vierne à ses claviers, réglant une improvisation et à l'instant
où va jaillir la musique, s'effondrer sur ce lieu
magique, but de toute son existence sans
doute, embrassant une dernière fois ces claviers, que souvent il avait fait gémir ou danser,
exulter ou implorer.
sur ce que les héritiers de feu Me Boyvin
organiste en cette Eglise ont fait supplier le
chapitre de vouloir bien qu'ils facent toucher
l'orgue à leur profit par Me Corette que le dit
sieur Boyvin y a commis pendant sa maladie,
et ce jusqu'à ce que le chapitre aye fait choix
d'un organiste ont en outre prié le chapitre
d'avoir agréable le livre à l'usage de l'orgue
de la composition dudit Boyvin, sur quoy
délibéré le chapitre consent que ledit Me
Corette touche l'orgue suivant la demande par
provision et sans tirer à conséquence, a accepté le livre de la composition dudit Boyvin et
mes les intendants de la fabrique sont priés
d'examiner l'estat de l'orgue à laquelle fin les
clefs et le livres leur ont esté mis entre les
Il n'en est rien. Jacques Boyvin meurt le mains.
30 Juin 1706. Ce décès est développé en deux
Ce texte appelle plusieurs remarques.
points à la date du 1er Juillet 1706 ; le premier
est un communiqué laconique (42) :
Nous nous attacherons ici à la personnaCe jourd'huy sur les onze heures et demi lité de Gaspard Corette (avec un ou deux r,
du matin le corps de Me Jacques Boyvin selon que l'on se refère à sa signature, où à
organiste en cette église, décédé du l'impression de son nom par le graveur de son
jourd'hier âgé d'environ 53 ans a esté inhumé oeuvre), le remplaçant de Jacques Boyvin
dans cette église. La cérémonie du convoy a (Michel Corrette ne pouvait en effet tenir les
esté faite par Monsieur Liesse pre chanoine claviers en 1706, comme le soutient Ludovic
semainier. Un grand homme est parti, en Panel, puisqu'il est né en 1707 ou 1709).
toute simplicité, sans pompe, sans marque
De lui, nous ne connaissons ni la date ni
d'intérêt particulier de la part de ses
le lieu exact de la naissance et du décès. Son
employeurs.
présumé fils Michel, publiant quelques pièces
L'autre document, du 1er Juillet 1706
(41) Marcel Degrutère, Jacques Boyvin, Jacques Duphly, In Revue de Musicologie, 1988, N° 1, tome 74. Archives
Départementales de Rouen : BHB 582/9.
(42) Archives Départementales de Rouen. G 9848.
24
de son père arrangées pour la circonstance à
deux musettes, précise qu'il était originaire de
Delft (43). Comme il a par ailleurs publié une
Messe du 8ème ton pour l'Orgue chez de Baussend en 1703 (44), on peut supposer qu'il soit
né dans cette ville ou aux environs, avant
1680.
Vieillissant, a t-il pensé à la carrière de
son fils, certainement doué de bonne heure ?
Alors, il serait parti pour Paris, où il serait
décédé, en bourgeois vivant de ses rentes.
Car, notons le bien, jamais il n'a demandé une
augmentation. Et pourtant, St Herbland ne
rapportait que 80 Livres annuelles : une
misère. D'Agincourt s'y fera payer dix ans
plus tard 150 livres !
D'autant qu'il remplace Boyvin à la cathédrale pendant sa convalescence (il le faisait
déjà à St Herbland depuis 1703 au moins, ce
qu'il stipule sur son livre ; Les comptes de la
paroisse révèlent d'autre part qu'il devint
titulaire de l'instrument dès 1704, avant d'être
«balayé» par l'arrivée de D'Agincourt). La
carrière instable qu'il poursuivra par la suite
nous porterait à croire qu'il s'agissait d'un
musicien dilettante; avait-il une autre activité
«nourricière» ? Etait-il commerçant enrichi
(Delft était au XVIIème siècle un important
centre de la porcelaine) ?
S'il était amateur, nous le verrions bien
publiant son premier ouvrage après la trentaine, l'instant de s'être fait une situation.
Mais il faudrait qu'il ait été encore suffisamment jeune pour se présenter à un concours
important en 1711. Si nous le faisons naître
aux environs de 1670, cela lui fait à peu près
40 ans à St Jean, et 50 ans lors de sa
démission. Mais tout cela reste à vérifier.
Eu égard aux circonstances, à la confiance que semble lui porter Boyvin, nous
serions également tentés d'écrire qu'il était
élève de celui-ci, ce qu'un regard sur le style
et l'écriture suffit à confirmer.
Les historiens font généralement naître
son fils Michel en 1709. En 1711 (45),
Corrette devient organiste à St Jean, à la suite
d'un brillant concours, dans le jury duquel on
retrouve Le Mareschal (mais s'agit-il bien du
même ?). En 1720 (46), Corrette rend les
clefs de son orgue et nous ne trouvons plus
trace de lui à Rouen.
Les intendants de la fabrique sont priés
d'examiner l'estat de l'orgue. Cette décision,
qui alimente la seconde partie de notre remarque, met en évidence la défiance du chapitre à
(43) In «Pièces de Fun (sic) Mr Gaspard Corrette de Delft», publiées et arrangées pour musettes par Michel Corrette.
Bibliothèque Nationale, A 35 479.
(44) Messe du 8ème Ton Pour L'Orgue à L 'Usage des Dames Religieuses, et utile à ceux qui touchent l'orgue, Composée Par
Gaspard Corrette, organiste de l'Eglise Saint Herbland de Rouen. Gravée par H. de Baussend. A Paris, etc. Bibliothèque Nationale, Vm7 1830.
(45) Archives Départementales de Rouen. G 6766.
(46) Idem. G 6744.
25
l'égard de Corrette, qui ne doit peut-être de
rester que parce qu'il faut bien assurer l'intérim , et que 1 ' on peut bien faire ce plaisir-là aux
proches du maître défunt. Improvisait-il mal ?
Avait-il un tempérament difficile ? Nous serions tentés de le croire, là aussi, en raison
même du nombre de postes qu'il occupa durant sa carrière tourmentée.
1706 (42) : Monsieur Guéroult de St Clair est
authorisé d'achever de payer à la veuve de Me
Boyvin organiste le restant de ses gages pour
le terme de St Michel. Nous ne saurons jamais
rien de plus sur cette femme, vivant pour nous
dans l'ombre de son époux, que son nom, et
les apparentes difficultés financières auxquelles elle dut faire face après son décès.
Enfin, les héritiers de l'organiste ont en
outre prié le chapitre d'avoir agréable le livre
à l'usage de l'orgue de la composition dudit
Boyvin. Ce livre est-il l'un des deux publiés
chez Ballard depuis 1700 ? Cet ouvrage «à
l'usage de l'orgue» ne pourrait-il pas être
plutôt un cahier de musique sur lequel auraient
été notés des compositions en germe, des
motifs d'improvisation un peu développés ?
Auquel cas il existerait peut-être un manuscrit
encore inconnu de la main de Boyvin. Mais là
nous entrons dans le domaine des suppositions, même si le cas ne serait pas unique (on
pense aux pièces d'orgue de Matthieu Lanes).
Désormais, la vie musicale à Rouen, va
se cristalliser sur la personne du successeur de
Boyvin, D'Agincourt, et ne restera de trace de
l'influence de l'ancien titulaire, jusqu'en 1720,
que la présence à différentes tribunes de Gaspard Corrette.
Le dernier document portant le nom de
Boyvin à cette époque, porte la date du 5 Juillet
Jacques CHARPENTIER
N.B. Cet article reprend en grande part un mémoire de maîtrise soutenu par l'auteur à l'Université de Rouen en 1989. Une deuxième
partie traitera de l'oeuvre de Jacques Boyvin
et sera publiée dans le prochain numéro de
l'Orgue Normand (n°22).
26

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