Aldeburgh - Jean Guihen Queyras

Transcription

Aldeburgh - Jean Guihen Queyras
Voyage au festival d’Aldeburgh « Évasion « La Scène « ResMusica
1 sur 2
http://www.resmusica.com/2015/06/29/voyage-au-festival-daldeburgh/
VOYAGE AU FESTIVAL D’ALDEBURGH
Le 29 juin 2015 par Olivier Mabille
Évasion, Festivals, La Scène
Snape. Snape Maltings Concert Hall. 20-VI-2015. Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Partita n° 3 en mi majeur BWV 1006 ; Komm, Jesu, komm ! BWV 229 ; Jesu, meine
Freude BWV 227 ; Ich lasse dich nicht, du segnest mich denn BWV 157 ; Fürchte dich nicht BWV 228 ; Singet dem Herrn ein neues Lied BWV 225 ; Sonate n° 1 en sol
mineur BWV 1001 ; Sonate n° 2 en la mineur BWV 1003 ; Sonate n° 3 en ut majeur BWV 1005 ; Johann Christoph Bach (1642-1703) : Mit weinen hebt sichs an. Isabelle
Faust, violon ; Monteverdi Choir, direction : Sir John Eliot Gardiner.
Snape. Britten Studio. 20-VI-2015. Claude Debussy (1862-1918) : Première Rhapsodie ; Sonate pour violoncelle et piano ; George Benjamin (né en 1960) : 3 Miniatures
pour violon seul ; Martin Suckling (né en 1981) : Visiones (création mondiale) ; Maurice Ravel (1875-1937) : Ma mère l’oye. Mark Simpson, clarinette ; Isabelle Faust, violon
; Jean-Guihen Queyras, violoncelle ; Pierre-Laurent Aimard, George Benjamin, Florent Boffard et Tamara Stefanovich, piano.
Blythburgh. Église. 21-VI-2015. Elliott Carter (1908-2012) : Epigrams ; Maurice Ravel (1875-1937) : Sonate pour violon et violoncelle ; Olivier Messiaen (1908-1992) :
Quatuor pour la fin du Temps. Mark Simpson, clarinette ; Isabelle Faust, violon ; Jean-Guihen Queyras, violoncelle ; Pierre-Laurent Aimard, piano.
Snape. Snape Maltings Concert Hall. 21-VI-2015. Henry Purcell (1659-1695) : Danses extraites de The Fairy Queen Z629 ; Benjamin Britten (1913-1976) : Phaedra op. 93 ;
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade n° 6 K239 « notturna » ; George Frideric Haendel (1685-1759) : Concerto grosso en ré majeur op. 6 n° 5 ; Airs extraits
d’Alcina HWV34 et de Serse HWV40. Christine Rice, mezzo-soprano ; Arcangelo, direction : Jonathan Cohen.
Royaume Uni
Aldeburgh
Le 68e festival d’Aldeburgh, fondé par Benjamin
Britten et Peter Pears dans le Suffolk où ils ont vécu,
démontre que leur hospitalité et leur curiosité pour
les œuvres nouvelles se sont perpétuées jusqu’à
aujourd’hui, et produisent bien des instants
exceptionnels.
Le Festival dispose aujourd’hui de deux salles dans le village de
Snape, au milieu des marais de la rivière Alde, à quelques
kilomètres de la mer. L’ancienne usine rachetée par Britten,
devenue un complexe artistique, accueille aussi de jeunes
musiciens et des artistes en résidence. C’est dans la superbe
acoustique de la grande salle que Sir John Eliot Gardiner donne
un copieux programme Bach, composé d’une alternance de
motets et de pièces pour violon seul. Le chef nous le présente
lui-même comme un parcours spirituel allant du désespoir à la
joie. Soutenu par la basse continue, le Monteverdi Choir y
montre sa perfection coutumière : entre autres, il faut
mentionner la fastueuse jubilation de Singet dem Herrn. Quant
à Isabelle Faust, elle donne des interprétations extraordinaires,
d’une clarté irradiante jusque dans la polyphonie la plus
inextricable, et d’une plénitude saisissante dans les
mouvements lents. Le même soir et le lendemain, la violoniste
sera toute aussi époustouflante.
Dans l’intimité du Britten Studio (guère plus de 300 places), le
directeur musical du festival, Pierre-Laurent Aimard, reçoit en
effet ses amis pour une séance de musique de chambre. Dans
un programme à dominante française, tous partagent
l’austérité souriante de leur hôte, et aussi son exigence
musicale. Côté britannique, en plus des très belles Miniatures
pour violon seul de George Benjamin, compositeur en
résidence cette année, un nouveau trio de Martin Suckling a été
donné pour la première fois : d’une poésie souvent acerbe,
inspirée par un dessin grotesque de Goya (« Visiones »), la
pièce explore de nombreuses possibilités sonores pour chaque instrument du trio.
Le lendemain, Mark Simpson, Isabelle Faust, Jean-Guihen
Queyras et Pierre-Laurent Aimard se retrouvent dans la vaste
et admirable église de Blythburg. Là encore, on atteint des
sommets de concentration, d’entente, de puissance. La Sonate
pour violon et violoncelle de Ravel rudoie comme au premier
jour (on comprend pourquoi les premiers auditeurs crurent que
30/06/2015 14:08
Voyage au festival d’Aldeburgh « Évasion « La Scène « ResMusica
2 sur 2
http://www.resmusica.com/2015/06/29/voyage-au-festival-daldeburgh/
les interprètes l’avaient massacrée !), et les douze Epigrams de
Carter – dédiées à Pierre-Laurent Aimard et créées à Snape en
2013 – pétillent d’intelligence. Et quel décor idéal, avec ces
anges sculptés qui fixent le public depuis le plafond, pour
l’immense Quatuor pour la fin du Temps ! L’élévation du ton,
l’engagement absolu des artistes, l’écrasante beauté de la
partition contribuent à une expérience inoubliable.
De retour aux Maltings, pour les archets déliés d’Arcangelo.
L’intérêt se porte surtout sur la cantate Phaedra, une des
dernières œuvres de Britten, créée en ces lieux il y a 39 ans, et
guère reprise depuis. L’auditeur francophone aura du mal à se
faire à la traduction anglaise des plus beaux vers de la tragédie
de Racine, déjà si musicaux en eux-mêmes (« Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue », « Je reconnus Vénus et ses feux redoutables »,
etc.). Un choix d’autant plus curieux quand on connaît la culture poétique du compositeur dans de nombreuses langues, comme le souligne
l’intéressante exposition en cours à la « Red House », la si charmante maison de Britten et Pears. Cela dit, c’est une œuvre émouvante, et
Christine Rice lui donne son plein effet.
Un festival d’une très haute qualité musicale, dans des lieux pleins d’inspiration.
Crédits photographiques : Pierre-Laurent Aimard © Rob Brimson ; Christine Rice, Arcangelo et Jonathan Cohen © Sam Murray-Sutton
30/06/2015 14:08