Haïti : si proche et si loin
Transcription
Haïti : si proche et si loin
1 Haïti : si proche et si loin Manuel Torres Márquez En exclusivité pour El Nuevo Día Rien ne nous étonne plus ; même quand les cieux se mettent à trembler… L‟accroissement des désastres naturels et des conflits sociaux, au niveau mondial, au cours des dix dernières années, et la diminution des contributions internationales des pays développés pour y répondre, appellent, de toute urgence, une utilisation plus créative, diligente et transparente de ces contributions. La création d‟un Conseil de Sécurité Humaine, dans le cadre des Nations Unies devient un impératif. Ce conseil doit être autonome, libre de toute bureaucratie, corruption ou dépendance d‟enjeux et conflits entre nations. Le vaste spectre de risques pour la vie et la propriété dus aux catastrophes naturelles, aux conflits sociaux, aux guerres et terrorisme changeront la face du monde en générant davantage d‟inégalités de pauvreté et de famines au mépris des Droits de l‟Homme. Les carences des mécanismes d‟audit et de contrôle pour le respect des engagements d‟assistance des nations sont la cause de l‟échec de beaucoup de projets de reconstruction par manque des ressources nécessaires, du fait de hausses des coûts d‟exécution et de retards déraisonnables dans les mises à disposition des fonds ou de l‟assistance technique. La dégradation de la nature causée par un surdéveloppement démesuré, contribue au déséquilibre humain et écologique à la source du réchauffement de la planète et de ses conséquences ainsi qu‟à la perte de qualité de l‟air et au tarissement des réserves d‟eau potable. La réduction des surfaces exploitables et la désertification ainsi que les manipulations génétiques pour contrôler les récoltes aggravent l‟étendue et les implications de la pénurie alimentaire mondiale. A cela s‟ajoutent les essais militaires pour mesurer le potentiel destructeur des dernières générations d‟armes biologiques et nucléaires. Entre les engagements pour le bien commun ou l‟affairisme, entre la solidarité réelle ou la commisération passagère, les agendas et les accords des conférences des pays donateurs doivent en priorité élaborer et établir des modèles d‟intervention pour des étapes d‟engagement, d„évaluation et de reconstruction fondés sur les besoins humains et le développement socio-économique en accord avec une vision éco -bioéthique globale. La symbiose entre les Droits de l‟Homme et les Droits de la Terre doit être valorisée et préservée. Dès que nous avons connu l'ampleur du tremblement de terre en Haïti, les membres du Comité exécutif de la Section d'intervention en cas de désastres, de l‟Association mondiale de psychiatrie, et les représentants du Réseau ibéro-américain d‟écobioéthique de l'UNESCO, nous avons commencé un dialogue de réflexion et de propositions sous la présidence éclairée et sensible du Dr Moty Benyakar. Dans mon 2 cas, pour répondre aux tâches assignées, j‟ai engagé des consultations avec les dirigeants de la communauté haïtienne à Puerto Rico. Leurs réactions, les vues de leur diaspora, les événements et les images publiées dans les médias, m'ont amené à revoir l'expérience déchirante de ce peuple et de son destin historique. Ainsi m‟est revenu en mémoire le documentaire «God Grew Tired of Us» qui raconte la souffrance des enfants africains dans leur effroyable exode pour échapper à la guerre et à l'exploitation. Le passé et le présent d‟Haïti ont été maintes fois ébranlés par les forces sismiques de la pauvreté, de l'inégalité, de la violence, de la corruption locale et de l'interventionnisme étranger. Comme le dit si bien Juan Bosch, dominicain et intellectuel renommé dont le gouvernement a été renversé avec l‟appui militaire des États-Unis : «Les Caraïbes sont la frontière des empires". Bien que la présence de la Mission spéciale des Nations Unies à Port-au-Prince soit bénéfique à court terme pour un minimum de stabilité sociale, à moyen et à long terme la dure réalité est toute autre. L‟enchaînement de la violence urbaine, de la famine, de l'analphabétisme, des ouragans et des pratiques politiques dictatoriales et sans scrupules affaiblit encore davantage la fragile infrastructure économique et sociale d'Haïti. En outre, la corruption locale détourne un pourcentage significatif de l'aide internationale ce qui accroît le nombre, l'isolement et l'impuissance des victimes. Ce sont en fait les interventions des ONG et des missions religieuses étrangères qui le plus directement et de manière constante accompagnent la société haïtienne dans sa lutte incertaine pour survivre. La somme des circonstances, conditions et dilemmes avant et après le tremblement de terre, nous donne l'opportunité de développer un laboratoire d'apprentissage de la solidarité humaine avec la participation de son peuple, sa diaspora et les communautés internationales. On constate un contraste saisissant entre la démarche d‟aide humanitaire de la société nord américaine et l‟occupation d'Haïti par son armée comme s'il s'agissait d'un nouvel épisode d‟intervention militaire. Aux différends historiques entre la République Dominicaine et Haïti s‟ajoutent les réminiscences racistes du régime de Trujillo et les mandats administratifs de l'ancien président Joaquín Balaguer. Ce dernier, dans son livre “La isla al revés”, réitère ses allégations de suprématie dominicaine et d'infériorité haïtienne. Les Haïtiens subissent le traitement de réfugiés de troisième classe quand ils accostent aux États-Unis et les limites que leur impose la frontière de la République Dominicaine. Leur pays fait partie des Caraïbes, à la fois si proche et si loin de Puerto Rico, à proximité géographique mais éloigné par la difficulté de s‟identifier à ses problèmes et à ses rêves. Notre aide se déverse au travers d‟organisations civiques, professionnelles, religieuses et gouvernementales, sans pouvoir compter sur un gouvernement haïtien apte à coordonner et exécuter. Je regrette que l‟expression de notre peine et de notre solidarité antillaise n‟ait pas donné lieu au report des célébrations des Fêtes de Saint Sébastien. Une fois de plus, malgré sa pauvreté, Cuba a partagé avec générosité sa richesse professionnelle. Le tremblement de terre a ramené Haïti sur la carte de notre 3 conscience. Accompagner et aider son peuple dans sa présente fragilité et contribuer de manière désintéressée à lui redonner espoir aujourd'hui et demain, nous donne l'opportunité d‟agir en vrais frères. L'auteur est Professeur Régional de l'UNESCO pour les Problèmes d'Habitat dans les villes Hispanoaméricaine faisant parti du Comité Exécutif de la Section d'Intervention en cas de Désastres de l'Association Mondiale de Psychiatrie et le Représentant du Réseau Ibero-americain d'Ecobioéthique de l'UNESCO [email protected]