peugeot sur letoit

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peugeot sur letoit
ACTUALITÉ
DANS LE MONDE
:
>
POUR UN COUP
D'ESSAI, CE FUT
bien un coup de maître.
Tout le monde se souvient
de cette Vingt Cœur 20* - qui créa l'étonnement au Salon de Genève
1998, l'émeute à celui de
Paris en 2000 au point de
faire de l'ombre à la dernière née de la marque, la
607 Peugeot. La 20»
n'était, affirmait-on alors,
qu'un concept car, autrement dit cette friandise à
laquelle ont droit les créateurs et autres designers, et
—
Professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Evry-Val d'Essonne
—
Les demandes augmentent
lorsqu'un concessionnaire
parisien de Peugeot, Emile
Darl'mat, imagine ses
cabriolets habillés d'un toit
Eclipse, à l'image de la 601
faite sur mesure pour Marcel Pagnol. Pourtout offre
un contrat à Paulin, lui
rachetant le brevet contre
une redevance de 100
francs par exemplaire produit sous sa marque. Il est
clair que Paulin n'a rien
d'un homme d'affaires.
Dans la foulée, Peugeot,
sur les conseils de
qu'actionné un moteur
électrique de 7 ampères,
nécessitant la monte de
deux batteries mises en
ligne pour offrir une puissance encore rare à
l'époque : 12 volts à 60 Ah.
Cette 402 Eclipse offre à
Peugeot une image de
fraîcheur et de modernité
encore peu répandue.
L'engouement espéré pour
le toit Eclipse - prévu
pour la future 202 ! - bouleverse le quotidien de la
maison Pourtout. Faute de
place, celle-ci doit en 1936
sont tombés dans l'oubli
pour les uns, dans le
domaine public pour les
autres. Un peu à l'image
des travaux de Gaston Fleischel, cet autre ingénieur
français, inventeur de la
boîte automatique... encore
sur une 402 Peugeot. Mais
si Fleischel tentera de
défendre ses droits devant
la justice américaine, obtenant la reconnaissance de
l'antériorité de ses travaux
sur ceux de GM - une
reconnaissance plus
morale quefinancière-
PEUGEOT SUR LE TOIT...
la minuscule Isetta
par une grosse améri! '. A chaque fois que mon
dont raffolent ensuite ceux
[freinait, je me voyais dans le
i la Mustang ! Mais finale- qui osent encore dire qu'ils
aiment l'automobile. LanHL tout s'est bien passé et
cée à la hâte, la 20» n'était
•soulagé, que j'ai pu rendre
qu'une petite 206 dotée
• rrjni-voiture à l'usine... •
d'un toit électrique esca. ioucquey, B-5170
motable : la SLK du pauvre
fcfcndeville (Belgique)
pour les Cassandre au portefeuille étoile, un sympathique clin d'œil à l'histoire
technique et stylistique de
mât : rouler toute l'année avec
Peugeot. Non seulement la
R 4 CY et lui faire traverser la
marque au lion est le seul
constructeur à avoir
•ce pour emprunter une parconservé au fil des décenfcses routes de jeunesse. Le
•Sf postérieur à 1954 (mais
nies une offre de coupés et
de cabriolets, mais elle a
- année ?). n'a manifes•ii été correctement
été la première au monde à
.ir l'auto a connu pas
lancer, en 1934, cette synisères mécaniques. Au
thèse que l'on nomme de
nos jours coupé-cabriolet,
- ile a parfois accompli
:e roues sur un
ou CC, pour faire plus
. assistance. Pas très
court et plus branché, avec
la terminologie anglaise de
: - _and on connaît la fiak i 2 '~vlk. Et qu'on
Convertible Car.
.ii détours du texte,
Le concept est né au début
ipéniblement dû faire
des années 1930, d'une
; entre Paris, Millau
rencontre étrange entre
. N'en déplaise à nos
Georges Paulin, dentiste à
Rueil-Malmaison et Marcel
kune 4 CV c'était et
R une auto d'une
Pourtout, carrossier à Bou"plaire. A condition
gival. Paulin est amateur
de belles voitures, dessinaréflexes d'utilisateur et technicien à ses
~es aseptisées
-.ction n'est pas
heures perdues au point
^ge non plus, les
d'imaginer un toit escamotable, capable de se loger
••.: raides, la puisdans la malle AR pour
t bon conducteur de
transformer un coupé en
bichonner. Et
cabriolet. Un brevet est
- :•'. yjx critiques,
déposé le 5 juillet 1932,
du choc des Iran sous le n° 733.380 et la
belle appellation d'Eclipsé.
' - . -. "aprèsH:r:ci et ses
Reste à convaincre les
enrÀâires dont on se
clients - derichesamammt s'ils ont été
teurs de voitures de luxe y figure. Tout
et pourquoi pas des
constructeurs. Marcel
que
Pourtout est d'emblée
(Chamconvaincu de la trouvaille,
hfencho.
poussé il est vrai par
Charles Blum des établissements Hotchkiss. Le toit
Eclipse devient réalité,
monté à façon chez Pourtout sur différents modèles.
exemplaires par jour ! Vendue autour de 100.000
francs, la 206 démocratise
le coupé-cabriolet, permettant à Peugeot d'entrevoir
un marché plus large grâce
à la déclinaison du concept
sur des modèles supérieurs
comme la 307 CC. Mais
avec une concurrence très
réactive, Peugeot n'est plus
le seul en lisse, d'autant
que des fournisseurs de
toits escamotables rivalisent d'ingéniosité que ce
soit ATS, Heuliez, Karmann et d'autres. C'est
ainsi que Renault apporte
le toit entièrement vitré
sur Mégane, que Volkswagen ajoute le toit ouvrant
sur Eos, qu'Opel affine les
Le chef d'oeuvre
d'Henri Thomas
et de Georges
Paulin, la 402
Eclipse.
Darl'mat, entre en contact
avec Pourtout-Paulin : au
moment où Henri Thomas
- le designer de Peugeot affine la ligne des nouvelles
601 et 401, et modernise
celle de la 301, il dessine
avec Paulin une version
Eclipse de la 401 et de la
301. Pour la première fois,
celles-ci sont présentées discrètement - sur les
catalogues officiels de Peugeot en 1934. Une révolution dans le monde de la
voiture de série.
L'aboutissement vient
enfin en 1936 avec le lancement de la 402 Eclipse :
la rondeur du toit rétractable se mêle à merveille
au style de la ligne fuseau
Sochaux, œuvre majeure
d'Henri Thomas. De
l'union de ces deux
talents - Thomas et Paulin - naît l'une des plus
belles voitures de l'entredeux-guerres. Sa ligne est
d'un équilibre et d'une élégance sans pareil. De
même que sa technique,
indispensable pour donner
vie au système : une mécanique subtile pour
manœuvrer le toit, une
cinématique complexe
déménager de Bougival à
Rueil-Malmaison, renforcer ses acquis en essayant
tout à la fois de s'octroyer
l'exclusivité de Georges
Paulin et de tisser sur le
long terme des liens avec
les constructeurs et surtout les fabricants de voitures de luxe. Le toit
Eclipse, dont le dessin
s'arrondit avec la mode de
l'aérodynamisme, se
retrouve sur des marques
de prestige comme
Delage, Delahaye, Hotchkiss et tant d'autres, toutes
ces marques que la crise
des années 1930 fait pourtant vaciller. Si les ventes
des 402 et 302 Eclipse
sont aussi emblématiques
que marginales, celles des
maisons de luxe s'effondrent. Georges Paulin
saute le pas et le Charnel,
approché par Rolls-Royce
pour devenir l'un de ses
ingénieurs-conseils en
1938, à quelques mois de
la guerre.
Le toit rétractable est
oublié à la Libération. Il est
vrai que son inventeur,
Georges Paulin, est mort
en 1942, fusillé pour faits
de Résistance. Les brevets
GAZOLINEB JANVIER 2007
il n'en sera pas de même
de Paulin dont les héritiers
n'engageront aucun
recours. De quoi laisser la
voie aux Américains,
notamment à Ford qui, en
1956, présente deux
modèles - les Edsel et Fairlane - dotés d'un « hardtop
rétractable ». La presse
américaine se montre partagée, admirative devant
« cette ingénieuse fabrication crée par l'imagination
des ingénieurs de la Ford
Company », déçue d'un
« mécanisme qui
encombre la plus grande
partie du coffre, que le toit
soit sorti ou rentré ». Le
système s'améliorera avec
le temps, contribuant à
cette automobile de \'american way oflife devenue
référence incontournable
des années glorieuses et
insouciantes de l'American
Graffiti. Si le sursaut européen est très tardif, il n'en
demeure pas moins
majeur. Relancé par Mercedes en 1996 sur le coûteux SLK, le toit
escamotable s'impose
grâce au succès de la
206 CC dont les usines
iront jusqu'à produire 400
lignes AR de la carrosserie
grâce au toit en trois éléments. L'enjeu est de taille
et la lutte entre les équipementiers particulièrement
rude. Les grands constructeurs préfèrent en effet
acheter les toits prêts à
l'usage, et monter les
modèles CC dans leurs
propres usines, gage de
rigueur industrielle et de
coût de revient. N'en
déplaise à Heuliez !
Toit à tous les étages dans
les productions modernes
des constructeurs mondiaux : 206, Tigra, Micra et
Coït pour les petites. 307,
Mégane, Eos, Astra et
Focus pour les moyennes.
CLK,SLKetC70pourles
grandes. Point commun ?
Elles sont toutes issues de
l'œuvre de Georges Paulin
et de la clairvoyance de
Peugeot qui, inexorablement, enfonce le cou du
succès : au Salon de l'auto
2006, la marque au Lion a
présenté celle qui sera
demain son sixième coupécabriolet, la 207, celle qui
viendra après les 401,402,
302,206 et 307. On prend
vite l'habitude des bonnes
trouvailles. •