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Réactivité de l’aérosol marin à la pollution atmosphérique
par NO2. Une étude de laboratoire.
S. SCOLARO1&2, S. SOBANSKA1, J. BARBILLAT1, J. LAUREYNS1, F. LOUIS2,
D. PETITPREZ2, C. BREMARD1
[email protected]
Université des Sciences et Technologies de Lille I, 59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, CERLA FR-CNRS
2416. 1 Laboratoire de Spectrochimie Infrarouge et Raman, LASIR-UMR CNRS 8516, Bât C5, 2
PhysicoChimie des Processus de Combustion et de l’Atmosphère (PC2A - UMR CNRS 8522), Bât
C11.
1. Introduction
1.1- L’aérosol marin. Depuis des millénaires, les vents provoquent des vagues à la
surface des mers et océans. Les vagues déferlantes créent des embruns marins qui
propulsent dans la troposphère de nombreuses micro et nano gouttelettes d’eau de
mer. Pendant leur parcours aérien les gouttelettes se déshydratent se transforment
en micro et nanoparticules solides qui constituent l’aérosol marin. 3,6 millions de
tonnes (3,6 Tg) de sel marin sont ainsi en suspension dans la troposphère. Les
particules de sel peuvent être transportées sur de longues distances par le
déplacement des masses d’air. Les particules marines sont connues pour participer
au bilan radiatif de la terre et pour être des noyaux de nucléation des nuages. Les
embruns marins sont aussi réputés pour leur action décongestionnante sur le
système respiratoire. Les particules marines mises en suspension sont constituées
de toutes les espèces chimiques de l’eau de mer, c'est-à-dire essentiellement du
chlorure de sodium (NaCl) mais aussi du bromure de sodium (NaBr) ainsi que des
sels de magnésium, de potassium, …et de nombreux autres composés minéraux en
faibles proportions. Les composés organiques issus du plancton marin se retrouvent
dans l’aérosol marin sous la forme d’un fin revêtement d’acides gras, acides
stéarique et palmitique en particulier, qui recouvre les particules de sel. Les
concentrations en particules peuvent dépasser 20 µg/m3 d’air dans les zones
côtières. Pendant leur parcours atmosphérique, les particules de sels marins ne sont
pas inertes chimiquement, elles sont soumises à la réactivité chimique et
photochimique des gaz traces et des radicaux. La chimie de l’aérosol marin a un
impact sur l’effet radiatif, les pluies et la qualité de l’air. La retombée inéluctable des
particules d’origine marine s’accompagne d’un déficit en chlorure de la composition
de l’aérosol marin et d’importantes transformations chimiques qui ne sont pas sans
conséquences sur les écosystèmes des zones littorales. Des études bibliographiques
très complètes des travaux sur la chimie troposphérique de l’aérosol marin ont été
publiées [1].
1.2 - Les oxydes d’azote dans l’atmosphère. Les gaz traces de l’atmosphère sont
soit émis directement (CO2, SO2, NO, NO2, …), soit issus d’un processus de chimie
atmosphérique (O3, H2SO4, HNO3, N2O5…). Les concentrations en gaz polluants
réglementés (O3, NO2, SO2) sont suivies en continu par les réseaux de surveillance
de la qualité de l’air pour prévenir des dépassements de seuils. Les concentrations
peuvent dépasser les seuils d’alerte dans des zones urbaines et industrielles. Les
concentrations des polluants gazeux dans les masses d’air continentales ont
tendance globalement à se stabiliser alors que les concentrations correspondantes
des zones portuaires sont en croissante augmentation. Le cas des oxydes d’azote
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est particulièrement préoccupant [2] La forte augmentation du trafic maritime et des
plateformes multimodales de transport entraîne des émissions importantes de NOx
qui s’ajoutent aux émissions massives des activités industrielles et urbaines qui
jouxtent souvent les ports de commerce. Environ 0,6 million de tonnes de NO2 sont
présents dans l’atmosphère. La distribution géographique de NO2 dans l’atmosphère
du globe a été obtenue par des mesures spectroscopiques effectuées par
l’instrument SCIAMACHY du satellite ENVISAT entre Janvier 2003 et Juin 2004 [3].
Trois zones très importantes d’émission de NO2 sont observées: la zone des grands
lacs aux Etats-Unis, la zone de Pékin en Chine et la zone des ports de la mer du
Nord, Rotterdam, Anvers et Dunkerque. Les images montrent également des zones
d’émission plus localisées sur les grandes métropoles et les axes routiers à trafic
intense. Les gaz d’échappement des moteurs à combustion, des chauffages
industriels et domestiques, ainsi que des incinérateurs d’ordures produisent de
grandes quantités d’oxydes d’azote, une partie échappe aux traitements de
remédiation et est rejetée dans l’atmosphère sous forme de NO et de NO2. Les
émissions de NO et de NO2 engendrent une chimie et une photochimie
atmosphérique très complexes qui produisent des composés très réactifs en faibles
concentrations incluant HNO3, N2O5, NO3, O3,… Les processus les plus connus
sont :
€ NO2
NO + ½ O2
2 NO2 = N2O4
NO2 + O3 € NO3 + O2
NO2 + NO3 € N2O5
NO2 + OH € HNO3
NO2 + H2O € HNO3 + HNO2
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
HNO3, N2O5, NO3, HNO2 et N2O4 ont des concentrations bien inférieures à NO2 dans
l’air mais ont des réactivités spécifiques. Par exemple, HNO2 est un gaz trace très
important comme source de radical OH qui est un oxydant puissant de l’atmosphère.
Tous ces composés gazeux azotés sont susceptibles d’être capturés dans
l’atmosphère par des gouttelettes d’eau (hydrométéores) puis de retomber sous la
forme de pluies acides. NO2 et ses dérivés sont aussi susceptibles d’être capturés
par des aérosols solides et particulièrement par l’aérosol marin. La chimie
hétérogène de l’aérosol marin avec les oxydes d’azote a fait l’objet d’articles de
revue très complets [1].
1.3 - Etudes sur sites. Les zones côtières et particulièrement les ports de commerce
sont les plus propices à la mise en présence d’oxydes d’azote avec l’aérosol marin
dans la troposphère. Des prélèvements [4] de matière particulaire (PM) dans des
masses d’air marines n’ayant pas traversées des zones anthropisées permet de
collecter des particules incolores de tailles sub et supermicroniques. Les particules
d’un aérosol marin récemment émis possèdent une composition chimique analogue
à celle de l’eau de mer. L’humidité relative (HR) de l’atmosphère augmente
sensiblement la quantité d’eau adsorbée sur les cristaux surtout quand la valeur
atteint la déliquescence de NaCl. Au dessus de la déliquescence (HR > 75,3%) une
solution concentrée en NaCl recouvre la particule solide. Il est connu que les
conditions de cristallisation influencent la morphologie des microcristaux de NaCl qui
cristallisent dans un système cubique de groupe d’espace Oh5 (Fm3m). Les faces
(100) sont favorisées énergiquement alors que les faces (111) sont minoritaires. Des
campagnes de prélèvements dans des masses d’air d’origine marine ayant transitées
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par des régions fortement anthropisées mettent en évidence des particules qui
présentent un déficit important en chlorure. Le déficit en Cl- est compensé par des
ions nitrate (NO3-) et sulfates (SO42-). Les analyses effectuées sur des particules
d’aérosol marin prélevées sur sites mettent en évidence une chimie entre l’aérosol
marin et les oxydes d’azote de l’air urbain et industriel. L’aérosol marin est donc un
puits pour les émissions d’oxydes d’azote NO et NO2. Parmi les oxydes d’azote
répertoriés dans l’atmosphère NO, NO2, HNO3, N2O5, NO3 …etc, NO2 possède la
concentration la plus élevée qui peut dépasser 20 µg/m3 dans certains sites très
pollués. La coexistence de masses d’air d’origine marine et d’air pollué par NO2
engendre la formation de particules de NaNO3 à la surface des particules de sel
marin dans l’atmosphère avant la retombée sur les zones côtières. Les études sur
les particules prélevées sur sites montrent l’importance de l’humidité relative sur la
chimie atmosphérique de l’aérosol marin. Les résultats actuels de l’imagerie ToFSIMS (Time of Flight-Secondary Ions Mass Spectrometry) des particules d’aérosol
marin suggèrent un rôle important du revêtement d’acides gras à la surface de la
solution entourant la particule de sel marin sur la déshydratation et la réactivité
hétérogène. Les études sur sites donnent des représentations de la chimie
atmosphérique au niveau global et au niveau de la particule individuelle, mais elles
sont limitées dans l’espace et le temps et ne renseignent pas sur la complexité des
mécanismes moléculaires. La connaissance de ces mécanismes est nécessaire à la
prédiction des phénomènes atmosphériques.
1.4 - Etudes en laboratoire. Les études en laboratoire permettent de valider les
mécanismes de chimie atmosphérique proposés suivant les indications des mesures
sur sites. Elles sont aussi le lien indispensable entre les analyses sur des
échantillons prélevés et la modélisation des impacts des activités humaines sur
l’atmosphère. C’est particulièrement évident pour les processus de chimie
multiphasique ou hétérogène de l’atmosphère qui impliquent les gaz polluants et
l’aérosol marin qui est la deuxième source en masse de la matière particulaire solide
de l’atmosphère après les poussières minérales d’origine terrestre. De nombreux
résultats ont été publiés sur les travaux en laboratoire sur les réactions hétérogènes
entre NaCl qui est le composé majeur du sel marin et les différents oxydes d’azote,
NO2, N2O5, NO3, HNO3. Des revues récentes [1] ont fait le point sur les résultats des
études de laboratoire des réactions entre NaCl, NaBr et les oxydes d’azote. Le
composé majeur du sel de mer est NaCl qui est utilisé pour modéliser chimiquement
les propriétés de l’aérosol marin bien que les autres composés aient un rôle non
négligeable dans les propriétés physicochimiques. NaCl monocristallin clivé selon la
face (100) est utilisé surtout pour étudier les interactions de la surface des particules
d’aérosol avec les oxydes d’azote au niveau microscopique. Des poudres de NaCl
contenant des micro et nanocristaux sont souvent employées pour quantifier les
coefficients de capture et les études cinétiques avec les gaz traces. Toutefois,
l’aérosol de NaCl produit par atomisation de solution aqueuse est la forme la plus
représentative de la réactivité de l’aérosol marin dans l’atmosphère. Les mesures de
coefficients de capture des oxydes d’azote par la technique des tubes à écoulement
(aerosols flow tube) apparaissent les plus proches de la réalité, bien que les
concentrations en particules soient beaucoup plus élevées dans les réacteurs de
laboratoire que dans l’air marin. Il est connu que la capture de NO2 par les particules
d’aérosol de NaCl est bien moins efficace que celles de N2O5, NO3, HNO3 ou
ClONO2. Toutefois, NO2 est un polluant primaire bien plus abondant dans
l’atmosphère que les polluants azotés secondaires. L’étude détaillée de sa réactivité
vis-à-vis des particules de NaCl est importante et ne peut être négligée. Tous les
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résultats sur la chimie de N2O5, NO3, HNO3 ou ClONO2 gaz sur NaCl concordent
pour admettre un rôle très important de l’eau gaz et de l’eau adsorbée dans le
mécanisme de nitration. L’effet de l’eau de surface dans la réaction entre NO2 et une
poudre polycristalline de NaCl a été mis en évidence par réflexion diffuse infrarouge
(DRIRS) [5]. D’autre part, des études de l’interaction de la face (100) de NaCl avec
H2O gaz ont mis en évidence le recouvrement d’une couche monomoléculaire d’eau
bien avant le point de déliquescence de NaCl. Ce point est crucial pour la
cristallisation de surface de NaNO3 observée lors de l’interaction entre HNO3 gaz et
la face (100) de NaCl par microscopie à force atomique (AFM)[6].
Nous présentons dans ce travail, les résultats de l’étude de la réaction entre NO2 gaz
et la face (100) de NaCl monocristallin recouvert ou non d’un dépôt d’oléate de
sodium. Un montage qui s’approche des conditions atmosphériques a été réalisé au
laboratoire pour exposer le monocristal de NaCl au gaz NO2 dans une atmosphère
d’humidité relative contrôlée. Il a permis également de contrôler les composants de la
phase gaz par spectrométrie d’absorption infrarouge. Une attention particulière a été
portée sur la répartition spatiale de la cristallisation des produits sur la surface en
fonction des conditions expérimentales. Les techniques principales utilisées sont la
microscopie à force atomique et la microspectrométrie Raman confocale qui
permettent de travailler dans des conditions in situ.
2. Partie expérimentale
2.1 - Préparation des monocristaux de NaCl (100). Des monocristaux de NaCl
d’environ 1 cm × 1cm sur la face (100) et d’une épaisseur de 0,1 cm ont été utilisées
(Merck). Ces monocristaux ont été clivés à partir d’un monocristal de NaCl puis polis
à l’air. Certaines monocristaux ont été utilisés tels quels pour l’exposition à une
atmosphère de NO2. D’autres ont été recouverts d’un dépôt d’oléate de sodium par
immersion à vitesse contrôlée dans une solution d’oléate (sel de sodium, Fluka)
de 0,65g/litre dans de l’eau déionisée, puis évaporation.
2.2 - Exposition à NO2. Les monocristaux de NaCl sont introduits dans le
compartiment échantillon du montage ci-dessous réalisé au laboratoire. Les cristaux
ont été exposés en conditions statiques au sein d’une cellule placée dans le
compartiment échantillon d’un spectromètre infrarouge à transformée de Fourier
(IRTF). La cellule est réalisée en Téflon et est munie de deux fenêtres en
germanium. La composition chimique de la phase gazeuse est obtenue grâce à un
banc de dilution et à des débitmètres massique (fig.1). La quantité désirée de
dioxyde d’azote est obtenue par dilution d’un mélange gazeux commercial (1% de
NO2 dans l’hélium) dans un gaz porteur (azote). Il est possible d’additionner au
mélange précédent, une quantité contrôlée de vapeur d’eau par ajout d’azote saturé
en eau. L’humidité relative est mesurée par une sonde hygrométrique placée en
amont de la cellule porte-échantillon.
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Sonde
hygrométrique
Saturateur
d’eau
pompe
N2
N2 sec
N2 humidifié
IRTF
pastille
ou cristal
de sel
Fig 1. Montage pour l’exposition de la face (100) d’un cristal de NaCl. Les conditions d’exposition
sont les suivantes : T=300K, P=Patmos, [NO2]=125±5 ppmv, temps d’exposition=30min, humidité
relative entre 0-70%.
La composition de la phase gazeuse dans la cellule d’exposition est contrôlée par
IRTF. Après un balayage du compartiment échantillon par le gaz porteur sec (N2)
pendant 2 minutes les monocristaux de NaCl sont exposés à une atmosphère
d’azote avec des pressions partielles de NO2 et d’H2O contrôlées. Dans les différents
essais, la pression partielle de NO2 est maintenue constante à 12,9±0,6 Pa soit une
concentration de 127±6 ppm. Les différentes pressions partielles d’H2O utilisées sont
0, 350, 1050 et 1590 Pa soit une humidité relative de 0, 15, 45 et 68 % à la
température de 21±4 °C. Le temps de contact est identique pour tous les essais et
est fixé à 30 minutes. Après 30 mn, le gaz résiduel est éliminé par un courant d’azote
sec. Les monocristaux sont ensuite stockés à l’air sous une humidité relative
d’environ 50 %.
2.3 - Microscopie champ proche. Les images morphologiques des faces (100) de
NaCl exposées à une atmosphère humide de NO2 ont été obtenues avec une
résolution submicronique au moyen d’un dispositif de microscopie à force atomique
fonctionnant en contact intermittent (mode tapping). Les images ont été réalisées à
l’air à l’humidité relative ambiante (HR ~ 50 %). Une pointe en or dont le diamètre est
compris entre 20 nm et 100 nm est collée à l’extrémité d’une des branches d’un
diapason d’horlogerie en quartz dont la vibration est entretenue électriquement (fig.
5).
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Fig 2. Schéma du microscope à force atomique en mode tapping
La pointe en or est collée de telle manière qu’elle oscille à la fréquence du diapason
(~32kHz) perpendiculairement à l’échantillon avec une amplitude de quelques nm.
Un amplificateur à détection synchrone calée sur la fréquence de vibration du
diapason mesure à chaque instant l’amplitude de vibration de la pointe si bien que
tout amortissement de la vibration due à la présence d’un échantillon à proximité de
la pointe est immédiatement détecté. En imposant une valeur en deçà de laquelle
l’amplitude de vibration ne peut descendre (consigne) on peut, au moyen d’une
boucle de contre-réaction incluant la détection synchrone et l’élément piézoélectrique
de positionnement en z de l’échantillon, maintenir la distance pointe-échantillon
constante lors du balayage de l’échantillon par la pointe. Le déplacement vertical de
l’échantillon en fonction du balayage sert alors à reconstruire une image
topographique de l’échantillon dont la résolution latérale dépend principalement du
diamètre de la pointe utilisée et la résolution verticale de la résolution de l’élément
piézoélectrique assurant le déplacement vertical de l’échantillon ainsi que de
l’électronique de régulation de distance (quelques nm). Contrairement au mode
contact le fonctionnement en contact intermittent permet de ne pas altérer
l’échantillon lors du balayage ce qui a pu être vérifié en enregistrant la même image
plusieurs fois de suite.
2.4 - Microspectromètrie Raman. Les images Raman des faces (100) de NaCl
exposées à une atmosphère humide de NO2 ont été obtenues à l’air ambiant avec
une résolution latérale de l’ordre du µm au moyen d’un dispositif de
microspectrométrie confocale « Labram » Jobin Yvon, Horiba (fig.3). La diffusion
Raman est excitée par un laser He-Ne de longueur d’onde 632,8 nm dont le faisceau
est focalisé sur l’échantillon par un objectif Olympus (× 100) d’ouverture
numérique 0,90. La résolution latérale est imposée par les lois de la diffraction : d
(résolution) = 0,6 λ(longueur d'onde)/ ON (ouverture numérique) et est donc limitée
théoriquement à ~ 0,35 µm. La puissance laser maximum sur l’échantillon est de 8
mW et peut être atténuée par des filtres de densité optique 0,3 ; 0,6 ; 1 ; 2 ; 3 et 4. La
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dimension effective du spot laser sur l’échantillon est d’environ 1 µm2. Une ouverture
du trou confocal de 350 µm permet une résolution axiale d’environ 1,4 µm tout en
gardant un rapport signal/bruit correct. L’instrument est équipé d’un détecteur CCD
(2048×512 pixels) refroidi à l’azote liquide qui permet d’obtenir un spectre entre 500
et 1500 cm-1 avec une résolution de 4 cm-1. Le cristal est déposé sur une platine à
déplacement automatisé (XYZ). Une caméra vidéo est utilisée pour visualiser
l’échantillon. L’obtention d’image Raman consiste en un enregistrement automatique
(XY) point par point de spectres Raman avec un déplacement de 1µm et un temps
d’acquisition de 30 s par spectre. L’acquisition d’une image conduit à une matrice à 3
dimensions [m×n×λ] avec 1 spectre de λ=2040 éléments spectraux associé à chacun
des m×n pixels. Chaque spectre est représentatif d’une microzone de 1 µm2
d’échantillon avec une épaisseur d’environ 1 µm. Une expression de l’intensité ΦR de
la diffusion Raman d’un pixel est donnée par :
2
~
=
Κ
E
⋅
α
⋅
E
∫ ∫ e X Y Z s dΩ ⋅ dV
ΦR
(7)
2 2
4
VΩ
K = 4 π γ Φ (ν0−∆ν) , γ=1/137, Φ est le flux lumineux excitateur, ν et ∆ν (cm-1) sont
~
respectivement les nombres d’onde des radiations excitatrice et Raman. E e est le
vecteur champ électrique transposé de la lumière excitatrice et Es est le vecteur
champ électrique de la lumière diffuse. αXYZ est le tenseur Raman de l’échantillon
dans le système d’axes XYZ de l’appareil, V est le volume total diffusant et Ω est
l’angle solide défini par l’angle de demi-ouverture de l’objectif de microscope. Le
tenseur Raman dans le repère fixe XYZ est relié au repère xyz de l’échantillon par la
relation :
~
(8)
α XYZ = R ⋅ α xyz ⋅ R
~
où R ( R ) est la matrice de rotation (ou sa transposée) définie par les angles d’Euler.
Un spectre Raman d’un pixel d’un échantillon cristallisé dépend de l’orientation R du
cristal, alors que le spectre Raman d’un échantillon amorphe ou de nanoparticules
orientées de façon aléatoire ne dépend pas de R.
Spectromètre
Couplage microscope-spectromètre
Dispositif piézo
(Z)
Objectif
ELECTRONIQUE
INFORMATIQUE
Z
ELECTRONIQUE
Platine
Platine
X X YY
Microdéplacement XY
Fig 3 : Schéma de principe d’un microcrospectromètre Raman automatisé
L’imagerie Raman a été obtenue par un traitement conventionnel d’image. Un
domaine spectral étroit correspondant à une bande Raman caractéristique d’une
espèce chimique est sélectionné dans le domaine spectral. L’intégration de l’aire
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sous pic de tous les (m×n) spectres donne l’image Raman de l’espèce chimique
caractérisée par la bande Raman sélectionnée.
1 3 8 5 .1
0.30
0.20
7 2 4 .9
2 µm
Intensité
Raman
In ten s ity (cn
t/s ec)
1 0 6 7 .6
3. Résultats
L’exposition de la face (100) d’un cristal de NaCl sans traitement thermique préalable
à une atmosphère sèche de NO2 montre une diminution de l’intensité d’absorption
infrarouge de la phase gazeuse de la bande ν3 à 1615 cm-1 caractéristique du gaz
NO2. Cette diminution corrigée des effets de parois s’accompagne de l’apparition
d’une bande à 1810 cm-1 caractéristique de ClNO. Il est à signaler que dans les
conditions expérimentales la formation de N2O4 par l’équilibre (2) est négligeable.
L’examen de la surface (100) par microscopie optique conventionnelle juste après
l’exposition de 30 mn à l’atmosphère sèche de NO2 (HR=O%) et l’évacuation par un
courant d’azote sec ne montre pas de différence notable avec l’aspect de la surface
avant l’exposition. Toutefois après 18 heures environ à une humidité relative de 50 %
des petites taches apparaissent, en particulier sur des lignes liées à des marches de
la surface et (ou) au procédé de polissage. Après 20 jours des petites particules
d’environ 160 nm sont mises en évidence par microscopie à force atomique. Des
mesures de microspectrométrie Raman effectuées à ce stade sur les petites
particules permettent de mettre en évidence des nanocristaux de NaNO3 par la
bande Raman à 1068 cm-1 attribuée au mode ν1 de l'anion NO3-. La diffusion Raman
de NaNO3 monocristallin et polycristallin est bien connue[7]. NaNO3 cristallise avec le
groupe d’espace D3d6 ( R3-c), la symétrie de site des cations Na+ est S6 alors que
celle des anions NO3- est D3. En conséquence 5 modes de vibration actifs en
diffusion Raman sont attendus, 3 concernent les modes internes de l’anion NO3- et 2
concernent les modes de réseau de symétrie Eg, observés en basses fréquences à
185 et 98 cm-1. Les modes A1g(ν1), Eg (ν3), et Eg (ν4) sont observés à 1068, 1385, et
724 cm-1, respectivement dans le spectre Raman de NaNO3 solide. Les intensités
des bandes Raman obtenues en diffusion Raman polarisée d’un monocristal
permettent d’estimer la valeur des éléments du tenseur de diffusion αxyz. Aucune
bande Raman n’est observée en dehors des petites particules de dimension
submicrométrique (~ 0,16 µm). En effet, NaCl cristallise dans un système cubique à
faces centrées de groupe d’espace Oh5 (Fm3m) et d’après les règles de sélection de
la diffusion Raman aucun mode de vibration fondamentale de NaCl n’est observable.
a)
b)
c) 0.40
0.10
4 µm
600
800
1 000
1 200
-1 -1
Ramand’onde
Shift (cm(cm
) )
Nombre
1 400
Fig 4 a) Image optique conventionnelle obtenue avec un objectif 100× de la surface (100) de NaCl
après une exposition de 30 mn à une atmosphère de NO2 ( 13 Pa, HR=0%) et une exposition
pendant 20 jours à HR~50% b) Image Raman (1068 cm-1) caractéristique de NaNO3 solide de la
zone délimitée par un cadre dans l’image optique a) ; c) Spectre Raman d’un pixel de 1 × 1 µm2
autour d’une particule de 0,160 µm.
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Quand l’expérience est renouvelée avec une humidité relative de 15 et de 45% en
gardant les autres paramètres identiques à l’expérience précédente, la formation de
nanocristaux de NaNO3 est observée dès la fin de l’exposition à NO2. Sur le cristal
exposé dans une HR de 45% la formation d’agrégats d’environ 20 µm de particules
submicrométriques est mise en évidence sur la figure 5.
b)
a)
2 µm
5 µm
Fig 5 a) Image optique conventionnelle obtenue avec un objectif 100× de la surface (100) de NaCl
après une exposition de 30 mn à une atmosphère de NO2 (13,1 Pa, HR=45%) et une exposition
pendant 1 jour à HR~50% ; b) Image Raman (1068 cm-1) caractéristique de NaNO3 solide de la zone
délimitée par un cadre dans l’image optique a).
La microspectrométrie Raman met en évidence aussi la présence d’une solution très
concentrée sur certains pixels, détectable par le mode ν1 d’élongation à 1050 cm-1.
Fig 6. Image topographique par microscopie AFM en mode tapping de la surface (100) de NaCl après
une exposition de 30 mn à une atmosphère de NO2 ( 13,1 Pa, HR=45%) et une exposition pendant 7
jours à HR~50%.
L’image topographique de la surface (100) du cristal de NaCl par microscopie à force
atomique en mode non contact (tapping) met en évidence des agrégats de cristaux
de formes rhomboédriques. La microscopie AFM met également en évidence des
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creux dans NaCl au voisinage des microcristaux de NaNO3, ce qui démontre une
consommation de NaCl dans la réaction de surface avec NO2.
Une exposition de monocristaux de NaCl (100) à NO2 gaz en présence d’une
humidité relative de 68% accélère encore les processus de cristallisation de surface
de NaNO3. Il est à signaler que HR= 68 % est proche du point de déliquescence de
mélange NaNO3 – NaCl [8].
Fig 7. Image topographique par microscopie AFM en mode tapping de la surface (100) de NaCl(100)
après une exposition de 30 mn à une atmosphère de NO2 ( 13,1 Pa, HR=68%) et une exposition
pendant 6 jours à HR~50%.
L’image AFM ci-dessus met en évidence des cristaux de taille supérieure à 1µm de
morphologie rhomboédrique analogue à celle obtenue pour des HR inférieures à
50%. L’image montre également des amas de plusieurs µm de morphologie
différente. La microspectrométrie Raman démontre que les microcristaux de formes
rhomboédriques sont composés exclusivement de NaNO3 sec.
Un dépôt d’acide oléique sur la surface (100) de NaCl a été réalisé par immersion
dans une solution d’oléate de sodium dans l’eau. L’exposition de cette surface à
une atmosphère de NO2 avec une humidité relative de 0 % dans des conditions
décrites précédemment conduit à une cristallisation de surface de NaNO3. L’imagerie
Raman de l’acide oléique a été obtenue par l’intensité de la bande à 2800-3000 cm-1
(Figure 8a). Elle montre des dépôts hétérogènes de plusieurs µm à la surface du
cristal de NaCl. L’image Raman (Figure 8b) montre des microcristaux de NaNO3 sur
la surface de NaCl non recouverte d’oléate mais aussi des cristaux plus gros de
NaNO3 superposés au dépôt d’acide gras.
10
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a)
b)
1 µm
1 µm
Fig 8. Cartographies Raman qui montrent le dépôt d’acide oléique (a) et la formation de nitrate de
sodium (b) après une exposition pendant 30 mn à une atmosphère de NO2 ( 13 Pa, HR=0%) d’une
surface (100) de NaCl recouverte d’acide oléique et une exposition pendant 5 jours à HR~50%.
4. Conclusions
Il a été démontré dans des travaux précédents que la réaction de HNO3 gaz sur
des cristaux de NaCl strictement anhydre conduisait à la formation d’une couche
uniforme et protectrice de NaNO3 qui empêche la réaction de progresser [9]. Il est
probable que la réaction initiale de la face (100) de NaCl avec NO2 gaz procède d’un
phénomène de surface analogue selon la réaction :
2 NO2 (gaz) + NaCl (surface) € NaNO3 (surface) + ClNO (gaz)
(9)
La présence ultérieure d’eau atmosphérique initie la cristallisation de NaNO3 sous la
forme de nano puis de microcristaux qui se regroupent pour créer des agrégats de
plus grandes tailles avec une altération de la surface de NaCl. La présence d’eau
adsorbée sur la surface de NaCl fait intervenir un autre mécanisme dont l’importance
augmente avec l’humidité relative de la phase gaz.
2 NO2 (gaz) + H2O (surface) € HNO3 (surface) + HNO2 (surface)
(10)
3 HNO2 (surface) € HNO3 (surface) + 2 NO (gaz)
(11)
HNO3 (surface) + NaCl (surface) € NaNO3 (surface) + HCl (gaz)
(12)
La formation de nitrate s’opère selon la réaction (12) et la réorganisation de NaNO3
sur la surface est favorisée par une humidité relative forte. La cristallisation de
NaNO3 libère la surface de NaCl qui est alors accessible à d’autres molécules de
NO2 et la réaction peut se poursuivre jusqu’à disparition complète de NaCl. La
présence de dépôt d’oléate de sodium à la surface du cristal de NaCl n’est pas un
obstacle à la formation de nitrate par la réaction de NaCl avec NO2 (gaz). Les dépôts
sont très hétérogènes et ne gênent pas l’adsorption d’eau, la migration et la
cristallisation de NaNO3. Toutefois, la formation d’une monocouche ordonnée par
d’autres acides gras à la surface de NaCl est possible surtout avec des acides gras
saturés en C15 et C18 qui sont présents dans l’eau de mer de surface. La formation
d’une couche monomoléculaire pourrait être un obstacle à la capture des oxydes
d’azote par les aérosols marins, mais aussi une entrave à l’évaporation complète de
l’eau même pendant le processus de séchage des particules d’aérosol dans
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l’atmosphère. Dans le second cas la présence de cette couche pourrait favoriser la
réactivité de l’aérosol vis-à-vis des oxydes d’azote.
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