chronique gouvernance l`évaluation du rendement du directeur

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chronique gouvernance l`évaluation du rendement du directeur
 CHRONIQUE GOUVERNANCE Juin 2010 En collaboration avec l’équipe d’experts en gouvernance de Roméo Malenfant, Ph.D., le Centre québécois de services aux associations présente une série de chroniques portant sur les différents aspects de la gestion et de la gouvernance touchant les organismes sans but lucratif. Les opinions émises dans ces chroniques sont celles des auteurs ; leurs participations dans le cadre de ces chroniques rejoignent les valeurs d’Échange, Partage et Entraide du Centre et nous les en remercions. L’ÉVALUATION DU RENDEMENT DU DIRECTEUR GÉNÉRAL ET LA PARTICIPATION DES EMPLOYÉS À CET EXERCICE Monique Dansereau, CAÉ Vice‐présidente Société de Conseil OSBL + inc. PRÉAMBULE L’évaluation de la performance d’un directeur général a presque toujours constitué, sinon le cauchemar, du moins une situation embarrassante pour un Conseil d’administration. L’une des fonctions souvent négligée d’un Conseil d’administration, et même quelques fois, complètement absente, est celle de l’évaluation de la performance du directeur général ou de la personne ayant la rémunération la plus élevée de l’organisation. Que doit‐on évaluer? Comment? Par qui? Quand? Mais tout d’abord, clarifions l’expression usuelle qui fait référence à « l’évaluation du directeur général ». Selon nous, cette expression n’est pas adéquate puisque toute évaluation n’est pas une évaluation de la personne, mais bien du rendement de la personne dans une situation donnée. Voici donc quelques suggestions d’éléments‐clés basés sur les principes et pratiques du système de Gouvernance Stratégique®1 qui peuvent répondre à ces questions souvent demandées dans les organismes que nous desservons. PRINCIPE D’IMPUTABILITÉ D’abord, le directeur général est une personne qui a atteint le sommet de la hiérarchie de l’organisation qu’il dirige. Il est nommé par le Conseil d’administration qui le rend imputable de l’ensemble des opérations. Par conséquent, c’est donc au Conseil d’administration que le directeur général doit rendre des comptes. C’est aussi à partir de ce principe que les employés doivent aussi rendre des comptes soit à leur supérieur immédiat ou directement au directeur général, selon les organisations. PRINCIPE DE DÉLÉGATION Ensuite, le Conseil d’administration charge son directeur général d’exercer certaines responsabilités et pouvoirs selon une politique prévue à cet effet. De même qu’un directeur général chargera ses employés d’exercer certains autres pouvoirs. L’élément central de la délégation est l’exercice de certains pouvoirs d’une autorité par une autre autorité. La délégation reconnaît que la personne à qui on délègue est en situation d’autorité, probablement à un niveau Gouvernance Stratégique®1 est une marque de commerce de Consultants D.P.R.M. inc. utilisée sous licence.
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Centre québécois de services aux associations Juin 2010 Chronique Gouvernance Page | 2 différent de celui de la personne qui délègue, mais tout de même en autorité. Il y a donc un transfert de pouvoir de l’un vers l’autre. On rend responsable la personne à qui on délègue non seulement de l’exécution d’une tâche, mais également de son résultat. Ainsi, l’acte de délégation ne diminue en rien la responsabilité de la personne qui délègue. La responsabilité reste pleine et entière. Or en gestion, un des grands facteurs de motivation des personnes est justement le sentiment de responsabilité. Celle‐ci amène la personne à s’impliquer davantage dans son travail, car elle sent qu’on a confiance en elle et que son travail fait une différence. La délégation, pour être efficace, doit être claire et établie selon certains paramètres. C’est ce que l’on retrouve dans une politique de gouvernance : Rôle et délégation de pouvoir au directeur général, prévue à cet effet. LE DIRECTEUR GÉNÉRAL, SEUL EMPLOYÉ DU CONSEIL D’ADMINISTRATION Enfin, le directeur général est un employé de l’organisation, mais il n’est pas un salarié comme les autres. Il est d’abord le patron des employés de l’organisation, ce qui lui confère déjà un statut spécial. Ensuite, il se rapporte au Conseil d’administration composé d’au moins trois personnes physiques distinctes. Cette situation en fait un cas unique. De plus, afin d’éviter toute confusion, comme le Conseil d’administration engage un directeur général pour s’occuper des opérations, ce dernier doit voir à l’embauche de personnel compétent pour la réalisation de la mission de l’organisation. Ceci implique que le seul patron des employés est le directeur général. Cependant, dans un Conseil d’administration traditionnel, le Conseil a également tendance à laisser ses administrateurs transiger directement avec les employés de l’organisme, court‐circuitant ainsi le directeur général. La confusion peut facilement s’installer ; les employés ne sauront plus de qui prendre leurs directives et, dans le doute, iront vers ceux qui paraissent avoir le plus de pouvoir, soit les administrateurs. Dans une telle situation, le directeur général ne peut plus être tenu imputable des opérations puisqu’il ne contrôle plus les moyens ni les ressources pour ce faire. Ainsi, étant donné que le Conseil d’administration a délégué au directeur général par les paramètres ou politiques de gouvernance, la responsabilité des opérations, ce dernier, étant la personne‐clé, doit en assumer un leadership certain et non un certain leadership. Un Conseil d’administration connaissant bien ses rôles, peut ainsi déléguer en ayant confiance en la personne du directeur général et en ne venant pas diluer ses pouvoirs. L’ÉVALUATION DU RENDEMENT D’UN DIRECTEUR GÉNÉRAL Conséquemment, si nous situons la question de l’évaluation du rendement du directeur général dans le contexte où l’organisation a adopté un modèle de gouvernance clair, cette évaluation se fait alors autour de deux pôles : le pôle de conformité et le pôle de satisfaction. Le premier critère devient alors : est‐ce que les résultats organisationnels (programmes et budget) de l’année ont été atteints ? Le deuxième critère est de déterminer si le directeur général a respecté l’esprit et la lettre des politiques qui le concernaient. Finalement, le troisième critère consiste à se demander si le Conseil se sent à l’aise avec le style de gestion du directeur général. Ainsi, le Conseil, étant responsable de cette évaluation, devrait être en mesure de répondre à des questions comme celles‐ci, sous réserve des situations particulières de chaque association : ‐ pôle conformité 1. Les objectifs organisationnels pour l’année ont‐ils été atteints ? 2. Les objectifs budgétaires ont‐ils été atteints ? 3. Le directeur général respecte‐t‐il les politiques du Conseil (en faire la liste) ? 4. Est‐ce que le Conseil a reçu toute l’information qu’il a expressément demandée ? Centre québécois de services aux associations Juin 2010 Chronique Gouvernance Page | 3 ‐ pôle satisfaction 5. Est‐ce que les membres du Conseil sont généralement satisfaits de la performance du directeur général ? 6. Le Conseil se sent‐il confortable, à l’aise, avec le style de gestion de son directeur général ? 7. A‐t‐il l’impression qu’il a le meilleur directeur général possible ? Le résultat devrait se traduire par une notation unique entre excellent, très bon, bon, satisfaisant ou insatisfaisant, accompagnée de quelques observations. L’IMPLICATION DES EMPLOYÉS DANS CE PROCESSUS … Il faut maintenant poser le sujet de l’implication des employés dans ce processus. L’implication des employés dans l’évaluation du rendement du directeur général revient à dire que le directeur général est imputable de sa gestion envers les employés et envers le Conseil d’administration. Cela n’a pas tellement de sens. Comme patron des employés, le directeur général n’a pas été engagé par eux et, à notre avis, n’a pas à être imputable envers eux. Son patron est clairement le Conseil d’administration qui l’a engagé (et qui peut le congédier). C’est comme demander au directeur général d’évaluer le rendement du Conseil d’administration. Voyons cependant les avantages qu’y voient certaines personnes. AVANTAGES o
Pour certains administrateurs, considérant que le Conseil d’administration n’étant pas dans la gestion quotidienne, ils retrouvent des avantages en impliquant les employés dans « l’évaluation du directeur général » ayant ainsi l’impression de mieux contrôler l’organisation (c’est ainsi une manière de ne pas prendre ses responsabilités comme Conseil d’administration); o
Les employés ont le sentiment de travailler dans une organisation qui prône leur participation (la vraie participation est de toute autre nature et se base sur un leadership du directeur général ‐ l’évaluation de son rendement n’a rien à voir là‐dedans); o
Certains administrateurs trouvent un avantage de se servir des employés pour régler des comptes avec le directeur général (encore une mesure de déresponsabilisation des administrateurs qui dénote un problème profond de gouvernance); o
Certains employés peuvent apprécier le fait de se sentir impliqués dans cette démarche (en fait, ils pensent obtenir ainsi du pouvoir sur le directeur général ET sur le Conseil d’administration); o
Peut favoriser une gestion participative (encore ici, la gestion participative et l’évaluation au rendement sont deux concepts totalement différents ‐ il peut y avoir ou non une gestion participative sans évaluation au rendement du directeur général). DÉSAVANTAGES Par ailleurs, un certain nombre de désavantages viennent apporter du poids au fait que les employés ne devraient pas être impliqués dans l’évaluation du rendement du directeur général. o
Les administrateurs peuvent se placer en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflits d’intérêts, particulièrement si certains d’entre eux ont des relations avec les employés; o
L’évaluation des employés par le directeur général peut être biaisée considérant qu’il sera évalué par ces derniers aussi; o
Une perte de confiance du DG envers son CA; o
C’est le signe d’une perte de confiance du CA envers son DG; o
Une perte de confiance du DG envers ses employés; o
Une perte de confiance des employés envers leur DG; Centre québécois de services aux associations Juin 2010 Chronique Gouvernance Page | 4 o
Le CA passe par‐dessus la tête du DG, minant ainsi son autorité; o
Certains employés peuvent se servir de cette occasion pour régler des comptes à l’interne; o
Les employés sont pris entre CA et DG; o
Certaine confusion quant à savoir qui est le patron des employés; Les employés peuvent se sentir intimidés par cette démarche; o
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Le CA manque de distance entre son rôle et celui des opérations; o
Peut créer une diminution du respect de la structure de l’organisation; o
Engendre une confusion dans la reddition de comptes; o
Enlève tout autorité au DG pour discipliner les employés. Enfin, il est utile de rappeler que dans l’évaluation du rendement du directeur général, sous le pôle de conformité, les employés ont peu de mots à dire puisque c’est une question objective : les résultats ont‐ils été atteints ou non. Quant au pôle de satisfaction, c’est le sentiment subjectif des administrateurs qui compte et non pas celui des employés qui peuvent être insatisfaits parce que le directeur général ne leur plaît pas. Ce qui comporterait un énorme danger. CONCLUSION Bref, la performance du directeur général est donc une évaluation de la performance de l’ensemble des opérations et non une question d’évaluation personnelle. Enfin, au‐delà de la conformité, la question fondamentale à laquelle un Conseil d’administration responsable devrait répondre est une question concernant le pôle de satisfaction, à savoir : Est‐ce que le Conseil a l’impression qu’il a le meilleur directeur général possible considérant la situation et les objectifs de l’organisation ? En terminant, une fois un bon système de gouvernance établi, une fois les politiques concernant le rôle et la délégation de pouvoirs ainsi que celle concernant l’évaluation de son rendement sont clairement définies, une fois que le Conseil s’est assuré que le directeur général est le meilleur possible pour l’organisation et que les employés sont des collaborateurs dans la réalisation de la mission et de la vision de l’organisme, une fois que le rôle de chacune des instances est bien établi, il n’est pas recommandé que les employés participent à l’évaluation du rendement du directeur général. _________________________ Pour en savoir plus sur l’évaluation du directeur général et sur ses rôles, nous vous invitons à communiquer avec nous ou à consulter le livre La Gouvernance et le Conseil d’administration, aux Éditions D.P.R.M. de Roméo Malenfant, Ph.D. Pour commander ce livre, visitez la Boutique en ligne du Centre québécois de services aux associations à l’adresse suivante : http://www.associationsquebec.qc.ca/boutique Le Centre québécois de services aux associations, une initiative du Regroupement des organismes nationaux de loisir et de sport du Québec, a pour mandat d’appuyer la progression du développement professionnel des gestionnaires des OSBL du Québec, tout en contribuant à l’efficacité de ces organismes. Les stratégies d’intervention du Centre privilégient la collaboration avec d’autres organismes du milieu associatif québécois. Le Centre désire favoriser les rapports entre les individus et souhaite faire vivre l’esprit d’entraide par l’échange et le partage des expériences et des compétences. Pour de plus amples informations : www.associationsquebec.qc.ca.