La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie

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La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie
La chimiothérapie intrapéritonéale
avec hyperthermie
O. Glehen et F.-N. Gilly
Introduction
Le cancer épithélial ovarien constitue une des principales causes de décès par
cancer chez la femme après le cancer du sein et du côlon et est souvent diagnostiqué à un stade évolué (1). La stratégie thérapeutique standard pour une
maladie limitée à la cavité péritonéale associe la chirurgie de cytoréduction lorsqu’elle est possible, suivie d’une chimiothérapie systémique associant paclitaxel
et dérivé du platine. Cette stratégie permet d’obtenir 60 à 80 % de rémission
complète pour une médiane de survie comprise entre 35 et 38 mois (2, 3). La
radicalité de la chirurgie de cytoréduction constitue sans doute le principal
facteur pronostique comme l’a rapporté une méta-analyse sur plus de
7 000 patientes présentant un cancer ovarien de stade III ou IV (4).
Toutefois, en plus des patients ne répondant pas complètement à la stratégie
thérapeutique initiale, un certain nombre de patientes récidivent. Elles constituent une population au pronostic beaucoup plus réservé et pour laquelle une
prise en charge thérapeutique à visée curative devient beaucoup plus aléatoire.
Plusieurs modalités thérapeutiques ont été proposées comme la chirurgie de
cytoréduction de deuxième intention, les chimiothérapies de deuxième ligne,
ou encore les chimiothérapies avec intensification de dose, la chimiothérapie
intrapéritonéale, la radiothérapie, l’immunothérapie, l’hormonothérapie. Mais
aucune de ces modalités thérapeutiques ne s’est réellement imposée dans la
prise en charge des cancers ovariens récidivants ou chimio-résistants.
Au cours des quinze dernières années, plusieurs équipes ont développé un
nouveau concept de traitement loco-régional (pour une maladie dont l’extension est essentiellement loco-régionale) : la chimiohyperthermie intrapéritonéale
(CHIP). Elle peut être envisagée :
– à titre palliatif devant une carcinose péritonéale avérée et non accessible à une
chirurgie de cytoréduction macroscopiquement complète ;
– à visée curative en association à une chirurgie de cytoréduction macroscopiquement complète ;
362 Les cancers ovariens
– à visée adjuvante pour prévenir la récidive d’une carcinose après réponse
macroscopique complète dans les suites d’une chimiothérapie systémique.
Le développement de cette nouvelle modalité thérapeutique s’est fait essentiellement dans le traitement des carcinoses péritonéales d’origine digestive au
cours des dix dernières années et constitue pour certains le traitement de référence pour des patients strictement sélectionnés dans le pseudomyxome et le
mésothéliome péritonéal (5, 6) dans les carcinoses d’origine colorectale (7, 8)
et gastrique (9).
Rationnel et principe de la CHIP
La chimiothérapie délivrée par voie intrapéritonéale a l’avantage de mettre les
tissus tumoraux intrapéritonéaux (pas ou peu vascularisés au début de leur
croissance) en contact avec des concentrations élevées d’agents cytotoxiques en
limitant les concentrations systémiques et donc le risque de toxicité. Les avantages pharmacologiques de la chimiothérapie intrapéritonéale reposent sur
l’existence d’une barrière anatomique responsable d’un gradient de concentration entre la cavité péritonéale et la circulation sanguine (10). Le gradient de
concentration varie de 20 à plus de 600 selon l’agent considéré. Il dépend principalement du poids moléculaire et de la lipophilie de l’agent considéré (11,
12).
L’effet cytotoxique direct de la chaleur à 42,5 °C a été démontré in vitro
(13). Cet effet se produit à plusieurs niveaux : au niveau cellulaire où elle induit
une destruction des lipides membranaires, une désorganisation du cytosquelette, une dénaturation des protéines intracellulaires et la formation de radicaux
libres (14, 15) ; au niveau tissulaire où elle induit des micro-thromboses qui
perturbent la vascularisation (16) et activent les défenses immunitaires antitumorale (17). L’hyperthermie a également démontré qu’elle augmentait
l’efficacité de certaines molécules (mitomycine C, cisplatine, oxaliplatine), soit
en augmentant leur cytoxicité, soit en augmentant leur pénétration dans les
tissus tumoraux (18, 19). Son action n’est cependant pas constante et varie
selon les drogues. Pour les platines, principalement utilisés dans le traitement
des cancers ovariens, plusieurs mécanismes peuvent expliquer la potentialisation par la chaleur : l’augmentation de l’alkylation de l’ADN, de la formation
de métabolites actifs, de l’activité à pH bas (moins de 6,5) (20, 21), de la
production de radicaux libres (22). L’hyperthermie réduit ainsi les mécanismes
de résistance cellulaire au cisplatine (23, 24). Le maintien d’une température
dépassant 41 °C dans toute la cavité péritonéale semble essentiel car la diminution d’un degré de température divise par deux l’efficacité de l’hyperthermie
(25).
La CHIP est un « lavage péritonéal post-chirurgical » qui se déroule en fin
d’acte opératoire, sous anesthésie générale et qui véhicule la chimiothérapie
intrapéritonéale et la chaleur à l’aide d’un vecteur liquidien. La première CHIP
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 363
chez l’homme a été décrite par Spratt et al. (26) en 1980 pour le traitement
d’un pseudomyxome péritonéal. Au cours des années 80, elle a principalement
été développée au Japon en association aux techniques de cytoréduction pour
le traitement des CP d’origine gastrique sous l’impulsion de Koga (27) et
Fujimoto (28). C’est au centre hospitalier Lyon-Sud, en 1989, que la première
CHIP a été réalisée en Europe (29), pour une jeune patiente présentant une
carcinose massive d’origine gastrique. Par la suite, en France, en Europe, en
Asie et en Amérique du nord, sous l’impulsion de quelques chirurgiens comme
Gilly (30), Elias (25), Zoetmulder (31), Yonemura (32) et Sugarbaker (33), un
nouvel intérêt dans le traitement des CP est apparu, de la même façon que se
sont développées et améliorées les techniques de CHIP et de chirurgie de cytoréduction. En 2000, on dénombrait plus de trente centres dans le monde ayant
rapporté l’utilisation des techniques de CHIP (34).
Modalités techniques de la CHIP
Plusieurs modalités techniques de CHIP ont été décrites (18). Il y a, dans la
littérature, autant de techniques que d’équipes, ce qui suggère que nous
sommes encore au stade de la standardisation de la technique de CHIP, et loin
du stade de validation réelle par des essais prospectifs comparatifs. Les particularités techniques concernent : a) le circuit d’instillation ; b) la procédure sur le
péritoine (fermeture pariétale, exposition de la séreuse péritonéale, quantité de
liquide, température, durée) ; c) les molécules utilisées ; d) les gestes chirurgicaux associés.
Le circuit d’instillation du liquide et des molécules de chimiothérapie
Après des études de standardisation technique, le circuit actuellement retenu
par la majorité des équipes est le circuit stérile fermé à l’aide d’une pompe qui
permet de maintenir des températures intra-péritonéales entre 42 et 43 °C
(fig. 1). La température d’entrée est de 46-48 °C. Le débit est homogène, les
risques septiques sont évités (34, 35).
La procédure de CHIP (18, 34-37)
Plusieurs techniques de CHIP ont été utilisées : technique « à ventre fermé »
(fermeture complète de la paroi ou simple fermeture cutanée) et deux techniques « à ventre ouvert » (technique du « Coliseum » de Sugarbaker avec
expandeur du péritoine, technique de suspension pariétale). Dans toutes les
364 Les cancers ovariens
Fig. 1 – CHIP à circuit stérile fermé.
techniques des drains tubulaires sont placés dans les différents cadrans et
permettent d’instiller et de recueillir le liquide chauffé contenant les molécules
de chimiothérapie. Des capteurs thermiques sont aussi disposés pour contrôler
la température intrapéritonéale réelle. Elias et al. (37) ont mené une étude
prospective de phase I-II comparant sept techniques différentes chez
32 patients. Les conclusions de cette étude étaient les suivantes : la technique
fermée ne permet pas une diffusion homogène de la température et des
produits de chimiothérapie ; la technique ouverte avec un expandeur cutané
donne une homogénéité thermique parfaite, mais l’expandeur plaqué contre la
paroi (et empêchant l’effet de la CHIP à ce niveau) a été à l’origine de récidives
pariétales ; la technique ouverte avec suspension cutanée s’est avérée être la
technique la plus efficace, le brassage répété des anses par la main du chirurgien permettant de les faire baigner dans le liquide et d’avoir une parfaite
homogénéité thermique. Elle pose par contre comme les autres techniques « à
ventre ouvert », le problème de l’exposition du personnel soignant. Les défenseurs de la technique « à ventre fermé » ont réalisé des études expérimentales
de modélisation pour optimiser l’homogénéité thermique en fonction du débit
qui doit être élevé (0,9 l/mn) (38). Ensuite, il a été rapporté que la réalisation
d’une chimiothérapie intrapéritonéale à pression positive augmentait la pénétration intra-tissulaire et intra-tumorale de certaines drogues (39). Par ailleurs,
a été mis au point un prototype (le Cavitherm) capable de programmer, d’autoréguler et de recueillir les variables débit-température-pression
intra-abdominale, ce qui limite les problèmes techniques, facilite la reproductibilité entre les équipes chirurgicales, et permet de standardiser la CHIP et son
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 365
contrôle (18). Le choix de la technique la plus adaptée reste donc encore
discuté.
La quantité de liquide utilisée dans les différents protocoles est adaptée à la
surface corporelle des patients : 2 l/m2 en perfusion continue grâce à la pompe
branchée sur le circuit fermé pendant soixante à quatre-vingt-dix minutes. La
plupart des équipes utilisent un liquide isotonique, une étude de pharmacocinétique ayant suggéré qu’un liquide hypotonique n’améliorait pas la diffusion des
molécules de chimiothérapie et était même à l’origine d’hémorragies intrapéritonéales inexpliquées (40). Mais de récentes études menées par l’équipe du
Washington Cancer Institute de Sugarbaker ont montré que l’utilisation d’un
liquide hypertonique pourrait augmenter l’exposition des surfaces péritonéales et
donc des cellules tumorales résiduelles aux molécules de chimiothérapie (41, 42).
La température doit être maintenue à 42-43 °C (niveau de cytotoxicité
optimum) dans tous les cadrans de la cavité abdominale.
Les molécules de chimiothérapie
Le rationnel du choix d’une molécule est fondé sur sa pharmacocinétique dans
la séreuse péritonéale. Les molécules les plus adaptées doivent avoir un poids
moléculaire élevé, être hydrosolubles, être rapidement éliminées de la circulation
systémique, et surtout avoir une efficacité améliorée par l’hyperthermie (35).
La mitomycine C est la molécule la plus adaptée. Son activité est multipliée
par 40 quand elle est associée à une hyperthermie à 43 °C. Son absorption
pendant la première heure atteint 75-90 % selon les études (43). La dose
rapportée par la majorité des équipes est de 10 mg/l.
Le cisplatine est la deuxième molécule utilisée (34). Elle est administrée
seule ou en association à la mitomycine C.
D’autres molécules ont aussi été testées (oxaliplatine, TNFa, doxorubicine,
carboplatine, irinotecan, gemcitabine, etc.) (18, 25, 34, 40).
Cependant, à l’exception de la mitomycine C et du cisplatine, peu de protocoles thérapeutiques ont été validés par des études de phase II-III et aucune
dose de référence n’a été définie, d’autant que plusieurs paramètres peuvent
modifier la pharmacocinétique de la molécule et interviennent dans l’efficacité
de la CHIP (concentration, volume total, durée, température).
Les gestes chirurgicaux de réduction tumorale
Pour être efficace, la CHIP doit être précédée par une chirurgie de réduction
tumorale optimale. Les molécules de chimiothérapie, lorsqu’elles sont associées
à l’hyperthermie, ne peuvent pénétrer des nodules mesurant plus de 3 à 6 mm
(30). Le principe est de réséquer ou de coaguler tous les implants tumoraux
supra-millimétriques. Cela peut aboutir à des résections du péritoine pariétal
366 Les cancers ovariens
ou gestes de péritonectomie décrits par Sugarbaker (péritonectomies pariétales,
résection de la capsule hépatique, douglassectomie) (44) et à des résections
viscérales étendues d’organes pleins (épiploon, rate) ou de tube digestif
(intestin grêle, côlon, rectum). La principale limite de cette approche est le
risque de retentissement sur la qualité de vie postopératoire du fait de résections étendues (grêle court, etc.) et le risque de mortalité et morbidité,
intimement lié à l’agressivité du geste chirurgical (45). La durée moyenne de
ces procédure peut atteindre neuf heures (46, 47).
Mortalité et morbidité de la CHIP
La toxicité de la CHIP associée à une chirurgie de réduction tumorale est
d’ordre chirurgical (désunion anastomotique, complications septiques intrapéritonéales) ou médical (toxicité hématologique, insuffisance rénale).
L’hétérogénéité des séries (carcinose d’origine multiple parfois dans la même
série sans analyse en sous-groupes), la multiplicité des protocoles et des gestes
chirurgicaux associés, et la variation de la présentation des résultats rendent
l’analyse et l’interprétation des données difficiles.
Mortalité péri-opératoire
La mortalité opératoire varie de 0 % (dans les séries de faible effectif ) à 9,3 %
(48). Elle était significativement liée dans une analyse univariée à l’âge des
patients et à la température intra-abdominale (49). Après analyse multivariée,
seul l’âge pouvait être considéré comme facteur indépendant.
Morbidité « chirurgicale »
Il s’agit surtout de lâchage anastomotique, perforation digestive, hémorragie
intrapéritonéale, pancréatite aiguë, éviscération. Cette morbidité survenait
dans les grandes séries chez un patient sur trois environ. La gastroplégie est très
fréquente, imposant souvent une aspiration gastrique de plusieurs jours, et est
vraisemblablement liée à la résection complète systématique du grand épiploon
parfois associée à celle du petit épiploon, entraînant une dévascularisation et
une dénervation partielle de l’estomac. Trois analyses multivariées (49-51) ont
montré que les facteurs indépendants de morbidité étaient : la durée de la
chirurgie, l’importance et l’étendue de la péritonectomie et le nombre d’anastomoses. Il semble que c’est plus le geste chirurgical de réduction tumorale qui
est à l’origine de cette morbidité, mais la CHIP a vraisemblablement son
influence sur ces complications. Le stade et l’étendue de la carcinose péritonéale a également été retrouvé comme facteur prédictif de morbidité (47, 52).
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 367
Les patients présentant une carcinose évoluée ont plus de complications que les
patients présentant une carcinose limitée.
Morbidité « médicale » ou toxicité de la CHIP
Elle est essentiellement hématologique, avec une toxicité de grades 3-4 pouvant
survenir dans 8-31 % des cas, en particulier chez des patientes ayant été traitées
par de multiples cycles de chimiothérapie systémique. Les autres complications
sont essentiellement pulmonaires (jusqu’à 56 % dans la série d’Elias et al.) (47),
mais aussi cardiaques et digestives. L’absence d’homogénéité des protocoles de
chimiothérapie (CHIP ouverte ou fermée, dosage de la mitomycine C, autres
molécules) ne permet pas cependant de comparer les résultats des séries et d’interpréter ces données avec un bon niveau de preuves.
Résultats carcinologiques
Les études ayant évalué l’association d’une chirurgie de cytoréduction à une
CHIP dans le traitement des carcinoses ovariennes sont principalement des
études de phase I-II et de faible effectif (tableau I). Les patientes incluses au
sein de ces études étaient le plus souvent strictement sélectionnées, mais la
plupart présentaient des carcinoses le plus souvent soit évoluées, soit chimiorésistantes, soit récidivantes, autrement dit des carcinoses de mauvais pronostic
pour lesquelles aucun traitement aujourd’hui n’a réellement fait la preuve de
son efficacité. Les résultats carcinologiques ont été publiés selon des critères
variés (médiane de survie, taux de survie à 1-3 ans) qui ne permettent pas de
comparer leurs résultats, d’autant que tous les patients n’étaient pas contrôlés,
que peu de séries ont évalué leurs résultats selon la qualité de la chirurgie de
cytoréduction (complète ou incomplète) et que le recul moyen est très variable.
La multiplicité des protocoles rend l’interprétation encore plus difficile. La
qualité de vie a été rarement évaluée dans les études.
Les médianes de survie obtenues après l’association d’une chirurgie de cytoréduction et d’une CHIP sont comprises entre dix-neuf et quarante-six mois
avec des taux de survie à deux ans proches ou supérieurs à 50 %. Les résultats
sont encore plus encourageants lorsque la chirurgie de cytoréduction précédant
la réalisation de la CHIP a pu être complète ou sub-complète. Zanon et al. (53)
ont rapporté des médianes de survie et de survie sans récidive respectivement
de 37,8 et 24,4 mois sur une population de patientes présentant des carcinoses
ovariennes récidivantes, lorsque la chirurgie avait permis un debulking
optimum ne laissant en place que des nodules de moins de 2,5 mm. Dans
notre expérience non encore publiée, avec un recul médian de trente-sept mois,
la médiane de survie en cas de chirurgie macroscopiquement complète atteint
368 Les cancers ovariens
Tableau I – Résultats carcinologiques des carcinoses ovariennes chimiorésistantes ou récidivantes traitées par CHIP.
Auteurs
Année Nombre Chimiothérapie Recul Médiane
médian
de survie
Survie
Hager et al. (59)
2001
19
Cisplatine
-
Deraco et al. (60)
- chirurgie complète
2001
27
Cisplatine –
mitomycine C
-
De Bree et al. (61)
2003
19
Doxitaxol
30 mois
79 % à 1 an/
63 % à 3 ans
Look et al. (62)
- chirurgie complète
2003
28
Cisplatine –
doxorubicine
27 mois
46 mois 55 % à 3 ans
55 mois
Piso et al. (63)
- chirurgie complète
2004
11
Cisplatine –
mitoxantrone
-
33 mois 15 % à 5 ans
44 mois
Zanon et al. (53)
- chirurgie complète
2004
30
Cisplatine
-
28 mois
37 mois
Série du CHLS (non
publiés)
- chirurgie complète
2005
60
Cisplatine
37 mois
19 mois 65 % à 1 an/
16 % à 5 ans
-
55 % à 2 ans
77 % à 2 ans
21 mois 49 % à 2 ans/
55 mois 12 % à 5 ans
70 % à 2 ans/
35 % à 5 ans
cinquante-cinq mois. La radicalité de la chirurgie de cytoréduction avant la
CHIP apparaît donc être un facteur pronostique majeur.
En cas d’importants résidus tumoraux, l’intérêt de la CHIP est très discutable. Sa place comme traitement palliatif de confort de l’ascite néoplasique a
été peu évaluée. Deux études (54, 55) ont suggéré que la CHIP améliorait le
confort de fin de vie et la qualité de vie des patients ayant une ascite néoplasique. Elle semble permettre un tarissement de l’ascite néoplasique d’origine
gastrique dans près de 70 % cas (56). Une étude récente rapporte chez
17 patients, survivant à long terme après chirurgie de cytoréduction et CHIP,
une bonne qualité de vie, aucun patient ne regrettant la lourde séquence thérapeutique subie (57). Mais des études prospectives de toxicité-bénéfice doivent
être menées pour confirmer ces résultats.
Au sein d’une étude rétrospective non contrôlée, Ryu et al. (58) ont
comparé deux groupes de patientes présentant un cancer ovarien : un groupe
contrôle de 57 patientes traitées par l’association conventionnelle d’une
chirurgie et d’une chimiothérapie systémique et un groupe expérimental de
60 patientes bénéficiant en plus d’une chirurgie de cytoréduction et d’une
CHIP au carboplatine et à l’interféron. Une analyse multivariée a permis
d’identifier la CHIP comme facteur indépendant de bon pronostic avec, pour
les cancers ovariens de stade III, un taux de survie à cinq ans de 53,8 % dans le
groupe CHIP et de 33,3 % dans le groupe contrôle (p = 0,0015). Bien que la
méthodologie de cette étude et donc son interprétation restent très discutables,
elle suggère une évaluation nécessaire de cette modalité thérapeutique au sein
d’études de phase III.
La chimiothérapie intrapéritonéale avec hyperthermie 369
Quelle place pour la CHIP en 2005 ?
Nous disposons vraisemblablement aujourd’hui de suffisamment d’arguments
scientifiques sur l’intérêt potentiel de la CHIP, et les centres spécialisés dans la
prise en charge des carcinoses péritonéales maîtrisant la technique de CHIP
sont suffisamment nombreux pour que l’on puisse envisager à courte échéance
d’évaluer cette modalité thérapeutique au sein d’études contrôlées de phase III.
Une étude de phase II évalue actuellement la CHIP avec oxaliplatine en consolidation du traitement de première ligne et devrait être suivie d’une étude de
phase III. Un projet d’étude de phase III pour les récidives tardives comparant
une chimiothérapie de deuxième ligne à la même chimiothérapie plus CHIP
est en cours.
Conclusion
La CHIP associée à une chirurgie de cytoréduction optimale est un outil thérapeutique en voie de développement dans la prise en charge des carcinoses
ovariennes. Les modalités techniques (mode d’instillation, chimiothérapie) de
la CHIP, tout comme les gestes chirurgicaux de cytoréduction et les indications, ne sont pas pour le moment standardisées. Les résultats des séries
provenant de centres spécialisés sont prometteurs, mais demandent à être
confirmés par des études prospectives de phase III de bonne qualité méthodologique. La morbidité reste lourde et semble surtout le fait de la chirurgie
extensive de réduction tumorale, ce qui souligne l’importance et la nécessité
d’une stricte sélection des patients. Reste à souligner que la prise en charge des
carcinoses ovariennes demande des équipes pluridisciplinaires (chirurgiens,
anesthésistes-réanimateurs, oncologues médicaux, radiologues, anatomopathologistes et pharmaco-cinéticiens) et qu’à ce jour, ceci ne peut être réalisé
qu’en centre spécialisé.
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