Maladie de Rosaï-Dorfman révélée par une insuffisance rénale: à
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Maladie de Rosaï-Dorfman révélée par une insuffisance rénale: à
Maladie de Rosaï-Dorfman révélée par une insuffisance rénale: à propos d’un cas A. Laboudi1, N. Haouazine1, L. Benabdallah1, N. Arzouk1, N. Cherradi2, H. Rhou1, L. Benamar1, F. Ezaitouni1, N. Ouzeddoun1, Z. Hamani2 et L. Balafrej1 1 Service de néphrologie-hémodialyse ; 2Service d’anatomo-pathologie, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc Nous rapportons un cas de maladie de Rosaï-Dorfman révélée par une insuffisance rénale chez une patiente de 43 ans. La présentation clinique était limitée à une lymphadénopathie des territoires abdominaux profonds dans un tableau d’altération de l’état général. Le diagnostic s’est basé sur l’étude histologique de la biopsie ganglionnaire qui a montré une lymphohistiocytose sinusale. Un traitement à base de prednisone et de cyclophosphamide a permis une disparition de l’insuffisance rénale. A travers cette observation, nous rappelons les critères diagnostiques et le pronostic de cette maladie dont l’étiologie demeure inconnue. We report a case of Rosaï-Dorfman Disease revealed by renal failure in a 43 years old patient. Clinical presentation included abdominal lymphadenopathy and general status deterioration. Diagnosis was established by histopathological examination of the node which revealed sinusal lymphohistiocytosis. Treatment combined prednisone and cyclophosphamide and was effective with regression of renal failure. We will review the diagnostis criteria and the prognosis of this disorder of unknown etiology. Mots clés : Histiocytose – Insuffisance rénale – Glomérulonéphrite extra-membraneuse. Key words : Histiocytosis – Renal failure – Membranous glomerulonephritis. ■ Introduction douleurs abdominales évoluant dans un contexte d’altération de l’état général. L’examen clinique retrouve une patiente asthénique, sub-fébrile à 38°C, ayant une pression artérielle à 140/80 mmHg et un poids à 46 kg. L’abdomen est ballonné avec un empâtement douloureux à la palpation de l’hypochondre droit sans splénomégalie. Les aires ganglionnaires sont libres et il n’y a pas d’œdèmes des membres inférieurs. La diurèse est conservée. Le bilan biologique objective une insuffisance rénale à 200 µmol/l de créatininémie avec une azotémie à 11,32 mmol/l, une protéinurie des 24 heures minime (0,9 g/24 heures) sans syndrome néphrotique, une anémie hypochrome microcytaire à 5,3 g/100 ml avec VGM à 78 microl et CCMH à 28%, des réticulocytes à 52 000 éléments/mm3, une thrombopénie à 95 000 plaquettes/mm3, des schizocytes négatifs, un coombs direct négatif, une haptoglobine à 2,8g/l, une vitesse de sédimentation à 110 mm/1re heure, une CRP à 138 mg/l, un fer sérique à 6 µmol/l, une transferrinémie à 1,6 g/l et une ferritinémie à 67ng/ml avec des gammaglobulines à 30 g/l ayant un profil polyclonal. Le bilan hépatique est normal notamment des LDH à 284 mUI/ml, un TP à 100%, un TCA normal et des triglycérides à 1,3 mmol/l. Les anticorps antinucléaires et les anticorps anti-ADN sont négatifs. Les sérologies hépatitique B et C, VEB et VIH étaient négatives. La biopsie ostéomédullaire, faite devant la bicytopénie, a révélé une moelle osseuse érythroblastique avec de nombreux mégacaryocytes. L’échographie abdominale montre un foie et une rate L’histiocytose avec lymphadénopathie massive ou maladie de Rosaï-Dorfman est une pathologie bénigne d’étiologie inconnue.1,2 Elle se caractérise par :3 • la présence d’adénopathies volumineuses sur le plan clinique ; • la présence de nombreux histiocytes dans les sinus lymphoïdes dilatés. Ces histiocytes phagocytent des lymphocytes et autres éléments figurés du sang ; • l’évolution presque toujours spontanément favorable. Nous nous proposons à travers une observation de maladie de Rosaï-Dorfman révélée par une insuffisance rénale de revoir cette maladie sur les plans diagnostique et pronostique en insistant sur l’atteinte rénale. ■ Observation Mlle H. M., âgée de 43 ans a été hospitalisée dans le Service de néphrologie du CHU de Rabat pour une insuffisance rénale. Elle n’a pas d’antécédents. Le début de sa maladie remontait à quinze jours auparavant par une fièvre chiffrée à 38°C-39°C avec des Néphrologie Vol. 22 n° 2 2001, pp.53-56 53 articles originaux Résumé • Summary normaux, des reins de taille normale hétérogènes et mal différenciés sans dilatation des cavités excrétrices mais surtout la présence d’adénopathies au niveau du hile hépatique, de la loge pancréatique et autour des gros vaisseaux. La tomodensitométrie abdominale a confirmé l’existence d’adénopathies intra- et rétropéritonéales siégeant autour des vaisseaux et l’aspect hétérogène des reins qui sont le siège d’un processus mal limité infiltrant surtout les sinus rénaux. La tomodensitométrie cervicomédiastinale à la recherche d’autres adénopathies s’est révélée normale. L’insuffisance rénale a incité à faire la ponction-biopsie rénale. Cette biopsie rénale a objectivé une glomérulonéphrite extramembraneuse stade III associée à une néphrite tubulo-interstitielle. Il n’y avait pas d’infiltration par des histiocytes. La patiente a été perdue de vue pendant sept mois et elle fût réadmise dans un tableau d’altération de l’état général avec pâleur cutanéo-muqueuse. L’examen découvre une hépatomégalie et le bilan biologique objective une anémie hypochrome microcytaire à 3,8 g/100ml, une thrombopénie à 75 000 plaquettes/mm3, une créatinémie à 257 µmol/l et une protéinurie à 1,10 g/24 h pour une diurèse d’un litre. L’échographie abdominale a confirmé l’apparition de l’hépatomégalie aux dépens du lobe gauche du foie et la persistance des adénopathies profondes. La patiente a bénéficié d’une laparotomie à visée diagnostique avec étude histologique des ganglions qui a conclu à une maladie de Rosaï-Dorfman devant des sinus dilatés avec présence d’histiocytes à cytoplasme abondant, éosinophile parfois spumeux (fig. 1) ; la corticale du ganglion est atrophique avec une fibrose capsulaire. La caractéristique de ces cellules est la présence fréquente d’une phagocytose de lymphocytes et d’hématies (fig. 2). L’immunomarquage a montré que ces histiocytes sont protéine S-100 positif (fig. 3) et CD1a négatif. Du fait de l’altération de l’état général, l’importance du syndrome inflammatoire et la progression de l’insuffisance rénale, une corticothérapie a été instaurée en bolus de 1g/j de méthylprednisolone pendant trois jours, relayée par de la prednisone à la dose de 30 mg/j pendant trois semaines. Devant la non-amélioration clinique et biologique, la patiente a reçu trois bolus de cyclophosphamide d’1 g/j à un mois d’intervalle avec diminution progressive de la corticothérapie orale. Après un an du début du traitement, la corticothérapie a été maintenue à 5 mg/j de prednisone. L’évolution a été marquée par l’apparition d’une hypertension artérielle induite par la corticothérapie (équilibrée par bêtabloquants), la disparition des adénopathies profondes et des Fig. 2: Histiocytes phagocytant des éléments figurés du sang. Microphotographie – HE x G40. Fig. 3: Immunomarquage positif pour la PS100. Microphotographie – HE GX20. infiltrats rénaux à l’échographie et à la tomodensitométrie abdominales, la correction de l’anémie et de la thrombopénie et surtout la normalisation de la fonction rénale (fig. 4) ; la clairance de la créatinine à un an a été de 86 ml/min. (µmol/l) 400 5 (g/24h) 4,5 350 articles originaux 4 300 3,5 250 3 200 2,5 2 150 1,5 100 1 50 0,5 0 0 0 Fig. 1: Sinus élargis, infiltrés de lymphocytes, de plasmocytes et d’histiocytes. Microphotographie – HE x G20. 54 28 31 35 créatinémie 39 43 63 (sem) 110 proteinurie/24h Fig. 4: Evolution de la créatininémie et de la proteinurie en fonction du temps. Néphrologie Vol. 22 n° 2 2001 La maladie de Rosaï-Dorfman est une histiocytose bénigne et rare : moins de 500 cas décrits jusqu’en 1996.4 Appartenant aux histiocytoses non langerhansiennes, elle a été décrite pour la première fois par Destombes (1965),5 puis définie en tant qu’entité anatomo-clinique par Rosaï et Dorfman (1969-1972).6,7 Cette affection touche tous les âges avec un pic de fréquence à 20 ans3,8,9 et une prédilection pour le sexe masculin (sexe ratio = 1,4/1) et la race noire.3,8 La maladie peut être isolée ou s’associer à d’autres affections.3,10 La clinique est dominée essentiellement par la présence d’une lymphadénopathie électivement cervicale et bilatérale. L’atteinte ganglionnaire peut être unie ou multifocale et peut intéresser les sites ganglionnaires superficiels et profonds. Exceptionnellement, la présence d’adénopathies abdominales contraste avec le petit nombre d’adénopathies superficielles et l’absence de localisation cervicale ;3 comme c’est le cas pour notre malade. L’étude de 1990 8 regroupant tous les cas décrits de maladie de Rosaï-Dorfman a montré que les adénopathies étaient cervicales dans 87,3% des cas. Les territoires ganglionnaires profonds abdomino-pelviens et médiastinaux sont souvent atteints.10 L’atteinte extra-ganglionnaire s’associe à l’atteinte ganglionnaire dans 43% des cas,2,9,10 mais elle peut être exceptionnellement isolée.2,9,11 Ganglionnaire ou extra-ganglionnaire, la maladie s’accompagne souvent d’une fièvre intermittente, rarement d’une altération de l’état général et exceptionnellement d’une discrète hépatosplénomégalie.3,4 L’altération de l’état général observée chez notre malade était essentiellement due à l’anémie. La biologie est dominée par une vitesse de sédimentation accélérée, une anémie hypochrome microcytaire et une hypergammaglobulinémie polyclonale. La thrombopénie est inhabituelle.3,4,8 Tous ces éléments étaient présents chez notre malade. Des perturbations immunologiques ont été également rapportées (facteurs rhumatoïdes et anticorps antinucléaires positifs).3,4,8 La biopsie ostéo-médullaire peut objectiver exceptionnellement un infiltrat histiocytaire,3 absent dans notre cas. La radiologie (échographie et tomodensitométrie) permet de rechercher les adénopathies profondes et d’éventuelles localisations extra-ganglionnaires. L’atteinte rénale est rare5,8,12 et ne représente que 3,3% des cas selon le registre de 1990 (14 cas/423).8 Il s’agissait soit d’une glomérulonéphrite rapidement progressive (2 cas), soit d’une glomérulonéphrite post-streptococcique (2 cas), soit d’une infiltration rénale le plus souvent bilatérale (10 cas).8 Cette dernière peut se traduire par de gros reins.12,13 Cette atteinte rénale peut être asymptomatique ou découverte à l’occasion de signes de compression, de fièvre ou d’insuffisance rénale.8,11,12 C’est le cas de notre patiente chez laquelle l’insuffisance rénale a été le signe révélateur de la maladie. L’examen histologique apporte le diagnostic de certitude de la maladie de Rosaï-Dorfman. En effet, au niveau ganglionnaire, la microscopie optique montre une dilatation des sinus caractérisée par la présence d’histiocytes volumineux parfois multinucléés à cytoplasme abondant et acidophile parfois vacuolé ou spumeux renfermant des lymphocytes, des plasmocytes, des polynucléaires ou des hématies (empéripolésis). La microscopie électronique confirme l’absence de granules de Birbeck (contrairement au syndrome d’activation macrophagique). Au niveau extra-ganglionnaire, la fibrose est plus abondante et les histiocytes lymphophagocytaires sont difficiles à identifier.1,3,10,11,13,14,15 Néphrologie Vol. 22 n° 2 2001 Le diagnostic différentiel de la maladie de Rosaï-Dorfman se pose avec les autres affections pouvant s’accompagner d’histiocytes cytophagiques, en particulier le syndrome d’activation macrophagique, la lymphohistiocytose familiale et l’histiocytose maligne.3 En cas d’infiltration rénale, le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les lymphomes qu’ils soient hodgkiniens ou non hodgkiniens, la pyélonéphrite xanthogranulomateuse et l’angiomyolipome.11,12 D’où l’intérêt de l’immunomarquage qui objective en cas de maladie de Rosaï-Dorfman des histiocytes protéïne S-100 positive et CD1a négative. D’autres marqueurs peuvent être exprimés mais ne sont pas spécifiques.3,8,11,13,14,16 Chez notre patiente le diagnostic a été basé sur la biopsie ganglionnaire alors que la biopsie rénale a montré une glomérulonéphrite extramembraneuse malgré l’aspect d’infiltration rénale bilatérale à la TDM abdominale. L’étiopathogénie de la maladie de Rosaï-Dorfman reste inconnue. Plusieurs théories ont été avancées : • Infectieuse virale impliquant essentiellement l’Epstein Barr Virus (EBV).4,8 L’Human Herpes Virus-6 a été également incriminé.17 • Immunologique attestée par l’existence de perturbations humorales quasi-constantes et d’une diminution de l’immunité cellulaire.2,3,4 • L’association des deux sous forme d’une réponse immunologique exagérée à un agent infectieux.3,17 L’évolution est généralement spontanément favorable dans un délai de quelques mois à quelques années.3,4 Elle peut se faire vers la guérison complète (23% des cas),3 mais elle est le plus souvent marquée par des phases de rémission entrecoupées de poussées d’extension ganglionnaire ou extra-ganglionnaire.4 Des rechutes ont été décrites.2,4,18 Dans des cas rares, la maladie peut progresser ou s’associer à un lymphome.8 Certains facteurs sont considérés de mauvais pronostic,2,8,11 ce sont : • L’atteinte ganglionnaire diffuse. • L’atteinte extra-ganglionnaire multiple en particulier du foie, des reins, du système nerveux central et des voies respiratoires. • La présence de perturbations immunologiques : des anticorps anti-nucléaires positifs, des facteurs rhumatoïdes positifs, des cellules LE positives. • L’organe atteint, en particulier le rein. L’atteinte de l’appareil urinaire qui peut se présenter sous la forme d’une masse testiculaire, d’un nodule épididymaire, d’une masse rénale, d’une infiltration rénale ou surrénalienne, a un mauvais pronostic car 40% des malades décèdent et 60% ont une maladie persistante.11 Le traitement de la maladie de Rosaï-Dorfman n’est pas codifié.2,3,19 Il n’est pas nécessaire dans la majorité des cas du fait de la tendance spontanée à la régression. Il est le plus souvent réservé aux formes avec adénopathies compressives et aux formes avec localisation extra-ganglionnaire menaçante ou avec une altération marquée de l’état général. Le traitement le plus utilisé est la chimiothérapie faisant appel aux corticoïdes seuls ou associés à un agent cytotoxique. 55 articles originaux ■ Discussion Les meilleurs résultats sont obtenus avec la combinaison d’un corticoïde, d’un agent alkylant (cyclophosphamide ou chlorambucil) et d’un vinca-alcaloïde (vincristine ou vinblastine).9,19 Ce traitement permet d’obtenir une réponse complète ou partielle dans 50% des cas.9 Chez notre malade, l’association prednisone-cyclophosphamide a permis une récupération totale de la fonction rénale sans rechute après un recul d’une année. 5. Destombes P. Adénites avec surcharge lipidique de l’enfant ou de l’adulte jeune observées aux Antilles et au Mali (4 observations). Bull Soc Path Ex 1965 ; 6 : 1169-75. ■ Conclusion 8. Foucar E, Rosai J, Dorfman R. Sinus histiocytosis with massive lymphadenopathy (Rosaï-Dorfman disease) : Review of the entity. Semin Diag Pathol 1991 ; 7 : 19-73. L’atteinte rénale est rare et de mauvais pronostic au cours de la maladie de Rosaï-Dorfman. La combinaison d’arguments cliniques et histologiques permet de poser un diagnostic précoce. Une connaissance étiopathogénique plus approfondie serait garante d’une prise en charge adaptée. Adresse de correspondance : 6. Rosai J, Dorfman R. Sinus histiocytosis with massive lymphadenopathy. A newly recognised benign clinicopathological entity. Arch Pathol 1969 ; 87 : 63-70. 7. Rosai J, Dorfman R. Sinus histiocytosis with massive lymphadenopathy : A pseudo-lymphomatous benign disorder : Analysis of 34 cases. Cancer 1972 ; 30 : 1174-88. 9. Levine EA, Landry MM. Rosaï-Dorfman disease of soft tissue. Surgery 1994 ; 115 : 650-2. 10. Giudicelli J, Bellon G, Gilly J, Gilly R. Syndrome de Destombes-Rosaï-Dorfman : deux formes cliniques inhabituelles. Rev Med Interne 1994 ; 15 : 834-7. 11. Mac Moune Lai FM, To KF, Szeto CC, Wang AYM, Ahuja AT, Choi PCL, Leung CB, Kew J, LI PKT. 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