l`inceste fraternel - AP-HM

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l`inceste fraternel - AP-HM
Janvier 2012
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ENTRE MEMOIRE ET OUBLI : LES AMBIVALENCES DU
CASIER JUDICIAIRE NATIONAL
Caroline KAZANCHI
Le casier judiciaire est l’expression singulière de la mémoire des peines. Sa vocation principale
est de dresser un historique du parcours pénal d’un délinquant. Loin d’être tourné vers le passé,
le casier judiciaire semble résolument prospectif dans sa démarche puisqu’il tend à la prise en
compte du phénomène de récidive et permet une cohérence, une graduation ou encore une
adaptation des peines dans l’appréhension d’un parcours délinquanciel. Pourtant, cette
empreinte de la justice pénale se veut parfois douloureuse1 et stigmatisante lorsqu’elle constitue
un frein à la réintégration sociale et la réadaptation d’un condamné qui selon la formule
consacrée à « payé sa dette ». L’équilibre, difficile à trouver, oscille ainsi autour de cet
antagonisme originel bien connu du droit pénal et opposant le devoir de mémoire au droit à
l’oubli.
La définition du casier judiciaire porte ainsi cette double fonction puisqu’au coté de ses objectifs
de recueil, conservation et de restitution des décisions de justice (I), le casier judiciaire se doit
d’en gérer l’oubli.(II)
I. La gestion de la mémoire pénale.
Les articles 768 et suivants du code de procédure pénal (CPP) mettent en œuvre un véritable tri
des informations contenues dans le casier judiciaire. D’une part, il s’agit de gérer l’inscription
des condamnations pénales afin de déterminer quelles informations vont apparaître au casier
judiciaire (A). D’autre part, le législateur a organisé une division du casier sous forme de
bulletins, l’accès aux différents bulletins permettant ainsi de sécuriser le système tout en gérant
les informations qu’ils contiennent. (B)
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Par référence à l’expression « mémoire douloureuse » employée à Monsieur R. Badinter lors de son discours
d’inauguration du casier judiciaire nationale le 8 juin 1982.
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A. L’inscription des condamnations au casier judiciaire
Le casier judiciaire se présente sous la forme d’un ensemble de fiches retraçant l’historique des
condamnations pénales d’un individu.
Le casier judiciaire comporte les condamnations prononcées par les juridictions pénales mais
aussi certaines condamnations prononcées par les tribunaux de commerces (liquidation
judiciaire, faillite personnelle, interdiction commerciale), ainsi que certaines décisions
administratives et disciplinaires lorsqu’elles entrainent ou édictent des incapacités.
Au terme de l’article 768 CPP le casier judiciaire national automatisé fait mention des
condamnations contradictoires ainsi que les condamnations par défaut, non frappées
d'opposition, prononcées pour les crimes, délits ou contraventions de la cinquième classe.
S’agissant des contraventions de la première à la quatrième classe, l’inscription n’est effectuée
que dès lors qu’une mesure d'interdiction, de déchéance ou d'incapacité a été prise, à titre
principal ou complémentaire.
Se trouvent également mentionnés au casier judiciaire, les déclarations de culpabilité assorties
d'une dispense de peine ou d'un ajournement du prononcé de la peine ; les jugements
prononçant la déchéance de l'autorité parentale ou le retrait de tout ou partie des droits y
attachés ; les arrêtés d'expulsion pris contre les étrangers, certaines condamnations prononcées
par les juridictions étrangères qui, en application d'une convention ou d'un accord
internationaux, ont fait l'objet d'un avis aux autorités françaises ou ont été exécutées en France à
la suite du transfèrement des personnes condamnées ; les compositions pénales, dont
l'exécution a été constatée par le procureur de la République et enfin les jugements ou arrêts de
déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, lorsqu'une hospitalisation
d'office a été ordonnée ou lorsqu'une ou plusieurs des mesures de sûreté ont été prononcées.
B. L’accès hiérarchisé au casier judiciaire
Divisé en trois bulletins, le casier judiciaire permet un accès sécurisé et hiérarchisé aux
informations qu’il contient.
Ainsi, en premier lieu, au terme de l’article 774 CPP le relevé intégral des fiches du casier
judiciaire est porté sur un bulletin appelé bulletin n° 1 (B1). Ce dernier n’est délivré qu'aux
autorités judiciaires. Cependant les greffes des établissements pénitentiaires peuvent également
y avoir accès afin de permettre aux directeurs des services pénitentiaires d'insertion et de
probation de proposer un aménagement de peine ou un placement sous surveillance
électronique comme modalité d'exécution d'une fin de peine d'emprisonnement ou d'apprécier,
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avant la libération d'une personne faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve, les
modalités de son suivi.
L’article 775 CPP présente, en second lieu, le contenu du bulletin n°2 (B2). Plus exactement le
législateur fonctionne ici par exclusion puisque le texte vient énumérer une liste exhaustive
d’élément ne figurant pas dans ce bulletin. Le législateur prévoit ainsi le retrait de 15 fiches
apparaissant au bulletin n° 1 mais n’ayant pas vocation à être inscrit au bulletin n°2. Tel est le
cas par exemple pour les condamnations pénales prononcées à l’encontre des mineurs, celles
prononcées pour contraventions de police ou encore les condamnations assorties du bénéfice du
sursis, avec ou sans mise à l'épreuve, lorsqu'elles doivent être considérées comme non avenues.
À noter toutefois, dans cette dernière hypothèse, que lorsqu’à été prononcé le suivi sociojudiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une
activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, la
décision continue de figurer au bulletin n° 2 pendant la durée de la mesure.
Les informations contenues dans le bulletin n°2 ne sont accessibles qu’à une liste d’autorités
administratives et militaires détaillée à l’article 776 CPP. Sont ainsi visées les autorités saisies
notamment d’une demande d’accès aux emplois publics, d’une demande d’obtention d’une
distinction honorifique ou encore d’une demande d’adoption. Le législateur vise également les
dirigeants de personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès des mineurs une
activité culturelle, éducative ou sociale. Enfin le bulletin n°2 peut être délivré aux autorités
étrangères compétentes en vertu de conventions et dans le cadre de la coopération
internationale.
Enfin au terme de l’article 777, le bulletin n°3 (B3) constitue la dernière forme du casier
judiciaire ne pouvant être réclamé que par la personne qu'il concerne, il ne peut, en aucun cas,
être délivré à un tiers. Plus épuré que les deux précédents bulletins, ce dernier comporte les
condamnations à des peines privatives de liberté d'une durée supérieure à deux ans qui ne sont
assorties d'aucun sursis ou qui doivent être exécutées en totalité par l'effet de révocation du
sursis. Les peines privatives de liberté d’une durée inférieure ou égale à deux ans peuvent
également se voir inscrite au bulletin n°3 lorsque la juridiction en a ordonné la mention. Enfin,
sont également mentionnées, les condamnations à des interdictions, déchéances ou incapacités
prononcées sans sursis jusqu’au terme du délai ainsi que les décisions prononçant le suivi sociojudiciaire prévu par l'article 131-36-1 du code pénal ou la peine d'interdiction d'exercer une
activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, pendant
la durée de la mesure.
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II. La gestion de l’oubli
Le casier judiciaire national porte la mémoire de la justice rendue, pourtant, loin d’être une
empreinte indélébile, les informations du casier judiciaire peuvent être supprimées. En effet, le
bon fonctionnement de la justice et les impératifs de reclassement professionnel et social ont
laissé place à des procédures permettant l’effacement du casier judiciaire. Cette procédure,
révèle la volonté du législateur du préserver l’oubli selon deux intensités, la réhabilitation légale
(A) ou encore la réhabilitation judiciaire. (B)
A. La réhabilitation légale.
L’effacement partiel du casier judiciaire permet de tempérer les effets de l’inscription de la
condamnation au casier judiciaire. Elle laisse subsister la condamnation au bulletin numéro 1
mais permet en revanche sa suppression des bulletins n°2 ou n° 3, selon la situation.
Deux procédures d’effacement partiel peuvent être distinguées.
D’une part l’effacement peut être automatique lorsque lié à l’écoulement du temps. Ainsi l’article
769 CPP mais aussi les articles 133-12 à 133-17 du Code Pénal prévoient une liste de
condamnations définitives destinées à être retirées automatiquement du bulletin n°3 à l’issue
d’un délai fixe prévu par le législateur et variant selon le type d’infraction ou de peine. La
longueur du délai au terme duquel le retrait de plein droit s’applique semble révéler l’objectif du
législateur. Ainsi, l’effacement légal d’une condamnation à l’issue d’une longue période laisse
apparaître la volonté de purger le casier judiciaire, la mention ne présentant plus d’intérêt en
raison de l’écoulement du temps. Tel est le cas notamment pour les fiches relatives à des
condamnations prononcées depuis plus de quarante ans et qui n'ont pas été suivies d'une
nouvelle condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle. En revanche, l’effacement
automatique au terme de durées plus minimes laisse percevoir une volonté d’encourager le
retour vers une activité professionnelle.
D’autre part, l’effacement de la condamnation peut être effectué sur requête de la personne au
moment de son jugement. L’article 775-1 CPP prévoit la possibilité pour le tribunal qui prononce
une condamnation d’exclure expressément sa mention au bulletin n° 2, soit dans le jugement de
condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné.
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À noter toutefois que l’effacement du bulletin n°2 est exclu pour les infractions mentionnées à
l’article 706-47CPP à savoir les infractions de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou
accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour les infractions d'agression ou
d'atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution
d'un mineur.
L’article 777-1 CPP permet quant à lui d’effectuer la demande de retrait, cette fois du bulletin
n°3, suivant la même procédure que celle prévue par l’article 775-1 CPP. L’exclusion des
infractions mentionnées à l’article 706-47 CPP n’est cependant pas maintenue pour le retrait du
bulletin n°3. Cette distinction se conçoit aisément, l’article 706-47, visant les infracteurs sexuels,
son exclusion du bénéfice du retrait de la condamnation du bulletin n°2 permet de préserver
une éventuelle récidive facilitée par le retour vers un emploi en contact avec des mineurs. En
revanche la possibilité pour ces mêmes délinquants de retirer la condamnation sur le bulletin
n°3 laisse une porte ouverte vers la réinsertion professionnelle.
B. La réhabilitation judiciaire.
Au côté des procédures d’effacement de plein droit ou sur requête, les articles 785 à 798-1 CPP
organisent la procédure de réhabilitation judiciaire prévu par l’article 133-12 du Code Pénal.
La demande en réhabilitation peut être formée pour les peines criminelles à l’expiration d’un
délai de cinq ans à l’issue de la condamnation, de trois ans pour les peines correctionnelle et
enfin d’un an pour les condamnations à une peine contraventionnelle. Le bénéfice de la
réhabilitation reste possible en cas de condamnation en état de récidive légale mais aussi pour
une condamnation faisant suite à une précédente réhabilitation, seul le délai d’ouverture à la
réhabilitation se voit allongé.
La réhabilitation a vocation à intervenir pour les condamnés pour lesquels seront démontrés des
efforts sérieux de réadaptions et réinsertions sociales.
Lorsque la demande de réhabilitation a été favorablement admise, la mention des
condamnations ne figure plus dans les bulletins n° 2 et n° 3. Enfin, depuis la loi du 5 mars 2007,
sur décision spéciale de la chambre de l’instruction, l'arrêt qui prononce la réhabilitation peut
ordonner que la condamnation soit retirée du casier judiciaire et ne soit pas non plus
mentionnée au bulletin n° 1.
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