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■ Éviter les erreurs
Non seulement il s’agit de décliner et de croiser les différents sens de
liberté et culture, mais aussi il faut rendre compte du problème spécifiquement lié à l’idée de « degré » de culture qui va poser des problèmes
éthiques.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’« être cultivé » ne consiste pas qu’en une
accumulation de savoirs, mais aussi en une certaine attitude par
rapport à ce savoir. L’enjeu du sujet à ne pas manquer est l’éducation.
La raison et le réel
Il s’agit de montrer dans un premier temps que la liberté est associée à
la culture car même si un état sans culture, donc sans institution, sans
pratique commune, sans règle, sans loi, semble être un état sans
contrainte, cette liberté infinie est illusoire car cette liberté n’est pas
effective.
Une fois accordé qu’il n’y a pas de liberté sans culture, il s’agit d’étudier dans une seconde partie en quoi le degré de l’une est
proportionnel au degré de l’autre. Mais affirmer qu’une culture est
supérieure à une autre, n’est-ce pas poser un jugement de valeur dangereusement ethnocentrique ?
Si le degré de liberté ne dépend pas de la culture à laquelle on appartient, mais de notre savoir (et ce sera l’objet de la troisième partie), alors
dans quelle mesure la connaissance libère-t-elle ? Est-ce lié à la quantité de savoir, ou au rapport que l’on entretient avec lui ?
La politique
Le plan
La culture
Le sujet
LA LIBERTÉ • SUJET
Les titres en couleurs servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas
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La morale
C O R R I G É
« On façonne les plantes par la culture et les hommes par l’éducation », écrit
Rousseau dans l’Émile. Ainsi, tout homme inscrit dans une culture se voit
marqué par elle comme à ce qui va l’arracher à sa nature et le faire entrer
ainsi dans le « moule de la culture ». La culture, en nous déterminant, est-elle
ce qui s’oppose à notre liberté de faire naturellement tout ce que l’on
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Sujets d’oral
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LA LIBERTÉ • SUJET
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souhaite ? Il semble bien plutôt qu’un homme laissé à l’état de nature ne
puisse accéder à sa véritable dignité humaine, dans la mesure où il reste
dépendant de son animalité. Est-on alors d’autant plus libre qu’on est plus
cultivé ?
Ou bien la liberté désigne l’absence de contrainte, de détermination extérieure ; or si l’état de nature apparaît comme le règne d’une liberté infinie,
c’est une liberté ineffective.
Ou bien la liberté désigne la capacité à agir d’après sa propre volonté, et
non d’après de simples pulsions, et en ce sens l’éducation qui consiste à
intégrer un certain nombre de règles, dont les règles sociales, permet de
former sa volonté et donc contribue à libérer l’homme de « la » et de « sa »
nature. Or certaines cultures sont elles-mêmes paradoxalement esclavagistes.
Mais peut-on vraiment hiérarchiser les cultures sans faire preuve
d’ethnocentrisme ?
Ne serait-on pas alors d’autant plus libre au sein d’une même civilisation
que l’on est cultivé au sens de posséder un savoir ? Mais il reste à déterminer quels en sont les critères.
1. L’homme ne peut être libre sans culture
A. La culture semble exercer une contrainte sur l’homme
et s’opposer à sa liberté
La culture (comme la culture d’une terre qui consiste à semer, entretenir
récolter…) est l’ensemble des processus par lesquels l’homme transforme
la nature. La nature est ce qui croît et pousse par soi-même. La culture
désigne l’activité humaine qui consiste à faire pousser ce dont l’homme à
besoin pour vivre. Par la culture, l’homme modifie la nature et sa propre
nature. En fonction de l’endroit où l’homme naît, il est modelé, influencé par
un certain milieu culturel. En effet, la culture désigne l’ensemble des techniques, des institutions et des traditions d’un groupe humain. Cela désigne
tout ce qui relève de l’invention, de l’acquis par rapport à l’inné. Le long
processus d’assimilation d’une culture (pratiques, langue, coutumes…), ne
peut que s’accompagner de contrainte, de discipline.
L’appartenance à une certaine culture, une fois qu’on est éduqué, est ellemême contraignante. Kant dit que « nous sommes civilisés au point d’en
être accablés, pour ce qui est de l’urbanité et des bienséances sociales de
tout ordre ». Faut-il alors croire en un âge d’or qui serait un état de nature
où régnerait une liberté absolue ?
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A. On ne peut affirmer la supériorité d’une culture sur une autre
La culture désigne tout ce qui relève de l’invention, de l’ingéniosité de
l’homme, c’est-à-dire tous les artifices techniques grâce auxquels l’homme
améliore ses conditions d’existence. En ce sens, la civilisation indique une
supériorité par rapport à un niveau de « sauvagerie » ou de « barbarie », ce
qui présuppose qu’il y ait différentes cultures hiérarchisées. Or cette idée
masque, selon Lévi-Strauss, un préjugé : l’ethnocentrisme. Il s’agit d’une
doctrine qui consiste à faire de sa propre culture, de son groupe social ou
de son ethnie, une norme, un modèle pour les autres.
L’ethnocentrique va, face à toute autre culture que la sienne, considérer les
pratiques qui lui sont étrangères de « sauvages » ou « barbares ». Or ces
mots par leur étymologie renvoient à la nature, à l’animalité, bref à l’absence
d’humanité. Mais pour l’auteur, le barbare, c’est justement celui qui croit à
la barbarie dans la mesure où il refuse l’humanité à l’autre, et donc risque
de s’autoriser un comportement inhumain.
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2. Y a-t-il alors des cultures qui rendent plus libres
que d’autres ?
La morale
B. Mais la « liberté infinie » de l’état de nature est ineffective
L’état de nature est l’état dans lequel se trouvent les hommes, abstraction
faite de tout pouvoir, de toute loi : ils sont gouvernés par l’instinct de
conservation. Mais étant égaux, ils ont les mêmes désirs et mêmes moyens
d’y parvenir : l’égalité se transforme en rivalité. Très vite cet état de nature
devient un « état de guerre de tous contre tous » selon Hobbes, un monde
où l’homme est « un loup pour l’homme ».
En effet, comme l’homme est intelligent, doté d’une raison, il calcule ses
possibilités de réaliser ses désirs, anticipe les dangers éventuels et, ainsi
mû par la peur de la mort violente, il entre en relation de guerre permanente
avec les autres. Pour ces mêmes raisons (peur, calcul) il va vouloir sortir de
cet état, qui est un état de contradiction permanente. La seule possibilité de
rendre sa liberté effective, même si limitée par des lois, est donc l’institution d’un état civil avec la culture qu’il entraîne.
Ainsi il n’y a point de liberté sans culture, et l’éducation n’est autre qu’un
processus de libération par rapport à la nature donnée, la finalité étant
l’autonomie de l’individu. Cependant, le simple fait d’être un être de culture,
ou d’appartenir à une certaine civilisation ne semble pas suffire pour être
libre puisqu’il existe des sociétés esclavagistes. Peut-on alors parler d’être
plus ou moins cultivé dans le sens où l’on appartiendrait à une plus ou
moins « grande » civilisation ?
Le sujet
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Sujets d’oral
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B. Mais on s’interdit du même coup tout jugement de valeur
Mais si refuser d’admettre la diversité culturelle engage à la pire des intolérances, à l’inverse le relativisme culturel risque d’entraîner le relativisme
moral. Et Lévi-Strauss voit une nouvelle menace, celle de l’éclectisme, qui
« nous interdit de rien répudier », c’est-à-dire que la misère, la cruauté ou
l’injustice ne peuvent plus être condamnées sous prétexte de faire de
l’ethnocentrisme. Ainsi ces abus que nous combattons même chez nous ne
pourraient plus être dénoncés pour la seule raison qu’ils ont lieu ailleurs ?
Le problème reste donc entier de savoir si le fait d’appartenir à une culture
ou à une autre pourrait nous rendre plus libres.
Par ailleurs, le fait d’appartenir à une certaine culture n’est pas nécessairement coloré moralement ou politiquement. En effet, le fait d’appartenir à
telle culture peut indiquer quelle est sa manière de s’habiller, de manger ou
même de faire la vaisselle. En ce sens, la culture reste neutre par rapport au
degré de liberté. La liberté ne consiste-t-elle pas plutôt à se déterminer soimême, indépendamment de tout déterminisme, y compris culturel ? La
liberté ne dépend-elle pas alors de l’usage que l’on est capable de faire de
sa volonté, faculté rationnelle ?
3. Le degré de liberté dépend-il alors de son rapport
à elle, du savoir qu’on en extrait ?
A. La « liberté éclairée » est le plus haut degré de liberté
Pour Descartes, il y a du déterminisme, le monde est rationnel et pourtant le
libre arbitre existe. La possibilité de choisir, de se déterminer par sa volonté
est possible. L’homme, selon Descartes, a deux facultés : la volonté infinie qui
peut tout vouloir, et un entendement limité. Agir librement, c’est faire porter sa
volonté sur une représentation, une idée que lui présente l’entendement. La
liberté est d’autant plus grande que l’entendement lui présente des idées
claires et distinctes. La liberté a donc plusieurs degrés. Le plus bas correspond à la liberté d’indifférence, c’est-à-dire une liberté qui n’a aucune raison
de faire un choix plutôt qu’un autre. Le plus haut degré est celui de la liberté
éclairée, c’est-à-dire la possibilité d’agir en connaissance de cause, en ayant
des raisons de faire tel ou tel choix. Ainsi on serait plus libre en étant plus
cultivé, et en ayant de véritables connaissances.
B. Mais la liberté ne dépend pas de la quantité de savoirs,
plutôt de l’usage qu’on en fait
La culture, l’éducation n’est pas que transmission d’un savoir, c’est aussi une
formation, une discipline. Pour Hegel, l’éducation est un moyen de s’opposer
à ses propres tendances spontanées, aux désirs immédiats, grâce à un travail
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Conclusion
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Ainsi il semble bien difficile d’envisager une liberté, au sens effectif de puissance d’autodétermination, sans l’appartenance à une forme même
minimale de culture, c’est-à-dire d’éducation.
Or on ne peut classer les degrés de liberté selon la culture à laquelle on
appartient, soit parce que l’on tombe dans un préjugé ethnocentrique, soit
parce que les pratiques culturelles sont elles-mêmes moralement neutres.
Le degré de liberté semble plutôt dépendre de la richesse de sa culture personnelle, non pas par la quantité de savoir accumulé, mais par la capacité à
prendre de la distance vis-à-vis de tout phénomène culturel et donc de
considérer autrui de manière désintéressée. En ce sens, la véritable culture
libératrice désigne l’avènement de la moralité en l’homme.
La culture
sur la subjectivité. La subjectivité formée est capable de justifier ses choix
éthiques et esthétiques. L’homme véritablement cultivé n’exhibe pas des
connaissances accumulées, mais se trouve capable de disposer librement
des contenus traditionnels et sociaux. Il est arrivé à terme de sa destination
morale en pouvant rencontrer autrui de manière désintéressée.
Ainsi l’homme « cultivé » n’est pas celui qui est déformé par son milieu,
mais au contraire celui qui a bien digéré ses connaissances et s’en est
libéré, enrichi.
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