Benicarló et son Parador [brochure]

Transcription

Benicarló et son Parador [brochure]
Benicarló: Des Territoires
Marginaux Insoupçonnés
“...De toutes parts on
Respire un air pur Et notre espèce
Prolonge la vie avec Force… Le climat
Est très différent même
A de courtes distances...
BENICARLÓ
Et son Parador
Cabanilles. Siglo xviii
D
es géographies ancestrales et d’autres accidents historicobelliqueux ont engendré des territoires (« maestrazgos ») très
différents : l’historique, l’anthropologique, le gastronomique, celui de
Castellon ainsi que celui de Teruel… Le touristique même, suivant le point
de vue toujours discutable que l’historien, l’homme politique et même le
voyageur décideront d’adopter : Un « maestrazgo » aussi beau que rude,
proche et protégé par les déserts de Teruel ou les cols de Morella ; et un
autre Bas « maestrazgo », aux terres marines plus clémentes, situé dans
des paysages bien différents plantés d’oliviers et d’amandiers.
A moins de trente kilomètres du Parador gouverne Sant Mateu (saint
Matthieu). Elle doit son statut de capitale commerciale, politique et
culturelle et son rôle tout aussi capital … à des mérites personnels comme
nous allons immédiatement le vérifier. Des paysages extrêmes aux vies
inhospitalières et aux séjours aimables : des romances marines sentant bon
la fleur d’oranger et les amandiers en fleurs sur des montagnes et des
rochers brisés. Des cultures de la terre d’argile dans des grottes peintes
d’hommes et d’animaux. Miracles abâtardis d’Ibères, de Romains, de
Carthaginois et de Maures chrétiens ; de Chrétiens renégats. Opulents
Templiers. Châteaux aux croix de pierre et ermitages de figuiers, d’oliviers
et de norias.
Refuges de papes falsificateurs excommuniés pour leur arrogance ; de
saints divinisés par des prodiges, des processions et des miracles. Guérillas
de carlistes fâchés par leur héritage, et guerres plus récentes entre de
méchants vertueux et de gentils pécheurs. Ardents « maestrazgos » aux
contrastes millénaires. Rudes « maestrazgos » aux épines flétries et aux
douces déceptions : des hommes offensés, aimables et oubliés…
Pour le lecteur qui se contente d’images, celle de ces régions sera toujours
conforme a ses voeux: plages remplies jusqu'a l’écoeurement de bikinis
invisibles jusqu’aux terres et aux montagnes parsemées de châteaux
gisants d’histoires et de gothique flamboyants ou d’ermitages aux terres
maraîchères. S’il est décidé, il trouvera de tout sur ces territoires qui ont un
peu et beaucoup de Castellón et aussi un peu de Teruel. Depuis toujours,
ces terres ont mérité les regards et les séjours gourmands de voyageurs
illustres et de brillants passants.
A la fin du XVIIIe siècle, le notable Cabanilles se mit à parcourir ces
contrées qui deviendraient bientôt la propriété de l’Ordre de la Chevallerie
de Montesa et qu’il décrivit ainsi: « …ce sont des monts arides,
généralement incultivables et réservés au pâturage ; le reste se partage en
vallées et en plaines assez fertiles, bien que privées d’irrigation. Partout on
respire un air pur, et notre espèce prolonge la vie avec force. Le climat est
très différent même à une courte distance : froid près de Peñagolosa et des
monts de Cervera, Culla, Ares et Benafigos ; et au contraire tempéré et
délicieux sur les plaines de Benicarló, Vinaroz et Alcalá. Dans la plupart de
ces villes, les vendanges sont riches et appréciées ; puis viennent la
fabrication de l’huile d’olive et la récolte des caroubes. Cette terre regorge
de figues, de miel, de soie, de fruits délicats, de laine et de troupeaux… »
BENICARLÓ ET SON PARADOR
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Cette première colonie avait des rues au tracé horizontal ; certaines étaient
adaptées au tracé de la montagne et d’autres grimpaient vers la muraille.
Quelques murs imperturbables de ces orgueilleux urbanismes passés
survivent encore.
Depuis trente ans, des fouilles successives mettent à nu ces terrains et font
apparaître une intéressante succession d’habitats datant de la fin de l’âge
du bronze : du VIIIe au Ve siècle avant notre ère. C’est à l’aube du IVe
siècle que les cultures ibériques de Puig de la Nau jouiront de plus grandes
splendeurs ; on conserve miraculeusement de nombreux vestiges pour la
plus grande admiration du visiteur curieux.
Les restes archéologiques révélant des contacts fertiles avec des peuples
méditerranéens comme les Phéniciens, les Puniques et les Grecs est encore
plus nombreux.
Quoi qu’il en soit, le lecteur ne doit pas se satisfaire de vaines rhétoriques; il
doit pénétrer au plus profond des temps aujourd’hui présents sur ces
géographies joliment inégales, immensément riches de leurs cultures, leurs
arts et leurs paysages.
Les vertes et arides brèches de Forcall ; les alentours du pittoresque
Benasal, commercial et estival ; et les environs de la charmante Morella, où
l’on peut chercher et trouver les premiers grands-parents ibères de ces
peuples du levant espagnol, de Teruel presque, que les Romains appelaient
« Ilercavones » lorsqu’ils passèrent par ici il y au moins plus de vingt-cinq
siècles. Ils vivaient dans des maisons en pisé aux toits recouverts de
branchages, peintes avec de la terre rouge et ocre. Ils étaient bergers, potiers
et guerriers et ils enterraient leurs morts ornés d’amulettes protectrices et de
bijoux en bronze. Ils se nourrissaient de cerfs et de chevreuils qu’ils
chassaient pour en tanner les peaux et, déjà, ils savaient garder en
troupeaux leurs chèvres et leurs moutons.
De Tortueux Passés Aux
Futurs Heureux
’après l’avis d’experts chevronnés, tous ces environs sont nés sur
des colonies ibériques ancestrales: à « La Tossa » et au « Puig
de Nau », vers les Ve et VIe siècles avant notre ère. Ces endroits étaient
entourés d’une muraille, comme pourra en partie le vérifier le visiteur sur
les pourtours de la ville.
Le « Puig de la Nau » baptise une modeste mais orgueilleuse montagne
se dressant autant qu’elle le peut vers le nord, proche du lit du ravin
d’Aguaoliva, limite claire et naturelle de Vinaroz et Benicarló. A
proximité, vers l’orient, on conserve des restes et des vestiges des tous
premiers habitants.
D
Il y a même des restes encore plus anciens qui obligent à établir de claires
similitudes avec les habitats protohistoriques des « campos de Urnas »
(les champs d’urnes) correspondant à la fin de l’Age du bronze du levant
espagnol.
C’est à partir du VIe siècle av. J.-C. que débarqueront les navires grecs
apportant marchandises, techniques, technologies, langues, idéologies,
croyances et autres fertiles mythologies… Concrètement, Ampurias put se
vanter d’un enviable commerce exportateur de manufactures, comme la
céramique si particulière d’Atica, dont le « Puig de la Nau » montre e
d’importants exemples comme celui du Peintre de Pentesilea (el Pintor de
Pentesilea).
Le Puig de Benicarló
e Parador est installé sur une confortable plaine côtière au
climat doux, à proximité de Vinarós, Benicarló et Peñíscola.
Terres et mers agréables s’il en est. Ces parages sont protégés par l’aimable
montagne. L’île du Puig de la Nau s’élève à un peu plus de 160 mètres audessus du niveau de la mer.
C
Ces hauteurs crétacées furent dominées par l’ermitage des Saint-Martyrs
(ermita de los Santos Mártires) vers le XIXe siècle. Juste en dessous on
conserve encore des restes des pierres, taillées ou non, nécessaires à la
construction du port de Benicarló, curieux village ibérique très bien
conservé dont la valeur est exceptionnelle pour les curieux et les
chercheurs taciturnes de ces cultures ibériques.
Les savants évaluent au nombre de mille cinq cent les habitants qui
vivaient là, dans trois cents maisons.
Malgré les excavations dévastatrices pratiquées dans ces carrières, on
conserve encore environ vingt maisons et enceintes qui donnent au visiteur
une petite idée de ce qu’était ce village.
La reconnaissance historique accordera au village de « Puig de Benicarló
»une très grande importance.
Conspirations, Complots et
Autres Accords
H
istoriquement, tous les Paradors ont connu des histoires
curieuses et même terrifiantes. On en trouve d’innombrables
exemples et témoins ; au grand plaisir ou à la grande tristesse de ses
notables clients. Nous en trouvons d’innombrables exemples et témoins,
dans tous, ou presque.
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Celui-ci – ni définitif ni définissable – fut aussi le témoin de certaines
réunions très énigmatiques, bien qu’occasionnelles, de situations
surprenantes si on les regarde d’un point de vue actuel…
Il faut que le visiteur sache et apprécie, même si sa curiosité doit en
souffrir ou le regretter, que ces lieux de séjour ont vécu
exceptionnellement des circonstances cruciales qui auraient pu faire ou
défaire l’histoire d’Espagne :
Comme lorsqu’une partie du soulèvement franquiste convoqua dans cet
établissement une réunion d’urgence ; ces militaires dirigés par Milan del
Bosch, qui iront jusqu’à sortir les tanks dans les rues, jusqu’à terroriser les
civils et les civilisés. Immédiatement, la rébellion sera contenue et annulée
par le monarque Juan Carlos Ier lui-même.
Ces lieux de séjours furent aussi les témoins exceptionnels de graves
décisions que le président de la République don Manuel Azaña allait
consigner par écrit depuis ces parages de Benicarló, comme un testament
à la suite de ladite « veillée de Benicarló » : cela reste un document
historico-politique essentiel pour l’Espagne contemporaine…
Le Benicarló d’aujourd’hui, plagiste et heureux– où le voyageur avisé
choisira peut-être le confort du Parador – présente les traits singuliers
d’une colonie ibère, dont les pierres ont été utilisées pour combler le port,
il n’y a pas si longtemps. Sur les trois cents habitations que le village a
comptées, il en reste une vingtaine qui tiennent à peine debout; hameçons,
épingles à nourrice, moulins à mains pour faire la farine, restes de métiers
à tisser… Le musée de préhistoire et d’histoire de la ville abrite l’une des
collections sur la culture ibérique parmi les plus importantes de toute la
péninsule.
Lorsque les légions romaines arrivèrent sur ces terres, elles trouvèrent des
guerriers insoumis : deux cents ans avant notre ère ou même avant,
Indibil et Mandonio luttèrent avec et contre les Carthaginois et les
Romains. A la fin, les rebelles insoumis furent égorgés. La Via Augusta
traversait le « maestrazgo », peut-être par le long de la côte. Les épaisses
voies secondaires se firent routes il y a seulement deux siècles. On
conserve une borne de Trajan à Traiguera, le remarquable arc de Cabanes
sur la plaine haute (la Plana Alta) et de nombreuses et précieuses
trouvailles parsemées ici ou là au cours des sept siècles de leur présence.
Le « maestrazgo » fut maure pendant l’espace
d’un millénaire et aujourd’hui encore il ne
renonce pas à ses savoirs musulmans. Ce peuple
répartit cultures et splendeurs ; légendes, gènes,
casbahs et raffinements alors luxuriants. Mais surtout,
c’est ici même qu’il inventa comment faire venir
surgir l’eau de ce qui alors n’était qu’un dessert:
la noria est l’engin miraculeux des vergers qui
étonnèrent tant l’insigne Cabanilles : « …le
sol ingrat et presque stérile se transforme en
vergers produisant tout ce que désire le
propriétaire, sans autre eau que celle que l’on
sort de puits assez profonds à la force des
chevaux… ». Les chroniqueurs du XVIe siècle
racontent aussi qu’il y avait à Benicarló « plus de quatre cents
norias de puits d’eau. Et au moins autant à Vinaros… », et elles ont
fonctionné jusqu’à il y a moins d’un siècle. Ces « sénias » irriguent
encore le langage quotidien : « Qui té sénia i dona, no té hora bona ».
Le Cid:
Une Opposition Fulgurante
u cours du premier millénaire, le Cid constitua une opposition
fulgurante et libératrice, ambitieux « campeador » (guerrier)
sur les terres de Burriana et de Morella, d’après les recherches de
Menéndez Pidal et comme on le chante dans certaines romances : « Il a
conquis toutes les terres de Burriana ». Après des tentatives vénielles mais
persistantes, arrive un Aragonais obsédé par les croix et les conquêtes.
Jaime Ier sera le roi « conquérant » de Burriana, puis de tout le reste,
dans la troisième partie du XIIIe siècle. Certaines mauvaises langues
affirment que seul, il n’aurait pu accomplir ce miracle et qu’il aurait reçu
l’aide et l’argent des Templiers, de croisés et de riches chevaliers, et
d’évêques puissants accordant bulles et argent, propre et étranger.
E
Très vite, les chevaliers visionnaires, les moines et les guerriers obtiendront
un énorme pouvoir économique et politique protégé sous la protection des
papes, des monarques et des fidèles à la fortune généreuse. Au XIIIe siècle,
le Temple sera une corporation multinationale pionnière et pas si pieuse.
L’ordre possédait plus de vingt mille membres permanents et une rente
annuelle de plus de cinquante millions de francs. Ils étaient les mécènes et
les banquiers de monarques et de pontifes. C’était une Eglise et un Etat
parallèles à l’intérieur de l’Eglise et de l’Etat. L’ordre posséda jusqu’à
trente-six châteaux et avait le contrôle total sur le stratégique marché du
sel à travers les salines de Peñíscola et de Burriana.
L’envie et la jalousie allaient en finir avec ce pouvoir démesuré : au XVIe
siècle, l’ordre fut dissout de manière fulminante à la demande et sur les
prières que des monarchies inquiètes adressèrent au pontife romain. Les
mauvaises langues accusèrent les frères d’hérésie et de pratiquer d’étranges
rites agnostiques et hermétiques, mais le problème ne fut pas résolu pour
autant. Le roi Jaime II, en accord avec le pape, forma l’ordre de Montesa,
qui fut dotés d’un grand nombre de terres les rendant fidèles à vie ainsi
que leurs avoirs. Le « maestrazgo » était alors un splendide domaine,
respecté et honoré par les rois et les pontifes. Philipe II aura
même la distinction de « Gran Maestre ».
Dès lors, les rois déléguèrent le gouvernement de Montesa aux lieutenants
généraux. Les délégués royaux avaient leur cour à Sant Mateu, et tels des
vice-rois, « ils étaient reçus sous un dais au son des cloches… ». De cette
époque durable et heureuse, Sant Mateu conserve des exemples
remarquables dont il peut tirer fierté: l’église archipresbytérale, une ?uvre
gothique singulière ; la mairie (ayuntamiento) aux accents mudéjares ; la
maison des Buriel (casa de los Buriel), également gothique.
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Des Tables Exquises,
Simples et Abondantes
e lecteur, jamais tout à fait rassasié, le sait ou le suppose: il
trouvera dans ces « maestrazgos » des tables variées à des prix
raffinés ou de savoureux plats simples et abondants : des poissons
excellents et des fruits de mer de Peñíscola, de Benicarló, de Vinarós… ;
ou, plus dans les terres, des délices de viandes et de fruit ou de légumes.
« L’olla » (la casserole) est un rite obligé et parcimonieusement accompli,
le résultat d’une habile composition de viandes d’agneau, de veau, de
lard… accompagnées de riz et de légumes. La « carn d’olla » et le «
putxero » en sont des variantes excellentes.
La paella est plurielle et de factures particulières : avec des côtelettes de
porc et un peu de poulet et de lapin ; à base de légumes, de poissons et de
fruits de mer. Un peu de tout, tout ensemble en respectable compagnie.
L
Et une multitude de merveilles de la renaissance : le palais plateresque
des marquis de Villores, l’ermitage de la Vierge des Anges (ermita de la
Virgen de los Ángeles), la Tour du Colombier (la Torre del Palomar)… et
même un précieux calice gothique offert par le pape Luna, qui alluma ces
régions d’une ferveur spectaculaire avec de l’encens et des miracles, au
XIVe siècle et durant une bonne partie du siècle qui allait suivre.
Les liens profonds qui unissaient les croyants avec le pouvoir
provoquèrent un schisme avec le pape en occident, à la singulière
invocation de toutes ces terres et du Saint Siège, au château de Peñíscola.
Pedro de Luna fut nommé l’infaillible Benoît XIII. Il abreuva ces âmes
d’illusions et de ferveurs renouvelées, d’abord avec Vicente Ferrer, saint
perpétuel et prodigieux, sur ces chemins et sur bien d’autres. Le voyageur
pourra entendre que c’est à Morella même qu’eut lieu la scène
miraculeuse ou la mère ayant fait rôtir son bébé le servit comme un plat
exquis au saint qui le ressuscita. Il démasqua le diable usurpateur plus
d’une fois et fit jaillir de la source de Traiguera une eau infinie et sainte,
que le marcheur fera bien de goûter…
Le pape hétérodoxe installa son siège missionnaire et courtisan à Sant
Mateu et exerça la charge de « Gran Maestre de Montesa ». Toutes les
villes, les hameaux et les châteaux de ces « maestrazgos » appartenaient
à l’Etat pontifical.
On finit enfin par faire la lumière sur ces agissements: Pedro de Luna finit
ses jours au château de Peñíscola, déclaré antipape et banni pour hérésie
et sorcellerie, même s’il fut toujours soutenu par la ferveur de ses ouailles.
Il entra même dans l’histoire grâce au bénéfice réconfortant du doute
qu’un historien amer lui octroya : «…personne ne pourra découvrir une
seule erreur dans son argumentation, ni une indignité dans sa
conscience… »
Avec le temps et les démocraties modernes, les affaires de l’ordre de
Montesa tombèrent dans le puits spoliateur de la désamortisation. Le
domaine brillant et tout-puissant deviendra une corporation honoris
causa. Alphonse XIII sera encore « Gran Maestre » et administrateur à
vie de l’ordre, mais la République mettra fin aux belles épopées de
chevaliers si protecteurs.
Au siècle dernier, ces montagnes seront encore le théâtre moderne
d’exploits guerriers et carlistes pendant une cinquantaine d’années. Le
général Cabrera fut le redouté « Tigre de tout le Maestrazgo », lieutenant
général d’Aragon, de Valence et de Murcie, retranché à Cantavieja, et les
fermiers « masoveros » les plus endurcis se souviennent encore des
guérillas vaines des « maquis » , dans ces beaux recoins avides et fertiles.
A n’importe quelle heure et entre les repas, des olives (aceitunas). Seules
ou en salade. Vertes, violettes et noires… Assaisonnées, en
accompagnement d’autres plats…
Dans n’importe quelle ville de la côte, des fruits de mer, des grillades, des
« zarzuelas » (un plat de poisson et de coquillages en sauce) et des
fritures de poissons. « All i pebre » (ail et poivre) de lotte (rape) ou de
riz, souvent sous forme de bouillons (caldos). Préparés de manières très
diverses, des « salmonetes » (rougets), des « lenguados » (sole), des «
doradas » (daurades), des « lubinas » (loups de mer), des « sepias »
(seiches), des « pulpos » (poulpes), des calamars, des « caracoles »
(escargots)… et les gourmandies typiques de celle que l’on appelle avec
raison la « costa de los langostinos » (la côte des crevettes). Les « dátiles
» (dattes de mer) sont un mets presque exclusif à ces plages.
Les montagnes proposent des plats à fort caractère. Le « tombet » est un
plat riche à base de
pommes de terre
et de viande d’agneau,
de poulet et de lapin,
agrémenté d’escargots blancs et d’amandes. La « sopa de pastores
humildes reconstituyente, con pan, aceite y ajo y aromas intensos de
tomillo » (la soupe reconstituante d’humbles bergers, avec du pain, de
l’huile et de l’ail et des arômes intenses de thym). La « sangre con cebolla
» (le sang aux oignons) est un rite pour palais initiés. Les « habas a
tumbos » (fèves) sont une surprise demandant du savoir-faire et un
sursaut de côtelettes (costillas), de saucisses (longanizas) et de boudins
(morcillas).
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Le visiteur découvrira facilement de nombreux autres plats : « el
escabeche con conejo » (lapin à l’escabèche), les « habichuelas estofadas
» (haricots à l’étouffée), les « cecinas » et « jamones » (viande séchée et
jambon). Les fromages de brebis (ovejas) de Sant Mateu.
Présenter le flan avec une sauce aux mandarines et n’importe quel fruit
caramélisé.
Et en automne, il pourra faire un festin de « tordos » (grives), chassés
d’une manière ingénieuse, fascinante et maligne, pour le plus grand plaisir
des palais peu encombrés de scrupules écologiques. Les desserts sont
infinis, résultat de mélanges artisanaux de raisin (uvas), de figues (higos),
de miel et d’amandes (almendras)…
Sant Mateu est la patrie, petite et presque exclusive de vins à la saveur
unique et délicieuse, bien qu’ils ne soient pas si abondants qu’au temps
d’un illustre marcheur anglais, il y a de cela plus d’un siècle: « Benicarlo
est réputée pour ses vins. On les mélange avec d’autres vins moins forts
pour en faire du Bordeaux et l’envoyer en Angleterre… » Après la stupide
expulsion des maures, le comportement des chrétiens fraîchement
christianises vit l’obligation et la propagation d’un nouvelle tradition
culinaire.
Le lard devint, dans cette partie de la péninsule comme dans beaucoup
d’autres, un signe évident de chrétienté ; le porc trouva sa place dans les
gastronomies, même les plus modestes.
On allait préparer de nombreuses compositions à base de marinades
(adobos), divers plats composés de saucisses, de côtelettes, de chorizos, de
lard (tocino), d’abord frits puis conservés dans l’huile d’olive ou peut-être
dans de la graisse de porc (manteca).
Aujourd’hui encore la « caldereta de pastor » est fréquente sur ces «
maestrazgos ». Tout y est bon, la seule condition étant de cuisiner dans
une casserole en terre à feu très lent et d’intégrer quelques morceaux
d’agneau, des herbes – celles que l’on trouvera – et bien sûr d’utiliser des
braises de bûches de la montagne. Si le voyageur veut découvrir d’autres
compositions culinaires, il peut chercher des plats plus singuliers aux
résultats toujours savants et surprenants : comme les escargots aux
amandes (caracoles con almendras) de Benasal ; la perdrix en escabèche
(perdiz en escabeche) ou n’importe quelle « olla » de Forcall. A Morella,
il pourra goûter à l’agneau de lait (ternasco), de l’agneau grillé farci et
arrosé de cognac; aux « pastissets de requesón » (des petits gâteaux au
fromage)…
Le plus sûr étant de se laisser guider par les conseils du Parador : vous ne
serez pas déçu.
(pour des excursions)
Recettes Secrétes
ans presque tous les environs, avec l’accord ou la tolérance des
autorités compétentes, on chasse et on capture de petits volatiles,
des oiseaux aussi, attirés seulement par les fruits, qui abondent par ici et
ceci ne lèse en rien la nature. Par exemple les « zorzales » (grives), très
présents par ici.
C
« Zorzales con trufas » (grives aux truffes)
L’élaboration est simple et le résultat surprenant :
Une fois les grives plumées, les faire revenir dans l’huile d’olive. Ajouter du
thym, du romarin et le jus de cuisson de l’oiseau et de la queue.
Mettre au four pendant environ cinq minutes…
Récupérer le jus.
Remplir le plat avec la sauce et ajouter les truffes.
« Flan de alcachofas » (flan aux artichauts)
Bien cuire artichauts avant de les triturer écraser ; caraméliser les moules à
flan.
Battre et mélanger les ?ufs et cent grammes de sucre et du lait que l’on aura
fait bouillir…
Faire cuire au bain-marie environ une demi-heure.
Faire fondre le beurre avec un peu de farine.
Pour Les Yeux Curieux
resque tous ces paysages provoquent des sensations inattendues à
cause des nombreux reliefs alentours, et des temps passés riches
en arômes, en couleurs, en usages… Des histoires et des traditions aussi
enracinées ou plus encore que les racines des oliviers ou des amandiers :
peut-être sont-elles les éternelles et indestructibles pousses d’un passé jamais
oublié.
P
Nous devons rendre un hommage rituel et justifié à Sant Mateu, la capitale :
comment elle a su et comment elle a pu avoir l’honneur pas toujours
gratifiant d’être la capitale historique de ces « maestrazgos ». Depuis
l’automne des temps, elle trouve sa place au milieu de paysages envieux et
avides. Elle est la proie convoitée pour ses contrées de fréquentes invasions
venues des terres ou de la mer.
Le village puis la ville ont été couronnés par « Nuestra Señora de Montesa
» (Notre-dame de Montesa), vers le XIVe siècle ; elle montra longtemps une
polychromie superbe dont elle profita, polychromie aujourd’hui effacée par
la mémoire des temps oublieux. Mais elle est et sera
toujours à la croisée
miraculée et
miraculeuse des
voies romaines
Cesaraugusta
et Augusta
qui se
croisent, s’entrecroisent dans
une dense toile d’araignées prodiguant autant aux envahis qu’aux
envahisseurs des bénéfices réciproques. Bénéfices très souvent économiques,
et aussi culturels… Tous à l’ombre d’une tolérance mutuelle, bien que
parfois difficile.
Pendant le Haut Moyen Age, certains peuples mozarabes rôderont déjà sur
ces terres, fidèles d’un temple déjà dédié à Sant Mateu…
Sant Mateu, alors connue comme Benifarquet, conserve et respecte encore
quelques exemples rares mais remarquables de l’ancienne casbah, tout près
de l’actuelle église de San Pedro (iglesia de San Pedro).
Presque en même temps que sa conquête par Jaime Ier (au début du XIIIe
siècle), elle se rend à l’ordre des Hospitaliers : la ville reprend son nom
d’origine mozarabe.
Alors Sant Mateu intègre l’ordre de Montesa… Ses domaines atteignent
d’amples et stratégiques géographies: depuis Amposta, au nord, jusqu’aux
suds castillans… Et aussi vers l’est, à l’intérieur de Morella : c’est plus ou
moins ainsi et avec de subtiles stratégies et stratagèmes qu’elle parviendra se
rassembler et former un prospère centre commercial, artisanal et
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d’élevage… Elle parvient à atteindre un prestige notable sur tous les
marchés européens et sur d’autres encore plus éloignés : les laines de ces «
maestrazgos » seront filées, affinées et rendues célèbres sur les métiers à
tisser florentins. Si bien qu’un dicton dit : «…sans la laine de Sant Mateu
les métiers à tisser des Médicis se seraient tus… » On dit, on suppose et on
affirme même que ces arrière-boutiques spéculatives étaient gouvernées par
des Juifs, même si c’était un peuple et un voisinage créateur de prospérité
pour la grande partie de ces Ibérias : on sait aussi que pendant très
longtemps les rois, les princes et les évêques et une pléiade d’aristocrates et
autres arrivistes empruntaient à l’usure aux coffres juives pour rembourser
des dettes, petites mais nombreuses, et conserver leurs manières, leurs modes
et leurs habitudes prétendument courtisanes, ou tout au moins « hidalgas
»…
Une plaque installée dans la rue juive au bord du palais Borrull le rappelle.
Pendant le Bas Moyen Age, à quatre reprises les « Cortes » générales du
royaume furent convoquées ici. La ville reçut aussi l’illustre visite de San
Francisco Ferrer qui prêcha ses vérités en opposition aux perverses
ignorances locales. Certains des plus récalcitrants brûleront pour toujours
sur le bûché purificateur.
L’église archipresbytérale mérite bien plus qu’un coup d’?il. C’est un temple
aux essences et aux substances de cathédrale ; de naissance et de conception
romanes. Elle exhibe un portail remarquable aux arcs progressifs, dégradés.
Un des chapiteaux est bibliquement illustré par la tête coupée de saint JeanBaptiste déposée sur un plateau. Son intérieur dut être témoin, au milieu du
XVe siècle, de l’événement suivant : Clément VIII, successeur du pape Luna,
démissionna de ses pouvoirs et de ses attributs papaux.
Le schisme de l’Eglise occidentale avorte ainsi définitivement. Aux alentours
s’élève un superbe donjon à vocation et action guerrières aux insolites
dimensions : sa hauteur est supérieure à 30 mètres et son périmètre a des
mesures similaires ; le tracé octogonal symbolisait la régénération spirituelle
: la forme du huit voulait être un intermédiaire entre le carré et le cercle. La
surprenante ville et le voisinage durent reconnaître, et peut-être partager les
idées et les rites hétérodoxes « cathares », conséquence de la fuite de la
croisade albigeoise qui, au XIIIe, siècle traversa les Pyrénées à la recherche
d’aide et de refuge.
Il y a encore davantage à voir et à prendre en considération: le tracé de la
ville fait le tour d’une intéressante place centrale du XVIe siècle aux curieux
portiques, avec deux uniques accès dans les angles, indispensables pour
accéder directement au donjon et ainsi permettre le retranchement et l'abri
des habitants. Le milieu de la place accueillait un marché ainsi qu’un
hôpital pour les voyageurs arrivant ici depuis le nord catalan…
Les « presons » (prisons) se trouvaient dans la rue Cort ; elles étaient une
reproduction d’un ensemble d’oubliettes aux locataires permanents entre les
XIVe et XVe siècles ; et ce que l’on appelait le cachot du Démon : la
légende raconte que les tourments appliqués étaient tels que l’inculpé
parvenait à voir Satanas personnifié, au point qu’il demandait la mort plutôt
que d’avoir à supporter de telles souffrances. La Sainte Inquisition
appliquait de sévères tortures comme la chaise à pics, le poulain, la goutte
d’eau, la fracture de membres à l’aide de coups précis…
L’enceinte lugubre, savamment restaurée et reproduite autant que possible
est aujourd’hui le musée des prisons médiévales (Museo de las Cárceles
Medievales)…
S’il le peut le pèlerin pourra s’intéresser aux environs : par exemple sur le «
Sanctuario de la Mare de Deu dels Àngels » (sanctuaire de la Mère de Dieu
des Anges), la patronne de la ville. L’ensemble est du XVIe siècle et se
nourrit de précédents ésotériques. L’endroit était le rendez-vous fréquent de
rites païens. Et la légende affirme avec force que la première image de la
Vierge noire disparut mystérieusement au début du XXe siècle. Elle fut
remplacée par une statue sculptée en pierre blanche. Et, de plus, le prodige
eut lieu : après un terrible incendie pendant la guerre Civile, les flammes
ravagèrent complètement le temple à l’exception de la nouvelle image de «
la Mare de Deu » qui resta et reste impassible.
L’événement miraculeux se double d’une autre découverte insolite : des
géologues éclairés assurent que sous les ciments de l’enceinte sacrée, courent
des eaux miraculeuses étonnamment curatives…
La curiosité du visiteur sera sans doute assouvie : s’il se penche aux fenêtres
de ce prodigieux sanctuaire il pourra voir une quinzaine de villages des trois
provinces : Teruel, Castellón et Tarragone. Ce n’est pas rien, mais il y a
encore davantage : juste à côté se trouve l’ermitage de Saint-Christophe
(ermita de San Cristóbal), construit au milieu du XIVe siècle. Il est embelli
par la présence d’oliviers tellement centenaires que certains comptent deux
mille longues années. Sant Mateu jouit d’une autre bénédiction : comme
celle de l’eau, qui jaillit en sources multiples et généreuses, certaines
construites par d’ingénieux ingénieurs romains, en plus d’ermitages
nombreux et sacrés propices aux réflexions et aux prières mystiques.
Au cours de sa promenade, qui sera plus agréable si elle est improvisée, le
voyageur aura de bonnes surprises concernant l’artisanat et l’art : faits des
traditions païennes et de pieuses légendes. Su la gastronomies et d’autres
nombreux plaisirs.
En matière d’art, il trouvera quelques exemples mozarabes et romans. Le
gothique civil et religieux est bien plus nombreux et magnifique : gothique
du Temple aux alentours de Morella ; aragonais dans l’église de Tronchón ;
mudéjar à Ares del Maestre. Renaissance à Iglesuela, Mirambal et Benasal.
On trouve de nombreux et très bons exemples du baroque à Catí, à Lucena
et à Morella en particulier, où se trouve un ensemble d’un intérêt
indiscutable. C’est un rendez-vous obligé.
Le « maestrazgo » est le paradis des châteaux, des forteresses construites
par l’Ordre Montesa : à Benasal, Ares, Cervera, Cantavieja…
Dans tous les cas, il ne faut pas hésiter à consulter le Parador lui-même, où
l’on trouvera la meilleure et l’information la plus précise sur les sites et les
routes que tous les clients aimeraient visiter.
Parador de Benicarló
Avda. Papa Luna, 5. 12580 Benicarló (Castellón/Castelló)
Tel.: 964 47 01 00 - Fax: 964 47 09 34
e-mail: [email protected]
Centrale de Reservations
Requena, 3. 28013 Madrid (España)
Tel.: 902 547 979 - Fax: 902 525 432
www.parador.es / e-mail: [email protected]
wap.parador.es/wap/
Textos: Miguel García Sánchez Dibujos: Fernando Aznar
BENICARLÓ ET SON PARADOR
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