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23 SEPTEMBRE 2016 Table des matières 1 2 3 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 4 4.1 4.2 4.3 4.4 4.5 4.6 4.7 5 6 6.1 6.2 7 7.1 7.2 7.3 7.4 7.5 7.6 7.7 7.8 7.9 8 8.1 8.2 8.3 8.4 8.5 8.6 9 Introduction ....................................................................................................................... 1 Méthodologie ..................................................................................................................... 2 Panorama politique, constitutionnel et macro-économique .......................................... 3 Activisme du Remain ........................................................................................................ 3 Débat constitutionel .......................................................................................................... 3 Positionnement de négociation ? .................................................................................... 4 « Brexit is Brexit » ............................................................................................................. 4 Le paysage politique est inhabituel. ................................................................................ 4 Esquisse de tendances économiques et commerciales – La drôle de guerre .............. 5 La perception des Conseillers du Commerce Extérieur de la France RU, leurs entreprises, leurs partenaires commerciaux et leurs réseaux d’affaires ...................... 6 L’incertitude ....................................................................................................................... 6 Libre circulation des personnes....................................................................................... 7 Le Brexit comme effet déclencheur ................................................................................. 8 Dépréciation de la monnaie : effet d’aubaine .................................................................. 8 Culturel / soft power .......................................................................................................... 9 Carte à jouer pour Paris / France ? .................................................................................. 9 Autres réflexions notoires .............................................................................................. 10 Conclusions ..................................................................................................................... 11 Préconisations clefs........................................................................................................ 13 Négociations ‘coup de menton’ ou accord équilibré ? ................................................. 13 L’excellence technologique française ........................................................................... 13 Annexe 1 – Témoignages des Conseillers du Comité RU et leurs interlocuteurs du monde économique britannique et international à Londres .......... 14 Agro-alimentaire .............................................................................................................. 14 Banque/Finance............................................................................................................... 16 Energie/Environnement .................................................................................................. 17 Immobilier/BTP/Infrastructures ...................................................................................... 20 Fintech/ Investissements ................................................................................................ 21 Media/Telecom................................................................................................................. 24 Retail/Luxury ................................................................................................................... 24 Tourisme .......................................................................................................................... 25 Services aux entreprises ................................................................................................ 28 Annexe 2 – Rapports sectoriels ................................................................................... 33 Technologies ................................................................................................................... 33 Medias .............................................................................................................................. 35 Immobilier ........................................................................................................................ 37 Défense ............................................................................................................................ 40 Tourisme .......................................................................................................................... 52 Culturel / soft power ....................................................................................................... 55 Annexe 3 – A lire avec profit........................................................................................... 57 1 Introduction Les quelque 70 conseillers du Commerce extérieur de la France du comité Royaume-Uni sont des praticiens engagés de l’économie, femmes et hommes d’affaires représentant les grands secteurs d’activité. Le comité RU a une tradition de benchmarking des politiques publiques, économiques et sociales du Royaume-Uni pour le bénéfice des pouvoirs publics. Nous avons partagé par le passé nos observations sous la forme de rapports annuels de recommandations. Ils ont conduit à des réformes pour l’amélioration de la compétitivité et l’attractivité internationale de la France. Dans cette lignée, et en plus de notre mandat officiel de veille économique, de soutien aux PME, d’accompagnement des VIE et de promotion de l’image de la France, j’ai créé une task force pour examiner les conséquences prévisibles de la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union Européenne. Ce groupe de travail est composé de membres du comité RU représentatifs de secteurs clefs de l’économie. Ils sont dirigeants d’entreprises, membres éminents des écosystèmes de leur secteur à Londres, vétérans de l’international, tous dotés de réseaux de très haute qualité que nous mettons au service de notre mission de CCE. Nous sommes idéalement placés pour offrir une vision stratégique, une vue pragmatique et émettre des avis constructifs sur notre vision des impacts prévisibles du Brexit. Nous nous cantonnons strictement à nos domaines de compétences, le monde de l’entreprise et des échanges internationaux. J’ai toutefois esquissé un bref panorama du paysage politique et constitutionnel du Royaume-Uni fin septembre 2016, tant cet aspect est pertinent à toute examen du Brexit. Le vote du 23 juin 2016 est une décision historique qui a surpris la quasi-totalité des observateurs. Ses ramifications commencent seulement à être entrevues, y compris par le gouvernement britannique. Il est indéniable que cet évènement aura un impact durable et potentiellement systémique sur le pays lui-même, sur ses relations avec l’Union européenne, mais aussi sur l’Union et enfin sur la France, partenaire historique essentiel du Royaume-Uni et membre fondateur, pays pilier de l’Union européenne. Trois mois jour pour jour après le vote, ce bref document est une tentative de déceler des tendances sur l’impact possible du Brexit sur l’économie et les entreprises, et d’articuler une analyse de ce que pourrait être le Royaume-Uni postBrexit, pour informer les pouvoirs publics et les entreprises. Olivier MOREL Président | comité RU des conseillers du Commerce extérieur de la France 23 septembre 2016 1 2 Méthodologie 2.1 Sous ma direction, le groupe de travail s’est réuni une première fois le 14 juillet 2016 pour analyser à chaud les impacts prévisibles du Brexit dans nos secteurs, trois semaines après le vote. Ce groupe est composé de 12 Conseillers compétents dans des domaines précis, pour partager leur propre expérience, celle de leur secteur/entreprise, et piloter le recueil d’information auprès de leurs réseaux, dans le but d’obtenir une information suffisamment granulaire. 2.2 Une deuxième réunion le 15 septembre 2016 a permis de corriger certaines tendances, d’en confirmer d’autres et de compléter notre vision des impacts prévisibles du Brexit. Nous avons ainsi pu formuler ce rapport dans sa forme actuelle. 2.3 Entretemps, nous avons recueillis les témoignages d’autres CCE RU et de notre écosystème, dans nos entreprises, nos secteurs et nos réseaux professionnels. 2.4 Plus de 50 interlocuteurs dans des secteurs et postes clefs nous ont apporté leur témoignage selon la grille de lecture suivante : Impact actuel ou prévisible du Brexit, sur votre groupe / secteur Impact personnel Aspects positifs/opportunités pour votre groupe/entreprise Opportunités pour la France Anecdotes pertinentes si vous en avez Autres aspects Cette ébauche d’analyse à chaud tente de synthétiser six thèmes forts qui émergent de nos analyses et celles de nos interlocuteurs. Ces observations sont tirées de notre expérience collective et quotidienne d’acteurs de l’économie au RU, de nos entretiens avec nos collègues, nos partenaires commerciaux du secteur public et du secteur privé et nos réseaux. Elle est aussi nourrie des témoignages que nous avons recueillis et de nos rencontres avec des entrepreneurs ; des intellectuels ; des hauts-fonctionnaires ; des journalistes ; des diplomates ; des politiques ; des professions libérales ; des think tanks ; des ‘gens ordinaires’ ; français et britanniques (Remain et Leave) et des éclairages d’autres européens ; la presse écrite ; audiovisuelle et les réseaux sociaux (français, britanniques et d’autres pays européens). Notre vision est nécessairement subjective. Les opinions exprimées, prises isolément, ont une certaine valeur, mais pourraient être simplement anecdotiques. Considérées ensembles, elles permettent de dégager des tendances de fonds. Ces témoignages sont reproduits en Annexe 1. Les avis sont exprimés à titre personnel. 2 3 Panorama politique, constitutionnel et macro-économique On ne saurait examiner le Brexit sans évoquer ces aspects, en particulier le volet politique, qui ont et continueront d‘avoir un effet très important sur le panorama économique futur du RU. Ces questions vont aussi peser dans le rythme et le contenu des négociations RU-UE. 3.1 Activisme du Remain Le camp du Remain continue d’être actif dans la presse et sur les réseaux sociaux – dans une moindre mesure dans la rue (manifestations 2 septembre 2016). La pétition en ligne pour un deuxième référendum immédiat, au motif que les partisans du Leave ont menti aux électeurs, a rassemblé plus de 4m de signatures. Le Parlement a donc du débattre du sujet le 5 septembre 2016 (seuil de 100 000 signatures). A ce stade, cette initiative sera probablement sans suite. 3.2 Débat constitutionel L’espoir du Remain constitutionnels. se reporte sur plusieurs arguments juridiques et 3.2.1 Un rapport de la House of Lords du 13/09/2016 sur le mécanisme de retrait du RU de l’UE conclut : qu’il serait constitutionnellement inapproprié pour le gouvernement de déclencher le mécanisme de l’Article 50 sans consulter le Parlement ; qu’il serait tout aussi inapproprié pour l’exécutif de prendre une décision très lourde de conséquences à long terme pour le pays, sur la base d’un référendum à caractère consultatif, sans un accord explicite du Parlement. le Parlement devrait jouer un rôle central dans le processus de déclenchement de l’Article 50 ; dans les négociations qui suivront ; et dans la ratification – ou le rejet – des modalités finales selon lesquels le RU quitte l’UE. 3.2.2 Mishcon de Reya, un cabinet d’avocats de renom, a été formellement mandaté pour défendre ce point de droit constitutionnel devant la Supreme Court (Cour de Cassation), la décision devant être rendue en janvier/février 2017 ; soit la Supreme Court abonde dans le sens de Remain et le Parlement devra être consulté sur le déclenchement de l’Article 50 ; hors au moment du vote le 23 juin 2016, près des 2/3 des députés étaient pro-Remain ; s’ils étaient appelés à voter à nouveau, dans quel sens les députés voteraient-ils – contre le déclenchement de l’Article 50, par conviction personnelle, ou en faveur du déclenchement, entérinant ainsi le résultat du referendum ? soit le jugement abonde dans le sens de l’exécutif ayant l’autorité nécessaire pour invoquer l’Article 50 ; il est possible que le cas soit alors référé à la Cour de Justice (Strasbourg) ; ces deux scenarii sont politiquement très compliqués et ajoutent à l’incertitude. 3 Le mécanisme de l’Article 50 ne pourra donc être déclenché qu’en février 2017 au plus tôt, après la décision de la Supreme Court. A deux mois de l’élection présidentielle française, le PM hésitera peut-être à engager une négociation avec des interlocuteurs (i) qui seront probablement focalisés sur des questions de politique intérieure ; (ii) qui pourraient avoir changé après quelques semaines ; le même raisonnement s’applique aux élections allemandes à l’automne 2017. Le délai de déclenchement pourra donc s’allonger. On évoque aussi la possibilité (i) soit que les termes de l’accord qui ressortira des négociations avec l’UE sur la sortie du RU soit soumis au Parlement ; (ii) soit qu’un nouveau référendum soumette ces termes aux électeurs – l’hypothèse de cette deuxième consultation est beaucoup moins vraisemblable. La position officielle du gouvernement est qu’il n’est pas tenu de consulter le Parlement dans sa décision de déclencher l’Article 50. 3.3 Positionnement de négociation ? L’Article 50 laisse seulement deux ans pour négocier la sortie de l’UE. Passé ce délai très court, le RU pourrait avoir quitté l’UE, sans accord spécifique avec l’Union ou les pays tiers, ce qui placerait le pays dans une position vulnérable, les exportations et importations potentiellement soumises à des tarifs élevés - entre autres conséquences. On évoque la possibilité que le gouvernement veuille combiner la négociation sur les conditions de sortie avec un accord qui maintiendrait le status quo quant à la non-imposition de tarifs douaniers entre l’UE et le RU. Cet accord serait temporaire, en attendant la négociation d’accords durables. Il aurait l’avantage de minimiser le choc potentiel de la sortie, assortie de l’apparition de tarifs douaniers, pour les acteurs économiques, autant au RU que dans les autres pays de l’EU. 3.4 « Brexit is Brexit » Cette expression utilisée avec persistance par le PM, est la cible d’une ironie grandissante sur le manque de substance qu’elle dissimule mal. Le PM et le gouvernement commencent à prendre toute la mesure de l’énormité de la tâche à laquelle ils font face. Le PM prendra son temps pour enclencher l’Article 50, au plus tôt début 2017. Mais les échéances politiques en Europe l’année prochaine (France ; Allemagne et dans une moindre mesure Pays-Bas) pourraient conduire à des changements de gouvernement dans ces pays ; le PM s‘interroge sans doute sur la pertinence d’entamer des négociations avec des gouvernements qui (i) au pire pourraient ne plus être en place dans un an ; (ii) au mieux seront mobilisés dans les prochains mois par des considérations électorales de court terme, peu propice à des négociations sereines, et encourageant des postures ; cela pourrait encourager le gouvernement à repousser le déclenchement de l’Article 50. 3.5 Le paysage politique est inhabituel. Il faut peut-être s’habituer à un environnement politique plus instable. Après les frasques du parti conservateur qui ont suivi le référendum, l’opposition travailliste est en pleine déconfiture, avec une absence totale d’opposition crédible. Le Labour 4 est paralysé par des querelles intestines et la contestation de sa direction par ses propres députés. Cela contraste avec la rapidité de la reprise en main des Tories – primaires écourtées, nomination d’un nouveau PM et remaniement du gouvernement. Le parti Liberal Democrats, seul des trois grands partis officiellement pro-européen, a cessé d’exister comme force politique après avoir été décimé en 2015. Une situation qui pourrait jouer en faveur du gouvernement Conservateur est sans doute neutralisée par la division au sein des Tories entre partisans du Leave et du Remain, ou les querelles d’ego au sein même du camp Leave – Boris Johnson, David Davis et Liam Fox. La force du RU était son incroyable stabilité et prévisibilité politique – mais c’est plutôt une exception dans le monde, donc les grands groupes vont s’adapter. 3.6 Esquisse de tendances économiques et commerciales – La drôle de guerre L’incertitude persistante quant au timing et aux modalités de sortie du RU de l’UE contribuent à l’ambiance de ‘drôle de guerre’. Il y a un sens de faux confort qui rassure les Brexiters et inquiète les Remainers – avec la publication d’indicateurs économiques positifs : Chômages à 4,9%, au plus bas depuis 2005 ; Marchés d’actions et taux de change, sinon stabilisés, du moins loin du chaos prévu par les partisan du Remain en cas de Brexit ; Chiffres record d’investissements étrangers sur l’année 2015-16 ; Après un mois de juin déprimé, rebond des ventes de détails en juillet et léger repli (-0,2%) en août, sous le quadruple effet (i) d’une météo très clémente ; (ii) de résultats exceptionnels aux JO ; (iii) de congés au RU (« staycation ») : l’Euro cher a pu pousser plus de britanniques à prendre des congés au RU, plutôt qu’en Europe continentale ; (iv) du transfert de Paris vers Londres de touristes étrangers, dû à l’état d’urgence en France, et au fait que les visiteurs ont dépensé plus suite à la dévaluation de la livre. Certaines de ces statistiques couvrent une période pré-référendum, mais donnent le sentiment que la catastrophe annoncée par les partisans du Remain en cas de Brexit ne s’est pas produite. Quasiment tous les économistes sont cependant unanimes pour prévoir un fort ralentissement de l’activité cette année, plutôt qu’une récession, qui était un scénario évoqué par le camp du Remain an cas de Brexit. Et si l’OCDE a revue à la hausse sa prévision de croissance pour 2016 à 2% (contre 1,9% en juin), l’institution a revu fortement à la baisse sa prévision pour 2017, à 1% (contre 2% en juin). 5 4 La perception des Conseillers du Commerce Extérieur de la France RU, leurs entreprises, leurs partenaires commerciaux et leurs réseaux d’affaires Six thèmes forts ressortent de nos échanges et recueils de témoignages. 4.1 L’incertitude, facteur déstabilisant en soi Visibilité toujours quasi-nulle sur la future relation politique et commerciale avec l’UE, qui nourrit une certaine fébrilité. La notification de l’Article 50 n’est pas envisagée avant début 2017 (au plus tôt), avec la perspective d’une remise en cause des conditions constitutionnelles de la notification (Exécutif ou Parlement, voir 3.1 infra.). Bien que le panorama juridique et le cadre contractuel pour les acteurs économiques ne changera pas avant plusieurs années, l’absence de visibilité engendre de la fébrilité, ajoutant un facteur de risque à d’autres indicateurs économiques de moyen terme maussades. Insistance des acteurs économiques et des conseils – dont je suis – sur le besoin de ne pas prendre de décision précipitée tant l’actualité est fluide et de continuer le business as usual, allié à une veille active pour être prêt le moment venu. Grande soif d’information, même s’il y a peu de concret. Anecdote : les ventes du Financial Times (en ligne et papier) se sont envolées dans les semaines qui ont suivi le 23 juin 2016 (comme souvent en cas de crise, phénomène de « flight to quality »). Les projets en cours continuent, mais ceux qui sont encore dans les cartons y restent pour l’instant. La rentrée est clef : (i) soit plus de clarté sur l’orientation politique et commerciale des relations RU-UE – ce n’est pas le cas, le gouvernement n’ayant toujours pas formulé la future relation commerciale et politique avec l’UE ; (ii) soit seulement des pistes de réflexion – on évoque tour à tour les scenarii EEE ; AELE ; union douanière (‘modèle turc’) ; accord de libre échange (‘modèle canadien’) ; ou aucun accord, donc modèle OMC par défaut. Les entreprises n’attendront pas indéfiniment que le gouvernement arrête une ligne, ils devront prendre des décisions structurantes en T4 2017 et sur le moyen terme, avec l’information en leur possession, aussi parcellaire et incomplète soit-elle. Les groupes asiatiques regardent avec grand intérêt les développements en Europe, car ils utilisent le RU comme porte d’entrée naturelle du marché unique. Ceux qui ont des opérations à travers l’UE – Pays-Bas / Hongrie / Allemagne / France / RU / Espagne – vont revoir leur organisation et peut-être retirer certaines fonctions du RU. 6 La note de 15 pages émise par le Japon à l’occasion du G20 à Hangzhou les 4-5 septembre 2016 en est une illustration parfaite – voir Annexe 3. Le Japon se comporte comme un actionnaire qui aurait investi dans l’entreprise RU plc et liste à la direction du groupe (le gouvernement) ses exigences pour continuer à la supporter – accès au marché unique et libre circulation des travailleurs étant deux demandes phares. Si le retard du déclenchement de l’Article 50 s’explique au sens strict de la tactique de négociation – établir sa stratégie avant de lancer des négociations – la prolongation de l’absence de décision porte préjudice : (i) aux entreprises qui doivent prendre des décisions structurantes sur la base d’une sortie du RU de l’UE sans en connaître les termes (sur le mode « hope for the best and plan for the worst ») ; (ii) au pays, qui va pâtir à moyen et long terme de cette ambiance ‘drôle de guerre’, puisque ces groupes risquent fort de désinvestir ou (au mieux) de mettre leurs investissements en sommeil (voir réaction du Japon en 4.2.1 infra.) 4.2 Libre circulation des personnes Quasi consensus de nos interlocuteurs sur le danger que représente la position ambiguë du gouvernement sur le sort des ressortissants de l’UE – qui pourra / ne pourra pas rester, dans quels conditions etc. ? Toutes les entreprises ont fait très rapidement après le résultat du vote un travail important de communication pour rassurer leurs équipes qui comptent des dizaines de nationalité, dont tous les pays de l’UE. Sont concernés les entreprises françaises et étrangères, mais aussi les groupes britanniques, qui se reposent sur le réservoir de main-d’œuvre de l’UE sans restriction – le secteur Tech., international et cosmopolite par excellence recrute beaucoup en UE (Europe centrale/orientale) et est particulièrement concerné. Attirer et retenir les talents est, et sera un vrai défi pour le pays. Le Brexit complique énormément la constitution d’équipes de talents multinationaux, une des forces du RU jusqu’à maintenant. Hors le gouvernement a traité pour l’instant la question sous l’aspect unique de politique domestique, tant la question migratoire fut au centre du débat sur le Brexit. C’est donc l’aspect contrôle à l’entrée plutôt qu’accès aux talents qui a eu la priorité et la seule dimension people qui est débattu concerne l’immigration de masse. L’incertitude persistante sur le statut des ressortissants de l’UE, présents et à venir, risque (i) de provoquer des départs sur le court/moyen-terme (en l’absence de clarification du statut des ressortissants UE, avec des exemples anecdotiques de départs précipités dans la communauté française) ; et (ii) à plus long terme une érosion de l’attractivité du pays pour les talents, originaires de l’UE ou du reste du monde. Un des forts atouts de Londres est sa capacité à absorber sans mal toutes les cultures (Londres compte plus de 50 communautés de plus de 10 000 personnes nées hors du RU). On pourrait assister à moyen terme à une fuite des talents/cerveaux : (i) non-attractivité du RU pour ceux qui y venaient jusqu’à présent – « on ne veut pas vivre/travailler dans un pays perçu comme replié sur lui-même » – (ii) pénurie de financements (recherche/enseignement) dont beaucoup sont mutualisés au niveau UE – d’où la campagne pro-Remain des chercheurs/universitaires. 7 Enfin, effet sans doute imprévu, les demandes d’émigration de britanniques vers la Nouvelle-Zélande ont bondi à l’issue du vote (plus de 2 000 demandes en 3 jours, contre 3 000 par mois normalement). 4.3 4.4 Manque criant d’ingénieurs autochtones. Tous les grands groupes industriels – français et autres – doivent ‘importer’ des talents depuis de longues années. Le fait que le RU est un pays ‘ouvert’ par excellence, avec une capacité très importante d’attraction des talents a sans doute conduit à une forme de complaisance, les professions libérales (droit et chiffre), finance, conseil, étant vues par les britanniques depuis des décennies comme plus prestigieuses / rémunératrices que les cursus d’ingénieurs. Le Brexit comme effet déclencheur L’immobilier domestique avait commencé à ralentir depuis janvier 2016 – baisse des prix à la vente, ou retrait de biens devant l’absence du bon prix. Comme annoncé par le gouverneur de la BoE Mark Carney avant le vote, le Brexit était un facteur de risque supplémentaire sur une économie déjà en ralentissement. Il plaide que les mesures que la BoE a prise pendant l’été – baisse du taux directeur à 0,25% et rachat d’actifs – ont évité la récession à court terme, mais les prévisions de la banque centrale continuent de prévoir une poursuite du ralentissement de l’économie dans les mois à venir. Anecdotes de Français organisant leur retour en France dès la rentrée 2016 – certains évoquent une « fin de cycle », après 10/15 ans passés à Londres, le Brexit n’est que le déclencheur de la décision. Des restructurations déjà planifiées pourraient être présentées comme dues au Brexit, motif commode pour justifier des décisions impopulaires. Certains groupes pourraient ainsi faire passer des messages ’politiques’ au gouvernement, sur le mode : Brexit = licenciements (« on vous l’avait bien dit »), pour tenter de peser dans le débat sur la forme future de la relation RUEU. Dépréciation de la monnaie : effet d’aubaine A court terme au moins, la baisse de la livre a permis d’encourager le tourisme – Londres/RU sont meilleur marché ; l’effet est combiné avec l’impact négatif du terrorisme en France – les touristes nord-américains et asiatiques sont venus à Londres plutôt qu’à Paris, et leur pouvoir d’achat est meilleur Les investisseurs internationaux en immobilier sont friands de Londres depuis longtemps : sur la totalité des montants investis en immobilier en Europe, originaire hors-Europe, – près de 50% sont concentrés sur le centre de Londres. Certains investisseurs trouvent à la capitale britannique un regain d’intérêt dû à la dépréciation de la monnaie. 8 4.5 Certains grands groupes qui vendent en dollars ; ont des budgets en euros ; et des dépenses en livres, la dépréciation de la monnaie n’est pas une si mauvaise nouvelle, quoique temporaire. Même phénomène dans une moindre mesure dans le M&A, avec des cibles moins onéreuses à l’achat – mais a contrario des transactions qui n’aboutissent pas. Culturel / soft power L’image de marque Great Britain / Cool Britannia a perdu de son lustre : (i) la réputation de stabilité/prédictibilité des institutions britanniques ont été écornées par les frasques du camp Leave, qui a admis dans les heures qui ont suivi le scrutin qu’ils avaient utilisés des informations erronées pour convaincre l’électorat, combiné à l’absence complète de planification de qui que ce soit dans l’éventualité du Brexit ; et enfin dans une moindre mesure, la nomination au poste de Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs de Boris Johnson, figure de proue du camp Leave et personnage controversé – cf. la réaction de ses pairs étrangers à sa nomination ; (ii) l’image de carrefour mondial des affaires du pays, cosmopolite et multiculturel – il s’est avéré que le fossé entre Londres et le reste du pays est criant ; des incidents racistes tragiques (attaque d’un centre culturel polonais et assassinat de ressortissants du même pays) contribuent à entamer la confiance des ressortissants de l’UE. Il est trop tôt pour conclure que ces incidents vont ternir l’image du pays dans le monde sur le long terme, mais ils ont certainement un effet dissuasif immédiat pour certains candidats à l’immigration dans des secteurs à haute valeur ajoutée (Tech). 4.6 C’est une opportunité pour relancer l’effort de ‘vente’ de la marque France, en particulier par le biais plus subtil de la culture / éducation. Le Comité RU des CCE a mis en place un groupe de réflexion commun avec l’Institut Français pour élaborer une stratégie de long terme en la matière. Carte à jouer pour Paris / France ? Probablement, mais l’approche doit être subtile – l’image du ‘tapis rouge’, même si elle est de bonne guerre, est éculée et contre-productive. Les investisseurs internationaux connaissent le besoin de réformes en profondeur de la France, au-delà des effets d’annonce. Des contacts discrets avec des dirigeants de groupes étrangers seraient sans doute plus productifs. Les élections présidentielles de 2017 arrivent au mouvais moment, car elles risquent de former un ‘bruit de fond’ peu propice à ‘vendre’ la destination France. 9 4.7 Autres réflexions notoires Pour un grand groupe industriel international, le taux très compétitif d’imposition à l’IS au RU n’a jamais été un facteur de décision d’implantation. Ce qui a été décisif a été plutôt (i) l’accès aux pôles de compétitivité industriels / sectoriels ; et (ii) la capacité d’attirer les talents européens au RU sans entrave (encore la libre circulation !). Même les fervents partisans de Remain se résignent à la réalité du départ de l’UE. Ils font preuve de pragmatisme et vont travailler à négocier le meilleur deal possible pour leur pays. 10 5 Conclusions 5.1 Atmosphère de « drôle de guerre ». Passé le choc initial qui a immédiatement suivi le résultat du vote du 23 juin 2016, la situation économique, les marchés et le taux de change n’ont pas connu la descente aux enfers que prévoyait le camp du Remain. Une relative stabilité s’est assez vite rétablie, aidés par des indicateurs apaisés qui contribuent, sinon à un retour de la confiance, du moins à une forte baisse de la fébrilité des semaines qui ont suivi le vote. 5.2 Le RU et Londres ne vont pas perdre leurs atouts du jour au lendemain. Le RU reste un grand pays avec des atouts incontestables, dans ou hors de l’UE. 5.3 Il faudra attendre encore quelques mois, au printemps 2017, peut-être plus tôt sous l’influence de contraintes de politiques intérieure (camp du Leave) et extérieure (crainte de contagion qui pousse l’EU à demander une sortie rapide) pour avoir une vision plus claire des pistes de réflexion du gouvernement sur les modalités de la relation future avec l’UE. 5.4 Au vu du volume des échanges commerciaux entre le RU et l’UE, ni l’un ni l’autre n’a à gagner à engager un bras de fer sur des termes de sortie et de relations futures ‘durs’ – posture ‘coups de menton’ coté EU et jusqu’au-boutisme du coté Leave. 5.5 Nous ne prévoyons pas de nouveaux chocs systémiques, mais plutôt un lent déclin/déclassement du pays, mesuré en décennies, pas en mois/années. 5.6 A ce jour, l’inventaire – et le rejet semble-t-il – de tous les modèles existants d’organisation du commerce international pour régir les relations future du RU avec l’UE (modèle norvégien ; suisse ; turc ; WTO) semblerait pointer vers la création d’un nouveau modèle ad hoc de relation d’un pays tiers avec l’UE, empruntant probablement des éléments aux autres modèles. 5.7 Le RU va sans doute essayer de ‘diviser pour régner’ en jouant des divergences entre les membres, en particulier France et Allemagne ; le gouvernement voudra préserver les ‘bons accords’ qui fonctionnent – Défense en particulier, avec le Traité de Lancaster House 2010 (cf. supra rapport sectoriel en Annexe 1) ; signe fort de reconduire le Ministre de la Défense Michael Fallon à son poste, l’un des rares du gouvernement à rester en place. 5.8 Les grands groupes US/asiatiques ont les moyens de se réorganiser pour tenir compte de la nouvelle donne d’un RU hors de l’UE et ils sont en train de préparer leur plan de restructuration de leurs opérations pan-européennes. La note remise par le Japon au gouvernement lors du dernier G20 (cf. 4.1 infra et copie en annexe 3) fournit un guide très utile des exigences de ces groupes sur le contenu d’un accord futur RU-UE. 5.9 Que doivent faire les PME qui s’intéressent au marché du RU ? Le pays reste un marché de taille équivalente à la France – populations et PIB similaires et structures de l’économie (proportions services/industries) comparables. Les termes des nouvelles relations commerciales RU-UE et leurs bases juridiques ne seront pas connues avant plusieurs années, il semble irréaliste d’attendre de les 11 connaître. Il continue d’être logique de s’y intéresser, d’autant que le cadre réglementaire et l’approche des pouvoirs publics britanniques est déjà très probusiness. Le gouvernement va être particulièrement attentif à ne pas entacher cette réputation, voire à se montrer encore plus attirant pour les entreprises étrangères, il y va de la crédibilité du pays comme une des destinations phares des investisseurs internationaux. La question est plus prégnante pour les grands groupes nordaméricains, asiatiques et australiens, qui considèrent le RU comme la porte d’entrée naturelle de l’UE, ils pourraient remettre en cause cette vision – cf. note du Japon en 4.2.1 et Annexe 3. 12 6 Préconisations clefs L’une concerne l’immédiat – la négociation sur les conditions de sortie du RU – l’autre l’exploitation d’un atout français sur le long terme – l’excellence de la formation de nos ingénieurs. 6.1 Négociations ‘coup de menton’ ou accord équilibré ? Il pourrait être tentant de négocier très durement avec le RU, en exigeant une sortie rapide et sans transition, avec la volonté de faire un exemple d’un pays qui a décidé de sortir de l’UE, pour montrer à d’autres membres qui auraient des velléités de sortie que l’existence hors UE est une voie peu enviable – négociations sur le mode ‘coup de menton’. Si cette attitude peut se comprendre à bien des égards – ce n’est pas nous CCE d’en juger – la sortie brutale du RU sans accord au-delà des termes strictes de séparation pourrait provoquer des chocs importants étant donné le volume très significatif des échanges commerciaux entre le RU et le reste de l’UE. Le pays serait potentiellement traité par défaut comme un pays sans aucun accord commercial avec aucun autre pays, se voyant donc soumis à des tarifs douaniers non-négociés. Les principales victimes risquent d‘en être les entreprises et les consommateurs, au RU et dans le reste de l’UE. Il semblerait donc sensé que l’accord sur les conditions de sortie du RU de l’UE – accord soumis à un délai de 2 ans aux termes du Traité de Lisbonne – contienne également certaines dispositions sur le maintien, même temporaire, d’un certain status quo (tarifaire par exemple), en attendant la négociation d’accords pérennes. Plus généralement, observons que la note du gouvernement japonais émise lors du G20 est adressée au RU et à l’UE – l’avertissement sur les sujets que le Japon considère comme essentiels au futur des relations RU-EU ne s’adresse pas seulement au gouvernement du RU. Etant donné l’importance des flux commerciaux entre nos deux pays, les entreprises françaises pourraient être les victimes collatérales d’un choc brutal provoqué par une sortie ‘dure’ (« hard Brexit »). 6.2 L’excellence technologique française Les témoignages et observations de ces dernières semaines ont confirmé un atout considérable de la France : l’excellence de la formation de nos ingénieurs, qui explique, entre autre, le nombre disproportionné de startups technologiques créées par des français, et de cadres et ingénieurs français, dans l’écosystème mondial du secteur TMT. Par contraste, le RU souffre d’un déficit chronique de ce type de formation – un chaud partisan du Leave, et homme d’affaires emblématique, Sir James Dyson, s’en fait souvent l’écho. Le Brexit pourrait avoir un effet déclencheur important pour que la France pousse son avantage dans ce domaine. 13 7 Annexe 1 – Témoignages des Conseillers du Comité RU et leurs interlocuteurs du monde économique britannique et international à Londres 7.1 Agro-alimentaire Antoine de Saint-Affrique – CEO Barry Callebaut – 12/07/2016 RU représente 7% CA mondial et profitable. Inquiet car consommation très importante pour vitalité du UK - « si les britanniques mangent moins de barres chocolatées Cadbury, mes ventes baissent » Trading cacao à Londres – spéculation sur matière première + livre sterling = double exposition à spéculation et mouvements £ v € / $ Libre circulation des personnes : cadres anglais hors UK et non-Britanniques (Européen et autres) au UK ; situation de conjoints non-européens de cadres européens non-britanniques = casse-tête Manque de visibilité sur l’horizon politique et discours contradictoires des milieux politiques, puisqu’ils parlent à des audiences nationales et internationales Incertitude sur le fonds et la forme – fiscalité et circulation des personnes France joue mal le coup avec le « tapis rouge » – sur la forme, provocation qui fera se durcir la position britannique et les rendra + solidaires – et le fonds, la France a encore besoin de réformes, ce n’est pas avec des effets d’annonce spectaculaire qu’on va attirer les groupes étrangers qui connaissent bien la réalité. Avance Amsterdam comme alternative crédible : - Ecosystème pro-business très développé Pays de commerçants pragmatiques Fiscalité stable et tradition de « tax rulings » Liens commerciaux anciens et forts avec Londres Parfaite maîtrise de l’anglais Infrastructure (ports + aéroports) et géographie [J’ajouterai (OM) : géopolitiquement pas perçu comme une menace car petit pays politiquement et diplomatiquement – ne « fait de l’ombre » à personne] Brexit pourrait être utilisé comme prétexte déclencheur par des groupes qui envisageaient déjà des restructurations – aussi une façon d’envoyer des messages au gouvernement UK en marge des négociations avec l’UE que « sortir coûte des emplois ». Hypothèse politique « left field » pour l’unité du RU : « reverse Greenland » (possession du Danemark mais hors EU), c.-à-d. Ecosse et Ulster hors UK / dans UE. Effet sur l’immobilier – bulle? 14 Caroline Bovay – Finance Director, Rémy Cointreau – 31/08/2016 Impact du Brexit sur votre groupe Jusqu’à présent pas d’impact direct mais on estime que grâce au taux de change, le tourisme à Londres principalement va être stimulé et devrait avoir un impact positif sur nos ventes spécialement pour les produits chers. Nous attendons une croissance sur la période de Noël. Impact du Brexit sur votre secteur Même retour. Le risque pour les Groupes ensuite est lié au marché noir puisque les produits vendus au UK sont maintenant moins chers que dans les autres pays européens avec toujours une liberté de circulation. Donc un client européen (non UK) peut essayer d’acheter au UK au lieu d’acheter dans son pays d’origine ce que les Groupes de W&S n’aiment pas (perte de profit et manque de visibilité sur le vrai business local) Globalement tous les groupes de W&S ont confirmé leurs investissements au UK principalement lié au fait qu’ils ont des distilleries en Ecosse et en Irlande. La vraie question reste la réaction de l’Ecosse et de l’Irlande. Selon, cela aura à impact plus important. Impact personnel éventuel A date, seul impact de nouveau lié au taux de change puisque tout retour en France pour les vacances par exemple ou simplement rembourser des prêts en euro revient plus cher. Ensuite la question se pose de postuler pour avoir la nationalité anglaise avant / si le gouvernement anglais décide de taxer par exemple les étrangers ... Anecdote Tout de suite après les résultats quelques parents de la classe de mes filles qui travaillent en banque ont demandé leur mobilité. Je ne sais pas encore si certains sont finalement partis ou attendent de partir. J’aurai une meilleure vision après la rentrée scolaire. Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Difficile à évaluer mais elle peut jouer avec l’Allemagne le pays fort de l’U.E. Entrepreneur français dans un secteur alimentaire de niche Créé deux structures (holding et société d’exploitation) mais renonce à un projet très avancé d’ouverture d’un magasin centre de Londres : « Le retail est déjà assez compliqué à Londres, sans y ajouter l’incertitude de cette situation. Nous entrons aussi en période électorale en France, la rhétorique anti-anglaise pourrait déraper, ce qui pourrait en retour avoir un effet négatif pour une entreprise française à Londres. » 15 7.2 Banque/Finance Marc Mourre – Director Mourre & Co – Former Managing Director, Vice chairman commodities, Morgan Stanley – 14/07/2016 L’écosystème de Londres comme place financière de premier plan ne va pas disparaître du jour au lendemain. Libre circulation salariés et passeport trans-EU est très important pour les banques. L’émotion retombe et les plans sont établis pour se préparer au « nouveau monde ». La City serre les rangs et même les britanniques profondément proRemain prennent acte de le nouvelle donne et défendront la City. Un discours français trop agressif / primitif sera contre-productif, bien sûr vis-à-vis des britanniques, mais aussi des américains. Pour attirer les banques, il faut clarifier le package (fiscal et autre) qu’on peut offrir aux cadres de ces institutions. La fiscalité (IR) des ménages avec enfants est en réalité assez attractive en France v UK, surtout depuis la suppression du double contrat anglais – possibilité de n’être imposé à l’IR au UK que sur les émoluments tirés de l’activité effectivement réalisée au UK, toute fonction hors UK rémunérée par une autre société non-imposable dans le pays. Intéressant que la France regarde l’introduction d’un tel concept pour attirer les cadres étrangers impatriés à forte mobilité mondiale. Préconise les contacts discrets auprès des grandes institutions plutôt qu’annonces tapageuses. L’incertitude est un vrai problème pour planifier sur le court-moyen terme. Les métiers de trading sont très mobiles – dans les grandes institutions installées à Londres, 2,000 personnes peuvent être délocalisées dans une autres ville sans vraiment perturber l’activité de l’institution – pas de raison d’être à Londres géographiquement, on peut avoir des équipes à Paris qui se déplacent quand le besoin se fait sentir. Gulenn També – Partner EY – 14/07/2016 Recommandations aux clients : il est urgent d’attendre, il serait imprudent de prendre des décisions structurantes dans une période aussi fluide. Alternatives à Londres pour l’industrie financière et/ou le QG de grands groupes : - Dublin n’a probablement pas la capacité – logement/infrastructure – pour devenir un concurrent immédiat pour une transposition à grande échelle ; Francfort est trop « parochial » ; Berlin n’est réaliste que pour le FinTech, et encore (taille) ; Paris – mais coût de l’emploi comparativement très élevé + réputation (bureaucratie/grève). 16 7.3 Anecdote : des Français ont déjà pris la décision de rapatrier leur famille en France, certains en y cherchant un poste depuis ici, d’autres sont partis sans avoir de poste. Energie/Environnement Max Vauthier – Managing Director – LNG Values – 14/07/2016 Le marché de l’énergie en Europe est assez intégré – chaque pays a un mix énergétique (renouvelable/nucléaire/fossile) très différent. Grand dossier UK : sécurité de l’approvisionnement. Quand le UK ne sera plus sous la coupe du régulateur européen, cela conduira à un renforcement des pouvoirs du régulateur UK. Il faut s’attendre à une exploitation plus active du gaz de schiste. Le trading the gaz (Londres), comme d’autres matières premières, aisément transférable – confirmé par Marc Mourre. Genève/Dublin par ex. ? Michel Contie – NED Mentorca – Former Total E&P – 15/07/2016 Le DECC qui était l'organisme de tutelle du secteur Energie et Climat qui couvrait les activités pétrolières, et gazières et le nucléaire sous la responsabilité antérieure du Secrétaire à l'Energie et CC (Amber Rudd) et la Secrétaire d'Etat Andrea Leadsom. Fusion avec le Département du Business. Difficile de dire quoi que ce soit tant que la nouvelle organisation n’est pas en place. Le responsable du périmètre ex DECC, plus business et stratégie industrielle. Greg Clarke est inconnu dans le secteur pétrolier. On peut avancer l'idée que le BREXIT privera l'industrie pétrolière et gazière de son meilleur allié au Conseil européen sur le plan stratégie énergétique. Même si les Pays Bas et le Danemark s'efforceront de jouer un rôle, défendant des positions voisines de celles du UK, on perdra un interlocuteur de poids car ces deux pays n'auront jamais ni le même engagement, ni le même poids. Les pays de l 'Est sont divisés sur les thèmes de l'Energie pour des questions de sécurité d'approvisionnement et ne pèsent pas beaucoup au Conseil. En pratique, l'absence du UK signifiera des réformes nécessaires du secteur plus longues (ETS), moins de pression affirmée contre les subventions aux énergies renouvelables, moins de support pour le développement des infrastructures gazières, plus de difficultés à réformer l'ETS (prix du CO2 ) et moins d'incitation à sortir le charbon du mix énergétique ... avec un rôle plus important pour l’Allemagne dans la définition de la stratégie et de la politique énergétique (une opportunité pour la France ? un point à discuter). 17 Michel Contie – NED Mentorca – Former Total E&P – 03/09/2016 Impact du Brexit sur votre secteur Le secteur de l’Energie est global et les compagnies du secteur devront accepter la réalité et se focaliser sur la réponse une fois que le curseur de la rupture avec l’Europe sera un peu mieux positionné. Quoiqu’il en soit on peut identifier quelques challenges et opportunités sans injutier l’avenir. Pour les petites sociétés du secteur qui opèrent au UK, le déclin de la £ sterling sera une opportunité eu égard au coût de leurs fonctionnement et de leur capacité à exporter des services et du matériel dans un marché extrêmement compétitif et ralenti du fait de la baisse d’activité. Idem pour ceux qui produisent des hydrocarbures au UK et vendent en US$ sur le marché international. L’industrie (O&G) traverse une crise qui dure depuis deux ans maintenant ayant entrainé une baisse de 40% du prix du pétrole et, à un moindre effet, celui du gaz. Il y a des enjeux bien plus importants que le BREXIT pour les sociétés internationales du Secteur et les players UK, même si les conséquences du BREXIT sur les marchés créent de l’incertitude. L’incertitude ne facilitera pas les investissements dans une période déjà considérablement dégradée par la situation globale. Revenant au taux de change de la £ v s le $, les coûts de l’énergie importée devraient logiquement monter pour le consommateur UK (automobile, retail). Malgré ces effets de change pénalisant le coût de l’énergie importée, la baisse des coûts opératoires pourra bénéficier aux industries chimiques qui fabriquent au UK et au raffinage qui exporte des produits finis. Security of Energy supply : Le UK qui fût pendant longtemps net exportateur d’énergie dépend aujourd’hui des importations pour assurer son équilibre énergétique. Il suffit de voir les pics de prix de gaz en hiver lorsque des bruits de botte se font entendre en Ukraine. Certains contrats d’achat de gaz liquéfié en provenance du Qatar sont libellés en £ : ce sera un handicap pour le vendeur et en cas de crise sur les marchés pas une garantie d’être servis en priorité à cause du risque de taux de change £ Le UK perdra l’accès à certains mécanismes européens d’entraide en cas de crise énergétique (EU Energy Security Package). L’incertitude actuelle et à venir pèsera sur les investissements dans le secteur énergétique et pas seulement oil & gas… mais nucléaire, infrastructures de transport d’électricité et gaz. Le financement des interconnecteurs entre le UK et le continent ne bénéficiera plus du soutien européen, alors que la situation du marché électrique UK est tendue et la production domestique de gaz est déclinante. Les capacités de stockage de gaz sont faibles eu égard à la taille du marché. La séparation avec l’Europe entrainera des risques dans l’alignement des standards, l’exclusion possible de programmes de recherche européen. Réglementation : le UK a souvent été plus rapide pour pousser à Bruxelles des réglementations exigeantes dans le domaine de l’environnement, de la transparence financière des « extractive industries », dans la réglementation sur l’infrastructure du marché européen. Il est probable qu’une sortie de l’Europe et de 18 ces règlements sera accompagnée d’une transposition en loi UK des mêmes principes. Donc, ne pas s’attendre à un assouplissement des règles importantes pour le fonctionnement des marchés. Ecosse : l’avenir de l’Ecosse dans le UK ou l’Europe est une grande source d’incertitude pour le secteur : un nouveau referendum est probable si le BREXIT se confirme et les contours des conséquences d’une scission entre UK et Scotland se comptent en G£ (decommissioning liabilities des plateformes du nord de la Mer du Nord). Anecdotes Les discussions avec des citoyens anglais occupant des fonctions dans le secteur ou même private equity sont souvent négatives vis-à-vis du BREXIT. Réflexions souvent personnelles : « on isole nos enfants, ce n’est pas juste que des générations vieillissantes aient choisi pour eux ». Vis-à-vis de l’Europe : même anti BREXIT ils font preuve de réalisme et de pragmatisme vis-à-vis de l’Europe : « Les bureaucrates européens trop arrogants, se sont octroyés des pouvoirs qu’ils ne méritent pas, n’ont même plus l’idée européenne chevillée en eux, défendent des privilèges non mérités », « Il faut que les élus des pays membres reprennent les commandes, et ramènent la Commission à un rôle d’exécutant », « Le coût /bénéfice de l’Europe doit être mis à plat et exclure ce qui n’apporte pas de valeur ». On rejoint dans ces commentaires de citoyens britanniques pros EUROPEENS le sujet de la note que j’avais envoyée en mai à Alain DECOINTET concernant une réglementation inutile que la Commission cherche à imposer à l’industrie pétrolière (le BREF). Ces comportements souvent purement politiques ou opportunistes de certains Directeurs de Cabinet de la Commission forçant des directives n’ayant que peu d’intérêt pour le public ou le business et contre l’avis unanime des acteurs du secteur contribuent à empoisonner le concept européen. Les britanniques ont parlé et le résultat ne vient pas seulement de la peur de l’immigration ou des problèmes économiques du nord de l’Angleterre ou de leur insularité culturelle. On sait que les britanniques ont toujours fait du « cherry pick » à Bruxelles et ont souvent inspiré des choix de la Commission. En ce qui concerne le secteur énergétique ils ont été un partenaire présent et compétent, souvent prenant la défense du secteur quand des règles inefficaces pointaient à l’horizon, ce qui n’est pas toujours le cas des autres membres qui ont des agendas plus politiques ou parfois pas d’agenda… Opportunités pour la France La meilleure leçon du Brexit (et meilleure opportunité pour ceux qui restent) serait de voir comment redonner goût à l’Europe : une Europe des investissements, qui laisse librement circuler les individus (sans naïveté vis-à-vis de la sécurité) et les marchandises, qui réglemente pour le bien public sans porter atteinte au entreprises, une Europe attentive pilotée par des Elus et non par des machines bureaucratiques qui décident au mépris de tous. On l’a dit, répété, faut-il continuer à protéger la Commission ou enfin se décider à sauver l’Europe Unie. 19 7.4 Immobilier/BTP/Infrastructures Marc Reboux – Senior Director CBRE – 14/07/2016 L’incertitude est l’un des facteurs qui pèse le plus. Les locations de bureaux seront les plus affectés par un ralentissement de l’économie. L’immobilier domestique aussi, mais il reste un déficit systémique d’offre par rapport à la demande globalement, ce qui aura un effet d’amortisseur sur la baisse des prix. Effet d’aubaine pour des acheteurs d’actifs en £ qui payent en €. Court terme : les programmes immobiliers en court se terminent mais les programmes en planification et leurs financements sont en mode ‘pause’. Long terme : Londres ne devrait pas perdre sa qualité d’investissement attractif. Le ralentissement de secteurs moteurs de la croissance de l’immobilier de bureau et grands consommateurs d’espaces – avocats, conseils, auditeurs – auraient bien sur un effet négatif. Les 3 grands fonds d’investissement immobilier qui ont gelés les retraits par leurs clients sont une réaction immédiate à l’émotion qui a suivi le vote, probablement du court terme uniquement. Se méfier de l’effet « mouton de panurge » dans un tel climat. Objectif de CBRE : tenir les clients au courant des évolutions pour qu’ils aient le maximum d’informations quand il faudra prendre des décisions. Richard Fostier – CEO Colas Rail Ltd / DGA Colas Rail SA – 28/08/2016 Impact du Brexit sur votre groupe Pour l’activité Rail du Groupe Colas, les effets seront à mon sens limités. Notre marché est une activité domestique de construction ferroviaire, principalement pour le compte de clients publics qui ne sont globalement pas concernés par les implications d’une sortie du RU de l’UE. Impact du Brexit sur votre secteur Indirectement, si le Brexit devait conduire à une situation de récession de l’économie britannique, des restrictions sur les dotations budgétaires de l’État et des Collectivités pourraient alors impacter les budgets d’entretien et de développements des infrastructures ferroviaires, affectant in fine le niveau de nos commandes et de notre activité. Cependant, ce risque n’est pour l’heure pas avéré. 20 Sur un plan réglementaire, la législation du travail est aujourd’hui fortement imprégnée des dispositions communautaires, notamment des décisions de la Cour de Justice Européenne, toujours à l’avantage des salariés et dont la jurisprudence est systématiquement suivie au RU. Cette situation contribue parmi d’autres facteurs à l’inflation des salaires dans le secteur de la construction (TUPE, Holiday PAYE). Il est intéressant de noter qu’elles ne sont en revanche pas suivies de la même manière en France… Il est souvent fait référence à des financements de projets qui seraient amenés à disparaître. A cet égard, ces craintes apparaissent relatives sur des financements prévus ou à venir au RU qui seraient voués à disparaître car par ailleurs l’UE finance de nombreux projets dans des pays hors champs d’accession à l’UE. Anecdote Mon Comex était très partagé sur le vote du Brexit et finalement assez représentatif du résultat du référendum. Mes échanges avec d’autres CEO de mon secteur montraient la même tendance. Les analystes et les médias décrivent souvent les votants du Brexit comme sensibles aux discours populistes, ce n’est ici pas le cas sur un petit échantillon de dirigeants du secteur de la construction. Aspects positifs ? Comme indiqué, pas d’aspects ni positifs, ni négatifs, mais des conséquences qui apparaissent plutôt neutres dans le secteur de la construction ferroviaire aux nuances près mentionnées plus haut. Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Pas de facteur d’opportunité identifié à ce jour. En conclusion, mon retour peut apparaître neutre dans le contexte passionné du Brexit mais je ne vois pas d’impact direct sur l’activité de la construction ferroviaire à court ou moyen terme. Une sortie du marché unique pourrait augmenter légèrement le coût des projets et programmes ferroviaires au RU par rapport à une augmentation des prix d’importation de certains équipements ferroviaires manufacturés dans la Communauté, conséquence de la sortie du RU du marché unique et du rétablissement de droit de douane. 7.5 Fintech/ Investissements Frédéric Rombaut – Global Technology Investor and Adviser (ex-Cisco and Qualcomm) – 14/07/2016 Incertitude pourrait durer des années – déclenchement de l’Article 50 enclenche 2 ans + négociation de nouveaux accords = 5/7 ans. Pose + de problèmes aux startups/PME qui ont besoin d’être agiles et de réagir vite, que les grands groupes avec des cycles + longs. Libre circulation : problème essentiel pour les entreprises du secteur tech habituées à travailler en réseaux pan-européens : Barcelone-Londres-Paris-AmsterdamBerlin-Tallinn etc. = Londres hors-circuit 21 Règlementation – data protection : directive pan-européenne, le UK ira-t-il au-delà ou en deçà – nouveau PM a été assez anti-protection dans le passé ; futur : protéger les données sortantes et accepter les données entrantes. « Tapis rouge » : La France doit adopter une posture + subtile et + positive, pointer du doigt les aspects négatifs de Londres, où les effets d’annonce sur le mode tapis rouge seront contre-productifs pour attirer les investisseurs étrangers ; ils savent que la France a encore besoin de beaucoup de reformes – droit du travail, fiscalité, climat social. Leçon : contrer l’effet d’image négatif (taxation à 75% ; « la finance est mon ennemi » ; le quasi « lynchage » des cadres d’Air France ; les grèves) par une répétition des atouts – ICR / traitement favorable des impatriés – et l’entrée en vigueur, pas seulement l’annonce, de réformes en profondeur. Anecdotes a. Investisseur en capital levant un nouveau fond au UK, songeant dorénavant à incorporer le fond au Luxembourg, et en Euro. b. CEOs de mon portefeuille de sociétés se questionnant sur leur capacité future à attirer les talents au UK (visa, démarches administratives), leur stratégie de développement en Europe, ou faisant glisser des projets de M&A. c. Parent de 2 enfants, s'interrogeant via à vis des choix scolaires les concernant. Bernard Liautaud – General partner, Balderton Capital – 24/08/2016 Impact du Brexit sur votre groupe Mon groupe investit dans des startups européennes de technologie. Aujourd'hui, nous ne changeons pas notre stratégie. Nous continuerons à investir en Europe continentale et en UK. Nous levons des fonds en provenance des US, de UK et aussi du European Investment Fund. Nous allons rentrer dans un nouveau cycle de fundraising pour lever un nouveau fond. Il y a un risque que la situation floue crée une réticence à investir de la part des grands fonds étrangers. Nous le saurons dans les 6 mois qui viennent. Impact du Brexit sur votre secteur Au vu de l'incertitude sur l'implémentation du Brexit, il est difficile de faire un pronostic sur l'impact qu'il aura sur l'essor de la technologie en Europe. Néanmoins, je n'y vois aucun aspect positif, que du négatif à mon sens. Les startups anglaises emploient beaucoup d'ingénieurs européens non britanniques. C'est parfois plus de 50% de leurs effectifs. Ceux-ci sont maintenant dans l'incertitude quant à leur statut futur. Pourront-ils rester? Un développeur estonien aura plutôt tendance à rejoindre une startup à Berlin plutôt qu'à Londres maintenant tant que le statut ne sera pas clarifié. Il est possible qu'il y ait donc un déplacement hors de UK, alors qu'ils s'étaient positionnés en leader sur l'écosystème d'entreprenariat technologique. Je ne suis pas convaincu que Paris sera idéalement placé pour en profiter, et ce de par le relatif isolement français. Les entreprises françaises sont à mon sens plus 22 françaises qu'européennes. Nos entreprises doivent lever de l'argent pour grandir, et notamment aux US pour leur deuxième ou troisième tour. Nous sommes devant un risque d'attentisme de la part des investisseurs américains, qui pourraient décider de moins investir dans des startups européennes et basculer leurs fonds vers les startups US. Impact personnel éventuel Peu clair, sauf si les anglais décident que je ne peux plus travailler en Angleterre ! Aspects positifs? Aucun à mon sens. Le Brexit est une énorme claque à l'essor positif européen que l'on commençait à connaître dans notre domaine. Cet essor est critique pour l'économie européenne qui est très en retard sur la technologie américaine. Ce vote est un frein substantiel. Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Possible si la France fournit des avantages plus affirmés que les discours classiques précédents. Le statu quo ne sera pas suffisant. Il y a d'autres pays européens qui ont des atouts, l'Allemagne en particulier. Interview Mark Boggett, MD Seraphim Capital – 16/09/2016 Seraphim Capital est un fond d'investissement spécialisé dans les startups technologiques du secteur aérospatial (Space Fund). Les investisseurs du fond (LP) sont pour la plupart des industriels du secteur: Airbus, Thales Alenia, Avanti Communications, Surrey Satellite Technology, Telespazio, Com Dev and e2v, ainsi que the UK Space Agency et European Space Agency. Thales UK avait prévu d'y investir GBP 5M, et a décidé en juillet, suite au Brexit, de réduire leur investissement dans le fond au-delà GBP 1M. Thibault de Fontaubert – Managing Partner | Gemini Capital Partners LLP – 30/06/2016 « Un de mes contacts proches investisseur en Private Equity a annulé quatre opérations d'investissement (3 achats et une vente) de sociétés représentant plus de 10 milliards d'euros d'activité en attendant d'avoir une meilleure visibilité. Selon toute vraisemblance si une ou plusieurs de ces opérations devai(en)t se matérialiser à l'avenir elle(s) le serai(en)t à une valeur très substantiellement inferieure » ETI française avec une opération d’acquisition de cible au UK bien avancée le 23/06/2016 « Le Brexit engendrait de la nervosité de la part de nos banques avant le vote, inquiète de la volatilité possible des taux de change ; le vote a rendu l’opération 15% moins cher, un bonus inespéré, et c’est pour nous une acquisition qui concerne uniquement le marché britannique [OCM – versus plateforme de 23 développement international], qui est un pays de population / économie similaire à la France, donc un marché pertinent pour nous. » ETI française cotée qui entame une acquisition au UK après le vote Même raisonnement que ci-dessus. Avocat français travaillant avec des fonds d’investissement / private equity à Paris – 14/09/2016 Les projets à destination du RU sont mis en sommeil en attendant une meilleur visibilité. 7.6 Media/Telecom CTO d’un grand groupe de media britannique – 14/07/2016 Règlementation est un problème essentiel, capacité à opérer sans barrière dans l’UE. La consommation des ménages est un facteur très important dans la croissance – mais le groupe a été peu affecté par la crise de 2008, car les ménages se sont ‘retranchés’ chez eux pour regarder la TV, qui est restée un bien de consommation essentiel. UK est 65% CA et 90% bénéfices, donc le groupe est peu exposé aux risques de change. Libre circulation des personnes est critique, certaines équipes ont jusqu’à 58 nationalités, dont beaucoup d’Européens hors UK 7.7 Anecdote : un tiers d’un pool de 12 candidats polonais ont renoncé à venir au UK, où « ils ne seraient pas bienvenus » Retail/Luxury Anonyme – 24/08/2016 En résumé, il est très difficile de juger de l’impact moyen et long-terme pour notre secteur. Etant présent à travers le monde, il n y a pas de problème pour notre groupe d’être dans la zone Euro ou en dehors d’un point de vue opérationnel. Evidemment, ayant beaucoup de personnel français ou européen, tout changement sur la résidence en GB pourrait avoir un impact en fonction des négociations, etc., mais nous savons également de nombreux expatriés en Asie, aux US etc… A court terme et depuis l’élection, notre activité en GB (et plus généralement pour le secteur) a explosé. L’attractivité de Londres fut très forte cet été pour les touristes essentiellement moyen-orientaux, chinois et américains. Faible coût par la 24 dévalorisation de la livre (hôtel, repas etc..), sécurité (par rapport à la France et attentats etc..) et flux de réfugiés en Europe. Nous avons augmenté nos prix de 10% quelques jours après l’élection en GB par rapport au reste de l’Europe pour être en ligne avec Paris, Milan etc… Malgré cela, notre activité fut très forte. Harrods et Selfridges furent extrêmement actifs pendant tout l’été. Ceci contraste avec la faiblesse de l’activité dans le secteur du luxe à travers l’Europe. Anonyme – 05/09/2016 Impact du Brexit sur votre groupe Pas significatif à l’exception de la baisse de la devise pour les achats en France. Impact du Brexit sur votre secteur Aucun impact, il semble même qu’il y ait un afflux de touristes sur Londres Aspects positifs ? Une baisse voire une stabilisation possible des loyers pour le Retail – pas de signe flagrant pour le moment. Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Les investisseurs n’aiment pas l’incertitude. Elections en France en 2017 donc difficile de donner des signaux clairs. 7.8 Tourisme Jacqueline Dillman-Faure – Rapporteur Secteur Tourisme CCE RU 14/07/2016 12m de touriste britanniques visent la France chaque année, énorme marché. Crainte d’un double effet de (i) baisse de fréquentation et (ii) baisse des dépenses, activement surveillée par Atout France. Projet d’EasyJet de s’installer en France de manière plus pérenne pour continuer à bénéficier de l’Open Sky européen. Possible que le tourisme d’affaire UK-France soit affecté – voir avec Nicolas Petrovic, Eurostar. Effet de change € v £ = UK plus attractif pour les touristes français. Atout France/CCE UK préparent un plan tourisme pour 2017, prêt en Q4 2016. 25 Michel Taride – Group President, Hertz International – 25/08/2016 Impact du Brexit sur votre groupe Le UK est pour Hertz en Europe le 4ème pays par taille de Chiffre d’Affaires. A ce jour, nous notons une légère amélioration du volume d'affaires à destination du UK mais aucune variation du volume d'affaire "source UK", c'est-à-dire des Britanniques louant des véhicules à l'étranger. Par ailleurs, la baisse de la Livre Sterling affecte la traduction des revenus et profits réalisés en US$. Impact du Brexit sur votre secteur Le secteur du voyage semble pour l'instant peu ou pas impacté par le Brexit. Les constructeurs automobiles pour lesquels le UK est un pays important, et dont la location de véhicules dépend largement, vont limiter les ventes dans ce pays et probablement augmenter les prix de vente pour compenser la baisse de la Livre Sterling. Cela pourrait avoir un impact non négligeable sur notre secteur. Les "valeurs résiduelles" des véhicules d'occasion pourraient baisser en cas de récession économique. Impact personnel éventuel Impact pour l'instant négatif, lié à la baisse de la Livre Sterling par rapport à l'Euro (ma famille effectue des dépenses en Euro liées à notre patrimoine et à nos séjours en France), et ralentissement du marché immobilier anglais pouvant impacter la valeur des biens à Londres. Anecdote Notre siège social international étant situé près de Londres, nos employés s'inquiètent de son maintien en Angleterre à moyen terme cela dépendra des accords conclus et de la facilité d'accès à un pool de talents venant de pays différents. Beaucoup de nos collègues et partenaires anglais déplorent et expriment leur déception profonde quant à l'issue du référendum et insistent sur le fait que rien ne change dans leur esprit. Aspects positifs Il est possible que les négociations intensives qui vont avoir lieu se traduiront par une hausse des voyages d'affaires entre l'Angleterre et le continent. La baisse de la livre Sterling stimulera les voyages vers l'Angleterre. Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Une grande opportunité de s'ouvrir aux investissements étrangers, de devenir un centre financier important et d'attirer les talents du monde entier qui aujourd'hui privilégient le Royaume Uni. Il faut s'y préparer sur le plan fiscal, l'aspect réglementaire, sur celui des services, etc... Estelle Giraudeau – Club Med – 06/09/2016 Impact du Brexit sur votre groupe A date, aucun impact ressenti dans le business. Le business des individuels continue d’être en forte progression, notamment pour la saison hivernale. Le business corporate a subi uniquement quelques jours de « gel » post Brexit puis le 26 flot de demandes et de confirmations de réservation a repris une dynamique normale. L’insécurité ressentie par les Britanniques nous permet une belle opportunité de leverager les bénéfices du all inclusive, ce qui fut le cas lors de la dernière récession du UK, où Club Med a pu prendre de belles parts de marché dans ce contexte, même si la concurrence sur le all inclusive et premium all inclusive en particulier s’est fortement accrue. En revanche, la fluctuation et chute de la livre à -10% entraîne des conséquences dans notre pricing. D’un point de vue assurance financière/ absorption des fluctuations des taux de changes nous sommes hedgés, donc pas de conséquences. Le point important est le cross booking, notamment entre la France et le UK où nous devons réduire au maximum les écarts de prix entre euros et livres. Nous avons donc du rechargés nos pris été 17 et hiver 17 afin de réduire cet écart. Pas de cross booking constaté à date. Impact du Brexit sur l’industrie du tourisme Beaucoup de questionnements et d’hypothèses - sur le prix : les concurrents vont certainement augmenter les prix sur l’été 17 voir l’hiver 17 (achats en euros). - sur le timing des réservations : on peut s’attendre à un ralentissement des ventes au moment où l’article 50 sera activé ou d’autres décisions politiques seront prises. Le statu quo actuel permet de garder un business quasi normal. Les concurrents capitalisent sur les bénéfices du all inclusive, le prix garanti/ la non hausse de prix sur certains saisons. - - On peut aussi penser d’un point de vue comportement conso que la consommation des vacances va être boostée dans un contexte un peu sombre (contexte depuis plusieurs années de progression du tourisme pour la recherche d’expériences et de quality time plutôt que de biens de consommation). Impact personnel éventuel Pas à ce stade, mais questionnements sur les modalités pour résider au UK dans quelques mois/ années. Même questionnement pour les employés ClubMed et stagiaires car nous avons finalement peu d’employés avec un passeport britannique. Anecdote Beaucoup de spéculations de la part des agents de voyage, qui pour la plupart pense que le UK grâce à ce vote va obtenir le meilleur des 2 approches et va bénéficier d’un fort pouvoir de négociation avec l’UE. Certains pensent que les termes proposés par l’UE ne seront pas acceptables et que l’issue du Brexit finalement apportera des bénéfices économiques/ouverture sur d’autres marchés et potentiellement meilleur gestion des flux migratoires. 27 Aspects positifs La résilience des britanniques est ici prépondérante et le fait que le chômage et les indicateurs économiques sont très positifs. Malgré une vague de racisme post Brexit, cela permet d’ouvrir sur des débats sociologiques intéressants ou les Britanniques s’expriment un peu plus, et où la nécessité d’éducation en dehors de Londres devient une urgence. Le paysage politique à manque de crédit post Brexit mais la mise en place de Theresa May permet de donner un nouveau souffle post Cameron intéressant, avec plus de rigueur et de pragmatisme économique. tourisme inbound pour Londres croit très fortement post Brexit, du la livre faible/ résurgence du tourisme chinois notamment, très contributeur sur le marché du luxe à Londres qui avait un peu désaffecté Londres (phénomène global de ralentissement du marché chinois) accroissement des opportunités d’investissement au UK sur un marché contextuellement plus volatile : notre actionnaire Fosun vient d’investir £45M dans le football club Wolves. . Impact sur la France/ opportunité Opportunité de renforcer ses liens avec l’UE, mais aussi de revoir son mode de collaboration avec le UK, et surtout ne pas s’en affranchir. Opportunité regarder plus précisément le modèle Britannique notamment sur les questions d’identité et de religion, mais aussi sur les approches économiques, notamment à Londres. Perception actuelle de l’insécurité en France En effet, nous avons des clients, individuels mais surtout corporate inquiets de la situation en France, pas d’annulation, mais moins de demandes. Situation beaucoup plus extrême pour la Turquie par exemple. Des actions en France pour rassurer sur la sécurité sont importantes : Quelles actions/ interventions futures dans les conflits moyen orient ? Quelles mesures de sécurité ? Quel renforcement/ investissement dans les services secrets… ? 7.9 Services aux entreprises Secteur Juridique / Professional services Le secteur juridique à lui seul pèse quelque 30 milliards £, et l’un des rares secteurs à connaitre un excédent à l’export. Olivier Morel – Partner, Responsable Pôle international – Cripps solicitors 14/07/2016 L’attitude de la plupart des cabinets d’avocats et de conseil (audit ; immobilier) est de : continuer à travailler normalement; rassurer les équipes en internes ; 28 communiquer avec les clients sur le mode, « rien n’a changé pour le moment, mais nous sommes en veille active pour vous alerter aussitôt que des changements sont susceptibles de vous affecter » ; à l’écoute des clients bien sûr, s’ils veulent partager leurs préoccupations ; nous avons mis en place des outils de communication par discipline juridique – droit social ; droit commercial ; M&A ; contentieux ; data protection / IP ; immobilier ; fiscalité ; etc. – pour donner à nos clients les outils nécessaires au moment de prendre des décisions – http://www.cripps.co.uk/blog/brexit/ Toujours dans ce contexte, mon cabinet entreprend un sondage parmi nos clients/contacts sur leur sentiment quant à l’effet du vote du 23/06 sur leur entreprise/secteur. Ce sondage a été envoyé à 12,000 entreprises, basées essentiellement dans le Sud-Est du RU. Par précaution, les cabinets présents dans les autres pays européens s’assurent que leurs équipes locales sont enregistrées auprès des instances locales (barreau de Paris, Irlande, etc.) pour pouvoir y pratiquer. Avocat français travaillant avec des fonds d’investissement / private equity à Paris – 14/09/2016 Les milieux juridiques en France se sont réjoui du coup porté à l’attractivité du RU, espérant ainsi attirer plus d’investisseurs étrangers en France / à Paris. Secteur Assurance / Art CEO d’un groupe d’assurance / Vision sur le marché international de l’art, dans lequel son groupe est présent – 22/07/2016 Le secteur de l’assurance au RU est très/trop règlementé, plus que dans le reste de l’UE, la profession se plaint depuis longtemps d’être étouffée par des règles trop contraignantes. Il est possible que la sortie de l’UE soit l’élément déclencheur d’une ‘fuite’ de certains groupes, et le gouvernement voudra peut-être prévenir ce mouvement en assouplissant ce carcan réglementaire, pour rester compétitif > opportunité France. Marché international de l’art en soi pas affecté, que le RU soit dans ou hors de l’UE – seul avantage à être hors UE peut-être, moindre impact du droit de suite sur les œuvres vendus. Impact sur les équipes. Mais impact négatif sur les équipes, secteur très multinational. Autre réflexion : ne croit pas à la psychose qui entoure la libre circulation des personnes : les USA fonctionnent très bien avec visa / permis de séjour etc., pourquoi pas le RU ? Trouve absurde l’idée que le RU imposerait des visas aux Français pour visiter le RU. 29 Secteur Recrutement/RH Stéphane Rambosson – Managing Partner DHR International – 14/09/2016 Impact du Brexit sur votre groupe A ce stade, aucun impact fort du Brexit : - mon groupe (cabinet international de chasse de têtes, recrutement et évaluation) souhaite continuer à investir au Royaume-Uni – aussi, le Brexit pourra créer des opportunités d’embauches de consultants/équipes mises en difficultés par le Brexit ; - nous avons perdu quelques consultants récemment mais cela n’est pas dû au Brexit mais à des opportunités de marché qu’ils ont eu ailleurs. Impact du Brexit sur votre secteur Le recrutement dans le secteur des Services Financiers a été impacté par le Brexit : - depuis l’annonce du référendum, les Institutions Financières, notamment non UK, ont limité leurs embauches au RU – cela est aussi lié aux mauvaises performances des banques cette année (RoE inférieur à 10%). - le Brexit est une excuse parfaite pour les Banques de mettre en œuvre des restructurations à Londres : transfert plus franc de middle/back office dans des villes moins chères (Dublin, Lisbonne ou Varsovie) et rééquilibrage du front office entre Londres / Paris et Francfort 0e.g. HSBC transférant 1 000 personnes à Paris0 ; - certains projets ont été maintenus et même renforcé par le Brexit – e.g. Build up du Broker irlandais Goodbody ; - certaines banques américaines regardent d’ores et déjà à renforcer leur front office sur le continent et à saisir des opportunités de marché. Impact personnel éventuel Certains cabinets internationaux souhaitent saisir une opportunité de marché et se renforcer à Londres qui est le deuxième marché mondial. Anecdote Certains consultants sur les banques ont révisé à la hausse les restructurations / réductions d’emploi post Brexit sur demande de clients. Aspects positifs ? La création de ‘Brexit teams’ et d’activités liées au Brexit est un facteur positif sur l’emploi Impact éventuel sur la France – facteur d’opportunité ? Un renforcement de Paris en tant que place financière en particulier en cas d’un transfert du clearing de Londres. Le rapatriement en France de dirigeants utilisant le Brexit comme catalyseur. Le moindre transfert à Londres de start-up/scale-ups. 30 Jean-Claude Pierre – Group Chief Executive, Scott Bader – 30/06/2016 « Dans notre industrie des matériaux composites et Polymères Spéciaux, pas de réaction précises à ce stade. Au niveau de notre entreprise, décision de ne rien changer à nos plans d'investissements et d'embauches. Deux actions: Surveillance des taux de change et écoute de nos clients. » Autres témoignages Susan Liautaud – Founder et Managing Director | Susan Liautaud & Associates Limited – 07/07/2016 « Le secteur "higher education" est également très incertain en ce moment [financements européens]. Reste à voir opportunités pour les grandes écoles, etc. » Alain Taïeb – Président/Chairman Groupe AGS Impact de Brexit sur votre groupe We are an international relocation company, and we believe that in the short term (three years, perhaps) we will benefit from an increase in business, as global companies re-align their offices and expat staff to cater for the changed European dynamics. However, post-three years, we think the demand in our industry will decline, as the business/industry that will be exported will no longer generate work for our company in the UK. Votre secteur We relocate expatriates, both privately, but also for global corporate concerns. Impact personnel éventuel Very little effect Anecdote We have another business which we intended to exit at the end of 2016, but have found that many of the funds (as potential buyers) have frozen activity, and want to wait to see how Brexit pans out and affects their future investment strategy. We also have a property company where Brexit has had a mixed effect. Some buyers have put investing in the UK on hold, but others – because of the currency decline – are taking advantage of the cheaper sterling rates. Aspects positifs ? There are other positive business opportunities, especially with Commonwealth countries, and the global community where there were restrictions because of commitments to the EU (which have now been removed). Facteur d’opportunité ? As above, we won’t be shackled by EU restrictions. Even though many weren’t applicable to UK, but had to be adhered to, as well as the costs in complying with these. It’s opened up many new opportunities with countries where we previously had restrictions and costs on trading. In UK we will also be in far tighter control of our own destiny. Despite accusations of « Little Englander », we believe that these 31 opportunities could well equal, or even exceed, the benefits of having been in the EU. It is obviously imperative on many platforms, and wherever possible, remain close or closer to the EU than we were before. 32 8 Annexe 2 – Rapports sectoriels 8.1 Technologies François Barrault – President DigiWorld Institute by IDATE – September 2016 UK and Brexit: possible impacts in the telecom and digital sectors Let me introduce my vision with just a list of specific points very different but which may be the right way to organize a debate and share our points of view. I will also distinguish the telecommunications affairs from the digital Tech business. Why? Because, the European policy and the European Commission have given a very formal frame to the business and the rules in the telecommunication sector in Europe. This is not the case if we have to talk about IT or digital tech. • Can we calculate the Brexit’s impact on the telecom sector? Several phenomena could coalesce. -1- The devaluation of the pound will naturally pull down the price of stocks that are listed in £ along with the revenue (including dividends) of foreign operators’ businesses in the UK (O2/Telefonica, Virgin/Liberty); -2- The Brexit may also cause increased volatility on financial markets and undermine IPOs (e.g. Telefonica’ projects: O2 UK or Telxius); -3- Possible economic difficulties in Britain could well spill over into both consumer and enterprise telecom and media markets; -4- Vodafone, for which the UK is only the second largest market after Germany, could move its headquarters out of Britain; some analysts go beyond and consider that the future of the Vodafone operations in UK is not clear; -5- The UK’s exit from the EU will likely mean greater independence for British regulation with respect to the European framework… except that the departure will take two years to complete and… it is likely that future negotiations will include the negotiation of an agreement akin to the EEA (such as the one that binds Norway), in which case EU agreements to do away with roaming tariffs would continue to apply. Regarding the next round to review the telecom regulation (a 3/4 years process!) in the EU, the new status of UK may sustain a less pro-competition policy and a more pro-investment approach. UK may also lose some funding opportunities ie related to the R&D projects financed by EC (’H2020’ and its focus on 5G) or related to the fiber deployments in the rural areas (via the EIB). -6- But analysts are saying that, even if we could see considerable chaos in the economy and in financial markets, a great many fund managers and shareholders will continue to view top telecom stocks as safe bets. • Beyond the telecoms, what about the impact on the Tech Industry? -7- As for the broader High Tech industry, the interesting fact is that there is a large presence of WW high tech companies who have historically chosen the UK as their 33 European Headquarters, for the language, the more flexible labour laws and the ease of access to the European Market. As Brexit gets executed they will be watching very closely how much it affects their ease of access for the European Union and hence whether or not they will stay in the UK. Here I am referring to high tech organisations such as USA based ones (e.g. HP, Cisco, Pitney Bowes, Dell, etc…) or Asian based ones (Canon, Samsung, Sony, Hitachi, etc….). As to commenting whether this is a potential opportunity for France, I think a lot of these companies should be very weary of the “less flexible labour market” in France and the current back up plans is more towards Ireland or Germany; -8- We have to be very careful, but media have emphasized that for the first time the funding operations in the startup in France have outnumbered the operations in UK during the last quarter (in numbers of operations not in total value) ; in particular, the leading position of London in the area of the FinTech could be eroded; -9- Finally, the special cooperation with Paris in the armament industry (including many Tech markets and companies) should also suffer in this new context. -10- Nevertheless, as chairman of IDATE, active here in London with some public agencies like OFCOM, or with strong relations with BT, Virgin or Sky, it seems too early to note real modifications in their location or attitude, and from our side we continue without changes our activities in UK. • Concernant le reste des points, tout le monde est dans expectative -11- les investissements sont gardés mais le mid-long term est gelé. -12- Beaucoup de questions sur les aspects régulatoires et FinTech et d’une manière générale tout ce qui touche à l’intermédiation. -13- Très bon pour moi car cela va mieux équilibrer les investissements sur les autres places européens (je viens d’acheter un appartement à Paris sur lequel j’ai eu 2 offres de banques étrangères !!). Les HQ Londoniens sont sur la sellette et regardent des plans B. -14- Les cabinets de tax et notamment leurs clients qui utilisent le UK comme ‘pass through’ sont débordés de travail. -15- Repenser le spread des investissements en Europe et Paris. J’ai vu Valérie Pécresse cet été qui a monté un plan très agressif pour faire venir/revenir des sociétés à Paris ou le grand Paris. -16- Dans notre secteur c’est plutôt positif car tout est très centré en UK et la perspective du Brexit va démystifier le UK comme eldorado Européen et forcer les pays à être plus agressif dans leur proposition de valeur et la France a tout pour gagner (cf. BFM). 34 8.2 Medias CTO d’un grand groupe de media britannique – Septembre 2016 UK and Brexit: impacts potentiels dans le domaine des Medias 1/ Portabilité des contenus audiovisuels dans l’UE. Une loi européenne permettant la portabilité des contenus au sein de l’UE devrait rentrer en vigueur en 2017. Il s’agit de permettre à un client payant pour un contenu dans un pays donné de pouvoir de l’étranger (d’un autre pays de l’UE) d’y accéder sans frais de manière temporaire (par exemple en vacances ou déplacements). Cette loi s’appliquera donc aux clients résidents UK voyageant en UE dès l’an prochain (avant la mise en place du Brexit). Ensuite une fois le Brexit effectif tout dépendra de la décision de l’UE (et de UK) de garder UK dans ce périmètre ou de l’exclure. Donc si c’est l’exclusion les clients français (et autres UE) ne pourront pas visualiser en UK les contenus pour lesquels ils paient en France et inversement pour les clients UK voyageant en France ou le reste de l’UE. On reviendrait donc à la situation d’aujourd’hui (pas d’itinérance). 2/ Droit de Diffusion A ce jour dans le cadre de la Directive Audio Media Services la diffusion en UE d’une chaine est régie par le régulateur du pays d’origine (Ofcom pour UK). En théorie UK pourrait donc être contraint de renégocier les droits de transmission avec chaque pays de l’UE. 3/ Partage d’infrastructure UK potentiellement deviendra moins attractif pour l’implantation d’infrastructures “Cloud” nécessaire à la distribution de contenus à grande échelle au niveau international. Ceci en partie du a l’incertitude sur l’évolution réglementaire concernant la protection des données. Ce point n’est d’ailleurs pas spécifique à l’industrie des Medias mais se pose plus largement pour toutes activités internationales nécessitant des plateformes informatiques partagées et contenant des données personnelles. 4/ Ressources humaines La pénurie au niveau mondial et en particulier européen de personnel qualifié dans le domaine informatique au sens large va continuer à s’accentuer dans les prochaines années avec une forte demande dans le domaine Media / Internet mais aussi plus largement dans des secteurs plus traditionnels comme l’automobile, la finance ou la grande distribution qui doivent faire face à des transformations majeures. Il est estimé qu’en 2020 ce déficit en personnel entre l’offre et la demande en Europe sera de 800 000 postes. Si la libre circulation des personnes venait à disparaitre avec le Brexit alors UK pourrait se retrouver dans une situation ou n’ayant pas assez de ressources en personnel qualifié sur son territoire (ce qui est déjà le cas) devra faire encore plus appel à des compétences basées à l’étranger. 35 En résumé, à ce jour rien d’extrêmement critique en vue post Brexit concernant l’industrie des Medias spécifiquement. L’opportunité la plus tangible pour la France me semble être au niveau du dernier point ci-dessus. Il existe une occasion formidable de positionner notre pays comme le “Hub” de compétences en Technologie en Europe capitalisant sur notre forte culture de techniciens et ingénieurs. Il ne s’agit pas simplement de favoriser l’implantation de Startups (ce qui est important) mais aussi la création de centres de développement pour les grands acteurs, toutes industries confondues, qui ont tous un besoin criant et croissant de ressources en développement logiciel. Cette opportunité pour la France existait avant la décision du Brexit mais elle est désormais amplifiée alors que beaucoup de grands groupes réfléchissent sur le futur de leur présence en UK. Une fenêtre d’opportunité dans les 3-5 ans qu’il ne faut pas manquer. Beaucoup semble être déjà à l’étude pour améliorer l’attractivité de notre pays mais je pense qu’il faudrait peut-être cibler encore plus le domaine Technologie (encore une fois, pas seulement les startups) à fort potentiel en matière de création d’emplois. 36 8.3 Immobilier Marc Reboux, Senior Director, CBRE – 19/09/2016 C’est le marché des bureaux qui est le plus susceptible de souffrir des conséquences du Brexit au Royaume-Uni, alors que l’impact devrait être plus limité pour d’autres secteurs tels le résidentiel, les commerces ou les infrastructures publiques. Au deuxième trimestre 2016, l’incertitude liée au référendum sur le Brexit a eu pour conséquence que la demande placée en bureaux (volume de transactions réalisées par des utilisateurs, donc principalement locatives) dans les principaux quartiers d’affaires de Londres a chuté de 22% par rapport au premier trimestre et de 40% par rapport au deuxième trimestre de 2015. Après un rebond significatif en juillet, le mois d’août a été faible, le volume de transactions étant le plus bas depuis 2003. Dans le même temps, la disponibilité en bureaux a augmenté de 8% mais est en restée en-dessous de la moyenne des dix dernières années. Le taux de vacance a augmenté pour s’établir à 3,5% en août. Depuis le premier trimestre, les loyers de bureaux sont restés stables dans les principaux quartiers de Londres à l’exception des Docklands. Cependant, nous avons noté que depuis l’annonce du résultat du vote sur le Brexit, les propriétaires ont accepté, sur un certain nombre de transactions, d’augmenter la durée de franchise de loyer ou d’introduire une certaine flexibilité dans la durée d’engagement du locataire, en échange d’un maintien du niveau de loyer. Nous prévoyons que la demande placée en bureaux reste modérée lors de la deuxième moitié de 2016, bien qu’il existe des poches de résistance, comme en témoigne la récente transaction de la banque américaine Wells Fargo qui a acquis un immeuble de 20 000 m2 près de London Bridge pour y relocaliser ses bureaux. Si la baisse de la demande en bureaux se confirme au-delà de fin 2016, il est possible que les loyers évoluent à la baisse, alors que nous prévoyions jusqu’à l’annonce du résultat du vote une augmentation des loyers dans le centre de Londres pour les deux prochaines années. En ce qui concerne le développement de nouvelles surfaces, les ventes de foncier à développer au deuxième trimestre 2016 ont porté sur un volume de 756 millions de livres, en forte baisse par rapport au même trimestre de 2015 où elles s’étaient élevées à 1,95 milliards de livres. Ceci est dû à l’attentisme d’un grand nombre d’acquéreurs. Il faut s’attendre à ce qu’une des conséquences du Brexit soit la baisse du volume de développement de nouveaux bureaux dans les années à venir dans Londres. Un certain nombre de projets de construction qui avaient été annoncés avant le référendum, et dont la construction n’avait pas encore commencé, seront retardés ou gelés, à moins que le promoteur ne soit sécurisé par la signature d’un bail (pre-let) par un locataire sur une partie significative de l’immeuble, ce qui lui permettrait de lancer le projet avec un risque plus limité. L’annulation de certains projets de constructions de bureaux pourrait en revanche contribuer à soutenir le niveau des loyers au-delà de 2018. Le volume d’activité du secteur immobilier, que ce soit dans les bureaux ou d’autres classes d’actifs, sera également impacté par l’évolution des coûts de construction, qui pourraient augmenter sur le long terme si l’accès à la main-d’œuvre étrangère, 37 capitale dans le secteur de la construction, est limitée par les futures restrictions en matière d’immigration dans le Royaume-Uni. Un des impacts les plus médiatisés du vote en faveur du Brexit a été la chute de 22% des cours des foncières immobilières cotées britanniques spécialisées en immobilier commercial (REITS) dans les jours qui ont suivi le vote. Faisant face à une crise de liquidité dûe aux demandes de retrait de fonds de la part d’investisseurs, un certain nombre de fonds ouverts ont dû vendre des actifs immobiliers à un prix réduit, voire suspendre les retraits de fonds de leurs clients. Les cours des REITS ont cependant remonté depuis. Ils sont toujours en-dessous de leur cours pré-référendum mais supérieurs aux valeurs de février 2016, ce qui tend à confirmer que la décision de suspendre les cours était la bonne et reflétait le caractère exceptionnel des conditions de marché. L’impact du Brexit sur le marché résidentiel devrait être moins marqué. Bien que les acheteurs et les vendeurs fassent preuve de prudence jusqu’à ce que les conséquences du référendum soient mieux identifiées, nous restons prudemment optimistes sur la capacité du marché résidentiel de Londres à encaisser tout impact négatif, en raison de la pénurie structurelle de logements. On a également constaté dans certains cas une augmentation de l’activité d’acquéreurs étrangers en raison de la baisse récente de la livre sterling. La demande en bureaux étant largement liée aux nombres d’emplois, il convient d’identifier quels secteurs d’activités sont le plus possible de délocaliser une partie de leur activité vers d’autres pays de l’Union Européenne, ou de ne pas localiser au Royaume-Uni de futurs projets d’implantation qui auraient dû y voir le jour. Cependant, la date d’expiration des baux en cours aura également son importance, et est susceptible de lisser l’impact du Brexit sur le marché sur plusieurs années, d’autant que le nouveau cadre définissant les relations entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne ne sera connu que dans plusieurs années. Le secteur d’activité le plus susceptible d’être impacté par le Brexit est évidemment la banque et les services financiers, en raison de la possibilité pour les sociétés implantées au Royaume-Uni d’exercer leur activité dans toute l’Union Européenne grâce au passporting. Mais certaines autres activités travaillent étroitement pour ce secteur et sont souvent implantées à proximité des banques et sociétés financières : cabinets d’avocats, audit, sociétés de conseil, etc. Il est donc probable que l’impact sur le secteur financier ait une influence sur la localisation d’une partie de l’activité de ces sociétés, ce qui renforcerait l’impact éventuel du Brexit. Les villes les plus susceptibles de représenter une alternative à Londres dans l’hypothèse d’une relocalisation de banques et sociétés financières sont Francfort, Paris, Dublin, ainsi qu’Amsterdam et Luxembourg. Ce sont effectivement les villes pour lesquelles nous avons reçu des demandes d’information sur le marché des bureaux de la part de sociétés de ce secteur, même si il s’agit la plupart du temps de demandes permettant de procéder à un benchmark plutôt que de projets réels et immédiats de relocalisation, dont la confirmation dépendra de l’issue des négociations sur le Brexit. Il est à noter que Dublin semble également attractif pour un certain nombre de cabinets d’avocats implantés à Londres. 38 Un des atouts de Paris est la taille de son marché de bureaux, qui le rend capable d’absorber d’éventuelles demandes importantes, en comparaison avec des marchés de plus petite taille comme Dublin ou Luxembourg, voire dans une moindre mesure Amsterdam ou Francfort. Paris bénéficie également de la présence d’un important secteur financier. C’est cependant également le cas pour Francfort. La France doit également surmonter la perception négative qu’ont un certain nombre de sociétés en matière de droit du travail et de cadre fiscal. L’autre secteur d’activité le plus susceptible d’être impacté par les conséquences du Brexit est celui de la technologie, qui repose sur la capacité à attirer des talents (ingénieurs, développeurs, etc.) que le Royaume-Uni doit souvent recruter à l’étranger. Une restriction des conditions d’entrée au Royaume-Uni suite au Brexit serait donc susceptible de limiter la capacité du Royaume-Uni à recruter de tels talents. Dans le cas des startups technologiques, on peut ajouter entre autres Berlin à la liste des villes les plus susceptibles d’accueillir de telles sociétés. En conclusion, nous pensons que 2017 sera encore une année d’incertitudes et que l’ensemble des conséquences du Brexit sur les marchés immobiliers mettra probablement plusieurs années à se dessiner. 39 8.4 Défense Marc de Thomasson, Managing Partner UK, Victanis – 14/09/2016 BREXIT – Quel impact pour la défense britannique et la coopération francobritannique sous l'égide des Traités de Londres de 2010 ? A. Contexte de la coopération 1. Les Accords de défense de Lancaster House La signature, en 2010, des deux « Traités de Londres », aussi appelés «Accords de Lancaster House », sur la défense, la sécurité et la coopération nucléaire est le fruit d’un long travail entamé par Jacques Chirac et John Major en 1995 avec la « Déclaration de Chequers » dans laquelle les deux leaders politiques actaient la grande convergence des intérêts vitaux de la France et du Royaume-Uni sur le long terme. Les Accords de Lancaster House constituent un engagement bilatéral de longue durée ayant vocation à renforcer une capacité commune de protection d’intérêts vitaux, de valeurs et de responsabilités globales et de réponse aux menaces auxquelles les deux pays sont confrontés. Ils sont une suite logique à la mise en place en 2006 d’une structure de dialogue mixte entre les ministères de la défense et les industries respectifs des deux pays, le High Level Working Group, qui est chargée d’identifier les domaines de recherche et de coopération industrielle et également responsable de la coordination des activités et programmes décidés sous l’égide de Lancaster House. Cette signature acte également la volonté des deux pays de maintenir, comme ils le font de manière différente depuis 1956, leur indépendance décisionnelle. Cette indépendance passe par le contrôle de leurs forces militaires, mais aussi et surtout par leur capacité à diriger et maîtriser le processus de développement, de production et d’amélioration de plateformes et systèmes d’armes complexes. Il ne saurait y avoir de souveraineté réelle pour ces deux états sans innovation et une forte capacité technique à équiper leurs forces armées et de sécurité de manière autonome. Les Accords de Lancaster House n’excluent pas, pour des raisons budgétaires entre autres, que certains armements et plateformes soient conçus et produits en coopération avec d’autres pays sous réserve que chaque partenaire garde une totale maîtrise de leur emploi final. Citons pour exemple l’Eurofighter (Royaume-Uni, Allemagne, Italie et Espagne), les destroyers de classe Horizon (France et Italie), les frégates de classe FREEM (France et Italie), et de nombreux types de missiles et certains programmes spatiaux (Helios et Athéna-Fidus) qui résultent de coopérations multilatérales. Une coopération multilatérale est également possible pour la réalisation de matériels ou systèmes sensibles et «vitaux » tels la dissuasion nucléaire britannique (programmes Successor & Trident), les communications spatiales ou le renseignement spatial. Mais les bases industrielles techniques de défense (BITD) locales devront alors être fortement associées à ces projets. 40 2. Budgets de Défense de la France et du Royaume-Uni Pour démontrer l’importance que revêt l’outil de défense pour les deux pays, il suffit de constater que les deux budgets de défense combinés représentent presque 50% du total des budgets de défense des états membres de l’UE. Ces deux budgets sont actuellement en croissance afin de mieux faire face aux menaces terroristes et à la posture agressive de la Russie depuis son annexion illégale de la Crimée et le début de la guerre du Donbass en Ukraine. Background note – Budgets de défense français et britannique France – Le budget de la défense a lentement mais régulièrement diminué entre 2009 et 2012, passant de 33 milliards à 30,6 milliards d’euros. A partir de 2013, ce budget est en hausse et se stabilise sur trois années consécutives à 31,4 milliards d’euros dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 adoptée en 2013. Après les attentats terroristes de Paris en janvier 2015, la France a modifié la LPM en augmentant de 3,8 milliards d'euros le budget pluriannuel global et en annulant la réduction de 18,750 personnels prévue pour 2015 et 2016. A la suite des attaques de novembre 2015 les réductions de personnel prévues pour 2017, 2018 et 2019 ont aussi été considérablement réduites et, au total entre 2015 et 2019, la réduction nette des effectifs sera de 6,918 au lieu des 33,675 postes initialement programmés en 2013. Le budget de défense français est donc en hausse et devrait passer de 32 milliards d'euros en 2016 (au lieu des 31,4 milliards d'euros prévus initialement) à 34.02 milliards pour l'exercice 2019. Ainsi la dernière version modifiée de la LPM a fixé le budget pluriannuel global de la défense à 162,4 milliards d’euros pour la période 2014-2019, ce qui représente environ 1.6% du PIB français. Royaume-Uni – Le Royaume-Uni s’est engagé à augmenter ses dépenses de défense de 0,5% au-dessus de l'inflation chaque année entre 2016 et 2021 pour atteindre l'objectif de 2% du PIB défini par l'OTAN. Le budget de la défense pour l’année 2016/17 est de 35,1 milliards de livres et devrait atteindre 39,7 milliards de livre en 2020/21. Au total sur la période 2016-2021, plus de 185 milliards de livres seront dédiés à la défense, iI s’agit du budget le plus important au sein de l’UE. A la suite des élections générales de mai 2015, une nouvelle SDSR (Strategic Defence & Security Review) a été publiée en novembre 2015 et confirme également des dépenses à hauteur de 178 milliards de livres entre 2016 et 2025 uniquement consacrées à l’achat de matériel, armement et aux activités associées de support et maintien en condition opérationnelle. 41 B. Progrès et Réalisations depuis la signature des Accords de Lancaster House 1. Progrès et résultats militaires de la coopération Les cinq dernières années ont vu la France et le Royaume-Uni exprimer une même volonté politique d’utiliser leurs capacités militaires et de prendre part conjointement a de nombreuses opérations extérieures. Les forces armées franco-britanniques ont lutté ensemble en Lybie (2011) et contre les Talibans en Afghanistan. Elles restent engagées au large de la Corne de l'Afrique pour lutter contre le piratage et contre DAECH en Irak et Syrie. Tandis que le Royaume-Uni fournissait le transport aérien stratégique et le soutien de la surveillance des opérations françaises au Mali et en République centrafricaine, la France soutenait le déploiement britannique de Tornado(s) pour aider le gouvernement nigérian dans sa lutte contre « Boko Haram ». Plus proche de nous, des Atlantique 2 de patrouille maritime français participent à la protection de la mer du Nord depuis Lossiemouth en Ecosse dans l’attente des livraisons des P8 américains. Depuis 2010 et conformément aux Accords de Lancaster House, les deux gouvernements ont aussi travaillé à créer une force expéditionnaire commune interarmées (Combined Joint Expeditionary Force – CJEF) de 10,000 hommes. Le but de cette force est de permettre de disposer d’une capacité conjointe pouvant être engagée dans des opérations bilatérales, mais également dans le cadre d’une coalition internationale (OTAN, UE ou ONU). L’exercice GRIFFIN STRIKE, qui a eu lieu en avril 2016 près de Salisbury et a mobilisé 5,500 hommes dont 2,000 soldats français, a prouvé que la CJEF était devenue une réalité. A terme, la France et le Royaume-Uni ont également prévu de créer un état-major de force commun déployable (Combined Joint Force Headquarter – CJFHQ) qui sera basé à Bristol. Plus récemment et pour améliorer l’interopérabilité de leurs troupes, les deux pays ont développé un programme d’échanges qui concerne aujourd’hui près de 50 officiers de chaque armée. Ainsi des officiers français sont déployés au sein des forces armées du Royaume-Uni et réciproquement. 2016 verra à ce titre une première avec la nomination du Général Nick Nottingham en tant que Commandant en second de la 1ere division basée à Besançon et la nomination d’un Général de Brigade français en tant que « Deputy Commander » de la 2eme division britannique basée à York. Les Accords de Lancaster House ont ainsi facilité les interventions conjointes récentes et l’organisation d’exercices communs d’entrainement et renforcé les capacités interopérables de projection des deux pays et la possibilité de les utiliser sur l'ensemble du spectre des missions de gestion de crise. 42 2. Progrès et résultats industriels de la coopération Les cinq dernières années ont vu le lancement ou la continuation d’un certain nombre de projets industriels entre les deux pays. Sous l’égide des Accords de Lancaster House, la coopération industrielle s’est développée sans interruption et s’est concentrée sur un nombre croissant de domaines et de programmes. Les principaux programmes sont revus ci-dessous. Avion de combat du Futur (FCAS) Le programme FCAS (Futur Combat Air System) est un programme structurant et a été poursuivi avec détermination depuis 2010. Il a pour objectif de compléter d’ici 2030 les capacités des avions de chasse actuels (Rafale, Eurofighter) par un avion de combat sans pilote. Il fut lancé lors du Sommet de Brize Norton en janvier 2014 entre François Hollande et David Cameron par une déclaration d'intention pour une phase de faisabilité conjointe de 2 ans et dotée de 150 millions d’euros de budget. Le programme a véritablement démarré en novembre 2014, il est piloté par Dassault et BAE Systems. Thales et Selex ES sont associés pour l'électronique embarquée et Rolls-Royce et Snecma collaborent pour la propulsion. Les ministères de la défense britanniques et français ont depuis décidé en mars 2016 de débloquer un budget de près de 2 milliards d'euros pour la construction d'un prototype. Un premier bilan technique est attendu pour 2020. Le programme FCAS succède à deux programmes expérimentaux: le programme pan-européen Neuron (piloté par Dassault) en France et le programme Taranis (BAe Systems) au Royaume-Uni. Ces deux programmes clés de démonstrateurs de drones de combat ont permis aux deux avionneurs d'acquérir une expérience dans les domaines de l'aérodynamique spécifique à ces appareils, et de la furtivité. Missiles La collaboration de la France et du Royaume-Uni dans le domaine des missiles aura démarré bien avant les Accords de Lancaster House avec en particulier la création de MBDA en 2001, société qui assure généralement la coordination et la maîtrise d’ouvrage des principaux programmes de recherche et fabrication de missiles franco-britanniques et européens. 1) Programme MCM ITP Dès le lancement du programme MCM ITP (Partenariat pour l’innovation et la technologie des matériaux et composants de missile) en 2007, l'accent fut mis sur le développement de technologies nouvelles et applicables pour mieux répondre aux besoins futurs des deux armées et consolider une forte capacité à développer les missiles de demain. En octobre 2015, actant huit années de succès dans la collaboration pour la recherche de technologies innovantes pour missiles, les gouvernements 43 français et britannique ont convenu de prolonger leur financement du programme MCM-ITP doté d’un budget de 13 millions d’euros par an jusqu’en 2018. Background note – MCM ITP Le programme MCM ITP est financé à parts égales par les gouvernements et leurs partenaires industriels. Il a suscité une forte participation des PME et des universités avec plus de 100 acteurs britanniques et français contribuant au programme à ce jour et travaillant sur plus de 90 projets de recherche. Le programme MCM ITP permet la maturation en laboratoire de technologies qui, une fois validées, peuvent être intégrées dans des futurs démonstrateurs de missiles pour tester celles qui pourraient entrer en service au cours de la prochaine décennie et au-delà. Le MCM ITP s’articule autour de 8 domaines de recherche pertinents pour le développement de missiles (Systèmes et Navigation, Autodirecteurs RF (radiofréquence), Senseurs électro-optiques (EO), Propulsion solide, Propulsion Aérobie, Têtes explosives, Fusées de proximité et Dispositifs de sécurité et d’armement, Matériaux et électronique). Chacun de ces huit domaines est piloté par une société française ou britannique clé du secteur : MBDA, Nexter Munitions, QinetiQ, Roxel, SAFRAN Microturbo, Selex-Galileo, Thales. MBDA assure la coordination du programme. 2) Programme Missile Anti-Navire Léger Agissant au nom de la France et du Royaume-Uni, le ministère de la défense britannique (MoD) a attribué à MBDA un contrat de 600 millions d’euro en mars 2014 pour le développement et la production d’un missile anti-navire léger (programme ANL / FASGW (H)). L’attribution de ce contrat avait été préparée au cours du sommet francobritannique de Brize Norton en janvier 2014 lorsqu’un protocole d'accord avait été signé par le Ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian et son homologue britannique de l’époque, Philip Hammond. Le missile ANL fournira aux hélicoptères navals la capacité d'engager et de neutraliser des bateaux de patrouille, des navires légers rapides et de petits bâtiments dans des situations de crise et de combat en zone côtière ou de police en zone de piraterie en haute mer (Aden, Corne de l’Afrique, Océan Indien). La Direction générale de l'Armement (DGA) assure, conjointement avec DE&S (Agence du MoD en charge des équipements de défense et de soutien), la gestion du programme ANL / FASGW (H). Ce nouveau développement conjoint de missile est aussi considéré comme crucial pour accélérer la consolidation de l'industrie des missiles francobritannique sous l'égide de MBDA et de ses sous-traitants. Le programme ANL marque aussi une nouvelle étape importante de la réussite francobritannique dans le développement de missiles performants (Aster, Scalp, Meteor). 44 3) Autres programmes Missile En mars 2016, David Cameron et François Hollande ont annoncé des actions communes visant au maintien des deux arsenaux de missiles Aster pour leur pays respectif et au possible renforcement des capacités SCALP EG / Storm Shadow (missile de croisière autonome à longue portée) des deux pays. Une phase de conception commune pour un futur missile de croisière/antinavire (FC/ASW) est également en cours de discussion. Le FC/ASW serait conçu dans le cadre des Accords de Lancaster House et remplacerait les SCALP EG / Storm Shadow des deux pays, les missiles Harpoon du Royaume-Uni et les Exocet de la France. Cette phase de conception viserait à documenter, d’ici 2020, les décisions relatives à une phase d’évaluation potentielle. Les deux gouvernements souhaitent signer un arrangement sur cette phase de conception d’ici à la fin 2016, afin d’ouvrir la voie à des contrats possibles dès l’année 2017. Le programme MMCM de déminage maritime En mars 2015 le MoD et son homologue français ont engagé une première enveloppe de 20 millions d’euros pour concevoir un nouveau système de lutte contre les mines sous-marines, le programme MMCM (Marine Mine Counter Measures). Ce programme vise à développer la prochaine génération de capacités de déminage maritime sur la base de vecteurs sous-marins sans pilote. Il est managé par l’OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement) au nom du MoD et de la Direction Générale de l’Armement (DGA) et fut signé avec un consortium qui comprend Thales et BAE Systems en particulier. En mars 2016, les deux gouvernements ont débloqué 150 millions d’euros supplémentaires et ont confirmé l’objectif du programme MMCM de développer, fabriquer et qualifier deux démonstrateurs / prototypes aux technologies différentes et de fournir à terme une capacité de lutte contre les mines agile, interopérable et robuste. Coopération dans le domaine nucléaire En parallèle du développement d’outils communs pour assurer la sureté et la fiabilité de leurs armes nucléaires, la France et le Royaume-Uni investissent également dans une installation conjointe à Valduc en Bourgogne. L'installation est un système de radiographie devant entrer en service en 2022 et pour lequel les premiers équipements britanniques seront inaugurés cette année. Autres coopérations Un canon de 40 mm produit par CTA (joint-venture BAE-NEXTER basée à Bourges) a été mis au point avec succès à l’issue de plusieurs années de 45 collaboration innovante en recherche et développement technologique. Il s’agira de l’arme principale pour les nouveaux blindés IVF JAGUAR (France) et AJAX (Royaume-Uni), pour lesquels des commandes de production ont été passées en décembre 2014 pour la France et en mars 2015 pour le RoyaumeUni. Le développement en cours de nouvelles munitions élargira les capacités de combat du système et un accord bilatéral est en cours de préparation pour assurer la gestion et le soutien communs de la configuration. D’autres possibilités de coopération sont envisagées régulièrement, notamment pour soutenir le développement des capacités de la CJEF. Recherche et développement technologique En dehors des programmes déjà cités, les deux pays travaillent de concert à des projets en innovation, recherche et développement technologique. C’est le cas par exemple dans le domaine NRBC et dans celui des matériaux innovants. Pour soutenir ces programmes, des diplômes et doctorats francobritanniques se mettent en place grâce à des rapprochements entre universités et les deux pays ont également élaboré un « plan technologique fondamental » pour formaliser un cadre et faciliter la coopération entre entreprises et universités. L’objectif est d’encourager les scientifiques et les ingénieurs à travailler en réseau et d’encourager l’innovation à tous les échelons des BITDs. Ces résultats, presque six ans après leur signature, de la mise en œuvre des Accords de Lancaster House démontrent le bien-fondé du projet initial. La relation de défense bilatérale, déjà riche, s’est encore intensifiée et s’appuie clairement sur trois piliers solides : une forte coopération opérationnelle, une variété de projets capacitaires et un début de collaboration dans le domaine nucléaire. C. BREXIT – Quel impact sur la défense britannique et la relation francobritannique ? Il faut dans un premier temps bien réaliser que les Accords de Lancaster House constituent un traité bilatéral entre deux nations souveraines. Bien que l'UE et d'autres organisations internationales comme l’OTAN dont les deux parties sont membres y soient mentionnées, il n'y a pas de dispositions dans le traité pour que celui-ci soit caduc si une des deux nations venait à quitter l’UE. La sortie du Royaume-Uni de l'UE n'a donc pas d’impact sur le contenu et la teneur du traité lui-même. Mais le Brexit a et aura bien entendu un impact politique sur la relation francobritannique dans le domaine de la défense et sans doute un impact économique sur le budget de défense du MoD. 1. Impact politique Les deux conséquences politiques immédiates du Brexit ont été la démission du premier ministre David Cameron et celle quelques jours plus tard de son 46 chancelier Georges Osborne. David Cameron a toujours soutenu les Accords de Lancaster House et était en particulier très convaincu par la nécessité du programme majeur FCAS. Avec George Osborne, ils avaient demandé l’élaboration de la SDSR 2015 et en soutenaient les recommandations. Et George Osborne, bien qu'un critique récurrent du management financier du MoD et l’artisan de coupes budgétaires sévères entre 2010 et 2016, a fortement contribué à planifier une reprise inattendue des dépenses militaires sur les cinq prochaines années. Il n’est pas encore possible de dire qu’elle sera l’attitude du gouvernement de Theresa May à propos des programmes franco-britanniques de défense et du budget de la défense britannique, mais la confirmation très rapide de Michael Fallon à son poste de Ministre de la Défense, poste qu’il occupe depuis 2014, la nomination au poste de chancelier de Philip Hammond, prédécesseur de Michael Fallon entre 2011 et 2014, et enfin la nomination au poste de Ministre du Commerce international de Liam Fox, prédécesseur de Philip Hammond entre 2010 et 2011 et signataire des Accords de Lancaster House laissent à penser que les britanniques souhaitent la continuité, voire le renforcement des échanges avec la France en matière de défense. Ils disposent ainsi dans leur gouvernement de trois supporteurs des Accords et de la coopération bilatérale de défense de manière plus générale et de deux ministres d’état (Fallon et Hammond) qui ont de solides relations personnelles avec le ministre français de la défense Jean-Yves Le Drian. Malcom Chalmers, Directeur général adjoint du RUSI, va d’ailleurs dans ce sens en déclarant le 24 juin qu’à la suite du Brexit, le gouvernement aura du mal à protéger le budget de la défense et devra sans doute revoir la SDSR et saisir cette occasion pour refondre sa stratégie de défense et de sécurité. Malcolm Chalmers encourage notamment son gouvernement à renforcer davantage la collaboration avec la France et quelques autres partenaires européens clés, en particulier l’Allemagne sur le champ opérationnel. Preuve enfin de cette volonté actuelle de continuation et de ‘business as usual’, le vote de Westminster en juillet dernier en faveur d’un investissement de 30 milliards de livres dans le programme Successor – Trident amené à remplacer les sous-marins nucléaires Anglais de classe Vanguard. Une autre conséquence politique du Brexit est la possible réouverture du débat sur l’indépendance de l’Ecosse dont le gouvernement pro-européen pourrait vouloir imposer un nouveau référendum. Même si le prix bas du baril et son impact sur les finances écossaises devraient ralentir, voire annihiler une telle initiative, il y a à moyen terme un risque de voir l’Ecosse redemander son indépendance, ce qui aurait un effet profond sur les capacités navales et aériennes britannique en terme d’infrastructures disponibles et poserait notamment la question de l'avenir de la base de sous-marins nucléaires britanniques située à Fastlane, en Écosse. Le sujet de Fastlane n’est pas nouveau pour les britanniques qui cherchent des solutions alternatives. Ce processus pourrait être accélérer par le Brexit mais resterait sans effet sur la coopération bilatérale avec la France. 47 Enfin une dernière conséquence politique du Brexit pourrait être une ‘relance’ de la défense européenne par la France et l’Allemagne. Même si cette relance serait sans doute d’abord une réaction naturelle aux menaces du moment (environnement sécuritaire dégradé en Europe à cause du terrorisme, expansionnisme Russe) et un acte politique visant à redonner une crédibilité à l’UE face à la Russie, elle représenterait néanmoins un message politique fort destiné au Royaume-Uni, message qu’une France en campagne électorale saura relayer. Ce message ne devrait pas avoir d’impact sur les initiatives opérationnelles et industrielles de défense en cours mais pourrait ralentir le lancement de nouveaux programmes dans le cadre des Accords de Lancaster House et atténuer la forte impulsion politique qui soutenait ces derniers depuis 2010. 2. Impact sur le budget de défense britannique Le Brexit devrait avoir un impact sur le financement et donc le dimensionnement des programmes, en cours et futurs, de défense britannique. Malcom Chalmers du RUSI prédit à ce sujet qu’il est irréaliste de penser que le budget de la défense britannique puisse être entièrement protégé des réductions de dépenses qui seront vraisemblablement nécessaires pour préparer la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. Avec des ressources plus limitées le gouvernement britannique devra préciser ses priorités stratégiques et en particulier la priorité qu’il donne à sa relation bilatérale avec la France. Il est probable que le gouvernement donnera priorité aux domaines d'intérêt commun avec ses alliés européens plutôt qu’à des rôles plus globaux. En l’état des informations disponibles, il est vraisemblable de penser que la SDSR 2015 ne pourra pas être financée comme prévu et que le Royaume-Uni va devoir repenser l'orientation de ses activités militaires en les concentrant plus fortement – voire complètement – vers la seule sécurité de l'Europe, et en adaptant sa posture stratégique pour faire face à la menace russe en zone CEE (aux dépens de capacités d’intervention lourdes en zone MENA). Les avis restent néanmoins partagés et Sir Peter Luff, administrateur du NDI et ancien ministre en charge des achats de défense (Defence Procurement), pense lui que le parti Conservateur, même dans le cas d’un budget d’austérité, sera réticent à faire des coupes sombres dans le budget de la défense, car cela risquerait de rouvrir la controverse sur l’engagement britannique à honorer l’objectif des 2% de son PIB consacrés à son budget de défense comme le recommande l'OTAN – un engagement que souhaitait respecter George Osborne. Sir Peter pense que les projets privilégiés par le gouvernement seraient alors ceux à ‘haute valeur ajoutée’ et qui feront participer au maximum les entreprises de la BITD britannique. En revanche, ce qui ne souffre aucune contestation est la chute de 15% de la livre sterling par rapport au dollar US au cours des douze dernier mois ! Or malgré les Accords de Lancaster House et les nombreux programmes francobritanniques en cours, les sommes que dépense le Royaume-Uni pour s’équiper de matériel militaire américain sont incomparables avec les sommes 48 qu’il dépense avec la France ou l’Europe. La baisse de la livre va mécaniquement augmenter le prix des plateformes achetées en dollars et impacter les prévisions de dépenses britanniques. Un rapport du National Audit Office publié peu de temps avant le Brexit confirme cette assertion en soulignant qu’une large partie de la planification financière du MoD – 25,6 milliards de livres (soit 34 milliards US$ le 9 septembre 2016 contre 38,4 milliards US$ le 22 juin 2016), est consacrée à des acquisitions de matériels américains permettant de combler des trous capacitaires tels que les Boeing MPR P-8 de patrouille maritime et les hélicoptères de combat AH-64 commandés en juillet dernier pendant le salon de Farnborough. Ces questions sur le futur niveau des dépenses de défense au Royaume-Uni vont se poser rapidement, et sans doute dès 2017, qui est une année pendant laquelle sont planifiés un certain nombre de confirmations et de lancements de programmes d’armement. Une récente discussion avec un fonctionnaire du MoD et membre du RUSI indiquait que les programmes clés seront maintenus malgré une re-planification désormais certaine. La revue budgétaire par Philip Hammond lors de son Autumn Statement le 23 novembre 2016 devrait aider à y voir plus clair. 3. Impact sur l’industrie de défense britannique Le nouveau gouvernement a déclaré que l'incertitude budgétaire causée par le vote du 23 juin ralentirait les investissements des entreprises britanniques et étrangères au Royaume-Uni. Il est effectivement prévu que les entreprises britanniques soient prudentes sur leurs futurs Capex et leurs recrutements en attendant une meilleure visibilité des grands programmes structurant anglais et de leur financement. On pense notamment au programme des Frégates T26 dont le nombre final reste à définir et qui affectent le maître d’ouvrage BAe et la supply chain britannique dans son ensemble. Mais l’industrie de défense britannique connaissant un certain succès à l’export, il est à espérer que le gouvernement lui donnera rapidement la visibilité et les assurances requises. Pour mémoire son solde commercial était nettement positif en 2014 et s’élevait a £3.2 Milliard grâce à des systèmes tels que les réacteurs Trent 700 (destinés aux A330 Multi-Role Tanker Transport (MRTT) en France), les missiles Advanced Short Range Air-to-Air Missiles (ASRAMM) (vendus à l’Inde), et le ForceShield Integrated Air Defence System et les missiles Starstreak (vendus à l’Indonésie). 49 Conclusion La décision du Brexit et la sortie prochaine du Royaume-Uni auront un impact sur la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense et pourraient affaiblir l’engagement politique et le dynamisme industriel qui avaient fait suite à la signature des Accords de Lancaster House sans que ces derniers ne soient néanmoins remis en cause ou menacés. Industriellement, il est peu probable que la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’UE pèse sur la coopération avec la France et en particulier sur les programmes court-moyen terme comme le missile ANL ou le programme MMCM. En revanche, une concertation politique réduite ne permettra de retrouver l’enthousiasme de 2010 et de générer l’impulsion nécessaire pour respecter le planning du programme FCAS et pour s’entendre sur de nouveaux projets de développement conjoint de systèmes d’armes. L’absence de nouveaux projets pourrait peser à terme sur les capacités d’exportation des BITDs anglaises et françaises et aurait donc de regrettables conséquences économiques. La coopération opérationnelle entre les forces armées des deux pays, au cœur des Accords de Lancaster House, ne devrait pas non plus être remise en cause par le Brexit. Cette coopération s’est tellement affermie depuis cinq ans qu’il n’est même pas sûr que le rythme des échanges actuels entre les deux forces ralentisse et d’ailleurs, l’environnement sécuritaire et les menaces qui pèsent actuellement sur les deux pays ne le permettra peutêtre pas. Jamais ces menaces n’ont été aussi sérieuses depuis cinquante ans et une réponse coordonnée face à celles-ci devrait même favoriser une augmentation des opérations conjointes ou croisées et une amélioration rapide de l’interopérabilité des deux forces. Pour Sir Peter Luff, le risque principal concernant Lancaster House est évidemment d’abord un risque politique. Les deux gouvernements doivent continuer de soutenir la mise en œuvre des Accords et des projets y afférant et cela passe par une bonne relation et coordination entre gouvernements et entre ministres de la défense. Sir Peter cite en exemple la relation de confiance établie entre Philip Hammond puis Michael Fallon avec Jean-Yves le Drian comme un des « drivers » remarquables de la collaboration francobritannique des cinq dernières années et il s’interroge sur les engagements d’un nouveau gouvernement français dans ce domaine à la suite des élections de 2017. Effectivement, alors que le gouvernement britannique pourrait se montrer très désireux de renforcer le niveau de collaboration actuel pour, entre autres raisons, confirmer son engagement à la défense commune de l’Europe et faire des Accords de Lancaster House une ‘plateforme’ pour la construction d’un lien privilégié avec la France (déjà renforcé avec un engagement sur la centrale nucléaire de Hinkley Point par exemple), un nouveau gouvernement en France pourrait vouloir un recentrage de sa politique de coopération en matière de défense vers d’autres pays de l’UE pour lui permettre de conserver une place d’influence dans le jeu européen et de se désolidariser d’un partenaire historique qui n’est plus considéré comme ‘européen’. Une telle attitude ne manquerait pas de ralentir considérablement la collaboration franco-britannique et d’atténuer la portée des Accords de Lancaster House. C’est donc à se demander si l’incertitude politique, et les risques associés pour la coopération franco-britannique de défense, ne proviendra pas dans l’année à venir de la situation en France plutôt que de la situation au Royaume-Uni ! 50 Glossaire CEE Central Eastern Europe BITD Base Industrielle et Technologiques de défense DTIB Defence Technology Industrial Base ETIP Eurofighter Typhoon Interoperability Program IFV Infantry Fighting Vehicle MBT Main Battle Tank MCNE Multinational Headquarter North-East MENA Middle East North Africa MoD Ministry of Defence MINDEF Ministère de la Défense français. MPR Maritime Patrol and Reconnaissance UAS Unmanned Aerial System CJEF Combined Joint Expeditionary Force GRIFFIN STRIKE: Exercice inter-armes Franco-Britannique RUSI Royal United Service Institute ANL Anti Navire Léger SCALP EG / Storm Shadow Système de croisière conventionnel autonome à longue portée » et d'« Emploi général », missile de croisière développé fin 1994 par Matra puis fabriqué par MBDA. La version britannique est baptisée Storm Shadow FC ASW Future Cruise and Anti-Ship Weapon FCAS / SCAF Système de combat aérien futur (SCAF) - Future Combat Air System (FCAS) MMCM Maritime Mine Counter Measures ou Système de lutte contre les mines navales piloté à distance NRBC Nucléaire, radiologique, biologique et chimique SSBN Sub-Surface Ballistic Nuclear – SNLE : Sous-Marin Nucléaire Lanceurs d’Engins SSN Ship Submersible Nuclear Nucléaire d’Attaque NDI Northern Defence Industries sociétés de défense) UE Union Européenne 51 – SNA (Cluster : Sous-Marin Anglais de 8.5 Tourisme Jacqueline Dillmann-Faure Septembre 2016 1. – Rapporteur Secteur Tourisme CCE UK Impact actuel ou prévisible dans notre secteur La baisse des arrivées sur l’ensemble France n’est pas liée au BREXIT mais plutôt aux tragiques évènements et à la perception d’insécurité. Le nombre d’arrivées internationales dans l’Hexagone a baissé de 8 % depuis le début de l’année. Paris et l’Ile-de-France, Nice et la région Provence-Alpes Côte d’Azur sont particulièrement affectées, les autres régions ont mieux résisté. Avec environ 12 millions d’arrivées, 10% des dépenses, 15% des nuitées en France, le marché britannique est le premier marché émetteur de clientèle internationale vers la France. C’est aussi un hub pour les clientèles lointaines (Eurostar). Il enregistre une baisse d’environ 4% pour le premier semestre. Le souci actuel reste le taux de change et l’impact sur les dépenses de voyage. Pourtant la saison d’hiver s’annonce bien : Club Med – Aucun impact significatif à l’heure actuelle. Les ventes des individuels progressent, particulièrement pour la saison de ski. Une grande campagne de communication est prévue pour lancer la saison. Le principal TO vers la France (1/3 du volume – Crystal) indique qu’ils ne sont pas impactés par le Brexit à ce jour, mais que cela génère des inquiétudes et de l’attentisme. 2 Tourisme d’affaires / secteur aérien Le tourisme en France est particulièrement touché par la perception liée à l’insécurité, l’image de notre pays est dégradée (grèves et mouvements sociaux). Nous constatons un repli du tourisme d'affaires. Les décideurs reportent parfois les voyages en France et pourraient favoriser les destinations telles que Barcelone et Berlin. Brexit : Les incertitudes des professionnels relatives à l’évolution économique, la libre circulation des personnes (passeports, visas), les modalités quant aux résidents européens au UK (recrutement etc.), les droits de trafic, la certification d’opération dans l’aérien sont de vraies préoccupations pour l’avenir. A noter également les problèmes liés aux actionnaires européens ou non (IAG SABA / Ryanair) Ryanair a annoncé qu’aucun des 50 nouveaux appareils ne sera basé au Royaume Uni. 52 Il prévoit des répercussions sur le trafic, une baisse de tarifs, dangereuse à long terme. Easyjet maintient ses capacités, envisage de nombreuses promotions tarifaires. Le yield-management sera la clé du succès. Malgré tout « Wait and see » et « business as usual » sont les leitmotivs. Le véritable enjeu sera l’année 2017. La saison 2017 s'annonce incertaine pour tous les segments de marché. Le marché UK reste vital et une priorité pour tous les partenaires. 3 A noter Grâce au taux de change favorable Londres est encore plus attractive pour les touristes étrangers et se positionne comme un concurrent encore plus actif. Renforcement des moyens du gouvernement britannique pour encourager les « staycations » et le tourisme intérieur Concurrence de l’Espagne qui a un produit beaucoup plus « packagé » que la France (les all-inclusive rassurent la clientèle tant du point de vue sécuritaire que budgétaire, c’est la force du Club Med) A l’occasion de l’ouverture du WTM qui aura lieu les 07/08 novembre 2016, une conférence est organisée sur le thème : BREXIT : How will it change UK travel ? 4 Opportunités pour la France ? Renforcer les liens avec le Royaume Uni. Pour information : Le vrai souci ce n’est pas encore le Brexit, mais l’image dégradée de notre pays, la perception d’insécurité, les mouvements sociaux. Le ministre des Affaires étrangères et du Développement international, Jean-Marc Ayrault, a annoncé, à l'issue d'un deuxième comité d'urgence économique dédié au tourisme, le déblocage de 10 millions d'euros supplémentaires pour la promotion du secteur (marchés français et étrangers). Ce comité a réuni une cinquantaine de professionnels du tourisme, comme Accorhotels, Sodexo, SNCF, Booking, Galeries Lafayette, l'Umih, le GNI, mais aussi des institutionnels, comme Atout France, les élus de divers départements. Le secteur du tourisme pèse 170 milliards d'euros de chiffre d'affaires (dont 90 milliards provenant des secteurs cafés hôtels restaurants) et représente 2 millions d'emplois directs et indirects. Le rapport Huchon sur le tourisme : les recommandations présentées au 1er Ministre début septembre 53 Création d’un observatoire national du tourisme afin de présenter une image juste de la réalité touristique en France Mise en place d’une cellule de gestion de crise dédiée au tourisme afin de délivrer une information fiable au cœur de la crise et favoriser une relance coordonnée par la suite (sur le modèle du Home Office au UK) Un plan « Tourisme Sûr » pour englober les dispositifs de prévention de la délinquance dans les zones touristiques Un travail de promotion en profondeur de la destination France Mieux coordonner l’action publique par la création d’une structure interministérielle chargée de piloter et coordonner l’action de l’état en matière de tourisme (tourisme = secteur transversal) Renforcement des moyens d’Atout France. 54 8.6 Culturel / soft power François Croquette Conseiller culturel, Directeur de l’Institut français du Royaume-Uni 14/09/2016 - Les milieux culturels étaient sans doute la catégorie la plus hostile (avec les banquiers !) à la perspective du Brexit : selon un sondage interne de la Creative industries federation juste avant le référendum, 96% de ses 3000 membres étaient opposés à la sortie de l’UE. - Leurs craintes portent sur la perte d’accès aux financements européens (fonds Creative Europe pour la culture, programme Europa Cinéma – dont bénéficie le Ciné Lumière, Horizon 2020 pour la recherche) mais aussi sur le risque de coupure avec les artistes et les chercheurs sur le continent. - Beaucoup d’artistes éprouvent en effet au Royaume-Uni un sentiment d’isolement et de précarité. Ils trouvent dans le dialogue avec leurs pairs en Europe et les projets de coproduction qui peuvent en découler des moyens de renouveler leur pratique et de la confronter aux projets les plus innovants. - Le cas du théâtre est éclairant : si les productions de la Royal Shakespeare Company sont toujours impeccables, elles restent très classiques, au moment même où la lecture de Shakespeare est renouvelée par les Allemands (Ostermeier) ou les Flamands (Ivo van Hove). - On pourrait aussi prendre l’exemple de l’opéra et des coproductions du Festival d’Aix : George Benjamin n’aurait pu monter « Written on the skin », sans doute l’opéra le plus célébré de ces dernières années, sans cet accompagnement… ni celui de Diaphonique. - Le résultat du référendum est donc vécu comme un traumatisme par beaucoup de nos partenaires, qui l’évoquent spontanément lors de nos rencontres. Ses premiers effets se font sentir avec le départ de certains Européens des postes qu’ils occupaient à la tête de grandes institutions culturelles : Martin Roth, le directeur allemand du Victoria and Albert Museum vient d’annoncer qu’il quittera Londres à l’automne. - S’il y a sans doute des parts de marché à aller chercher pour nos industries culturelles dans ce contexte, c’est surtout un message de solidarité qu’il faut faire passer à ces partenaires en leur tendant la main dans une période qu’ils vivent très difficilement. La culture est le meilleur vecteur d’un dialogue qui est plus nécessaire que jamais aujourd’hui pour conjurer le risque de repli sur soi. Laurence Colchester, Director, Bitter Lemon Press (Editeur) – 14/09/2016 - L’Association des éditeurs britanniques vient de publier les résultats de l’enquête qu’ils ont faite auprès de leurs membres sur l’impact de Brexit sur cette industrie. 55 - Le marché de l’édition au RU (journaux et livres) représente £4,4 milliards, les exportations de livres £1,42 milliards, (£1,2 milliards pour les livres papiers et £218 millions pour les livres électroniques) et les ventes vers l’Europe 35% de ces montants, donc un marché important. - Pour l’instant plus des ¾ des maisons d’édition interrogées n’ont pas changé leurs plans d’investissement. L’incertitude est le plus grand problème évoqué ainsi que la probabilité de coûts de production plus élevés. Certains éditeurs anglais sont aussi inquiets de voir une concurrence accrue de l’édition américaine sur les marchés européens car les britanniques pourraient perdre l’exclusivité des droits sur l’Europe, qu’ils ont à présent suite à un accord sur le partage des territoires (UK Commonwealth (excl. Canada) et Europe d’un côté, et USA et Canada de l’autre. - La majorité des éditeurs britanniques sont en faveur du maintien du RU dans le marché unique. - Un des points évoqués en cas de sortie du marché unique est l’opportunité de renforcer le régime d’application des droits d’auteurs 56 9 Annexe 3 – A lire avec profit Malgré le Brexit, le Royaume-Uni reste un « grand d’Europe » Dominique Moïsi, Professeur au King's College de Londres, conseiller spécial à l'IFRI – 01/07/2016 Rapport de la Chambre des Lords sur les conditions d’exercice de l’Article 50 du Traité de Lisbonne : Brexit: impact across policy areas – Briefing Paper Number 07213 – 26/08/2016 Japan’s Message to the United kingdom and the European Union G20 – Hangzhou – 04-05/09/2016 Preparing for the UK’s Brexit Negotiation Dr Robin Niblett CMG, Chatham House – Director – 09/09/2016 L'incontournable axe Paris-Londres en matière de défense Dominique Moïsi, Professeur au King's College de Londres, conseiller spécial à l'IFRI – 19/09/2016 57