Radio Magazine - JUKEBOX MAGAZINE

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Radio Magazine - JUKEBOX MAGAZINE
’est un fait avéré, la carrière de notre Johnny national a explosé, non pas au moment
de la sortie de son premier disque, en mars
1960, mais le16 avril, à la suite de son passage
sur l’unique chaîne de télévision française dans A
l’Ecole Des Vedettes. Nos futures idoles, rarement annoncées à l’avance, y font cependant de
trop rares apparitions pour s’y forger une réputation. Si ce n’est grâce au petit écran, comment,
alors, fait-on leur connaissance ? Disco Revue
n’existe pas encore... Et l’argent de poche (peau
de chagrin) n’autorise guère à glisser, parfois en
pure perte, une pièce dans le juke-box ou le scopitone. Restent les disquaires, pour découvrir le
contenu prometteur de pochettes aguichantes.
Encore faut-il ne pas trop abuser de la patience
du vendeur qui, comme son nom l’indique, est là
pour vendre, et non pour faire écouter (certains,
d’ailleurs, n’hésitent pas à demander jusqu’à un
nouveau franc pour la diffusion d’un disque dont
la vente n’est pas concrétisée). Pourtant, vaille
que vaille, on est branché. Une évidence s’impose : c’est la radio qui a fait nos idoles. Mais pas
seulement Salut Les Copains. Le samedi par
exemple, à 21 h 35, c’est le show Hello Johnny,
et toute la semaine, à 16 h 25, Thé, Twist Et Transistor, sur Radio Monte Carlo. Egalement sur
RMC, durant tout l’été 1962, Richard Anthony
anime une heure, de 11 h à midi le mardi, rediffusée le samedi, et Henri Salvador un quart d’heure le jeudi, et aussi sur Europe N°1 le mercredi,
dans A La Porte, Salvador. Cet article se fixe pour
cap de revenir sur le premier semestre de 1962.
Il est à la fois passionnant et dépaysant de se
replonger dans l’époque et le contexte. Un seul
et unique semestre durant lequel Johnny Hallyday, Richard Anthony, les Chaussettes Noires,
Chats Sauvages, Vince Taylor et Sylvie Vartan
sont des stars... tandis que Françoise Hardy,
Claude François et Sheila n’existent pas encore.
La faculté d’un cerveau d’adulte à considérer
toutes les années 60 comme, finalement, un seul
et même épisode, fait que certains ont parfois
tendance à tout amalgamer avec un peu trop d’aisance, d’inconsistance et de légèreté, grâce aux
fils conducteurs de Johnny, Sylvie, Eddy et Dick,
toujours présents. Mais, en réalité, tous les douze
ou dix-huit mois, un tsunami bouleversait la scène
française : Françoise, Clo-Clo et Sheila déjà
cités... puis Adamo, Hervé Vilard, Christophe...
avant Antoine, Michel Polnareff et Jacques
Dutronc... pour mener à Mai 68 et Julien Clerc.
C
SALUT LES COPAINS
Après un numéro inaugural (du 10 au 16 février
1962) consacré à Maurice Biraud, star incontestable du transistor matinal, et, quand même, deux
pages sur La fureur du twist (Johnny Hallyday,
28
1962. En cette époque où le vœu le
plus ardent des adolescents consiste
à connaître le visage de ceux qui les
enchantent, un professionnel avisé
décide d’accompagner sur le papier
ces flots de musique qui se déversent
des transistors. Il s’appelle Rémy le
Poitevin et met sur pied un hebdomadaire au service de ce média important
rapidement devenu prépondérant,
Radio Magazine. Tout seul, il n’y serait
peut-être pas parvenu. Mais, avec la
complicité de Marcel Leclerc et de
Télé Magazine, il peut fièrement
annoncer, dès le premier numéro, un
tirage claironnant et impressionnant
de 273 000 exemplaires (ramené à
260000 au N°5). La maquette du journal crève les yeux : les auditeurs n’ont
d’oreille que pour Europe N°1 et Radio Luxembourg qui trustent deux tiers
de la surface des programmes, le dernier étant partagé entre la RTF, Radio
Monte Carlo, Radio Andorre et les stations étrangères émettant quelques
heures en français. Une polémique, d’ailleurs, éclate au sein du lectorat à
l’occasion d’une nouvelle répartition de l’espace, à partir du N°18, lorsque
Radio Magazine, en conséquence, accorde 40% au réseau RTF réduisant
considérablement la place donnée aux émissions des stations périphériques.
L’ÉCHO DES ONDES
Vince Taylor, Richard Anthony et Dalida en photo),
Radio Magazine ouvre ses colonnes, dès le N°2
(17 au 23 février) à Johnny Hallyday pour Alors
raconte Johnny ! En plus de la couverture, somptueuse, un article passionnant de sept pages permet à Johnny de remettre les pendules en place,
principalement en ce qui concerne toutes les
fausses informations qui circulent à son sujet :
« Je n’ai jamais dit que j’étais américain... » A ce
foisonnant dossier s’ajoute, quelques pages plus
loin, une interview de Daniel Filipacchi, le maître
de cérémonie de Salut les Copains, Comment
devient-on rock ?, et un éclairage sur deux formations, les Démons et Ricky & His Teens. Le N°3
présente Johnny à la pointe de la mode jeune :
pantalon taille basse à pattes d’éléphant (un style
qui sera repris dans les années 70). Il y a un bel
article sur Petula Clark, en voyage de noces à
Marseille, annonçant son Musicorama à l’Olympia du 27 février, dopé par des ventes phénoménales : 400 000 exemplaires de « Marin », 220 000
de « Roméo » en seulement deux mois et demi.
Des ventes cumulées qui doivent faire d’elle une
millionnaire du disque pour Pâques. Enfin, en
quatrième de couverture, donc en couleurs, une
superbe photo des Pirates qui, selon la formule,
veulent lancer le rock de charme. Si le N°4 est largement consacré aux Chaussettes Noires avec
Eddy Mitchell, le N°5 se veut plus doux, avec un
long papier de fond consacré à la vie privée de
Dalida (huit pages et la une)... et quand même un
dossier sur la guerre rock-tango qui permet d’insérer deux photos de Johnny Hallyday, une de
Sylvie Vartan twistant avec Paul Anka (elle chantera son « I’m Watching You » en 1963), et un hitparade des tubes de février 1962. Un palmarès
impartial puisque, en plus de son propre classement, il propose en parallèle ceux d’Europe N°1,
Radio Luxembourg, France-Soir, le Figaro, la Discographie Française et celui des diffusions en
juke-boxes. Puis Radio Magazine en fait la synthèse, la cote des cotes. Les divergences sont
révélatrices : alors que « Et Maintenant » de Gilbert Bécaud est déjà N°1 sur Europe N°1, il n’est
encore classé nulle part ailleurs. Sinon, « Viens
Danser Le Twist », par Johnny, Richard, etc., est
1er ou 2e un peu partout. Beaucoup plus surprenant, le classement en juke-box. Si on ne peut
guère s’étonner d’y trouver en 3e place « AchèteMoi Un Juke-Box » de Dalida, en revanche, sur-