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Business HIGHLIGHT Innover A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? SOMMAIRE • Le mythe de la voiture communicante • Transformer les services existants en modèles générateurs de revenus • Des approches techniques et business concurrentes selon les acteurs • Le principal enjeu : maîtriser la distribution des services connectés Après avoir envahi le domicile et le lieu de travail avec 22 millions d’accès Internet haut débit déployés en France, les services connectés se sont étendus au mobile. Le succès des smartphones est tel qu’ils représentent déjà la majorité des ventes de téléphones mobiles et les consommateurs sont désormais habitués à pouvoir accéder à l’ensemble de leurs services où qu’ils soient : consulter la météo, leurs mails, accéder aux réseaux sociaux, chercher une adresse, comparer des prix, écouter sa musique, … 012012 n°7 Reste donc à conquérir l’extension naturelle du domicile : la voiture. Une majorité de Français l’utilise quotidiennement, voire les ¾ en zone rurale, en parcourant plus de 14.000 km par an. On peut donc s’attendre à ce qu’ils souhaitent y retrouver les services auxquels ils ont été habitués depuis longtemps chez eux, voire d’autres services plus spécifiques à leurs besoins en situation de conduite. Les différents organismes d’études avancent d’ailleurs des perspectives de croissance intéressantes pour ce nouveau marché : d’à peine 1 million de voitures connectées en 2009, entre 50 et 70 millions de véhicules seraient attendus d’ici à 2016 selon les études. ... /... A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? Pourtant, on peut légitimement se demander s’il y a un marché spécifique pour des services connectés dans la voiture : ne peut-on pas déjà accéder à l’ensemble de ses services depuis son téléphone ou sa tablette ? Pourquoi, dès lors, le consommateur paierait-il à nouveau pour des services dont il dispose déjà ? LE MYTHE DE LA VOITURE COMMUNICANTE Cette problématique n’est pas nouvelle puisque, dès 2002, Orange présentait au Mondial de l’Automobile de Paris la Smart Orange, voiture connectée grâce à son habitacle Bluetooth. Depuis, cet opérateur expose à chaque Mondial son prototype de voiture connectée, sans que ces projets ne connaissent une véritable industrialisation. De même, alors que les GPS portables se démocratisaient dans les foyers en se vendant par dizaines de millions en 2 ou 3 ans, Tom Tom innovait en proposant les premiers GPS portables connectés, en partenariat avec SFR, mais l’offre handicapée ? eut là aussi beaucoup de mal à se démocratiser. aussi importantes que les réseaux terrestres). Pour les fournisseurs de services, les applications sont possibles dans tous les secteurs d’activité. Les conditions techniques et business sont aujourd’hui réunies, et l’impulsion nécessaire à la démocratisation des premières offres grand public aura bien lieu entre 2011 et 2015. Selon Samuel Loyson, Directeur Marketing Produits Automobiles chez Orange, le développement des transports connectés ne fait aucun doute car il est soutenu par trois grands drivers : • l’évolution des modes de transport vers des systèmes de mobilité toujours plus efficaces et économes demande un écosystème de transports intelligent et communiquant. C’est le cas de l’auto-partage et de l’autolib qui nécessitent des services de télémaintenance ou de localisation de parkings. Mais aussi du véhicule électrique, qui doit interagir avec le réseau pour optimiser la charge en heures creuses, et éviter ainsi de générer des pics de charge qui solliciteraient les centrales à charbon … Si la voiture connectée n’a pas percé jusqu’à présent auprès du grand public, ce n’est donc ni par manque de projets innovants, ni par difficulté à cerner les usages des consommateurs finaux, mais probablement par défaut d’un écosystème structuré. Entre constructeurs automobiles, opérateurs télécoms, éditeurs de contenus, fournisseurs de services ou équipementiers, aucune solution technique, aucun business model ou système de partenariat ne se sont encore imposés. Or, l’enjeu est de taille pour tous ces acteurs. Les opérateurs cherchent en effet dans les pays développés de nouveaux relais de croissance aux revenus de la téléphonie mobile, après avoir dépassé les 100% de taux. Les équipementiers ou les constructeurs automobiles, quant à eux, lorgnent sur u n positionnement dans les services, qui offrent des perspectives de revenus récurrents aux marges élevées. Ils cherchent aussi à promouvoir l’adoption de nouvelles technologies, comme Alcatel qui voit dans la voiture connectée un levier de développement des réseaux dits « LTE » ou 4G (4e génération de réseaux mobiles assurant des performances Les études prévoient une croissance soutenue du véhicule communicant sur les 5 ans à venir • Gartner Research prévoit d'ici 2012 que plus de la moitié des nouvelles voitures devraient avoir une forme de connectivité mobile • 55 millions d’utilisateurs de voitures connectées en 2016 (2009 : 860 000) (d’après iStudy) • 25% de voitures neuves à travers le monde auront la surveillance à distance et les systèmes de contrôle d'ici 2016 (d’après iStudy) • Un récent rapport issu de Juniper Research indique que « ... les revenus du mobile connecté M2M et systèmes embarqués devrait s'élever à 18,9 milliards de dollars au niveau mondial d'ici à 2014 » • ABI Research prévoit près de 43% de nouvelles voitures livrées avec de la télématique embarquée d'ici à 2014 2 N°7 • la place croissante du smartphone, qui permet déjà de choisir ses trajets ou d’acheter des billets d’avion ou de train et qui va devenir une véritable « télécommande universelle » pour piloter sa mobilité. Le véhicule particulier n'échappe pas à cette tendance, et l'on voit déjà apparaître des applications qui permettent • JANVIER 2012 d'interagir à distance avec son véhicule depuis son téléphone. • Enfin, la voiture en tant que troisième espace de vie, est un lieu où l’on veut retrouver l’accès à ses services de communication ou accéder à ses contenus digitaux qui sont désormais dans le « cloud ». TRANSFORMER LES SERVICES EXISTANTS EN MODÈLES GÉNÉRATEURS DE REVENUS Si ce marché n’est qu’émergent, la voiture connectée n’en reste pas moins une réalité avec 3 catégories de services déjà proposés : • Les services centrés sur la mobilité : l'information trafic en temps réel, les points d'intérêt à proximité ou sur son parcours, les alertes dynamiques sur les « dangers » qui se trouvent sur la route (bouchons ou radars mobiles), … • Les services centrés sur la gestion des véhicules : les services inhérents à la voiture, qui ont trait à la sécurité, à la maintenance, à l’assistance ou à la gestion de flotte • Les services de type infotainment : musique à la demande, voire vidéo (pour les passagers), accès aux réseaux sociaux, à Internet, etc. Les services de navigation, de trafic, et de recherche d’adresses sont aussi déjà bien entrés dans les usages. Sans utilisation du réseau, il est impossible de faire des mises à jour des cartes et des informations locales, de bénéficier d’information en temps réel qui peuvent se révéler vitales (localisation d’un accident par exemple), ou d’interagir avec une communauté d’utilisateurs. Ainsi, la plupart des fabricants de GPS proposent désormais des offres premium à des niveaux de prix élevés (50 à 100 € par an), qui s’appuient sur des informations en temps réel transportées par les réseaux mobiles. Cependant, la part de clients qui souscrivent réellement à ces services reste inférieure à 5%. Les services de mutualisation, ainsi que les services communautaires, souffrent de leur côté d’un faible niveau de prix d’affichage. Pourtant, ils peuvent servir des causes citoyennes telles que le covoiturage, mais aussi améliorer de façon significative la logistique des flottes de loueurs de voitures. Cependant, la plupart de ces services ne génèrent pas de revenus significatifs et il reste un travail important d’exploration pour transformer ces services en modèles économiques pertinents. Les services centrés sur la gestion des véhicules Le développement des solutions de sécurité devrait se généraliser sous l’impulsion gouvernementale. Attendue pour une mise en service progressive à partir de 2014, mais déjà largement testée par les constructeurs (notamment allemands), la norme e-call ouvre le marché vers une connexion permanente du véhicule particulier. Cette norme oblige le véhicule à être localisable en cas d’accident, mais aussi à pouvoir communiquer rapidement cette position aux Les services centrés sur la mobilité Les premiers services à avoir déjà tiré leur épingle du jeu : les solutions d’aide à la conduite dont le succès n’est plus à démontrer. La société Coyote revendique pour son service d’avertisseur de radars plus d’1 million d’utilisateurs de son système, malgré le prix d’entrée de 12 € par mois. Inspirer 3 A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? équipes de secours, et donc de pouvoir être connecté. Mais rendre payants les services de sécurité (gestion anticollision, déclaration d’accident, appel des secours) risque d’être difficile, si ce n’est en les proposant sous forme d’une d’option « one shot ». simple connexion réseau et sans besoin de stockage particulier dans le véhicule lui-même. Pour Guillaume Pinto, CTO chez Parrot, leader dans les périphériques sans fil pour téléphones mobiles : Nous croyons beaucoup aux services de musique connectés. Sur une journée type, un tiers du temps d’écoute de musique moyen est réalisé dans l’automobile de l’utilisateur, qui est le lieu privilégié d’écoute de radio ou de musique. D’ailleurs, de nombreux clients de Deezer, le service d’écoute de musique en ligne, utilisent déjà le service dans la voiture, avec un système « bricolé » reliant leur téléphone mobile aux enceintes de la voiture. Ceci devrait favoriser l’adoption du tout nouvel autoradio « Parrot Asteroid », qui propose l’accès à plus de 4000 « webradios » et au service de Deezer avec une simplicité et un confort accrus. Ces services sont disponibles pour les clients des options Premium de Deezer. De son côté, PSA mise sur les services utilitaires, avec un véhicule connecté qui devrait permettre une maintenance à distance, et faciliter ainsi toutes les démarches de prévention et d’entretien. Chez Citroën, les propriétaires pourront même accéder à ces informations depuis leur téléphone, via l’application My Citroën. Mais ce type de services est plutôt un élément de promotion qu’un générateur de revenus additionnels. Les assureurs, quant à eux, voient dans la voiture connectée une opportunité de développer les offres tarifaires de type « Pay as you drive », c’est-à-dire avec une prime d’assurance déterminée selon le nombre de kilomètres réellement parcourus. Il reste que ces services de musique, qui complètent généralement des offres existantes sur PC et mobile dans le cadre d’une stratégie multi-écrans, servent plutôt à fidéliser une clientèle qu’à générer des revenus additionnels. Enfin, les services de paiement in-car, dont le potentiel est aujourd’hui largement sous-exploité, permettront de payer sans s’arrêter les frais d’autoroute et les accès à des voies supplémentaires. En revanche, ils posent un problème de sécurité de l’information qui peut peser lourd dans l’infrastructure, alors comment répartir ces frais d’investissement sur de faibles commissions de micro-paiement ? Les éditeurs de contenus vidéo sont plus prudents. La vidéo - en tant que divertissement pour les passagers - n’a pas d’application dans les déplacements quotidiens domicile-travail, qui représentent la plus grande partie des trajets… Dans ces conditions, les clients de Canal+ seraient-ils prêts à payer 5-10 € de plus tous les mois pour un service auquel ils accèdent déjà sans surcoût sur leur tablette ? Les services de type « infotainment » Le développement des services de type « infotainment » (musique, vidéos, accès à l’information, …) au sein de la voiture devrait profiter de la montée en puissance du cloud. En effet, nous sommes en train de passer d’habitudes de stockage physique des contenus digitaux (sur disques durs, clés USB, appareils mobiles…) à de nouvelles habitudes de stockage distant (sur le réseau Internet, appelé « cloud »), qui permettent d’accéder à ses contenus depuis n’importe quel appareil et depuis n’importe quelle localisation. Dernière offre en date, l’iCloud d’Apple pourrait d’ailleurs bien faire décoller ce marché encore émergent. La voiture communicante aurait donc la capacité d’accéder à tous les contenus d’information et de loisir, tels que les jeux, la musique ou les vidéos, depuis une Vers une nouvelle applications shop pour l’automobile ? Hormis les services de mobilité, les services de la voiture connectée générateurs de revenus additionnels restent donc encore à découvrir. Pour Guillaume Pinto Parrot souhaiterait donc ouvrir le développement d’applications à des tiers, en reproduisant le 4 N°7 modèle des applications shops – ces magasins virtuels qui proposent l’accès à un catalogue de plusieurs milliers d’applications. Le Parrot Asteroid propose ainsi un « installer », équivalent d’un applications Shop qui permet de rechercher et d’installer de nouvelles applications sur l’autoradio. • JANVIER 2012 tout un écosystème, notamment une communauté de développeurs, ce qui est très complexe à mettre en place de la part d’un constructeur automobile seul. Plusieurs possibilités s’offrent en fait à eux : s’appuyer sur les communautés de développeurs existantes (comme Android ou Microsoft), ou bien s’appuyer sur les plates-formes de développement ouvertes proposées par les alliances existantes (Genivi côté constructeurs automobiles, et WAC côté opérateurs télécoms). Pour Samuel Loyson, Orange Proposer des applications via une applications shop dans l’environnement de la voiture nécessite avant L’évolution des applications est étroitement corrélée à l’évolution des infrastructures Telecom dans le monde et aux stratégies des opérateurs 1980 1990 1980 1995 2000 2005 2010 2015 9 ans 2020 2025 2030 LTE Advanced LTE WiMAX 3G 9 ans WCDMA/HSPA CDMA2000 Lancement 2G 16 ans Prévisions Pic des ventes GSM 9 ans cdmaOne TDMA Un modèle de pénétration qui se répète PDC • 9 ans entre les lancements des générations de technologies mobiles • 16 ans entre le lancement commercial et le pic de ventes • Continuité de la demande pour la technologie établie, principalement par les appareils multi mode TACS 1G AMPS NMT Lancement 16 ans Pic des ventes En se référant à l’histoire des technologies mobiles, on peut estimer que le LTE sera toujours d’actualité au tournant de 2030 Source Wiseharbor 2010 DES APPROCHES TECHNIQUES ET BUSINESS CONCURRENTES SELON LES ACTEURS Pour asseoir leur position sur le marché, les acteurs peuvent choisir de mettre à disposition des services connectés sous 3 formes différentes : • Des systèmes embarqués au véhicule en première monte : ce sont des systèmes montés en usine et intégrés au véhicule (système GPS Carminat de TomTom intégré au tableau de bord sur Clio, services d’infotainment, de communication et de navigation intégrés au véhicule et accessibles depuis l’écran central, comme Connected Drive chez BMW, Sync chez Ford, ConnectedCar chez Volvo ou encore Blue&Me chez Fiat). 5 • Des solutions externes ou nomades, de deuxième monte : ce sont des systèmes acquis et montés ultérieurement, et qui peuvent se fixer sur un véhicule ou un autre (comme la majorité des navigateurs GPS en circulation) • Des solutions hybrides (intermédiaires entre les deux premières solutions) : chez Ford, une connectivité 3G est embarquée en première monte, et assure une couverture WiFi accessible à n’importe quel équipement externe ou nomade présent dans l’habitacle (GPS, smartphone, etc). Construire A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? A ce titre, le choix d’une solution technique embarquée permet de proposer une ergonomie et une interactivité accrues avec le véhicule. Ainsi, le système Carminat de Renault, complètement intégré à la Clio, garantit une qualité de service optimale : réception améliorée grâce à une antenne extérieure, son clair exploitant la sonorisation du véhicule ou bien encore protection accrue contre le vol. En définitive, la solution technique qui prédominera dépendra surtout de la nature des services considérés. Comme le rappelle Samuel Loyson, Orange, les constructeurs apparaissent ainsi tout à fait légitimes pour embarquer les services centrés sur la gestion des véhicules car ils ont besoin d’une connectivité très fiable mais peu gourmande en bande passante. A l’opposé, les services de type infotainment évoluent tellement vite qu’une solution embarquée et figée deviendrait rapidement obsolète. Les opérateurs télécoms nationaux, qui se sont déjà positionnés sur ces services, apparaissent comme des partenaires légitimes, d’autant plus que la négociation de contenu est par nature locale. La prise en compte de la voiture s’inscrit ainsi clairement dans la stratégie de contenu media multi-écran des opérateurs, et pourrait prendre la forme de services proposés en marque blanche. A l’inverse, si les appareils nomades offrent une plus grande liberté de choix, ils souffrent de plusieurs handicaps, notamment la durée de vie de la batterie très limitée sur les longs trajets, le manque d’interactivité avec le véhicule, ou encore la nécessité de disposer d’une connexion mobile propre, ce qui n’est pas toujours indolore pour les consommateurs. La forme que prend cette connectivité présente pour les différents acteurs un enjeu de taille : en cas de solution embarquée le constructeur automobile contrôle toute la chaîne de distribution, tandis que les solutions externes peuvent être proposées par n’importe quel acteur. C’est le cas des avertisseurs de radar, majoritairement externes, et sources de revenus récurrents qui échappent totalement aux constructeurs. Entre les deux, on retrouve les services centrés sur la mobilité, qui continueront sans doute à rencontrer du succès sous les deux formes. Les principaux fabricants de GPS nomades ont d’ailleurs mis en place des partenariats avec les constructeurs, comme Garmin ou bien aussi TomTom qui propose avec Renault l’offre Carminat. Les constructeurs ne manquent pourtant pas de faire valoir qu’une solution embarquée génère mécaniquement une clientèle, sans effort de recrutement. Les fabricants ont d’ailleurs bien compris l’intérêt de s’associer avec eux, à l’instar de Parrot qui cherche à développer des partenariats de commercialisation de solution embarquée, pour tous ses nouveaux produits déjà lancés en seconde monte. Pour Guillaume Pinto, Parrot : la meilleure approche reste encore de s’adapter aux habitudes du client et d’offrir une compatibilité avec des solutions d’accès à internet de plus en plus fragmentées. Leur tout nouvel autoradio multimédia, le « Parrot Asteroïd » est ainsi complètement « agnostique » sur le sujet puisqu’il n‘intègre aucune connexion, mais peut utiliser toute une gamme de connectivités externes : clés 3G, téléphone mobile avec fonction partage de connectivité par Bluetooth, etc… Mais les solutions embarquées représentent un véritable défi industriel, quand on connaît la rapidité des cycles de vie des technologies dans les télécoms comparés à ceux du secteur automobile où 5 années sont nécessaires pour sortir une voiture qui sera produite pendant 10 ans. 6 N°7 • JANVIER 2012 L’ensemble des constructeurs travaille sur l’auto communicante Services actuels de voiture communicante Marque Offre Principaux Services MBRACE Car lock/unlock, Assistance, Map Le « Vehicle as a Service » : un driver majeur • Transformation des attentes des consommateurs : - Nouveaux mode de consommation et de mobilité (multimodalité, intermodalité) - Importance de la mobilité durable / écoconduite SYNC Communication, infotainment, commande vocale BLUE&ME Infortainment, Navigation, Communication, E-call Connected car Internet, mail, entertainment (musique, vidéo) Connected Drive Assistance, internet, tracking, etc WIP My Way E-Call • Développement de nouveaux modes de commercialisation de type Vehicule as a Service (VaaS) : - Auto partage et autolib - Leasing • Nouveaux services nécessitant des services de gestion de flotte : - Assurances – modes de tarification Pay As You Drive - Location • Evolution des technologies (véhicule électrique, débits offerts) offrant des perspectives d’applications décuplées : - Prévention de collision, contrôle du trafic - Boites noires - Conduite économique - Géolocalisation communautaire, géopéage - Pourquoi pas un jour le véhicule sans conducteur ? La légitimité des acteurs passe également par leur choix business : faut-il se différencier en développant des offres de services et contenus spécifiques pour l’automobile ? se détacher de la route. L’ambition de Ford passe donc par le développement d’un écran tactile et de commandes vocales, qui pourraient aussi piloter les appareils externes. Les fabricants de solution audio proposent par exemple des produits spécifiquement adaptés à un usage automobile. A l’inverse, les éditeurs de contenu vidéo n’identifient pas pour l’instant d’offres spécifiques : le contenu VoD actuel est déjà disponible pour les tablettes, qui sont tout à fait adaptées à un usage automobile et pour lesquelles des services de synchronisation des contenus avec les ordinateurs personnels sont déjà proposés. Bien sûr des capacités de stockage embarquées dans le véhicule seraient bienvenues, mais sans être suffisamment différentiantes. De même, les limitations des solutions externes en termes d’autonomie devraient se régler facilement en multipliant les prises USB dans le véhicule. La gamme de Parrot se différencie ainsi avec : • Une intégration avec l’environnement audio de l’habitacle (prise en compte de l’environnement sonore, gestion des autres sources de musique, connexion avec l’acoustique intégrée, …) • Des interfaces utilisateur repensées pour ne pas éloigner le conducteur de sa mission principale : conduire ! Dans ce cadre, les solutions embarquées offrent de nombreux atouts comme par exemple la possibilité de déporter les commandes au volant. Cette divergence de point de vue entre fabricants de solutions audio et éditeurs de contenu vidéo s’explique par une différence de cible : les services audio - comme les fonctions de téléphonie mains libres - adressent avant tout le conducteur, tandis que les services d’acteurs comme Canal+ et TF1 visent surtout à divertir les passagers… sans perturber le conducteur. Du côté de Ford, c’est aussi l’interface hommemachine qui est privilégiée. Au cœur du véhicule connecté, tous les services sont possibles tant que le conducteur peut communiquer avec son véhicule sans Organiser 7 A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? Côté connectivité, le challenge pour les opérateurs télécoms, qui ont généralement une vocation et des offres à portée nationale, réside dans la capacité à garantir un service « sans frontière », avec des offres tarifaires prenant en compte les problématiques de roaming de manière transparente pour l’utilisateur. Le service Carminat TomTom sur Renault couvre ainsi plus de 40 pays dont l’Europe de l’Ouest et de l’Est, la Scandinavie, la Turquie et l’Afrique du Sud. Pour les services multimédia qui nécessitent une bande passante et des volumes de données plus importants, le challenge est plus complexe. Il faut envisager l'intégration de solutions de connectivité externes (clé 3G de type domestique que l’on peut brancher sur un port USB de la voiture pour assurer une connectivité), ou de se connecter à travers le téléphone du client, Dans ce contexte, on retombe sur des solutions domestiques… Comme le précise Samuel Loyson, pour les services embarqués faiblement consommateurs en bande passante, les grands opérateurs ont développés des solutions globales : les accords de roaming existants peuvent tout à fait s’appliquer, moyennant l’adjonction de « Service Level Agreement », engagements permettant de garantir un niveau de qualité de service, indispensables notamment pour les fonctions liées à la sécurité des passagers et du véhicule. Pour les constructeurs automobiles à rayonnement mondial, le véritable challenge sera de s’adapter aux différences de normes et de standards locaux, car les technologies mobiles sont encore loin d’être harmonisées au sein des grands blocs continentaux, notamment en termes de type de technologie et de fréquence utilisée. Il leur est donc indispensable de penser à localiser non seulement le contenu des services de la voiture communicante, mais aussi la connexion réseau utilisée. LE PRINCIPAL ENJEU : MAÎTRISER LA DISTRIBUTION DES SERVICES CONNECTÉS La distribution, un enjeu clé pour gérer la relation client… offre sous la marque de l’opérateur, ou bien cobrandée en proposant des services communs, ou encore sous leur propre marque. La troisième option nécessite une montée en compétences très forte du constructeur automobile, qui doit investir dans une infrastructure SI télécom. Orange privilégie donc les deux premières options en phase de lancement : le constructeur pourrait proposer une offre prépayée, que le client pourrait ensuite upgrader chez Orange selon ses besoins. La distribution de ces services connectés, ou bien la gestion de la facture, revêtent un enjeu clé dans le sens où ils permettront de maîtriser la relation avec le client et de développer une véritable connaissance de la segmentation et des usages. Si la mise à disposition de services de sécurité embarqués passera nécessairement par les constructeurs automobiles, plusieurs modèles peuvent être envisagés pour la commercialisation de connectivités additionnelles. A moyen terme, un modèle de type multiplay (offre incluant par exemple le haut débit à domicile et une connectivité pour la voiture) qui serait commercialisé par les opérateurs paraît intéressant à étudier. En effet, avec la multiplication des terminaux connectés (smartphones, PC, tablettes, etc.) et face à la demande de simplicité des utilisateurs, les opérateurs vont proposer des solutions permettant de connecter différents terminaux à travers un seul abonnement. A court terme, ajoute Samuel Loyson, des offres de « clé USB automobile » commercialisées par les constructeurs automobiles permettent de simplifier le parcours client dans une approche one-stop-shop. Ces derniers peuvent envisager de commercialiser une telle 8 N°7 Côté distribution du contenu, avec l’arrivée d’environnements logiciels ouverts, on risque de voir se • JANVIER 2012 et de fidélisation majeurs pour la génération de véhicules à venir. reproduire les mêmes stratégies que sur smartphones et tablettes, sur lesquels applications TV/Video des opérateurs côtoient celles des éditeurs comme Canal+ La voiture communicante pourrait ainsi devenir un élément clé des constructeurs automobiles pour protéger les revenus associés au SAV. Depuis 2010 en effet, ceux-ci ne bénéficient plus en France de l’exclusivité du SAV sur les véhicules sous garantie, et doivent faciliter l’accès des centrales de réparation aux informations techniques de leurs nouveaux véhicules. Ce sont donc plus de 50% du marché du SAV qui sont menacés. ou TF1. En effet, si les opérateurs sont reconnus pour leur capacité à agréger des contenus sur leurs portails, les acteurs comme Canal+ souhaiteront garder le contrôle de la relation avec le client. Après leur percée sur les smartphones, difficile d’imaginer qu’ils voudront changer de logique dans la cadre de la voiture. … et ainsi exploiter la connaissance client Face à cette menace, la voiture communicante est un argument de poids : qui serait mieux placé que les constructeurs pour recueillir, analyser et traduire en recommandations les données temps réel transmises par le véhicule ? La voiture communicante entraîne le développement d’un nouveau savoir-faire, une technologie de pointe qui permet aux constructeurs de conserver une longueur d’avance sur leur valeur ajoutée dans le SAV, et donc de ne pas se ancer dans une guerre des prix destructrice de valeur avec les centrales de réparation. Finalement, le véritable enjeu pour les constructeurs automobiles se situe sans doute dans la connaissance clients, c’est-à-dire l’exploitation de cette connectivité pour mieux connaître et fidéliser ses clients, et les contacter aux moments clés de leur vie ! Que ce soit en termes d’usages, d’assistance, et même de capacités de paiement, les services connectés sont une mine d’informations pour les constructeurs automobiles, trop souvent coupés de leurs clients après l’acte de vente, et seront certainement un relai de croissance La connaissance du client sera le nerf de la guerre sur toutes les phases du cycle de vie du produit DECOUVERTE CONDUITE ENTRETIEN REVENTE BASE CLIENTS Profiling Forfaitisation Actions ciblées par téléconseillers Fidélisation Offres personnalisées Il sera primordial pour les constructeurs d’exploiter le levier des services qui amélioreront la connaissance clients 9 Préconiser A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? Enfin, le troisième élément est la promotion de l’offre. Comment concevoir des offres qui permettent de faire connaître, faire essayer et vendre les services de la voiture communicante ? Un enjeu complexe, d’autant que les constructeurs automobiles éprouvent des difficultés pour garder le contact avec le client, celui-ci revenant rarement en concession une fois l’acte d’achat finalisé. Le marché s’inspirera sans doute des approches de type « freemium » en vigueur dans l’univers multimedia, comme celles de la musique à la demande (Deezer comme Spotify proposent de l’écoute en ligne gratuite afin de valoriser leurs offres premium à 9,99 € / mois), ou des applications mobiles disposant d’une version de base gratuite et d’une version premium payante. Les constructeurs devront aussi se positionner face à deux business models possibles: rechercher un objectif de revenu et de rentabilité à part entière pour les services connectés, ou s’en servir d’élément de promotion et de différenciation de leurs véhicules Quelles que soient les approches retenues, les services connectés nécessitent de revoir les politiques tarifaires en vigueur dans l’automobile De nombreux modèles de tarification sont envisageables, et il est clair que le marché ne s’est pas encore positionné sur le modèle de la voiture communicante. La tarification des services connectés devrait nécessiter de bouleverser en profondeur les approches en vigueur dans le secteur de l’automobile, afin de répondre à 3 grandes problématiques. La première consiste à adapter le mode de tarification à la consommation. Il n’est pas certain, du moins au démarrage, que les services de la voiture communicante soient utilisés de manière constante. Il faut donc pouvoir encourager le client à « tester » les services pour développer la consommation, et dans ce cas lui proposer des solutions de paiement à l’usage. Ceci, tout en répondant aux attentes des consommateurs ayant des usages importants, probablement les plus hauts potentiels en termes de valeur, via des offres tout compris ou en usage illimité. La construction d’une tarification simple et adaptée est d’autant plus complexe que les services proposés par la voiture communicante sont très divers. La réussite passera par la mise en place de partenariats et le déploiement de solutions technologiques ouvertes La percée sur ce nouveau marché ne se fera pas seule, car la chaîne de valeur reste complexe. La clé du succès résidera donc dans la capacité à développer un écosystème de partenaires incontournables pour le déploiement des services. La seconde concerne le mode de paiement, qui est une question cruciale dans le domaine de l’automobile. Aujourd’hui, le marché automobile repose essentiellement sur du paiement direct, même si les offres de crédit mensualisé, ou les offres de leasing, sont de plus en plus présentes. Néanmoins, les consommateurs restent attachés à une valeur fixe du véhicule, et les réseaux de distribution ne sont pas formés aujourd’hui pour vendre des abonnements mensuels. Dans cette transformation, les marques les plus expérimentées dans le domaine de la vente d’options seront les plus fortes… Dans un contexte où le business model reste incertain, la question du mode de coopération entre les acteurs clés est ouverte, et pourrait freiner le développement et la massification du véhicule communicant, qui demande un investissement d’infrastructures conséquent. Il faudra s’appuyer sur des solutions technologiques ouvertes permettant de capitaliser sur l’écosystème télécom existant, que ce soit en termes d’infrastructures, afin de 10 N°7 • JANVIER 2012 réduire les coûts d’investissements, ou de base client adressable, pour rapidement atteindre une masse critique. Contrairement à des logiques d’environnement propriétaires, celles-ci seront les seules à même de garantir un time-to-market rapide et des solutions de maintenance évolutive sans surcoût, pour s’adapter aux cycles d’évolution télécoms. Guillaume Pinto, Parrot : Parrot a pris le parti d’une approche industrielle très ouverte en retenant l’environnement logiciel Android de Google et en le retravaillant substantiellement pour l’adapter à un usage voiture, ce qui permet via une adaptation simple de capitaliser sur l’ensemble des applications existantes d’Android MarketPlace, l’application shop de Google. C’est bien l’approche de Parrot, qui propose sur son autoradio Parrot Asteroid toute une gamme de services s’appuyant sur des partenaires : l’accès à des « webradios » avec Orange, l’écoute de musique à la demande avec Deezer, la localisation de points d’intérêt avec Google, un service d’avertisseur de radar avec Coyote, … Sur le marché encore très ouvert du véhicule communicant, seuls ceux qui sauront s’appuyer sur un réseau de partenariats solides, donc accepter de partager les perspectives de revenus, devraient pouvoir en profiter… Conseiller 11 A QUI PROFITERA LE DÉVELOPPEMENT DE LA VOITURE CONNECTÉE ? CONTACTS Beijaflore Par Matthieu Du Payrat et Aurélien Cunin, Managers chez Beijaflore Avec l’aimable participation de Guillaume Pinto, Directeur Technique, Parrot Samuel Loyson, Directeur Marketing produits automobiles, Orange Pavillon Bourdan 11-13 avenue du Recteur Poincaré 75016 Paris www.beijaflore.com [email protected] Design et Impression : Solution Paris - Siège social