Investir dans un cheval de course
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Investir dans un cheval de course
- 67 - - 68 - - 69 - IMMOBILIER L’ACTUALITÉ CAC 40 Une surtaxe sur les plus-values EN PORTEFEUILLE Le consensus sur les valeurs Un été riche en fusions BANC D’ESSAI Les annonces d’OPA se succèdent, les cibles restent abordables. Par Marlène Absi et Alice Lhabouz PATRIMOINE Le conseil de Marc Fiorentino Gemalto Financess pr privées p r LE FAMILY OFFICE POUR TOUS DR Investir dans un cheval de course On ne s’improvise pas propriétaire d’un coursier avec pour seule idée de gagner de l’argent. Conseils avant de se mettre en selle. S aônois était coté à 33 contre 1 quand il a coiffé au poteau ses concurrents sur l’hippodrome de Chantilly et qu’il a gagné le Prix du Jockey Club. Le 3 juin 2012, ce petit pur-sang d’1,56 mètre est entré dans la légende en remportant la plus grande compétition française de galop derrière l’Arc de triomphe. Ses deux propriétaires sont aux anges : Jean-Pierre Gauvin, entraîneur de chevaux, et Pascal Treyve, boulanger de son état, ont acheté Saônois 10 000 euros fin 2010, et la dotation pour le vainqueur du Jockey Club est de… 857 100 euros. Quelques semaines plus tard, Joaan al-Thani, de la famille régnante du Qatar, leur fait une offre de rachat de 3 millions d’euros… que les propriétaires se sont permis de décliner. Un vrai conte de fées. Course en solitaire « Si l’on entre dans ce milieu avec la seule idée de gagner de l’argent, on finit par être déçu. Les chevaux ne sont pas des machines », tempère Guy de Fontaine, un des responsables de France Galop, organisme en charge des épreuves de plat et d’obstacles en France, où, en 2013, se sont disputées 7 100 courses pour un total de gains de 270 mil- lions, allant de 16 000 euros pour l’épreuve de base à 4,8 millions pour le Prix de l’Arc de triomphe. Pour qui veut se frotter aux plus grandes casaques (Wertheimer, Aga Khan et consorts), direction le monde du galop et première option : acheter son cheval et trouver un entraîneur pour s’en occuper. Mais d’abord il faut obtenir l’agrément de France Galop en justifiant de revenus globaux suffisamment élevés : 75 000 euros annuels si le cheval est entraîné dans un centre parisien, 30 000 euros s’il l’est en province – les coûts d’entraînement sont plus élevés en région parisienne. Il faut aussi passer un entretien de moralité avec les services de la police des jeux. C’est alors le moment de choisir son cheval. « Pour avoir un galopeur compétitif, il faut compter en moyenne 30 000 euros, et le prix plancher est de 20 000 euros », estime Eric Hoyeau, président d’Arqana, qui organise plusieurs ventes aux enchères de chevaux dans l’année. « Si l’on n’est pas du milieu, il vaut mieux se rapprocher d’un courtier qui connaît le monde des courses. » Sur le choix du cheval, Hervé Chamarty, propriétaire depuis trentecinq ans, est catégorique. TÉMOIGNAGE Arnaud Minvielle, 39 ans, consultant en stratégie chez McKinsey « J’adore l’adrénaline des courses » C ’est un ami qui connaissait bien le milieu qui m’a emmené pour la première fois sur un champ de courses il y a vingt ans. J’y ai vite pris goût et je m’y rends quatre ou cinq fois par an depuis. J’adore l’adrénaline des courses. Il y a cinq ans, avec une dizaine d’amis, j’ai eu l’opportunité d’acheter des parts d’une jument qui a mis bas deux poulains. Au final, j’ai récupéré mes 10 000 euros de départ avec 40 % de rendement. C’était un bon investissement, mais rien de très amusant. Cette année, j’ai investi 24 000 euros dans Arqana Racing Club, une écurie de groupe. C’est ce que je cherchais, l’offre est très « packagée » : je n’ai pas à m’occuper de l’administratif, il y a la possibilité de se rendre sur les plus belles courses de France, de posséder plusieurs chevaux et de discuter avec de bons entraîneurs. Nous sommes un petit groupe d’amis à faire cela, ce qui nous donne l’occasion de nous retrouver sur les champs de courses. 29 AOÛT 2013 - CHALLENGES N°354 65 Finances privées Cinq façons d’investir dans les chevaux de course TYPE DE PLACEMENT COÛT DE L’INVESTISSEMENT POSSIBILITÉS DE GAINS Cheval de course Achat à partir de 20 000 euros, autant par an en frais d’entraînement. Part dans une écurie de courses De 50 à 26 000 euros. FISCALITÉ COMMENTAIRES Plus-value à la revente du cheval, et gains en courses : de 16 000 euros dans l’épreuve la plus modeste de France Galop, à 4,8 millions ; en course de groupe II, les gains se répartissent ainsi : 57 % au 1er, 22 % au 2e, puis 10,5, 7 et 3,5 %. France Galop distribue ensuite 77,5 % des gains aux propriétaires, 14 % à l’entraîneur, 8,5 % aux jockeys – les meilleurs peuvent négocier à la hausse ce pourcentage. Imposition* de 34,5 % sur la plus-value de la revente, abattement de 10 % par année au-delà de deux ans. Risqué : on perd tout ou presque si le cheval n’est pas performant ou se blesse. Mais si c’est un crack, cela rapporte gros… Si la société est à l’IS, elle paie l’impôt, à savoir 15 % jusqu’à 38 120 euros, et 33,33 % au-delà. Une manière de mutualiser les risques, vous êtes entouré de professionnels et vos dépenses sont cadrées. Fiscalité relative au nonintervenant et bénéfices non commerciaux (BNC) pour un professionnel. Une bonne façon de débuter. France Galop a relevé le nombre maximal de copropriétaires de dix à vingt. Copropriété d’un cheval de course (en association) A partir de 750 euros. Part d’étalon A partir de 2 500 euros. Dividende : une saillie par an et plus-value à la revente. Imposition sur la saillie (catégorie BNC). Taxation sur les plus-values à la revente des parts**. Une part vaut 3 à 4 fois le prix de la saillie. En 2012, en France, cinq étalons ont vendu leurs saillies au moins 10 000 euros. Part d’une société d’élevage 25 000 euros bloqués sur cinq ans (possibilité de sortie avec une pénalité). Plus-value à la cession des parts. Taxation sur les plus-values à la revente des parts**. Les avantages fiscaux dont ce dispositif bénéficiait via les lois Dutreil et TEPA n’existent plus. * Pour les propriétaires non professionnels et non intervenants. ** Sans abattement. « Au début, il vaut mieux acheter un cheval prêt à courir qu’un yearling [pur-sang dans sa deuxième année. NDLR], qui fera sa première course jusqu’à un an et demi après l’achat. Imaginez qu’il n’avance pas ou se blesse. Entre la déception et l’argent investi, entraînement compris, vous êtes définitivement “guéri” des courses. » Autre variable à prendre en compte : les frais d’entraînement. Entre la nourriture, le vétérinaire et autres, ils s’élèvent entre 15 000 et 25 000 euros par an. « En moyenne, le taux de couverture est de 50 % », précise Guy de Fontaine. Mieux vaut donc bien calculer son coup avant de s’aventurer seul dans le monde des « Au début, il vaut mieux acheter un cheval prêt à courir qu’un yearling. » Hervé Chamarty, propriétaire. A NE PAS FAIRE A FAIRE PRENDRE DU TEMPS POUR S’IMPRÉGNER DU MILIEU Pour comprendre comment fonctionne le monde des courses, il faut prendre son temps. Commencer en copropriété avec une connaissance qui a déjà un pied dans le milieu ou en prenant une part dans une écurie de courses afin d’apprendre sans perdre trop d’argent. S’ILLUSIONNER SUR LA RENTABILITÉ Investir uniquement dans l’optique de gagner de l’argent. Cela reste un rendement à la rentabilité incertaine. Ne pas avoir un cheval… trop fort dès le début. « Sinon, on pense qu’on a tout compris, qu’on a la science infuse, et c’est la meilleure façon d’aller dans le mur », avance Hervé Chamarty, professionnel aguerri. 66 CHALLENGES N°354 - 29 AOÛT 2013 courses, d’autant plus que le régime fiscal s’est durci (voir tableau) ces dernières années, avec, notamment, la hausse de la TVA de 7 à 19,6 %. Galop d’essai Les propriétaires débutants peuvent mettre le pied à l’étrier via la copropriété, plus accessible. Il peut y avoir au maximum vingt associés sur un même cheval, et les associés non dirigeants n’auront à justifier que de 38 000 euros de revenus si le cheval est entraîné à Paris, et de 15 000 euros s’il l’est en province. Autre éventualité pour se mettre en selle : acheter des parts dans une écurie. Selon Pascal Adda, qui possède une dizaine d’écuries de courses, ces deux options (copropriété d’un cheval et part d’écurie) sont « une bonne façon de commencer. Cela permet de mutualiser les risques, et les gens sont en contact avec des professionnels qui leur apprennent progressivement les ficelles du métier. Ce sont de bons incubateurs ». Le ticket d’entrée dans l’Ecurie mansonnienne – qu’il a mise sur pied en mars – est de 6 000 euros pour se partager la propriété de neuf chevaux de course pendant deux ans. Les parts d’écurie de l’offre d’Arqana Racing Club, relativement semblable, sont vendues entre 18 000 et 26 000 euros. A l’inverse, l’Ecurie des parieurs RMC, résolument tournée vers le grand SOURCES : CHALLENGES, GILLES OZOUF (FITECO) public, propose des parts à 50 euros, avec la possibilité d’en acheter cinq au maximum. Avantage non négligeable par rapport à la copropriété, les nouveaux propriétaires n’ont pas à recevoir d’agrément de France Galop. Les projets de ce type se sont multipliés, France Galop poussant dans ce sens afin d’augmenter le nombre de propriétaires, qui stagne depuis quelques années. « Au niveau de la réglementation, nous sommes dans une phase d’assouplissement pour l’accession à la propriété, et nous estimons que la multipropriété représente l’avenir du monde des courses », avance Guy de Fontaine. Pari sur l’étalon Enfin, il existe une possibilité d’investir dans les parts d’étalon, ainsi que dans des parts de société d’élevage. Ce type d’investissement procure sans doute moins de frissons et d’émotions, mais les rendements sont moins aléatoires, même si le durcissement de la fiscalité est aussi passé par là (voir tableau). Tout dépend de l’objectif de l’investisseur. « Dans les courses, on s’investit soi-même davantage que ce qu’on investit en réalité. C’est avant tout un loisir de luxe où il est possible de gagner de l’argent. Mais ce n’est que la cerise sur le gâteau, pas la norme », conclut Guy de Fontaine. Nicolas Richaud