Chimie et canettes de boissons…

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BULLETIN
DE
L’UNION
DES
PHYSICIENS
COLLÈGE AUTOUR D’UN THÈME – COLLÈGE AUTOUR D’UN THÈME
Chimie et canettes de boissons…
par Christian WESTPHAL
Collège du Kochersberg - 67370 Truchtersheim
[email protected]
RÉSUMÉ
L’étude des matériaux dans le programme de chimie de troisième doit être centrée
sur des objets et des matériaux quotidiens. La canette métallique est un objet à la fois
simple et courant, correspondant bien aux exigences du programme.
Cet article présente le principe d’une expérience réalisable en troisième.
INTRODUCTION
Les matériaux utilisés dans les objets de consommation courante ne sont pas choisis
au hasard : il s’agit pour les industriels de concilier qualité et coût de production.
À la fin du cycle « matériaux » de troisième, les élèves ont suffisamment de
connaissances pour comprendre et analyser la structure d’une boîte de boisson de type
« Cola » (inutile de citer des marques, les élèves s’en chargeront).
1. LA CANETTE ET SON ENVIRONNEMENT
La canette de boisson est en acier (certaines sont en aluminium, à éviter...). Un
aimant permet de le vérifier et une inscription est généralement présente sur la boîte
(« recyclable steel » ou un malheureux « FE »). Seul le pourtour de la boîte est utilisable,
le haut étant souvent en aluminium.
L’intérieur de la canette est occupé par la boisson, toujours acide. Le pH est voisin
de 3. L’extérieur de la canette est de l’air. Cette constatation, peut-être un peu trop triviale, échappe à pratiquement tous les élèves.
2. LE PROBLÈME
Une fois ces constatations faites, le problème posé est le suivant : « Pourquoi la
canette ne réagit-elle pas avec l’acide ? Pourquoi ne rouille-t-elle pas ? ».
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Dans la plupart des classes, ces deux questions sont posées assez rapidement par les
élèves qui proposent immédiatement des réponses :
– la peinture empêche la boîte de rouiller ;
– il y a du vernis (ou du plastique) à l’intérieur de la canette.
La réalité est un peu plus complexe : ces canettes sont en « fer-blanc » (acier étamé)
recouvert extérieurement d’une peinture et intérieurement d’un vernis (souvent époxyphénolique). Si la présence de l’étain peut n’être que mentionnée, voir éludée, en classe
de troisième, son rôle est malgré tout important dans la corrosion et sera discuté plus loin
[1].
3. L’EXPÉRIENCE
Pour valider ces suggestions, deux expériences sont réalisées. Dans chacune d’elle,
une lamelle de la boîte est poncée pour dégager le métal de la peinture ou du vernis. Les
lames sont ensuite placées dans des conditions un peu plus « agressives » qu’à l’ordinaire.
Rapidement, de petites bulles se forment dans l’acide chlorhydrique à la surface du
métal. Un précipité d’hydroxyde de fer II témoigne de la corrosion du métal. Au bout de
quelques jours, de légères traces de rouille apparaissent sur la lame de fer mais il faut
plus d’une semaine pour voir monter le niveau de l’eau dans le tube, montrant ainsi la
consommation de dioxygène.
Pour que ces expériences soient concluantes, il faut les réaliser avec un témoin : des
lames de métal intactes. Ces expériences sont particulièrement intéressantes à réaliser
avec les élèves qui ont tendance à considérer les résultats des expériences comme acquis
à l’avance. Ces observations sont d’autant plus instructives que les témoins réagissent
quand même, mais uniquement sur les côtés de la lame, là où le métal est mis à nu par
la découpe.
4. LE RÔLE DE L’ÉTAIN
Vernis et peintures sont inertes et étanches : le métal ne peut réagir avec son environnement qu’en cas de rayure plus ou moins profonde. Il faut de plus distinguer les parties interne et externe de la boîte.
Dans le cas d’une rayure superficielle, c’est l’étain qui est mis à nu. À l’air, une
couche d’oxyde se forme et protège la canette de la corrosion. Dans le cas d’une rayure
interne, l’étain réagit lentement avec la solution acide. Cette réaction se poursuit jusqu’à
la perforation de la couche d’étain.
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Dans le cas d’une rayure plus profonde, étain et fer sont mis en contact avec le
milieu environnant. À l’extérieur, le fer, plus réducteur que l’étain, s’oxyde : de la rouille
apparaît sur la boîte.
0
E
2+
(Fe
0
E
2+
(Sn
/ Fe)
/ Sn)
= - 044
, V
= - 014
, V
Avec la solution aqueuse (la boisson), les deux métaux forment une pile électrochimique dont la polarité interviendra sur la corrosion. Les aliments ne correspondant pas
aux conditions normales de mesure des potentiels d’électrodes, dans la plupart des cas,
c’est l’étain qui est le métal le plus réducteur et il joue alors le rôle d’anode sacrificielle.
Par contre, pour les boissons gazeuses (carbonatées), la situation est inversée : l’anode
est formée par le fer qui s’oxyde.
Si la présence de rouille à l’extérieur de la boîte ne cause pas d’autre préjudice
qu’esthétique et commercial, la corrosion interne provoque une modification du goût par
les ions Fe 2 +, un dégagement de dihydrogène et une perforation rapide de la boîte. C’est
pour ces raisons qu’un vernis est utilisé, la protection électrochimique étant inexistante.
Le rôle de l’étain serait plutôt celui de lubrifiant pendant l’emboutissage de la canette.
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CONCLUSION
Ces expériences utilisent un support original et concret. Elles sont bien accueillies
et permettent de faire élaborer un protocole expérimental rigoureux par les élèves.
Le matériel est des plus simples et les expériences ne présentent aucune difficulté
de mise en œuvre. Elles peuvent donc être réalisées par les élèves lors d’une séquence
de cours même si l’on ne dispose pas de groupes à effectifs allégés.
BIBLIOGRAPHIE
Pour une étude exhaustive de la chimie du fer-blanc, voir l’article cité ci-dessous.
[1] VIGNES J.-L., ANDRÉ G. et FOUSSE D. Une vie de fer-blanc - Expériences sur l’élaboration, les propriétés et le recyclage d’un matériau. BUP, avril 1994, vol. 88,
n° 763, p.627-652.
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