LA FÊTE DE PAOPHI ET LE CULTE DES ANCÊTRES

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LA FÊTE DE PAOPHI ET LE CULTE DES ANCÊTRES
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LA FÊTE DE PAOPHI ET LE CULTE DES ANCÊTRES
PAR
RENÉ PREYS
Postdoctoraal Navorser FWO-Vlaanderen
KULeuven
Blijde Inkomststraat 21
B-3000 Leuven
Les textes du temple d’Hathor à Dendera décrivent la déesse Hathor comme source de
toute vie parce qu’elle garantit chaque année le retour de l’inondation et l’apparition des
produits agricoles. Dans ce contexte, elle est fréquemment appelée la fille d’Irta ou la fille
de Noun. Nous avons démontré ailleurs que cette relation généalogique accentue le pouvoir
primordial de la déesse, particulièrement lié à la production alimentaire1. Il nous faut maintenant tenter de placer ce thème dans son contexte plus large.
a. Les calendriers de fêtes et le texte liturgique
Selon le calendrier de fêtes du temple de Dendera, Hathor agit envers son père Noun à
un jour bien précis2∞ :
2e mois d’Akhet, jour 5. Quand vient la première heure, apparition d’Hathor dame de
Iounet avec son ennéade. Se reposer dans la grande salle (wsÌt ¨t). Apporter les offrandes
à son père Noun le grand. Se reposer dans le temple.
À Edfou, le calendrier des fêtes d’Hathor nous donne les renseignements suivants pour
ce jour3∞ :
2e mois d’Akhet, jour 5. Apparition d’Hathor dame de Iounet [avec son ennéade]4.
[Exécuter] tout le rituel. Apporter les offrandes à [son] père Noun le grand. Donner (?)
… […] … (?)5. Placer dans le coffret de roseaux (gwt n Èm), placer vers l’eau (rdít r
1
Voir R. Preys, RdE 57 (2006), p. 199-215.
Dend. IX 164, 7 et 163, 2.
3
Edfou V 349, 8-11.
4
Restitution par M. Alliot, Le culte d’Horus à Edfou (BdE 20), 1949, p. 223 et suivi par A. Grimm, Die altägyptischen
Festkalender in den Tempeln der griechisch-römischen Epoche (ÄAT 15), 1994, p. 35.
5
Nous lisons au début le verbe rdít. A. Grimm, op. cit., p. 35, restitue à la fin [Ìt nbt] bnrt (“alle (?) süßen Speisen”)
tandis que M. Alliot, op. cit., p. 223, lit le dernier signe rw∂ («des plantes vertes»).
2
Revue d’Égyptologie 58, 111-122. doi: 10.2143/RE.58.0.2028218
Tous droits réservés © Revue d’Égyptologie, 2007.
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Èm-nty)6 sans que quelqu’un ne le voie ou ne l’entende. Donner l’un à elle et l’autre à
son père (?). C’est le phallus qui fait pousser ce qui existe. Le faucon femelle, dame de
la menat, souveraine des cornes, dit-on à son sujet.
En dépit des problèmes que posent ces textes7 pour comprendre ce qui se passait réellement, les deux protagonistes, leur relation généalogique et leur interaction sont clairement
identifiés. Il s’agit de la déesse Hathor apportant des offrandes à son père Noun instaurant
ainsi un culte d’ancêtre.
Le grand texte liturgique gravé sur la porte d’entrée du pronaos du temple de Dendera8
nous informe sur le déroulement de la fête du 5 Paophi, également appelée la Fête de
l’Apport des Plantes-tÌ. Elle était célébrée seize jours après la Fête de l’Ivresse du 20 Thot.
Plusieurs éléments permettent de relier les données des calendriers à celles du texte
liturgique. Les deux sources semblent diviser le déroulement de la fête en deux parties.
Les calendriers mentionnent d’abord l’apparition de la déesse avec son ennéade. Ensuite,
la déesse se repose dans la grande salle (wsÌt ¨t) selon le calendrier de Dendera. Le
calendrier d’Edfou mentionne l’exécution du rituel, sans autre détail. Ceci est plus développé par le texte liturgique montrant clairement que l’ennéade mentionnée par les calendriers est en fait Hathor la Menat, Hathor chef du grand siège9, Harsomtous seigneur de
Khadit et Ihy. Pour Hathor, Harsomtous et Ihy, les prêtres récitent l’offrande litanique.
Cette offrande en faveur des dieux «en tous leurs noms» se trouve gravée sur la porte de
la Salle de l’Apparition de Dendera et il est fort probable qu’à cet endroit il faille chercher la wsÌt ¨t10.
La seconde partie du rituel est résumée selon le calendrier de Dendera par la phrase
«apporter les offrandes à son père Noun le grand». Cette phrase se retrouve dans le calendrier d’Edfou qui introduit cependant quelques détails. Malheureusement le texte est lacunaire et difficile à interpréter. Si la phrase suivante débute avec rdít et se termine par Ìt nbt
bnrt, on peut supposer que nous y avons une énumération des offrandes à Noun. La difficulté de ce qui suit réside dans l’emploi du verbe rdít sans objet. Quelque chose est placé
dans le coffret de roseau (gwt n Èm) et quelque chose est placé vers l’eau (Èm nty)11.
6
Pour les différentes traductions, voir A. Grimm, op. cit., p. 184. Les mots que nous traduisons par «roseaux» et «eau»
sont interprétés par M. Alliot, op. cit., p. 223, comme Èm-smw («créateur des plantes») et Èm-nty («créateur de l’eau»).
B. Gessler-Löhr, Die Heiligen Seen ägyptischer Tempel, (HÄB 21), 1983, p. 332-333, y voit une chambre secrète dans le
lac sacré.
7
Pour ces problèmes, voir A. Grimm, op. cit., p. 35.
8
S. Cauville, Dendara. Les fêtes d’Hathor (OLA 105), 2002, p. 98-103.
9
Pour ces formes d’Hathor, voir R. Preys, SAK 34 (2006), p. 353-357. Pour leur rôle dans la fête, voir infra.
10
Cette wsÌt ¨t est probablement mentionnée dans l’hymne du texte liturgique sous le nom de wsÌt m-Ìnt ítdí. Pour
ces correspondances∞∞: S. Cauville, op.cit., p. 107.
11
La traduction selon laquelle l’offrande serait destinée au «créateur du flot» ne constitue pas une différence majeure.
Le créateur du flot serait alors Noun qui est lui-même l’eau.
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Après l’offrande litanique, une seconde procession se forme selon le texte liturgique. Il
s’agit maintenant de porter le coffre de papyrus (hn n ídÌw) contenant le rituel de fête des
plantes-tÌ (t wpt tÌ). On se dirige alors vers le ∂∂, une construction que l’on aimerait
situer autour du lac sacré12.
Le Ìn n ídÌw est probablement identique au gwt n Èm du calendrier. Le lien du coffret
de papyrus avec la Fête de l’Ivresse est confirmé par le calendrier de la porte du temple de
Mout13. Le texte est malheureusement lacunaire mais il est question d’offrandes qu’Hathor
apporte à Imenrenef, qu’il faut ici comprendre comme la forme thébaine de Noun. Ces
offrandes sont désignées comme hbnt n tÌ et hn n ídÌw14.
Ce qu’il faut comprendre par t wpt n’est pas certain. S’agit-il d’un papyrus inscrit avec le
rituel? Si tel est le cas, on pourrait penser au «livre de Hapy» contenant une énumération des
offrandes en l’honneur de l’inondation15. Le rituel consistait à «jeter le livre de Hapy» ce qui
revenait à offrir les offrandes au dieu. La question de savoir si le livre était jeté dans l’eau
reste ouverte mais l’action rdít r Èm-nty mentionnée par le calendrier pourrait évoquer un
rite semblable exécuté non pas près du Nil, mais bien près du lac sacré à l’intérieur du temenos, là où personne ne peut le voir ou l’entendre comme le calendrier le prescrit.
Il est probable qu’à ce moment, les prêtres entament l’hymne du texte liturgique. Dans
le premier verset, le père Rê se réjouit de voir sa fille et la déesse est invitée à tourner son
visage vers le puits d’eau primordiale. S. Cauville transcrit le passage íí.wy Ìr.s r Ìnmt
nww16 et propose avec réserve d’y voir le puits-nilomètre situé au nord du lac. On pourrait
également comprendre íí.wy Ìr.s r Ìnm m nwn «que son visage se tourne pour s’unir à
Noun». Ceci pourrait dès lors évoquer le rituel que la déesse exécute pour son père selon
les calendriers.
b. Les scènes d’offrandes mentionnant la fille de Noun/Irta
L’hymne montre l’importance des thèmes agricoles, en particulier la fertilité de la terre
et la production des aliments. Ceci correspond aux thèmes que développe l’épithète «fille
de Noun/Irta» portée par Hathor. Il est donc fort probable que cette épithète évoque le
contexte de la Fête du 5 Paophi.
12
S. Cauville, op.cit., p. 106, note 91.
S. Sauneron, La porte ptolémaïque de l’enceinte de Mout à Karnak (MIFAO 107), 1983, pl. VIII (6, 15-17)∞∞; A. Spalinger, RdE 44 (1993), p.166-167.
14
Le mot qui suit ídÌw est malheureusement détruit. Un «t» et un déterminatif de plantes pourraient suggérer le mot tÌ.
15
Ces rites sont évoqués par les stèles ramessides du Gebel Silsileh (P. Barguet, BIFAO 50 [1952], p. 49-63), par le
papyrus Harris I (P. Grandet, Le Papyrus Harris I (BM 9999) [BdE 109], 2005, vol I p. 274, 289, vol II p. 143, 172) et par
le temple d’Esna (Esna III 289∞∞; V 54).
16
S. Cauville, op.cit., p. 100-101.
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Les épaisseurs des montants du sanctuaire mentionnant les fêtes du temple le confirment
explicitement. Le montant droit rappelle qu’Hathor est «la fille d’Irta, venue à l’existence
quand la terre était (encore) dans l’obscurité, quand il n’y avait pas (encore) de champs, la
belle fille, belle à voir, on n’en voit pas d’autre avant elle, pour qui on fait l’ivresse, pour
qui on répète l’ivresse»17. Le texte continue en évoquant Celle d’Edfou en relation avec la
fête d’Epiphi et se termine par le don de la royauté par Rê à Hathor, thème qui rappelle les
scènes d’investiture liées à l’offrande de la boisson-menou lors de la Fête de l’Ivresse18.
L’importance donnée à la Fête de l’Ivresse, placée en première position avant la fête d’Epiphi et la Fête du Nouvel An, est confirmée par l’emplacement des grands textes liturgiques
du pronaos. Les textes du 20 Thot et du 5 Paophi sont placés du côté droit, ceux d’Epiphi
et du 1er Thot du côté gauche19.
Certaines scènes viennent confirmer le lien entre «la fille de Noun/Irta» et la Fête de
l’Ivresse. Le troisième registre à l’intérieur du sanctuaire semble rapprocher l’épithète du
rituel des ancêtres. La fille d’Irta est une première fois mentionnée dans le rite de purification à l’aide des vases-nemset20. Il est dédié à une forme spécifique d’Hathor appelée
“celle qui réside dans sa barque” (Ìryt-íb wí.s). Couplée à la purification avec les vasesdesheret et suivie de la purification avec le natron du sud et du nord, cette scène évoque
le rituel de purification tel qu’on peut le trouver dans le rituel de l’Ouverture de la
Bouche21.
La fille d’Irta réapparaît dans la dernière scène du registre. Dans cette offrande du pain22,
Horus n’est pas explicitement appelé Noun, mais il est «le cracheur (de l’inondation)23 qui
nourrit ce pays». Il est donc fort probable qu’Horus se présente comme le créateur du
monde (pt-t-dwt) et de ses habitants (rm†-n†rw) accompagné de sa fille (st írt) qui
détient le pouvoir sur les aliments (nbt spsw Ìnwt nbt Ìtpw) nécessaires à la survie aussi
bien des hommes que des dieux. Le fait que la déesse soit «fille d’Irta sortie de son corps»
indique qu’elle prend également soin de son père, c’est-à-dire Horus. Ce thème constitue
ainsi la continuation de la première scène du registre.
Le texte rituel de la fête de Paophi mentionne explicitement la participation de deux
formes d’Hathor∞∞: Hathor la Menat et Hathor chef du grand siège24. Celles-ci apparaissent
17
Dend. I 20, 4-5.
Pour l’épithète rdí n.s r¨ Ìt.f nst.f ÌÈ.f nswyt.f, voir R. Preys, Les objets sacrés d’Hathor et la royauté de Rê (SAK)
(sous presse). Le montant gauche place Isis dans le contexte de la fête du Nouvel An (Dend. I 20, 14∞∞: nbt tp rnpt Ìnwt
smyw wbnt m wp-rnpt r wpt rnpt nfrt).
19
Voir S. Cauville, op.cit., 2002, p. 67.
20
Dend. I 50, 6-7.
21
Voir E. Otto, Das ägyptische Mundöffnungsritual (ÄA 3), 1960, p. 37-48.
22
Dend. I 52, 11. Hathor y fait partie de l’ennéade d’Edfou. Pour l’étude de ces scènes et l’ennéade d’Edfou, voir
R. Preys, SAK 34 (2006), p. 353-357.
23
Voir LGG VI 411b qui ne connaît que cette attestation.
24
S. Cauville, op. cit., p. 104∞∞; pour ces manifestations d’Hathor, voir R. Preys, SAK 34 (2006), p. 353-375.
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dans les deux autres tableaux du registre, l’offrande de la menat25 et l’offrande du diadème26. Cette dernière est particulièrement intéressante parce qu’elle constitue une dérogation à une règle assez générale du temple de Dendera. En effet, la paroi arrière des chapelles contient presque toujours un couple d’offrandes de Maât au premier registre et le
couple d’offrandes de tissu et d’onguent au deuxième ou troisième registre. L’offrande de
l’onguent peut varier entre Ìnk m∂ et sms ¨ntyw mais l’offrande du tissu est toujours Ìnk
mnÌt27. Le choix de remplacer Ìnk mnÌt par Ìnk mÌ n ∂¨m peut s’expliquer par l’importance du diadème dans le contexte de la Fête de l’Ivresse28.
Paroi est
Paroi sud
1e scène
2e scène
3e scène
4e scène
1e scène
Offrande
vases-nemset
natron du sud
menat
pain
diadème
Hathor
fille d’Irta
(Nekhbet)
la Menat
fille d’Irta
chef du grand siège
ennéade d’Edfou
Ainsi, plusieurs éléments du troisième registre du sanctuaire évoquent la fête de Paophi.
Puisque la fête de Paophi était l’occasion pour Hathor de se déplacer à Edfou29, il n’est pas
étonnant de retrouver l’ennéade d’Edfou au troisième registre30. Sa présence accentue ainsi
les liens entre les deux centres théologiques pendant la fête de Paophi.
Les scènes du sanctuaire nous permettent d’évoquer d’autres ensembles. Dans l’offrande
du diadème, Hathor chef du grand siège est appelée «celle qui apaise son père Rê avec ce
qu’il aime»31. Cette épithète est particulièrement intéressante dans le contexte de la fête du
5 Paophi. Horus qui accompagne Hathor est «le beau disque qui éclaire le double pays» et
peut donc être identifié à Rê, mentionné dans l’épithète de la déesse. Tout comme dans la
quatrième scène, Horus joue donc le rôle du père32. L’identification d’Horus à Rê qui
25
26
27
Dend. I 51, 12.
Dend. I 53, 13.
Pour ces règles, voir R. Preys, Les complexes de la Demeure du Sistre et du Trône de Rê (OLA 106), 2002, p. 231-
232.
28
L’offrande du vin est souvent couplée à celle du diadème. Les deux offrandes peuvent même être rassemblées dans
une scène (Dend. II 14, 43∞∞; III 82∞∞; IV 238). Pour la mention du diadème dans l’offrande du vin, voir Dend. I 135, 6∞∞;
II 44, 16∞∞; 70, 6-7∞∞; 186, 15∞∞; III 58, 7-8∞∞; 82, 9-11. Pour la mention de l’ivresse dans l’offrande du diadème, voir Dend.
II 119, 18∞∞; III 157, 9.
29
Voir W. Waitkus, GM 135 (1993), p. 105-111∞∞; R. Preys, «Le rituel de la fête du 5 Paophi», ZÄS 134 (2007), p. 4049.
30
Pour l’ennéade d’Edfou à Dendera, voir S. Cauville, BIFAO 88 (1988), p. 7-23∞∞; R. Preys, SAK 34 (2006), p. 356.
31
sÌtp ít.s r¨ m mr.f∞∞: Dend. I 53, 13.
32
Dans l’offrande du pain à Horus, le roi est «celui qui apporte les offrandes à Rê» bien que le premier dieu dans la
série soit Horus.
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devient alors le père de la déesse est fréquente33. Elle est surtout intéressante quand il s’agit
d’une scène d’investiture d’Hathor34 car cela montre qu’Horus d’Edfou peut jouer le rôle
du père d’Hathor dans le contexte de la Fête de l’Ivresse.
La déesse «qui apaise son père Rê avec ce qu’il aime» nous mène à une autre scène
où apparaît une variante de l’épithète dans un contexte clairement lié à la Fête de
l’Ivresse. Dans l’apport de l’eau de l’inondation qui figure sur le linteau de la porte ouest
du Couloir Mystérieux, Hathor chef du grand siège est dite apaiser son père Noun tandis
que la compagnie qui est dans le Noun35 l’acclame36. L’identification du père avec
Noun permet de considérer Hathor comme la fille de Noun et d’interpréter son action
comme une évocation du rituel du 5 Paophi tel que le décrivent les calendriers. Il est
intéressant de remarquer que la déesse agit en tant que «dame de nourriture, maîtresse de
provisions»37 exprimant ainsi le lien avec la production alimentaire, thème caractéristique aussi bien de la fête de Paophi, de la fille de Noun38, que du chef du grand siège39.
Il est donc fort probable que l’épithète de l’offrande du diadème dans le sanctuaire
évoque le même contexte∞∞: «ce qu’il (Rê) aime (m mr.f)», c’est en fait «les produits
alimentaires».
La scène de la porte ouest du Couloir Mystérieux mentionne également Hathor la Menat
de sorte que les trois manifestations (fille d’Irta, chef du grand siège, la Menat) sont à nouveau réunies. Les épithètes de la Menat viennent encore confirmer le lien avec la fête de
Paophi car elle est la «dame des plantes-tÌ qui émergent hors du Noun»40. Les plantes-tÌ
sont assez rarement mentionnées pour que l’on suggère un lien avec la «Fête d’apporter les
plantes-tÌ», autre nom de la Fête du 5 Paophi41.
33
Voir particulièrement le second registre du Trône de Rê (R. Preys, Les complexes de la Demeure du Sistre et du
Trône de Rê [OLA 106], 2002, p. 380-390).
34
Pour plusieurs exemples, voir S. Cauville, Dendara. Les fêtes d’Hathor (OLA 105), 2002, p. 82-97.
35
Pour la compagnie de dieux dans le Noun, voir la Chambre du Nil à Edfou (Edfou II 232, 3∞∞; 255, 11, 14, 15∞∞; 259,
10, 14, 16). Un hymne sur la porte de la Demeure de la Menat mentionne également l’adoration de la déesse par cette compagnie (Dend. III 133, 12∞∞; pour la Demeure de la Menat et la fête de Paophi, voir R. Preys, «Le rituel de la fête du 5 Paophi», ZÄS 134 (2007) p. 40-49. Ce texte mentionne aussi le don de la royauté de Rê à la déesse (Dend. III 133, 7) qui rappelle l’investiture de la déesse lors de la Fête de l’Ivresse (voir R. Preys, Les objets sacrés d’Hathor et la royauté de Rê
[SAK], sous presse). La compagnie du Noun est également mentionnée dans le cadre des rites pour l’inondation au Gebel
Silsileh et dans le papyrus Harris I (voir note 14).
36
sÌtp.s ít.s nwn∞∞: Dend. I 80, 4-5.
37
nbt kw Ìnwt ∂fw.
38
Voir R. Preys, RdE 57 (2006), p. 199-215.
39
R. Preys, SAK 34 (2006), p. 366-370.
40
Dend. I 80, 5-6. S. Cauville, Dendara I (OLA 81), 1998, p. 127 traduit «la maîtresse de l’ivresse (?), pour [laquelle]
le flot se répand», suivie en cela par le LGG VII 435a qui traduit cependant l’épithète précédente «Die Herrin der tÌwPflanze» (LGG IV 163c).
41
Pour l’apport des plantes-tÌ, voir Dend. VI 65, 23 qui décrit le rituel d’offrandes du 5 Paophi∞∞; R. Preys, ZÄS 134
(2007) p. 40-49. Voir aussi Edfou V 169, 16-18∞∞; 223, 13-16. Pour la plante-tÌ∞∞: J.-Cl. Goyon, Bulletin du Cercle lyonnais
d’Egyptologie Victor Loret 6 (1993), p. 7-16.
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L’épithète peut être comparée à l’hymne à Hathor gravé sur le montant de la Demeure de
Somtous. L’hymne mentionne «les plantes-tÌ émergeant du Noun» dans un contexte de parfum. La déesse apparaît ensuite «pour recevoir l’ivresse dans ta maison, dans la maison de
ton père afin que tu puisses répéter l’ivresse dans le grand siège»42. Il est dès lors clair que
la Demeure de Somtous joue un rôle lors du rituel de la Fête de l’Ivresse. Selon le texte rituel
de la fête de Paophi, Harsomtous participe à la fête à côté des trois formes d’Hathor43. Ce
même texte mentionne à plusieurs occasions le parfum de la déesse∞∞; la mention des plantestÌ dans l’hymne de la Demeure de Somtous évoque probablement le même contexte. Dans
l’hymne du montant parallèle, Harsomtous est présenté comme «Irta qui a créé ce qui existe,
le vieillard qui se rajeunit éternellement»44. Harsomtous joue donc le rôle du père d’Hathor
qui ne peut être qu’Hathor fille d’Irta. Plusieurs éléments permettent de confirmer le lien
entre la chapelle et l’ivresse. L’offrande du lotus sur le linteau de la chapelle est dédiée à
Hathor la Menat, dame du lotus de l’étang45. La décoration de la chapelle comprend également l’offrande de la boisson-menou46 ainsi que l’offrande des pains47, semblable à celle du
troisième registre du sanctuaire. L’implication de la Demeure de Somtous n’est pas sans
importance pour la fête de Paophi car elle évoque probablement le déplacement de la déesse
à la tombe de son père-ancêtre personnifié par le serpent primordial Harsomtous. Bien que la
Demeure de Somtous décrive principalement la fête de Khadit, autre fête impliquant la
nécropole, nous verrons que cette fête peut être couplée à la fête de Paophi48.
Selon le texte rituel du 5 Paophi, le dieu Ihy participe également à la fête. Sa chapelle
contient la même combinaison de l’offrande de la boisson-menou et des pains49. Ces
scènes sont précédées par la purification avec les vases-nemset et -desheret. Les trois
couples contiennent assez de références au culte des ancêtres mais l’offrande de la boisson-menou, offrande spécifique de la Fête de l’Ivresse, est particulièrement intéressante
parce que la déesse y est «la bonne nourricière des ancêtres»50. Au second registre, la
déesse est la fille d’Irta dans une offrande de plantes51 située au-dessus de l’offrande du
menou. L’offrande des plantes fait partie d’une série qui décrit la déesse comme garante
42
Dend. II 166, 2.
Voir S. Cauville, Dendara. Les fêtes d’Hathor (OLA 105), 2002, p. 104. Harsomtous est également présent sur le linteau de la porte du Couloir Mystérieux en tant que «celui qui apporte l’inondation, qui amène les aliments, qui fait l’eau et
crée les hommes, qui donne le souffle à tous les nez» (Dend. I 80, 7-8).
44
Dend. II 166, 12-13.
45
Dend. II 164, 1-2∞∞; ce lotus de l’étang est également mentionné en relation avec le parfum de la déesse dans le texte
rituel du 5 Paophi, S. Cauville, op. cit., p. 102.
46
Dend. II 175, 7-176, 4.
47
Dend. II 180, 2∞∞; 190, 17.
48
Pour la chapelle de Somtous et les fêtes de la nécropole, voir W. Waitkus, SAK 30 (2002), p. 387-390.
49
Dend. III 110, 18∞∞; 111, 17∞∞; 121, 8.
50
Dend. III 11, 14-15. Dans l’offrande du pain, la déesse est «celle qui donne le pain aux ancêtres» (Dend. III 112, 3∞∞;
11-12).
51
Dend. III 115, 8.
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du lever du soleil52, ensuite comme garante de l’apparition des plantes53 et finalement
comme garante des offrandes destinées aux dieux-ancêtres54. L’intérêt de la Demeure d’Ihy
est l’insertion du rituel des ancêtres dans un contexte solaire qui convient d’ailleurs à l’épithète de fille de Noun/Irta55. Le second registre se termine sur la paroi ouest par deux
scènes qui décrivent le cycle solaire56.
La participation d’Harsomtous et Ihy à la fête du 5 Paophi et les références à cette fête,
parmi lesquelles la mention d’Hathor fille de Noun/Irta et la présence de l’offrande de la
boisson-menou, dans les chapelles dédiées à ces deux divinités montrent que le cycle
solaire joue un rôle non négligeable dans la conception de la Fête de l’Ivresse.
Une lecture verticale des scènes de la paroi ouest de la Salle de l’Apparition57 éclaire
également le lien entre la Fête de l’Ivresse et le culte des ancêtres.
Au second registre de la paroi ouest, deux scènes sont dédiées à Hathor la Menat.
La seconde scène du registre est une offrande de vin où la déesse est désignée comme
«la dame de l’ivresse à la tête de la Place de l’Ivresse»58. Dans la quatrième scène du
registre, Hathor reçoit les tissus avec lesquels Ptah l’orne tandis que Rê la protège de ses
deux bras59. Ces actions de Ptah et Rê renvoient directement à la Fête de l’Ivresse et aux
scènes d’investiture d’Hathor liées à l’offrande de la boisson-menou60. Dans l’offrande du
tissu, Hathor est accompagnée d’Horus «qui apparaît dans le ciel, qui éclaire le double
pays de son disque»61. Il est fort probable qu’Horus d’Edfou joue ici encore le rôle de Rê,
le père de la déesse car dans la scène du deuxième registre de la paroi nord, Horus d’Edfou
prend la forme de Rê pour qui le roi soulève le ciel62. Il est accompagné d’Hathor la Menat
dont les épithètes sont presque identiques à celles d’Hathor dans l’offrande du vin63.
52
Voir les encensements, où Hathor est «l’œil droit de Rê qui apparaît grâce à elle» (Dend. III 114, 12) ou encore
«celle qui soulève le disque vers le ciel tous les jours, qui soulève le ciel sur ses bras» (Dend. III 123, 16-17).
53
Voir les offrandes de plantes dans lesquelles apparaît l’épithète st írt.
54
Voir les offrandes alimentaires où la déesse est «celle qui donne les pains-senou aux dieux-gardiens, … celle qui
donne le pain blanc aux ancêtres» (Dend. III 116, 1-2).
55
L’attestation de l’épithète «fille d’Irta» dans le Vestibule Central (Dend. IV 87, 5) fait également partie du rituel des
ancêtres. La libation du second registre où se trouve l’épithète fait partie d’une série verticale de scènes qui contient également une offrande de pain blanc aux ancêtres (Dend. IV 83, 12). Pour la lecture verticale des scènes du Vestibule Central,
voir R. Preys, ZÄS 128 (2001), p. 153-154.
56
Dend. III 116, 7-16∞∞; 125, 10-126, 3.
57
Pour le rôle de la Salle de l’Apparition selon le texte liturgique et les calendriers, voir supra.
58
Dend. IX 77, 14-15.
59
Dend. IX 79, 6.
60
Voir S. Cauville, op. cit., p. 80-81.
61
Dend. IX 79, 4.
62
Pour l’importance de l’horizon, la royauté d’Hathor et la Fête de l’Ivresse, voir R. Preys, Les objets sacrés d’Hathor
et la royauté de Rê, [SAK] (sous presse).
63
ÌtÌr nbt íwnt t mnít írt r¨ Ìryt-íb bÌdt spst Ìntyt Ìwt-ssst wrt n pt sÌ∂t twy m stwt ítnt snt n ítn ∞ : Dend. IX 76, 34∞∞; [ÌtÌr nbt íwnt t] mnít írt r¨ Ìryt-íb bÌdt […] n†rw nbw nbt tÌ Ìntyt st-tÌ […] nwÌ Ìnwt wt-íb wrt n pt sÌ∂t twy m stwt
[ítnt snt n] ítn ∞ : Dend. IX 77, 14-16.
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Le lien entre Hathor la Menat et Edfou est particulièrement présent dans l’offrande du
tissu où la déesse n’est pas seulement la Menat apollinopolitaine64, mais également «la
puissante à Outjeset-Her, Celle de Behedet, au plumage bigarré». La déesse se manifeste
donc comme le faucon féminin qui se déplace à Edfou lors de la fête de Paophi65.
C’est ce lien avec Edfou qui permet de rattacher l’offrande du tissu aux scènes situées
dans la même colonne aux troisième et quatrième registres. Au troisième registre, Isis
«Hedjedet à Edfou»66 repousse les serpents afin de protéger le corps d’Osiris «qui réside
à Behedet»67. L’aspect funéraire est non seulement indiqué par le rite de libation exécuté
par le roi, mais également par l’épithète ∂sr st d’Osiris68. L’offrande alimentaire au quatrième registre ajoute à l’aspect funéraire du rituel l’idée de culte des ancêtres. Hathor «la
Menat qui réside à Behedet» devient la fille d’Irta, «la dame de nourriture-ka qui offre les
aliments-ka aux ka, qui donne la vie aux vivants»69. Elle est accompagnée de son fils Harsomtous qui «donne le pain aux ancêtres-∂rtyw, qui apporte les offrandes à ceux qui sont à
sa suite»70.
Une lecture verticale peut aussi être proposée au-dessus de l’offrande du vin. L’Horus
létopolite recevant l’œil-oudjat est le protecteur d’Osiris71. Ceci correspond bien à l’aspect
osirien de la libation au-dessus de l’offrande du tissu. Au quatrième registre, Amonemope72
reçoit l’encensement et la libation décadaires du roi73. Cette scène permet de faire le lien
entre la Fête de l’Ivresse et la fête décadaire thébaine74, renforçant ainsi l’idée du culte des
ancêtres de l’offrande alimentaire au-dessus de l’offrande du tissu.
Le lien entre les deux fêtes ne doit pas surprendre puisque les documents thébains font
de même. Une scène de la porte d’Evergète à Karnak75 suggère un lien entre la fête de la
64
C’est-à-dire t mnít Ìryt-íb bÌdt ∞ : Dend. IX 77, 14∞∞; 79, 1. Pour les différents aspects d’Hathor la Menat, voir
R. Preys, SAK 34 (2006), p. 357-365.
65
Pour cette manifestation d’Hathor et la relation avec la fête de Paophi, voir R. Preys, ZÄS 134 (2007) p. 40-49.
66
Dend. IX 86, 1. Pour Hedjedjet, voir J.-Cl. Goyon, BIFAO 78 (1978), p. 439-458. Isis Hedjedjet à Edfou est également accompagnée d’un Osiris qui réside à Edfou dans une libation de la chambre B’ (Dend. IX 191,14-192, 10). Dans la
scène parallèle, Hathor la Menat est suivie d’Harsiésis (Dend. IX 176, 13-177, 8). Ces deux scènes contiennent également
des références au culte funéraire.
67
Dend. IX 86, 3.
68
Pour cette épithète dans un contexte de nécropole, voir l’étude de la même épithète pour Sobek de Shedbeg (A. Gutbub, Textes fondamentaux de la théologie de Kom Ombo [BdE 47], 1973, p. 265-267). Osiris est «celui dont la forme
secrète est sacrée à Tarer» tandis qu’Isis «repousse les serpents de Tarer».
69
Dend. IX 92, 8∞∞; 10-11.
70
Dend. IX 92, 13.
71
Dend. IX 83, 15-16.
72
Les troisième et quatrième registres de la Salle de l’Apparition contiennent aussi un message géographique, rassemblant les dieux de l’Égypte entière lors de l’apparition d’Hathor (voir Dend. XI, p. xi-xii).
73
Dend. IX 90, 9.
74
Pour la fête décadaire et les théologies de Dendera et Edfou, voir M.-Th. Derchain-Urtel, Priester im Tempel (GöF
IV 19), 1989, p. 144-151.
75
P. Clère, La porte d’Evergète à Karnak (MIFAO 84), 1961, pl 68.
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nécropole et la Fête de l’Ivresse autour de la figure d’Hathor76. Celle-ci est désignée
comme la déesse «sauveuse»77 pour qui Rê a instauré la Fête de l’Ivresse quand elle sortit
du Bel Occident. Fête de l’Ivresse et culte funéraire sont également rassemblés par l’image
et le texte. Le roi est représenté exécutant le rituel de l’encensement mais ses paroles répètent l’hymne de l’offrande de la boisson-menou. La conception de la déesse primordiale est
développée par la scène parallèle où Amonet reçoit l’offrande-¨bt78. Amonet est «la mère
des mères, qui n’a pas d’égale, la déesse primordiale qui accompagne le dieu primordial»
Elle est venue à l’existence au début ayant mis au monde le disque solaire. Elle nourrit le
roi comme Hathor l’a fait pour son fils Ihy. L’Amonet primordiale est ainsi identifiée à
Hathor, dame de la nécropole. L’encensement et la grande offrande sont les rites les plus
importants dans le rituel décadaire de la nécropole thébaine tel qu’il est développé à
l’époque tardive79. Ce lien devient encore plus clair par la présence des deux encensements
et libations à l’ogdoade situés au même registre. Ainsi, Amonet-Hathor devient la déesse
primordiale qui va «sauver» les dieux enterrés à Djémé grâce au culte funéraire80.
Le deuxième registre de la paroi ouest de la Salle de l’Apparition évoquerait la Fête de
l’Ivresse par l’offrande du vin et l’investiture d’Hathor. Le troisième registre développe le
thème funéraire par la présence d’Osiris et la destruction de ses ennemis81. Finalement, le
2e colonne
reg. offrandes
e
4e colonne
divinité
thèmes
offrandes
divinité
produits
Hathor
alimentaires d’Edfou
thèmes
4
encensement/ Amon
libation
Culte décadaire
Culte des ancêtres
par la fille d’Irta
3e
œil-oudjat
Horus
Protection
libation
d’Osiris par Horus
Isis
d’Edfou
Protection d’Osiris
par Isis
2e
vin
Hathor
d’Edfou
Dame de l’Ivresse tissu
Hathor
d’Edfou
Investiture
d’Hathor
76
Rappelons qu’Hathor apporte les offrandes à Imenrenef lors de la Fête de l’Ivresse (calendrier de la porte du temple
de Mout∞∞; voir note 14).
77
Une des épithètes est «celle qui sauve le noyé», nom de la nécropole de Kom Ombo. Cette même épithète est portée par Hathor sur une colonne de la cour du temple d’Edfou (Edfou V 256, 16) dont des offrandes de la boisson-menou et
des sistres évoquent les fêtes du temple (voir R. Preys, ZÄS 134 [2007] p. 40-49).
78
P. Clère, op. cit., pl 48. Le roi est de nouveau représenté encensant la déesse mais ses paroles évoquent la grande
offrande alimentaire.
79
Voir Cl. Traunecker, La chapelle d’Achoris à Karnak II, 1981, p. 135.
80
Pour la nécropole thébaine et l’ivresse, voir A. Gutbub, in Mélanges Maspero I, Orient Ancient (MIFAO 66), 1961,
p. 46-50.
81
Le thème de la destruction des ennemis est également développé par l’hymne du texte liturgique, voir S. Cauville,
Dendara. Les fêtes d’Hathor (OLA 105), 2002, p. 101-103.
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quatrième registre établit le lien avec le rituel des ancêtres en mettant en parallèle le rituel
d’Hathor pour Noun/Irta et le rituel décadaire thébain.
Cette suite d’idées n’est pas propre à la Salle de l’Apparition. On peut la retrouver horizontalement au deuxième registre de la Salle des Offrandes. La série débute par le couple formé
par la présentation du vase-nemset et le rite wÌ-Ìt dont les thèmes évoquent le rituel funéraire82. Les couples suivants développent le thème des boissons alcoolisées et de la destruction
des ennemis83. L’idée centrale de l’offrande des pains blanc et sns est le culte offert aux
ancêtres84 qui culmine dans l’offrande de la boisson-menou couplé au rite nís dbÌt Ìtpw85.
La Fête de l’Ivresse est aussi évoquée par les colonnes I et IV de la Salle de l’Apparition.
Selon la scène ouest de la colonne I, le saule est érigé à deux occasions∞∞: lors de la Fête de
l’Ivresse et le premier mois de Shemou86. La seconde date réfère probablement à la Fête de
la Nouvelle Lune de Pakhons quand Harsomtous visite la nécropole de Khadit. Il est donc
fort probable que l’érection du saule dans le cadre de la Fête de l’Ivresse renvoie également
à la visite de la nécropole87. La scène parallèle de la colonne IV88 montre le roi offrant la
campagne à Hathor «fille d’Irta, sortie de son corps, venue à l’existence antérieurement avec
son père Noun»89. Elle est accompagnée d’Horus d’Edfou. Appelé Kematef90, celui-ci joue
de nouveau le rôle du père. L’érection du saule symbolise le retour de la végétation et donc
la prospérité du pays. La scène de la Salle de l’Apparition ne permet cependant pas d’affirmer que le rite était exécuté dans la nécropole où l’on sait que des arbres étaient plantés91.
82 Le roi se présente d’une part comme Horus faisant le wÌ-Ìt pour son père (Dend. VII 36, 6) et d’autre part comme
le prêtre-sem (Dend. VII 75, 10). Les scènes de la série ouest ont des connotations plus osiriennes que celles de la série est.
83
Dend. VII 36, 13-37, 10 et 76, 2-15∞∞; Dend. VII 37, 13-38, 6 et 77, 3-14.
84
Dend. VII 38, 9-39, 2∞∞; 77, 16-78, 13. La série ouest contient une scène de libation supplémentaire où la déesse est
elle-même dite exécuter le rite wh Ìt pour les dieux (Dend. VII 78, 15-79, 10).
85
Dend. VII 39, 5-43, 2∞∞; 79, 13-81, 6.
86
Dend. IX 95, 13-16.
87
Pour l’érection du Saule, voir A. Gutbub, LÄ VI 1164∞∞; P. Koemoth, Osiris et les arbres (AegLeod. 3), 1994, p. 213-224.
Dans la crypte ouest 2 un diadème tressé à l’aide de (feuilles de) saules est porté par les déesses (Dend. VI 114, 8). La présence
de l’offrande de la boisson-menou et du rite de couronnement de la déesse par Rê et Ptah évoquent la Fête de l’Ivresse.
88
Sur l’abaque de la colonne IV sont rassemblées Hathor la Menat, Hathor chef du grand siège et Hathor qui réside
dans sa barque (Dend. IX 110, 15∞∞; 111, 3∞∞; 111, 10). Hathor qui réside dans sa barque est également présente au troisième
registre du sanctuaire (voir supra), dans le kiosque du toit où elle est encadrée d’Hathor la Menat et Hathor chef du grand
siège, qui reçoivent les dix objets sacrés d’Hathor (pour la relation entre les dix objets et la Fête de l’Ivresse, voir R. Preys,
Les objets sacrés d’Hathor et la royauté de Rê, [OLP], sous presse) et au premier registre de la Salle d’Apparition (Dend.
IX 74, 16). Sur l’abaque, elle reçoit la boisson-menou. On y retrouve également les offrandes du pain blanc et du pain-sns
(Dend. IX 98, 9, 16).
89
Dend. IX 108, 7-8.
90
Dend. IX 108, 9.
91
Pour la relation entre Dendera et Edfou pendant la fête de Paophi, voir W. Waitkus, GM 135 (1993), p. 105-111∞∞;
voir aussi, R. Preys, «Le rituel de la fête du 5 Paophi», ZÄS (sous presse) où nous avons étudié la relation entre la fête de
Paophi et Hathor sous sa forme de faucon féminin, mentionnée dans le calendrier d’Edfou. Pour les arbres, la nécropole de
Behedet et la fête de Paophi, voir A. Egberts, in D. Kurth (éd), 3. ägyptologische Tempeltagung (ÄAT 33/1), 1995, p. 1338∞∞; W. Waitkus, in R. Gundlach — M. Rochholz (ed.), 4. ägyptologische Tempeltagung (ÄAT 33/2), 1998, p. 155-174.
Pour le rôle des feuilles des arbres sacrés, voir Z. El-Kordy, ASAE 69 (1983), p. 269-286.
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c. Conclusion
Le rituel du 5 Paophi tel que les calendriers et le texte liturgique nous permettent de le
reconstituer n’implique que le temple d’Hathor. Les offrandes y sont abondantes car elles
sont l’illustration la plus tangible du thème de la fête∞∞: la fertilité du pays due à l’action de
la déesse. Celle-ci est donc la première réceptrice des aliments. Elle détient cependant son
pouvoir parce qu’elle est la fille de Noun/Irta et, pour cela, elle se doit d’entretenir le culte
de son père.
La présence de l’épithète fille de Noun/Irta dans les offrandes d’aliments et d’eau ne
signifie pas nécessairement que chaque attestation soit une référence à la Fête de l’Ivresse
mais l’étude de certaines scènes montre que les idées qui y sont développées ne font que
confirmer le thème de la fertilité du pays.
Elles permettent cependant d’ajouter le thème du culte des ancêtres. Noun n’est en effet
que la figure de proue d’un groupe de personnages que l’on appelle les ancêtres mais qui
dans les textes peuvent prendre différents noms tels que tpyw-¨, sÌmw ou encore, à Edfou,
les enfants de Rê. Contrairement aux informations du temple d’Edfou concernant la fête de
Paophi, les données de Dendera ne permettent pas de proposer avec certitude une visite à
la nécropole des ancêtres. Le rite de l’érection du saule, le passage par la Demeure de Harsomtous, la présence de l’offrande du pain blanc et du pain-sns, la mention du rite wÌ-Ìt
sont cependant des éléments qui permettent de l’envisager.
Résumé / Abstract
Les calendriers des fêtes du temple de Dendera mentionnent pour le 5 Paophi que la déesse
Hathor apporte des offrandes à son père Noun. Ce rite est mis en relation avec les épithètes de fille
de Noun ou fille d’Irta que la déesse porte dans des offrandes alimentaires. Le contexte dans lequel
on retrouve ces scènes évoque le culte des ancêtres.
The feast calendars of the temple of Dendera mention for the 5 Paophi a ritual by which Hathor
brings offerings to her father Noun. This can be linked to the offering scenes where the goddess is
called daughter of Noun or daughter of Irta. Their context shows a clear link with the cult of divine
ancestors.
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