Douleur du rachis cervical traînante chez un rugbyman

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Douleur du rachis cervical traînante chez un rugbyman
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U E S T I O N S
D E
S P O R T
Douleur du rachis cervical traînante
chez un rugby m a n
● P. Le Goux*, X. Chevalier**
Un rugbyman de 22 ans qui joue en
compétition se plaint
de douleurs cervicales traînantes
depuis un choc en mêlée.
L’examen neurologique est normal.
Le rachis est douloureux
à la mobilisation.
Les radiographies standard
sont normales.
➤ On lui parle d’entorse
du rachis cervical passée
inaperçue. Comment confirmez-vous le diagnostic ?
Mêlée ouverte et traumatisme
dans un regroupement.
Les traumatismes du ra chis cervical représentent environ 5 %
des accidents au rugby et surviennent le plus souvent lors des
mêlées. Il s’agit d’un mécanisme d’hyperfl exion associée à
une compression et une composante ro t at o i re. Devant une suspicion d’entorse du rachis cervical (douleur traînante cervicale),
on doit d’abord examiner cliniquement le patient à distance de
son traumatisme : l’interrogatoire précise si les douleurs cervicales sont isolées ou s’accompagnent d’une irradiation douloureuse de type NCB. La mobilité du rachis cervical est testée soigneusement à la recherche d’un blocage ou d’une limitation dans
l’une des amplitudes (schémas en étoile). On vérifie l’examen
neurologique, notamment les réflexes, la sensibilité et la force
mu s c u l a i re proximale et distale des membres supérieurs. Bien
souvent, il faut demander des ra d i ographies complémentaires car
les clichés standards de face et de
p ro fil sont insuffi s a n t s : on demande des clichés de C1C2 de
face bouche ouverte pour éliminer une fra c t u re des masses latérales de C1 ou de l’odontoïde C2,
les incidences de trois quarts
droit et gauche pour dégager les
trous de conjugaison et éliminer
les fra c t u res d’une art i c u l a i re
p o s t é ri e u re. Les clichés dy n amiques de pro fil seront prat i q u é s
en flexion progressive en respecCliché dynamique en flexion
montrant l’instabilité C4C5. tant la douleur du patient, en
* Rhumatologue, médecin du sport, médecin de la FFT, attaché à l’hôpital
Ambroise-Paré, Boulogne.
** Chef du service de rhumatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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présence du médecin (technique en position couchée selon certaines écoles). Ces clichés permettent, en pratique, de dépister
une instabilité cerv i c a l e, témoin d’une atteinte du segment mobile
rachidien, notamment du disque intervertébral, des ligaments ve rt é b raux et des articulaires. Dans une entorse grave, on peut
ainsi voir un écart interépineux augmenté, un bâillement discal postérieur avec diastasis, une perte de parallélisme des
articulaires postérieures.
Au terme de ce bilan de première
intention, le diagnostic d’entorse
c e rvicale peut être confirmé, avec
un degré de gravité va ri able au
plan ra d i o l ogique qui guidera
l’attitude thérap e u t i q u e. Pa r
ailleurs, un scanner du ra chis
cervical peut être demandé en
fonction des signes d’ex a m e n
(irra d i ation bra chiale) pour
rech e rcher une hernie discale
s o u vent isolée dans ce contexte
post-traumat i q u e, et étudier le
Rachis cervical.
canal osseux. Il s’agit d’une hernie molle, postéro-latérale le
plus souvent, et comprimant
la racine à l’entrée du canal
de conjugaison. Le scanner
peut aussi préciser le trait de
fracture d’une ve rt è b re cervicale en cas de doute d’une
articulaire postéri e u re.Enfin,
l’IRM, o u t re la re ch e rche
de hernie discale et la visualisation d’un conflit mécan i q u e, permet également
une excellente étude de la
IRM : hernie discale cervicale.
moelle épinière et des parties molles.
➤ Le diagnostic confirmé, que préconiser comme
traitement ? Un collier souple rigide (durée) ?
Quelles indications pour la chirurgie ?
Au terme du bilan clinique et radiographique détaillé, on est en
mesure de diagnostiquer une entorse grave ou potentiellement grave avec signes d’instabilité qui impose un traitement chirurgical de fixation des massifs articulaires. Dans les
cas limites, on peut proposer une contention rigide durant
quatre à six semaines et surveiller.
La Lettre du Rhumatologue - n° 303 - juin 2004
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Hormis ces cas où la radiographie n’est pas normale, on est
devant des tableaux de cervicalgies avec souffrance par dérangement intervertébral mineur (DIM) ou entorses interarticulaires postérieures. Selon l’intensité des symptômes, on
proposera un collier souple amovible pendant trois à quatre
semaines. La kinésithérapie peut être commencée assez rapidement, puis certains préconisent un traitement par infiltration,
voire manipulation, si les douleurs ne cèdent pas.
Certaines douleurs qualifiées d’entorse cervicale sont plus en
rapport avec une pathologie discale de type torticolis, voire
NCB : leur traitement repose sur l’utilisation d’antalgiques,
d’AINS, voire de corticoïdes en cure courte per os. On aura
recours à un collier cervical, à des séances de rééducation avec
tractions cervicales, etc., en évitant les manipulations qui ont un
probable effet aggravant en cas de pathologie discale avérée.
➤ Pendant combien de temps faut-il interdire
à ce patient la reprise du rugby ? De façon définitive ?
Temporaire ?
S’il s’agit d’une entorse grave ou qualifiée comme telle, avec
notion d’instabilité potentielle et risque de complications neurologiques, il paraît raisonnable d’arrêter définitivement le
rugby, sport comportant par excellence certaines phases de jeu
(mêlées, regroupements, t o u ches) générat rices de tra u m atismes répétés du rachis cervical pouvant aggraver des lésions
préexistantes.
Dans les autres cas, l’arrêt sportif peut varier de un à trois mois
selon les pathologies précédemment décrites comme les cervic a l gies ou cervicobrachialgies discales, et en fonction de la sévérité du tableau clinique et des résultats de l’image ri e. Si la rep ri s e
du jeu est envisagée après blessure, une rééducation avec renforcement isométrique du plan musculaire cervical postéri e u r
p a raît indispensabl e. Dans notre ex p é ri e n c e,les joueurs amat e u rs
sont souvent amenés à abandonner spontanément la pratique du
rugby après ces épisodes cervicalgiques post-traumatiques itératifs, dont les suites sont délicates et qui finissent par entraîner
des cervicalgies chroniques.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 303 - juin 2004
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S P O R T
L ’ E S S E N T I E L
1. Tout traumatisme de rachis cervical nécessite
une exploration radiologique.
2. Tout traumatisme du rachis cervical doit faire
éliminer une entorse grave et/ou une fracture
articulaire devant une douleur traînante.
3. Toute lésion anatomique du rachis cervical
potentiellement instable (entorse grave incluse)
doit être stabilisée chirurgicalement.
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