L`occasion bat de l`aile
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L`occasion bat de l`aile
BELLES VorTuRES /;J AUTOMOBILE L'occasion bat de l'aile n oc) Tou rES ly ARQUES - A So m Les revendeurs ont deux bêtes noires : la T.V.A. et la Centrale des Particuliers el i• « Les voitures d'occasion ? Ça ne permet plus de gagner sa vie. Tout le monde en est réduit à courir derrière des frais généraux pour essayer de boucler le budget. Avec la crise actuelle, 98 % des entreprises qui vivent de l'automobile sont à vendre... » Charles Dero- sier, président de la branche « occasion » de la Chambre syndicale nationale des Commerçants et Réparateurs automobiles, fait comme ses sept mille confrères français. Il courbe le dos en attendant que l'orage passe. La crise du pétrole a fait mal : les trois derniers mois de 1973 ont suffi pour faire tomber le marché de dix pour cent par rapport à 1972. Janvier, février et mars ont été catastrophiques. Avril pas trop mauvais, mai s'annonce bon. Mais on n'a pas enregistré l'habituelle poussée printanière. 1974 sera, à son tour, une année déficitaire. D'autant plus que les véhicules neufs se sont, eux aussi, mal vendus. Les professionnels n'avaient pas besoin de cette crise. Pour eux, depuis •quatre ans, c'est la chute libre. En 1969, soixantecinq pour cent des acheteurs de voitures d'occasion s'adressaient à un garage, à un concessionnaire, à une succursale de grande marque. En 1974, la moitié des ventes se font « de particulier à particulier ». Perte sèche pour les revendeurs : trois milliards de chiffre d'affaires sur un marché de vingt milliards. En 1972, on a vendu en France 3 236 722 voitures d'occasion et 1 657 533 voitures neuves si l'on en croit « l'Argus ». Le chiffre global de ces deux marchés parallèles est sensiblement le même. Deux noms à ne pas prononcer en face de ces revendeurs. Celui de Valéry Giscard d'Estaing tout d'abord. C'est lui qui a imaginé, en 1969, de faire payer la T.V.A. aux garagistes sur la revente des véhicules d'occasion. La pilule n'est toujours pas digérée. Autre bête noire : la Centrale des Particuliers. Pour les revendeurs, les L'ÉTALAGE Il faut moraliser le marché sept plaies d'Egypte sont concentrées dans le petit immeuble cossu — quatre étages de moquettes et de bureaux — qu'elle occupe avenue de Villiers. « Une concurrence déloyale, grommelle Charles Derosier. La Centrale, qui est appuyée par les banques, dépense des millions de publicité sur les postes périphériques pour faire croire aux gens qu'ils économisent de deux à trois mille francs en passant par leur intermédiaire. C'est archifaux ! Un particulier n'offre aucune garantie. » « Je ne suis pas le Christ » Des reproches que Gérard Ryckelynck et Jean-Charles Reynaud, les deux « compères » qui dirigent la Centrale, accueillent avec la décontraction de ceux qui ont le vent en poupe. Ils ont démarré leur affaire au moment opportun : quelques mois à peine après que le ministère des Finances eut imposé la T.V.A. sur la revente des véhicules d'occasion. Depuis, ils sont emportés par le succès. Leur chiffre d'affaires s'est gonflé de 42 % chaque année. Ils ont senti, comme tout le monde, la crise du pétrole. « Kadhafi va nous faire plafonner cette année, dit Charles Reynaud, l'administratif, le financier. Nous ferons peut-être 10 % de mieux qu'en 1973. Pour nous, c'est une chute ! » Une chute dans un édredon. Une voiture sur dix se vend, dans la région parisienne, par l'intermédiaire de la Centrale des Particuliers. En 1974, cela fera entre quarante et cinquante mille véhicules. Trois mille annonces paraissent chaque mercredi dans l'hebdomadaire de la Centrale : « les Occasions ». C'est-à-dire d'abord la possibilité de faire un choix. « Si vous voulez offrir. un choix entre deux voitures de même marque, même année, prix similaire et kilométrage à peu près identique, statistiquement, il vous faut disposer d'un parc de 1 650 automobiles. Ce qu'aucun garagiste ne peut faire matériellement. » Mais, pour Gérard Ryckelynck et Jean-Charles Reynaud, l'argument principal, c'est le prix. « Il faut organiser, moraliser le marché de l'occasion », dit Gérard Ryckelynck, P.-D.G. étrange aux cheveux mi-longs et lunettes d'étudiant hollandais. Cet ancien directeur de publicité des usines Simca ne veut pas passer pour un philanthrope e Je ne suis pas le Christ face aux horribles marchands du Temple et la Centrale n'est pas une association sans but lucratif. » Mais il raisonne chiffres à l'appui. Suivons sa démonstration. Un professionnel de l'occasion achète une voiture. Si celle-ci cote dix mille francs, il la paiera huit mille francs. Il la gardera en stock environ trois mois. S'il n'a pas une trésorerie pléthorique, le garagiste doit emprunter ces huit mille francs. Intérêts sur trois mois : trois cents francs. Frais de garage : trois cents francs, commission ou salaire du vendeur : six cents francs. Frais généraux (environ 10 % du prix d'achat du véhicule) : huit cents francs. Nettoyer la carrosserie, retirer les bosses : deux cents francs. On atteint deux mille deux cents francs. Si le garagiste veut faire, en outre, un bénéfice de l'ordre de cinq cents francs, il faut donc qu'il vende la voiture deux mille sept cents francs de plus qu'il ne l'a achetée, auxquels s'ajoutent quatre cents francs de T.V.A., soit trois mille cent francs. « Et pour ce prix-là, ajoute Gérard Ryckelynck, c'est-à-dire mille cent francs au-dessus du prix de « l'Argus », le garagiste ne sait même pas si la voiture a un moteur. Voilà pourquoi notre affaire marche. Nous supprimons cette marge de trois mille francs. Acheteurs et vendeurs gagnent ---> Le Nouvel Observateur 57