L`analyse d`une photo - Thomas Struth.pub

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L`analyse d`une photo - Thomas Struth.pub
L’analyse d’une photographie : Thomas Struth
Le sujet :
Cette image a été prise par Thomas Struth dans le
quartier de Shinju-ku, à Tokyo, en 1986.
Le photographe :
Thomas Struth est un disciple de l’Ecole Allemande
des Becher née de Bernd Becher, enseignant à
l’académie des Beaux-Arts et de sa femme Hilla.
Les Becher se sont lancés dans un vaste
recensement artistique des équipements, usines et
bâtiments industriels. Ils respectent un protocole
minutieux : lumière neutre, photo prise tôt le
matin, cadrage frontal et serré, absence de nuage
et de personne. C’est une autre vision de la
photographie,
clairement
cette
influence
est
frappante dans la construction de cette image.
Quartier de Shinju-ku, Tokyo 1986 © Thomas Struth
Le contexte :
En 1986 le Japon photographié par Struth est un pays économiquement triomphant qui fascine la vieille Europe et en particulier une
Allemagne déclinante et non encore réunifiée, l’ouverture du mur de Berlin datant pour mémoire de 1989.
L’impression :
Ce cliché nous donne une impression de grandeur, mais aussi d’inhumanité, d’absence de vie et de froideur dans cette vision de sa
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modernité grandissante. Le Japon, pays en plein essor, nous offre en effet une sensation mitigée de puissance et d’ordre mais aussi
d’impersonnalité et d’uniformité.
Format, angle et cadrage :
Struth était sans doute situé au niveau du sous-sol,
à hauteur d’homme debout sur le parking. Le
format horizontal permet d’avoir une large vision
et renforce l’uniformité du paysage urbain. L’angle
retenu atteste d’une extrême rigueur dans la prise
de vue et de la volonté de maîtriser les lignes de
fuites des immeubles pour les garder les plus
verticales possible. En fait c’est l’emploi de la
chambre photographique qui lui a permis de
redresser les fuyantes sur les immeubles et
d’assurer
le
parallélisme
des
verticales.
Le
cadrage serré sur les immeubles, en s’en servant
pour
fermer
d’oppression
l’image,
et
accentue
d’étouffement.
le
sentiment
L’image
est
structurée à l’extrême tout y est symétrique, il
nous est donné de voir une organisation quasi
militaire où rien ne dépasse « Je ne veux voir
Cadrage rigoureux - Quartier de Shinju-ku, Tokyo 1986 © Thomas Struth
qu’une tête ! » diraient un militaire (Rires)...
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L’analyse d’une photographie : Thomas Struth
Profondeur et lumière :
Le ciel semble gris et uniforme comme la vue d’ailleurs malgré la petite ouverture qui semble avoir été choisie, vu que l’image reste
relativement nette même au niveau du troisième rang d’immeubles. Aucun nuage ne pointe et la lumière paraît faible, il s’agit sûrement
d’une photo prise le matin. L’utilisation du grand format a permis de fournir une grande quantité de détails, comme de conserver toutes les
fenêtres nettes notamment. Cet ensemble d’éléments contribue à un rendu terne, triste, austère et froid.
Couleur :
Le noir et blanc me semble être un choix délibéré
et judicieux car il renforce l’uniformité et la
grisaille ambiante en ne laissant pas nos yeux se
détourner vers les véhicules du premier plan qui
auraient pu apporter une touche de couleurs. De
plus le monochrome a cette faculté de renforcer le
jeu des lignes quand une image s’y prête, et c’est
le cas.
Composition :
On peut trouver un point fort, mais non dominant
dans cette image, il désigne un espace vide situé
au croisement de l’ouverture centrale du ciel et du
plafond
du
sous-sol.
L’inhumanité
est
bien
restituée par l’absence complète d’être humain,
Point fort - Quartier de Shinju-ku, Tokyo 1986 © Thomas Struth
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L’analyse d’une photographie : Thomas Struth
alors que le champ de vision est très large et se concentre sur des centaines de fenêtres, donc par extrapolation sur un endroit où il y a de
la vie. La seule marque de vie est apportée par les deux arbres au premier plan à gauche, mais il faut bien observer l’image pour les
remarquer.
Les univers :
On remarque clairement deux univers qui s’opposent sur ce cliché : Un monde souterrain sombre et horizontal où les véhicules sont les
seuls témoins inactifs de la présence humaine et un univers aérien vertical, colossal et écrasant, qui occupe 7/8ème de l’image.
Enfin on en déduit que ce monde vit, qu’il est
structuré (peut être même à l’extrême), tant dans
son rythme que par la structure des éléments que
l’on perçoit. La notion de réseau organisé est bien
présente grâce aux places de parking et aux
antennes visibles sur les toits des immeubles.
Connotations éventuelles :
J’en ai déjà parlé plus haut mais un rapport
incontestable existe entre cette photo de Struth et
l’Ecole Allemande des Becher dont je vous propose
une image.
Usine © Bernd & Hilla Becher
Squal
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