Le changemenent ce n`est pas maintenant

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Le changemenent ce n`est pas maintenant
Communiqué
DECRET NITRATES : LE CHANGEMENT CE N’EST PAS MAINTENANT !
Dans une réponse publiée au journal officiel du 30 août, le nouveau ministre de l’agriculture
rejette la demande de révision du décret nitrates adopté par le précédent gouvernement.
Le décret signé le 21 octobre 2011 par Bruno LE MAIRE et Nathalie KOSCIUSKO MORINET comportait deux
dispositions effarantes : l'une qui aboutit à augmenter les possibilités d'épandage de lisier et de fumier de
volailles par une modification du plafond d’épandage autorisé, l'autre qui met en difficulté les élevages
herbagers.
Les organisations paysannes, les associations, et la quasi totalité des collectivités bretonnes avaient d'ailleurs
protesté contre ces mesures, les jugeant totalement incohérentes au regard des actions menées pour
restaurer la qualité des eaux, notamment à l'amont des baies à algues vertes et des bassins versants
contentieux .
Aux nombreuses interventions des parlementaires bretons qui lui avaient demandé de réviser ce décret,
Stéphane LE FOLL, le ministre de l’agriculture oppose une fin de non recevoir dans sa réponse publiée au
Journal Officiel du 30 Août.
Même s’il se dit « conscient des difficultés que peut poser la mise en œuvre de certaines des dispositions de la
nouvelle réglementation nitrates» le ministre de l’agriculture refuse de réviser le décret signé par le
gouvernement précédent, craignant semble-t-il la réaction des autorités européennes qui en février 2012 ont
saisi la Cour Européenne de Justice contre la France à propos de la mauvaise application de la directive
nitrates.
Stéphane LE FOLL indique qu’une demande de dérogation au plafond de 170 kg d’azote sera néanmoins
demandée à la commission européenne dans le cas des systèmes herbagers, reconnus pour leurs très faibles
niveaux de fuites d'azote vers les milieux.
Alors que doit se tenir demain au ministère de l’Ecologie une réunion du groupe national nitrates, JF PIQUOT,
porte-parole d’Eau & Rivières de Bretagne dénonce « un manque de volonté politique du nouveau
gouvernement qui sait parfaitement qu’une dérogation ne sera pas accordée tant que le contentieux actuel
contre la France ne sera pas clos. Et l’on sait que l’actuelle réponse française est loin de satisfaire à toutes
les demandes de Bruxelles ! »
L’association regrette que le « changement » annoncé durant la campagne présidentielle ne soit pas, sur ce
point, au rendez vous.
Le 6 septembre 2012
Contact : Jean-François PIQUOT, porte parole : 02 99 06 74 39
Question écrite n° 01491 de M. Joël Labbé (Morbihan ) publiée dans le JO Sénat du 09/08/2012 - page 1790
M. Joël Labbé attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la
modification des normes CORPEN (Comité d'orientation pour des pratiques agricoles respectueuses de
l'environnement) vaches laitières.
Pris dans le cadre de la révision de l'application de la directive « nitrates », le décret n° 2011-1257 du 10
octobre 2011 puis l'arrêté du 19 décembre 2011 interrogent fortement la communauté paysanne.
Le décret du 10 octobre 2011 modifie le calcul de la production d'azote possible sur une exploitation, en
remplaçant la surface potentiellement épandable (SPE) par la surface agricole utile (SAU) comme base de
calcul. Bien que les contraintes d'épandage soient toujours à respecter, la limite de 170 kg d'azote par
hectare de SAU augmente les possibilités d'épandage pour l'exploitation, et de ce fait les effectifs possibles
des animaux. Une logique difficile à comprendre pour les acteurs engagés dans la reconquête de la qualité de
l'eau en Bretagne qui prônent déjà depuis plusieurs années une nécessaire désintensification de l'élevage.
L'arrêté du 19 décembre 2011 fixe quant à lui une nouvelle évaluation des normes de rejets azotés pour les
vaches laitières, faisant apparaître les systèmes herbagers pâturants comme plus polluants que les autres.
La norme unique (85 kg d'azote par vache) a été remplacée par une norme variable en fonction du temps
passé à l'extérieur et du niveau de production de la vache : plus la vache est au pré et plus elle produit, plus
la norme est élevée. Cette évolution des normes en fonction du « temps de pâturage », spécificité française
dans le contexte européen, décourage fortement les éleveurs laitiers de développer le pâturage.
Parallèlement, dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre les marées vertes, l'État les encourage
au contraire à augmenter leurs surfaces en herbe, ce qui rend difficilement lisible la cohérence de l'action
publique.
L'objectif étant de réduire la pollution de l'eau par les nitrates, il est anormal que ne soit pas prise en compte
la capacité des prairies à recycler les rejets d'azote. Il est reconnu aujourd'hui que le système herbager
préserve au mieux la qualité des sols et de l'eau, ainsi que l'ensemble de la biodiversité. Les deux textes
juxtaposés lui appliquent pourtant des contraintes aggravées, alors que les systèmes hors-sol ou « pâturant
moins de quatre mois » voient leur charge théorique en azote réduite.
Par ailleurs, comme le souligne le conseil scientifique de l'environnement de Bretagne, il est étonnant de
constater que les normes choisies pour l'arrêté du 19 décembre 2011 ne soient pas tout à fait alignées sur
les normes INRA-CORPEN.
Ce nouveau calcul des normes CORPEN est de plus fortement déstabilisateur pour les agriculteurs ayant
contractualisé des mesures agro-environnementales (MAE). Ceux-ci ne pourront pas respecter leurs
engagements.
Si l'obtention d'une dérogation aux 170 kg d'azote par hectare de SAU pour les systèmes herbagers, solution
envisagée par les services du ministère, apparaît plus qu'hypothétique dans le contexte actuel du contentieux
avec Bruxelles, elle ne règle pas non plus le problème du message passé aux agriculteurs, dont la réponse
technique immédiate à l'évolution des normes CORPEN sera de réduire les surfaces en herbe. De plus, un
système dérogatoire, par nature temporaire et pouvant être remis en cause à tout moment, ne permet pas
de sécuriser durablement le choix fourrager d'une exploitation.
La combinaison des deux textes en vigueur faisant courir le risque d'une diminution à très court terme des
systèmes herbagers, pourtant reconnus comme les garants d'une maîtrise de la pollution des eaux par les
nitrates, Il lui demande de procéder à une modification de l'arrêté du 19 décembre 2011, en particulier de
redéfinir les normes CORPEN vaches laitières, et de ne pas pénaliser les agriculteurs engagés dans des MAE
avant leurs termes.
Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat
du 30/08/2012 - page 1902
Le contentieux communautaire relatif à la mise en œuvre de la directive « nitrates » a contraint les autorités
françaises à réévaluer les normes d'azote épandable pour les vaches laitières, utilisées pour vérifier le
respect de ce plafond de 170 kg d'azote par hectare, par exploitation et par an, dont la valeur était fixée à
85 kg d'azote par animal. En effet, la Commission européenne constate que la quantité d'azote présente dans
les effluents d'élevage varie en fonction de nombreux paramètres. Pour les vaches laitières, elle demandait
donc à la France de moduler la norme pour tenir compte du niveau de production de lait et du système de
production (temps passé en bâtiments et au pâturage, alimentation...).
Les travaux techniques et de concertation menés sur ce sujet afin d'adapter au mieux le cadre réglementaire
français ont conduit à retenir un tableau à double entrée, permettant de moduler l'azote épandable en
fonction de la production laitière et du temps passé à l'extérieur des bâtiments. Il en ressort que plus la
production laitière et plus le temps passé à l'extérieur des bâtiments sont élevés, plus la quantité d'azote
épandable par vache est élevée. En effet, l'« azote épandable » correspond, selon sa définition confirmée par
la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne concernant la mise en œuvre de la directive «
nitrates », à l'azote total excrété par un animal d'élevage duquel est soustrait l'azote volatilisé lors de la
présence de l'animal en bâtiment et lors du stockage des effluents. L'azote volatilisé à l'extérieur des
bâtiments (et notamment à la pâture) n'est pas soustrait de l'azote excrété. Cette définition contribue donc
aux valeurs élevées d'azote épandable pour les systèmes herbagers dans lesquels les animaux passent
beaucoup de temps à l'extérieur puisqu'elle stipule que la volatilisation à l'extérieur n'est pas déduite. Afin de
ne pas pénaliser les élevages à l'herbe, un plafonnement des valeurs à 95 kg d'azote par animal et par an a
été retenu pour la prochaine campagne pour les élevages ayant plus de 75 % de surface en herbe dans la
surface fourragère principale. Parallèlement, une dérogation au plafond de 170 kg d'azote sera demandée
par la France auprès de la Commission européenne dans le cas de ces systèmes herbagers, reconnus pour
leurs très faibles niveaux de fuites d'azote vers les milieux.
Un autre élément de la réforme du cadre réglementaire relatif aux nitrates a été le changement de surface
de référence pour le calcul de ce plafond de 170 kg d'azote. Pour améliorer l'efficacité de la mise en œuvre et
du contrôle de cette mesure et pour harmoniser le dispositif national avec celui des autres États membres, il
a été choisi de retenir la surface agricole utile comme surface de référence pour ce plafond. Ce choix permet
d'améliorer la lisibilité du dispositif en affichant ce plafond de 170 kg comme une mesure d'ordre structurel à
l'exploitation et en laissant l'agronomie à l'équilibre de la fertilisation azotée à la parcelle. Cette seconde
mesure, qui permet de s'assurer que ne soit pas apporté, par les fertilisants et par le sol, plus d'azote que ce
que la plante peut en prélever, a par ailleurs été renforcée dans le cadre de la réforme de la réglementation
nitrates : conformément au décret du 19 décembre 2011, le programme d'actions national fixe des
prescriptions directement opposables aux agriculteurs dès le premier septembre 2012 concernant les
paramètres primordiaux en terme de limitation et de contrôle de la dose totale d'azote apportée (calcul des
objectifs de rendement déterminant les besoins en azote prévisibles des cultures, obligation d'analyses de
sols et d'enregistrement systématique des pratiques...) ; des arrêtés régionaux en cours de signature,
élaborés à partir des travaux des groupes régionaux d'expertise « nitrates » (GREN - dont la composition et
le fonctionnement sont précisés dans l'arrêté du 20 décembre 2011), assurent une déclinaison opérationnelle
de la méthode du bilan prévisionnel dans chaque région et pour chaque culture. Ce dispositif doit permettre à
chaque exploitant ou contrôleur de calculer une dose d'azote prévisionnelle pour chaque culture qui sera
opposable d'un point de vue juridique dès la campagne culturale 2012 -2013.
Le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est conscient des difficultés que peut poser la
mise en œuvre de certaines des dispositions de la nouvelle réglementation Nitrates. Ces difficultés doivent
cependant être estimées à la mesure du risque majeur de se voir imposer par le contentieux communautaire
des mesures qui seraient en contradiction avec l'esprit de proportionnalité et le souci de l'agronomie et
d'adaptation aux territoires défendus par les autorités françaises. Il semble donc que l'heure doive être à la
pédagogie et à la mobilisation responsable de tous les acteurs pour démontrer la crédibilité et la pertinence
de la voie défendue par la France dans le contentieux. La concertation sera poursuivie sur ce sujet avec
l'ensemble des acteurs concernés.