FICHE SPECTACLE

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FICHE SPECTACLE
FICHE SPECTACLE
LE PETIT POUCET
ou du bienfait des balades en forêt dans l’éducation des enfants.
THÉÂTRE – DÈS 9 ANS – Durée : 1h
D’APRES
MAQUILLAGES, PERRUQUES
Charles Perrault
Catherine Saint-Sever
TEXTE ET MISE EN SCENE
PRODUCTION
Laurent Gutmann
La dissipation des brumes matinales
AVEC
COPRODUCTION
Jade Collinet, David Gouhier, Jean-Luc Orofino
Théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois et
SCENOGRAPHIE
Théâtre Anne de Bretagne de Vannes
Mathieu Lorry-Dupuy, Laurent Gutmann
AVEC LE SOUTIEN
LUMIERES
De la DGCA – Ministère de la Culture et de la
Gilles Gentner
Communication, avec la participation artistique du
SON
Jeune Théâtre National et le soutien du Théâtre des
Madame Miniature
cinq diamants de Paris
COSTUMES
Axel Aust
Le Grand Bleu – Etablissement National de Production et de Diffusion Artistique
36 avenue Marx Dormoy – 59000 LILLE
03.20.09.88.44 / www.legrandbleu.com / legrandbleu.over-blog.fr / [email protected]
Le spectacle
Laurent Gutmann revisite le conte de Perrault dans une version acide et résolument moderne.
Le quotidien d’un enfant vacille lorsque ses parents, ne pouvant
nourrir tout le monde, prennent une terrible décision. Le spectacle
aborde de manière cynique, parfois absurde, mais toujours drôle,
les thèmes de la relation de couple, de la place de l’enfant dans
la famille, des choix d’éducation, de la recherche des bonheurs
vite satisfaits.
Dans cette réécriture décalée et impertinente, où les questions de
la peur, de l’abandon et de la dévoration ne sont pas esquivées,
Laurent Gutmann et les trois acteurs brouillent les pistes des rôles à
tenir. Une perte de repère captivante qui commence par une
fausse partie de cache-cache dans la forêt et qui continue dans la
maison de l'ogre...
L’équipe artistique
Laurent Gutmann, metteur en scène
Laurent Gutmann a reçu une formation de comédien à l’École de Chaillot dirigée par Antoine Vitez,
puis au Théâtre National de l’Odéon. Avant de réaliser ses propres mises en scène, il travaille comme
assistant de Jean-Pierre Vincent au Théâtre des Amandiers à Nanterre, et comme comédien pour
Claude Régy à l’Opéra Bastille. En 1994, il crée sa compagnie, Théâtre Suranné. En 1999, la
compagnie s’installe en Région Centre, associée à la Halle aux grains, la scène nationale de Blois. En
2002, Laurent Gutmann est lauréat du concours Villa Médicis hors les murs. En janvier 2004, il prend la
direction du Théâtre Populaire de Lorraine qui devient Centre dramatique régional de ThionvilleLorraine puis centre dramatique national en 2009. Depuis 2009, il dirige sa compagnie La Dissipation
des brumes matinales.
Jade Collinet, actrice - Rôle de la mère et de l'ogresse
Elle intègre l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Paris où elle travaille notamment avec JeanClaude Cotillard, Marie-Christine Orry, Christophe Patty, le théâtre du Mouvement et Paul-André Sagel.
Elle participe à différents festivals sous la direction de Jany Gastaldi, Sharmila Roy, Emmanuelle
Cordoliani et Stéphane Mir. Elle développe quelques numéros de clown, travaille le masque au sein de
la compagnie La Strada Dell’Arte, et la marionnette avec Christian Chabaud. Elle travaille
principalement en création, avec la compagnie Dawa et la compagnie Illico Echo issue de l’école
Lecoq. Elle joue sous la direction de Laurent Gutmann (Le Cerceau de Victor Slavkine), Gloria Paris (Les
Amoureux de Carlo Goldoni), Francis Freyburger (Sad Lisa de Sabine Tamiser) et Philippe Lanton (La
guerre au temps de l’amour de Jeton Neziraj). Elle participe également à un projet initié par le
philosophe Bruno Latour sur le réchauffement climatique (Gaia Global Circus).
David Gouhier, acteur – Rôle du père et de l’ogre
A suivi les Cours Florent puis l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du T.N.S. Au Théâtre, a travaillé
notamment avec Elisabeth Chailloux dans Le Baladin du monde occidental, les Acteurs de bonne foi
de Marivaux mise en scène Jean-Pierre Vincent, Peines d’amour perdues de Shakespeare (m.e.s Gilles
Bouillon), L’école des femmes de Molière (m.e.s Jean-Pierre Vincent), Le conte d’hiver de Shakespeare
(m.e.s Jacques Osinski), Dans la jungle des villes de Bertolt Brecht (m.e.s. H. Colas et Ph. Duclos).
Jean-Luc Orofino, acteur – Rôle du petit Poucet
Au théâtre, a travaillé dans La Brasserie, de Koffi Kwahulé, m.e.s. Paulin F.Fodoup, Oedipe, Don
Quichotte, l’ivrogne dans la brousse, Le malade imaginaire, En attendant Godot, Le procès de Kafka
m.e.s Philippe Adrien, Les géants de la montagne, m.e.s Bernard Sobel, Don Juan de Montherlant,
m.e.s Jean-Luc Tardieu, Le livre de Job m.e.s. Bruno Netter et P. Simon, Pinocchio m.e.s. Bruno Boëglin,
Le partisan m.e.s François Floris (solo), Roméo et Juliette m.e.s Jean-Luc Borg, Le magicien d’Oz m.e.s.
Gil Galliot, Le magicien prodigieux m.e.s. Jacques Nichet, Astérix et d’Artagnan m.e.s. Jérôme
Savary… En danse, a travaillé avec Karine Saporta dans La princesse de Milan et Cheri-chérie. Au
cinéma et à la télévision a travaillé avec Josiane Balasko, Jean-Pierre Mocky, Gérard Corbiau…
Note d’intention du metteur en scène
« Il y a douze ans, l’occasion m’avait été offerte par le CDN de Sartrouville d’écrire et de mettre en
scène un spectacle à destination des enfants. Tiré d’un conte de Hermann Hesse, ce spectacle, En
route, avait non seulement connu une longue vie et été une expérience heureuse, mais il avait aussi
influencé profondément ma façon d’aborder par la suite le travail de la mise en scène.
Longtemps pourtant, j’en étais resté là de mes expériences de spectacles s’adressant aux plus jeunes,
accaparé que j’étais par d’autres projets. Je n’avais pas alors d’enfant. En route s’adressait à un
enfant imaginaire ou à celui que j’avais été.
Depuis, la vie a suivi son cours et j’ai maintenant deux filles ; c’est d’abord le désir d’inventer un
spectacle s’adressant à elles, à ces enfants bien réels, qui est à l’origine de ce nouveau projet.
Je partirai cette fois‐ci d’une histoire connue de tous, d’un de ces contes que tous les enfants en
France connaissent presque par cœur et dont le souvenir nous accompagne notre vie durant : « Le
Petit Poucet ».
J’aborderai son adaptation pour la scène non comme une digression, une rêverie, un commentaire,
mais en souhaitant rester au plus près de sa narration, de l’évidence cauchemardesque du récit.
Les terreurs auxquelles le Petit Poucet est confronté – celles de l’abandon, du meurtre, de la
dévoration – seront ici les nôtres. Avec lui, nous retrouverons à la fin la maison de nos parents, à la fois
changés et pourtant les mêmes.
Le spectacle sera joué par trois comédiens : l’un d’eux jouera le Petit Poucet, un deuxième jouera le
père et l’ogre, enfin, une troisième jouera la mère et l’ogresse. Les deux comédiens formant les
couples seront jeunes et en pleine santé, celui incarnant le Petit Poucet sera nettement plus âgé
qu’eux et de très petite taille, comme un éternel enfant dont on se sait que faire, un presque vieillard
inutile dont on se débarrasse parce qu’on en a un peu honte.
Le dispositif scénique sera conçu pour s’adapter facilement à des espaces variés. Il n’en sera pas pour
autant minimal : il m’importera que le spectacle soit beau, que l’imaginaire des jeunes spectateurs soit
provoqué non seulement par la fable mais aussi par les univers plastiques dans lesquels elle se
déploiera.
Trois espaces très distincts se succèderont : celui de la maison des parents du petit poucet, quotidien
et hyper‐réaliste ; celui de la forêt, peuplé d’ombres et de fantômes, à la fois terrifiant et désirable ;
enfin celui de la maison de l’ogre et de l’ogresse, beau comme l’intérieur d’une malle au trésor,
tapissé d’or et taché de sang. »
Laurent Gutmann, Avril 2011
Articles de presse
« Comment éviter de partager une pizza avec une troisième bouche encombrante ? La solution la
plus efficace à laquelle souscrivent les parents du Petit Poucet (enfant unique dans cette version) est
la balade en forêt avec partie de cache-cache à la clé. Un conte d’abandon à faire des
cauchemars, que Laurent Gutmann adapte pour la scène dans toute sa crudité mais avec humour
aussi. Trois espaces scéniques distincts (la maison et le quotidien familial, la forêt et son rideau d’arbres,
l’antre de l’ogre) dans lesquels évoluent les trois comédiens, tous excellents : l’éternel enfant, le père
et la mère mais aussi l’ogre et l’ogresse, tous deux en costume de soirée. Le spectacle n’élude rien, ni
la terreur de l’enfant ni l’atrocité du propos, et c’est de cette confrontation, de son évidence même
que naît l’imaginaire. Un Poucet à suivre ! »
Télérama, 17 avril 2013
« L’abandon, le meurtre, la dévoration… Laurent Gutmann n’élude aucune des terreurs auxquelles le
Petit Poucet est confronté. Il a choisi de porter à la scène un conte, et s’en empare dans tout ce qui
fait sa force évocatrice. Jouant avec le concret des situations aussi bien qu’avec les incursions du
fantastique, il promène le spectateur aux frontières d’un univers fantasmé, jusqu’à lui faire « perdre ses
repères ».
Au-delà de la fable, la cellule familiale devient avec ce spectacle, un terrain d’observations, car en
homme de son temps, là où Perrault moralise, Laurent Gutmann analyse. Exploitant avec adresse la
capacité suggestive de la forme dialoguée, il évoque avec humour et finesse, les relations de couple,
et les attentes projectives des parents pour leurs enfants. Pour notre plus grand plaisir, il interroge les
passages sur lesquels le conte passait trop rapidement. Ainsi la lecture qu’il propose de l’acte de
l’abandon se révèle effrayante de simplicité et de justesse. Pour autant, la rationalisation qu’il amène
ne va pas toujours dans le sens d’accroître l’abomination du récit, et peut même, aussi paradoxal que
cela puisse paraître, nous transporter aux confins de l’absurde, comme c’est le cas dans la scène où
les parents pour perdre leur fils, organisent une partie de cache-cache. »
Sophie Saada, Théâtre-contemporain.net
« Prenant quelques libertés avec le conte de Charles Perrault, le metteur en scène Laurent Gutmann
propose une version moderne et hyperréaliste d'un Petit Poucet qui endosse le costume d'un enfant
qui ne veut pas vieillir, et en profite pour égratigner les travers de notre société. Avec beaucoup
d'humour et d’à propos, il évoque le dilemme d'un couple face à l'éducation de son enfant, les
attentes déçues et l'incompréhension qui s'installe entre les générations. Ici, c'est le manque d'amour
qui est prétexte à l'abandon. Et les scènes où les parents imaginent une partie de cache-cache pour
perdre leur fils unique dans la forêt alors qu'eux ne rêvent que d'une seule chose, pouvoir faire ce qu'ils
veulent quand ils veulent, notamment jouer au basket, traduisent la bêtise et la cruauté des adultes
devenus avides et égoïstes.
L'univers du conte n'est pas pour autant écarté avec tout ce qu'il a de merveilleux mais aussi de
cauchemardesque. L'ogre au physique de bon père de famille rentrant du bureau n'en est que plus
effrayant. Un spectacle qui allie la férocité du conte mais aussi l'absurde. »
Le Télégramme
Les pistes d’actions culturelles évoquées dans cette fiche sont loin d’être
exhaustives. Ces pistes peuvent vous aider à avoir une meilleure appréhension du
spectacle en amont de votre venue et vous donner des idées pour préparer au
mieux votre groupe à la réception du spectacle. Certaines d’entre elles peuvent
aussi être travaillées comme un prolongement.
1. Le conte et son adaptation
a) Le conte
CONTE - Définition :
1. Récit de faits réels, histoire
2. (v. 1200) Court récit de faits, d’aventures imaginaires, destiné à distraire (FICTION)
3. (1538) Histoire invraisemblable et mensongère (CHANSON, FABLE, SORNETTE)
Notions associées :
LÉGENDE, MYTHE, FANTASTIQUE, FÉÉRIQUE, NARRATION, RÉCIT, SCIENCE FICTION…
Qu’est-ce qu’un conte ?
Un conte merveilleux est le récit, dans une époque non définie (il était une fois), dans un lieu
indéfini (dans un pays...) des aventures imaginaires d’un héros ou d’une héroïne qui a un
problème, un manque, doit surmonter des obstacles. Il (elle) reçoit des forces ou une aide
parfois magique, vit des situations qui n’existent pas dans le monde réel. Le conte peut
comporter des éléments réalistes mais surtout du merveilleux : personnages féeriques (Fées,
magiciens, …), objets ou des animaux qui parlent, ont des pouvoirs magiques, événements
extraordinaires (transformations, sorts jetés, dormir cent ans, bottes de sept lieues…). Le
problème du héros finit par se résoudre. Les situations du conte peuvent nous faire penser à
ce que nous vivons (la jalousie, la peur, l’injustice, la mort, les relations dans la famille, avec
les amis,..) et peuvent donc faire réfléchir, nous apprendre quelque chose sur nous-même.
Le conte peut aider à mieux supporter ce qui arrive dans la vie réelle.
Histoire et fonctions du conte
Les contes, récits élaborés par la tradition orale depuis parfois de nombreux siècles sont
véhiculés jusqu’au 16ème siècle essentiellement dans les collectivités rurales. Le conte
devient à la faveur de l’édition par Charles Perrault, fin 17ème, des « Contes ou Histoires du
temps passé » un genre littéraire prisé par les milieux mondains et la cour du Roi Louis XIV. Le
conte est sans doute l’une des premières expressions de l’âme populaire liées à ses peurs et à
ses angoisses primitives : la mort, la dévoration, les espaces obscurs et inconnus, la
métamorphose, la monstruosité….
Des contes mythologiques racontés en Grèce antique (Minotaure, Chronos…), en passant
par les récits du Moyen Âge (Perceval le Gallois, Lancelot du Lac…) et les figures animales (le
loup, la chèvre de M. Seguin, les trois petits cochons …), jusqu’aux contes mieux connus du
XVIIIème siècle (Blanche neige, Barbe Bleue, Hansel et Gretel, Le Petit Poucet…), ils sont
venus jusqu’à nous grâce à la tradition orale, et ce dans toutes les civilisations (griots en
Afrique, Rakogo au Japon, Gousanis en Arménie...).
Le conte répond à un besoin très archaïque et primitif de rêver, d’être un autre que soimême. Des personnages dotés de pouvoirs surnaturels apparaissent dans le merveilleux
comme dans le fantastique (les bonnes et mauvaises fées, Merlin et Mélusine…).
A partir du XVIIIème siècle, Charles Perrault et les frères Grimm collectent des contes et les
mettent en forme. Ce sont ces mêmes contes que nous retrouvons aujourd’hui dans les livres,
composant une possible « littérature pour enfant ».
La construction du conte
En dépit de l’immense variété des motifs et variantes, une logique commune, un même
schéma narratif organise tous les contes :
1/ Une situation initiale problématique pour le héros ;
2/ Qui est ensuite jeté dans l’action (un déplacement, voyage, fuite, épreuve…) par un
élément perturbateur ;
3/ S’ensuivent une ou des séquences qui sont autant d’actions accomplies ou d’épreuves
traversées par le héros pour atteindre son objectif, ces séquences peuvent alternativement
apporter améliorations ou dégradations de sa situation ;
4/ De tout cela résultera une situation finale qui présente le héros dans un état totalement
modifié.
Dans Le Petit Poucet, ces jalons sont :
1/ La famille du Petit Poucet, très pauvre, n’arrive pas à nourrir ses enfants
2/ Les parents décident d’abandonner leurs enfants dans la forêt
3/ Petit Poucet réussit d’abord à retrouver son chemin grâce à ses petits cailloux blancs
(améliorations), mais les parents abandonnent à nouveau leurs sept enfants, ils se perdent
dans la forêt (dégradations), ils doivent se cacher dans la maison d’un ogre, le tromper et lui
voler ses bottes de sept lieues (épreuve).
4/ Petit Poucet, aidé par les bottes de sept lieues et finalement riche, peut retourner dans sa
famille.
Ce schéma simple peut se complexifier par endroits, se démultiplier en plusieurs « parcours »
initiatiques accomplis par différents personnages.
Propositions :
- Amorcer avec les élèves une discussion autour de la définition du conte : Qu’est-ce qu’un
conte ? Est-ce une histoire comme les autres ? Pourquoi parle-t-on de contes de fées ? Qu’y
trouve-t-on de particulier ? Quels sont les contes connus ? Quels types de personnages (en
citer), d’objets, d’animaux ? Dans quels lieux se déroulent les aventures ? Quels événements
(transformation, épreuve, obstacle, manque, malheur etc.) ? Comment commencent et
finissent les contes ? Quelle est la différence entre un conte, un mythe et une fable ?
- Fabriquer des contes. Demander à chaque élève de tirer au sort 7 étiquettes. Chaque
étiquette comporte : un héros / un point de départ / un ennemi / un but / un lieu / un ami /
un objet magique. A partir des informations que chaque élève aura tirées, une histoire sera
élaborée. Cette expérience peut être menée à l’écrit comme à l’oral.
- Les contes à l’envers. Les personnages d’un conte choisi sont inversés. Les bons deviennent
les méchants, les méchants deviennent les gentils, le roi devient un paysan… Demander aux
élèves d’envisager les changements dans l’histoire. La fin serait-elle la même ? La morale
serait-elle modifiée ?
- Différents éléments issus de plusieurs contes sont mélangés et proposés aux élèves
(exemples : les bottes de sept lieues, les cailloux du Petit Poucet, le panier du Petit Chaperon
Rouge, la clef de Barbe-Bleue, les sept nains, le chat botté, le château de la Belle au bois
dormant…). A partir de ces éléments disparates, les élèves sont amenés à inventer une
nouvelle histoire.
- A partir des extraits de conte suivants (ou d’autres extraits choisis), travailler sur les
spécificités du conte en littérature.
* Quels sont les personnages présents dans chaque extrait ?
* Quel est le point commun de ces cinq extraits ?
1/ Elle ne fut pas plus tôt arrivée à la fontaine qu’elle vit sortir du bois une Dame
magnifiquement vêtue qui vint lui demander à boire : c’était la même Fée qui avait apparu
à sa sœur, mais qui avait pris l’air et les habits d’une Princesse (…)
Les Fées, Ch. Perrault.
2/ La princesse poussa un cri terrible en apercevant le nain ; mais ses plaintes ne servirent
qu’à aigrir ce petit monstre : avec deux mots de son grimoire, il fit paraître deux géants qui
chargèrent le roi de chaînes et de fers.
Le Nain jaune, Madame d’Aulnoy.
3/ Le Roi Magicien arriva à la fin de la cérémonie ; le désespoir où il était d’être arrivé si tard
lui ayant troublé la tête, il parut sous sa forme naturelle, et entreprit de jeter sur le prince et la
princesse mariés une liqueur noire capable de les faire mourir ; mais la fée avança une
baguette qu’elle tenait à la main, et fit tourner la liqueur sur le roi qui venait de la jeter, dont
il tomba ayant perdu l’usage de tous les sens.
Le Roi Magicien, Chevalier De Mailly.
4/ Un jour que la princesse était sur son balcon, elle vit sortir de l’eau une figure
extraordinaire ; […] c’était une espèce d’homme dont le visage était bleuâtre, et dont les
cheveux mal frisés étaient vert de mer ; il avançait du côté de la tour, et les requins ne
mettaient aucun obstacle à son dessein.
L’Enchantement impossible, Comte de Caylus.
5/ Le grand mage Mambrès y présidait, mais il n’avait plus le même crédit qu’autrefois. Tous
les ministres d’Etat conclurent que le taureau blanc était un sorcier. C’était tout le contraire :
il était ensorcelé ; mais on se trompe toujours à la cour dans ces affaires délicates. On
conclut à la pluralité des voix qu’il fallait exorciser la princesse, et sacrifier le taureau blanc et
la vieille.
Le Taureau blanc, Voltaire.
b) Le Petit Poucet, un conte de Charles Perrault
Le Petit Poucet est un conte écrit par Charles Perrault (1628-1703), paru dans Les Contes de ma mère
l’Oye en 1697, qui aborde les thèmes de la famille, de l’abandon, de la forêt et du courage,
notamment.
Il raconte l’histoire du Petit Poucet, qui est abandonné dans la forêt avec ses frères parce que leurs
parents n’ont pas assez d’argent pour les nourrir. Il réussit néanmoins à retrouver le chemin de la
maison grâce à des petits cailloux blancs qu’il sème sur la route. Au bout de quelques temps, les
parents abandonnent à nouveau leurs enfants dans la forêt et les sept frères sont cette fois perdus.
Ils sont hébergés chez un ogre qui décide de les manger. Mais Petit Poucet échange les bonnets de
ses frères par les couronnes d’or des filles de l’ogre. L’ogre, ainsi trompé, tue ses sept filles pendant la
nuit. Fou de rage, il court à la poursuite des frères en enfilant ses bottes de sept lieues. Epuisé, il
s’endort et Petit Poucet lui vole ses bottes. Les frères peuvent donc rentrer chez eux.
Le texte original du conte est proposé en annexe de ce dossier.
Propositions :
- A partir des représentations visuelles du Petit Poucet, analyser l’univers de l’histoire. Quels sont les
points communs ? Les différences ? Quelles sont les couleurs, les personnages, les éléments récurrents ?
A votre avis, à quelle période de l’année se déroule l’histoire ?
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Image 1 : Illustration de Gustave Doré, 1867
Image 2 : Illustration de Claude Hirlemann, 1923
Image 3 : Couverture du livre Le petit poucet, Editions Bellevue, 1971
Image 4 : Couverture du livre Le petit poucet, de Marie-Hélène Delval et Ulises Wensell, 2012
Charles Perrault
Grand écrivain français, connu pour être à l'origine de la querelle des Anciens et des
Modernes, Charles Perrault est né en 1628, dans une famille de sept enfants. Après
avoir fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris, il obtient une
licence en droit et s'inscrit alors au barreau en 1651. Il est ensuite longtemps contrôleur
général des bâtiments du roi, ainsi que membre de la Commission des inscriptions
publiques. C’est en 1671 qu’il est élu à l'Académie française.
Cet écrivain et conteur est principalement connu pour avoir contribué à relancer le
genre littéraire des contes de fées. On lui connaît une œuvre très réputée et courte
en même temps : Les fameux Contes de ma mère l'Oye ou Histoires et Contes du
Temps Passé de 1697, ainsi qu’un recueil de huit contes merveilleux. Il a repris non pas des contes
adressés à des enfants, mais des contes appartenant à une littérature orale. Il a réécrit l’histoire du
Petit Chaperon Rouge, de Cendrillon dans des versions beaucoup moins terribles que celles des
légendes d’antan. Charles Perrault transforme le récit et l'adapte à la société de son temps, ajoutant
des éléments de temps à autre. On citera aussi La Barbe Bleue, Le Petit Poucet, La Belle au bois
dormant, etc. Le succès des Contes de ma Mère l'Oye rend le reste de sa production littéraire (de
genre parodique ou burleque, notamment) moins connue. Charles Perrault meurt en 1703.
Source : Texte extrait de http://clpav.fr/perrault.htm
c) Une adaptation du conte
Le spectacle Le Petit Poucet est une adaptation du conte originel, c'est-à-dire qu’il reprend
des marqueurs, des moments ou des éléments clés du conte, mais sans en reprendre le texte
ou le déroulé exact.
Référence possible
Le petit Cépou de Pepito Matéo, Syros, Collection Paroles de conteurs, 2012
Une adaptation à Saint Denis, à une époque contemporaine. L’histoire racontée par Pépito
Matéo est disponible en vidéo sur : http://www.pepitomateo.fr/bibliographie/15-video/17-lepetit-cepou
Extrait du texte :
« Saint Denis, banlieue Nord. Le tram n°7 glisse sur les rails luisants comme des serpents. Il dévale la rue des petits
cailloux. A l’intérieur du tram, on peut voir successivement : le chauffeur au visage d’ogre en lames de couteaux,
une dame au manteau imitation renard, un militaire de carrière, des écrasés contre la vitre, des enfants délurés,
une vieille et son chat Nestor, et tout au bout… le Petit Cépou, un gamin du quartier qui regarde ses baskets, tout
en redressant et tournant sa mèche en forme de banane tirée.
Arrêt : 7 Banlieues, attention les yeux. Une bande de contrôleurs est sur le pied de guerre : ça sent la chair fraîche.
Mais le Petit Cépou en a vu d’autres. Il échappe de justesse au guet-apens et se précipite rue Picasso.
Il est en retard pour le dîner. Chez les Perrault, ses parents, comme tous les soirs à la même heure, on regarde les
jeux à la télé. Prière de ne pas déranger.
- Ils ont encore gagné, dit la mère, ça ne va pas nous arriver à nous.
Il faut dire qu’avec sept gosses à nourrir, le père qu’est sans boulot, et la grand-mère qui s’est cassé le col du
fémur, c’est un peu dur.
- Je ferai ce qu’il faudra, dit le père.
Et sa main, sa lourde main, vient s’abattre sur le réveil matin, qui vient se mettre en position alarme à sept heures
et quart.
Au petit matin, le nez dans leur bol, les parents Perrault préparent un mauvais coup.
- Ben alors, dit la mère, t’avais dit que t’irais perdre les gosses, ce matin, dans la forêt.
- J’y vais, j’y vais, dit le père, si tu crois que c’est de gaieté de cœur. Allez les enfants, Kader, Monique, Nono,
Aïcha, Tintin, en rangs par trois, on va faire un petit tour. Il paraît qu’à cette saison, c’est plein de jolis parcmètres. »
Transmettre le conte par l’image
Il existe beaucoup de manières de raconter une histoire… Le conte Le Petit poucet a
notamment été raconté de multiples fois, et chaque fois les adaptations (sous forme de texte
écrit, de texte lu, de spectacle de danse, de théâtre, d’œuvre plastique, de film etc.) sont
différentes.
Au théâtre ou au cinéma, par exemple, le metteur en scène ou le réalisateur doit choisir un
décor, des costumes, des lumières, un texte, des gestes, des intonations de voix etc. Ces
choix permettent de transmettre des ambiances, des atmosphères.
Image 1
Image 2
Image 3 (haut) et Image 4 (bas)
Image 1 : Affiche du film Le Petit Poucet, d’Olivier Dahan, 2001
Image 2 : Photographie du spectacle P.P. les p’tits cailloux, de la compagnie Loba (accueilli au Grand Bleu
pendant la saison 2012/2013)
Image 3 : Photographie du spectacle En attendant le petit poucet (texte de Philippe Dorin), de la compagnie
Les Arpenteurs
Image 4 : Image extraite de l’opéra Pollicino, de Hans Werner Henze
Image 5
Image 6
Image 7
Images 5, 6 et 7 : Photographies du spectacle Le Petit Poucet, de Laurent Gutmann. Photos de Pierre Grosbois.
Pistes / propositions :
- Qu’est-ce qu’une adaptation de conte ?
Travailler sur les différentes représentations du Petit Poucet : quels sont les codes récurrents
(couleurs, accessoires, formes, personnages, épreuves) qui nous permettent de dire qu’il
s’agit bien du même conte ?
* En quoi peut-on dire que l’extrait du Petit Cépou est une adaptation du Petit Poucet ?
* En quoi peut-on dire que les spectacles ou films présentés sont des adaptations du Petit
Poucet ?
- Changer la fin de l’histoire. A partir de l’histoire du Petit Poucet, imaginer une nouvelle fin,
pour le meilleur ou pour le pire…
- Inventer sa propre adaptation du Petit Poucet. Retranscrire l’histoire dans un autre contexte.
Quels sont les éléments essentiels à l’histoire ? Quels sont ceux dont on peut se passer ? On
peut proposer des contraintes d’écriture pour amorcer la réflexion. Par exemple :
* Petit Poucet vit dans le Nord de la France à une époque contemporaine
* Petit Poucet vit dans un autre continent, à une autre époque
* Petit Poucet est une fille
* etc.
- Du conte écrit à l’image fixe : L’image au service du texte.
En s’appuyant sur un passage du texte de Perrault (imposé par l’enseignant ou choisi par
l’élève), on demande à chacun de proposer une illustration / image se rapportant à l’extrait.
Que montre mon image ? Illustre t-elle l’ensemble du texte ou seulement une partie ?
- Pas de parole, pas d’images, juste des gestes.
A partir d’un extrait de conte, les élèves, par petit groupe, doivent le mettre en scène sans
parler et le présenter à la classe. Quelle posture et gestuelle adopter pour faire comprendre
l’extrait choisi à un public ?
- Représenter le méchant.
Dans les contes, le mal est toujours personnifié par un individu ou un animal : belle-mère
acariâtre, loup, mari terrifiant… Dans le cas du Petit Poucet, il s’agit de l’ogre. Demander aux
élèves d’en faire le portrait robot.
Pour aller plus loin, travailler sur la figure du méchant dans un conte moderne. Quels seraient
ses traits de caractère et comment les traduire physiquement ? Après l’analyse des traits
caractéristiques de quelques personnages de conte, demander aux élèves, seuls ou par
petits groupes, d’envisager un être malveillant qui pourrait exister à notre époque.
- Un pictogramme au service de la formule.
A partir de l’analyse de quelques pictogrammes du code de la route (attention chute de
pierres, traversée de troupeaux…), on demande aux élèves de trouver les éléments
graphiques (formes, couleurs) et les symboles qui permettent de faire comprendre une idée
rapidement.
En partant des formules du conte (par exemple « en marchant, il avait laissé tomber le long
du chemin les petits cailloux blancs qu’il avait dans ses poches », « Savez-vous bien que c’est
ici la maison d’un Ogre qui mange les petits enfants ? », ou encore « donne-moi vite mes
bottes de sept lieues », on propose aux élèves d’en choisir une et de la transposer en une
seule image. Que garder de la phrase ? Comment faire comprendre graphiquement une
formule ? Peut-on mettre des formes plastiques au service du langage ?
- Après la venue au spectacle, imaginer la création d’une affiche. A partir de discussions en
classe sur ce qui était particulièrement marquant ou à retenir dans le spectacle, créer une
seule image, sous la forme d’une affiche, qui représente et condense tous ces éléments.
2. Les thématiques soulevées par le spectacle
a) La forêt dans les contes
Dans les contes, la forêt est le lieu physique, mais aussi et surtout symbolique, dans lequel le
héros va s’immerger afin d’en ressortir plus « fort ». La forêt est le lieu de transition entre le
monde de l’enfance et le monde adulte. Le passage dans la forêt représente le
cheminement de l’enfant (souvent adolescent) du cocon familial vers l’état d’autonomie.
Le monde civilisé est constitué de forces domptées par l’homme alors que dans la forêt
seules les puissances naturelles règnent en maître. Lors de l’arrivée de l’enfant dans la forêt,
celui-ci va devoir affronter et vaincre seul ou accompagné ces forces non domestiquées
jusque-là. L’enfant a alors pour obligation de faire ses propres choix et de prendre des
décisions pour la première fois. S’il veut sortir de la forêt et par conséquent réussir cette mise à
l’épreuve à l’autonomie, ses choix et décisions doivent profondément faire appel à la raison
et à la pensée. Ces deux mécanismes lui ont été préalablement inculqués dans le monde
civilisé.
Le but du voyage n’est donc pas la forêt elle-même ; mais son au-delà, on ne fait que la
traverser. Il n’y a que deux issues possibles à cette traversée de la forêt : ressortir vainqueur et
initié ou bien perdant et mortifié. La forêt devient bénéfique pour ceux qui parviennent à la
dompter et destructrice pour ceux qui échouent mais dans tous les cas elle annonce le
début d’un monde nouveau.
La forêt est alors un mode de
représentation
du
lieu
d’initiation très courant à
travers les contes mais, elle
n’en est pas l’unique. On peut
ainsi trouver dans les contes
d’autres symboles tels que les
fleuves, les mers et les
montagnes. Ces différences
symboliques varient naïvement
en
fonction
des
terres
d’origines de chaque conte.
(Source : le texte et le schéma sont issus du dossier pédagogique du spectacle P.P. les p’tits cailloux, de la
compagnie Loba, accueilli au Grand Bleu pendant la saison 2012/2013)
Pistes/propositions :
- Quels contes vous évoquent la forêt ? Travailler autour d’un corpus de textes se déroulant
dans la forêt (Hansel et Gretel, Le petit chaperon rouge, Blanche Neige, etc.).
- Qu’est ce que la forêt peut apporter à l’homme ? L’Homme est-il dépendant de la forêt ?
Aborder les aspects écologiques liés à la forêt (déboisement, problème des cultures
intensives, notion de réserve naturelle, de poumon vert).
Quelques exemples :
Image 1
Image 2
Image 3
- Image 1: Vincent Van Gogh, Jeune fille en blanc dans la forêt, 1882
- Image 2: Max Ernst, La Forêt, 1927
- Image 3: Robert Longo, Untitled (Fairmount Forest), 2011
- Travail en « land-art » ou en créations à partir d’éléments naturels
- Quelle est la place de la forêt aujourd’hui ? (travail en histoire / géographie sur la conquête
de l’espace rural)
b) Les relations adultes/enfants et les choix d’éducation
Le spectacle Le Petit Poucet aborde de façon originale la relation entre les parents et les
enfants.
Enclencher une discussion à partir d’un entretien réalisé par le metteur en scène Laurent
Gutmann:
« Adapter le Petit Poucet, c’est d’abord se demander quel acteur choisir pour jouer le rôle-titre. Je ne
voulais pas grimer un adulte en enfant, je trouve ça un peu pathétique. Alors j’ai décidé de donner le
rôle à un comédien adulte très petit. Jean-Luc Orofino a une quarantaine d’années, on le représente
donc comme un adulte petit, on ne fait pas croire que c’est un enfant. Et j’ai choisi des comédiens un
peu plus jeunes que lui pour jouer le rôle de ses parents.
On raconte ainsi que si le Petit Poucet est resté petit alors qu’il a vieilli, c’est parce que le regard que
ses parents portent sur lui n’a pas changé. Ils continuent de voir en lui un enfant et c’est bien là le
problème de cette famille.
D’ailleurs le sous-titre que j’ai donné à la pièce l’illustre : « Le Petit Poucet ou de l’intérêt des balades
en forêt dans l’éducation des enfants »... C’est une façon de dire qu’à un moment, finalement,
abandonner ses enfants ça peut leur faire du bien ! Bien évidemment, présenté comme ça, c’est très
provocateur mais c’est une façon de dire que pour que l’enfant ne soit plus un enfant, qu’il trouve sa
juste place dans la famille et qu’il puisse ensuite être un adulte dans la famille, il faut que les parents
l’aident à partir, à quitter la maison de son enfance. Et si dans le spectacle ses parents l’abandonnent
de façon très égoïste, c’est en fin de compte une chance offerte à cet enfant. C’est paradoxal, il
aura grandi grâce à l’abandon.
Le problème dans la famille du Petit Poucet c’est le manque d’amour mais aussi le manque
d’imaginaire. On n’imagine pas chez eux que la vie puisse être autre que telle qu’elle se présente.
Chez l’ogre et l’ogresse, c’est tout le contraire. Ils sont très amoureux l’un de l’autre et ils ont une
maison toute dorée. C’est très bling-bling chez l’ogre et le Petit Poucet est naturellement attiré par cet
univers aux antipodes de celui de ses parents.(…) »
Propos recueillis par Sébastien Daniel, Théâtre Jacques Prévert d’Aulna
Dans le conte de Perrault, la moralité de l’histoire apporte une critique à l’égard des parents
qui ne s’occupent pas de leurs enfants.
« On ne s'afflige point d'avoir beaucoup d'enfants,
Quand ils sont tous beaux, bien faits et bien grands,
Et d'un extérieur qui brille ;
Mais si l'un d'eux est faible ou ne dit mot,
On le méprise, on le raille, on le pille ;
Quelquefois cependant c'est ce petit marmot
Qui fera le bonheur de toute la famille. »
Un dossier pédagogique a été réalisé par le Théâtre de l’Aquarium, intitulé « Bourreaux
d’enfants »
(expression
à
lire
dans
les
deux
sens)
disponible
sur :
http://www.theatredelaquarium.net/IMG/pdf/BOURREAUX_D_ENFANTS_CHAP-1_-_DPEDAG-BD2.pdf.
Il présente 4 formes théâtrales qui interrogent toutes à leur manière la place de l’enfant dans
notre société, « ou plutôt elles questionnent notre société à travers le regard qu’elle pose sur
ce qui est en son sein le plus fragile et le plus prometteur à la fois : la jeunesse ». (François
Rancillac).
c) Pauvreté et société de consommation
Le spectacle aborde également la question de la pauvreté. En situant l’histoire à une époque
contemporaine, il permet de contextualiser cette problématique au regard du contexte de société de
consommation. C’est notamment parce que les parents ne peuvent pas satisfaire leurs désirs de
consommation (ils sont obligés de partager une pizza, qu’ils aimeraient pourtant garder pour eux)
qu’ils décident d’abandonner le Petit Poucet.
Référence :
On peut établir un parallèle avec Modeste proposition de Jonathan Swift (1729).
Le titre véritable de ce pamphlet est Humble proposition pour empêcher les enfants des
pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents ou de leurs pays et pour les rendre
utiles au public.
Pour faire face à l’extrême misère de la population Irlandaise, un homme propose des
solutions rationnelles pour le bien commun : utiliser les enfants des classes populaires comme
nourriture pour les riches et ainsi créer de l’emploi avec l’ouverture d’abattoirs spécialisés.
Swift utilise l’ironie et la provocation pour dénoncer la domination de l’Angleterre sur l’Irlande
et la misère humaine et sociale de la population Irlandaise.
Extraits :
« J'ai calculé qu'un nouveau-né pèse en moyenne douze livres, et qu'il peut, en une année
solaire, s'il est convenablement nourri, atteindre vingt-huit livres. Je reconnais que ce
comestible se révélera quelque peu onéreux, en quoi il conviendra parfaitement aux
propriétaires terriens qui, ayant déjà sucé la moelle des pères, semblent les mieux qualifiés
pour manger la chair des enfants. »
« D’un cœur sincère, j'affirme n'avoir pas le moindre intérêt personnel à tenter de promouvoir
cette œuvre nécessaire, je n'ai pour seule motivation que le bien de mon pays, je ne
cherche qu'à développer notre commerce, à assurer le bien-être de nos enfants, à soulager
les pauvres et à procurer un peu d'agrément aux riches. »
PEU DE TEMPS DEVANT VOUS ? ON RÉCAPITULE !
Des idées de questions/sujets à aborder en classe avant la venue au spectacle
1. Lire le conte de Perrault ou détailler en groupe les différentes étapes du conte originel.
2. Qu’est-ce qu’une adaptation de conte ?
3. Quels sont les éléments du conte originel que vous vous attendez à voir dans le spectacle ?
4. Si vous étiez metteur en scène du spectacle, quel décor choisir pour représenter cette histoire ?
Pourquoi ?
5. Quels costumes pour les personnages ? Comment représenter le Petit Poucet, ses parents, l’ogre ?
6. Dans l’adaptation de Gutmann, le Petit Poucet est fils unique : il n’y a plus les 7 frères. Que pensezvous que cela change dans l’histoire ?
7. Que pensez-vous de l’attitude des parents du Petit Poucet ? Comment expliquer leur choix ?
8. Discuter du sous-titre du spectacle.
Des idées de questions/sujets à aborder en classe après la venue au spectacle
1. Le Petit Poucet de Gutmann est lui aussi physiquement différent. Pourquoi ?
2. Quelle a été notre réaction de spectateur à la découverte de chacun des cinq personnages
principaux (la mère, le père, Poucet, l’ogresse, l’ogre) ? Aviez-vous reconnu les comédiens qui jouent
le père et la mère lorsqu’ils se sont présentés en ogre et ogresse ? Décrivez-les.
3. Quels sont les lieux où se déroulent Le Petit Poucet de Gutmann ? Quelles en sont les
caractéristiques ?
4. Avez-vous remarqué le travail sur la lumière ? Qu’apporte-t-il à l’histoire ?
5. Décrivez la situation initiale et la situation finale.
6. Dans cette version de Gutmann, quel est l’élément modificateur ? Quel est l’élément magique ?
7. En quoi cette réécriture est-elle contemporaine ?
8. Quelles sont les questions de société que vous y décelez ?
9. Trouvez-vous que Gutmann donne une seule version du Petit Poucet ou bien que chaque
spectateur est libre d’imaginer sa propre version ?
10. Le thème permet-il d’aborder des sujets dont on ne parle pas habituellement ? Quels autres arts
permettent cela ?
Pour aller plus loin
Pour voir des extraits vidéo du spectacle :
http://www.theatre-video.net/video/tmpurl_g8H7rTqG?autostart
Autour des contes :
- La BNF propose un dossier complet sur les contes :
http://expositions.bnf.fr/contes/pedago/atelier/index.htm
- Roald Dahl, Un conte peut en cacher un autre, Gallimard jeunesse 1995
- Philippe Ducras, Boris MOISSARD, Contes à l’envers, l’école des loisirs, 1990
- Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fée, Le livre de poche, 1979
- J. M. Gilling, Le conte en pédagogie et en rééducation, Dunod, 2005
- A. Popet, E. Roques, Le conte au service de l’apprentissage de la langue, Retz, 2000
- Georges Jean, Le pouvoir des contes, Casterman, 1981
- Luda Schnitzer, Ce que disent les contes, Le sorbier, 1981
- Christiane Connan-Pintado, Lire les contes détournés à l’école, de la GS au CM2, Hatier Pédagogie,
2010
- Il était une fois… les contes de fées, sous la direction d’Olivier Piffault
- Emission sur Le Petit Poucet, dans La Marche de l’Histoire, France Inter, 25 décembre 2013
http://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-lhistoire-la-planete-des-contes-le-petit-poucet
Le Petit Poucet, adaptations, variantes et textes détournés :
- « La Fugue du Petit Poucet », dans l’ouvrage Sept contes, de Michel Tournier, Folio Junior, 1979
Pierre ne veut pas quitter sa maison de campagne et aller vivre avec ses parents dans un immeuble en centre ville. Il décide
alors de faire une fugue. Dans la forêt, il rencontre les sept filles de Logre qui l’invitent à venir passer la nuit chez leur père. Pierre
accepte et rencontre l’étrange individu : un géant gentil, respectueux de la nature et des arbres, essence de toute vie sur Terre.
- Ti Poucet de Stéphane Servant & Ilya Green, Rue du Monde, Collection COULEUR CARRE, 2009
Quand on est Ti Poucet, il vaut toujours mieux se promener avec trois petits cailloux dans sa poche...
- Le petit Cépou de Pepito Matéo, Syros, Collection Paroles de conteurs
Saint-Denis, banlieue Nord. Chez les Perrault, personne n'a jamais gagné au Loto. Sept gosses à nourrir, le père sans boulot...un
matin, les parents complotent, le nez dans leur bol : « Kader, Monique, Nono, Aïcha, Tintin...en rang par trois, on va faire un tour.
Il paraît qu'à cette saison c'est plein de jolis parcmètres. » Une savoureuse transposition, urbaine et poétique du grand classique
de Perrault. Vidéo disponible sur : http://www.pepitomateo.fr/bibliographie/15-video/17-le-petit-cepou
- Journal secret du petit Poucet, Philippe Lechermeier, illustrations de Rebecca Dautremer, Hachette
Livre / Gautier Lanquereau, 2009
Poucet vit avec son père, sa belle-mère et ses frères. Il dort sur un bouchon de bouteille et, comme c’est la Grande Privation, ne
mange que de la soupe. Il nous raconte son histoire dans son journal...
- Les histoires du petit Poucet racontées dans le monde, Fabienne Morel et Gilles Bizouerne, illustrations
d’Emilie Harel, Syros
Les histoires du Petit Poucet racontées en Pologne, en Suède, au Canada, en Corse, en Amérique du Nord et … par Charles
Perrault. Avec « Le tour du monde d'un conte », découvrez des versions très différentes d'un même conte, racontées depuis des
siècles à travers les pays du monde entier.
- Le petit Poupoucet, d’Ann Rocard
Une transposition théâtrale du conte de Perrault : une « comédie délirante » racontant le tournage d’un film adaptant Le Petit
Poucet. Téléchargeable sur : http://www.leproscenium.com/Textes/TextesL/LePetitPoupoucet.pdf
- Le petit Poucet, Caroline Baratoux, illustrations de Vincent Fortemps, Actes Sud, 2008
Un texte de théâtre qui reprend relativement fidèlement le conte-source. « Voici un petit poucet volontaire et courageux, un
vrai héros de théâtre ! Face à la cruauté du père, à l'impuissance de la mère, à l'appétit gigantesque de l'ogre, c'est lui, le plus
petit de tous, qui protège ses six frères. »
- En attendant le Petit Poucet, Philippe Dorin, l’Ecole des loisirs, 2001
Deux enfants, Le Grand et La Petite, se posent des tas de questions sur le monde qui les entoure. Ils entreprennent un tour du
monde afin de trouver « une petite place pour pouvoir retirer ses chaussures et poser ses pieds sur un petit tapis ». Ils sèment des
cailloux tout au long de leur chemin et l'un d'eux les accompagne. Lorsqu'ils ont fait le tour du monde, ils s'interrogent. Comment
donner un sens à leur histoire? Le petit caillou blanc leur montre alors le chemin d'une maison où on est prêt à les accueillir et où
on leur offre en guise de petit coin « une page blanche ».
- L’immangeable petit Poucet, Christian Oster, illustrations d’Anaïs Vaugelade, l’Ecole des loisirs, 2007
L’ogre aimerait réussir à croquer le petit poucet, immangeable à cause des cailloux qu’il a gardés dans ses poches et sur
lesquels on se casse les dents.
- L’enfant océan, Jean-Claude Mourlevat
Une nuit, Yann réveille ses six frères aînés, tous jumeaux. Il faut fuir : leur père a menacé de les tuer. Irrésistiblement attirés par
l'océan, les sept enfants marchent vers l'Ouest. De l'assistante sociale au routier qui les prend en stop, du gendarme alerté de
leur disparition à la boulangère qui leur offre du pain, chacun nous raconte à sa façon un peu de leur incroyable équipée.
- Baba Yaga et Petit Bout, conte traditionnel russe
Le conte russe Baba Yaga et Petit Bout (littéralement « le gringalet, l'avorton »), outre son titre, comporte diverses similitudes
avec Le Petit Poucet. Dans ce conte, Petit Bout a 40 frères ; partis ensemble à la recherche de fiancées, ils arrivent chez
l'ogresse Baba Yaga qui a 41 filles. Elle feint de les leur accorder, mais s'apprête à tuer les prétendants pendant leur sommeil.
Averti par son cheval, Petit Bout fait échanger à ses frères leurs vêtements avec celle des filles de l'ogresse, qui, ainsi trompée,
leur fera trancher la tête.
Sur la forêt
- Dossier « Arts visuels et forêts » avec des ressources et des suggestions d’activités, proposé par le
CRDP de Reims : http://www.cndp.fr/crdp-reims/index.php?id=1603
- Dossier de presse de l’exposition « L’appel de la forêt », présentée en 2012/2013 au Musée Würth
France à Erstein, disponible sur : http://www.musee-wurth.fr/wp/wp-content/uploads/2012/11/DP-FRAppel_de_la_foret-web.pdf
- Catalogue de l’exposition « Histoires d’arbres – Usages et représentations des forêts de Carnelle,
Montmorency et l’Isle-Adam », présentée en 2012 au musée d’Art et d’Histoire Louis Senlecq à L’Islehttp://www.artactu.com/exposition-histoires-d-arbres---usages-etAdam.
Plus
d’infos
sur :
representations-des-forets-de-carnelle-montmorency-et-l-isle-adam-article001559.html
Dossier
« Un
espace
imaginé »,
par
l’Office
National
des
Forêts
sur : http://www.onf.fr/gestion_durable/sommaire/coeur_societe/espace_imagine/@@index.html
Ce dossier est disponible en libre téléchargement sur notre site www.legrandbleu.com / Les actions du
Grand Bleu / Accompagnement pédagogique ou bien directement sur la page du spectacle Le petit
poucet.
ANNEXES
Annexe n°1
Extrait du texte du spectacle
LE PÈRE : Prenons le problème par le début : nous avons chaque jour trois bouches à nourrir, la tienne,
la mienne et celle de notre petit poucet. Nous avons assez d’argent pour en nourrir deux
LA MÈRE : Grand maximum.
LE PÈRE : Grand maximum. Donc que faut‐il faire ? Il faut supprimer une bouche. Trois moins un égal
deux.
LA MÈRE : Ah oui.
LE PÈRE : Envisageons maintenant comment y parvenir. On pourrait supprimer ma bouche
LA MÈRE : Comment ça supprimer ta bouche ?
LE PÈRE : C’est une image. Ça veut dire que je pourrai partir, vous laisser seuls tous les deux, le petit
poucet et toi, et comme ça vous pourriez vous partager ce que je mange chaque jour.
LA MÈRE : Ce serait une solution, c’est sûr, on serait plus à l’aise comme ça.
LE PÈRE : Mais non, pas du tout : si je vous laisse tous les deux seuls, qui va travailler toute la journée
pour ramener l’argent grâce auquel vous allez vous acheter à manger ?
LA MÈRE : Ah oui, je n’y avais pas pensé.
LE PÈRE : Imaginons maintenant qu’on supprime ta bouche – c’est encore une image – Je resterais
seul à la maison avec notre petit poucet et nous mangerions chaque jour ta part en plus des nôtres.
LA MÈRE : Et moi je mangerais quoi ?
LE PÈRE : Ce n’est pas le problème.
LA MÈRE : Ah bon ?
LE PÈRE : Il s’agit de savoir si cette solution est satisfaisante pour la majorité d’entre nous.
LA MÈRE : D’accord.
LE PÈRE : Dis-moi, est-ce que tu penses qu’un enfant qui a perdu sa mère puisse être parfaitement
heureux ?
LA MÈRE : Ah non.
LE PÈRE : Donc cette solution n’est pas bonne non plus. (Silence) Je n’en vois plus qu’une.
LA MÈRE : Ah oui ?
LE PÈRE : Oui. (Temps)
LA MÈRE : Supprimer la bouche du petit poucet ?
LE PÈRE : C’est toi qui l’as dit.
LA MÈRE : Ca veut dire ?...
LE PÈRE : Ca veut dire le laisser partir, qu’il quitte cette maison et que nous nous partagions chaque
jour toi et moi ce qu’il ne mangera plus.
LA MÈRE : Plus de petit poucet ?
LE PÈRE : Si, mais loin, ailleurs.
LA MÈRE : Quand même, abandonner notre enfant…
LE PÈRE : Tout de suite les grands mots.
LA MÈRE : Je n’en vois pas d’autre.
LE PÈRE : Ça serait pour son bien.
LA MÈRE : L’abandonner tout seul sans défense…
LE PÈRE : Lui offrir la chance d’un nouveau départ. (Il commence à couper en petits morceaux les
restes de pizza. A la mère.) Tu m’aides ?
Annexe n°2
Le Petit Poucet de Charles Perrault
Il était une fois un bûcheron et une bûcheronne qui avaient sept enfants, tous garçons; l'aîné
n'avait que dix ans, et le plus jeune n'en avait que sept.
On s'étonnera que le bûcheron ait eu tant d'enfants en si peu de temps ; mais c'est que sa
femme allait vite en besogne, et n'en avait pas moins de deux à la fois.
Ils étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup, parce qu'aucun
d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune
était fort délicat et ne disait mot : prenant pour bêtise ce qui était une marque de la bonté
de son esprit.
Il était fort petit, et, quand il vint au monde, il n'était guère plus gros que le pouce, ce qui fit
qu'on l'appela le petit Poucet. Ce pauvre enfant était le souffre-douleur de la maison, et on
lui donnait toujours tort. Cependant il était le plus fin et le plus avisé de tous ses frères, et, s'il
parlait peu, il écoutait beaucoup. Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande
que ces pauvres gens résolurent de se défaire de leurs enfants.
Un soir que ces enfants étaient couchés, et que le bûcheron était auprès du feu avec sa
femme, il lui dit, le coeur serré de douleur :
" Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants; je ne saurais les voir mourir de faim
devant mes yeux, et je suis résolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera bien aisé,
car, tandis qu'ils s'amuseront à fagoter, nous n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils nous voient.
- Ah! s'écria la bûcheronne, pourrais-tu toi-même mener perdre tes enfants ? "
Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir; elle
était pauvre, mais elle était leur mère. Cependant, ayant considéré quelle douleur ce lui
serait de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant. Le petit
Poucet ouït tout ce qu'ils dirent, car ayant entendu, de dedans son lit, qu'ils parlaient
d'affaires, il s'était levé doucement et s'était glissé sous l'escabelle de son père, pour les
écouter sans être vu. Il alla se recoucher et ne dormit point du reste de la nuit, songeant à ce
qu'il avait à faire.
Il se leva de bon matin, et alla au bord d'un ruisseau, où il emplit ses poches de petits cailloux
blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le petit Poucet ne découvrit rien de tout ce
qu'il savait à ses frères. Ils allèrent dans une forêt fort épaisse, où à dix pas de distance, on ne
se voyait pas l'un l'autre. Le bûcheron se mit à couper du bois, et ses enfants à ramasser des
broutilles pour faire des fagots. Le père et la mère, les voyant occupés à travailler,
s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent tout à coup par un petit sentier
détourné.
Lorsque ces enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur force.
Le petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait à la maison, car en
marchant il avait laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu'il avait dans ses
poches. Il leur dit donc :
" Ne craignez point, mes frères; mon père et ma mère nous ont laissés ici, mais je vous
ramènerai bien au logis: suivez-moi seulement. "
Ils le suivirent, et il les mena jusqu'à leur maison, par le même chemin qu'ils étaient venus dans
la forêt. Ils n'osèrent d'abord entrer, mais ils se mirent tous contre la porte, pour écouter ce
que disaient leur père et leur mère.
Dans le moment que le bûcheron et la bûcheronne arrivèrent chez eux, le seigneur du village
leur envoya dix écus, qu'il leur devait il y avait longtemps, et dont ils n'espéraient plus rien.
Cela leur redonna la vie, car les pauvres gens mouraient de faim. Le bûcheron envoya sur
l'heure sa femme à la boucherie. Comme il y avait longtemps qu'elle n'avait mangé, elle
acheta trois fois plus de viande qu'il n'en fallait pour le souper de deux personnes. Lorsqu'ils
furent rassasiés, la bûcheronne dit :
" Hélas ! où sont maintenant nos pauvres enfants ? Ils feraient bonne chère de ce qui nous
reste là. Mais aussi, Guillaume, c'est toi qui les as voulu perdre ; j'avais bien dit que nous nous
en repentirions. Que font-ils maintenant dans cette forêt ? Hélas! mon Dieu, les loups les ont
peut-être déjà mangés! Tu es bien inhumain d'avoir perdu ainsi tes enfants ! "
Le bûcheron s'impatienta à la fin ; car elle redit plus de vingt fois qu'ils s'en repentiraient, et
qu'elle l'avait bien dit. Il la menaça de la battre si elle ne se taisait.
Ce n'est pas que le bûcheron ne fût peut-être encore plus fâché que sa femme, mais c'est
qu'elle lui rompait la tête, et qu'il était de l'humeur de beaucoup d'autres gens, qui aiment
fort les femmes qui disent bien, mais qui trouvent très importunes celles qui ont toujours bien
dit. La bûcheronne était tout en pleurs :
" Hélas! où sont maintenant mes enfants, mes pauvres enfants! "
Elle le dit une fois si haut, que les enfants, qui étaient à la porte, l'ayant entendue, se mirent à
crier tous ensemble:
" Nous voilà! nous voilà! "
Elle courut vite leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant :
" Que je suis aise de vous revoir, mes chers enfants ! Vous êtes bien las, et vous avez bien faim
; et toi, Pierrot, comme te voilà crotté, viens que je te débarbouille."
Ce Pierrot était son fils aîné, qu'elle aimait plus que tous les autres, parce qu'il était un peu
rousseau, et qu'elle était un peu rousse. Ils se mirent à table, et mangèrent d'un appétit qui
faisait plaisir au père et à la mère, à qui ils racontaient la peur qu'ils avaient eue dans la forêt,
en parlant presque toujours tous ensemble. Ces bonnes gens étaient ravis de revoir leurs
enfants avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durèrent.
Mais, lorsque l'argent fut dépensé, ils retombèrent dans leur premier chagrin, et résolurent de
les perdre encore ; et, pour ne pas manquer leur coup, de les mener bien plus loin que la
première fois. Ils ne purent parler de cela si secrètement qu'ils ne fussent entendus par le petit
Poucet, qui fit son compte de sortir d'affaire comme il avait déjà fait ; mais, quoiqu'il se fût
levé de grand matin pour aller ramasser de petits cailloux, il ne put en venir à bout, car il
trouva la porte de la maison fermée à double tour.
Il ne savait que faire, lorsque, la bûcheronne leur ayant donné à chacun un morceau de
pain pour leur déjeuner, il songea qu'il pourrait se servir de son pain au lieu de cailloux, en
rejetant par miettes le long des chemins où ils passeraient: il le serra donc dans sa poche.
Le père et la mère les menèrent dans l'endroit de la forêt le plus épais et le plus obscur; et,
dès qu'ils y furent, ils gagnèrent un faux-fuyant, et les laissèrent là.
Le petit Poucet ne s'en chagrina pas beaucoup, parce qu'il croyait retrouver aisément son
chemin, par le moyen de son pain qu'il avait semé partout où il avait passé ; mais il fut bien
surpris lorsqu'il ne put en retrouver une seule miette; les oiseaux étaient venus qui avaient tout
mangé.
Les voilà donc bien affligés ; car, plus ils marchaient, plus ils s'égaraient et s'enfonçaient dans
la forêt.
La nuit vint, et il s'éleva un grand vent qui leur faisait des peurs épouvantables. Ils croyaient
n'entendre de tous côtés que les hurlements de loups qui venaient à eux pour les manger. Ils
n'osaient presque se parler, ni tourner la tête. Il survint une grosse pluie, qui les perça
jusqu'aux os ; ils glissaient à chaque pas, et tombaient dans la boue, d'où ils se relevaient tout
crottés, ne sachant que faire de leurs mains.
Le petit Poucet grimpa au haut d'un arbre, pour voir s'il ne découvrirait rien ; ayant tourné la
tête de tous côtés, il vit une petite lueur comme d'une chandelle, mais qui était bien loin, par
delà la forêt. Il descendit de l'arbre, et lorsqu'il fut à terre, il ne vit plus rien: cela le désola.
Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères, du côté qu'il avait vu la lumière, il
la revit en sortant du bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était cette chandelle, non sans
bien des frayeurs : car souvent ils la perdaient de vue; ce qui leur arrivait toutes les fois qu'ils
descendaient dans quelque fond.
Ils heurtèrent à la porte, et une bonne femme vint leur ouvrir. Elle leur demanda ce qu'ils
voulaient. Le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de pauvres enfants qui s'étaient perdus dans la
forêt, et qui demandaient à coucher par charité. Cette femme, les voyant tous si jolis, se mit
à pleurer, et leur dit :
" Hélas ! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus ? Savez-vous bien que c'est ici la maison
d'un Ogre qui mange les petits enfants ?
- Hélas ! madame, lui répondit le petit Poucet, qui tremblait de toute sa force, aussi bien que
ses frères, que ferons-nous ? Il est bien sûr que les loups de la forêt ne manqueront pas de
nous manger cette nuit si vous ne voulez pas nous retirer chez vous, et cela étant, nous
aimons mieux que ce soit Monsieur qui nous mange ; peut-être qu'il aura pitié de nous si vous
voulez bien l'en prier."
La femme de l'Ogre, qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari j usqu'au lendemain
matin, les laissa entrer, et les mena se chauffer auprès d'un bon feu ; car il y avait un mouton
tout entier à la broche, pour le souper de l'Ogre.
Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent heurter trois ou quatre grands coups
à la porte : c'était l'Ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le lit, et alla ouvrir
la porte. L'Ogre demanda d'abord si le souper était prêt, et si on avait tiré du vin, et aussitôt
se mit à table. Le mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui en sembla que meilleur. Il
flairait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche.
" Il faut, lui dit sa femme, que ce soit ce veau que je viens d'habiller*, que vous sentez.
- Je sens la chair fraiche, te dis-je encore une fois, reprit l'Ogre, en regardant sa femme de
travers, et il y a ici quelque chose que je n'entends pas. "
En disant ces mots, il se leva de table, et alla droit au lit.
" Ah! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, maudite femme! Je ne sais à quoi il tient
que je ne te mange aussi : bien t'en prend d'être une vieille bête. Voilà du gibier qui me vient
bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis, qui doivent me venir voir ces jours-ci. "
Il les tira de dessous le lit, l'un après l'autre. Ces pauvres enfants se mirent à genoux, en lui
demandant pardon; mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin
d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce seraient là de
friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand
couteau ; et en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre, qu'il
tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit :
" Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est ? n'aurez-vous pas assez de temps demain ?
- Tais-toi, reprit l'Ogre, ils en seront plus mortifiés.
- Mais vous avez encore là tant de viande, reprit sa femme : voilà un veau, deux moutons et
la moitié d'un cochon !
- Tu as raison, dit l'Ogre : donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les
mener coucher. "
La bonne femme fut ravie de joie, et leur porta bien à souper; mais ils ne purent manger, tant
ils étaient saisis de peur. Pour l'Ogre, il se remit à boire, ravi d'avoir de quoi si bien régaler ses
amis. Il but une douzaine de coups de plus qu'à l'ordinaire : ce qui lui donna un peu dans la
tête, et l'obligea de s'aller coucher.
L'Ogre avait sept filles, qui n'étaient encore que des enfants. Ces petites ogresses avaient
toutes le teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de la chair fraîche, comme leur père ;
mais elles avaient de petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu, et une fort grande bouche,
avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l'une de l'autre. Elles n'étaient pas encore
fort méchantes; mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants
pour en sucer le sang.
On les avait fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant
chacune une couronne d'or sur la tête. Il y avait dans la même chambre un autre lit de la
même grandeur: ce fut dans ce lit que la femme de l'Ogre mit coucher les sept petits
garçons; après quoi, elle s'alla coucher auprès de son mari.
Le petit Poucet, qui avait remarqué que les filles de l'Ogre avaient des couronnes d'or sur la
tête, et qui craignait qu'il ne prît à l'Ogre quelques remords de ne les avoir pas égorgés dès le
soir même, se leva vers le milieu de la nuit, et prenant les bonnets de ses frères et le sien, il alla
tout doucement les mettre sur la tête des sept filles de l'Ogre, après leur avoir ôté leurs
couronnes d'or, qu'il mit sur la tête de ses frères, et sur la sienne afin que l'Ogre les prît pour ses
filles, et ses filles pour les garçons qu'il voulait égorger.
La chose réussit comme il l'avait pensé ; car l'Ogre, s'étant éveillé sur le minuit, eut regret
d'avoir différé au lendemain ce qu'il pouvait exécuter la veille. Il se jeta donc brusquement
hors du lit, et, prenant son grand couteau:
" Allons voir, dit-il, comment se portent nos petits drôles; n'en faisons pas à deux fois. "
Il monta donc à tâtons à la chambre de ses filles, et s'approcha du lit où étaient les petits
garçons, qui dormaient tous, excepté le petit Poucet, qui eut bien peur lorsqu'il sentit la main
de l'Ogre qui lui tâtait la tête, comme il avait tâté celles de tous ses frères. L'Ogre, qui sentit
les couronnes d'or :
" Vraiment, dit- il, j'allais faire là un bel ouvrage; je vois bien que je bus trop hier au soir. "
Il alla ensuite au lit de ses filles, où ayant senti les petits bonnets des garçons:
" Ah ! les voilà, dit-il, nos gaillards ; travaillons hardiment. "
En disant ces mots, il coupa, sans balancer, la gorge à ses sept filles. Fort content de cette
expédition, il alla se recoucher auprès de sa femme. Aussitôt que le petit Poucet entendit
ronfler l'Ogre, il réveilla ses frères, et leur dit de s'habiller promptement et de le suivre. Ils
descendirent doucement dans le jardin et sautèrent par-dessus les murailles. Ils coururent
presque toute la nuit, toujours en tremblant, et sans savoir où ils allaient.
L'Ogre, s'étant éveillé, dit à sa femme :
" Va-t'en là-haut habiller ces petits drôles d'hier au soir. "
L'Ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant point de la manière qu'il
entendait qu'elle les habillât, et croyant qu'il lui ordonnait de les aller vêtir, elle monta en
haut, où elle fut bien surprise, lorsqu'elle aperçut ses sept filles égorgées et nageant dans leur
sang. Elle commença par s'évanouir, car c'est le premier expédient que trouvent presque
toutes les femmes en pareilles rencontres.
L'Ogre, craignant que sa femme ne fût trop longtemps à faire la besogne dont il l'avait
chargée, monta en haut pour lui aider. Il ne fut pas moins étonné que sa femme lorsqu'il vit
cet affreux spectacle.
"Ah ! qu'ai-je fait là ? s'écria-t-il. Ils me le payeront, les malheureux, et tout à l'heure. "
Il jeta aussitôt une potée d'eau dans le nez de sa femme ; et, l'ayant fait revenir:
" Donne-moi vite mes bottes de sept lieues, lui dit-il, afin que j'aille les attraper. "
Il se mit en campagne, et après avoir couru bien loin de tous les côtés, enfin il entra dans le
chemin où marchaient ces pauvres enfants, qui n'étaient plus qu'à cent pas du logis de leur
père. Ils virent l'Ogre qui allait de montagne en montagne, et qui traversait des rivières aussi
aisément qu'il aurait fait le moindre ruisseau.
Le petit Poucet qui vit un rocher creux proche le lieu où ils étaient, y fit cacher ses six frères et
s'y fourra aussi, regardant toujours ce que l' Ogre deviendrait. L'Ogre, qui se trouvait fort las
du long chemin qu'il avait fait inutilement (car les bottes de sept lieues fatiguent fort leur
homme), voulut se reposer; et, par hasard, il alla s'asseoir sur la roche où les petits garçons
s'étaient cachés. Comme il n'en pouvait plus de fatigue, il s'endormit après s'être reposé
quelque temps, et vint à ronfler si effroyablement, que les pauvres enfants n'eurent pas moins
de peur que quand il tenait son grand couteau pour leur couper la gorge.
Le petit Poucet en eut moins de peur, et dit à ses frères de s'enfuir promptement à la maison
pendant que l'Ogre dormait bien fort, et qu'ils ne se missent point en peine de lui. Ils crurent
son conseil, et gagnèrent vite la maison.
Le petit Poucet, s'étant approché de l'Ogre, lui tira doucement ses bottes, et les mit aussitôt.
Les bottes étaient fort grandes et fort larges ; mais, comme elles étaient fées, elles avaient le
don de s'agrandir et de se rapetisser selon la jambe de celui qui les chaussait; de sorte
qu'elles se trouvèrent aussi justes à ses pieds et à ses jambes que si elles eussent été faites
pour lui. Il alla droit à la maison de l'Ogre, où il trouva sa femme qui pleurait auprès de ses
filles égorgées.
" Votre mari, lui dit le petit Poucet, est en grand danger; car il a été pris par une troupe de
voleurs, qui ont juré de le tuer s'il ne leur donne tout son or et tout son argent. Dans le
moment qu'ils lui tenaient le poignard sur la gorge, il m'a aperçu et m'a prié de vous venir
avertir de l'état où il est, et de vous dire de me donner tout ce qu'il a de vaillant, sans en rien
retenir, parce qu'autrement ils le tueront sans miséricorde. Comme la chose presse
beaucoup, il a voulu que je prisse ses bottes de sept lieues que voilà, pour faire diligence, et
aussi afin que vous ne croyiez pas que je sois un affronteur. "
La bonne femme, fort effrayée, lui donna aussitôt tout ce qu'elle avait; car cet Ogre ne
laissait pas d'être fort bon mari, quoiqu'il mangeât les petits enfants.
Le petit Poucet, étant donc chargé de toutes les richesses de l'Ogre, s'en revint au logis de
son père, où il fut reçu avec bien de la joie. Il y a bien des gens qui ne demeurent pas
d'accord de cette dernière circonstance, et qui prétendent que le petit Poucet n'a jamais
fait ce vol à l'Ogre; qu'à la vérité il n'avait pas fait conscience de lui prendre ses bottes de
sept lieues, parce qu'il ne s'en servait que pour courir après les petits enfants. Ces gens là
assurent le savoir de bonne part, et même pour avoir bu et mangé dans la maison du
bûcheron.
Ils assurent que lorsque le petit Poucet eut chaussé les bottes de l'Ogre, il s'en alla à la cour,
où il savait qu'on était fort en peine d'une armée qui était à deux cents lieues de là, et du
succès d'une bataille qu'on avait donnée. Il alla, disent-ils, trouver le roi et lui dit que, s'il le
souhaitait il lui rapporterait des nouvelles de l'armée avant la fin du jour. Le roi lui promit une
grosse somme d'argent s'il en venait à bout.
Le petit Poucet rapporta des nouvelles, dès le soir même; et cette première course l'ayant
fait connaître, il gagnait tout ce qu'il voulait; car le roi le payait parfaitement bien pour porter
ses ordres à l'armée ; et une infinité de demoiselles lui donnaient tout ce qu'il voulait, pour
avoir des nouvelles de leurs fiancés et ce fut là son plus grand gain.
Il se trouvait quelques femmes qui le chargeaient de lettres pour leurs maris; mais elles le
payaient si mal, et cela allait à si peu de chose qu'il ne daignait mettre en ligne de compte
ce qu'il gagnait de ce côté-là. Après avoir fait pendant quelque temps le métier de courrier,
et y avoir amassé beaucoup de biens, il revint chez son père, où il n'est pas possible
d'imaginer la joie qu'on eut de le revoir. Il mit toute sa famille à son aise. Il acheta des offices
de nouvelle création pour son père et pour ses frères ; et par là il les établit tous, et fit
parfaitement bien sa cour en même temps.
MORALITE
On ne s'afflige point d'avoir beaucoup d'enfants,
Quand ils sont tous beaux, bien faits et bien grands,
Et d'un extérieur qui brille;
Mais si l'un d'eux est faible, ou ne dit mot,
On le méprise, on le raille, on le pille :
Quelquefois, cependant, c'est ce petit marmot
Qui fera le bonheur de toute la famille.

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