séquence4

Transcription

séquence4
4
SÉQUENCE
L’autobiographie,
quels enjeux ?
SÉQUENCE
SÉANCE 1 Pourquoi se raconter ?
Révéler ses sentiments
Lutter contre l’oubli
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
108
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
112
Construire son image pour la postérité
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
114
SÉANCE 2 Le projet autobiographique.
Que raconter ? Comment raconter ?
Le dialogue avec l’enfance
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
116
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
118
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
120
Réécrire le passé
Dit-on la vérité ?
SÉANCE 3 L’expression de soi
L’écrivain se prend comme personnage
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Poésie et autobiographie : l’âme mise à nue
123
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
126
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
128
LECTURE D’IMAGE
Se représenter par la peinture
PARCOURS D’ÉCRIT
Raconter un souvenir d’enfance
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
130
CAP SUR LE BREVET
Texte : Romain Gary, La Promesse de l’aube .
Méthode : lire et analyser le sujet de rédaction
. . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . .
132
133
BILAN DE SÉQUENCE
Synthèse : le pacte autobiographique
Lectures coups de cœur . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
134
135
106
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
▲
Marie Claire, octobre 2002.
PISTE
Pour faire votre autoportrait photographique, avec quel objet choisiriez-vous
de vous représenter ? Comment cadreriez-vous la photographie ? Prenez la
photographie et écrivez quelques lignes de commentaire pour expliquer vos choix.
S SÉ AA NCC E
É N E
1
Pourquoi se raconter ?
Texte 1
Marjane Satrapi
(Née en 1969)
Auteur de bandes dessinées.
D’origine iranienne, elle
grandit à Téhéran où elle
étudie au lycée français,
avant de venir en France.
Les trois volumes de
Persepolis retracent
son histoire et celle
de sa famille.
Pour commencer
Évoquez un souvenir
de votre année
de sixième : pour
quelles raisons
l’avez-vous conservé
en mémoire ?
I. Parler de soi
1. a. Quel est le cadrage utilisé dans les cases de la bande
dessinée ? Que met-il en évidence ?
b. Que peut-on dire du rapport entre le texte et l’image ?
2. Qui sont les personnages représentés ? Quels indices
II. Des souvenirs privilégiés
vous permettent d’identifier l’auteur comme personnage
de la bande dessinée ?
cipaux ? Dans quel pays vivent-ils respectivement ? Dans
quelles circonstances particulières se situent ces deux souvenirs ? Quels mots qualifient cette situation ?
3. Grammaire. Identifiez les temps utilisés dans les réci-
108
tatifs supérieurs et inférieurs : à quels indices de temps
sont-ils associés? Quelles époques différentes cette bande
dessinée confronte-t-elle ?
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
4. Quelle est la nationalité des deux personnages prin-
▲
Révéler ses sentiments
Marjane Satrapi, Persepolis,
tome 3, L’Association, 2002.
5. Dans la première planche, que demande la mère à sa
7. Dans chacune des planches, quelle personne fait les
fille? Quelle relation cherche à instaurer la mère à travers
cette demande et le choix des mots ?
frais de cette réconciliation ? Comment ces personnes
sont-elles rendues antipathiques ?
6. Comment réagit la fille? Comment ses sentiments sontils traduits dans les gestes et dans le dessin ? Comparez
maintenant avec les récitatifs : quelles explications
donnent-ils ? À quelle forme est le verbe « on se
pardonne » ? Justifiez son emploi.
Pour conclure
8. Que représentent ces souvenirs pour l’auteur ?
9. Que nous apprennent-ils sur elle ?
Pourquoi peuvent-ils aussi concerner le lecteur ?
Pourquoi se raconter?
109
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
1
Pourquoi se raconter ?
La mort du chef de l’État, le maréchal Tito, en 1980, et l’appauvrissement économique
ont entraîné le réveil des nationalismes en Yougoslavie. Entre 1991 et 2000 des
guerres civiles meurtrières disloquent l’ancien état fédéral de Yougoslavie.
Texte 2
Lundi 30 mars 1992
‘
Zlata Filipovic
(née en 1980)
Jeune bosniaque vivant à
Sarajevo. Quand éclate la
guerre, elle tient depuis
quelques temps déjà son
journal.
1. On peut traduire
Asfaltina par « fille de
ˇ
l’asphalte », Sefika
par
ˇ
« la vieille fille », Sevala
par « le grand cheval »,
Pidzameta
par « la fille
ˇ
en pyjama » et Hikmeta
par « sagesse ».
5
Dis donc, mon Journal, tu sais à quoi j’ai pensé ? Anne Frank avait bien
appelé son Journal Kitty, pourquoi je ne te trouverais pas un nom? Voyons voir…
ˇ
ASFALTINA
PIDZAMETA
1
ˇ
SEFIKA
HIKMETA
ˇ
SEVALA
MIMMY
ou alors autre chose ?…
Je cherche, je cherche…
J’ai choisi ! Tu vas t’appeler…
MIMMY
10
Allez, on commence.
[…]
Lundi 29 juin 1992
Dear Mimmy,
J’EN AI MARRE DES CANONNADES! ET DES OBUS QUI TOMBENT! ET DES
MORTS! ET DU DÉSESPOIR! ET DE LA FAIM! ET DU MALHEUR! ET DE LA PEUR!
5
10
15
Ma vie, c’est ça !
On ne peut pas reprocher de vivre à une écolière innocente de onze ans !
Une écolière qui n’a plus d’école, plus aucune joie, plus aucune émotion d’écolière. Une enfant qui ne joue plus, qui reste sans amies, sans soleil, sans oiseaux,
sans nature, sans fruits, sans chocolat, sans bonbons, avec juste un peu de lait
en poudre. Une enfant qui, en un mot, n’a plus d’enfance. Une enfant de la guerre.
Maintenant, je réalise vraiment que je suis dans la guerre, que je suis le témoin
d’une guerre sale et répugnante. Moi et aussi les milliers d’autres enfants de cette
ville qui se détruit, pleure, se lamente, espère un secours qui ne viendra pas. Mon
Dieu, est-ce que cela va cesser un jour, est-ce que je vais pouvoir redevenir écolière,
redevenir une enfant contente d’être une enfant ? J’ai entendu dire que l’enfance
est la plus belle période de la vie. J’étais contente de vivre mon enfance, mais cette
sale guerre m’a tout pris. Mais pourquoi?! Je suis triste. J’ai envie de pleurer. Je pleure.
Ta Zlata.
‘
Zlata Filipovic, Le Journal de Zlata (1993), traduit du serbo-croate par A. Cappon,
Robert Laffont/Fixot, 1993.
▲
Antoine Gyori,
Enfant dans une rue
de Sarajevo, janvier 1993.
110
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
I. Une écriture sur le vif
Étudier la langue
1. Grammaire. Relevez les indices qui ancrent ce texte
★
★
dans la situation d’énonciation : à quel genre appartient ce texte ?
★
2. Quel est le destinataire de ces textes ? Comment estil nommé et désigné successivement? Comment s’explique
son choix final ? À quel écrit vous fait penser la disposition du texte? Quel type de phrase confirme votre réponse?
3. Dans l’extrait du 30 mars, que montrent les points de
suspension et la répétition de « je cherche » ? Trouvez
un autre exemple dans l’extrait du 29 juin qui souligne
l’instantanéité de l’écriture.
II. L’expression d’une révolte
➔
➔
➔
➔
➔
Énoncé ancré, énoncé coupé, p. 384.
Les indices d’énonciation, p. 380.
Les types de phrase, p. 330.
Les procédés de mise en relief, p. 370.
Le vocabulaire des sentiments, p. 412.
Vocabulaire
9. Quels éléments composent le mot « autobiographie »?
Que signifient-ils? Proposez d’autres mots comportant les
mêmes éléments puis inventez-en d’autres assortis de définitions. Par exemple, que serait une « autobibliographie »?
4. Grammaire. Quelle phrase est mise en évidence typographiquement dans le deuxième extrait ? Quel type de
phrase identifiez-vous? Comparez avec les autres phrases
du même type dans le premier extrait : quel sentiment
expriment-elles respectivement ? Quelle construction
donne de la force à la phrase du deuxième extrait ?
5. Grammaire. a. L. 6-9 de l’extrait 2. Comment Zlata
se désigne-t-elle ? Comment sont construites ces
phrases ? Quel effet produit la répétition de cette construction ?
b. Quelle forme de phrase domine dans ce même
passage ? De quoi la guerre a-t-elle privé Zlata ?
c. Comment la guerre est-elle désignée? Quelle différence
faites-vous entre une « guerre sale » et une « sale
guerre » ?
Orthographe
10. Après « sans », mettez-vous le singulier ou le pluriel?
« Aucun » et « nul » peuvent-ils se mettre au pluriel?
Dans quels cas? Donnez des exemples.
★
6. Vocabulaire. Relevez les verbes qui expriment l’émo-
Écriture
11. Reprenez un des souvenirs évoqués dans la BD pages
108-109 et transformez-le en récit dans lequel vous introduirez les réflexions de l’adulte sur l’adolescente. Vous
commencerez par « Je me souviens que… » et vous terminerez par « Aujourd’hui ce souvenir m’est cher. »
tion. Quel en est le sujet grammatical à la ligne 14 ?
Quelle figure de style reconnaissez-vous ici ?
Pour conclure
7. Quelle différence faites-vous entre une autobiographie
et un journal ?
8. Quelle fonction Zlata assigne-t-elle à son journal ?
À retenir
L’autobiographie est un récit rétrospectif dans lequel l’auteur-narrateur donne
son point de vue sur son propre passé. L’enfance et l’adolescence constituent
souvent le point de départ des autobiographies. La mémoire sélectionne des
souvenirs que l’écriture transforme en épisodes révélateurs des sentiments de
l’auteur.
● Le journal est une forme d’autobiographie au quotidien. Les sentiments
exprimés y sont pris sur le vif. Le choix de la typographie, les tournures
d’insistance participent à leur mise en évidence.
●
Pourquoi se raconter?
111
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
1
Pourquoi se raconter ?
Lutter contre l’oubli
▲
Mary Cassatt (1845-1926), La Partie de bateau, 1894, huile sur toile, 0,90 x 1,17, Washington, National Gallery.
T
Albert Cohen
(1895-1981)
Écrivain suisse d’expression
française. Son chef-d’œuvre
est le roman Belle du
Seigneur (1968).
5
10
15
20
andis qu’un chien hurle dans la nuit, un pauvre chien, mon frère, qui se
lamente et dit mon mal, je me souviens insatiablement. C’est moi, bébé,
et elle me poudre avec du talc, puis elle me fourre, pour rire, dans une hutte
faite de trois oreillers et la jeune mère et son bébé rient beaucoup. Elle est morte.
Maintenant, c’est moi à dix ans, je suis malade, et elle me veille toute la nuit, à
la lumière de la veilleuse surmontée d’une petite théière où l’infusion reste au
chaud, lumière de la veilleuse, lumière de Maman qui somnole auprès de moi,
les pieds sur la chaufferette, et moi je gémis pour qu’elle m’embrasse.
Maintenant, c’est quelques jours plus tard, je suis convalescent et elle m’a apporté
un fouet de réglisse que je lui ai demandé d’aller m’acheter et comme elle a vite
couru, docile, toujours prête. Elle est auprès de mon lit, et elle coud tout en respirant sagement, sentencieusement. Moi, je suis parfaitement heureux. Je fais
claquer le fouet de réglisse et puis je mange à minuscules coups de dents un PetitBeurre en commençant par les dentelures qui sont plus brunes et c’est meilleur,
et puis je joue avec son alliance qu’elle m’a prêtée et que je fais tourner sur une
assiette. Bons sourires de Maman rassurante, indulgences de Maman. Elle est
morte. Maintenant, je suis guéri et elle me fait, avec des restants de pâte à gâteau,
des petits bonshommes qu’elle fera frire pour moi. Elle est morte. Maintenant,
c’est la foire. Elle me donne deux sous, je les mets dans le ventre de l’ours en
carton et, chic, un chou à la crème sort du ventre ! « Maman, regarde-moi le
manger, c’est meilleur quand tu me regardes. » Elle est morte.
Albert Cohen, Le Livre de ma mère, Éditions Gallimard, 1954.
112
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
Pour commencer
Pour conclure
Quel événement de la vie d’Albert Cohen est à l’origine
de ce texte ?
8. Pourquoi Albert Cohen écrit-il cette autobiographie ?
Sur quel personnage est-elle centrée ?
9. Quels sentiments cherche-t-il à susciter ?
I. La ronde des souvenirs
1. À quel moment de la journée Albert Cohen écrit-il ?
Relevez les passages qui se réfèrent au moment de l’écriture.
2. Quel mot répété signale le surgissement d’un nouveau
souvenir ? Dans quel ordre sont-ils évoqués ?
Étudier la langue
➔ L’adverbe, p. 318.
➔ La désignation, p. 404.
3. a. Ces souvenirs surgissent-ils d’eux-mêmes ou sontils convoqués ? Relevez un verbe et un adverbe qui justifient votre réponse.
b. Grammaire. Que signifie l’adverbe « insatiablement »?
Quelle tonalité donne-t-il à tout le passage ?
10. a. Comment sont formés les adverbes insatiablement,
II. Un chant d’amour
b. Formez les adverbes à partir de savant, ardent, gentil,
★
Orthographe
sagement, sentencieusement?
4. Qui sont les deux personnages évoqués dans ces sou-
gai.
venirs ?
5. Faites un relevé des souvenirs évoqués. Quels sentiments font-ils revivre ?
Quelle phrase clôt chaque évocation ? À quelle réalité et
à quel sentiment ramène-t-elle le narrateur ?
Quelle comparaison vous l’indique ?
★
★
6. Comment l’enfant se comporte-t-il vis-à-vis de sa mère?
Comment réagit-elle ?
7. Grammaire. Relevez les expressions qui désignent la
mère : quel portrait le narrateur en fait-il ? Exprime-t-il
le point de vue de l’enfant ou celui de l’adulte ?
★
Écriture
11. C’est l’hiver, vous êtes triste. Pour vous consoler, vous
invoquez des souvenirs de l’été. Comme dans le texte,
vous signalerez le surgissement d’un nouveau souvenir
par une expression que vous répéterez, vous terminerez
chaque évocation par une phrase qui vous rend au
présent (le vent froid hurle à mes oreilles, le froid pénètre
mon âme…). Vous veillerez dans l’évocation de l’été à
rendre compte des sensations agréables et des sentiments
associés à cette saison.
À retenir
Certaines autobiographies ne sont pas centrées seulement
sur l’auteur-narrateur ; elles évoquent d’autres personnes
(groupes de personnes, famille, quartier…) que
l’autobiographie fait revivre. Les personnes évoquées
deviennent les personnages du récit.
Pourquoi se raconter?
113
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
1
Pourquoi se raconter ?
Construire son image pour la postérité
Le 25 juillet 1830, le roi Charles X promulgua cinq ordonnance dont l’une suspendait la liberté de la presse, ce qui provoqua trois journées d’émeutes (les Trois
Glorieuses). Au lendemain de ces journées, Chateaubriand se promène dans Paris
1
avant de se rendre à la Chambre des pairs …
François René
de Chateaubriand
(1768-1848)
Écrivain et homme politique
français. Il est l’auteur d’une
vaste autobiographie,
Mémoires d’outre-tombe,
commencée en 1809 et
poursuivie jusqu’à sa mort.
T
5
1. Assemblée législative
siégeant au palais du
Luxembourg.
2. Octroyée par
Louis XVIII en 1814,
elle institua le régime
de la monarchie
constitutionnelle,
qui dura jusqu’à
la révolution de 1848.
10
15
3. Secrétaire particulier
de Chateaubriand.
▲
Portrait de
Chateaubriand,
XIXe siècle, gravure.
out à coup je me sens pressé ; un cri part : « Vive le défenseur de la liberté
de la presse! » Mes cheveux m’avaient fait reconnaître. Aussitôt des jeunes
gens me saisissent et me disent : « Où allez-vous? nous allons vous porter. »
Je ne savais que répondre; je remerciais; je me débattais; je suppliais de me laisser
aller. L’heure de la réunion à la Chambre des pairs n’était pas encore arrivée. Les
jeunes gens ne cessaient de crier : « Où allez-vous ? où allez-vous ? » Je répondis
au hasard : « Eh bien, au Palais-Royal! » Aussitôt j’y suis conduit aux cris de : Vive
la Charte2 ! vive la liberté de la presse ! vive Chateaubriand ! Dans la cour des
Fontaines, M. Barba, le libraire, sortit de sa maison et vint m’embrasser.
Nous arrivons au Palais-Royal; on me bouscule dans un café sous la galerie
de bois. Je mourais de chaud. Je réitère à mains jointes ma demande en rémission de ma gloire : point ; toute cette jeunesse refuse de me lâcher. Il y avait dans
la foule un homme en veste à manches retroussées, à mains noires, à figure
sinistre, aux yeux ardents, tel que j’en avais tant vu au commencement de la révolution : il essayait continuellement de s’approcher de moi, et les jeunes gens le
repoussaient toujours. Je n’ai su ni son nom ni ce qu’il me voulait.
Il fallut me résoudre à dire enfin que j’allais à la Chambre des pairs.
Nous quittâmes le café, les acclamations recommencèrent. Dans la cour
du Louvre, diverses espèces de cris se firent entendre : on disait : « Aux
20 Tuileries! aux Tuileries! », les autres : « Vive le premier consul! » et semblaient vouloir me faire l’héritier de Bonaparte républicain. Hyacinthe3,
qui m’accompagnait, recevait sa part des poignées de main et des
embrassades. Nous traversâmes le pont des Arts et nous prîmes la rue
de Seine. On accourait sur notre passage ; on se mettait aux fenêtres. Je
25 souffrais de tant d’honneurs, car on m’arrachait les bras. Un des jeunes
gens qui me poussaient par derrière passa tout à coup sa tête entre
mes jambes et m’enleva sur ses épaules. Nouvelles acclamations ; on
criait aux spectateurs dans la rue et aux fenêtres : « À bas les
chapeaux! vive la Charte! » et moi je répliquais : « Oui,
30 messieurs, vive la Charte ! mais vive le Roi ! » On ne
répétait pas ce cri, mais il ne provoquait aucune
colère. Et voilà comme la partie était perdue ! Tout
pouvait encore s’arranger, mais il ne fallait présenter au peuple que des hommes populaires :
35 dans les révolutions, un nom fait plus qu’une
armée.
Je suppliai tant mes jeunes amis qu’ils me
mirent enfin à terre.
François René de Chateaubriand, Mémoires d’outretombe (1809-1848), III, livre XXXIII, chapitre 9.
Pour commencer
Que signifie l’expression « Mémoires d’outre-tombe » ?
Qu’en déduisez-vous sur les intentions de Chateaubriand?
I. Un récit sur le vif
1. Pour quelle raison Chateaubriand est-il porté en
triomphe ? Quelle fonction politique occupe-t-il ?
★
2. Grammaire. Quels sont les temps de base de ce récit ?
Donnez des exemples.
3. a. Grammaire. Quel temps apparaît ligne 3 ? À quel
adverbe est-il associé ?
b. Quelle est la valeur de ce temps ? Quel effet produit
son emploi ? Cherchez d’autres exemples dans le texte.
4. a. Comment la foule se manifeste-t-elle ? Relevez tous
★
les mots qui constituent ce champ lexical .
b. Grammaire. Sous quelle forme sont rapportés les
propos tenus par la foule ?
c. Grammaire. (l. 17-20) À quelle catégorie grammaticale précise appartiennent les mots « on » et
« autres » ?
Réécrivez la phrase « diverses espèces de cris se firent
entendre » en commençant par « on ». Sur quoi la construction du texte met-elle l’accent ?
d. Que mettent en évidence ces procédés d’écriture ?
5. Grammaire. (l. 2-3) Quelle est la fonction de « me »?
Repérez les autres verbes de mouvement : quels en sont
les sujets et compléments ? Quel est l’intérêt de cette
construction ?
II. Une mise en scène
9. Repérez l’unique portrait : quelle impression s’en
dégage ? Que suggère ainsi Chateaubriand ?
10. Quel régime politique défendent les jeunes gens? Que
soutient en retour Chateaubriand? Cette opposition créet-elle un antagonisme ? Quelle conclusion en tire
Chateaubriand ? Quelle valeur a ce présent ?
Pour conclure
11. Quelle image l’auteur donne-t-il de lui-même dans
ce récit ?
Étudier la langue
➔
➔
➔
➔
Les compléments essentiels, p. 322.
Les pronoms, p. 380.
La valeur des temps, p. 388.
La parole rapportée, p. 408.
Vocabulaire
12. L. 13-17. Proposez des expressions synonymes pour
ces mots du texte : « une figure sinistre », « des yeux
ardents », « se résoudre à ».
13. Quel préfixe reconnaissez-vous dans « acclamations »
et « accourir »? Sous quelle autre forme pouvez-vous le
trouver? Complétez ces mots en veillant à l’orthographe
et proposez ensuite d’autres exemples : …ranger,
…location, …signer, …prêter.
6. D’après Chateaubriand, quel détail caractéristique a
permis de l’identifier ? Qu’en déduisez-vous de la notoriété de l’auteur ?
7. a. Quels inconforts physiques Chateaubriand subit-il ?
b. Quel est le double sens de « Je souffrais de tant d’honneurs » (l. 24-25) ?
8. Chateaubriand donne-t-il l’impression de se prêter au
jeu ou de résister ? À quel vocabulaire appartiennent les
expressions « réitère à mains jointes », « rémission »,
« suppliais » ? À quoi est comparé implicitement le
cortège ?
Écriture
14. Choisissez un personnage historique pour lequel vous
éprouvez de l’intérêt ou de la sympathie, rédigez une
courte biographie de sa vie puis utilisez-la pour écrire
un extrait de ses pseudo-Mémoires qui correspondent à
un événement historique marquant. Les mémoires donneront une vision favorable du personnage et insisteront
sur l’importance historique de l’événement.
À retenir
Les Mémoires appartiennent au genre de l’autobiographie. La publication
de Mémoires suppose la notoriété de leur auteur et la mise en perspective
d’événements dont il a été l’acteur mais qui appartiennent à l’Histoire.
● L’auteur de Mémoires crée une image de lui-même pour la postérité. Les
Mémoires sont des écrits précieux pour les historiens qui les confrontent
avec d’autres sources.
●
Pourquoi se raconter?
115
Le projet autobiographique
Que raconter ? Comment ?
S SÉ AA NCC E
É N E
2
Le dialogue avec l’enfance
D
5
10
▲ Jeunes gens dans le train, 1945.
15
Charles Juliet
(né en 1934)
Écrivain français. Élevé dans
un pensionnat de l’école
militaire d’Aix-en-Provence.
Auteur de plusieurs recueils
de poèmes, il signe
également des récits
autobiographiques comme
L’Année de l’éveil (1989). Il
rédige depuis 1950 un
Journal en partie publié.
20
25
30
35
40
116
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
ans deux jours tu auras quinze ans. L’avant-veille de la
rentrée, tu rends visite au père de la montagne qui est
maintenant un paysan et possède quelques vaches. Lors
des trois années précédentes, tu as parcouru à pied ces douze kilo5
mètres. […]
Tu n’oses entrer dans la grange. Car si tu frappes à la lourde
porte de bois, ils ne peuvent t’entendre. Or il te répugne de
pénétrer dans cette maison sans pouvoir t’annoncer. Aussi tu
restes un long moment avec ta main sur le loquet avant de
10 trouver le courage de pousser la porte.
Tu es là debout au milieu de la cuisine, bras ballants,
dansant d’un pied sur l’autre. Tu penses à celle qui a vécu là et
qui, après en être partie, n’y est jamais revenue. Tu voudrais
déguerpir mais tu t’imposes de rester quelques minutes. Le père
constate que tu as grandi et te demande si tu travailles bien à ton école. Tu profites
de ce qu’il mentionne celle-ci pour expliquer qu’à la caserne vos chambres ne
sont pas chauffées, que l’année dernière, tu as touché un pull en fil, à manches
courtes, que tu as souffert du froid, et justement… tu venais demander s’il serait
possible qu’on t’achète un pull.
La femme qui est là répond d’une voix sèche qu’il ne faut pas y penser, qu’ils
n’ont pas d’argent à gaspiller.
Tu sautes sur ton vélo et te mets à pédaler avec rage, les yeux brouillés de
larmes.
Comme tu t’engages dans la descente, tu décides que tu ne te serviras pas
des freins. Si tu te tues, ce sera la preuve que tu ne méritais pas de vivre. […]
Tu descends singulièrement vite. Parvenu à l’endroit qui décidera du verdict,
couché sur ton vélo, tu traverses la route pour couper le virage, mais à la sortie,
alors que ta vitesse est excessive, tu poursuis tout droit et montes le long du rocher.
Le pneu avant éclate, tu es sévèrement secoué, et mains crispées sur les
poignées du guidon, tombant à la renverse, tu vois soudain ton vélo au-dessus
de toi avec ses roues qui tournent lentement contre le ciel. Vision fort brève qui
n’a duré que le temps de ta chute, mais qui s’est gravée en toi, et qui, plus tard,
a souvent resurgi. […]
Tu expliques à ta famille que tu as voulu imiter les coureurs du Tour de
France qui dévalent les cols à tombeau ouvert et tu les rassures en déclarant que
tu ne t’aviseras pas de recommencer.
Le lendemain, quand tu pars pour ton école avec ta valise en bois, tes brodequins désormais trop petits et qui t’obligent à marcher les pieds en dedans,
tu es mal en point, mais tu n’y attaches aucune importance. Tu as l’inestimable satisfaction de te dire que le destin a prouvé qu’il t’accordait le droit de vivre.
Charles Juliet, Lambeaux, P.O.L., 1995.
Pour commencer
Pour conclure
Ce texte est-il une autobiographie ? Qu’est-ce qui crée le
doute ?
11. Pourquoi ce souvenir est-il fondamental pour le narrateur ?
12. Quels procédés d’écriture contribuent à la mise à
I. Des choix d’écriture
★
1. Quel âge a le narrateur dans l’extrait ? À votre avis,
à qui rend-il visite ? Qui sont « la femme qui est là » et
« celle qui a vécu là et qui, après en être partie, n’y est
jamais revenue » ?
2. Grammaire. Réécrivez le premier paragraphe en remplaçant « tu » par « je » : quelle version vous paraît la
plus habituelle ? Quel effet produit ce choix ? Qui est précisément ce « tu » ? En quoi est-il différent du « je » ?
3. Grammaire. Réécrivez de « Tu es là debout » jusqu’à
« ton école » en employant le passé simple. Quelles différences voyez-vous entre les deux énoncés ?
★
distance ? Pourquoi est-elle nécessaire pour le narrateur
et peut-être aussi pour le lecteur ?
Étudier la langue
➔ Les indices d’énonciation, p. 380.
➔ La valeur des temps, p. 388.
➔ La parole rapportée, p. 408.
Orthographe
4. Grammaire. Comment est rapporté le dialogue entre
le père et le fils? Réécrivez le passage en rapportant directement les paroles : le choix de l’auteur atténue-t-il ou
renforce-t-il la violence des propos ?
5. Quelle phrase souligne l’importance de ce souvenir ?
13. Réécrivez la phrase « Tu es là… sur l’autre. » (l. 11-12)
en remplaçant « tu » par « vous » : comment avez-vous
orthographié « dansant »? Comparez avec « ballants » et
rappelez les accords du participe présent.
Quel changement de temps vous l’indique ?
II. Un souvenir douloureux
6. Quel type d’école fréquente le personnage ? Relevez
les informations qui rendent compte de ses conditions de
vie.
Oral
14. Longtemps désertés, les internats connaissent
épreuve? Quels gestes restituent le malaise du narrateur?
aujourd’hui un regain de popularité. Quelle est la vie d’un
interne ? En avez-vous déjà fait l’expérience ? Quelles
peuvent être les difficultés de la vie d’un interne ? Pour
quelles raisons opte-t-on pour l’internat ?
8. Quelle demande venait faire le narrateur ? Qui exprime
15. Jouez la scène évoquée dans ce souvenir, vous
7. Quels éléments soulignent que cette visite est une
le refus ?
9. a. Quels comportements marquent le désespoir de
l’adolescent ?
b. Pourquoi l’expression « à tombeau ouvert » est-elle en
italiques ?
pouvez amplifier les dialogues. Le jeu devra rendre
compte de l’indifférence du père, de l’hostilité de la bellemère, de la rage et du désespoir de l’adolescent.
10. En définitive, est-ce l’espoir ou le désespoir qui l’emporte dans ce souvenir ? Justifiez votre réponse en citant
le texte.
À retenir
Enfance et adolescence sont des moments privilégiés dans une autobiographie.
Les choix d’écriture (choix des pronoms, choix des temps, choix des façons de
rapporter les dialogues…) rendent compte de la volonté d’implication ou de
distanciation du narrateur vis-à-vis de ses souvenirs.
●
●
Le projet autobiographique. Que raconter? Comment?
117
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
21
Le projet autobiographique. Que raconter ? Comment ?
Réécrire du passé
Miracle
Texte intégral
L
Paul Fournel
(né en 1947)
Écrivain français. Passionné
de vélo, il est l’auteur de
nombreux recueils de
nouvelles et des romans.
5
10
15
20
25
e vélo commence toujours par un miracle. Pendant des jours on tremble,
on hésite, on se dit que jamais on ne se libérera de cette main qui nous
guide sous la selle.
Mon père et ma mère se relayaient pour me tenir et, sans doute, tel ou tel
de mes cousins, celui ou celle dont j’avais hérité le petit vélo. Celui ou celle qui
était en charge de mon miracle.
On avait ôté les stabilisateurs de la roue arrière et j’empruntais le pré, devant
notre baraque, dans le sens de sa pente douce, pour profiter de l’élan. Je cherchais
le point magique qui fait tenir debout un attelage qui devrait normalement être
couché et je prenais des gamelles (déjà) et je remontais.
Et puis, un matin, je n’ai plus entendu le bruit de la course derrière moi,
plus le souffle rythmé dans mon dos. Le miracle avait eu lieu. Je faisais du vélo.
J’aurais voulu ne plus jamais mettre pied à terre de peur que le miracle ne se
reproduise plus. J’exultais.
Je fis le tour de la maison, me prouvant ainsi que j’étais capable de prendre
quatre virages à droite (pendant quelques semaines j’ai préféré tourner à droite).
Je n’avais plus peur de rien. Je passais en bolide le long du bouquet d’orties qui
me faisait d’ordinaire si peur et je parcourais sans panique le chemin de longue
solitude derrière la maison, pour revenir devant, triomphant mais encore incapable de lever le bras en signe de victoire.
De ce miracle, je ne me suis jamais remis.
Savoir nager ne m’a pas autrement ému et il n’y a guère que savoir lire qui
ait égalé en intensité mon savoir-pédaler. À quelques mois d’intervalle j’appris
donc, dans cet ordre, à faire du vélo et à lire. Au Noël de mes cinq ans j’étais un
homme fait : je savais mon travail et mon loisir.
Paul Fournel, Besoin de vélo, coll. « Points », Éditions du Seuil, 2002.
Pour commencer
2. a. Vocabulaire. Quel mot souligne le caractère excep-
Écrivez rapidement la liste des trois premiers souvenirs
d’enfance qui vous viennent à l’esprit : lesquels avez-vous
en commun ?
I. Un récit d’enfance
tionnel de ce souvenir ?
Quelles sensations et quels sentiments y sont associés ?
Justifiez par un relevé précis du vocabulaire.
b. À quel niveau de langage appartient « gamelles » ?
Pourquoi a-t-il été préféré à « chutes » ?
1. Grammaire. Quel souvenir Fournel évoque-t-il? Quel
3. Grammaire. Quelle phrase décrit le caractère marquant
âge a-t-il à ce moment-là? À quel endroit du texte
commence le récit de ce souvenir? Quels indices grammaticaux vous le montrent?
118
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
★
du souvenir ? Comment est-elle construite ?
De l’image au texte.
Quels sentiments exprimés
par Paul Fournel retrouvet-on dans ce tableau ?
Kitty Arden (fin du XXe siècle), Hertley Wertley, pastel, collection privée. ▲
II. Un regard sur soi
4. À quoi correspondent les passages entre parenthèses ?
Quelle époque évoquent-ils ? Relevez dans le cinquième
paragraphe un autre exemple.
Étudier la langue
➔ Les procédés de mise en relief, p. 370.
➔ La valeur des temps, p. 388.
➔ Le vocabulaire des sentiments, p. 412.
5. Quel autre « miracle » Fournel évoque-t-il ? Pourquoi
sont-ils associés ?
6. Grammaire. Qui désigne le « on » du premier paragraphe? Quels adverbes confirment cette interprétation?
Pour conclure
7. Quel regard l’adulte porte-t-il sur son passé ?
Écriture
8. Racontez à votre tour un apprentissage extraordinaire
qui vous a fait franchir une étape. Vous restituerez les
émotions, les sensations et le langage de l’enfant
auxquels vous mêlerez les commentaires distanciés de
l’adolescent que vous êtes aujourd’hui.
À retenir
L’autobiographie suppose un va-et-vient entre le passé et le présent.
Le regard et les commentaires de l’adulte se superposent au vécu de
l’enfant, donnant un nouveau sens au souvenir. Choix des temps, niveaux
de langage, ponctuation contribuent à rendre ce double niveau perceptible.
Le projet autobiographique. Que raconter? Comment?
119
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
21
Le projet autobiographique. Que raconter ? Comment ?
Dit-on la vérité ?
John William Waterhouse (1849-1917), Écho et Narcisse, 1903, huile sur toile, 1,07 x 2,36, Liverpool, Walker Art Gallery. ▲
J
Texte 1
Jean-Jacques
Rousseau
(1712-1778)
Écrivain et philosophe
français. Après avoir
collaboré à l’Encyclopédie
de Diderot et d’Alembert, il
signe plusieurs textes
importants comme
Du contrat social (1762).
Il est également l’auteur
de textes autobiographiques
publiés après sa mort
(Les Confessions).
5
10
15
20
e forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura
point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute
la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur et je connais les hommes. Je ne suis fait comme
aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui
existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou
mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger
qu’après m’avoir lu.
Que la trompette du Jugement dernier sonne quand elle voudra; je viendrai,
ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement :
Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec
la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon, et s’il m’est
arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour
remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire ; j’ai pu supposer vrai
ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré
tel que je fus, méprisable et vil quand je l’ai été, bon, généreux, sublime, quand
je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel,
rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils
écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent
de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur aux pieds de
ton trône avec la même sincérité ; et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus
meilleur que cet homme-là.
Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions (1782-1789).
120
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
L
Texte 2
Groucho Marx
(1895-1977)
Un des quatre Marx Brothers
avec Chico, Harpo et Zeppo.
Ensemble, ils furent les
vedettes d’une série de films
à succès : Monnaie de singe
(1931), Soupe au canard
(1933), Une nuit à l’opéra
(1935), etc.
5
10
15
1. Après sa mort.
2. Ce qui remplace quelque
chose ou quelqu’un en moins
bien.
20
a vérité, c’est qu’il n’y a souvent pas grande vérité dans les autobiographies.
Quatre-vingt-dix pour cent d’entre elles sont à quatre-vingt-dix pour cent
fictives. […] Comment diable voulez-vous qu’une autobiographie
destinée à des millions de lecteurs soit autre chose qu’une suite de demi-vérités
bricolées ? Les pensées intimes qui s’infiltrent dans le cerveau de l’être humain
restent enfouies dans ses profondeurs et n’émergent jamais.
Aussi loin que je puisse me rappeler, la plupart des événements que je relate
ici sont exacts ; mais pour autant, vous ne me connaissez pas mieux maintenant
que lorsque vous avez commencé de lire ce récit sans queue ni tête. Sans doute
n’y perdez-vous pas grand-chose, et je ne peux que vous en féliciter. Mais ce que
je veux dire, c’est que vous n’avez pas la moindre idée de ce qui se passe en mon
for intérieur. Souvenez-vous : « Tout homme est un jardin secret. » (Ce n’est peutêtre pas la citation exacte, mais je n’ai pas le temps de m’y attarder. J’attends mon
kiné à trois heures et d’ailleurs, je suis à court de papier.)
Je suppose qu’il est possible d’écrire ses mémoires avec une parfaite sincérité ; mais si l’on veut jouer la sécurité, il vaut mieux les publier post mortem1.
Je crois bien, pour ma part, que je pourrais écrire un livre qui ferait du bruit si
je voulais livrer mes pensées profondes sur la vie en général et moi en particulier. Mais que m’apporterait un ouvrage posthume ? Même s’il devenait un bestseller et que le Reader’s Digest en publie plus tard des extraits, ça ne me ferait
ni chaud ni froid. Tant qu’on n’aura pas trouvé le moyen de jouir d’un succès
posthume, il faudra vous contenter d’un ersatz2 de Groucho.
Vous feriez mieux de lire le dictionnaire ou de biner vos plates-bandes.
Groucho Marx, Mémoires capitales, Éditions du Seuil, 1985.
Pour commencer
II. Des projets différents ?
Pourquoi Rousseau et Groucho Marx ont-ils écrit ces
textes ?
5. Que se proposent de raconter respectivement les deux
auteurs ? Quelle limite posent-ils à leur projet ?
6. Quel est le sens du titre « Confessions » ?
I. L’engagement vis-à-vis du lecteur
1. Grammaire. À qui s’adresse Rousseau ? Quel pronom
et quels noms représentent cet interlocuteur ? De quel
engagement est-il le garant ? Relevez dans le texte les
termes liés à cet interlocuteur : à quel champ lexical
appartiennent-ils ?
★
2. Grammaire. Qui désigne « vous » dans le texte de
Groucho Marx ? Relevez les adresses à ce « vous » : quel
conseil donne l’auteur ? Quel ton emploie-t-il ?
3. Les événements rapportés dans les autobiographies
sont-ils exacts ? Relevez les termes de modalisation :
quelles précautions prennent les auteurs ?
4. Les auteurs s’engagent-ils à la vérité ou à la sincérité ? Précisez la différence entre ces deux mots. Quels
sont les obstacles à la vérité ?
Quels sentiments Rousseau veut-il susciter chez ses
lecteurs ?
7. À quel homonyme célèbre Groucho Marx fait-il allusion
dans Mémoires capitales ? Quel autre sens pouvez-vous
donner à ce mot ? Relevez le terme par lequel Groucho
Marx désigne son autobiographie : comment cette
expression est-elle connotée ? Quel est le projet de cette
autobiographie ?
Pour conclure
8. Quels engagements ces deux auteurs prennent-ils vis★
à-vis de leurs lecteurs ? À quels registres ont-ils
recours ?
9. Quelles limites de l’autobiographie mettent-ils en
évidence ?
Le projet autobiographique. Que raconter? Comment?
121
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
21
Le projet autobiographique. Que raconter ? Comment ?
Étudier la langue
➔ Les pronoms, p. 380.
➔ Les procédés de reprise, p. 362.
Écriture
11. Vous êtes devenu célèbre et vous publiez votre autobiographie.
★
Vocabulaire
Rédigez une préface à votre autobiographie. Choisissez
votre destinataire et exposez votre projet en précisant
le degré de sincérité auquel vous prétendez.
10. Récapitulez les différents synonymes de « sincérité »
et cherchez différents antonymes dont vous préciserez les
nuances.
Oral
12. Jouez le texte de Groucho Marx comme un sketch
comique en mettant en évidence la sollicitation du public.
À retenir
L’écriture autobiographique s’accompagne d’un projet : que va-t-on raconter ?
pour qui ? À quel degré de sincérité s’engage-t-on ? Ce projet est souvent énoncé
dans le paratexte, préambule, la préface, postface ou dédicace.
122
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
S SÉ AA NCC E
É N E
3
L’expression de soi
L’écrivain se prend comme personnage
J
Texte 1
Nina Bouraoui
(née en 1967)
Écrivain français.
Née d’une mère bretonne et
d’un père algérien. Elle est
l’auteur de sept récits,
dont le premier,
La Voyeuse interdite,
a reçu le prix du Livre Inter
en 1991.
1. Spécialiste chargé
par un pays industrialisé
d’apporter sa contribution
au développement
économique et culturel
d’un autre pays.
5
10
15
e coupe mes cheveux. Je jette mes robes. Je cours vite. Je tombe souvent.
Je me relève toujours. Ne pas être algérienne. Ne pas être française. C’est
une force contre les autres. Je suis indéfinie. C’est une guerre contre le
monde. Je deviens inclassable. Je ne suis pas assez typée. « Tu n’es pas une Arabe
comme les autres. » Je suis trop typée. « Tu n’es pas française. » Je n’ai pas peur
de moi. Ma force contre la haine. Mon silence est un combat. J’écrirai aussi pour
ça. J’écrirai en français en portant un nom arabe. Ce sera une désertion. Mais
quel camp devrais-je choisir ? Quelle partie de moi brûler ?
[…]
De mère française. De père algérien. Je sais les odeurs, les sons, les couleurs.
C’est une richesse. C’est une pauvreté. Ne pas choisir c’est être dans l’errance.
Mon visage algérien. Ma voix française. J’ai l’ombre de ma lumière. Je suis l’une
contre l’autre. J’ai deux éléments, agressifs. Deux jalousies qui se dévorent. Au
lycée français d’Alger, je suis une arabisante. Certains professeurs nous placent
à droite de leur classe. Opposés aux vrais Français. Aux enfants de coopérants1.
Le professeur d’arabe nous place à gauche de sa classe. Opposés aux vrais
Algériens. La langue arabe ne prend pas sur moi. C’est un glissement.
Écrire rapportera cette séparation. Auteur français ? Auteur maghrébin ?
Certains choisiront pour moi. Contre moi. Ce sera encore une violence.
Nina Bouraoui, Garçon manqué, Éditions Stock, 2000.
Alger la Blanche.
Le projet autobiographique. Que raconter? Comment?
▲
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
31
L’expression de soi
Pour commencer
4. Observez la ponctuation : quel rythme de lecture
impose-t-elle ?
Comment est fabriqué le terme d’« autofiction » ? À votre
avis, à quel type de livre s’applique-t-il ?
5. Grammaire. L. 1-4. Quelle tournure syntaxique est
I. Recherche d’identité
répétée plusieurs fois ? Quelles définitions successives
introduit-elle ? Quel adjectif résume cette multiplicité ?
1. a. Le pronom « je » désigne-t-il un garçon ou une fille?
Relevez les indices qui le montrent.
b. Expliquez le sens propre et le sens figuré de « Je tombe
souvent. Je me relève toujours ».
2. a. À quelles cultures appartient la narratrice ?
b. Grammaire. Relevez les négations dans le premier
Pour conclure
6. Classeriez-vous ce texte dans le genre autobiographique ? Justifiez votre réponse.
7. Quels procédés d’écriture participent à la quête de soi?
★
paragraphe : où se situe l’identité du narrateur ?
c. Quelles oppositions de mots ou d’expressions soulignent
ce conflit dans les deux paragraphes ?
d. Quelles réactions provoquent ce choix ? Quel champ
lexical est privilégié ?
★
II. L’exploration de l’écriture
3. Grammaire. Relevez les phrases au futur : quel projet
annoncent-elles ? Quelle relation ce texte établit-il
entre l’écriture et la recherche d’identité ?
Écriture
8. Écrivez un poème en prose dont le titre sera
« Tentatives d’autoportrait ». Jouez sur les oppositions,
les négations, de façon à mettre en évidence les différentes facettes de votre identité.
Étudier la langue
➔ Types et formes de phrase, p. 330.
➔ Phrase simple, phrase complexe, p. 334.
➔ La valeur des temps, p. 380.
À retenir
Les limites entre l’autobiographie et la fiction sont souvent floues
car le projet d’écriture se confond souvent avec la quête de soi.
L’auteur choisit la forme autobiographique en fonction de son point
de vue sur son propre passé.
124
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
Interview de Nina Bouraoui
Vous arrive-t-il d’être surprise par la lecture que
l’on fait de vos textes ?
Oui, c’est normal, un livre a plusieurs vies.
L’acte d’écrire est une gestation, ensuite,
quand le livre est fini, il est donné à la lecture
de tous, il est mille fois interprété. Ce n’est
pas une trahison, le livre appartient au lecteur,
qui ramène souvent l’histoire à lui-même. Un
livre réussi est un livre qui parle de nous.
Éléments
biographiques et
bibliographiques
1967 : naissance
à Rennes et
arrivée en Algérie.
1981 : départ
d’Algérie.
1991 :
La Voyeuse interdite,
prix du Livre Inter et
prix 1537 de Blois.
1992 : Poing mort.
1996 :
Le Bal des murènes.
1998 :
L’Âge blessé.
1999 :
Le Jour du séisme.
2000 :
Garçon manqué.
2002 :
La Vie heureuse.
C’est peut-être encore plus vrai pour les livres
écrits à la première personne ?
C’est vrai que j’écris beaucoup sur moi, mais
ce n’est pas vraiment de l’autofiction. Tous les
auteurs se servent de leur vie, c’est le matériau le plus concret – mais l’acte d’écrire transforme la réalité, on invente sa vie en l’écrivant.
Même si je dis « je », même si je parle de lieux
que j’ai connus, de gens que j’ai aimés, même
si les noms, les faits sont vrais, ce n’est pas
seulement de l’autobiographie car l’écrivain
dissimule, invente, transforme : les écrivains
sont tous des menteurs ! Dans un livre, ce qui
compte, c’est partir de ce « je » égocentrique
pour aller à l’universel. Par exemple, Garçon
manqué n’a pas touché seulement les lecteurs
issus de couples mixtes, ce livre parlait quand
même d’eux parce qu’il abordait la difficulté
d’être un être humain.
Cette question de l’identité semble très liée à
la problématique de l’écriture…
L’écriture a peut-être été le ciment qui manquait. Je suis issue d’un
mariage mixte après la
guerre d’indépendance, à
certains moments je me
suis sentie très française,
à
d’autres
très
algérienne ; je n’arrivais
pas à me dire : mais je
suis les deux à la fois ;
c’est ce qui m’identifie,
ces deux cultures, ces
deux religions. Je n’ai
jamais eu le sentiment de
trahir soit mon père, soit
ma mère. Mais c’est vrai
que, quand on me demande ma nationalité, j’ai toujours à me justifier. Peut-être que l’écriture a
été un moyen de chercher, de rassembler, de
comprendre et de me comprendre. Bouraoui,
ça signifie « raconter des histoires » – raoui
par l’équipe des Éditions Magnard
signifie « raconter » en arabe, ce n’est pas un
hasard… On m’a souvent demandé : « Êtesvous un écrivain français, un écrivain maghrébin ? » J’écris en français mais je lis l’arabe,
c’est une langue ardue qui m’est familière et,
tout en écrivant en français, j’ai essayé de restituer la minutie de la calligraphie orientale.
Cette double identité, c’est difficile à exprimer,
avec les mots, je zoome, j’essaye d’aller au
plus près.
Vous jouez sur la polysémie, par exemple dans
« Écrire rapportera cette séparation », on peut
comprendre resserrer ou prolonger…
En fait c’est prolonger, mais il y a deux sens,
c’est vrai. J’ai joué beaucoup sur la langue et
j’ai détourné beaucoup de verbes, par exemple, plutôt que de dire « je connais », je dis souvent « je sais »… J’ai une écriture très nerveuse, très frontale. Quand j’écris un livre, j’ai l’impression de construire quelque chose physiquement, quelque chose qui n’existe pas et que je
vais pouvoir modeler comme une sculpture…
C’est un engagement, une expérience très
sensuelle avec la langue, la grammaire. C’est
pour cela que je me permets certaines libertés sur le sens, la ponctuation. Ma ponctuation est souvent déroutante, surtout dans
Garçon manqué qui est très haché, presque
trop d’ailleurs.
À chaque livre, on essaye de faire mieux ou différent, en ce sens l’écriture est un travail artistique, voire artisanal.
Est-ce que cela veut dire
que les mots sont votre
matière que vous modelez en écrivant et en
réécrivant ?
En fait, je ne réécris pas
beaucoup, parce que
avant d’écrire un livre je
réalise un travail d’échafaudage très minutieux.
La structure, l’ossature
du livre existe plusieurs
mois à l’avance de façon
très détaillée : je vois le
livre, ses chapitres, ses
scènes. Ensuite, l’acte
d’écrire est souvent très rapide, presque un
affolement, mais très contrôlé, parce que derrière existe une charpente très solide et rassurante.
I. L’autobiographie
II. Le métier d’écrivain
Quelles réponses Nina Bouraoui apporte-elle aux questions « Pourquoi écrit-on, pourquoi lit-on des autobiographies ? » posées dans cette séquence ?
Nina Bouraoui revendique-t-elle ses livres comme autobiographiques ? Pourquoi ?
Comment Nina Bouraoui conçoit-elle son métier ?
Quelles images, quelles comparaisons emploie-t-elle ?
Comment travaille-t-elle ?
Comment caractérise-t-elle son écriture ?
L’expression de soi
125
SS SÉÉÉAAA NNN CCCEEE
31
L’expression de soi
Poésie et autobiographie : l’âme mise à nue
Notre vie
Paul Éluard
(1895-1952)
Poète français.
Lié au mouvement
surréaliste, il signe une
œuvre animée par le
pacifisme et l’engagement
pour la justice.
5
Notre vie tu l’as faite elle est ensevelie
Aurore d’une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin
10
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l’équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
15
Morte visible Nusch invisible et plus dure
Que la soif et la faim à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d’aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence
Paul Éluard, Le temps déborde, Seghers, 1947.
De l’image au texte.
▲
Écrivez le texte qui
pourrait accompagner
cet autoportrait de
Marcel Duchamp.
126
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
Marcel Duchamp (1887-1968),
Autoportrait de profil, 1958,
papier déchiré de couleur sur
fond noir, 0,143 x 0,125,
collection R. Lebel.
Pour commencer
Pour conclure
Êtes-vous émus ou embarrassés par la lecture de ce texte?
10. À votre avis l’écriture de ce poème a-t-elle procuré
I. Un événement tragique
à son auteur un apaisement ou un accroissement de son
chagrin ?
1. À qui s’adresse ce texte? Comment cette personne estelle désignée aux strophes 1 et 3 ?
2. a. À quoi est-elle comparée dans la strophe 1? Relevez
11. Quels sentiments nourrissent ce poème ? Citez
quelques-uns des procédés d’écriture qui les rendent perceptibles.
★
dans cette strophe les mots qui filent la métaphore .
b. Quels sentiments sont liés à cette évocation ?
3. Quel type de vers est utilisé ? Étudiez le rythme des
vers 4 et 5 : quel contraste observez-vous avec le reste
du poème ? Justifiez cette particularité.
Étudier la langue
➔ Métrique et prosodie, p. 416.
➔ Les figures de style, p. 419.
4. Quelle expression unit les deux personnes dans les
strophes 1 et 2 ? Comment est-elle mise en valeur ?
5. Quel vers marque une séparation ? Quel événement ce
vers évoque-t-il? Quelle conjonction souligne la rupture?
Quel temps est employé ? Cherchez les autres expressions
au même temps dans la strophe 1 : qu’a tué la mort ?
II. Mettre en mots la douleur
6. a. Sous quels traits est présentée la mort au vers 10 ?
Quel vers de la strophe 3 prolonge cette évocation ?
b. À quel temps est associée la mort dans les strophes
2 et 3 ? Quelle nouvelle proie la mort convoite-t-elle ?
Oral
12. Proposez plusieurs récitations de ce texte : une
lecture-confidence au lecteur, une lettre adressée à
Nusch, un acte d’accusation à la mort. Essayez, en plus
du travail sur la voix, de penser à votre placement dans
l’espace par rapport à vos auditeurs et à votre attitude
corporelle (recroquevillé, debout face au ciel…). Vous
devez apprendre le texte par cœur.
★
7. Relevez le champ lexical du « visible » et son opposé :
à qui s’appliquent-ils respectivement ?
8. Aux vers 13 et 15, observez la construction et étudiez
le rythme : qui désignent « masque de neige » et
« masque d’aveugle » ? Où sont placées respectivement
ces deux expressions ? Quelle réunion effectue ces deux
vers ? Quel rythme commun les associe ?
9. Expliquez l’expression « Mon passé se dissout ».
À retenir
La poésie peut avoir une inspiration autobiographique, exposer des
événements personnels et dévoiler des sentiments intimes. Cette poésie,
centrée sur l’expression des sentiments personnels, s’appelle la poésie lyrique.
L’expression de soi
127
L ECTURE D ’ IMAGE
Se représenter par la peinture
▲ Frida Kahlo (1907-1954), Autoportrait à la frontière entre le Mexique et les États-Unis,
1932, huile sur métal, 0,31 x 0,35, New York, collection Manuel Reyero.
▲
« Je me peins parce que je passe beaucoup
de temps seule et parce que je suis le motif
que je connais le mieux. »
128
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
Frida Kahlo, New York, 30 mars 1939.
I. L’autoportrait : un genre pictural
II. L’autoportrait : un univers mental
1. Quelles impressions produit sur vous ce tableau ?
2. Quels éléments composent le mot « autoportrait » ?
6. Comment Frida est-elle vêtue ? Comment interprétez-
Que signifient-ils ?
7. Où s’est-elle placée sur sa toile ? Quelles sont les deux
3. Quelle invention a permis le développement de l’autoportrait en peinture ?
parties distinctes qui composent son œuvre ? Quel lien
pouvez-vous établir avec le titre ?
4. Comparez l’autoportrait à la photographie : comment
8. Observez attentivement cet autoportrait et complé-
peut-on expliquer les ressemblances et les différences ?
tez le tableau ci-dessous :
5. a. D’après vous Frida Kahlo est-elle le seul sujet du
tableau ? Justifiez votre réponse.
b. Quel type de plan a-t-elle choisi pour se représenter ?
Quel lien pouvez-vous établir entre vos deux réponses ?
vous ce choix ?
Partie
Partie
. . . . .
. . . . .
Drapeaux
Créations humaines
Cieux
Sols
Personnages
Couleurs
9. Quels sentiments éprouve Frida pour chaque monde
Frida Kahlo naît le 6 juillet 1907 à Coyoacán,
dans les faubourgs de Mexico.
Le 17 septembre 1925, un accident de la circulation
la cloue sur un lit d’hôpital pour de longs mois.
« Pour échapper à l’ennui et à la douleur, elle se mit
à peindre », écrit sa biographe Andrea Kettenmann.
Sa mère lui fait faire un chevalet et elle emprunte les
couleurs à l’huile de son père. « Le lit fut en outre
recouvert d’un baldaquin sous lequel on plaça un
miroir sur toute la longueur, de sorte qu’elle pouvait
se voir et se servir de modèle. Ce fut le début des
nombreux autoportraits qui prédominent dans
l’œuvre de Frida Kahlo… »
(A. Kettenmann, Kahlo, Taschen, 2000, p. 18).
En 1930, fuyant la répression politique du
gouvernement mexicain, elle s’installe aux États-Unis
avec son mari, le peintre Diego Rivera.
C’est à Detroit, en 1932, qu’elle peint cet autoportrait.
Nostalgique du Mexique, elle y retourne dès 1933.
représenté ?
Sur quoi Frida Kahlo est-elle juchée ?
10. D’après vous, cet autoportrait a-t-il pour but :
– de fixer un moment de son histoire personnelle ?
– de montrer son point de vue sur deux mondes
opposés ?
– de donner une certaine image d’elle-même ?
Justifiez vos réponses.
11. Qu’est-ce qui, dans cette scène, relève du réel et
qu’est-ce qui relève du fantastique ?
12. D’après vous, à qui Frida s’adresse-t-elle dans ce
tableau ? En quoi peut-il concerner celui ou celle qui le
regarde ?
Pour conclure
13. Que peut apporter un autoportrait de ce genre ?
L’apport est-il le même qu’un autoportrait littéraire ?
14. Peut-on dire de cet autoportrait peint qu’il est un
récit rétrospectif qui suppose un va-et-vient entre passé
et présent ? Justifiez votre réponse.
Petit lexique
Genre pictural : ensemble d’œuvres peintes qui possèdent des caractéristiques
communes (paysages, portraits, nus…).
Portrait en buste : portrait d’une personne « coupée » à la taille (« plan taille »
au cinéma).
Portrait en pied : portrait d’une personne en entier (« plan moyen » au cinéma).
Composition : façon d’organiser les différents éléments d’une image les uns par
rapport aux autres.
Lecture d’image
129
PARCOURS D’
écrit
Raconter un souvenir d’enfance
Objectifs
• Écrire un récit autobiographique
• Décrire
D
Hervé Guibert
(1955-1991)
Écrivain français. Ses textes
sont hantés par sa
fascination pour la mort.
Il a consacré une trilogie au
sida, maladie dont il était
atteint. Il a également écrit
pour le cinéma.
5
10
ans le berceau puis dans le lit je me retrouve enlacé à un grand chiffon
de laine blanche souillée et pelucheuse, […] c’est mon burnous, avec mes
gencives, j’ai défait ses coutures, il me ceint, je m’en enveloppe, […] j’aime
y étouffer dans son odeur de pelote et de bouillie, je le dévore, il part en charpie,
plus il s’abîme plus je l’aime, plus je m’y accroche, je hurle quand on veut me
le retirer en me présentant un burnous neuf puant de propreté, […] un matin
je m’éveille affreusement nu, la peau retournée opérée de sa peau, je ne hurle
plus, je suis grave, j’ai peut-être deviné qu’il est passé au vide-ordures, qu’on l’a
jeté en boule du sixième étage sur les rognures de bouffe et les sacs de poussière
éclatés des aspirateurs.
Hervé Guibert, Mes parents, Éditions Gallimard, 1986.
▲
Otto Van Rees (1884-1957),
Portrait d’Aditya, 1909,
huile sur toile, La Haye,
Gemeentemuseum.
130
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
Comme tous les enfants, vous avez élu un objet qui vous suivait partout et qui
était votre « doudou ». Rendez hommage à ce compagnon de vos premiers jours.
Décrivez votre doudou comme un compagnon, évoquez des souvenirs qui lui sont
liés et terminez en racontant comment vous vous en êtes détaché.
I. Lire le texte
VI. Ordre de narration
Quel objet Guibert évoque-t-il ? À quelle période de sa
vie est-il associé ? Comment est-il décrit ? Quels comportements marquent l’attachement du narrateur ?
Comment sa disparition est-elle ressentie ?
La consigne vous suggère une progression, mais vous
pouvez en préférer une autre : commencer par la séparation et remonter le temps, commencer par le souvenir
le plus marquant et poursuivre par la description.
II. Décrire
VII. Mettre en page
Préparez la description de l’objet tel que vous le considériez petit : vous évoquerez taille, texture, forme, odeur,
couleur…
Vérifiez particulièrement les accords des adjectifs, les
accords du participe (passé composé) ou la conjugaison
du passé simple.
Vous veillerez à la caractérisation objective et subjective
de façon à rendre compte de vos sentiments pour cet
objet.
Recopiez en veillant à marquer clairement le début de vos
paragraphes et lisez votre texte à haute voix à plusieurs
reprises pour affiner la syntaxe et la ponctuation qui
donne du rythme à votre texte.
Vous pourrez employer comparaisons et métaphores.
Si vous possédez une photographie de vous et de l’objet,
illustrez votre texte.
III. Faire revivre le passé : des choix d’écriture
Évoquez deux ou trois souvenirs que cet objet peut faire
resurgir : un gros chagrin d’enfant, l’oubli ou la perte de
cet objet, un jeu où il figure un personnage…
IV. Tenir compte du lecteur
Choisissez l’effet que vous voulez produire sur votre
lecteur : l’amuser, l’émouvoir, l’indigner, et mettez en
œuvre des procédés d’écriture adaptés : interpellation du
lecteur, exagération, accumulation.
V. Implication ou distanciation
Vous dissocierez dans ce récit les sentiments de l’enfant
et ceux de l’adolescent que vous êtes.
Vous veillerez à la répartition entre le temps de l’écriture et celui des souvenirs évoqués.
Par ailleurs, vous pouvez soit vous impliquer dans le récit
comme si cette période était très présente (écriture en
« je », précision des détails, vocabulaire de l’affectif,
utilisation du passé composé) ou, au contraire, mettre
à distance ces souvenirs lointains (modalisateurs,
désignations de l’enfant sous forme de groupe nominal,
narration en « tu » au lieu de « je », dialogue avec vousmême, utilisation du passé simple).
Parcours d’écrit
131
C AP
SUR LE BREVET
J
Romain Gary
(1914-1980)
Romancier français
d’origine russe. Son
œuvre est marquée par
un humanisme sincère.
Sous le pseudonyme
d’Émile Ajar, il signa
également trois romans
à caractère burlesque
dont La Vie devant soi
(1975).
5
10
1. Parole violente.
2. Paysans russes.
3. Adjudants dans
l’armée allemande.
15
20
25
4. Grande plaine sèche
et dépourvue de
végétation.
30
35
e dois dire que ma mère avait au plus haut degré le don de l’invective1. […]
Il suffisait d’un rien pour que cette dame distinguée aux cheveux blancs,
qui inspirait une telle confiance aux acheteurs des « bijoux de famille », se
mît soudain à évoquer, devant son auditoire sidéré, toute la Sainte Russie des
palefreniers ivres, des moujiks2 et des feldvebels3 ; elle possédait incontestablement un grand talent de reconstitution historique, par la voix et le geste, et ces
scènes semblaient bien prouver qu’elle avait vraiment été, dans sa jeunesse, la
grande artiste dramatique qu’elle prétendait avoir été.
Je ne suis cependant jamais parvenu à élucider ce dernier point entièrement. J’ai toujours su, bien entendu, que ma mère avait été « artiste dramatique »
– avec quel accent de fierté, elle avait, toute sa vie, prononcé ces mots ! – et je
me revois encore à ses côtés, à l’âge de cinq, six ans, dans les solitudes enneigées où nous errions au hasard de ses tournées théâtrales, dans les traîneaux aux
clochettes tristes qui nous ramenaient de quelque usine glacée, où elle venait
de « donner du Tchékov » devant les ouvriers d’un Soviet local, ou de quelque
caserne, où elle avait « dit des poèmes » devant les soldats et les matelots de la
Révolution. Je me retrouve aussi sans peine dans sa petite loge de théâtre, à
Moscou, assis par terre, en train de jouer avec des bouts d’étoffe multicolores,
que j’essayais d’assortir harmonieusement : mon premier effort d’expression artistique. Je me souviens même du nom de la pièce qu’elle interprétait alors : Le Chien
du jardinier. Mes premiers souvenirs d’enfant sont un décor de théâtre, une délicieuse odeur de bois et de peinture, une scène vide, où je m’aventure prudemment dans une fausse forêt et me fige de terreur en découvrant soudain devant
moi une salle immense, béante et noire; je revois encore des visages grimés, étrangement beiges, aux yeux cerclés de blanc et de noir, qui se penchent sur moi et
me sourient; […] je me souviens encore d’un matelot soviétique qui me soulève
et m’installe sur ses épaules, pour me permettre de voir ma mère interprétant
le personnage de Rosa, dans Le Naufrage de l’espoir. Je savais aussi qu’elle était
fille d’un horloger juif de la steppe4 russe, de Koursk, plus précisément ; qu’elle
avait été très belle, qu’elle avait quitté sa famille à l’âge de seize ans ; qu’elle avait
été mariée, divorcée, remariée, divorcée encore – et tout le reste, pour moi, était
une joue contre la mienne, une voix mélodieuse, qui murmurait, parlait, chantait,
riait – un rire insouciant, d’une gaieté étonnante, que je guette, j’attends, je
cherche en vain, depuis, autour de moi ; un parfum de muguet, une chevelure
sombre qui coule à flots sur mon visage et, murmurées à l’oreille, des histoires
étranges d’un pays qui, un jour, allait être le mien.
Romain Gary, La Promesse de l’aube, Éditions Gallimard, 1960.
★
Questions
2. Dans quel pays le narrateur a-t-il vécu dans son
I. Un récit autobiographique
★
1. À quelle personne est rédigé ce récit ? À quel temps
est associé ce pronom ? Justifiez l’emploi de ce temps.
132
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
enfance ? D’après la biographie, à quel pays correspond
« un pays qui, un jour, allait être le mien » ?
3. Quel âge avait le narrateur lorsque sa mère était
actrice? Quels temps dominants sont employés de la ligne
12 à 21 pour le récit de cette époque ? Quel autre temps
identifiez-vous à partir de la ligne 26? Quelle est la valeur
de ce temps ? Quel effet son emploi produit-il ?
III. La nostalgie
4. Quelles scènes successives le narrateur évoque-t-il ?
l’écriture de ce récit ?
Comment sont-elles liées les unes aux autres ? Quels
adverbes les introduisent ? Que souligne leur emploi ?
5. Quelles sensations la mémoire du narrateur retrouvet-elle ? Pourquoi ces souvenirs sont-ils importants ?
Quelle expression l’indique ?
11. La mère est-elle en vie ou décédée au moment de
12. Quel trait de caractère de la mère le texte met-il en
évidence ? Quels comportements traduisent ce caractère?
13. Pour quelles raisons Romain Gary écrit-il ce texte ?
Sur quel personnage est-il centré? Quels sentiments lient
le narrateur et sa mère ?
II. Le portrait d’une mère
6. Quel personnage est au centre de ce récit? À quels âges
successifs est-il évoqué ?
7. Quelles informations avérées le narrateur possèdet-il sur ce personnage ? Par quoi sont-elles attestées ?
Quels termes soulignent cette certitude ?
Réécriture
Réécrivez de « Mes premiers souvenirs d’enfant » à « Le
Naufrage de l’espoir. » en remplaçant les présents par les
temps du passé qui conviennent.
8. Quel mystère, quelles incertitudes sont liées à ce personnage ? Quels termes l’indiquent ?
9. Repérez les expressions entre guillemets : qui
prononce ces paroles ? Pourquoi le narrateur a-t-il fait le
choix de citer ?
10. Par quel synonyme pourriez-vous remplacer « artiste
dramatique » ? Quel est le terme le plus valorisant ? Quel
mot du texte confirme votre réponse ?
Rédaction
Rédigez le portrait d’une personne aimée, crainte ou
détestée de votre petite enfance. Vous associerez à ces
souvenirs des sensations. Vous évoquerez, comme dans
le texte, plusieurs souvenirs auxquels le personnage
donnera une unité. Les sentiments liés à la personne
décrite apparaîtront dans le vocabulaire évaluatif.
Méthode
Lire et analyser le sujet de rédaction
1. Le sujet de rédaction est en relation avec le texte :
– soit par le thème (raconter une aventure semblable),
– soit par le type d’écrit à produire (récit autobiographique, lettre).
Vous pouvez réinvestir des procédés d’écriture mais sans reprendre des parties de phrases ou de texte.
2. Le sujet est donné en deux parties :
●
La partie sujet proprement dite qui répond à la question : que faut-il écrire ? de quoi faut-il parler ?
Le sujet peut être donné :
– sous forme injonctive N Imaginez une suite à ce texte.
– sous forme de question N Pour quelles raisons peut-on aimer la corrida ?
Il précise le type d’écrit attendu (lettre, article de journal, dialogue, récit de fiction, essai) et, de façon
implicite (Justifiez votre point de vue = discours argumentatif) ou explicite (Racontez = discours narratif),
le ou les type(s) de discours à mettre en œuvre : narratif, descriptif, argumentatif, explicatif.
Les consignes rédigées au futur injonctif précisent quelques-unes des contraintes d’écriture :
– la longueur moyenne requise,
– la situation d’énonciation…
ou des critères d’évaluation :
– en développant les sensations et les sentiments (vocabulaire),
– la correction de la langue.
●
3. Vous avez tout intérêt, avant de vous lancer dans la rédaction, à refaire la liste précise des contraintes d’écriture
de façon à vérifier en cours de route que votre texte répond aux attentes exprimées.
Cap sur le brevet
133
B ILAN
DE SÉQUENCE
SYNTHÈSE
LE PACTE AUTOBIOGRAPHIQUE
– L’autobiographie est un récit rétrospectif à la première personne dans
lequel auteur, narrateur et personnage renvoient au même référent.
– Ce pacte se lit dans l’usage du nom de l’auteur dans le texte, mais aussi
dans le paratexte (titre, dédicace , préambule , postface ).
★
★
★
★
La confrontation de deux époques
Le texte autobiographique confronte le regard de l’adulte (moment de
l’énonciation, de l’écriture) et la vie de l’enfant (moment de l’histoire).
Pour marquer la distance entre l’enfant et l’adulte, l’auteur peut choisir :
– d’employer d’autres pronoms que « je, tu, il »,
– de se désigner par des dénominations (« l’enfant »),
– de privilégier le passé simple par rapport au passé composé,
– de multiplier les marques d’incertitude (verbes, adverbes de modalisation),
– d’exhiber les lacunes, de superposer plusieurs versions du même événement.
Les enjeux de l’autobiographie
L’autobiographie privilégie les souvenirs d’enfance fondateurs. L’écriture transforme ces événements en épisodes de récits. Diverses motivations se mêlent :
– le désir de faire revivre des êtres et des moments perdus,
– la volonté de se connaître,
– le besoin de se justifier,
– la nécessité de témoigner.
L’expression de soi
Journaux, carnets n’appartiennent qu’en partie au genre autobiographique
car ils ne sont pas rétrospectifs.
De même, certains auteurs s’inspirent de leur vie pour nourrir leurs récits et
leurs romans.
Enfin, la poésie peut mettre en mots l’intimité et se faire l’écho d’événements
personnels en privilégiant l’expression des sentiments, c’est la poésie lyrique.
Et le lecteur ?
L’autobiographie permet de pénétrer dans l’intimité des hommes et elle intéresse les lecteurs pour l’universalité des expériences décrites. Le lecteur y
cherche aussi des témoignages d’autres vies pour élargir sa connaissance de
l’homme.
134
Séquence 4 - L’autobiographie, quels enjeux?
LECTURES
C O U P S D E C OE U R
Marcel Proust, adaptation de Stéphane Heuet, À la recherche
du temps perdu, Combray, Guy Delcourt productions, 1998.
Azouz Begag, Le Gone
du Chaâba, Éditions
du Seuil, 1998, coll.
Points-Virgule
(nouvelle série), 2001.
Misha Defonseca, Survivre avec les loups,
Pocket, 1999.
L’intégrale, tomes
Art Spiegelman, Maus 990.
1 et 2, Flammarion, 1973-1
Jean-Pierre Guéno, Paroles d’étoiles, Mémoire
d’enfants cachés 1939-1945, J’ai Lu, 2002.
William Camus,
Mémoires d’un sauvage,
Pocket jeunesse, département Univers de
Poche, 2000.
Lectures coups de cœur
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