Migros Magazine No 19 du 09/05/11 Page 100, Région Edition
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100 | Migros Magazine 19, 9 mai 2011 La peur, notre meilleure ennemie Crainte, angoisse, terreur. Trop souvent, ces sentiments nous empêchent d’avancer. Comment ne plus être une victime de ses émotions, mais faire de sa peur une alliée? Nadine Debétaz, praticienne de la Méthode Grinberg, propose un autre regard. I l y a des peurs qui nous sauvent la vie. Et d’autres qui l’empoisonnent. Celles qui nous conseillent de regarder à gauche et à droite avant de traverser la route et celles qui, envahissantes, nous empêchent de progresser. Qui freinent les élans, les nouvelles rencontres, peur excessive du noir, de l’intimité, ou même de déranger. C’est des personnes comme ça, de tous âges et de tous milieux, que Nadine Debétaz, praticienne diplômée et enseignante agréée de la Méthode Grinberg à Lausanne, reçoit dans son cabinet. Parce qu’elles ont la crainte de ne pas être à la hauteur, de rater un entretien d’embauche ou, plus grave, qu’elles trimbalent un traumatisme lié à l’enfance. Principalement des femmes, que la partie bénéfique: son lot d’adrénaline et d’excitation vivifiante. Alors, que faire? Rien, en fait. Ou plutôt, si: apprendre à ressentir ce sentiment inconfortable, les mains moites et le frisson dans l’échine. Laisser le flux intense de la peur monter le long du dos, et même les tremblements. Pourquoi? Pour se rendre compte finalement que l’on s’en sort vivant. Que la souris, l’auditoire ou l’ascenseur ne nous ont pas anéantis. Ni massages ni thérapie, la démarche de Nadine Debétaz relève plutôt d’une approche éducative, qui invite la personne à partir à la rencontre de son propre corps et de ses sensations. Et surtout à enrayer toutes les réactions automatiques, pour faire le tri, une bonne fois pour toutes, entre la peur (positive) et les réactions face à la peur (négatives). «Oui, l’idée est d’enseigner aux gens comment arrêter les schémas mentaux et posturaux qui les empêchent de bien vivre, d’être heureux, d’avoir un corps en bonne santé ou tout simplement d’être qui ils sont vraiment.» Une émotion négative laisse une trace dans le corps mais depuis quelques années des hommes aussi. «Les peurs sont moins différenciées depuis l’égalité des sexes. La peur de ne pas être aimé concerne aussi bien les hommes que les femmes.» Mais peut-on vraiment dompter ses peurs, souvent irrationnelles? Pour la spécialiste, il ne s’agit pas de supprimer sa peur, mais de s’en faire une alliée pour n’en garder Parce que tout ce qui est psychologique a un retentissement physique que l’on peut détecter et modifier. Parce qu’une émotion négative finit par laisser sa trace dans le sable du corps, dans la manière de se tenir et de marcher. C’est précisément sur ce matériau-là, le corps, que Nadine Debétaz travaille depuis treize ans. Par le toucher, elle amène donc les personnes à prendre conscience de leurs mécanismes défensifs: boule au ventre, nœud dans les entrailles, respiration qui s’accélère et regard qui se fige. Autant de réactions spontanées et bien connues, de petites stratégies mises en place par l’organisme pour neutraliser le sentiment désagréable de la peur. La praticienne propose toute une série d’exercices de maîtrise musculaire, comme contracter son ventre et le relâcher, développer l’ouverture de son thorax, respirer en conscience. Mais aussi apprendre à être silencieux dans sa tête, ne pas écouter les petites voix, le bruit du mental, genre «si je lui dis ce que je pense, je vais mourir». VIE PRATIQUE MIEUX VIVRE Autant d’outils pour devenir maître de ses réactions et non victime de ses réflexes. Peur du noir, peur de parler en public ou peur des petites bêtes, ce sera toujours la même stratégie à appliquer, pour contrer les épaules qui se contractent, la mâchoire qui se resserre, les membres qui se figent. «Oui, c’est le même procédé pour toutes les peurs. Le corps a des mécanismes de défense pour arrêter de trembler, très efficaces, mais qui réduisent le niveau de vitalité.» Idem avec les phobies, que ce soit celles de la foule ou de prendre l’ascenseur. Au fond, même s’ils sont plus intenses, ce sont toujours les mêmes processus qui s’enclenchent. L’idée est alors d’y aller progressivement, en s’entraînant d’abord avec d’autres petites peurs Afin de développer le contrôle sur les yeux, la personne doit augmenter son niveau d’attention en respirant et en suivant du regard le losange créé par les mains. avant d’affronter les plus grandes. Pour la praticienne, il n’est nullement question de supprimer cette sensation, mais d’apprendre à vivre avec. «Le but n’est pas de se déconnecter de la peur. Mais qu’elle ne soit ni un frein relationnel ni un handicap professionnel. Il faut la laisser s’exprimer, avoir le courage de la sentir. La peur se transforme alors en sensation qui nous rend | 101 vivants, qui peut nous aider. Apprenons à l’utiliser!» Patricia Brambilla Photos Loan Nguyen «Oser la peur», conférence de Nadine Debétaz, le 9 mai à 20 h, rue du Petit-Chêne 11, à Lausanne. Même conférence donnée par Rita Rütsche le 10 mai à 20 h, rue de Genève 98, à Thônex (GE). Infos sur www. methodegrinberg-suisseromande.com et www.grinbergmethod-swissassociation.ch Afin de prêter attention à ce que nous faisons physiquement lorsque nous réagissons à la peur, nous avons besoin d’être silencieux. Exercice de silence couché: mouvement monotone des bras qui s’ouvrent et se ferment au-dessus du thorax. Accepter les émotions négatives Est-il normal d’éprouver des émotions négatives? Souci, déception, contrariété ou, pire, désespoir, haine, terreur. C’est avec cette question que Stéphanie Hahusseau, médecin psychiatre, démarre son ouvrage tout public, «Tristesse, peur, colère. Agir sur ses émotions», paru aux Ed. Odile Jacob. Et s’empresse d’y répondre par l’affirmative: oui, il est normal, humain et même salutaire d’éprouver des émotions, fussent-elles parfois négatives. Tout d’abord parce que même les mouches et les escargots de mer en éprouvent. Et que sans émotions, nous ne serions tous que des Monsieur Spock de la série «Star Treck», impassibles et froids à la limite de la schizoïdie. Cela dit, pour bien cohabiter avec ses émotions, mieux vaut ne pas les éviter, ni les contourner, encore moins les refouler. Le premier pas vers la sérénité intérieure est peut-être celui-là: apprendre à accepter son ressenti et surtout à le nommer avec les mots appropriés aide à pouvoir ensuite l’utiliser et à le réguler. Ainsi une émotion négative devrait être prise comme une indication qu’il faut chercher à faire face autrement et non s’obstiner dans la répétition d’un schéma ou d’une pensée automatiques. De même qu’affronter, de manière répétée et progressive, ce qui nous fait peur est le meilleur moyen de voir ses peurs diminuer. Reste à comprendre l’origine de ses émotions, à faire un travail parfois nécessaire de retour dans le passé, parfois jusque dans l’enfance pour comprendre certaines réactions du présent. Avec de nombreux tableaux, tests, schémas et résumés ponctuels, l’ouvrage est autant théorique que pratique. Et permet d’établir le profil émotionnel de chacun, voire de faire un joli bout de chemin sur la connaissance de soi. Lorsque nous réagissons à la peur, nous essayons de ne pas la sentir en bloquant ou réduisant la respiration. S’entraîner à ouvrir le thorax, en ouvrant les bras devant la poitrine ou avec les bras derrière la tête, nous apprend à transformer la peur. Publicité Bien dormi? zeller sommeil forte – avec valériane et houblon • favorise l‘endormissement et un sommeil réparateur • 1 comprimé 1 heure avant le coucher Max Zeller Söhne AG 8590 Romanshorn zeller sommeil forte est un médicament phytothérapeutique. Disponible en pharmacie et droguerie. Veuillez lire la notice d‘emballage. 102 | Migros Magazine 19, 9 mai 2011 Comment donner la bosse des maths? Quand addition et soustraction riment avec affliction et que les devoirs de maths tournent au calvaire, il est temps d’agir! Oui, l’esprit logique, ça s’acquiert et ça se développe, dixit Martine Klein, enseignante et éducatrice du raisonnement. L a leçon de maths tourne parfois à la torture. Rien à faire. Soustraire vingt-cinq de cent relève, pour certains enfants, du tour de passe-passe. Apprendre les livrets par cœur vire à l’épreuve de force. Même si tous les écoliers ne sont pas destinés à devenir des Euclide ni à réinventer la théorie de la relativité, peut-on au moins réconcilier un enfant avec les maths et, surtout, comment? Son défi: faire aimer les maths aux plus récalcitrants Martine Klein, enseignante spécialisée à Thierrens (VD), qui donne des cours d’éducation du raisonnement aux 10-16 ans, s’est fait un défi de faire aimer les maths aux plus récalcitrants. Elle accueille justement ces enfants qui butent sur les multiplications, trébuchent sur les équations et finissent par avoir une mauvaise image d’eux-mêmes parce que la logique numérique leur échappe. «Je suis bête, je suis nul en maths», entend-elle souvent. Ce qui la fait aussitôt réagir: «L’intelligence ne se mesure pas à la seule compétence en mathématiques! Dans la plupart des cas, ce n’est ni de la mauvaise volonté ni de la bêtise. Mais la difficulté à comprendre les maths est souvent due à un raisonnement inadéquat.» Incapacité à faire le lien entre la réalité et l’écriture symbolique, mais aussi parfois problèmes plus profonds, comme la dyscalculie. Un trouble encore méconnu et surtout non reconnu en Suisse et qui touche pourtant environ 5% des élèves par classe. «L’école dispense un enfant pour soigner sa dyslexie, mais pas sa dyscalculie», regrette Martine Klein. Pourtant, pour augmen- «Certains enfants ne sont tout simplement pas prêts à comprendre» ter les chances de faire évoluer l’enfant dans son raisonnement, il vaudrait mieux déceler tôt les éventuels problèmes de dyscalculie. Mais pas toujours facile. D’autant que certains élèves arrivent à compenser par la force de la mémoire et passent entre les gouttes jusqu’au secondaire, avant de buter sur la résolution de problèmes. Ou peinent en opérations simples, mais s’en sortent très bien en géométrie. Les signaux alarmants? La difficulté à acquérir certaines notions, comme l’inclusion (le fait qu’une forme puisse être à la fois triangulaire et rouge, par ex.), la notion de groupe, de sériation, la numération de position, le fait d’écrire 100207 pour 127 ou l’impossibilité d’apprendre les livrets. «Comme l’enfant dyslexique peine à identifier les lettres, l’enfant dyscalculique n’arrive tout simplement pas à transcrire les actions en opérations mathématiques.» Martine Klein travaille donc avec du concret, du matériel pour aider ces enfants à faire le pas entre réalité et opérations mathématiques. Pailles, haricots, allumettes, élastiques, tout est bon pour décortiquer et saisir une addition ou une soustraction. «Je n’explique pas, je fais découvrir.» Martine Klein laisse l’enfant expérimenter, tout en le questionnant sur sa démarche au fur et à mesure. Avec de bons résultats. «Certains élèves ne sont simplement pas prêts à comprendre. Le déclic arrive parfois plus tard, pour autant que l’on prenne le temps et le soin de réexpliquer les bases. Certains mettent deux à trois ans pour rattraper le niveau de leur classe, d’autres se réconcilient en cinq séances.» Aux parents qui songent à ajouter des exercices supplémentaires à leur progéniture, la spécialiste répond de façon catégorique: «Ce serait contre-productif de les harceler avec des exercices incessants. Les enfants ont aussi besoin de repos intellectuel.» Il ne sert donc à rien de gaver un enfant de L’apprentissage des mathématiques devoirs pendant les vacances. Non, les maths ne s’entraînent pas comme un sport, à l’exception des livrets et du calcul oral. Par contre, toutes les activités qui aident le développement de l’esprit logique devraient être encouragées. A commencer par les échecs, qui ont la réputation de muscler le cerveau. Ainsi que tous les jeux éducatifs, genre Logix, Structuro ou Architek, y compris le jass et le VIE PRATIQUE GRANDIR | 103 Des brochures pour ados en rade est un véritable calvaire pour certains élèves. Monopoly! «Ça leur apprend à compter les points, à faire des déductions.» Et le plaisir dans tout ça? Alors, la bosse des maths, ça s’acquiert? Bien sûr, on ne fera pas de chaque enfant un petit Einstein. Certains ont des aptitudes innées, une capacité d’abstraction spontanée que d’autres n’ont pas, de la même manière que les uns ont le sens du rythme là où les autres ont le geste pataud. Mais Martine Klein en est convaincue: il est tout à fait possible de faire découvrir le plaisir de réfléchir et résoudre un problème. «On ne peut pas acquérir la bosse des maths, mais on peut pallier les difficultés et développer un meilleur raisonnement.» Patricia Brambilla Photo Getty «Les maths restent un langage assez abstrait, certains restent bloqués jusqu’à la fin de leur scolarité.» Sur ce constat, Jean-Claude Bossel, professeur depuis vingt ans au gymnase Auguste-Piccard à Lausanne, a mis au point des brochures de maths «BAC-CH» pour les ados en rade. Parce que les ouvrages de rattrapage disponibles sur le marché ne s’adressent qu’aux enfants jusqu’à 12 ans. Et que les manuels scolaires ne le satisfaisaient pas vraiment: peu de théorie, pas de procédure, pas de réponses aux problèmes exposés et des élèves qui rament pour inventer les solutions sans vraiment comprendre les opérations. «On voit que les jeunes manquent de schémas répétitifs et n’ont pas de bases très solides. Pourtant, un enfant qui veut faire du foot, on lui apprend les gestes fondamentaux. Pourquoi ça ne fonctionnerait pas avec les branches académiques?» s’interroge le mathématicien qui aime les métaphores sportives. Cet humaniste s’est donc mis en tête de rédiger ses propres ouvrages, sur le modèle des manuels d’apprentissage des langues: pratiques, concis, efficaces. En prévision: douze brochures qui feront le tour des maths, de l’algèbre à la trigonométrie en passant par les probabilités et l’économie, entre autres. Pour l’heure, quatre brochures ont été publiées, qui se sont vendues à 6000 exemplaires en cinq ans et sont utilisées à bien plaire par les enseignants romands. «Elles s’adressent aux élèves de 1518 ans, pour les aider à préparer le bac. Mais les deux premiers volumes peuvent aussi être utilisés en fin de cycle obligatoire.» Sa recette? Des exercices clairs abordant pas à pas les diverses difficultés techniques. Sur chaque page, des exemples commentés, classés par thèmes. Et, à chaque fois, des séries d’exercices avec le corrigé en vis-à-vis. «En donnant les solutions, je brise un tabou, c’est quelque chose qui ne se fait pas du tout», convient Jean-Claude Bossel. Mais il en est convaincu: le corrigé ne rend pas les ados plus paresseux. Au contraire. Les très bons élèves ne vont pas regarder les réponses et ceux qui peinent s’en servent comme déclencheur, pour comprendre la démarche. Infos sur www.bac-ch.ch