Gardasil – expériences passées, place actuelle et perspectives

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Gardasil – expériences passées, place actuelle et perspectives
N o va
Gardasil – expériences passées, place actuelle
et perspectives dans le futur
Brigitte Frey Tirri
Hôpital cantonal de Bâle-Campagne
Gardasil est un vaccin recombinant non infectieux tétravalent, produit à partir de pseudo-particules virales
(VLP) hautement purifiées issues de la protéine d’enveloppe L1 du virus du papillome humain (VPH) de types 6,
11, 16 et 18. Gardasil est approuvé pour la prévention
des lésions précancéreuses de la région génitale (col de
l’utérus, vulve et vagin), du cancer du col et des condylomes acuminés (verrues génitales externes) dus aux
VPH de types 6, 11, 16 et 18 dès l’âge de neuf ans. Les
VPH 16 et 18 sont à l’origine de 70% des cancers du col,
les VPH 6 et 11 sont responsables de 90% des cas de
condylomes.
Efficacité
L’enregistrement dans notre pays par Swissmedic date
du 22 novembre 2006. La preuve de l’efficacité de Gardasil® chez les femmes de 16 à 26 ans repose sur quatre études cliniques de phases II et III, randomisées en
double aveugle et contrôlées par placebo, ayant inclus
au total quelques 20 541 participantes. L’analyse primaire de l’efficacité du vaccin contre les types 6, 11, 16
et 18 du VPH a été réalisée sur la population per protocole, autrement dit 73% des femmes.
Les chiffres d’efficacité du vaccin Gardasil contre les types 6, 11, 16 et 18 du VPH étaient les suivants:
– contre les néoplasies cervicales intra-épithéliales
(CIN) 1: 95,9% (IC 95%: 91,4; 98,4)
– contre les CIN(1,2,3) ou adénocancer in situ (AIS):
96,0% (IC 95%: 92,3; 98,2)
– contre les néoplasies vulvaires intra-épithéliales
(VIN) 2 ou 3: 100% (IC 95%: 67,2; 100)
– contre les néoplasies vaginales intra-épithéliales
(VaIN) 2 ou 3: 100% (IC 95%: 55,4; 100)
– contre les condylomes: 99,0% (IC 95%: 96,2; 99,9).
L’efficacité était de 46 à 70% tous types confondus [1].
Selon les estimations de l’OFSP, environ 2000 CIN 2+
(40%), 142 cancers du col (62%) et 55 décès consécutifs
à un cancer du col (62%) pourraient être évités en
Suisse moyennant un taux de vaccination de 80% chez
les jeunes filles [2].
Expériences passées
A la suite des bons résultats des études et du bon profil
de tolérance du vaccin, une vaste campagne de vaccination, financée par l’assurance de base, a été mise sur
pieds chez les jeunes filles âgées de 11 à 14 ans dès le
mois de juillet 2008, dans le cadre des programmes de
vaccinations cantonaux. Cette campagne comprenait
en outre la possibilité d’une vaccination de rattrapage
pour les jeunes femmes jusqu’à l’âge de 19 ans. Plusieurs
études ont en outre montré que la grande majorité des
femmes de 16–26 ans sexuellement actives n’est pas infectée par le VPH 6, 11, 16 ou 18 et peut dès lors bénéficier d’une protection par la vaccination. La probabilité
de ne pas encore avoir été infecté par l’un de ces types
de VPH reste grande (74%) même chez les femmes ayant
déjà eu quatre partenaires sexuels [4]. Ces observations
ont conduit la Commission fédérale pour les vaccinations
(CFV) et l’OFSP à recommander une vaccination complémentaire chez les femmes de la tranche d’âge 20–26 ans.
Alors que cette mesure n’était initialement prévue que
pour un an, ce groupe d’âge pourra compter sur la prise
en charge des coûts de la vaccination dans le cadre des
programmes cantonaux jusqu’en 2017. Comme l’efficacité est maximale chez les femmes qui n’ont pas encore
été exposées au VPH au moment de l’administration du
vaccin, ce dernier est préconisé en priorité chez les filles
avant leur premier rapport sexuel. Il faut en règle générale trois vaccins, appliqués au niveau du bras aux temps
0, 2 et 6 mois, pour obtenir une protection adéquate.
Chez les moins de 15 ans, il suffit de deux vaccins séparés au minimum de 4 mois.
Gardasil jouit d’un excellent profil de sécurité. Une étude
publiée en octobre 2012 n’a guère relevé, chez près de
200 000 jeunes filles vaccinées, que des malaises le jour
de l’injection et quelques réactions locales, sans autres
problèmes de sécurité [3]. La vaccination sera reportée
en cas d’infection aiguë sévère. En cas de réaction
d’hypersensibilité après la première dose de vaccin, on
renoncera aux doses suivantes. Le vaccin est par ailleurs contre-indiqué en cas d’intolérance au principe
actif ou à l’un de ses excipients.
L’extension de la vaccination à la catégorie d’âge allant
jusqu’à 45 ans a été approuvée par Swissmedic en juillet 2011. Les femmes âgées de 27 à 45 ans devront
cependant subvenir elles-mêmes aux frais de la vaccination, si ce n’est que certaines caisses-maladie en
prennent en charge une partie.
Place actuelle et perspectives dans le futur
Les résultats des études continuent à être extrêmement
encourageants. Les titres d’anticorps restent ainsi constamment élevés 8 ans après l’introduction du vaccin,
même si on n’a pas pu établir à ce jour un seuil de concentration d’anticorps minimale protectrice. Une mémoire
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immunologique (réponse immunitaire anamnestique) a
été mise en évidence. On n’a pas rapporté à ce jour de
cas de maladies en rapport avec le vaccin contre les VPH
6, 11, 16 et 18 après une vaccination complète à l’aide
de trois doses et il n’y a actuellement aucun indice suggérant des remplacements de types chez les femmes
vaccinées au cours de cette période.
Des données observationnelles provenant d’Australie,
où le taux de vaccination atteint 70% chez les filles depuis l’introduction de cette mesure préventive en juillet
2007, ont mis en évidence une diminution de l’incidence
des condylomes de 59% chez les femmes vaccinées et
de 39% chez les hommes du même âge. L’incidence des
lésions de haut grade chez les jeunes filles de 18 ans a
été réduite de près de moitié (de 0,8 à 0,42%). Ces chiffres sont confirmés par les expériences faites dans
d’autres pays. L’efficacité de l’immunité croisée, démontrée avec Gardasil pour le VPH de type 31, disparaît par
contre après quelques années.
Il reste à voir si la vaccination des garçons – recommandée dans certains pays – doit aussi être introduite
en Suisse. On estime pour l’instant que le rapport coûtbénéfice ne justifie pas une vaccination généralisée de
la population masculine de notre pays.
Plusieurs équipes de recherche travaillent actuellement
sur d’autres vaccins: des vaccins dirigés contre neufs
virus à haut risque, des vaccins contre la protéine
d’enveloppe L2 et des vaccins s’appuyant sur l’action
contre la protéine E7.
Correspondance:
Dr Brigitte Frey Tirri
Frauenklinik
Kantonsspital Baselland
CH-4101 Bruderholz
brigitte.frey[at]ksbh.ch
Références
1 The Future II Study Group. Quadrivalent Vaccine against Human Papillomavirus to Prevent High-Grade Cervical Lesions. N Engl J Med.
2007;356:1915–27.
2 BAG Bulletin.
2012;43:949–52.
3 Klein NP, Hansen J, Chun C, et al. Safety of quadrivalent Human Papillomavirus Vaccine Administered routinely to Females. Arch Pediatr
Adolesc Med. 2012;166:1140–8.
4 Paavonen J, and the Future II Study Group. Baseline demographic
characteristics of subjects enrolled in international quadrivalent VPH
(types 6/11/16/18) vaccine clinical trials. Curr Med Res Opin.
2008;24:1623–34.
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