conseil de discipline - Ordre des ingénieurs du Québec
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CONSEIL DE DISCIPLINE ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC CANADA PROVINCE DE QUÉBEC N° : 22-06-0331 DATE : Le 3 décembre 2008 ______________________________________________________________________ LE Me Jean-Guy Légaré Président suppléant CONSEIL : Réal Beaudet, ing. Membre Gérard Trépanier, ing. Membre ______________________________________________________________________ RÉMI ALAURENT, ingénieur ès qualités de syndic adjoint de l'Ordre des ingénieurs du Québec Plaignant c. GILBERT DESJARDINS, ingénieur Intimé ______________________________________________________________________ DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION ______________________________________________________________________ [1] Le 10 novembre 2006, le plaignant, Rémi Alaurent, ès qualités de syndic adjoint de l'Ordre des ingénieurs du Québec, déposait une plainte contre l'intimé Gilbert Desjardins. [2] Le 21 novembre 2006, l'intimé enregistrait un plaidoyer de non-culpabilité, et son procureur, Me Jean-Yves Brière, déposait une comparution. 22-06-0331 Page: 2 [3] Le 25 janvier 2007, lors d'un appel du rôle, le dossier était fixé pour une durée totale de six (6) jours, soit les 5, 6, 7, 8, 12 et 13 juin 2007. [4] Le 25 mai 2007, le Conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec (ci-après le «Conseil») s'est réuni pour entendre la demande de remise des auditions qui avaient été fixées. [5] Après avoir délibéré, le Conseil a accueilli séance tenante la requête pour demande de remise et a ordonné le report des auditions. [6] Lors de cette même audition, le Conseil a également été saisi d'une requête en arrêt des procédures déposée par l'intimé. Cette requête a cependant été retirée par la suite. [7] Enfin, le Conseil a entendu une requête en précisions et en divulgation de la preuve présentée par le procureur de l'intimé. Le Conseil a rejeté ladite requête dans une décision écrite en date du 20 août 2007. [8] Le même jour, le Conseil a rendu une ordonnance enjoignant essentiellement le Commissaire à la déontologie policière du Québec à remettre à la secrétaire du Conseil de discipline une cassette audio afin que l'intimé soit en mesure de faire procéder à une expertise sur ladite cassette. [9] Le 16 octobre 2007, lors d'une rencontre pour gestion de l'instance, le dossier est fixé pour enquête et audition les 28 février, 10, 11, 12, 13, 26, 31 mars, 2 et 14 avril 2008. [10] Le 28 février 2008, les parties étaient présentes devant le Conseil pour le début de l'audition sur culpabilité. 22-06-0331 [11] Page: 3 Le plaignant était présent et représenté par son procureur, Me Charles Dupuis. L'intimé était également présent et représenté par son procureur, Me Jean-Yves Brière. [12] Les parties ont demandé conjointement au Conseil de retarder le début de l'audience afin de leur permettre de discuter. Cette requête leur fut accordée par le Conseil. [13] Le 28 février, en après-midi, les parties ont informé le Conseil qu'il y aurait dépôt d'une plainte amendée et que l'intimé acceptait de plaider coupable sur certains chefs.- Le procureur du plaignant a également souligné au Conseil qu'il demanderait la permission de retirer certains des chefs contenus dans la plainte initiale du 10 novembre 2006. [14] Le Conseil a donc fixé une nouvelle audience au 11 mars 2008, afin de permettre au plaignant de déposer une plainte amendée, de préparer leur argumentation sur la demande d'amendement à la plainte et également permettre aux parties de tenter d'en venir, si possible, à une entente sur une suggestion de sanctions commune qu'ils avaient l'intention de soumettre au Conseil. [15] Le 11 mars 2008, le plaignant a déposé une plainte amendée modifiant le texte de certains chefs et a également demandé au Conseil de modifier la plainte conformément aux dispositions permises de l'article 145 du Code des professions. [16] Le Conseil a souligné aux parties qu'il était saisi de la plainte initiale du mois de novembre 2006 et que le plaignant devrait expliquer en quoi la plainte 22-06-0331 Page: 4 devrait être ainsi modifiée et pourquoi le Conseil devrait permettre au plaignant de retirer certains chefs de la plainte initiale. [17] Afin de justifier sa demande de modification de la plainte, le procureur du plaignant a déposé les pièces S-1 à S-18 inclusivement et y a fait entendre le plaignant. [18] Afin d'éviter des répétitions inutiles, il fut proposé que le témoignage du plaignant rendu lors de l'audience pour permission de modifier la plainte initiale vaille comme s'il avait été tenu lors de l'audience sur culpabilité et sanction. [19] Le Conseil a également permis au procureur de l'intimé de produire les pièces I-1 à I-3 inclusivement. [20] Le Conseil a ensuite entendu les représentations des deux (2) procureurs justifiant la demande de modification de la plainte et demandant le retrait de certains chefs. [21] Le Conseil a alors pris ces questions en délibéré et a indiqué qu'il rendrait sa décision oralement au tout début de l'audition du 26 mars 2008. [22] Au début de l'audience du 26 mars 2008, les parties sont de nouveau présentes et représentées par leur procureur respectif. [23] Le procureur du plaignant a déposé une plainte ré-amendée en date du 25 mars 2008. [24] Lorsque le Conseil a souligné au procureur du plaignant que les textes des chefs 2 et 3 de cette plainte ré-amendée ne correspondaient plus aux textes de la plainte amendée, ce dernier a demandé verbalement que ceux-ci soient ré-amendés, comme cela avait été fait lors de l'audition du 11 mars 2008. 22-06-0331 [25] Page: 5 Par la suite, le Conseil a rendu sa décision oralement sur permission d'amender certains chefs de la plainte et sur permission de retirer certains chefs. [26] Ainsi, compte tenu des explications fournies par les procureurs des parties et le témoignage du plaignant lors de l'audition du 11 mars 2008, le Conseil a permis l'amendement des chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ainsi que le retrait des chefs 4, 5, 6, 7 et 8. [27] La plainte ré-amendée verbalement le 26 mars 2008 était donc ainsi libellée: « Je, soussigné, Rémi Alaurent, ingénieur, régulièrement inscrit au tableau de l'Ordre des ingénieurs du Québec, en ma qualité de syndic adjoint dudit ordre professionnel, déclare ce qui suit: Monsieur Gilbert Desjardins, ingénieur, inscrit au tableau de l'Ordre des ingénieurs du Québec sous ce titre (no 106452), a omis ou négligé de satisfaire à certaines obligations imposées par le Code de déontologie des ingénieurs (R.R.Q. 1981, c. I-9, r.3), le Code des professions (L.R.Q., c. C-26), le Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des ingénieurs (R.R.Q. 1981, Chapitre I-9, r.14), le Règlement sur l'usage du titre d'ingénieur par les nouveaux membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec (Décret # 230-93 G. O. 2, p. 1326) et plus particulièrement: 1. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 26 octobre 1993, alors qu'il n'était qu'«ingénieur junior» au sens prévu par le Règlement sur l'usage du titre d'ingénieur par les nouveaux membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec et qu'il travaillait au «Laboratoire de police scientifique» du Ministère de la Sécurité publique du Québec, Gilbert Desjardins a, en acceptant le mandat de procéder à faire l'analyse d'une bande magnétique audio reçue de la part du policier enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de Saint-Jean-sur-Richelieu en vue de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque modification et/ou altération, ainsi que de préparer et de signer un rapport d'expertise contenant son opinion et ses avis à ce sujet, omis ou négligé de tenir compte des moyens dont il pouvait disposer pour exécuter ce mandat, contrevenant ainsi à l'article 3.01.01 du Code de déontologie des ingénieurs; 2. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 14 décembre 1993, dans le cadre d'un mandat qui consistait à procéder à faire l'analyse d'une bande magnétique audio reçue du policier enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de SaintJean-sur-Richelieu, en vue de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque modification et/ou altération, l'ingénieur junior Gilbert Desjardins a préparé et signé un «Rapport d'expertise balistique» incomplet, ambigu et insuffisamment explicite en ce qu'il ne rapporte pas avoir procédé à la deuxième analyse sur une cassette audio Sony HF46 contenant une copie de la conversation en cause plutôt que sur 22-06-0331 Page: 6 la bande originale Scotch 4M, contrevenant ainsi à l'article 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs; 3. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 14 décembre 1993, dans le cadre d'un mandat qui consistait à procéder à faire l'analyse d'une bande magnétique audio reçue du policier enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de SaintJean-sur-Richelieu, en vue de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque modification et/ou altération, l'ingénieur junior Gilbert Desjardins a préparé et signé un rapport d'expertise contenant son opinion et ses avis en se décrivant et en s'identifiant comme un «Ingénieur physicien, Section balistique» alors qu'il ne détenait à l'époque que le titre d'«ingénieur junior» au sens du Règlement sur l'usage du titre d'ingénieur par les nouveaux membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec (D.230-93 G.0. 2, 1326), contrevenant ainsi l'article 2 du dit règlement; 9. A Montréal, district de Montréal, entre les mois de décembre 1993 et septembre 2001, l'ingénieur junior, puis l'ingénieur Gilbert Desjardins a omis de conserver correctement une pièce essentielle de son dossier, à savoir notamment la cassette «quatre (4) pistes» SONY HF46 (identifiée par le numéro de pièce C-48458) utilisée pour la confection et la rédaction de son rapport daté du 14 décembre 1993, contrevenant ainsi aux articles 2.01 c), 2.03 et 2.04 du Règlement sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des ingénieurs.» [28] L'intimé, dûment assisté par son procureur, a modifié son plaidoyer écrit le 21 novembre 2006 et a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ré-amendée. [29] Après avoir été assermenté, l'intimé a été interrogé par le Conseil. [30] L'intimé a confirmé son intention de plaider coupable aux chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ré-amendée. [31] L'intimé a affirmé qu'il s'agissait pour lui d'une décision mûrement réfléchie, prise en toute connaissance et après avoir reçu les conseils professionnels de son procureur. [32] Considérant le plaidoyer de culpabilité de l'intimé, le Conseil a déclaré celui-ci coupable des chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ré-amendée. [33] Les parties ont alors soumis, séance tenante, leurs représentations sur sanction. Il fut convenu que le témoignage du plaignant rendu lors de l'audience pour permission de modifier la plainte initiale vaudrait comme s'il avait été tenu lors de l'audience sur culpabilité et sanction. 22-06-0331 Page: 7 PREUVE SUR SANCTION [34] Dans le cadre de la preuve sur sanction, le plaignant a témoigné et relaté les faits à l'origine des infractions commises par l'intimé. [35] À cet effet, il a déposé la preuve documentaire suivante: S-1: Attestation du secrétaire par intérim de l'Ordre des ingénieurs du Québec concernant Gilbert Desjardins, ing. (#106452). S-2: Relevé des notes de Gilbert Desjardins à l'École Polytechnique de Montréal en date du 19 mai 1991. S-3: Demande d'admission de Gilbert Desjardins à l'Ordre des ingénieurs signée le 17 mai 1991. S-4: Transcription d'une conversation téléphonique confiée par Me Michel Morissette effectuée par Agathe Beauregard, sténotypiste officielle. S-5: Tableau comparatif des transcriptions de la conversation téléphonique entre J.N. Mathieu et le directeur Poirier préparées par Suzanne Baril à la demande de Pierre-Yves Trudel et par Agathe Beauregard à la demande de Me Michel Morissette. S-6: «Demande d'expertise» soumise à la direction des expertises judiciaires par Yvan Huard le 26 octobre 1993 dans le dossier 91-0812-016 de Ville de St-Jean; re: une bobine, étiquette 2-9321, remise de main à main à Josée Tanguay, et reprise de la pièce le 93-12-22 par Pierre Viau, avec un formulaire d'enquête de la police du HautRichelieu comportant des inscriptions relatives à un appareil Dictaphone 5500. S-7: EN LIASSE: Photocopies de systèmes d'enregistrement Dictaphone Veritrac modèle 5000 et modèle 4000; Fiche technique du «Pressman Professional Tape Recorder» Sony TCM-5000EV. S-8: Graphiques (non-publiés) produits par Gilbert Desjardins à l'aide d'un oscilloscope le 8 décembre 1993. S-9: «Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 préparé le ou vers le 9 décembre 1993 par Gilbert Desjardins, avec corrections et annotations manuscrites. S-10: Brouillon d'un rapport préparé par Gilbert Desjardins, notamment, entre le 9 et le 14 décembre 1993. 22-06-0331 Page: 8 S-11: «Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 préparé entre le 9 et le 14 décembre 1993 par Gilbert Desjardins, notamment, avec corrections et annotations manuscrites. S-12: «19931026-5520 / Rapport d'expertise / 22 graphiques / 2 appels de référence / 1 appel à analyser» préparé le ou vers le 10 décembre 1993 par Gilbert Desjardins, ing. (sic). S-13: «Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 daté du 14 décembre 1993, signé par GILBERT DESJARDINS / ingénieur physicien / Section balistique, avec une annexe A comportant 22 graphiques. S-14: Extrait du dictionnaire «Le nouveau Petit Robert», édition 1993, page 183 comprenant le mot «balistique». S-15: Document interne de l'O.I.Q. «Liste des dossiers» relatif au parrainage, examen et reclassement de 106452 Desjardins, Gilbert, approuvé le 1er novembre 1995. S-16: Déclaration manuscrite faite par l'ingénieur Gilbert Desjardins sur un formulaire du Commissaire à la déontologie policière devant Marc Saulnier le 27 février 2002. S-17: Notes manuscrites prises par Rémi Alaurent, ing., syndic adjoint, lors d'un entretien avec Gilbert Desjardins, ing., le 10 mars 2005 (autre personne présente: J.-G. Couture, ing., syndic correspondant). S-18: Notes manuscrites prises par Rémi Alaurent, ing., syndic adjoint, lors d'un entretien avec Jean Dion, ingénieur, «spécialiste en balistique judiciaire» le 13 mai 2005 (autre personne présente: J.-G. Couture, ing., syndic correspondant). TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR RÉMI ALAURENT [36] Après avoir été assermenté, le plaignant a expliqué au Conseil que le Bureau du syndic de l'Ordre des ingénieurs du Québec avait reçu une information concernant une problématique qui serait survenue dans le cadre d'un rapport d'expertise préparé le 14 décembre 1993. 22-06-0331 [37] Page: 9 Le plaignant a expliqué que l'intimé était alors ingénieur junior et qu'il avait été mandaté afin de produire et réaliser une expertise sur une bande audio, alors qu'il travaillait pour le Laboratoire d’expertises scientifiques. [38] Cette bande audio reprenait une conversation téléphonique litigieuse entre messieurs Jean-Noël Mathieu et Réal Poirier, directeur de la Police de St-Jeansur-Richelieu, en date du 12 août 1991. [39] Le plaignant a souligné que le titre de l'emploi occupé par l'intimé était spécialiste en balistique, marques et empreintes, tel qu'il appert de la description d'emploi produite comme pièce I-1. [40] Le plaignant a expliqué au Conseil qu'au moment où il a préparé son expertise, l'intimé était membre de l'Ordre des ingénieurs; il a été inscrit au Tableau de l'Ordre des ingénieurs comme ingénieur junior le 4 avril 1992 et a été reclassé comme ingénieur le 14 novembre 1995 (pièce S-1). [41] Le plaignant a également expliqué que l'intimé avait reçu son diplôme de bachelier en ingénierie en 1991 (pièce S-2). [42] Le plaignant a souligné que son enquête avait révélé que l'intimé était entré au service du Laboratoire d’expertises scientifiques le 15 septembre 1992. [43] Les faits à l'origine du litige ayant impliqué l'intimé s'étaient déroulés au mois d'août 1992. A cette époque, le fils mineur de monsieur Jean-Marie Mathieu avait été arrêté par les autorités policières de la ville de St-Jean-surRichelieu parce qu'il vendait des balles usagées sur les terrains adjacents au Club de golf. [44] Il semble qu'au moment de l'arrestation, monsieur Jean-Marie Mathieu soit intervenu. 22-06-0331 [45] Page: 10 Le plaignant a expliqué au Conseil que toutes les conversations téléphoniques du poste de police de St-Jean-sur-Richelieu étaient enregistrées sur un gros appareil dictaphone 4000 ou 5000, contenant des bobines de 10 à 12 pouces de diamètre qui, en plus de pouvoir enregistrer 10 conversations téléphoniques à la fois, pouvait coder le temps correspondant aux diverses conversations. Des photographies des appareils ont été produites comme pièce S-7. [46] L'enquête du plaignant a révélé qu'il y avait très peu d'appareils de ce type disponibles. Il semble que seuls les banques et les services d'urgence disposent de ce genre de système qui permet de coder le temps en même temps que les conversations téléphoniques. [47] Suite aux événements qui se sont déroulés à proximité du Club de golf de St-Jean-sur-Richelieu, une demande d’enquête a été faite au Commissaire à la déontologie policière. [48] Suite à son enquête, le Commissaire a déposé une plainte au Comité de déontologie policière. [49] Au cours des auditions devant ledit Comité, il semble qu'il y ait eu un litige concernant la bande qui avait été produite. Une demande d’expertise a donc été transmise au Laboratoire d’expertises scientifiques de conduire une expertise sur celle-ci (pièce S-6). [50] Le plaignant a référé le Conseil à la demande d'admission de l’intimé auprès de l'Ordre des ingénieurs du Québec, indiquant que celui-ci était détenteur d'un baccalauréat en physique de l'Université de Sherbrooke depuis le mois de mai 1985 et qu'il avait également un deuxième baccalauréat en génie 22-06-0331 Page: 11 physique de l'École Polytechnique de Montréal depuis le mois de mai 1991 (pièce S-3). [51] Le plaignant a ensuite référé le Conseil à la pièce S-4, qui est une transcription d'une conversation téléphonique entre messieurs Jean-Noël Mathieu et Réal Poirier, directeur de la Police de St-Jean-sur-Richelieu, et la pièce S-6 contenant le tableau comparatif de deux (2) transcriptions réalisées par deux (2) sténographes différents. [52] C'est donc dans ce contexte que la bande magnétique contenant la conversation téléphonique a été remise à l'intimé pour qu'il procède à une expertise, qui a conduit au rapport du 14 décembre 1993 (pièce S-13). [53] Le plaignant a révélé que son enquête lui a permis de conclure, qu’afin de préparer son expertise, on avait remis à l'intimé une grosse bande magnétique d'un diamètre approximatif d'une dizaine de pouces. [54] Or, l'enquête du plaignant a révélé que l'intimé ne possédait pas le genre de magnétophone approprié pour procéder à son expertise. [55] Il s’est donc rendu au centre audio-visuel de la Sûreté du Québec, qui se trouvait dans le même édifice que le Laboratoire d'expertise scientifique sur la rue Parthenais, afin de demander à un technicien de faire une copie sur une cassette quatre (4) pistes de ladite bande magnétique. [56] Le plaignant a souligné qu'auparavant, l'intimé s’était assuré d'examiner la bande magnétique originale afin d'évaluer visuellement s'il y avait eu des signes de coupures ou de manipulations de celle-ci. [57] Le plaignant a, par la suite, souligné qu’après avoir obtenu la cassette quatre (4) pistes, qui était une copie de la bande magnétique originale, il l’a 22-06-0331 Page: 12 examinée à l’aide d’un oscilloscope, qu'il avait préalablement calibré afin de vérifier si l'enregistrement avait été altéré. [58] L'appareil qui aurait été utilisé par l'intimé était un appareil Sony TCM- 5000EV dont les spécifications se retrouvent à la pièce S-7. [59] Cet examen sur oscilloscope a permis à l'intimé de produire une série de clichés qui sont produits comme pièce S-8. [60] Par la suite, selon le plaignant, l'intimé a amorcé la préparation d'un rapport préliminaire d'expertise qui est en date du 9 décembre 1993 (pièce S-9). [61] Le premier jet de ce rapport (pièce S-9) indique clairement que la bande audio utilisée par l'intimé est une copie d'une partie d'une bande comprenant la conversation téléphonique entre messieurs Mathieu et Poirier. [62] Le rapport précise également que pour analyser la bande audio, il avait «couplé» un oscilloscope, qui est un instrument permettant de mesurer la tension en fonction du temps, à une des sorties de l’enregistreuse audio de marque Sony, modèle TCM-5000EV. [63] Le plaignant a ensuite indiqué que l'intimé avait préparé une série de rapports d'expertise préliminaires entre le 9 et le 14 décembre 1993 (pièces S-9 à S-11 inclusivement). Ces rapports préliminaires ont été révisés et corrigés par des collègues de l’intimé travaillant au Laboratoire d’expertises scientifiques. [64] Selon le plaignant, il semble que ce soit sur les conseils de ses collègues que l'intimé a simplifié au maximum son rapport, en se concentrant principalement sur la conclusion qui confirmait qu'aucun élément ne permettait de déceler une quelconque modification de la bande ou de l'enregistrement, tant avant, pendant et après la conversation en litige. 22-06-0331 [65] Page: 13 Le plaignant a également référé le Conseil à 22 graphiques qui ont été préparés par l'intimé au soutien de son rapport d'expertise (pièce S-12). [66] Au passage, le plaignant a souligné au Conseil que les projets de rapports (pièces S-9 à S-11), de même que le rapport d'expertise final (S-13), portaient le titre «Rapport d'expertise balistique». [67] Or, pour le plaignant, ces rapports ne concernaient aucunement la balistique; ce qui est confirmé par un extrait pertinent du dictionnaire Robert de 1993, qui souligne que la balistique est : «Relatif aux projectiles» (pièce S-14). [68] Le plaignant a ensuite expliqué que son enquête avait révélé que le rapport d'expertise préparé par l'intimé avait été déposé et accepté en preuve devant le Comité de déontologie policière. Suite à son expertise, la bobine originale avait été récupérée par monsieur Pierre Viau, le 22 décembre 1993 (pièce S-6). [69] La preuve a donc révélé que l'intimé n'avait pas gardé l'original de la bobine, ce qui fait justement l'objet du chef 9 à l'effet que l'ingénieur doit garder le contrôle des pièces pendant dix (10) ans. [70] À cet effet, le plaignant a référé le Conseil à la pièce S-16, qui est une déclaration de l’intimé à monsieur Marc Saulnier du bureau du Commissaire à la déontologie policière en date du 27 février 2002. [71] Or, dans cette déclaration l'intimé souligne qu'en faisant le ménage dans son bureau, il avait retrouvé, dans son tiroir, une cassette quatre (4) pistes portant son nom et le numéro de dossier faisant l’objet du litige. [72] Le plaignant a ensuite référé le Conseil à la pièce S-17, qui sont les notes manuscrites de son entretien avec l'intimé et qui confirme surtout que l'intimé 22-06-0331 Page: 14 n'avait pas beaucoup d'expérience et n'avait pas été assez encadré dans le cadre de l'expertise qui a conduit la préparation du rapport d’expertise du 14 décembre 1993, produit comme pièce S-13. [73] Enfin, le plaignant a référé le Conseil à la pièce S-18, qui est un résumé de ses notes d'entretien avec monsieur Jean Dion, ingénieur, qui travaille au Laboratoire de sciences judiciaires. TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR JEAN-NOËL MATHIEU [74] Dans le cadre des audiences, le Conseil a également écouté le témoignage de monsieur Jean-Noël Mathieu, qui a demandé à être entendu. [75] Monsieur Mathieu a expliqué au Conseil qu'il avait remis au plaignant tous les éléments de preuve permettant de faire condamner l’intimé. [76] Monsieur Mathieu a souligné qu'il avait été entendu par les trois (3) membres du Comité de déontologie policière. [77] Il a expliqué que la bobine avait été démagnétisée et que la conversation téléphonique qu'il avait eue avec monsieur Réal Poirier, directeur de la Police de St-Jean-sur-Richelieu, était celle du 5 août 1993 et non celle du 12 août 1993. [78] Monsieur Mathieu a retracé les différentes étapes qui se sont déroulées devant le Comité de déontologie policière et a rappelé qu'il avait dû se défendre contre une poursuite au civil, qui a été intentée contre lui par la Fraternité des policiers. [79] Il a réitéré à de nombreuses reprises que la bobine à laquelle il est fait référence était vierge puisqu'elle avait été démagnétisée. 22-06-0331 [80] Page: 15 Monsieur Mathieu a été entendu une seconde fois par le Conseil lors de l'audition du 26 mars 2008. Il a alors soumis que 80% des choses qu'il avait entendues depuis le début des auditions était des menteries. Il souligne que monsieur Yvan Huard, contrairement à ce qu'il avait entendu, n'avait jamais été l'enquêteur au dossier. TÉMOIGNAGE DE L'INTIMÉ [81] Après avoir été assermenté, l'intimé a expliqué au Conseil qu'il était détenteur d'un baccalauréat en physique de l'Université de Sherbrooke depuis 1985. Suite à son baccalauréat, il a effectué deux (2) ans de recherche, toujours à l'Université de Sherbrooke, entre 1985 et 1987. [82] L’intimé a ensuite enseigné en Afrique, plus précisément au Gabon, dans le domaine de la physique et des mathématiques, de 1987 à 1989. De retour au pays, il a par la suite obtenu un baccalauréat en génie physique de l'École Polytechnique en 1991. Il est ensuite retourné enseigner au Gabon de 1991 à 1992. [83] Il est enfin entré au service du ministère de la Sécurité publique pour le Laboratoire d’expertises scientifiques au mois de septembre 1992. [84] L'intimé a souligné au Conseil qu'au cours de ces deux (2) ans de recherche à l'Université de Sherbrooke, il a effectué beaucoup de travaux en se servant d'instruments de mesure comme l'oscilloscope et le voltmètre. [85] L'intimé a soumis au Conseil que le titre de son emploi était spécialiste en balistique, marques et empreintes (pièce I-1). 22-06-0331 [86] Page: 16 Il a précisé que la description d'emploi (pièce I-1) est pour l'année 2006, mais que la description de tâches était approximativement la même qu'au moment de son embauche au mois de septembre 1992. [87] L'intimé a soumis au Conseil qu'il avait été spécialiste en balistique du mois de septembre 1992 au mois de mai 2007. [88] Depuis, il occupe un poste de cadre supérieur comme directeur de la Direction balistique et chimie au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. [89] Il a précisé au Conseil que depuis le mois de mai 2006, il n'effectuait plus d'expertise. [90] Il a ensuite souligné au Conseil qu'en 1992, il n'existait pas de cours afin de devenir spécialiste en balistique. La formation était plutôt donnée par des collègues de travail. La période d'apprentissage nécessitait normalement de 18 à 24 mois. [91] Pendant cette période, il se devait de lire de la documentation afin d'améliorer sa formation. Tout ce qu'on exigeait, à l'époque, pour devenir spécialiste en balistique était d'avoir une formation en sciences, soit en chimie ou en ingénierie. [92] Lors de son entrée au Laboratoire d'expertise scientifique, l'intimé a expliqué qu'il avait eu la chance de travailler sur le dossier du Caporal Lemay, décédé dans le cadre de la fusillade survenue à Oka en 1990. [93] Le mandat, qui avait été alors confié au Laboratoire d'expertise scientifique, était de calculer le nombre de coups de feu qui avaient été échangés à partir de bandes vidéo. 22-06-0331 [94] Page: 17 L'intimé a expliqué qu'il avait alors travaillé en collaboration avec monsieur Dion et avait eu l'occasion d'utiliser le même type d'oscilloscope qu'il a utilisé dans le cadre de la préparation de l'expertise S-13. [95] Il avait alors refait l'analyse des bandes vidéo et avait compté, à l'aide de l'oscilloscope, le nombre de pics, ce qui lui avait permis de conclure qu'au-delà de 1000 coups de feu avaient été échangés pendant ladite fusillade. [96] L'intimé a relaté qu'au mois d'août 1993, il avait eu une conversation téléphonique avec une personne, qu'il est incapable aujourd'hui d'identifier, lui demandant s'il pouvait réaliser une expertise sur une bande audio. L'intimé avait alors référé la personne qui l'avait contacté à monsieur Fraser, de la GRC à Ottawa. [97] La seconde fois qu'il avait entendu parler de cette demande d’expertise était au mois d'octobre 1993. [98] En effet, le Laboratoire d'expertise scientifique avait alors reçu une grosse bobine de façon à l'expertiser. Le dossier lui avait alors été confié. [99] Les premiers gestes qu'il avait posés étaient d'examiner visuellement la grosse bobine afin de voir s'il y avait eu des coupures sur celle-ci. [100] La décision de lui confier ce dossier fut prise par l'équipe du Laboratoire d'expertise scientifique. L'intimé a expliqué que ce n'était pas lui qui avait décidé personnellement de prendre ce dossier. [101] Il a, cependant, souligné qu'on lui avait confié ce travail puisqu'il avait également travaillé auparavant sur le dossier du Caporal Lemay et qu'il était détenteur d'un baccalauréat en physique. 22-06-0331 Page: 18 [102] L'intimé a souligné qu'il n'avait, cependant, pas de dictaphone pour procéder à une analyse avec son oscilloscope en grand format, tel qu'il appert sur les photos de la pièce P-7. [103] Par conséquent, il est descendu au bureau de la Sûreté du Québec, qui se trouvait dans le même édifice, afin de rencontrer un préposé de l'audio-visuel pour qu'il transfère une copie de la conversation téléphonique en litige et des deux (2) conversations de contrôle, sur une cassette quatre (4) pistes. [104] L'intimé a expliqué que la bobine originale avait une dizaine de pouces de diamètre et environ ½ pouce de largeur et elle pouvait contenir dix (10) conversations téléphoniques simultanées, puisque l'appareil dictaphone contenait des enregistrements distincts. [105] Une fois que le transfert de la bobine fut effectué sur une cassette quatre (4) pistes, l'intimé a loué un oscilloscope et il a passé ladite cassette sur une enregistreuse Sony, de façon à être en mesure de comparer la conversation en litige et les deux (2) conversations de référence. [106] L'intimé a expliqué au Conseil qu'un oscilloscope était un appareil qui servait à mesurer le voltage et l'ampérage. [107] Il a expliqué qu'il avait branché son oscilloscope sur l'appareil Sony, à la sortie des haut-parleurs et que l’appareil notait des variations de tension et produisait un graphique attestant desdites variations. Ces graphiques ont été produits comme pièce S-12. [108] L'intimé a expliqué au Conseil qu'il n'avait noté aucune anomalie dans les bandes, tant lors de l'examen physique que lors de l'analyse à l’aide de 22-06-0331 Page: 19 l’oscilloscope. À son avis, la conversation téléphonique en litige n'avait donc pas été modifiée. [109] L'intimé a expliqué au Conseil qu'il avait préparé trois (3) projets de rapports (pièces S-9, S-10 et S-11), qui ont conduit au rapport d'expertise final du 14 décembre 1993 (pièce S-13). [110] L'intimé a souligné que les projets de rapports avaient été revus par ses collègues travaillant au Laboratoire d'expertise scientifique, qui lui avaient conseillé de simplifier la partie de la démarche scientifique pour se concentrer davantage sur les conclusions de son rapport. [111] Il a expliqué qu'à cette époque, il travaillait surtout avec monsieur Miguel Deschênes, physicien et monsieur Collin Desrochers, chimiste. [112] Ses collègues lui avaient conseillé d'alléger le rapport puisque celui-ci devait être déposé à la Cour et qu'il ne devait pas être trop technique. On lui a alors conseillé de retirer toute la portion dans laquelle il faisait référence à l'appareil Sony. [113] L'intimé a expliqué qu'une fois son expertise terminée, il avait retourné la bande huit (8) pistes 3M à la réception des pièces. [114] Se référant au formulaire FEC-32 (pièce S-6), l'intimé a confirmé que la bande 3M avait été récupérée par monsieur Pierre Viau le 22 décembre 1993. [115] Selon l'intimé, il semble que la grosse bobine a, par la suite, été détruite. Il aurait lui-même retrouvé la cassette quatre (4) pistes dans le fond de l'un de ses tiroirs. 22-06-0331 Page: 20 [116] L'intimé a expliqué au Conseil que, lorsqu'il a accepté de réaliser le mandat spécifié, il manquait nettement d'expérience et qu'il n'avait pas été bien encadré par ses collègues de travail. [117] L'intimé a confié au Conseil qu'il aurait dû insister beaucoup plus auprès de ceux-ci et il a reconnu ses erreurs. L'intimé a témoigné qu'il avait bien appris de ses erreurs et qu'il n'avait plus l'intention de revenir devant le Conseil de discipline. [118] Quant au fait qu'il a signé son rapport d'expertise S-13 avec les termes «ingénieur physicien», celui-ci a reconnu qu'il s'agissait d'un oubli. Il aurait plutôt dû inscrire ingénieur junior ou physicien ou les deux (2). [119] Questionné par les membres du Conseil, l'intimé a expliqué que le dossier lui avait vraisemblablement été confié par le reste de l'équipe du Laboratoire d’expertise scientifique, puisqu'il était celui qui avait le plus d'expérience car il avait travaillé avec des oscilloscopes et qu'il était sans doute plus à l'aise avec ce genre d'appareil que les autres membres de l'équipe. [120] Il a ensuite expliqué que bien qu'un premier appel téléphonique avait été logé au Laboratoire d’expertises scientifiques au mois d'août 1993, le Laboratoire n'avait reçu la grosse bobine de dix (10) pouces qu'au mois d'octobre 1993. Témoignage d'Yves Bob Dufour [121] Monsieur Dufour est directeur général du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale depuis le mois de juillet 1993. [122] La mission du Laboratoire est de supporter l'administration de la justice et de fournir aux tribunaux des expertises judiciaires neutres qui sont basées sur 22-06-0331 Page: 21 des faits objectifs. Le Laboratoire a plus de 94 ans d'existence, bien que le nom ait été modifié à plusieurs reprises au cours des années. [123] Le Laboratoire est un organisme indépendant qui est relié au ministère de la Sécurité publique. [124] Monsieur Dufour a d'ailleurs souligné au Conseil qu'un projet de loi a été déposé de façon à ce que le Laboratoire passe d'unité autonome pour devenir une agence publique. Contrairement à ce qui est régulièrement véhiculé, le Laboratoire n'est pas le laboratoire de la police, mais bien un laboratoire indépendant. [125] Pour monsieur Dufour, l’intimé a une personnalité qui transcende et il jouit d’un grand rayonnement auprès de ses collègues. Il est très compétent, fait preuve de leadership et est très bien perçu auprès de ses collègues. [126] Pour lui, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire et des explications fournies par l’intimé, les amendes proposées seraient une peine adéquate. Représentations par le procureur du plaignant [127] Le procureur du plaignant a proposé au Conseil les recommandations de sanctions suivantes, précisant qu’elles sont formulées de façon commune par les parties : Sous le chef no. 1 : une amende de 1 000,00 $ et une réprimande; Sous le chef no. 2 : une amende de 2 000,00 $ et une réprimande; Sous le chef no. 3 : une amende de 1 000,00 $; Sous le chef no. 9 : une amende de 600,00 $ et une réprimande. 22-06-0331 Page: 22 Le tout avec les frais. Les parties demandent un délai de six (6) mois pour le paiement des amendes. [128] Le procureur du plaignant a souligné que la proposition de sanctions communes formulée par les parties tenait compte de l’ensemble des circonstances de ce dossier. [129] Le plaignant a fondé sa recommandation avec en tête l’article 23 du Code des professions, qui précise que chaque ordre a pour principale fonction d’assurer la protection du public. [130] Le procureur du plaignant a expliqué que les parties étaient parvenues à s’entendre après de longues discussions, après une analyse détaillée des faits et dans le but ultime d’assurer la protection du public. Il a insisté sur le fait qu’il n’y a pas eu de copinage, ni de marchandage entre son client et l’intimé. [131] Il a rappelé que son client s’est assuré que le public soit protégé et que le professionnel soit dissuadé de récidiver. Le plaignant avait également pour but de s’assurer que les sanctions proposées servent d’exemplarité à l’égard des autres membres de la profession, tout en considérant le droit du professionnel d’exercer sa profession1. [132] Se référant à deux ouvrages de doctrine, le procureur du plaignant a rappelé les éléments pris en considération par les Conseils de discipline dans l’établissement des sanctions appropriées.2 1 Latulippe c. Médecins (Ordre professionnel des), (1998) D.D.O.P. 311 Poirier, Sylvie, La discipline professionnelle au Québec, 1998, Éditions Yvon Blais, pages 169 à 177; Villeneuve, Jean-Guy et al, Précis de droit professionnel, 2007, Éditions Yvon Blais, pages 242 à 252. 2 22-06-0331 Page: 23 [133] Le procureur du plaignant a rappelé au Conseil qu’il n’était pas lié par la suggestion commune de sanction faite par les parties et que le Conseil avait discrétion à cet égard. [134] Par conséquent, selon lui, le Conseil devra considérer dans l’évaluation de la sanction, la protection du public, la qualité de spécialiste de l’intimé, la durée des infractions, l’âge de l’intimé et l’absence de récidive. En l’espèce, les gestes posés par l’intimé sont des actes isolés. [135] Le Conseil devra également tenir compte de l’exemplarité de la sanction proposée afin de s’assurer que la sanction servira d’exemple probant, qui permettra de faire réfléchir les autres ingénieurs. [136] Le procureur a rappelé que le plaignant, après avoir considéré les facteurs objectifs, en est venu à la conclusion que les risques de récidive de l’intimé étaient nuls. [137] Il a réitéré que les sanctions proposées étaient appropriées et que la protection du public était assurée. De même, le plaignant était convaincu qu’il n’y avait aucun risque de récidive, que l’intimé avait appris la leçon et qu’il ne se retrouverait pas de nouveau devant le Conseil de discipline. [138] Plus spécifiquement quant au chef no. 1, le procureur du plaignant a référé le Conseil à la décision Altable.3 Dans cette affaire, le Conseil de discipline de l’Ordre des ingénieurs avait condamné l’intimé à une amende de 1 000,00 $ en regard du chef de plainte fondé sur l’article 3.01.01 du Code de déontologie des ingénieurs. 3 Alaurent c. Altable, 22-05-0313, 19 mai 2006 22-06-0331 Page: 24 [139] Il a de plus référé le Conseil à la décision Bédard.4 Dans cette affaire, le Conseil a également imposé à l’ingénieur une amende de 1 000,00 $ sur trois (3) chefs de plainte fondées sur les articles 3.01.01 et 3.02.04 du Code de déontologie des ingénieurs. [140] Quant au chef no. 2, fondé sur l’article 3.02.04 du Code de déontologie, le procureur a rappelé que, bien que le rapport d’expertise fut incomplet, ambigu et insuffisamment explicite, l’intimé avait hérité de ce dossier suite à une décision de ses collègues et que ceux-ci lui avaient dit de modifier certains termes et descriptions scientifiques afin de simplifier et faire mieux comprendre les conclusions du rapport, en lui recommandant d’insister surtout sur les conclusions. [141] Le procureur a soumis quelques autorités5, en précisant toutefois qu’il n’avait pas retrouvé de précédents similaires quant à ce chef. Il a cependant soumis qu’une amende de 2 000,00 $ était juste et appropriée dans les circonstances. [142] Quant au chef no. 3, le procureur du plaignant a rappelé que l’amende de 1 000,00 $ proposée répondait aux deux (2) critères importants, soit la protection du public et la nécessité de s’assurer qu’il n’y ait pas récidive6. [143] Quant au chef no. 9 de la plainte, portant sur la gestion de son dossier par l’intimé, le procureur du plaignant a souligné qu’une amende minimale de 600,00 $ était suffisante en l’espèce puisque l’intimé n’avait pas d’antécédent, mais qu’il était important de rappeler que l’ingénieur doit conserver ses 4 Tremblay c. Bédard, 22-05-0307, 22 septembre 2005 Tremblay c. Dionne, 22-02-0256, 27 octobre 2003, Raymond c. Veillette, 22-03-0278, 6 janvier 2004 et Alaurent c. Villeneuve, 22-94-0018, 31 janvier 1995 6 Tremblay c. Renneteau, 22-04-0292, 6 mai 2005 et Alaurent c. Rivest, 22-92-0004 5 22-06-0331 Page: 25 documents. Selon lui, l’amende minimale est suffisante puisque la protection du public est assurée et que les chances de récidive sont nulles et inexistantes. [144] Le procureur du plaignant a référé le Conseil à la décision dans l’affaire Clouâtre7, dans laquelle le Conseil a imposé à l’intimé une amende minimale de 600,00 $. Il a également fait référence à l’affaire Bolduc8 dans laquelle le Conseil a imposé une réprimande et une amende de 600,00 $ à un ingénieur qui avait négligé de tenir un registre de ses projets. [145] Quant au paiement des frais, le procureur du plaignant a précisé qu’ils comprenaient les frais de l’expert Victor Boucher, tel qu’il appert de la facture du 7 novembre 2005 au montant de 4 612,50 $, qui a déjà été produite au dossier ainsi qu’une facture de 1 500,00 $ en date du 30 septembre 2005. Ces factures ont déjà été acquittées par le plaignant. Représentations par le procureur de l’intimé [146] Le procureur de l’intimé a rappelé que le Laboratoire d’expertises scientifiques avait reçu une bande, d’une douzaine de pouces de diamètre, pouvant enregistrer simultanément dix (10) conversations téléphoniques, dont une bande servait à enregistrer l’heure et le temps de cette conversation. Il a donc souligné que cette bande contenait de nombreuses informations et que son client avait effectué une analyse visuelle de celle-ci avant d’effectuer l’analyse sur l’oscilloscope. [147] Il a rappelé au Conseil que la conversation avait été enregistrée en 1991 et que la demande d’expertise avait été faite en 1993. Son client était à l’époque 7 8 Alaurent c. Clouâtre, 22-01-0004, 13 septembre 2001 Alaurent c. Bolduc, 22-98-0013, 3 juin 1999 22-06-0331 Page: 26 un jeune ingénieur et il s’était vu confier le mandat de préparer cette expertise par l’équipe du Laboratoire. [148] Il a ensuite référé le Conseil à la pièce I-2, qui est l’analyse acoustiquephonétique effectuée par monsieur Victor Boucher, de l’Université de Montréal, au mois d’octobre 2005 et ce, à la demande du plaignant. [149] Le procureur de l’intimé a rappelé au Conseil que la confection d’une copie de travail, comme l’a fait son client, était régulièrement utilisée dans ce domaine. [150] Il a souligné que la bande maîtresse avait été récupérée par monsieur Pierre Viau, une fois que son client eut complété son rapport. [151] Il a produit un document intitulé «Plan détaillé d’argumentation du procureur de l’intimé», qui fait état des 13 éléments que le Conseil doit prendre en considération, selon lui, pour déterminer la sanction appropriée : i) L’intimé a un dossier disciplinaire vierge; ii) Les faits reprochés remontent à 1993, sans qu’il n’y ait eu d’autre plainte disciplinaire faite contre l’intimé; iii) Les actes reprochés à l’intimé ne sont pas des travaux qui entrent dans le champ de pratique de l’ingénieur. Ces infractions n’ont pas un lien direct avec l’exercice de la profession d’ingénieur. Il ne s’agit pas d’actes qui touchent la quiddité même de la profession; iv) Il s’agit d’actes isolés n’ayant aucun caractère répétitif; v) Il n’y a aucun risque de récidive puisque le Laboratoire de sciences judiciaires ne procède plus à la confection de ce type d’expertise. 22-06-0331 Page: 27 De plus, l’intimé étant maintenant cadre, il ne prépare plus d’expertise; vi) Lors de la commission des infractions, l’intimé était un jeune ingénieur junior qui avait à cœur d’effectuer son travail. Rétrospectivement, l’intimé admet qu’il n’aurait pas dû accepter ce mandat, et ce, pour trois raisons : a) son expérience était limitée dans ce domaine; b) il ne bénéficiait pas de l’encadrement suffisant en ce domaine; c) les ressources du Laboratoire scientifique étaient limitées en ce domaine. En somme, l’acceptation de ce mandat était l’erreur d’un jeune professionnel. Cette « erreur de jeunesse » a également été constatée dans la rédaction du rapport d’expertise, soit en n’indiquant pas qu’il avait procédé à la deuxième analyse à partir de la cassette quatre (4) pistes Sony; vii) Dans son domaine, l’intimé a une excellente réputation d’honnêteté professionnelle; viii) L’intimé n’a fait preuve d’aucune malhonnêteté, il n’avait aucune motivation égoïste et n’a tiré aucun bénéfice personnel; ix) Les actes reprochés n’ont aucun caractère prémédité; x) Les actes reprochés n’ont eu aucune conséquence, puisque la conclusion du rapport d’expertise de l’intimé est rigoureusement exacte. En effet, aucun élément ne permet de déceler une quelconque modification de la bande ou de l’enregistrement. xi) L’intimé a reconnu ses erreurs et a exprimé des remords sincères; 22-06-0331 xii) Page: 28 L’intimé a collaboré à l’enquête du syndic et a enregistré un plaidoyer de culpabilité; xiii) L’intimé ne représente aucun risque de récidive. [152] Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’intimé a référé le Conseil à plusieurs précédents. Il a également attiré l’attention du Conseil aux autorités suivantes : Pigeon9, Rivard10, Provencher11, Plante12, Charrette13, Robichaud14, Dugré15, Lapointe16, Rivard17, Guillot18, de Montigny19. Il a également référé le Conseil à un article de Me Pierre Bernard portant sur la sanction en droit disciplinaire20. [153] En réplique, le procureur du plaignant a rappelé, qu’à son avis, le travail de l’intimé en l’espèce touchait directement l’exercice de la profession, tel qu’il appert de l’article 2 c) de la Loi sur les ingénieurs. À son avis, il en a fait le propre de l’ingénieur de rendre des opinions. DÉCISION [154] L’intimé a commis des actes dérogatoires pour lesquels il a plaidé coupable. Le Conseil a pris en considération que l’intimé a avoué sa culpabilité. 9 Pigeon c. Daignault (Comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec), C.A. 500-09-012513-024, 2003 CanLII 32934 (QC C.A.) 10 Alaurent c. Rivard, 22-05-0322, 7 septembre 2006 11 Latulippe c. Provencher, 22-04-0294, 8 août 2006 12 Tremblay c. Plante, 22-02-0263, 18 mars 2003 13 Latulippe c. Charrette, 22-01-0007, 16 mai 2002 14 Latulippe c. Robichaud, 22-05-0324, 28 août 2006 15 Alaurent c. Dugré, 22-02-0262, 3 juin 2003 16 Alaurent c. Lapointe, 22-05-0304, 9 juin 2006 17 Alaurent c. Rivard, 22-05-0322, 7 septembre 2006 18 Latulippe c. Guillot, 22-02-0264, 27 janvier 2005 19 Guilbault c. De Montigny, 22-94-0013, 23 février 1995 20 Bernard, Pierre, La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions dans Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004), Éditions Yvon Blais, page 21 22-06-0331 Page: 29 [155] Le Conseil doit prendre en considération les représentations et les suggestions sur la sanction lorsque celles-ci sont justes et raisonnables. Les sanctions doivent avoir le mérite d’être dissuasives auprès de l’intimé, tout en rencontrant les objectifs d’exemplarité pour la profession et pour la protection du public. [156] Le Conseil a également analysé la jurisprudence concernant les sanctions rendues antérieurement dans les dossiers ayant des éléments analogues. Le Conseil est conscient de son devoir en relation avec la protection du public. [157] Le Conseil accorde une importance aux circonstances de l’infraction en relation avec les facteurs objectifs et subjectifs. [158] Le Conseil a considéré la nature et la gravité des infractions de l’intimé envers son Ordre professionnel, en regard de son Code de déontologie et les conséquences des actes dérogatoires pour lesquels il a plaidé coupable. [159] Le Conseil est conscient que le but recherché dans l’imposition d’une sanction n’est pas la punition de l’intimé. [160] Le Conseil estime que l’expérience acquise par l’intimé au cours du processus disciplinaire sera un élément positif dans sa compréhension des règles régissant sa profession. [161] Le Conseil est d’avis qu’il n’y a aucun risque de récidive dans le cas de l’intimé. [162] Le Conseil a su apprécier l’honnêteté de l’intimé lors de son témoignage. [163] Le Conseil, en s’appuyant sur les principes énoncés en droit, affirme que la sanction doit être conforme à la personne de l’intimé et aux circonstances du dossier. 22-06-0331 Page: 30 [164] Le Conseil doit tenir compte des principes applicables en droit disciplinaire et de toutes les circonstances atténuantes et aggravantes révélées par la preuve. [165] Le Conseil, après avoir analysé les faits du présent dossier et pris en considération les remarques pertinentes tant du procureur du plaignant que du procureur de l’intimé, est d’accord avec les recommandations soumises par ceux-ci. [166] Par conséquent, en regard du chef no 1, le Conseil estime qu’une amende de mille dollars (1 000,00 $) et une réprimande serviraient les fins de la justice. [167] En regard du chef numéro 2, une amende de deux mille dollars (2 000,00 $) et une réprimande sont appropriées. [167] En regard du chef numéro 3, une amende mille dollars (1 000,00 $) servirait les fins de la justice. [167] En regard du chef numéro 9, le Conseil considère que la suggestion d’une amende de six cent dollars (600,00 $) et une réprimande sont appropriées. POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE : DÉCLARE l’intimé coupable des actes dérogatoires tels que rédigés dans la plainte amendée du 26 mars 2008; DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation numéros 1, 2, 3 et 9 contenus à la plainte ré-amendée oralement le 26 mars 2008 le tout conformément à l’article 154 du Code des professions, L.R.Q. chapitre C-26; 22-06-0331 Page: 31 IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de mille dollars (1 000,00 $) sur le chef numéro 1 de la plainte ré-amendée oralement le 26 mars 2008; IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de deux mille dollars (2 000,00 $) sur le chef numéro 2 de la plainte ré-amendée oralement le 26 mars 2008; IMPOSE à l’intimé le paiement d’une amende de mille dollars (1 000,00 $) sur le chef numéro 3 de la plainte ré-amendée le 26 mars 2008; IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de six cents dollars (600,00$) sur le chef numéro 9 de la plainte ré-amendée le 26 mars 2008; CONDAMNE l’intimé à payer les frais et débours de la cause et accorde à l’intimé un délai de six mois (6) de la date de signification de la présente pour le paiement desdites amendes ainsi que des frais et débours. __________________________________ Me Jean-Guy Légaré, Président-suppléant __________________________________ Réal Beaudet, ing. Membre __________________________________ Gérard Trépanier, ing. Membre Me Charles A. Dupuis Procureur du plaignant Me Jean-Yves Brière Procureur de l'intimé Dates d’audience: 25 mai 2007, 28 février, 11 et 26 mars 2008 22-06-0331 Page: 32