conseil de discipline - Ordre des ingénieurs du Québec

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conseil de discipline - Ordre des ingénieurs du Québec
CONSEIL DE DISCIPLINE
ORDRE DES INGÉNIEURS DU QUÉBEC
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
N° : 22-06-0331
DATE : Le 3 décembre 2008
______________________________________________________________________
LE
Me Jean-Guy Légaré
Président suppléant
CONSEIL : Réal Beaudet, ing.
Membre
Gérard Trépanier, ing.
Membre
______________________________________________________________________
RÉMI ALAURENT, ingénieur ès qualités de syndic adjoint de l'Ordre des ingénieurs du
Québec
Plaignant
c.
GILBERT DESJARDINS, ingénieur
Intimé
______________________________________________________________________
DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SUR SANCTION
______________________________________________________________________
[1] Le 10 novembre 2006, le plaignant, Rémi Alaurent, ès qualités de syndic
adjoint de l'Ordre des ingénieurs du Québec, déposait une plainte contre l'intimé
Gilbert Desjardins.
[2] Le 21 novembre 2006, l'intimé enregistrait un plaidoyer de non-culpabilité, et
son procureur, Me Jean-Yves Brière, déposait une comparution.
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[3] Le 25 janvier 2007, lors d'un appel du rôle, le dossier était fixé pour une durée
totale de six (6) jours, soit les 5, 6, 7, 8, 12 et 13 juin 2007.
[4] Le 25 mai 2007, le Conseil de discipline de l'Ordre des ingénieurs du Québec
(ci-après le «Conseil») s'est réuni pour entendre la demande de remise des
auditions qui avaient été fixées.
[5] Après avoir délibéré, le Conseil a accueilli séance tenante la requête pour
demande de remise et a ordonné le report des auditions.
[6] Lors de cette même audition, le Conseil a également été saisi d'une requête
en arrêt des procédures déposée par l'intimé. Cette requête a cependant été
retirée par la suite.
[7] Enfin, le Conseil a entendu une requête en précisions et en divulgation de la
preuve présentée par le procureur de l'intimé. Le Conseil a rejeté ladite requête
dans une décision écrite en date du 20 août 2007.
[8] Le même jour, le Conseil a rendu une ordonnance enjoignant essentiellement
le Commissaire à la déontologie policière du Québec à remettre à la secrétaire
du Conseil de discipline une cassette audio afin que l'intimé soit en mesure de
faire procéder à une expertise sur ladite cassette.
[9] Le 16 octobre 2007, lors d'une rencontre pour gestion de l'instance, le dossier
est fixé pour enquête et audition les 28 février, 10, 11, 12, 13, 26, 31 mars, 2 et
14 avril 2008.
[10]
Le 28 février 2008, les parties étaient présentes devant le Conseil pour le
début de l'audition sur culpabilité.
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Le plaignant était présent et représenté par son procureur, Me Charles
Dupuis. L'intimé était également présent et représenté par son procureur, Me
Jean-Yves Brière.
[12]
Les parties ont demandé conjointement au Conseil de retarder le début de
l'audience afin de leur permettre de discuter. Cette requête leur fut accordée par
le Conseil.
[13]
Le 28 février, en après-midi, les parties ont informé le Conseil qu'il y aurait
dépôt d'une plainte amendée et que l'intimé acceptait de plaider coupable sur
certains chefs.- Le procureur du plaignant a également souligné au Conseil qu'il
demanderait la permission de retirer certains des chefs contenus dans la plainte
initiale du 10 novembre 2006.
[14]
Le Conseil a donc fixé une nouvelle audience au 11 mars 2008, afin de
permettre au plaignant de déposer une plainte amendée, de préparer leur
argumentation sur la demande d'amendement à la plainte et également
permettre aux parties de tenter d'en venir, si possible, à une entente sur une
suggestion de sanctions commune qu'ils avaient l'intention de soumettre au
Conseil.
[15]
Le 11 mars 2008, le plaignant a déposé une plainte amendée modifiant le
texte de certains chefs et a également demandé au Conseil de modifier la
plainte conformément aux dispositions permises de l'article 145 du Code des
professions.
[16]
Le Conseil a souligné aux parties qu'il était saisi de la plainte initiale du
mois de novembre 2006 et que le plaignant devrait expliquer en quoi la plainte
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devrait être ainsi modifiée et pourquoi le Conseil devrait permettre au plaignant
de retirer certains chefs de la plainte initiale.
[17]
Afin de justifier sa demande de modification de la plainte, le procureur du
plaignant a déposé les pièces S-1 à S-18 inclusivement et y a fait entendre le
plaignant.
[18]
Afin d'éviter des répétitions inutiles, il fut proposé que le témoignage du
plaignant rendu lors de l'audience pour permission de modifier la plainte initiale
vaille comme s'il avait été tenu lors de l'audience sur culpabilité et sanction.
[19]
Le Conseil a également permis au procureur de l'intimé de produire les
pièces I-1 à I-3 inclusivement.
[20]
Le Conseil a ensuite entendu les représentations des deux (2) procureurs
justifiant la demande de modification de la plainte et demandant le retrait de
certains chefs.
[21]
Le Conseil a alors pris ces questions en délibéré et a indiqué qu'il rendrait
sa décision oralement au tout début de l'audition du 26 mars 2008.
[22]
Au début de l'audience du 26 mars 2008, les parties sont de nouveau
présentes et représentées par leur procureur respectif.
[23]
Le procureur du plaignant a déposé une plainte ré-amendée en date du 25
mars 2008.
[24]
Lorsque le Conseil a souligné au procureur du plaignant que les textes
des chefs 2 et 3 de cette plainte ré-amendée ne correspondaient plus aux textes
de la plainte amendée, ce dernier a demandé verbalement que ceux-ci soient
ré-amendés, comme cela avait été fait lors de l'audition du 11 mars 2008.
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Par la suite, le Conseil a rendu sa décision oralement sur permission
d'amender certains chefs de la plainte et sur permission de retirer certains
chefs.
[26]
Ainsi, compte tenu des explications fournies par les procureurs des parties
et le témoignage du plaignant lors de l'audition du 11 mars 2008, le Conseil a
permis l'amendement des chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ainsi que le retrait des
chefs 4, 5, 6, 7 et 8.
[27]
La plainte ré-amendée verbalement le 26 mars 2008 était donc ainsi
libellée:
« Je, soussigné, Rémi Alaurent, ingénieur, régulièrement inscrit au tableau de
l'Ordre des ingénieurs du Québec, en ma qualité de syndic adjoint dudit ordre
professionnel, déclare ce qui suit:
Monsieur Gilbert Desjardins, ingénieur, inscrit au tableau de l'Ordre des
ingénieurs du Québec sous ce titre (no 106452), a omis ou négligé de satisfaire à
certaines obligations imposées par le Code de déontologie des ingénieurs (R.R.Q.
1981, c. I-9, r.3), le Code des professions (L.R.Q., c. C-26), le Règlement sur la
tenue des dossiers et des cabinets de consultation des ingénieurs (R.R.Q. 1981,
Chapitre I-9, r.14), le Règlement sur l'usage du titre d'ingénieur par les nouveaux
membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec (Décret # 230-93 G. O. 2, p. 1326)
et plus particulièrement:
1. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 26 octobre 1993, alors qu'il n'était
qu'«ingénieur junior» au sens prévu par le Règlement sur l'usage du titre
d'ingénieur par les nouveaux membres de l'Ordre des ingénieurs du Québec et
qu'il travaillait au «Laboratoire de police scientifique» du Ministère de la Sécurité
publique du Québec, Gilbert Desjardins a, en acceptant le mandat de procéder à
faire l'analyse d'une bande magnétique audio reçue de la part du policier
enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de Saint-Jean-sur-Richelieu en vue
de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque modification et/ou altération,
ainsi que de préparer et de signer un rapport d'expertise contenant son opinion et
ses avis à ce sujet, omis ou négligé de tenir compte des moyens dont il pouvait
disposer pour exécuter ce mandat, contrevenant ainsi à l'article 3.01.01 du Code
de déontologie des ingénieurs;
2. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 14 décembre 1993, dans le cadre
d'un mandat qui consistait à procéder à faire l'analyse d'une bande magnétique
audio reçue du policier enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de SaintJean-sur-Richelieu, en vue de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque
modification et/ou altération, l'ingénieur junior Gilbert Desjardins a préparé et signé
un «Rapport d'expertise balistique» incomplet, ambigu et insuffisamment explicite
en ce qu'il ne rapporte pas avoir procédé à la deuxième analyse sur une cassette
audio Sony HF46 contenant une copie de la conversation en cause plutôt que sur
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la bande originale Scotch 4M, contrevenant ainsi à l'article 3.02.04 du Code de
déontologie des ingénieurs;
3. À Montréal, district de Montréal, le ou vers le 14 décembre 1993, dans le cadre
d'un mandat qui consistait à procéder à faire l'analyse d'une bande magnétique
audio reçue du policier enquêteur Yvan Huard de la Sûreté municipale de SaintJean-sur-Richelieu, en vue de vérifier si celle-ci avait fait l'objet d'une quelconque
modification et/ou altération, l'ingénieur junior Gilbert Desjardins a préparé et signé
un rapport d'expertise contenant son opinion et ses avis en se décrivant et en
s'identifiant comme un «Ingénieur physicien, Section balistique» alors qu'il ne
détenait à l'époque que le titre d'«ingénieur junior» au sens du Règlement sur
l'usage du titre d'ingénieur par les nouveaux membres de l'Ordre des ingénieurs du
Québec (D.230-93 G.0. 2, 1326), contrevenant ainsi l'article 2 du dit règlement;
9. A Montréal, district de Montréal, entre les mois de décembre 1993 et septembre
2001, l'ingénieur junior, puis l'ingénieur Gilbert Desjardins a omis de conserver
correctement une pièce essentielle de son dossier, à savoir notamment la cassette
«quatre (4) pistes» SONY HF46 (identifiée par le numéro de pièce C-48458)
utilisée pour la confection et la rédaction de son rapport daté du 14 décembre
1993, contrevenant ainsi aux articles 2.01 c), 2.03 et 2.04 du Règlement sur la
tenue des dossiers et des cabinets de consultation des ingénieurs.»
[28]
L'intimé, dûment assisté par son procureur, a modifié son plaidoyer écrit le
21 novembre 2006 et a enregistré un plaidoyer de culpabilité sur les chefs 1, 2,
3 et 9 de la plainte ré-amendée.
[29]
Après avoir été assermenté, l'intimé a été interrogé par le Conseil.
[30]
L'intimé a confirmé son intention de plaider coupable aux chefs 1, 2, 3 et 9
de la plainte ré-amendée.
[31]
L'intimé a affirmé qu'il s'agissait pour lui d'une décision mûrement
réfléchie, prise en toute connaissance et après avoir reçu les conseils
professionnels de son procureur.
[32]
Considérant le plaidoyer de culpabilité de l'intimé, le Conseil a déclaré
celui-ci coupable des chefs 1, 2, 3 et 9 de la plainte ré-amendée.
[33]
Les parties ont alors soumis, séance tenante, leurs représentations sur
sanction. Il fut convenu que le témoignage du plaignant rendu lors de l'audience
pour permission de modifier la plainte initiale vaudrait comme s'il avait été tenu
lors de l'audience sur culpabilité et sanction.
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PREUVE SUR SANCTION
[34]
Dans le cadre de la preuve sur sanction, le plaignant a témoigné et relaté
les faits à l'origine des infractions commises par l'intimé.
[35]
À cet effet, il a déposé la preuve documentaire suivante:
S-1:
Attestation du secrétaire par intérim de l'Ordre des ingénieurs du
Québec concernant Gilbert Desjardins, ing. (#106452).
S-2:
Relevé des notes de Gilbert Desjardins à l'École Polytechnique de
Montréal en date du 19 mai 1991.
S-3:
Demande d'admission de Gilbert Desjardins à l'Ordre des ingénieurs
signée le 17 mai 1991.
S-4:
Transcription d'une conversation téléphonique confiée par Me Michel
Morissette effectuée par Agathe Beauregard, sténotypiste officielle.
S-5:
Tableau comparatif des transcriptions de la conversation
téléphonique entre J.N. Mathieu et le directeur Poirier préparées par
Suzanne Baril à la demande de Pierre-Yves Trudel et par Agathe
Beauregard à la demande de Me Michel Morissette.
S-6:
«Demande d'expertise» soumise à la direction des expertises
judiciaires par Yvan Huard le 26 octobre 1993 dans le dossier 91-0812-016 de Ville de St-Jean; re: une bobine, étiquette 2-9321, remise
de main à main à Josée Tanguay, et reprise de la pièce le 93-12-22
par Pierre Viau, avec un formulaire d'enquête de la police du HautRichelieu comportant des inscriptions relatives à un appareil
Dictaphone 5500.
S-7:
EN LIASSE: Photocopies de systèmes d'enregistrement Dictaphone
Veritrac modèle 5000 et modèle 4000; Fiche technique du
«Pressman Professional Tape Recorder» Sony TCM-5000EV.
S-8:
Graphiques (non-publiés) produits par Gilbert Desjardins à l'aide
d'un oscilloscope le 8 décembre 1993.
S-9:
«Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 préparé
le ou vers le 9 décembre 1993 par Gilbert Desjardins, avec
corrections et annotations manuscrites.
S-10: Brouillon d'un rapport préparé par Gilbert Desjardins, notamment,
entre le 9 et le 14 décembre 1993.
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S-11: «Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 préparé
entre le 9 et le 14 décembre 1993 par Gilbert Desjardins,
notamment, avec corrections et annotations manuscrites.
S-12: «19931026-5520 / Rapport d'expertise / 22 graphiques / 2 appels de
référence / 1 appel à analyser» préparé le ou vers le 10 décembre
1993 par Gilbert Desjardins, ing. (sic).
S-13: «Rapport d'expertise balistique» N/Dossier: 931026-55520 daté du
14 décembre 1993, signé par GILBERT DESJARDINS / ingénieur
physicien / Section balistique, avec une annexe A comportant 22
graphiques.
S-14: Extrait du dictionnaire «Le nouveau Petit Robert», édition 1993, page
183 comprenant le mot «balistique».
S-15: Document interne de l'O.I.Q. «Liste des dossiers» relatif au
parrainage, examen et reclassement de 106452 Desjardins, Gilbert,
approuvé le 1er novembre 1995.
S-16: Déclaration manuscrite faite par l'ingénieur Gilbert Desjardins sur un
formulaire du Commissaire à la déontologie policière devant Marc
Saulnier le 27 février 2002.
S-17: Notes manuscrites prises par Rémi Alaurent, ing., syndic adjoint, lors
d'un entretien avec Gilbert Desjardins, ing., le 10 mars 2005 (autre
personne présente: J.-G. Couture, ing., syndic correspondant).
S-18: Notes manuscrites prises par Rémi Alaurent, ing., syndic adjoint, lors
d'un entretien avec Jean Dion, ingénieur, «spécialiste en balistique
judiciaire» le 13 mai 2005 (autre personne présente: J.-G. Couture,
ing., syndic correspondant).
TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR RÉMI ALAURENT
[36]
Après avoir été assermenté, le plaignant a expliqué au Conseil que le
Bureau du syndic de l'Ordre des ingénieurs du Québec avait reçu une
information concernant une problématique qui serait survenue dans le cadre
d'un rapport d'expertise préparé le 14 décembre 1993.
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[37]
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Le plaignant a expliqué que l'intimé était alors ingénieur junior et qu'il avait
été mandaté afin de produire et réaliser une expertise sur une bande audio,
alors qu'il travaillait pour le Laboratoire d’expertises scientifiques.
[38]
Cette bande audio reprenait une conversation téléphonique litigieuse entre
messieurs Jean-Noël Mathieu et Réal Poirier, directeur de la Police de St-Jeansur-Richelieu, en date du 12 août 1991.
[39]
Le plaignant a souligné que le titre de l'emploi occupé par l'intimé était
spécialiste en balistique, marques et empreintes, tel qu'il appert de la
description d'emploi produite comme pièce I-1.
[40]
Le plaignant a expliqué au Conseil qu'au moment où il a préparé son
expertise, l'intimé était membre de l'Ordre des ingénieurs; il a été inscrit au
Tableau de l'Ordre des ingénieurs comme ingénieur junior le 4 avril 1992 et a
été reclassé comme ingénieur le 14 novembre 1995 (pièce S-1).
[41]
Le plaignant a également expliqué que l'intimé avait reçu son diplôme de
bachelier en ingénierie en 1991 (pièce S-2).
[42]
Le plaignant a souligné que son enquête avait révélé que l'intimé était
entré au service du Laboratoire d’expertises scientifiques le 15 septembre 1992.
[43]
Les faits à l'origine du litige ayant impliqué l'intimé s'étaient déroulés au
mois d'août 1992. A cette époque, le fils mineur de monsieur Jean-Marie
Mathieu avait été arrêté par les autorités policières de la ville de St-Jean-surRichelieu parce qu'il vendait des balles usagées sur les terrains adjacents au
Club de golf.
[44]
Il semble qu'au moment de l'arrestation, monsieur Jean-Marie Mathieu soit
intervenu.
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[45]
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Le plaignant a expliqué au Conseil que toutes les conversations
téléphoniques du poste de police de St-Jean-sur-Richelieu étaient enregistrées
sur un gros appareil dictaphone 4000 ou 5000, contenant des bobines de 10 à
12 pouces de diamètre qui, en plus de pouvoir enregistrer 10 conversations
téléphoniques à la fois, pouvait coder le temps correspondant aux diverses
conversations. Des photographies des appareils ont été produites comme pièce
S-7.
[46]
L'enquête du plaignant a révélé qu'il y avait très peu d'appareils de ce type
disponibles. Il semble que seuls les banques et les services d'urgence disposent
de ce genre de système qui permet de coder le temps en même temps que les
conversations téléphoniques.
[47]
Suite aux événements qui se sont déroulés à proximité du Club de golf de
St-Jean-sur-Richelieu, une demande d’enquête a été faite au Commissaire à la
déontologie policière.
[48]
Suite à son enquête, le Commissaire a déposé une plainte au Comité de
déontologie policière.
[49]
Au cours des auditions devant ledit Comité, il semble qu'il y ait eu un litige
concernant la bande qui avait été produite. Une demande d’expertise a donc été
transmise au Laboratoire d’expertises scientifiques de conduire une expertise
sur celle-ci (pièce S-6).
[50]
Le plaignant a référé le Conseil à la demande d'admission de l’intimé
auprès de l'Ordre des ingénieurs du Québec, indiquant que celui-ci était
détenteur d'un baccalauréat en physique de l'Université de Sherbrooke depuis
le mois de mai 1985 et qu'il avait également un deuxième baccalauréat en génie
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physique de l'École Polytechnique de Montréal depuis le mois de mai 1991
(pièce S-3).
[51]
Le plaignant a ensuite référé le Conseil à la pièce S-4, qui est une
transcription d'une conversation téléphonique entre messieurs Jean-Noël
Mathieu et Réal Poirier, directeur de la Police de St-Jean-sur-Richelieu, et la
pièce S-6 contenant le tableau comparatif de deux (2) transcriptions réalisées
par deux (2) sténographes différents.
[52]
C'est donc dans ce contexte que la bande magnétique contenant la
conversation téléphonique a été remise à l'intimé pour qu'il procède à une
expertise, qui a conduit au rapport du 14 décembre 1993 (pièce S-13).
[53]
Le plaignant a révélé que son enquête lui a permis de conclure, qu’afin de
préparer son expertise, on avait remis à l'intimé une grosse bande magnétique
d'un diamètre approximatif d'une dizaine de pouces.
[54]
Or, l'enquête du plaignant a révélé que l'intimé ne possédait pas le genre
de magnétophone approprié pour procéder à son expertise.
[55]
Il s’est donc rendu au centre audio-visuel de la Sûreté du Québec, qui se
trouvait dans le même édifice que le Laboratoire d'expertise scientifique sur la
rue Parthenais, afin de demander à un technicien de faire une copie sur une
cassette quatre (4) pistes de ladite bande magnétique.
[56]
Le plaignant a souligné qu'auparavant, l'intimé s’était assuré d'examiner la
bande magnétique originale afin d'évaluer visuellement s'il y avait eu des signes
de coupures ou de manipulations de celle-ci.
[57]
Le plaignant a, par la suite, souligné qu’après avoir obtenu la cassette
quatre (4) pistes, qui était une copie de la bande magnétique originale, il l’a
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examinée à l’aide d’un oscilloscope, qu'il avait préalablement calibré afin de
vérifier si l'enregistrement avait été altéré.
[58]
L'appareil qui aurait été utilisé par l'intimé était un appareil Sony TCM-
5000EV dont les spécifications se retrouvent à la pièce S-7.
[59]
Cet examen sur oscilloscope a permis à l'intimé de produire une série de
clichés qui sont produits comme pièce S-8.
[60]
Par la suite, selon le plaignant, l'intimé a amorcé la préparation d'un
rapport préliminaire d'expertise qui est en date du 9 décembre 1993 (pièce S-9).
[61]
Le premier jet de ce rapport (pièce S-9) indique clairement que la bande
audio utilisée par l'intimé est une copie d'une partie d'une bande comprenant la
conversation téléphonique entre messieurs Mathieu et Poirier.
[62]
Le rapport précise également que pour analyser la bande audio, il avait
«couplé» un oscilloscope, qui est un instrument permettant de mesurer la
tension en fonction du temps, à une des sorties de l’enregistreuse audio de
marque Sony, modèle TCM-5000EV.
[63]
Le plaignant a ensuite indiqué que l'intimé avait préparé une série de
rapports d'expertise préliminaires entre le 9 et le 14 décembre 1993 (pièces S-9
à S-11 inclusivement). Ces rapports préliminaires ont été révisés et corrigés par
des collègues de l’intimé travaillant au Laboratoire d’expertises scientifiques.
[64]
Selon le plaignant, il semble que ce soit sur les conseils de ses collègues
que l'intimé a simplifié au maximum son rapport, en se concentrant
principalement sur la conclusion qui confirmait qu'aucun élément ne permettait
de déceler une quelconque modification de la bande ou de l'enregistrement, tant
avant, pendant et après la conversation en litige.
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[65]
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Le plaignant a également référé le Conseil à 22 graphiques qui ont été
préparés par l'intimé au soutien de son rapport d'expertise (pièce S-12).
[66]
Au passage, le plaignant a souligné au Conseil que les projets de rapports
(pièces S-9 à S-11), de même que le rapport d'expertise final (S-13), portaient le
titre «Rapport d'expertise balistique».
[67]
Or, pour le plaignant, ces rapports ne concernaient aucunement la
balistique; ce qui est confirmé par un extrait pertinent du dictionnaire Robert de
1993, qui souligne que la balistique est : «Relatif aux projectiles» (pièce S-14).
[68]
Le plaignant a ensuite expliqué que son enquête avait révélé que le
rapport d'expertise préparé par l'intimé avait été déposé et accepté en preuve
devant le Comité de déontologie policière. Suite à son expertise, la bobine
originale avait été récupérée par monsieur Pierre Viau, le 22 décembre 1993
(pièce S-6).
[69]
La preuve a donc révélé que l'intimé n'avait pas gardé l'original de la
bobine, ce qui fait justement l'objet du chef 9 à l'effet que l'ingénieur doit garder
le contrôle des pièces pendant dix (10) ans.
[70]
À cet effet, le plaignant a référé le Conseil à la pièce S-16, qui est une
déclaration de l’intimé à monsieur Marc Saulnier du bureau du Commissaire à la
déontologie policière en date du 27 février 2002.
[71]
Or, dans cette déclaration l'intimé souligne qu'en faisant le ménage dans
son bureau, il avait retrouvé, dans son tiroir, une cassette quatre (4) pistes
portant son nom et le numéro de dossier faisant l’objet du litige.
[72]
Le plaignant a ensuite référé le Conseil à la pièce S-17, qui sont les notes
manuscrites de son entretien avec l'intimé et qui confirme surtout que l'intimé
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n'avait pas beaucoup d'expérience et n'avait pas été assez encadré dans le
cadre de l'expertise qui a conduit la préparation du rapport d’expertise du 14
décembre 1993, produit comme pièce S-13.
[73]
Enfin, le plaignant a référé le Conseil à la pièce S-18, qui est un résumé
de ses notes d'entretien avec monsieur Jean Dion, ingénieur, qui travaille au
Laboratoire de sciences judiciaires.
TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR JEAN-NOËL MATHIEU
[74]
Dans le cadre des audiences, le Conseil a également écouté le
témoignage de monsieur Jean-Noël Mathieu, qui a demandé à être entendu.
[75]
Monsieur Mathieu a expliqué au Conseil qu'il avait remis au plaignant tous
les éléments de preuve permettant de faire condamner l’intimé.
[76]
Monsieur Mathieu a souligné qu'il avait été entendu par les trois (3)
membres du Comité de déontologie policière.
[77]
Il a expliqué que la bobine avait été démagnétisée et que la conversation
téléphonique qu'il avait eue avec monsieur Réal Poirier, directeur de la Police
de St-Jean-sur-Richelieu, était celle du 5 août 1993 et non celle du 12 août
1993.
[78]
Monsieur Mathieu a retracé les différentes étapes qui se sont déroulées
devant le Comité de déontologie policière et a rappelé qu'il avait dû se défendre
contre une poursuite au civil, qui a été intentée contre lui par la Fraternité des
policiers.
[79]
Il a réitéré à de nombreuses reprises que la bobine à laquelle il est fait
référence était vierge puisqu'elle avait été démagnétisée.
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[80]
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Monsieur Mathieu a été entendu une seconde fois par le Conseil lors de
l'audition du 26 mars 2008. Il a alors soumis que 80% des choses qu'il avait
entendues depuis le début des auditions était des menteries. Il souligne que
monsieur Yvan Huard, contrairement à ce qu'il avait entendu, n'avait jamais été
l'enquêteur au dossier.
TÉMOIGNAGE DE L'INTIMÉ
[81]
Après avoir été assermenté, l'intimé a expliqué au Conseil qu'il était
détenteur d'un baccalauréat en physique de l'Université de Sherbrooke depuis
1985. Suite à son baccalauréat, il a effectué deux (2) ans de recherche, toujours
à l'Université de Sherbrooke, entre 1985 et 1987.
[82]
L’intimé a ensuite enseigné en Afrique, plus précisément au Gabon, dans
le domaine de la physique et des mathématiques, de 1987 à 1989. De retour au
pays, il a par la suite obtenu un baccalauréat en génie physique de l'École
Polytechnique en 1991. Il est ensuite retourné enseigner au Gabon de 1991 à
1992.
[83]
Il est enfin entré au service du ministère de la Sécurité publique pour le
Laboratoire d’expertises scientifiques au mois de septembre 1992.
[84]
L'intimé a souligné au Conseil qu'au cours de ces deux (2) ans de
recherche à l'Université de Sherbrooke, il a effectué beaucoup de travaux en se
servant d'instruments de mesure comme l'oscilloscope et le voltmètre.
[85]
L'intimé a soumis au Conseil que le titre de son emploi était spécialiste en
balistique, marques et empreintes (pièce I-1).
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[86]
Page: 16
Il a précisé que la description d'emploi (pièce I-1) est pour l'année 2006,
mais que la description de tâches était approximativement la même qu'au
moment de son embauche au mois de septembre 1992.
[87]
L'intimé a soumis au Conseil qu'il avait été spécialiste en balistique du
mois de septembre 1992 au mois de mai 2007.
[88]
Depuis, il occupe un poste de cadre supérieur comme directeur de la
Direction balistique et chimie au Laboratoire de sciences judiciaires et de
médecine légale.
[89]
Il a précisé au Conseil que depuis le mois de mai 2006, il n'effectuait plus
d'expertise.
[90]
Il a ensuite souligné au Conseil qu'en 1992, il n'existait pas de cours afin
de devenir spécialiste en balistique. La formation était plutôt donnée par des
collègues de travail. La période d'apprentissage nécessitait normalement de 18
à 24 mois.
[91]
Pendant cette période, il se devait de lire de la documentation afin
d'améliorer sa formation. Tout ce qu'on exigeait, à l'époque, pour devenir
spécialiste en balistique était d'avoir une formation en sciences, soit en chimie
ou en ingénierie.
[92]
Lors de son entrée au Laboratoire d'expertise scientifique, l'intimé a
expliqué qu'il avait eu la chance de travailler sur le dossier du Caporal Lemay,
décédé dans le cadre de la fusillade survenue à Oka en 1990.
[93]
Le mandat, qui avait été alors confié au Laboratoire d'expertise
scientifique, était de calculer le nombre de coups de feu qui avaient été
échangés à partir de bandes vidéo.
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[94]
Page: 17
L'intimé a expliqué qu'il avait alors travaillé en collaboration avec monsieur
Dion et avait eu l'occasion d'utiliser le même type d'oscilloscope qu'il a utilisé
dans le cadre de la préparation de l'expertise S-13.
[95]
Il avait alors refait l'analyse des bandes vidéo et avait compté, à l'aide de
l'oscilloscope, le nombre de pics, ce qui lui avait permis de conclure qu'au-delà
de 1000 coups de feu avaient été échangés pendant ladite fusillade.
[96]
L'intimé a relaté qu'au mois d'août 1993, il avait eu une conversation
téléphonique avec une personne, qu'il est incapable aujourd'hui d'identifier, lui
demandant s'il pouvait réaliser une expertise sur une bande audio. L'intimé avait
alors référé la personne qui l'avait contacté à monsieur Fraser, de la GRC à
Ottawa.
[97]
La seconde fois qu'il avait entendu parler de cette demande d’expertise
était au mois d'octobre 1993.
[98]
En effet, le Laboratoire d'expertise scientifique avait alors reçu une grosse
bobine de façon à l'expertiser. Le dossier lui avait alors été confié.
[99]
Les premiers gestes qu'il avait posés étaient d'examiner visuellement la
grosse bobine afin de voir s'il y avait eu des coupures sur celle-ci.
[100] La décision de lui confier ce dossier fut prise par l'équipe du Laboratoire
d'expertise scientifique. L'intimé a expliqué que ce n'était pas lui qui avait décidé
personnellement de prendre ce dossier.
[101] Il a, cependant, souligné qu'on lui avait confié ce travail puisqu'il avait
également travaillé auparavant sur le dossier du Caporal Lemay et qu'il était
détenteur d'un baccalauréat en physique.
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Page: 18
[102] L'intimé a souligné qu'il n'avait, cependant, pas de dictaphone pour
procéder à une analyse avec son oscilloscope en grand format, tel qu'il appert
sur les photos de la pièce P-7.
[103] Par conséquent, il est descendu au bureau de la Sûreté du Québec, qui
se trouvait dans le même édifice, afin de rencontrer un préposé de l'audio-visuel
pour qu'il transfère une copie de la conversation téléphonique en litige et des
deux (2) conversations de contrôle, sur une cassette quatre (4) pistes.
[104] L'intimé a expliqué que la bobine originale avait une dizaine de pouces de
diamètre et environ ½ pouce de largeur et elle pouvait contenir dix (10)
conversations
téléphoniques
simultanées,
puisque
l'appareil
dictaphone
contenait des enregistrements distincts.
[105] Une fois que le transfert de la bobine fut effectué sur une cassette quatre
(4) pistes, l'intimé a loué un oscilloscope et il a passé ladite cassette sur une
enregistreuse Sony, de façon à être en mesure de comparer la conversation en
litige et les deux (2) conversations de référence.
[106] L'intimé a expliqué au Conseil qu'un oscilloscope était un appareil qui
servait à mesurer le voltage et l'ampérage.
[107] Il a expliqué qu'il avait branché son oscilloscope sur l'appareil Sony, à la
sortie des haut-parleurs et que l’appareil notait des variations de tension et
produisait un graphique attestant desdites variations. Ces graphiques ont été
produits comme pièce S-12.
[108] L'intimé a expliqué au Conseil qu'il n'avait noté aucune anomalie dans les
bandes, tant lors de l'examen physique que lors de l'analyse à l’aide de
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Page: 19
l’oscilloscope. À son avis, la conversation téléphonique en litige n'avait donc
pas été modifiée.
[109] L'intimé a expliqué au Conseil qu'il avait préparé trois (3) projets de
rapports (pièces S-9, S-10 et S-11), qui ont conduit au rapport d'expertise final
du 14 décembre 1993 (pièce S-13).
[110] L'intimé a souligné que les projets de rapports avaient été revus par ses
collègues travaillant au Laboratoire d'expertise scientifique, qui lui avaient
conseillé de simplifier la partie de la démarche scientifique pour se concentrer
davantage sur les conclusions de son rapport.
[111] Il a expliqué qu'à cette époque, il travaillait surtout avec monsieur Miguel
Deschênes, physicien et monsieur Collin Desrochers, chimiste.
[112] Ses collègues lui avaient conseillé d'alléger le rapport puisque celui-ci
devait être déposé à la Cour et qu'il ne devait pas être trop technique. On lui a
alors conseillé de retirer toute la portion dans laquelle il faisait référence à
l'appareil Sony.
[113] L'intimé a expliqué qu'une fois son expertise terminée, il avait retourné la
bande huit (8) pistes 3M à la réception des pièces.
[114] Se référant au formulaire FEC-32 (pièce S-6), l'intimé a confirmé que la
bande 3M avait été récupérée par monsieur Pierre Viau le 22 décembre 1993.
[115] Selon l'intimé, il semble que la grosse bobine a, par la suite, été détruite. Il
aurait lui-même retrouvé la cassette quatre (4) pistes dans le fond de l'un de ses
tiroirs.
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[116] L'intimé a expliqué au Conseil que, lorsqu'il a accepté de réaliser le
mandat spécifié, il manquait nettement d'expérience et qu'il n'avait pas été bien
encadré par ses collègues de travail.
[117] L'intimé a confié au Conseil qu'il aurait dû insister beaucoup plus auprès
de ceux-ci et il a reconnu ses erreurs. L'intimé a témoigné qu'il avait bien appris
de ses erreurs et qu'il n'avait plus l'intention de revenir devant le Conseil de
discipline.
[118] Quant au fait qu'il a signé son rapport d'expertise S-13 avec les termes
«ingénieur physicien», celui-ci a reconnu qu'il s'agissait d'un oubli. Il aurait plutôt
dû inscrire ingénieur junior ou physicien ou les deux (2).
[119] Questionné par les membres du Conseil, l'intimé a expliqué que le dossier
lui avait vraisemblablement été confié par le reste de l'équipe du Laboratoire
d’expertise scientifique, puisqu'il était celui qui avait le plus d'expérience car il
avait travaillé avec des oscilloscopes et qu'il était sans doute plus à l'aise avec
ce genre d'appareil que les autres membres de l'équipe.
[120] Il a ensuite expliqué que bien qu'un premier appel téléphonique avait été
logé au Laboratoire d’expertises scientifiques au mois d'août 1993, le
Laboratoire n'avait reçu la grosse bobine de dix (10) pouces qu'au mois
d'octobre 1993.
Témoignage d'Yves Bob Dufour
[121] Monsieur Dufour est directeur général du Laboratoire de sciences
judiciaires et de médecine légale depuis le mois de juillet 1993.
[122] La mission du Laboratoire est de supporter l'administration de la justice et
de fournir aux tribunaux des expertises judiciaires neutres qui sont basées sur
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Page: 21
des faits objectifs. Le Laboratoire a plus de 94 ans d'existence, bien que le nom
ait été modifié à plusieurs reprises au cours des années.
[123] Le Laboratoire est un organisme indépendant qui est relié au ministère de
la Sécurité publique.
[124] Monsieur Dufour a d'ailleurs souligné au Conseil qu'un projet de loi a été
déposé de façon à ce que le Laboratoire passe d'unité autonome pour devenir
une agence publique. Contrairement à ce qui est régulièrement véhiculé, le
Laboratoire n'est pas le laboratoire de la police, mais bien un laboratoire
indépendant.
[125] Pour monsieur Dufour, l’intimé a une personnalité qui transcende et il jouit
d’un grand rayonnement auprès de ses collègues. Il est très compétent, fait
preuve de leadership et est très bien perçu auprès de ses collègues.
[126] Pour lui, compte tenu des circonstances particulières de la présente
affaire et des explications fournies par l’intimé, les amendes proposées seraient
une peine adéquate.
Représentations par le procureur du plaignant
[127] Le procureur du plaignant a proposé au Conseil les recommandations de
sanctions suivantes, précisant qu’elles sont formulées de façon commune par
les parties :
Sous le chef no. 1 : une amende de 1 000,00 $ et une réprimande;
Sous le chef no. 2 : une amende de 2 000,00 $ et une réprimande;
Sous le chef no. 3 : une amende de 1 000,00 $;
Sous le chef no. 9 : une amende de 600,00 $ et une réprimande.
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Page: 22
Le tout avec les frais. Les parties demandent un délai de six (6) mois pour le
paiement des amendes.
[128] Le procureur du plaignant a souligné que la proposition de sanctions
communes formulée par les parties tenait compte de l’ensemble des
circonstances de ce dossier.
[129] Le plaignant a fondé sa recommandation avec en tête l’article 23 du Code
des professions, qui précise que chaque ordre a pour principale fonction
d’assurer la protection du public.
[130] Le procureur du plaignant a expliqué que les parties étaient parvenues à
s’entendre après de longues discussions, après une analyse détaillée des faits
et dans le but ultime d’assurer la protection du public. Il a insisté sur le fait qu’il
n’y a pas eu de copinage, ni de marchandage entre son client et l’intimé.
[131] Il a rappelé que son client s’est assuré que le public soit protégé et que le
professionnel soit dissuadé de récidiver. Le plaignant avait également pour but
de s’assurer que les sanctions proposées servent d’exemplarité à l’égard des
autres membres de la profession, tout en considérant le droit du professionnel
d’exercer sa profession1.
[132] Se référant à deux ouvrages de doctrine, le procureur du plaignant a
rappelé les éléments pris en considération par les Conseils de discipline dans
l’établissement des sanctions appropriées.2
1
Latulippe c. Médecins (Ordre professionnel des), (1998) D.D.O.P. 311
Poirier, Sylvie, La discipline professionnelle au Québec, 1998, Éditions Yvon Blais, pages 169 à
177; Villeneuve, Jean-Guy et al, Précis de droit professionnel, 2007, Éditions Yvon Blais, pages
242 à 252.
2
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Page: 23
[133] Le procureur du plaignant a rappelé au Conseil qu’il n’était pas lié par la
suggestion commune de sanction faite par les parties et que le Conseil avait
discrétion à cet égard.
[134] Par conséquent, selon lui, le Conseil devra considérer dans l’évaluation de
la sanction, la protection du public, la qualité de spécialiste de l’intimé, la durée
des infractions, l’âge de l’intimé et l’absence de récidive. En l’espèce, les gestes
posés par l’intimé sont des actes isolés.
[135] Le Conseil devra également tenir compte de l’exemplarité de la sanction
proposée afin de s’assurer que la sanction servira d’exemple probant, qui
permettra de faire réfléchir les autres ingénieurs.
[136] Le procureur a rappelé que le plaignant, après avoir considéré les facteurs
objectifs, en est venu à la conclusion que les risques de récidive de l’intimé
étaient nuls.
[137] Il a réitéré que les sanctions proposées étaient appropriées et que la
protection du public était assurée. De même, le plaignant était convaincu qu’il
n’y avait aucun risque de récidive, que l’intimé avait appris la leçon et qu’il ne se
retrouverait pas de nouveau devant le Conseil de discipline.
[138] Plus spécifiquement quant au chef no. 1, le procureur du plaignant a
référé le Conseil à la décision Altable.3 Dans cette affaire, le Conseil de
discipline de l’Ordre des ingénieurs avait condamné l’intimé à une amende de
1 000,00 $ en regard du chef de plainte fondé sur l’article 3.01.01 du Code de
déontologie des ingénieurs.
3
Alaurent c. Altable, 22-05-0313, 19 mai 2006
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Page: 24
[139] Il a de plus référé le Conseil à la décision Bédard.4 Dans cette affaire, le
Conseil a également imposé à l’ingénieur une amende de 1 000,00 $ sur trois
(3) chefs de plainte fondées sur les articles 3.01.01 et 3.02.04 du Code de
déontologie des ingénieurs.
[140] Quant au chef no. 2, fondé sur l’article 3.02.04 du Code de déontologie, le
procureur a rappelé que, bien que le rapport d’expertise fut incomplet, ambigu et
insuffisamment explicite, l’intimé avait hérité de ce dossier suite à une décision
de ses collègues et que ceux-ci lui avaient dit de modifier certains termes et
descriptions scientifiques afin de simplifier et faire mieux comprendre les
conclusions du rapport, en lui recommandant d’insister surtout sur les
conclusions.
[141] Le procureur a soumis quelques autorités5, en précisant toutefois qu’il
n’avait pas retrouvé de précédents similaires quant à ce chef. Il a cependant
soumis qu’une amende de 2 000,00 $ était juste et appropriée dans les
circonstances.
[142] Quant au chef no. 3, le procureur du plaignant a rappelé que l’amende de
1 000,00 $ proposée répondait aux deux (2) critères importants, soit la
protection du public et la nécessité de s’assurer qu’il n’y ait pas récidive6.
[143] Quant au chef no. 9 de la plainte, portant sur la gestion de son dossier
par l’intimé, le procureur du plaignant a souligné qu’une amende minimale de
600,00 $ était suffisante en l’espèce puisque l’intimé n’avait pas d’antécédent,
mais qu’il était important de rappeler que l’ingénieur doit conserver ses
4
Tremblay c. Bédard, 22-05-0307, 22 septembre 2005
Tremblay c. Dionne, 22-02-0256, 27 octobre 2003, Raymond c. Veillette, 22-03-0278, 6 janvier
2004 et Alaurent c. Villeneuve, 22-94-0018, 31 janvier 1995
6
Tremblay c. Renneteau, 22-04-0292, 6 mai 2005 et Alaurent c. Rivest, 22-92-0004
5
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Page: 25
documents. Selon lui, l’amende minimale est suffisante puisque la protection du
public est assurée et que les chances de récidive sont nulles et inexistantes.
[144] Le procureur du plaignant a référé le Conseil à la décision dans l’affaire
Clouâtre7, dans laquelle le Conseil a imposé à l’intimé une amende minimale de
600,00 $. Il a également fait référence à l’affaire Bolduc8 dans laquelle le
Conseil a imposé une réprimande et une amende de 600,00 $ à un ingénieur
qui avait négligé de tenir un registre de ses projets.
[145] Quant au paiement des frais, le procureur du plaignant a précisé qu’ils
comprenaient les frais de l’expert Victor Boucher, tel qu’il appert de la facture du
7 novembre 2005 au montant de 4 612,50 $, qui a déjà été produite au dossier
ainsi qu’une facture de 1 500,00 $ en date du 30 septembre 2005. Ces factures
ont déjà été acquittées par le plaignant.
Représentations par le procureur de l’intimé
[146] Le procureur de l’intimé a rappelé que le Laboratoire d’expertises
scientifiques avait reçu une bande, d’une douzaine de pouces de diamètre,
pouvant enregistrer simultanément dix (10) conversations téléphoniques, dont
une bande servait à enregistrer l’heure et le temps de cette conversation. Il a
donc souligné que cette bande contenait de nombreuses informations et que
son client avait effectué une analyse visuelle de celle-ci avant d’effectuer
l’analyse sur l’oscilloscope.
[147] Il a rappelé au Conseil que la conversation avait été enregistrée en 1991
et que la demande d’expertise avait été faite en 1993. Son client était à l’époque
7
8
Alaurent c. Clouâtre, 22-01-0004, 13 septembre 2001
Alaurent c. Bolduc, 22-98-0013, 3 juin 1999
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Page: 26
un jeune ingénieur et il s’était vu confier le mandat de préparer cette expertise
par l’équipe du Laboratoire.
[148] Il a ensuite référé le Conseil à la pièce I-2, qui est l’analyse acoustiquephonétique effectuée par monsieur Victor Boucher, de l’Université de Montréal,
au mois d’octobre 2005 et ce, à la demande du plaignant.
[149] Le procureur de l’intimé a rappelé au Conseil que la confection d’une
copie de travail, comme l’a fait son client, était régulièrement utilisée dans ce
domaine.
[150] Il a souligné que la bande maîtresse avait été récupérée par monsieur
Pierre Viau, une fois que son client eut complété son rapport.
[151] Il a produit un document intitulé «Plan détaillé d’argumentation du
procureur de l’intimé», qui fait état des 13 éléments que le Conseil doit prendre
en considération, selon lui, pour déterminer la sanction appropriée :
i)
L’intimé a un dossier disciplinaire vierge;
ii)
Les faits reprochés remontent à 1993, sans qu’il n’y ait eu d’autre
plainte disciplinaire faite contre l’intimé;
iii)
Les actes reprochés à l’intimé ne sont pas des travaux qui entrent
dans le champ de pratique de l’ingénieur. Ces infractions n’ont pas
un lien direct avec l’exercice de la profession d’ingénieur. Il ne
s’agit pas d’actes qui touchent la quiddité même de la profession;
iv)
Il s’agit d’actes isolés n’ayant aucun caractère répétitif;
v)
Il n’y a aucun risque de récidive puisque le Laboratoire de sciences
judiciaires ne procède plus à la confection de ce type d’expertise.
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Page: 27
De plus, l’intimé étant maintenant cadre, il ne prépare plus
d’expertise;
vi)
Lors de la commission des infractions, l’intimé était un jeune
ingénieur junior qui avait à cœur d’effectuer son travail.
Rétrospectivement, l’intimé admet qu’il n’aurait pas dû accepter ce
mandat, et ce, pour trois raisons : a) son expérience était limitée
dans ce domaine; b) il ne bénéficiait pas de l’encadrement suffisant
en ce domaine; c) les ressources du Laboratoire scientifique étaient
limitées en ce domaine. En somme, l’acceptation de ce mandat
était l’erreur d’un jeune professionnel. Cette « erreur de jeunesse »
a également été constatée dans la rédaction du rapport d’expertise,
soit en n’indiquant pas qu’il avait procédé à la deuxième analyse à
partir de la cassette quatre (4) pistes Sony;
vii)
Dans son domaine, l’intimé a une excellente réputation d’honnêteté
professionnelle;
viii)
L’intimé n’a fait preuve d’aucune malhonnêteté, il n’avait aucune
motivation égoïste et n’a tiré aucun bénéfice personnel;
ix)
Les actes reprochés n’ont aucun caractère prémédité;
x)
Les actes reprochés n’ont eu aucune conséquence, puisque la
conclusion du rapport d’expertise de l’intimé est rigoureusement
exacte.
En effet, aucun élément ne permet de déceler une
quelconque modification de la bande ou de l’enregistrement.
xi)
L’intimé a reconnu ses erreurs et a exprimé des remords sincères;
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xii)
Page: 28
L’intimé a collaboré à l’enquête du syndic et a enregistré un
plaidoyer de culpabilité;
xiii)
L’intimé ne représente aucun risque de récidive.
[152] Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’intimé a référé le Conseil
à plusieurs précédents. Il a également attiré l’attention du Conseil aux autorités
suivantes : Pigeon9, Rivard10, Provencher11, Plante12, Charrette13, Robichaud14,
Dugré15, Lapointe16, Rivard17, Guillot18, de Montigny19. Il a également référé le
Conseil à un article de Me Pierre Bernard portant sur la sanction en droit
disciplinaire20.
[153] En réplique, le procureur du plaignant a rappelé, qu’à son avis, le travail
de l’intimé en l’espèce touchait directement l’exercice de la profession, tel qu’il
appert de l’article 2 c) de la Loi sur les ingénieurs. À son avis, il en a fait le
propre de l’ingénieur de rendre des opinions.
DÉCISION
[154] L’intimé a commis des actes dérogatoires pour lesquels il a plaidé
coupable. Le Conseil a pris en considération que l’intimé a avoué sa culpabilité.
9
Pigeon c. Daignault (Comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobiliers
du Québec), C.A. 500-09-012513-024, 2003 CanLII 32934 (QC C.A.)
10
Alaurent c. Rivard, 22-05-0322, 7 septembre 2006
11
Latulippe c. Provencher, 22-04-0294, 8 août 2006
12
Tremblay c. Plante, 22-02-0263, 18 mars 2003
13
Latulippe c. Charrette, 22-01-0007, 16 mai 2002
14
Latulippe c. Robichaud, 22-05-0324, 28 août 2006
15
Alaurent c. Dugré, 22-02-0262, 3 juin 2003
16
Alaurent c. Lapointe, 22-05-0304, 9 juin 2006
17
Alaurent c. Rivard, 22-05-0322, 7 septembre 2006
18
Latulippe c. Guillot, 22-02-0264, 27 janvier 2005
19
Guilbault c. De Montigny, 22-94-0013, 23 février 1995
20
Bernard, Pierre, La sanction en droit disciplinaire : quelques réflexions dans Développements
récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004), Éditions Yvon Blais, page 21
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Page: 29
[155] Le Conseil doit prendre en considération les représentations et les
suggestions sur la sanction lorsque celles-ci sont justes et raisonnables. Les
sanctions doivent avoir le mérite d’être dissuasives auprès de l’intimé, tout en
rencontrant les objectifs d’exemplarité pour la profession et pour la protection du
public.
[156] Le Conseil a également analysé la jurisprudence concernant les sanctions
rendues antérieurement dans les dossiers ayant des éléments analogues. Le
Conseil est conscient de son devoir en relation avec la protection du public.
[157] Le Conseil accorde une importance aux circonstances de l’infraction en
relation avec les facteurs objectifs et subjectifs.
[158] Le Conseil a considéré la nature et la gravité des infractions de l’intimé
envers son Ordre professionnel, en regard de son Code de déontologie et les
conséquences des actes dérogatoires pour lesquels il a plaidé coupable.
[159] Le Conseil est conscient que le but recherché dans l’imposition d’une
sanction n’est pas la punition de l’intimé.
[160] Le Conseil estime que l’expérience acquise par l’intimé au cours du
processus disciplinaire sera un élément positif dans sa compréhension des
règles régissant sa profession.
[161] Le Conseil est d’avis qu’il n’y a aucun risque de récidive dans le cas de
l’intimé.
[162] Le Conseil a su apprécier l’honnêteté de l’intimé lors de son témoignage.
[163] Le Conseil, en s’appuyant sur les principes énoncés en droit, affirme que
la sanction doit être conforme à la personne de l’intimé et aux circonstances du
dossier.
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Page: 30
[164] Le Conseil doit tenir compte des principes applicables en droit disciplinaire
et de toutes les circonstances atténuantes et aggravantes révélées par la
preuve.
[165] Le Conseil, après avoir analysé les faits du présent dossier et pris en
considération les remarques pertinentes tant du procureur du plaignant que du
procureur de l’intimé, est d’accord avec les recommandations soumises par
ceux-ci.
[166] Par conséquent, en regard du chef no 1, le Conseil estime qu’une
amende de mille dollars (1 000,00 $) et une réprimande serviraient les fins de la
justice.
[167] En regard du chef numéro 2, une amende de deux mille dollars
(2 000,00 $) et une réprimande sont appropriées.
[167] En regard du chef numéro 3, une amende mille dollars (1 000,00 $)
servirait les fins de la justice.
[167] En regard du chef numéro 9, le Conseil considère que la suggestion d’une
amende de six cent dollars (600,00 $) et une réprimande sont appropriées.
POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE :
DÉCLARE l’intimé coupable des actes dérogatoires tels que rédigés dans la
plainte amendée du 26 mars 2008;
DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation numéros 1, 2, 3 et 9
contenus à la plainte ré-amendée oralement le 26 mars 2008 le tout
conformément à l’article 154 du Code des professions, L.R.Q. chapitre C-26;
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IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de mille dollars
(1 000,00 $) sur le chef numéro 1 de la plainte ré-amendée oralement le 26 mars
2008;
IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de deux mille
dollars (2 000,00 $) sur le chef numéro 2 de la plainte ré-amendée oralement le
26 mars 2008;
IMPOSE à l’intimé le paiement d’une amende de mille dollars (1 000,00 $) sur le
chef numéro 3 de la plainte ré-amendée le 26 mars 2008;
IMPOSE à l’intimé une réprimande et le paiement d’une amende de six cents
dollars (600,00$) sur le chef numéro 9 de la plainte ré-amendée le 26 mars 2008;
CONDAMNE l’intimé à payer les frais et débours de la cause et accorde à
l’intimé un délai de six mois (6) de la date de signification de la présente pour le
paiement desdites amendes ainsi que des frais et débours.
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Me Jean-Guy Légaré, Président-suppléant
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Réal Beaudet, ing. Membre
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Gérard Trépanier, ing. Membre
Me Charles A. Dupuis
Procureur du plaignant
Me Jean-Yves Brière
Procureur de l'intimé
Dates d’audience: 25 mai 2007, 28 février, 11 et 26 mars 2008
22-06-0331
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