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-1- -2- Lomener Plage Fabrice Parat Yeghiayan -3- -4- A Lunel, à Céline, © Fabrice Parat Yeghiayan, mai 2011 Lomener Plage [email protected] -5- -6- Cambia di celu, cambierai di stella Change de ciel, tu changeras d’étoiles Proverbe Corse -7- -8- La fuie Bin tu sais tout ça meurt dans le rétroviseur J’accélère la route toi l’horizon tout ça meurt Une ligne droite comme la vie traverse les arbres les herbes Les marais l’eau stagnante la lande mauve de bruyère Et les noms s’accumulent je les chasse dans le vent Des falaises là s’achève la course je me rappelle On a quitté Larmor Plage sous la brume Le ciel crachine On se tait à Kerroc’h Vite jusqu’au Finistère Là meurent comme nos remords Les regrets sous les champs L’infini d’océan Je me gare aux lueurs des phares de Tévennec De la Vieille et d’Ar-Men où grondent tous les possibles On annule le passé oui là comme on s’annule On devient le vent d’orgue le vent qu’on désaccorde La nuit comme une marée avant la Mer d’Iroise Un voilier vent contraire cherche la fuite le danger C’est la terre dirait Louis il faut fuir pour être libre -9- La tue D’abord la pluie résonne sur le toit en ardoise Le sommeil sous les cils la nuit d’un sous-marin On s’agite on se tourne un œil ouvre le velux La vitre saigne les averses et puis les paupières valsent Ouais toute la nuit comme ça à se cogner une tempête Une heure avant l’aurore je décide mon imper Le ciré noir Pour l’averse matinale Une cabine à Lomener Y aura pas de réponse Je cogne le poing La vitre est bleue D’un prochain jour tes siLences ne sont pas la fin Du monde le Moulin Vert un serveur ouvre les portes La terrasse inondée et par-dessus la digue Blanche une vague belliqueuse un café camarade Pour les femmes qui se taisent l’océan ce guerrier Gris métal ce matin et j’aperçois au loin La coque rouge d’un voilier comme il remonte au vent La houle l’avale le crache je ne sais plus si je t’aime - 10 - La regrettée J’y viens sans aucun bruit l’ombre d’une veine à l’orée De la forêt d’automne sous ta chambre les yeux pâles N’effraient plus les hulottes ni la langue des racines Les fenêtres sont la nuit le sommeil des épaules Dans le froid du jardin les femmes parties je dors De la plus lointaine nuit loin des Iles Lavezzi Jusqu’à Lomener la plage Du Pérello la pluie Rappelle les cœurs Bien avant les départs Et puis les heures Les jours et bien d’autres vagues Rien ne me sépare Sous la lune rousse Bientôt cinq heures ce sont tes bras l’odeur De ta nuque un chant d’arbres tu me manques dans la brume Bleue une barque immobile échouée sur la grève J’ai en souvenir l’amour qu’on évite pour le risque De nous perdre ni regrets ni l’ange en bas du rein A droite un tatouage où je sculpte un sillage Plus rien ne nous sépare ne poursuit désormais - 11 - L’assise Les pluies cessent le lendemain la terre parfumée d’ambre Les bottes sur le sentier d’une flaque à l’autre qu’elles troublent Enfants que nous ne sommes plus même si l’eau nous admire D’un éclat entre les pierres d’un brillant pour les ronces Jusqu’au guet du blockhaus sur les Courreaux de Groix Je m’approche derrière elle sa nuque comme le souvenir D’une toile d’Andrew Wyeth La colline asséchée Christina désespère La maison tout là-haut Je ne tente rien Ce mot est mon regard Sur les champs sur les femmes En robes roses et patientes Elle devine ma présence le passé fend les souches C’est comme ça le moindre choix quand assise sur le banc Elle fixe le trait d’écume et la vague immobile L’image poursuit le temps il faut s’en tenir là Mon souffle devient la brise qui réveille une mèche blonde Le cou oscille à peine pour un voilier à l’ancre Les silences en poussière le papier qui se corne - 12 - La dormie Oh patiente oui patiente encore la vague tardive Réveille tes yeux révèle la ride avant le soir Le sourire de la chair le désir qu’on habille D’un soleil dans la brume comme l’œil sur l’horizon Même le vent nous oublie le refrain des nuages Bientôt nous sommes le sable l’océan sous l’orage L'éclair nous émerveille Si nus d’être nous Comme en rêve les averses Enlacent nos baisers ils Aspirent la foudre La pluie est froide et lisse Quand la nuit tombe La mer l'étain Plus rien plus rien ne meurt le parfum de la houle La lenteur des cargos ou la rengaine des algues Et toujours la dernière la vague sera plus claire Elle est d’avant les vies avant l’unique sillage Des lèvres qui se disjoignent le regard d’un récif L’île s’affole du tonnerre nous dormons sous l’écume Tu dors dis moi que tu dors d’aimer dans la pénombre - 13 - La nommée En janvier 2011 on renie Larmor Plage D’une maison à une autre un chemin les relie A peine cinq kilomètres déjà un nouveau monde On lâche les apparences les bourgeois en pull rose Les estivants en sweat rayé blanc bleu marine On se pose à Lomener pour l’écume sur le môle Le lointain vers Kerroc’h Les histoires qu’on raconte Au bar du Moulin Vert Encore les mots Mon silence arménien Le pays inconnu Les bribes et la buée Les restes que charrient les vents d’ouest Qu’abandonnent les marées sur le sable de Kerpape Du Stole du Pérello les noms sonnent la mémoire L’usure et le récit les façonnent mieux qu’une vague Ou qu’un stupide poème tais toi nous sommes l’ailleurs Le désir des brisants et le phare de Pen-Men L’extrême bout du rocher où se tient l’homme stylo Se marrent-ils vraiment saouls à la lumière de Groix - 14 - La reflétée Dans la fenêtre noire d’encre reflet de son visage Le regard des bougies et la vie intérieure C’est là qu’on interroge les souvenirs les dédales L’amie qu’on a perdue l’absence la pluie battante Un minuit de grand vent BMS* et la peur De ne pas s’endormir on s’enfuit en voiture Rien qu’à Lomener Des vagues six mètres Hautes par-dessus le môle Défient l’étoile dernière Entre deux nuages Passant furieux Comme les poumons Enragés d’un train Rage des bourrasques des baffes me retournant le visage Les embruns griffes de sel le vacarme des rafales L’océan sous ma gorge et j’avance à rebours J’ignore d’où viennent les morts si le noroît les chasse De leur néant les brise en écume sur la digue J’enserre l’anneau rouillé quand si brusque une lampe torche M’aveugle dans la tempête je tremble je serre une main *Bulletin Météorologique Spécial - 15 - La prise La nuit meurt lie de vin au grand dam des éoliennes Lentes pales des crépuscules patientes à l’horizon Comme de géantes vigies au bord des autoroutes Où je m’esquive silence je conduis l’insomniaque Et la fatigue des cernes quand j’arrive à Ploemeur Dans un bleu gris de brume la main repose la pierre On ne sait pas Si je me terre J’enlève mes shoes Le pas s’ensable La mer me glace J’avance quand même C’est novembre j’erre Le long d’une vague Qui prend la forme d’un monstre marin serpent d’hiver Je la déroule sans fin la signe d’un trait d’écume Finir au Pérello pour qu’un ciel noir bascule Là bas vers l’Amérique loin après les Glénans L’air du large parfum d’huitre je lui tends mes arcades Tu es loin maintenant plus loin que tous les frères A qui tu donnes tes rêves ou la langue pour l’épreuve - 16 - La renversée La nuit enfin somnole une voiture est fantôme Sans chauffeur sous la brume ni âme pour le granit De Notre Dame de Larmor Plage jusqu’au Pérello A fuir l’aube mon alcool la route seul dans la nuit Je finis corps de sable aux molles vagues j’abandonne L’image perdue de toi je vis quand mes femmes rêvent Ma soif rebelle Te pare d’élans Ainsi tes seins Qu’une langue désole Où est-ce l’heure feinte Qu’une main traverse D’écrire les aubes Je nous endors Bien avant la marée montante le matin pâleur mauve C’est la houle que j’entends je ne rentre pas chez nous Ne rien rater du jour au bar du Moulin Vert Je te donne rendez-vous tu arrives paupière nue Ton imperméable s’ouvre le parfum de sommeil Ne dis rien sur l’hiver ton sourire est d’été Lente lente la plage du Stole où l’amour se renverse - 17 - La hantée Au lieu dit sans prières l’océan gris déchale La plage se découvre loin sur la grève en miroir La lumière dessine l’ombre de toi frayeur des vagues La mer recule encore le varech trace les mots D’une langue que tu révèles du bout de ton pied nu Parfois c’est une étrille qui panique sur le sable La pétole somnolente Hante triste la perspective Et de Larmor Jusqu’à Lomener Tu marches d’un pas Si contraire au lointain Que l’Horizon Bascule dans la nuit On ignore tes errances mais le lendemain matin La plage de Locqueltas t’exhibe au soleil d’est Tu t’allonges bras en croix perdue dans le souvenir Des murs blancs qui s’égaillent aux rivages de Port Louis C’est là que tu m’appelles mon portable sonne c’est toi Je décroche une seconde meurt tu dis dans un souffle "J’irais bien voir la mer écouter les gens se taire" - 18 - L’envolée Alors comme ça poème sans accrocs ni faits diVers sans ma vie réelle ni l’heure capricieuse bof L’amour au temps du web foin du lyrisme j’avive Dans chaque alexandrin l’instant qui au soleil Brille d’un éclat de verre oublié sur la plage De l’anse du Stole j’aperçois la digue où je compte Absous du chant D’une strophe sans chair Les pieds des femmes Si on s’évaDe oui on s’inspire De l’immédiat Une illusion D’histoires qui nous promènent C’est pour le quotidien au nord du Morbihan Une marée d’équinoxe le windsurfer ce brave Comme les mouettes au vol prompt qui s’amusent des vents d’ouest Ou l’écume des brisants les feux de Port Tudy Du sentier de Kerroc’h aux clichés de Céline L’univers est plus vaste qu’une ligne transatlantique Ou c’est un mot qu’envole la dépression d’Islande - 19 - La relancée Moi je ne sais plus ton lac plat comme un purgatoire Les galets sonores au pas d’un couple qu’attend la faim D’amour si l’horizon du gris d’écorce aux chairs Roses de vos baisers ose l’éclat de cuivre mais rien Que ta silhouette se fige d’un bleu crépusculaire Sur la berge est-ce ton rire qui d’ondes brouille le miroir C’est un lundi Le soleil pâle copie Soulage les arbres Ciel de Toussaint Dans la pierre d’œil On n’entend rien Ni la vague morne Du lac Léman Mais à mille kilomètres sur la pointe de Kerroc’h Comme je relance un leurre dans les creux de la houle Je repense à ta lettre tâchée de cette lumière D’une fin de jour solaire de ton choix d’être absente Ou plutôt de ne rien choisir l’amour des marges Ni bar ni lieu je rentre le crachin camisole Sur le sentier je croise une femme qui se retourne - 20 - L’arrachée Voudrais-je les averses le gris du ciel ensemble Les pluies qui n’ont de cesse la nuit glissant velours Sans bruit derrière la vitre d’une noire lenteur pour fondre L’ultime mois de lumière priant rouille la forêt De Brocéliande l’hiver le vent referme les portes Un dimanche changer d’heure pour la rétine d’hiver Ciel mine de plomb Un arbre dessine Lui-même le trait Rauque des racines Plus d’un soupçon Sous le nuage S’il crève ce jour On mouille une page Familles en ciré jaune sur la plage de Guidel Se courbant bottes de pluie sur le sable marée basse Coques et tellines couteaux l’océan d’une blessure Faveur d’une dernière lune se retire jusqu’aux roches Qu’on imagine dos d’orques là qu’un jour d’équinoxe Tu trouvas une main blanche posée sur le varech La mer l’avait rendue sans l’âme de l’inconnu - 21 - La repue Tard octobre boude un diable un bouc noir à longue barbe Les cornes couleur de terre et dans l’œil de bile fou Un trait sombre de vipère il pue le poil s’hérisse Sur le dos il nous mate pointe du Talud ciel bleu L’océan étincelle derrière le pré qu’il broute On l’invite mais une chaîne le retient dans sa rogne La tourelle du Grasu D’un faisceau épris Vois qui s’échoue Aux roches salies Déjà le bois flambe Près du blockhaus Débat des flammes Le démon rampe Sous l’herbe rase va lécher d’autres langues rêches de granit D’un pied en équilibre d’un rocher au suivant Jusqu’à baiser la houle long désœuvrement du large Et on se rit des morts tant que trépigne le bouc Le sabot est sans partage quand la terre est obscure On entend les étoiles vieillir et les filantes Ah mon dieu la nuit blanche repue des catastrophes - 22 - L’assoupie Un chat noir en maraude un matin de septembre Immobile sur le port teint d’ardoise ou de pluie Des entrées maritimes chante la voix matinale L’arrivée de l’automne et la mort en Irak Le président en déclin un air de Philip Glass Les souvenirs du si peu et qui sont persistances Je n’oublie rien Je te les donne Les sons mes ronces Je ne lâche rien Ni ta main ni Ton cœur l’épine De ton mystère Je ne lâche pas Ta main celle qui me souffle le sens d’une vague inverse Je voulais qu’on se perde comme pour un océan Au cœur d’une dépression avant de m’assoupir A Galway ou à Brest à quai les drisses déclament La cadence d’un avis de grand frais - ne tente rien Ne tente même pas la fuite sinon je bois des bières En comptant les nuages pas un ne te ressemble - 23 - La dérapée La lune noire quand je glisse d'un toit le pied dérape Les yeux franchissent la nuit un virage me désole Si j'en réchappe des morts vaincus des routes Je retrouverai une fille brune sous les peupliers Ombrageant les tennis où les balles jaunes résonnent C’est ici qu'un baiser deviendrait l'Atlantique Parce qu'une caresse Sous ta jupe blanche Réveille les pluies De nos arrières paroles Derrière le stade Je te connus Un soir de bal Et tu chantais Un tube à la mode ça you take my self control Tu auras tellement froid là-haut le paradis des chanteuses A noirci le soleil une fille à Larmor Plage La vie revient des vagues les étreintes nous enivrent Les tennismen s'absentent pour dépasser le siècle Mais l'écho de leurs balles révèle tous les étés Chutt tait mon amoureuse ma langue pour un baiser - 24 - L’enroulée Peut-être qu’une apparence ou l’écran de télé Suffisent-ils aux moindres vies mais Philip Glass s’entête Un dimanche de septembre une fille frappe à la porte Ulysse est dans sa main quand le piano isole Fatigue de l’océan je te sauverai là-bas Pour les mots qui s’agrègent quand on s’éloigne des terres De toi secrète De la peau cuivre Le sein pubère Et rose ta bouche A Kerguelen Tu rêves un homme Loin d’une histoire Entre parenthèses Et puis la vie entière avant qu’enfin je songe A l’effroi du granit à l’étoile passagère Tu seras mon amante les nocturnes en fragments Amoureuse des marées au plus lent crépuscule Bientôt nue prise des algues qui s’enroulent en caresses Visqueuses deviennent langues et si elles ouvrent l’émoi Tu t’abandonnes aux lascives moi voyeur sous la lune - 25 - La désunie L’homme court sur le ponton du port de Kernevel Le soleil un soldat se hisse sur notre Dame De la Clarté bien basse au cœur de Larmor Plage Une cloche sonne le granit tôt à Rocamadour Dans une chapelle obscure espèrent les ex-voto Que les marins crédules léguèrent à la Vierge Noire Bois d’os séchés Navires d’avant Gris de poussières Lueur du Lot Moi aussi j’y ai cru La légende contre la mort Las des falaises Qu’est-ce qu’on implore Les planches résonnent du pas des amis qui accourent Il a perdu sa main sectionnée par une drisse L’acier l’a désunie le vent panique au winch Coupure nette le sang gicle rouge sur le tourmentin Un temps il les observe ses doigts dans le roulis D’un geste je masque tes yeux je t’emporte avec moi Vers la plage où s’échouent les mains blanches des fiançailles - 26 - La retardée On n’en revient jamais fin août chaque bruit diffère L’oreille étouffe les rires des enfants sur la plage Ou le ciel rétrécit d’un bleu trouvant le pâle D’un proche automne j’entends le moteur de l’avion A la fin des vacances en diffus tremblement Il bougonne en retard jusqu’au soleil orange On s’allonge dans Les heures qui durent Un lent dimanche Las de paraître Encore une heure De perdu on Retarde d’un cœur Ou d’une parole Même l’océan même lui s’interdit la moindre vague La journée s’achève lasse nos ombres horizontales Une chauve souris annonce la fraîcheur de la nuit On rentre et les feuilles masquent noires le bleu crépuscule De la maison voisine les notes de Philip Glass Se dispersent entêtantes au lieu de la pénombre Je réalise soudain que nous sommes disparus - 27 - La volée La bruyère en tâche pourpre d’où pointent de longues épines Inamicales elles griffent les jambes pâles d’une errante Sur le chemin côtier tortueux plein soleil L’Atlantique en mille flashs aveuglants elle s’affole Ses longs bras hissent le ciel puis ses mains sont les yeux S’érige le Christ en croix à la pointe de Kerroc’h La terre calleuse Du sentier face A Groix flotte l’île D’un grand départ Une seconde elle Flotte elle entrevoit La rouille du Christ A deux pas du blockhaus Qui fut un poste de garde d’acier ses armatures Ont pareillement rouillé tu y promènes ton aile Tu ne peux rien revivre ni la guerre ni l’amant La foi est comme la houle dans les orbes deux prunelles Brillent et tu vois la lande le ciel de l’océan Le monde se tient debout avec toi le vent ta robe Acrylique légère vole tu es ta seule présence - 28 - La perdue Comme en dehors du vieux siècle un mari pérore Son pouvoir et ses terres sa femme ses collaboRateurs et ses marges soudain il cite Donatien Alphonse François de Sade dans un éclat de rire Tu le gifles entre deux coupes de champagne tu le gifles D’être à ce point conforme comme j’aime ton rire sauterelle Alors on file les Strokes A fond la caisse Dans ta caisse sur la route De Lomener Beach La plage du Pérello Cinq heures du mat On attend le Soleil tu parles d’ivresse Je te raconte Eva ses peurs ses doutes son père Le silence dans la bouche le mari sans la fièvre La vie qu'on perd en larmes de se perdre en regrets Demain dans une chambre seule en exhib sur Facebook Auprès d’hommes ralentis qui toujours disparaissent Vient l'aube enfin bleu clair l'océan soulève une Longue vague qui nous éteint si le baiser déflore - 29 - La vibrée Ne crois en rien diaphane au retour des plages Sous le voile lacéré un ciel de traîne où vibre Un avion du mois d’août invisible qui marmonne La rumeur estivale des cris d’enfants s’éloignent Le sable scintille au bronze de tes chevilles pardonne A celui qui t’observe moite sous la transparence Ne crois rien d’autre Que la fièvre une Fin en sueur En haut des marches Quand grince la porte Tu te tiens là Comme en offrande D’une main qui voit Lors tu t’imagines sage dans la psyché le tain S’écaille pour notre histoire il y a l’océan Que traversent nos désirs les reflets nous désignent Peut-être mieux que les vagues les voilà cristallines Au seuil de ton âme nue Larmor Plage le temps meurt Chaque jour à marée basse bientôt la bouche est close D’un amour immobile le soir mouillé d’une gorge - 30 - L’hésitée Elle n’attendait personne le sentier de rocaille Des espadrilles usées la démarche hésitante La main contre le soleil qui s’accroche au miroir De la tôle d’océan pas un brin d’air le large Dans l’horizon de brume rien ne vivrait sans toi Achevons d’un baiser la vibration d’été Au Courégant Comme deux ados La salicorne Au bout des lèvres Un peu de sel Craque sous nos langues On en salive Et la bouche brûle A la fenêtre qui baille la nuit tarde quand elle saigne D’un orange délavé sur les murs de la chambre Le rideau voile s’envole au vent du crépuscule Pas un corps ne s’effleure la main creuse le silence Pour le sein d’une patience je me retiens au souffle Rien ne bouge au balcon sauf la rumeur des vagues C’est curieux elles racontent le sable sous nos caresses - 31 - L’emprisonnée Là si près de la mer la prison de Ploemeur D’un gris cube angulaire qu’alentours veillent les chênes Sur la route de Larmor la sombre miséricorde Quand la nuit le poivrot s’auréole d’un volant Les mouettes ont l’œil macabre reluquant les barreaux Où j’imagine les mains qui se tendent vers les becs Il est tard au retour De cette boîte à Quéven Ah le Valentino Souris-tu sous la nuit Tu es belle balbutiante Ivre d’une mauvaise vodka Oups je freine au rond point Quand surgit un renard La prison au matin comme un château rouillé Quel cynique a figé un pauvre chalutier bleu Pile devant la centrale file mon amour nous sommes Libres j’accélère et roule sans mot jusqu’à Lomener Regarde moi dans l’aurore Pen-Men le phare s’éteint En un soupir mourant il est bientôt six heures Alors vite courons jusqu’à la plage du Pérello - 32 - L'éperdue Une garnison peureuse de maïs tourne le dos Aux rafales d’ouest des pluies comme des cordes dégoulinent Sur la route la noient même le pare brise est aveugle Toujours ces champs guerriers où les inflorescences Volent au vent dans l’attente des furies océanes Dernières preuves d’un été qui dérape au mois d’août Un jour dans la carrière De kaolin Tu te rappelles L’eau sur nos corps Et la blancheur des dunes Nous nous sommes embrassés C’était notre jardin D’Eden sous les averses J’aime la peau qui dessale après l’énième soupir La caresse au cœur battant avec les maïs Qui chialent tout ce qu’ils peuvent nous sommes d’avant les larmes Nés d’un soleil marin sans le regret d’une faute Commise dieu sait quand non c’est l’œil qui te lacère Mieux qu’une ronce l’interdit nous révèle l’avant-monde Dans le champ éperdu se rendorment les bas ventres - 33 - La détrempée Où d'une ville du passé tu domines les dimanches Muse de personne te dis-je à toi qui rêves l'étale D'une marée pour le temps immobile le nuage Noir comme la mine de plomb crache sur ta poitrine nue Lourd d'une France traversée une averse d'Atlantique Qu'aucune fenêtre n'empêche de te gifler l'ornière La fente d'un trait De langue rigole Pour les orages Brûlants d'été Et Sylvie d'elle Ecrit : « la femme Que j’aime la pluie Ne tombe pas sur elle » Comme on enfreint les règles quand détrempée la terre Exhale des parfums âcres un après de sueur L’amour au fond du jour quand d’or le soleil tombe Derrière la vitre salie ouais c’est dans la chaleur Qu’on oubliera d’aimer pour encore mieux s’aimer Puis toutes deux vous irez derrière le mur de pierres Marauder les framboises en abusant l’épeire - 34 - La parlée Et après d'un rien blanc d'horizon inutile derrière Groix Un rosé au Celtic l'excuse d'un égarement La nuit est meurtrière paraît-il au centre ville Des hordes celtes ou d'ailleurs de bières se saoulent La folle forcément là crie au port de plaisance N’est-elle qu’une pauvre sirène trop seule à marée basse Je la recueille un matin tôt Lui raconte ma double origine La Corse et l’Arménie Va donc savoir Pourquoi plus tard A Port Maria J'oublie le sang Dans la prunelle Bleue de la tenancière muet d'un horizon De ses lèvres anémones puis le banal échange L'arrivée des touristes la clémence du mois d'août Pour un peu j'oublierai les murs blancs de Port Louis Au soleil exposés sur l'autre berge de la rade On parle de poésie puis d'un crawl dans les vagues Des asphodèles d'Ulysse perdu en Morbihan - 35 - L’appartenue La lune recueille les vagues vous à l’abri des pins Les troncs comme furent nos corps les vents d’ouest les malmènent Sans pitié à minuit l’écorce sous l’ongle écaille L’envie d’une nuit prochaine toujours la plus belle nuit Serez-vous prisonnière à l’ancre à Fort Cigogne Oui dis-je entre vos baisers les langues savourent le sel Un mouillage aux Glénans Dans le clapot fin août Des miroirs de lune Viens si je t’appartiens Dit-elle aux ombres Un doigt chante l’aine Le sang désire La sueur en désordre Rien ne bouge dans l’humide plus rien nous sommes nos morts D’une extase la bouche bée un cri force le silence Qui nous laisse dans le froid d’un horizon promis Le hublot grand ouvert de la cabine on vit Bientôt je vous regarde comme jaillie d’un éclair Ou de l’hypnose d’un phare qui scintille pour le large Si je suis près de vous c’est pour entendre la mer - 36 - La promise La chair de l'un la faille de l'autre au nord couchant Alanguis allongés les ventres ouverts dehors Je t'aime dit-elle mais l'œil cause d'effroi sur le pubis L'âme sera là mon cœur où je me tiens en vigie Ici le dieu siège un dieu tapi sous les ronces Comme hier nous enfants au milieu des grandes herbes On se pardonne Soi-même l'ardeur Cruelle d'aimer Jouir de violence Il n'est d'absolu Maître au temps d'Eve Coquin d'Adam Qu'un seul murmure De toi sœur aux confins des forêts de chênes mortels Nous avons hésité au désir d'Atlantique Mais les murmures persistent comme les vagues en vérité On meurt dans un hôtel au bord de l'autoroute La vitesse est trop grande à la fin tu me gifles D'être en ce monde présent toi qui rêvais des gouffres Promise de l'aubépine le destin d'une épine - 37 - La piégée Par chance fille d'une ronce l'épine saigne son désir Elle y trouve en offrande un jeu de mûres sauvages Les mains d'encre s'abandonnent aux fruits noirs des chemins Des routes perdues je sais la cinglance qui dénude Au plus chaud du mois d'août la moiteur en lumière Dans l’auto Philip Glass épuise et nous désœuvre La main s'enfouit Au fond du piège Bruissant d'abeilles Griffée le soir Devinant l'heure D'un phare lointain Une vaste lueur Avant l'amour Ce rien de caresses pâles dans la pénombre velours La fenêtre brille dehors la nuit exhume l'averse Profonde la terre inspire ou est-ce l'écorchée ivre Du champagne un Vranken la flûte rosée l'appelle Encore j'approche mes lèvres je boirai ta souffrance La gourmandise d'été le parfum noir des mûres De toi j'envie la peur de sourire dans les ronces - 38 - La rougie A peine bleu délavé de la brume l'aube envieuse Le feuillage endormi d'un pommier qui s'absente Silence le chien nocturne s'est tu au bout des terres Je m'en souviens très bien malgré la nuit de chair Ma langue léchait le sel blanc cristal à tes lèvres Avant qu'un cri t'emporte au plus sombre de la lande Etendue morne Derrière la dune Quand je délivre Le vent ton corps Des herbes rougi Lent s'abandonne A l'insomnie Qui sera mienne Alors je couvre tes seins et le drap blanc respire Je reste là je regarde j'écoute la chambre le chien Ne sera plus qu'un souvenir au bord de l'océan Je m'y rends avant l'aube ma lèvre est une brûlure Rien qu'une vague la soulage encore de toi le sel La langue à marée basse n'en revient pas jamais D'éprouver l'amour aux extrêmes horizons - 39 - L'errée Grand Hôtel des Beaux Arts comme un hier d'errance La clé d'une chambre d'objet devient symbole d'une nuit Longue comme une aventure la nôtre New York Florence Vernosc Lyon Ploemeur et là-bas – en face - au New Yorker Neige d'un hiver glacial un polonais nous vend De la Gold Tequila elle sera notre magie Haute sur Downtown New York City une petite fille Blonde comme l'Ardèche Naîtra neuf mois plus tard A Lyon huitième en deux Mille un ce jour de vent D'une césarienne Unique au monde Ah et puis Lomener le présent et de mon manque De toi j'accroche une algue à l'histoire inachevée Tes mélanomes nos sommeils tes cils encore mouillés Quand tu plonges dans Sainte Croix en mars de nos amours En marge du raisonnable mais qu'importe nous sommes libres L'ombre des branches sur le mur au soleil qui décline Tu es loin mais je lis ta présence dans les doutes - 40 - La glissée Le toit je glisse toi seule comprends le jour de neige C'est à Lyon place Bellecour les flocons un orage Tu as peur et tu trembles nous sommes avant l'histoire Avant Sainte Croix son lac tu le défies en mars Et c'est pourquoi je t'aime d'un désir immédiat Qui s'éternise vingt ans jusqu'à Lomener la vie Le voyage l'aMour l'écart la Mer puis New York l'enfant D'une méduse à Leucate sur l'autoroute la tram Plus loin la Corse Et Roccapina La poésie éclate la mémoire nos dérives en nocturne Lyon déplore le chaos d'une âme qui se rassemble La mienne la presque mort n'en finit pas de trembler Comme toi ce premier jour sous la neige place Bellecour Sécheresse de Bauduen le lac pleure ses galets La fièvre de notre petite un jour de canicule Comment pourrais-je tarir les mots d'une existence - 41 - La divaguée O tu m’aimes mais pourquoi tu m’aimes moi qui tombe Du tilleul et des nues car ce soir trop d’alcool Le vin rouge tes mèches blondes volent sous le parasol Les jours baissent on le sent j’aime tes mèches blondes Je me répète mais c’est ça l’amour avant la peur Le danger l’âme frivole ne posséder personne Tu vois renonce Au cœur d’épines Nos corps divaguent Malgré les ronces Je serai vieux Un jour prochain Mes rêves d’Eros Au même ravin L’écriture solitaire dans cette chambre du Vivier A Lomener à la fin d’une tempête qui explose Sur les rochers de chair pour que les peaux s’écorchent Et après l’insomnie la baie s’ouvre aux naufrages Le sel étoile les vitres on se fume une Dunhill Je perdrai mon regard si je referme tes yeux Tu t’assois sur le lit et tu récites les vagues - 42 - La diluée La brume couleur de suie épaisse pour la dire dense L'œil s'habitue à fondre le ciel les gris à peine Plus sombre l'océan calme les cernes en somnolence Un long cargo se traîne comme un fantôme de silence Dans la rade de Lorient il découd le crachin Derrière le môle les mâts hissent d'éteints métronomes Le matin tôt Prises de brouillard Emergent d'un mot Les silhouettes de Larmor Questions aphones Qu'on étouffe on Relève le souffle D'attendre ils marchent Avec leurs parapluies on se demande pourquoi Tant elles sont fines les gouttes par milliers dans la bruine Pour ce décor opaque d'amour je me dilue Disparais dans les voiles des jours sans transparence Jamais las de Larmor Plage aux heures faussement fades C’est étrange quand vers Gâvres un feu rouge et vert brille Dans le flou étincelle la Tourelle des Trois Pierres - 43 - La ramenée Pas vu la péninsule de Bretagne suis trop proche Du granit et des chênes des marées du ressac Je n’ai aucune frontière si ce n’est le choix celte Se perdre dans la forêt ou toiser l’Amérique Magie des forêts ou tentation des falaises Je me tiens là au bord où jure le précipice En bas les vagues S’énervent hurlantes Le vent du large Ramène aux terres Du passé je Reste en équilibre Entre l’argoat la terre Et l’armor la mer Un dilemme où je pense le monde à hauteur d’hommes Pas un seul satellite juste le vent sur les joues Et la pointe de Kerroc’h quand fut l’impossible choix D’océan ou de bois plutôt s’en tenir là A ce bout de l’Europe qu’on dénomme Finistère Mais voilà je préfère les excès de nos langues Nous deux en discothèque et flirter dans la paille - 44 - La jalousée Avec toi plieuse d'herbes au bon soin du mois d'août Vainqueurs du pré jauni nos sueurs en rosée La chair qui s'égratigne le bas ventre au couchant Le soleil ocre dénoue l'étreinte détend les veines Peut-être l'ombre à l'orée le bosquet de chênes verts Ou bien le bleu si bleu qu'on endort les Boeing Les mains derrière La nuque en rêve D'un soir fini Orangé rose La fatigue tait Le seul oiseau Et le caprice Des hirondelles On s'adosse à l'ardeur d'un arbre encore d'été Les racines en marmonnent qu'assoiffe la terre calleuse Les mains dans la poussière le vent du crépuscule L'air du large l'océan proche après l'autre colline Au signe d'une étoile d'or ton gilet sur l'épaule Rentrons après la nuit sur le chemin côtier Dans un champ d'asphodèles on jalouserait la lune - 45 - La baptisée Un rase-motte d’hirondelles plus véloce qu’Iggy Pop Puis le silence des chats qu’endorment les escaliers De pierres grises la fraîcheur d’un blockhaus où tu signes Le béton granuleux d’une autre guerre elle s’appellerait Eva Figée dans la stupeur d’une beauté qu’on essouffle Désolé je m’efface pour l’été qu’on dédouble Morbihan d’herbes jaunies J’essaime les doutes Au hasard des marées Afin qu’on s’assoupisse Nus sous l’immense soleil Et puis tant pis tant mieux Si les ajoncs se rincent Les yeux qu’ils ont perdus Les joues qu’on soulagerait aux vents aux vies offertes Tu te souviendras à Guidel Plage d’une main morte La main blanche trouvée à marée basse sous les algues Mon amour tu es lasse de la pudeur des autres Un autre vol d’hirondelles fouette la torpeur du jour J’épuise sous de vieux chênes les divas amoureuses Si blondes dans la lumière qu’une forêt les baptise - 46 - La saillie La mer dans sa lenteur ainsi qu'une rime au loin Se relâche je me souviens les galets peseurs d'ordre S'il s'agit d'une couleur elle sera grise de fer Grise entre ciel et varech au front ce qu'il faut d'air Seules distraient le voyeur une mouette au lent survol Ou les vagues en dentelles berçant le sortilège Un tanker lie De vin à l'ancre Plombe devant l'île De Groix l'enclume Les bouées blanches Flottent nonchalantes Rondes comme des yeux De rougets morts Des lèvres j'entends la pluie ô sois donc fou l'ami Ecarte le pli de terre sous la racine saillante C'est toute la boue la chair qu'on arrache à la loi Dite loi en peur des vides alors qu'on se libère Aux abords des falaises il y a du vent dans l'âme Pour chacun de mes membres l'âme de ma vie charnelle Je l'éloigne de la croix qu'elle demeure ma personne - 47 - La jouie Ah si belle d'une ténèbre oublieuse bel émoi De ton corps entrouvert peau blanche griffée d'effroi Dans le blockhaus béton le granit de Kerroc’h Dressé contre les furies des vagues et toi dressée là Où un soldat nazi vit sa mort sous le feu Oui toi qu'on déshabille les seins perlés de rouille La mémoire s'effraie Grise sous le porche Poussière du peu Fuis pour qu’on s’en libère L'heure avilie Je l'attends sale Quand nulle lumière Pleure le dégoût La pénombre la plus crue est la dernière falaise Là c'est là que j'abîme les amours affligés Le cœur n'aime que la honte la joie du renégat Souffrir et se corrompre pour la beauté du vice La cinglance d'un poème rouge comme le coup de fouet Fuis lâche l'ombre et la peur nous sommes le muscle d'écart La soif avide des marges nos yeux seront immenses - 48 - L'ébisée Ralentis à Larmor sable brun à marée basse Une journée de juillet emmêlée de touristes Elle se retient au bar je l'espère d'un écart Mais c'est une parisienne qu'elle séduit d'un clin d'oeil Je m'absente une minute déjà loin du soleil Elles rejoignent la lumière où s'échine le rocher A découvert En taches violines Secret des algues Qu'un gosse sublime Un tee-shirt rouge Ses mains fouillent fouillent Une anémone Attend le sel Pas un qui ne patiente elles d'un amour frivole Allégé des baisers qu'on affleure le jour même La mer éclot les bouches les referme les envie Plus tard décline le bleu jusqu'au soir où s'ébisent Les rebords de la chair le repli d'une muqueuse Houle peut-être plainte ourlée c'est dans la chambre voisine Un été de ferveur qu'on sépare les averses - 49 - La salée On se tient aux aguets éclaireurs des vents d'ouest A la proue d'une vieille terre les tempêtes en pleine poire Les pluies sont de passage le crachin nos mystères Où la croix s'assombrit sur la route vers la lande Ah crucifié le pauvre même le dieu de granit Qu'on s'invente pour la nuit avant d'une fièvre pleuvoir Une terre de braise Durcie au sol Lave primitive Aux lèvres d'un peuple Mélancolie des soirs Râle des marais La vase la tourbe Soupirs d'une fée La légende par les pieds entre et renverse la chair Le champ du bout du monde désespère le galop Je ne suis plus du siècle ici l'océan clôt Les paroles inutiles on dresse les blocs de pierre Pour cette ombre de soi-même à l'abri des bourrasques Voilà voilà cette fille m'écoute depuis des heures Je radote je divague en tongs au Moulin Vert Je vide ma bière et je m’interroge sur la courbe De l’horizon d’un peintre nommé Haab Camon Ses terres d’avant les hommes l’esquisse du plus haut ciel Je cause je cause elle m’écoute et j’oublie la strophe Les vagues creusent mes tympans j'ai du sel sur la langue - 50 - La bleuie Un lendemain de juillet dans la chambre aux murs pâles Devenant bleue entre le soir et un bar de Kerroc’h J’achetais Ouest France t’ai vue puis un slow des Bee Gees Qui passe à la radio qu’est-ce qui me prend je t’invite Et les vieux loups de mer d’un œil inquiet nous lorgnent Tu n’étais plus le leurre des lèvres au bord des failles How deep is your Love is your love Tu m’as suivi Sans rien connaître Ni la lumière Crue du soleil Sous le grain cendre Ni diagonale l’averse Elle nous surprend soudaine sans réfléchir tu cours Le désir est comme ça et la chambre bleuit douce Quand mon souffle sur ta nuque pas trop près pas trop loin Sur le lit les draps froncent à l’envers des paroles Nos corps en un seul fondent et succombent fantômes Nous serons comme les plis disparus à nous-mêmes Passion caprice des pluies c’est en Bretagne qu’on s’aime - 51 - L'envahie Jetée nue vendredi dans une furie d'orties Comme nous enfants jouant à des jeux d'Amérique On court dans les grandes herbes et on vieillit sans peur Des folles urticantes des épines sanguinaires On atteint quarante ans pour pleurer l'horizon La marée la plus haute où il se déclare prince Pour des buissons T'en sortir sauve Rougie d'orties Et fière des ronces Des collines seins En solitude Tu attendras La mer ton roi Qui n'éteint pas l'amour comment le pourrait-il Le secret des douleurs il ne le dément guère Ni les herbes qui meurtrissent ni l'aspic sous la pierre Il a l'art du soleil sur les versants arides Mais surtout te marre pas s'il se tient à l'aplomb De toi nue idéale dans le pays sauvage Il envahit ton ventre peu après la lune rousse - 52 - La résolue Promenade de Port Maria ce matin en face Port Louis Pleure la mer éclatante l'oeil ne peut s'y résoudre Aveuglé de lumière s'il le peut il s'accroche Au seul clocher aux mâts les drapeaux de la plage En contre jour café crème une femme vante son profil L'ombre grise de mon stylo poursuit l'oeuvre des chapelles Je reconnais Le bris des vagues Relevées la veille Des vents violents Je n'irai pas Plus loin le large M'est interdit Ou je m'égare Des chapelles aux falaises les mêmes forêts obscures Courir dans les fougères à hauteur d'hommes cinglantes A rebours des nuages grossis d'averses des luttes Entre ciel et océan pour s'éventrer aux nuits Des gosses bleus de terreur qui devinèrent la fin Pieds nus sur le granit Finistère et après Je lâche un autre feuillet comme pour se perdre ailleurs - 53 - L’entraînée Tombe sur la dalle de pierres en rebellée des ronces Le bouquet de fleurs sèches s’embrouille dans tes cheveux Ou ne tombe pas encore tu attends l’heure qui gronde Tant d’ocre autour de toi me rappelle un été Au parfum d’herbes coupées les averses odorantes Ton appel en attente sur mon portable aveugle Mais rien ne sonne Je peins une femme La rêve en huile L’œil ma démence Mes lèvres de toi Mémoire d’absence La douleur pèse Plus d’une seconde La dernière fois au Vivier tu montes l’escalier L’imperméable trempé goutte sur chacune des marches Vent d’ouest enragé sur la plage de Port Fontaine Les vagues en rouleaux blancs d’écume nargue le granit Tu m’entraînes vers l’hôtel et je suis dans ton ombre Inécrits sur le drap on s’aime dans la tempête Un baiser ordinaire à l’abandon charnel - 54 - La vieillie J’étais un punk gamin dans ma campagne de rien On sautait à pieds joints on voulait se faire mal Ca criait comme un râle rien à foutre des paillettes De l’école du boulot je dérive loin des mers Après j’ai l’âge d’une pierre jetée en soixante quatre Mille neuf cent soixante quatre un écho sans lumière La pluie déverse Un siècle encore Mes rides accusent La vaine époque J’écoute la rage De mes dehors Mi deux mille dix En mémoire creuse Sur la digue de Lomener les plus folles déferlantes Explosent en jets d’écume visant le ciel les dieux Morts pas de quoi frimer au Moulin Vert je lève Ma chope de bière aux femmes épouses de mes désordres Un breton pur souche l’œil bleu me mate de travers C’est mon anniversaire lui dis-je pour un mensonge Et je n’ai plus d’attaches plus de port où vieillir - 55 - La frémie L’eucalyptus s’écaille mue jaune rouille sous l’écorce Tombés en lambeaux secs sur l’herbe éparpillés Le hamac se balance aux humeurs de mon livre Des oiseaux se fatiguent dans le parfum des haies L’été même en Bretagne exacerbe le moindre mot Comme ça d’un tronc à l’autre en journées paresseuses Nos feuilles d’hier En fuite lointaines Nos soliloques invitent L’épeire du seuil Je dors sous elle Dernier amour Si je l’effeuille J’ouvre ses prunelles L’araignée n’en a cure de ma paresse abrupte De mes yeux clos sous l’arbre en rêvant les orages Tes premières confidences les règles douloureuses La pilule en cachette l’amoureux décevant Sur son scooter en larmes de te perdre en été Je te raconte Susan la fille de Savannah Sous le hangar d’une nuit je me repense en elle - 56 - La rendue Elle était grise de fourrure dans la main minuscule Groggy sur la terrasse affolement des poumons Son corps fragile qui tremble il faut qu'on la protège Lui redonner la vie mise en danger dans l'herbe On s'agite on panique vite une boite en carton Quelques trous sur le couvercle une biscotte pour survivre Souricette qu'elle S'appelle petiote La musaraigne Q'un chat le nôtre Chasseur tenace La veille chopa Un vrai tueur De p'tite souris Mais une journée plus tard mort de notre souricette Un soleil éclatant la petite fille en pleurs Alors on ferme la boite du scotch prières d'enfant La rendre à l'océan posée à marée basse Sur un lit douillet d'algues nous sommes là tous les trois C'est une bestiole de rien nous n'sommes rien soyons tout Nous aussi enfants d'un chant révolutionnaire - 57 - L’attendue Ce n’est rien de le dire la danse jusqu’à minuit Les verres au Liberty on boit des gin tonic Quand elle me raccompagne je veux à Kerguelen Mes mains remontant sa robe ses seins qui creusent mes paumes Sous les pins chant des vagues la lune signe un sillage Une nuit calme rien n’empêche l’amour sous les étoiles Comme un frisson Hier ta main Traçait une ligne Creuse dans mon dos J’irai sous l’arbre Attendre la faim De toi ouverte Sous le ciel noir Je serai son amant le premier sortilège Les caresses en silence épiées d’un lointain phare Le froid pour nous étreindre mais nus en nos ébats Seuls nus et enlacés jusqu’à l’aube à Ker-Mor L’eucalyptus frémit je retomberai sur elle Mon corps sera mon ange aux lueurs bleues d’avant Le sommeil loin de toi qui repenseras la pluie - 58 - La disparue Plusieurs rais de lumière sur le ventre la photo Commune des jalousies filtrant le jour dehors Alanguie sur la chaise presque saoule de ce vin noir Epais bu au Celtic elle noire jusqu’à la queue De cheval elle resserre l’étreinte sors-moi dit-elle A mon torse en sursis je m’enivre en sueur J’ai bu ton vin Pour tes attentes Pivote vers moi La paupière d’encre D’une lèvre on saigne Devant Larmor Plage mais qu’importe A moi maintenant Tu t’es enfoui en moi j’étais seule dans mes caprices Je voulais me donner à ce gentil notaire Mais tu étais déjà là j’éprouvais l’envie De toi d’un seul sourire jusqu’aux après-midis La patience d'une parole de nous j'aime les détails J’éponge ta bouche nos lèvres je suis folle d’un supplice On s’oublie en cadence je m’endors sur tes mots - 59 - L'interdie Il fallut cette caresse nos extrêmes qui s'effleurent Juste nos doigts en contact le trouble sur le parking Mais je nous interdis ce désir ou je cède Oui après tout je dis le souffle qu'expirent tes lèvres Ton haleine et tes larmes le soupir de jeunesse Timide j'embrasse l'odeur ton parfum à la pomme Le sable scintille D'une étoile morte Un cheval cuivre Au couchant trotte Si je t'écris Promets l'ardeur La passion seule Et le secret Je cherche à Pont Aven la peinture des absences Le paysage en désordre l'union des eaux contraires Je ne trouve qu'une copie sans ivresse sans la chair Prends donc une nectarine le jus coule entre tes seins Ma main dessine une langue et le parfum des fruits De retour à Ploemeur l'oeil se fend d'un mystère Tu es belle sur le marbre où décline le soleil - 60 - La surgie La pluie fine à l’aurore les pins gris dans la brume La main retarde d’une heure en ce samedi ardoise Un crème à Larmor Plage la mer est couleur cendre On discerne la presqu’île de Gâvres de l’autre côté Un voilier au moteur n’écrit rien qu’une lenteur Si je le suis distrait je m’égare dans la craie Je t’ai perdue Avant l’annonce Une nuit par terre D’une dépression Sur l'Atlantique Tu étais pâle A marée basse Fatigue des vagues Rien à faire le stylo n’a pas d’humeur au fond D’un bar en bord de mer où je lis dans Ouest France " Un Lorientais se noie hier à l’Ile de Groix " Sur le dossier d’une chaise un moineau courageux Guette un bout de croissant que je lui abandonne Il est bientôt neuf heures quand surgit une joggeuse Je l’écris pour l’urgence en mémoire du crachin - 61 - La décroisée Sur la route de Ploemeur sa Ford traverse les champs Les moissonneuses batteuses dans la poussière des blés Toutes les fenêtres aux vents aux courants d’air Aux parfums de cambrousse la chevelure s’affole Elle roule vite paraît-il trop vite lui souffle l’amant Des mèches blondes dans la bouche les yeux pleurent de vitesse Car les Black Crowes Roulent avec elle Et elle hurle avec eux Qu’elle veut revoir son mec Elle le rejoinDra dans sa Corse Roccapina Où tint leur ancre Sur la terrasse à l’ouest là penchée lit Cassandre Un poème de Baudelaire pour le bac de français Ce sera bien l’été les journées qui s’allongent Les mille premiers touristes qu’on croise sur la promenade De Port Maria elle est belle de ses robes légères Dans les bars elle sourit aux hommes qui n’oseront guère Elle décroisera ses jambes pour les aventuriers - 62 - La frôlée En fin de vie la vague la dernière vague du soir Etends la mousse d'écume jusqu'à mes sandalettes Je m'allonge dans le sable mes coudes maintiennent le dos Je regarde loin des terres et c'est la voix de gorge Un chant de Victor Jara qu'emporte le ressac Mais pourquoi me souviens-je d'une révolte en révolte D'un océan Je me repose Seul à Larmor Quand la nuit frôle Le feu bâbord Rouge d'un voilier J'estime l'étoile Aux cimes des mâts Je me recule lentement la marée implacable Défait les traces de moi tant mieux il ne reste rien Ou trois mots avec l'algue ou la méduse mentie Gélatineuse beauté qu'on échoue sans une larme Et pourtant mon amour et pourtant elle fut l’ombre La dérive entre deux eaux la simagrée des fuites Si je meurs sur cette plage j’éteindrai les loupiotes - 63 - L’écriée Où va la jeune fille sous le silence inouï La mer s’est retirée le ciel décline les roses La brise fraîche sur l’épaule entre le jour et la nuit Ma main te promène nue tu voudrais la pudeur Je t’impose cette errance qui s’achève entre les roches Ne résiste plus à rien c’est inutile ton corps N’appartient plus A ce vieux siècle français Qui nous poursuit Ah les mains dépoussièrent Les placards et la langue Chaque marée nous enchante Crois-nous épuise les modes Pour n’être que toi La jeune fille va la lenteur sensible du désir Prends ton temps à l’ancre où s’arriment les amours J’insiste on peut aimer pour ne jouir qu’aux détours D’une unique rencontre on relâche les cordages lâche La ta bouche qu’elle s’ouvre aux caresses du grand large L’air plus d’air tes yeux pleurent pour naître sous les bourrasques La terre bascule le monde se vide on n’a plus peur - 64 - Le détrempée Raconte le commercial grisé comme une gousse d’ail Qui déballe un avenir si propre qu’une mouette ricane Sur le port de plaisance les drisses tapent contre les mâts Ouest bon pour le grand frais il fait sombre à six heures La pluie pourchasse l’amant rafale bourrasque ça pisse Sur les costumes marine la cravate dans ton poing Le mec à terre Chemise en berne A genoux gars Cries-tu au seuil La baffe le fout En l’air l’averse Détrempe le Quai des Indes Où tu le traines J’aime comme tu l’abandonnes au bon soin des marées A Kernevel plus tard quand tu refermes les yeux La cuirasse noire des U-Boote hante la rade de Lorient Un voilier part en fuite avec son tourmentin On s’ennuie d’une époque à la mémoire stérile Alors on vient là comme toi respirer l’Atlantique Pour l’émoi d’une tempête les lèvres virent à l’écume - 65 - La dérobée C’est juste un regard pour la petite mer de Gâvres On emprunte la navette jusqu’au port de Lorient Je me tais dans l’attente je suis dans son foulard Ses cheveux de l’autre vent sa nuque déjà dolente Pour ne rien savoir d’elle je renverse le sillage Le batobus accoste sur le quai ses chevilles Deviennent la ville Pas une seule chance Son pas décide D’une apparence A l’heure postale Port de plaisance Seul au Sancerre Je pense revoir La passagère le pli de sa chemise violette Les détails s’entrechoquent la paupière fardée pourpre Se clôt en signe d’adieu non ce soir à Port Louis Dans la fente de ses bouches je bouleverserai les fluides La langue sera l’humide lumière de la lagune Je parcours la presqu’île des jours en quête de signes Mais l’idéale maîtresse se dérobe aux frontières - 66 - La rencontrée Un soir j’ai rencontré dit-elle une fille au bar J’étais belle de nulle part nous avons bu un verre Dans la bruyante obscure avec des mecs autour Ils nous mataient j’étais forte personne ne l’approcherait A part moi qui l’aimait déjà d’un chant désolé Elle devint dans ma cave une autre photographie Je suis comme ça Dans un pub ou Là à Lomener Folle sur la digue Ivre d’océan Et de whisky Elle délire sur la main Perdue d’un pauvre skipper Je la shoote et l’entraîne sur le chemin côtier Entre les plages de Port Fontaine et du Pérello Dans le granit une crique sous le tonnerre des vagues On y descend par un escalier là ça gronde Comme dans le coeur des machines hurlantes d’un paquebot Son sourire me défie je repense au poète A l’épreuve d’une averse je nais avant la foudre - 67 - L'obéie Tu retrouveras tes mots dans les mots de mes nuits Un peu gênée semble-t-il d'une attention lointaine Je te remercie... d'être là... quelque part ou ailleurs Si l'océan te manque fuis les terres et l'enfance Pour traverser la France sur un fil d'écriture A Nantes remonte la route puis file jusqu'à Lorient Passe Casino Et le bowling Larmor Plage Avant le rond point Je t’attendrai En terrasse un Gascogne Au Moulin Vert Pour écrire sur mes doigts Sur la digue nous fumons des cigarettes menthol Pendant que tu racontes des histoires d’autoroute Un ami pêcheur de maquereaux passe et nous dit V’nez au bal danser sur Sophie Ellis Bextor C'est comme ça le tonnerre une fille sur le dance floor Ou ailleurs ou à Genève l'attente au bout des mondes Importera tellement peu sous la croix de granit - 68 - La fuie Ma mère une fois encore me raconte le Luger De ce soldat allemand bien plus vrai que la mort Le maquisard ton père il est où dit le boche Sous les pommiers rit-elle au nez d’une enfance morne La fuite dans les fougères où nous jouons la scène Je suis tombé sur toi premiers bisous des gosses De cette mémoire Enfuie des guerres J’évite l’histoire Nous qui fûmes chair Mais elle radote Si on s’échappe On change de siècle Et d’une guerre à l’envers Elle pose nue dans l’orbe d’un blockhaus éventré Le lichen la rouille le sel ils le rêvent immortels D’autres clichés défigurent le temps de la dépouille Toi tu prends les photos la fille est incertaine Bientôt elle te questionne sur les blocs de béton Evasive en amour tu emportes les paupières Là où fut le guetteur s’enlacèrent vos silhouettes - 69 - La déferlée Je ne connais pas l’île je l'aime sans l'avoir vue Soumise aux fouets des vents d’ouest qui mordent mon visage Vous racontez si loin des vagues et des écueils J'aime la métamorphose de vos mots en rupture Ravie à l’heure des limbes je vous l’ai déjà dit Peu importe les marées d’une vie un peu en vrac Tu pleures un père Sous la parole La boue inspire Le terrain vague Pluies incessantes A l’Ile de Sein Là-bas déchantent Nos origines Le phare d’Ar-Men défie tous les soleils couchants Les déferlantes salivent le long de la vigie C’est l’enfer des enfers nous confie un gardien Tu l’écoutes et tu pleures sur une photo perdue Elle s’appelle l’impossible pour un passé éteint Nous marchons sur la digue au mépris de la houle Personne sur l’Atlantique où s’épuise le divin - 70 - La livrée La journée s’étire jusqu’à Sein un monde avant Ar-Men Au loin le phare perdu exalte un océan Plus immense que nos peurs sur la terre jamais ronde On chute de l’autre côté pas mieux qu’Adam et Eve Alors aux cris des vents l’île sur la mer d’Iroise Sera la parenthèse des amants éternels La baie d’Audierne La pointe du Raz Phare de la Vieille Les mots nous parlent Nous serons seuls Au soleil sang Avant Ar-Men Chagrin d’étoile Les murets de granit racontent notre abandon Ecroulés sous les ronces ils livrent aux déferlantes Une petite histoire d’hommes qui s’affranchissent des vagues C’est là où je t’emmène contre la fougue des embruns Dans cette maison noircie sourde de nos commencements Je déblatère sur la Corse d’un arrière grand-père Que je n’ai pas connu l’île du premier soleil Je déroule une vie comme ça je bavarde j’oublie Les heures et ton sommeil Sein au dernier couchant Le soleil tourne une page l’obscurité nous gagne Dans l’île où on s’isole je réveille mes révoltes - 71 - La patientée C’est sur nos oreillers les proies d’une matinale Qu’un soleil trace les angles de nos amours intimes Le miroir divertit l'instant de notre absence L’éclat de la lumière danse sur les plis du lit Avant de refléter là où tu fus regard Pourquoi je me retourne j’aperçois nos sueurs D’une nuit rebelle Nos sommeils tardent Poussières d’une nuit La trace d’une plume Je porte le sel Où tes lèvres pleurent De nos plaisirs Revenus des apparences Chut dis-je après la griffe la chute est dans le noir La pièce close des parfums qu’exhalent les corps douteux Je t’attends cet été puisqu’un lit est défait Nos mains où je saurai donner l’ordre d’une terreur Qu’on mendie aux rencontres dans le secret d’une chambre Viens approche l’océan patientes sont mes fenêtres Elles s’ouvrent à la tempête des heures qu’on aimera lentes - 72 - La clamée L’image déclenche le mot comme ce matin la vague On s’assied au Talud sur un banc face à Groix L’Océan gronde en maître et toi tu plisses les yeux Parce qu’un dieu importe peu quand nous sommes le silence Le ressac impressionne d’un vacarme gris turquoise Je te revois courir jusqu’à la bave d’écume L’eau est glacée Mais une née celte Ou toi d’Ardèche Fière la nageuse Je te rejoins Houle d’Atlantique Puis sur le dos Du berceur d’Hommes On rêve de solitude la peau saisie de froid Fouettés d’un parfum d’algues on égare l’horizon Où derrière paraît-il promettent les plages d’Espagne Bien plus qu’une Amérique pour des rêves épuisés Sacrifice d’une marée nous sommes nus jusqu’aux mains Il n’est pas de clameur au pays de Bretagne Je sais la Terre si plate qu’on tombe après le large - 73 - La déambulée Une promenade rue de Siam le même plaisir à Brest Les averses en souvenir comme ce lundi est bleu Lumière d’avant le large alors j’ai tout le temps Chaussée en travaux c’est le tram grogne le flic Garez-vous sur une voie parallèle bon d’accord Bleu ciel soleil intense sur Brest même ce jour là Rappelle-toi BarBara il pleut sans cesse On se souvient Du groupe Marquis de Sade Je n’ai rien d’autre On déambule Je n’ai croisé personne Après la rue de Siam Je n’attends rien d’une ville l’océan nous soulage Au comptoir un poivrot raconte l’histoire d’une pute En bas le clapot brille sa frimousse hante le port Les marins slaves desserrent les mâchoires à son heure Elle sous les grues orange ou à l’ombre des tankers Prise entre deux containers et les mains de diesel Les dockers rêvent au port d’une femme à la dérive - 74 - La plue Serons nous privés d’œil le jour d’après dis moi Le soleil nous aveugle davantage s’il se cache Derrière le voile des hauts nuages qui se déchirent Comme toi avant la pluie puisqu’elle viendra c’est sûr Derrière la baie vitrée les mots de la lenteur Et la suivante une goutte puis une autre fascine L’herbe est coupée L’odeur entête Les foins la terre Premier été Je vis j’écris De ne rien perdre Je chasse les merles Voleurs de fruits Ils ne nous ont laissé aucune cerise sur l’arbre Qu’un cimetière de noyaux pour des guêpes qu’on affole Entre les troncs se balance un hamac où j’endors La lecture d’un recueil les ébats de la veille L’eucalyptus s’égaie du vent de l’Atlantique Vent d’ouest c’est sûr la pluie alors j’interroge l’œil Le promeneur du ressac clôt les dieux d’une paupière - 75 - L'échue Il faudra d’un rêve enfreint comme une méduse dérive S’imaginer une fin puisque l’écriture se tait Un jour de vent léger jusqu’au sable où mourir Un temps puis on s’éveille on se rapproche d’être froid Au matin dans nos nus que la belle main étonne Toi et moi d’un rivage à revivre inconnu J’ai peur des chiens Reviens m’entendre Il n’est pas tard Au sort des rames La cave humide Je ne lâche pas Tes poignets ni Le crochet noir La petite mer de Gâvres il n’y a plus de sacre L’océan rompt le pacte nous sommes de nous la rive La peur tremble à l’épreuve de la vieille innocence Et pourtant nous serons si neufs échus des chambres Rejetés au creux des vagues on invente l’univers D’une passion hors des villes – ah il n’y a plus de saints Entre nous plus de remords – la mer monte à l’heure dite - 76 - La déliée Il y a un héros sorti de notre enfance Pour te délier du maître le mot d’amour suffit Ton émoi de profil fragments d’écorchée vive Tu es la femme de sel tu fus la fille des sols Quand aux creux des tempêtes je souffle jusqu’à Genève La passion de Larmor enfreint l’heure impossible Au sang des roses Meurs d’une épine L’intime sentence A fleur de peau Ecoute Nick Cave Me réclames-tu Ou nage le crawl Au flanc des vagues Lente lente sera l’approche nos histoires de travers Sous la lumière en faille d’une forêt après l’aube Il faudrait l’ombre des terres un arbre pour nous unir Toi qui fus au poème l’insoumise de mes chutes Attends l’heure où seul compte le regard qu’on empierre Ce sera là le feu d'un mystère inouï La caresse des feuillages avant la mort des foudres - 77 - La gémie Une bague à tête de mort le buraliste l’observe Dunhill Menthol merci même les trois boucles d’oreilles L’intriguent oui six euros il me faut un café Crème à Couleur Café je peins Port Louis en face Une aquarelle éclair je voudrais vous perdre Femme des aubes incertaines voilà je ferme la porte Vous n’êtes pas sel Et moins la pluie hélas Au cri d’une gorge J’ai mordu mon enfer Vous hier soir Le lieu bégaie Las des hôtels Je vous étouffe Sous mon étreinte bandée la fente s’ouvre à l’envers Les poignets sont ma proie j’interroge les paupières Tremblantes de tous les nerfs bientôt lâchent les phalanges S’abandonnent les pliures à la marée gémie Quand les doigts se resserrent ma langue échoue le verbe Les branches de chair se crispent à l’extrême origine J’écroule dans la vertu une vague qui nous submerge - 78 - La voyagée Puis un jour à Pigalle on se libère des pluies Néons multicolores dans les flaques en éclairs Clignotants et phares blancs des voitures ralenties La rue mieux qu'un miroir pour la nuit lumineuse Aux abords des peep-shows les diables mandent les touristes Promesses de filles en soie des lèvres vénales et rouges Deux nuits sans toi Loin de Ploemeur L'écran d'Paris Où disparaître Paris n'est plus Déluge de fric Les visages rentrent Pâleur des Hommes L'autoroute file à l'ouest enfin le retour aux siens Banlieue d'urbains qu'on lâche Claude discute le désir Le Mans Rennes puis Lorient je conduis à centre trente Non dis-je il n'y a pas de manque dans le désir Du foot à la radio qu'on suit comme deux idiots Un nuage gris s'étonne pluie fine sur le pare brise Le voyage qu'on enchante des femmes qu’on imagine - 79 - La leurrée De la sinistre Corrèze à Lorient face au large Une longère en Bretagne où se raconte Suzanne La fillette terrifiée sur le tertre de Ploemeur Vit les bombes des alliés détruire noir après noir Les immeubles de sa ville - soixante six ans donc - j’aime Inventer les sources de l’océan à Lorient Bien d’autres marins Les dits navigateurs Dans les noces du grand large Je suis né dans l’après Guerre mon arrière grand-père Le désert de Syrie L’Arménie en mémoire Nous fûmes saufs du Déluge Les mots traversent l’histoire et tremblent à notre amour Les jours seraient muets sans la mémoire opaque Suzanne raconte le feu et tu devines un amant Derrière le noir et blanc d’une photo de mariage Notre maison au Guermeur une larme dérobe la nuit Pour une fois les draps taisent nos baisers nos caresses Nous écoutons les vagues leurrer le temps qui passe - 80 - L’errée Louange d’une nuit secrète tue aux béantes fenêtres Dans le jardin des soifs les fruitiers bien trop mûrs Même les guêpes en raffolent dès les premières lueurs Et toi qui t’en effraies j’imagine sous l’écorce Ce qu’à la pénombre cèdent mes doigts sucrés de pulpe Phalanges pour célébrer ton plaisir où je mords Ne pas revenir Aux origines On reste vivre à Lorient Pour les ricochets d’étoiles sur la mer Je pense à toi Du plus lointain Le Quai des Indes Où j’espère mes voyages J’erre sur l’estran aujourd’hui à Lomener Les silhouettes des danseurs écrivent le sable je lis Là des fragments de verre qu’useront toujours les vagues Puis des restes de chaluts et la mémoire des arbres La rengaine du ressac éternelle jusqu’en rêve Et la nuit loin de tout je dévore une figue noire Sur les écailles brillantes d’la plage du Pérello - 81 - La détournée Elle sait le vil été aux regards qu’on détourne La sève des ifs odorante à force de passages Elle renverse le dégoût pour une après-midi Dans la lumière safran les herbes blondes de sécheresse Ecorchent la peau des jambes quand sur le sein aride De la colline elle s’assoit au soleil qui les gomme Pose la robe blanche La pupille caresse L’or des griffures Ton cou virgule La journée passe Ne redoute rien D’un désamour L’époux en Afghanistan La poussière sur la lande laisse un dernier répit Elles dévalèrent la pente jusqu’en bas le chemin Dans la voiture muettes elles lâchent les derniers mots Découvrir les talus la terre qui se calcine Elle lui parle de ses peurs dans les montagnes de sang A Caudric elle retire les épines de chardon Une à une la douleur sera une joie immense - 82 - La consolée Elle veut le calme mon ange le silence des soirs Les merles du cerisier à la flûte désinvolte Alors que la nuit bleue décolore la pénombre Après le mauve parfum de terre mêlé d’humide La fenêtre s’ouvre encore où s’aggravent les grillons J’allume une cigarette avant l’obscur d’un chien De ferme au loin L’écho la boit Elle a presque peur Du froid des champs Une mobylette Dérange nos rêves Si loin des vagues S’échoue l’épave Tu reviens noctambule au rivage de mes nuits Notre Dame de la Clarté déchante à Larmor Plage Je t’emmène au granit - dieu tonne dans la mémoire Le siècle déçu des bibles nous voilà d’ombres bénis Nous descendons au port chantant la rumeur sourde Un pêcheur d’anguille t’offre un verre d’épais vin noir L’œil nocturne se console sous ton ciré vinyle - 83 - La désoeuvrée Il y a bien du gris d’ouate jusqu’à l’Ile de Groix Les nuages couleur suie estompent la terre ardoise Mer lisse et désoeuvrante plombée d’un lent voilier Les hoquets du moteur n’annoncent aucune magie On flirte dans un blockhaus nazi aux fers rouillés Un cloaque de béton que délave le crachin Je pense la guerre C’était un boche Là fond le ciel Des ans flétris Ne résiste pas La main est folle Tes reins se creusent Pour mes histoires Toujours sur le chemin des rochers de Kerroc’h Où se lamentent les vagues aux humeurs masochistes Seul mon ongle sur ta nuque affole d’un frisson l’ange S’il est encore du lieu où nos chairs se dévorent Un brusque éclat de rire réveille l’envol d’une mouette A courir dans la lande au mépris des averses On aime le souffle rompu l’impatience d’un éclair - 84 - La souvenue Tu es aussi docile qu’une fleur de coquelicot Après-demain ou jamais le vent t’emporte ma belle Insoumise des chemins aucune herbe assez grande Ne freine tes échappées hormis les ajoncs secs Tu es libre des hôtels aux bords des autoroutes Là crèvent d’une poésie les amants de passage Je rêve d’un slow Nos étés brûlent Souviens-toi l’heure Quand s’échouent les méduses Danse avec sa sueur La bière immonde Plus comme avant Rien ne sera C’est un petit garçon qui écrase dans le sable Un crabe de la rocaille pour un peu je suis triste Sauf qu’une marée déroule le temps dit inlassable Le soleil brûle mon dos pour un somme sur la plage Du Pérello où joie tu racontes tes béguins Avec de beaux gars jetables l’amour toujours moins triste Puisqu’un seul et même corps amuse la terre entière - 85 - La fouettée Sous la transparence noire aux ordres de la voix mâle La nudité palie si légère dans les voiles Au signal les paupières déclinent en courant d'air Les mains pleurent dans le dos de mentir en silence Les cordes délient le sang elle attend le poème Regarde moi dans la nuit une bougie projette l'ombre De nos désirs D'océan viennent Le défi aux averses Et la vague qui nous somme De la rejoindre Après minuit Dans la mer enlacés Nus sous la pluie Ne crains pas le mystère de l'attente aux persiennes Elles filtrent certes la lumière mais aussi les secondes Qui séparent les amants chacun dans son écart Ecoute ma voix elle tombe en poussières pour une vague La chair de l'horizon rougit tu dis merci En un soupir mourant il est bientôt minuit Alors vite courons jusqu’à la plage du Pérello - 86 - La revenue Non je ne voulais pas au chemin de Kerroc’h De mon œil né des brumes ouvrir l’or des genêts Ni descendre jusqu’aux vagues le rocher de granit Te laisser derrière moi où le vent des Hommes La plupart marins morts chantres des pluies qui nous glacent Une femme t’offre une photo d’un mari jamais Revenu des terres australes Pleurant sépia Ses larmes ont la sécheresse De l’espoir vain Les Kerguelen Les grands fonds engloutissent Le mari le marin Qu’on aime sous-verre Et la photographie à reculons nous hante Tu reposes ton Leica entre les verres de cidre Les paupières rêvent l’amour qu’elles perdent à l’horizon Tu dis : « c’est si fragile qu’on attend une survie Elle frôle mes lèvres d’une éternelle patience Je les ouvre et le sel se devine en crissant Sur mon ventre où ta bouche réveille plus d’un secret » - 87 - L’embellie Le quartz rouge du réveil disperse les dernières heures De ma lente nuit près d’elle de nos corps en mélange Parfum ocre d’un ébat avant le sommeil suave La chaleur en mémoire de nos passions des rives Sous les draps son sommeil respire d’une vague à l’autre De ce lit je m’échappe au silence matinal Le café âcre Sous le ciel gris Aucune rumeur A Larmor Plage La mer aux anges L’oubli des cernes Notre enfance interdite On s’en libère Un vieux en loden plomb marche à rebours du vent Je l’admire disparaître sous l’ennui du crachin Tout est lent ce matin si lent des heures sans elle Rien ne déchante l’amour qu’aux désirs on révèle Mes pas à marée basse libèrent du sable les signes Une femme en ciré jaune m’enlace au gré des mots Elle faillit des vagues s’embellir de leur écume - 88 - La perdue J'ai ma part d'oeil qui s'oublie au plafond Dehors les averses effondrent le peu de silence C'est une nuit pour un seul homme d'insomnie Une porte claque une fenêtre le verre se brise Courir sous la pluie les pieds nus sur le bitume jusqu'à l'océan soulevé d'embruns et de hurleMents ô démon Qu'appeure le siècle Je danse les limbes En boîtes de nuit Qu'un résidu punk Du néon sort Plus qu'un néant De ruines bancaires Disparues les images de mon écran plasma Rien qui me rappelle les ondulations des vagues J'effraie les chiens sauvages qui seront chiens crevés Les marées délaissent les cadavres de mes amours Il est trois heures du matin je n'attends personne D'autre qu'une sirène sous les spotlights du night club Ses écailles étincellent pour un DJ charogne - 89 - L'échouée L'océan me rappelle le nord quand je l'éprouve En mai oui malgré mai et je lui donne mon corps Une autre vague me lèche les chevilles douloureuses Le mica illumine le sable Infimes fragments de verre acier Bon j'y vais en timide et tu shootes le nageur Ne plus rien dire La peau saisie Effroi des pores La vie est pure Deux puis cinq brasses La nuque raidie Si je reviens Tu es solaire Un soleil comme nul autre pareil en Morbihan Te voici en terreur de la méduse violette Echouée d'une dérive pour ton sommeil d'enfant Aucun monstre ne l'enlève à part nos créatures Tu sais la blonde en noir qui récite la démesure Nous sommes du quotidien la langue est obscène D'un poème né du jour forme l'image d'une tempête - 90 - La crachée A courir les fougères au lieu de nos nuits d'été Les joues que les branches giflent les crocs des ronces aux jambes Ainsi griffées des bois la passion qu'on essouffle C'est aux extrêmes de soi qu'on déchire son mensonge A l'arbre mort accouplés les mots deviennent crachats Nos salives et la sève la laitance et nos sucs Sous la trouée Clapot de lune Plus qu'un rivage Avant le sein A nos retours Est-ce le tonnerre qui gronde Rimes au sec Ruines d'alexandrins Assis sur l'escalier main dans la main silence Nos peignoirs parfumés cheveux encore humides Paroles tues sous l'étoile sous la paume tonne un cœur Comme un lointain orage qui meurt derrière les pins Un murmure puis tes lèvres ou les miennes en désordre Le bruit frôle la pénombre un deuxième chien aboie D'or l'éclair effraie l'heure où bientôt on s'abîme - 91 - La serrée Ce dimanche au soleil la plage du Pérello Ciel qu'avive la lumière et pas un souffle d'air Nos corps huilés parmi les serviettes où d'autres corps Se livrent en un clin d’oeil dont toi jouant des cuisses Ce matin si serrées sur le banc de l'église A l’épreuve d’un suaire meurt la bible des prières En attendant l'heure La Sainte au temps du web S’improvise en vitesse Les foules esseulent On préfère le sable fin Aux prières de granit Et pourtant et pourtant Nos vies nos mains s’aimèrent dans Notre Dame de Larmor C'est une nuit d'épaisseur pour une gorge domestique Une bête gémit dans l’herbe les champs n’ont plus de pierres Tes lèvres sont aveugles encore gercées de mer Bénis de l'Atlantique nous sommes absous des peurs Des croyances mortifères qu'on assèche au soleil A tant vivre la jouissance jusqu'au moisi des caves Pour nos amours qu'aucun n'empoussière - ô morsures - 92 - La jouée Une flaque que tu embrasses aux dénis de nos champs Herbes et fleurs blanches postillonnent le chemin de sable Les averses de la veille n’ont plus qu’un souvenir Au sentier que tu foules en coupable innocence Un souvenir d’eau croupie miroir d’avant les ronces Pour une si jeune femme chue à l’intime des forêts C’est une enfance lointaine Le père tait l’Arménie Les morts dans les déserts La Corse premier refuge Avant le Morbihan Je pédale jusqu’au port Un chant d’insectes Barnum des prés Je caresse ton mollet des années bien plus loin Un feu rouge hypnotise une époque à Larmor On sait la nudité sous l’embarras des arbres Et d’une telle urgence je réveille la mémoire Elle décampe dans les mots comme toi dans les herbes folles Soudain l’Atlantique est grandiose derrière Kerroc’h Avant qu’une seule bourrasque nous réveille sur la plage - 93 - La ventée On est pour nos instables en quête des échappées Là se trouvent les hasards et rien sur l’Ile de Groix Pour nos amours déchus d’être le sol en silence Je me souviens maintenant la fuite pour fuir la fuite Là le Trou du Tonnerre l’Atlantique en démence Qu’un vent se lève du chant où menace la falaise Mornes cargos Sous les brumes Chaleur bleue Où se noie l’île Mer si plane Nulle brise en l’heure Qu’un soleil D’où l’on meurt A toi qui ne crois plus au hasard de nos prés Deux corps ont la peur des oublis dans les grandes herbes L’océan peut gronder de nos timides baisers On n’entend plus que lui aux premiers feux des phares Ta main ou est-ce la mienne se libère d’un frisson Sous le ciel bleu du soir le vent d’un souffle enfin Envole tes cheveux blonds où l’enfer s’abandonne - 94 - La ravie On se dit que la vie n’a tenu qu’à un fil Une ruche où des abeilles non loin de Kergalan Une sibylle qui se perd à jamais sur la route Sans nom avec le poids de ces hier qui pèsent Au coucher d’un soleil sous le chant des oiseaux On dit : rien ne remplace l’amour de tes rousseurs Ce qu’une lumière Cuivre du soir Nous lègue d’instants La chance d’être là Au bout des mondes Je nous enchante Nos vies d’éclats Déclin des morts Si d’une larme je couche l’horizon Un œil si blanc aveugle derrière les pins A toi qui sous les cerisiers de ta blondeur Aimée offre ton sourire au-delà des terres Tu seras oui ma belle unique au non retour Des champs de mousserons aux plages de Sainte Lucie Ces mots ne sont qu’à toi ravie des crépuscules - 95 - L’attendue On aime les portables muets de nos appels La menace que rien n’arrive et l’attente feinte Ce téléphone qu’on guette d’un œil d’écaille Parfois seuls dans le reflet noir d’une vitre Consume la cigarette au bout des mondes Un doigt sur la lèvre inférieure sans doute Nuages ardoise Nos absences chères Il pleut sur le Golf de Guidel Silhouettes noires Elles marchent seules Pâle océan Tanker à l’ancre Le lit pourrait s’ouvrir à la nuit d’une volupté Un sommeil qui n’en est pas un à deux heures Du matin le vent siffle dans les trompes de la proche Forêt une fenêtre la regarde dans la peur si brusque Qu’on s’abandonne à la distance d’une main sur la table J’écris ce que les pins de Kergalan me dictent Histoire de t’aimer jusqu'aux creux des absences - 96 - L'obscurcie Et la lumière sous l'écume efface le nu Une vague puis une autre qu'un miroir déchante En bas noirs te voici jalouse de ton reflet Une photographie en noir et blanc nous délie du temps Tu jouais la femme dans une chambre d'hôtel ou d'ombres A la rumeur des marges délivrée des mots Loin l'océan Pour les failles Un jour nue De tes orages Sous la pluie D'été l'amour D'un baiser Lent des salives Il aura fallu que tu retardes l'image d'un contraste Mains sur les fesses ton pubis sous l'obscur Où rien que le désir mérite un jour de trembler Une nuit sous la nuit on libère la mémoire D'un Leica d'acier au hasard des murs de granit Je te le dis encore c'est dans l'usure de la beauté Oui use la beauté aux écorchures de ton regard - 97 - La méconnue C'est d'arbres dont elle se souvint dans le sillage D'arbres sous le vent aux courbures du ciel Mise à nu elle se lace aux troncs du vieux chant Les branches ces folles la fouettent sans relâche Elle crie mais le ressac étouffe la nuit A l'apogée des forêts où gisent nos insomnies Dans les terres les forêts Où vendredi Paroles des sangs Où s'avilir Revenante Des chairs posthumes Rien ne blesse plus Nos coeurs d'eaux sales Tu aimes toujours le mystère de la prochaine nuit C'est là où je t'emmène toi qui méconnais les lunes Pas même les scènes que j'ignore à nos orées De pur amour nos lendemains désespèrent les habitudes Nous nous égarons dans les discothèques des champs Où d'anciens tubes te déshabillent aux danseurs J'offre ton nombril où brille une étoile et l’enfance - 98 - L’absentée Une chambre d’hôtel la pénombre infidèle Les draps qui se souviennent l’écriture dans les plis L’oreiller que parfume encore le souvenir De nos corps qui s’aimèrent on ne veut plus rien rompre Les lampes de chevet qu’on oubliera d’éteindre Juste un mot d’encre et d’ombre que tu glisses dans un livre A Lomener Un hôtel blanc L’amour n’a peur Que des retours Le rendez-vous Des heures d’aprèsMidi n’effraie Plus On aime les plis des draps où se rappellent les larmes Ma langue mouille ton passage qui creuse le traversin On pleure d’aimer l’attente nos lèvres sont flammes de sel Lentes on s’ouvre l’une et l’autre d’une douleur qui éventre Puis cœur sur ton pubis je compte les heures cruelles Si je m’endors de toi tu partiras en silence C’est pour la pénombre qui reste en nous dis-tu - 99 - La dénudée Je ne sais plus rien de vos guerres intimes. Si lasse des jours d’oublis en Finistère Nord où la nuit vous poursuivez la nuit Pâle sous la robe de brume mousseline Vos amours au regret de l’océan Vous parient rebelle à l’ombre des tankers Fille d’un mystère Ou fée docile D’un baiser perle Le chant d’écueil J’aime la lune Et vos errances Je vous dénude Aux feux d’Ar-men Me faudra-t-il jusqu’à Larmor Ou ailleurs suivre la trace des aubes Allons marre du poème je vous enlace Sous le saule où je vous rends à l’extase L’aine murmure l’émoi de vos petites lèvres Qu’en patience je libère entre mes doigts Si roses les feuilles sous ma lippe amoureuse - 100 - L’éprise A la grâce d’une éclaircie vint le doute On s’égare sur le chemin des falaises Nos pieds nus qu’invite le sentier des marges Foulent désormais ce qu’aucune solitude N’éprouve mieux que nous ici la chair s’invente Une histoire qu’épellent les vents du large Rien du soupçon Ni la peur vierge Hante les vertiges Où s’aiment les corps Absence de l’oeil PhotographieT-elle la béance Des impossibles Jamais n’hésite la vie en équilibre Dans les herbes folles épris des averses Je m’ouvre en toi qui pleut allongée Si nue sous ma peau qui ruisselle De nous liquides Plus rien n’empêche tes cuisses d’ouvrir le ciel Aux corps la boue avant la fuite dans les bruyères - 101 - L’aspirée Ma sublime sous le sel tu deviens Plume quand un silence sous Ton aréole libère un souffle Au parfum d’une Dunhill à la vie Ephémère comme devraient l’être Nos amours nos amours nos amours Et dans la nuit Une cigarette La cendre luit Sur ton sein qu’exCite la braise Brille le téton Puisque ma langue Aspire tes algues Tu déclames quand nous engloutîmes L’océan au bord de tes lèvres Sous les morsures de l’amoureux L’anémone libère la violente brûlure Alors tu perds pied avant la lumière éteinte A l’écume qui lèche notre mémoire On abandonne nos dernières limites - 102 - La passée Pourquoi te parlerais-je de la mort Toi qui ne sais même pas qu’un corps Ce matin fut rendu par l’océan un Noyé couvert de nacre jusqu’aux mains Malheur des pouce-pied à la désespérante Solitude des écueils sous les ravages De nos vagues Jamais nul Ne s’éventre Pour renaître On affronte Le ciel bas Des jours et Des jours passent Au bar où j’épuise les plus forts Alcools mêlés de sucre et d’une multicolore Ivresse je tourne le dos à la tempête Pour te vanter ces longs jours de juin Qui sont chaque matin une nouvelle vie On dirait que nous ne cédons rien à l’ennui En chaque recoin de temps menace la merveille - 103 - La trainée Tard la nuit bien passé minuit S’ouvre ton troisième œil l’appareil Photo que tu prolonges d’une main Ta main qui déplie sur la route Une qui joue la catin au bon vouloir du pré Que ton flash scandalise aux très hautes herbes soumise Te voici Cours dans les phares Ton corps n’est plus Qu’un objet Abandonne La trainée de femme Qui subit l’homme Deviens lame là devant Port Maria Notre Dame de Larmor est basse Sous le granit des nuits blanches Elle est encore l’ombre – je l’en supplie Au retour jamais las des pêcheurs noctambules Les fleurs de lichen honorent jaunes sous la lune Le clocher de l’église qui fut la tour de guet D’un plaisir sourd tu tombes de l’aurore - 104 - L’appelée Un appel dès minuit où le sable Plein les yeux sous les larmes On court sur le chemin de Kerguelen Les étoiles transpercent les nuages Un épais ciel dépressif qui fronce Nos corps que saisit l’averse noire Mais la peur Etire ses ronces Jusqu’aux heures D’un chien fou Blanc d’effroi Qui accourt Sur la plage Où nous mentîmes On se réveille d’une tempête Accouchée de l’Atlantique Les branches de l’eucalyptus giflent Les vitres de la maison où dans la nuit On nous scrute comme en un miroir Nous sommes nus mon amour Et nous attendons l’inconnu aux abois - 105 - L’érigée Aux limites des blockhaus où penche L’amoureux niché là étranges Lumières dites vous quand vous dénudent Les mains qui du béton s’arrachent Les recoins borgnes qu’ignorent les phares Gémissent avec les chiens nocturnes Des lointaines Absences Baille la corne De brume La matinale Laiteuse Vous charme Aux heures pluvieuses Nos réveils en Bretagne Racontent la patience rebelle Des marées qui pour nos histoires D’amour chantent les vagues Puis vient l’heure paresseuse Aux peupliers qu’érige le siècle J’attache une courbe de soleil - 106 - L’émerveillée La nuit je m’empoisonne A la lueur de vos mensonges. Dans l’obscur j’ouvre les yeux A trois heures du matin je me décide enfin A vous rêver telle que vous fûtes Ma belle qui hulule Vous dire adieu Et c’est ma mort Vous mon seul amour Dans les aubes bleues Alors sur Facebook Je sème ces pierres Et l’âme seule en poupe En grand duc j’espère Quelle usure à l’oeuvre Nuit tant aux danseurs que nous fûmes C’est à l’aurore dites-vous rien ne vous émerveille Plus vos mensonges sont nos adieux Adieu adieu ADIEU aucun adieu Car je vous aime d’une vague Où s’abîment les orages - 107 - - 108 - Enfin les noms Le mot « Arménie » - Հայաստան - signifie probablement « Haut pays ». C’est un terme des plus vagues, appliqué d'une manière générale à toute la région des plateaux que couvre le doublecône de l'Ararat. Le phare d'Ar-Men (« le rocher » ou encore « la pierre » en breton) est un phare en mer construit entre 1867 et 1881 à l'extrémité de la Chaussée de Sein, à la pointe ouest de la Bretagne. Il porte le nom du rocher sur lequel il a été érigé. - 109 - - 110 - L’averse Elle est susceptible de pleurer sous l’éclair Je n'aime pas être là j’ai peur dis tu Comme hier de l’instinct des parallèles On s’éloigne depuis les orages de nuit Tu sais ces orages qui déchirent la colline La lumière sauvage l’effroi d’une pâleur Si tu pleures dans l’arbre foudroyé Je reviens encore vers toi Sans une larme pour l’avion de chasse Qui rature le ciel jusqu’au sang des nuages Fragile fragile la vie Et il y aura des fragments de verre dans notre vin Je le boirai à ta place Mes lèvres couleront sur ta bouche Avant l’averse - 111 - L’approche Et ce matin elle a pleuré Elle ignore si le texte si moi si elle sur elle Qui ne sait pas couper les liens Même ceux toxiques comme si le poison d’un amour Etait plus mortel que l’amour lui-même Alors si je lui donne mon souffle et la cadence Sans me lasser d’elle ni jamais ni maintenant Je l’accompagne sur la plage sans lumière Un soir d’ogre où elle marche vers les orages Les lambeaux d’un père dans la main sauvée des vagues Avant la forêt d’encre Je serre tes épaules Ne résiste plus A l’envie des algues Ni aux murmures des proches - 112 - Les portes Ce qu’on traîne dans l’humus la poupée cassée Ou lui qui fut un mannequin d’homme Dans la vitrine d’une avenue passante Je me souviens aussi tes amoureux en toc Ils ne comprennent rien au silence des arbres A la caresse d’une colline où jaunit le pré Ils sont là ils parlent mais la buse les toise Un jour tu n’es plus seule sous le soleil d’hiver Et tu danses une dernière fois avant de pâlir Pour l’effacement des leurres un feu dans la forêt Le jour s’éteint ou la nuit lente Les silhouettes sont comme des fantômes Tu trembles au signal du vieux chien Une fenêtre trahit la pénombre Tes mains épuisent les portes - 113 - Les lèvres Tu n’attends plus rien d’un amour coupable Ni les doutes ni les algues aucun ange sur la plage Tu lui dois la constance la mémoire jamais sauve Si au marché des liens au terme d’une longue errance La poissonnière avec son œil de verre T’indique le seul tanker qu’on meurtrit dans la rouille Délie la corde et la passion rugueuse Qu’il t’aime ou qu’il t’achève qu’importe Rien n’est plus ultime qu’un chant qu’on libère Ton chant sous les chênes qu’un baiser inspire Il est le compagnon fidèle Il est la patience dans l’insomnie Il attendra et si tu pars Rien n’afflige sinon le ciel infini Tu es l’oubli des lèvres - 114 - Le miroir Elle me surprend dans la brève pâleur le rose ditElle sa nudité brûle mon dos et je regarde L’ancienne ville dans l’aube terne matin ciment Le rose froid comme la baie vitrée où je me cale La brume efface le mauvais souvenir des immeubles On ne lit plus nos paroles dans la buée ni l’ardeur Il y a un corbeau sur la cheminée d’un toit Il est le signe de la béance ou la mort feinte Tant pis nous voilà nus il n’y a pas d’offense Au bout de la nuit qu’on annule dans l’étreinte Je sais que rien ne te protège Sous la pluie glaciale tu t’évanouis La robe rouge et le visage enfoui dans la tourbe Il me faudra d’une griffe sur ton épaule Signer le passage brûlant du miroir - 115 - Les barques Ne réponds rien au diable même si la mariée blanche Ralentit le pas quand c’est l’heure du phare Le faisceau lumière balaie le noir océan La nuit le champ de terre labourée où tu cours Et tes pieds nus se blessent aux cailloux de granit Fuis ma belle traverse les mares glacées les hivers Esquive la fin l’image de ton père et qui cingle A l’envers des gelées de cristal lui son fouet S’il marque la pâleur rappelle toi tu es l’histoire De celle qui était petite fille avant les ogres Nous serons comme les chairs de Lucian Freud Aux promesses des aurores et des secondes serviles Il sera bien assez tôt le jour tu des phares Je panse déjà tes blessures toi qui n’étais ni reine Ni muse j’attends le retour des barques silencieuses - 116 - Le vent Le miroir en image qu’on façonne à sa guise Tu restes vaincue des vagues au bon soin du vent d’ouest Debout sur la falaise même si le ciel de pierre Se fond dans l’Atlantique et tu brises le miroir Tu recolles les éclats les fragments qu’on égare Sans compter les mensonges la peur et les hommes fauves D’autres viennent briser le chant les arbres inconsolés A la toute fin tu es le labyrinthe l’amante Perdue le courant d’air qui lève soulève le voile De la fenêtre où tu n’es déjà plus va vole Tu es plus légère qu’un reflet si le soleil Décline dans la pudeur je veux pour un été Nos sueurs dans la gorge le sel d’un pré sali Nos corps meurtris on les encrasse dans la poussière Le désir de n’être plus jamais n’éveille le vent - 117 - Les eaux Une journée s’éternise dans l’horizon de brume Les peupliers n’ont plus rien d’amical un feu Agonise nauséabond au fond des marais On y brûle des pneus avant les prémices du soir Elle sans âge erre sur le solarium et la glace Blanche recouvre la piscine la vase mélancolique Dans le bois la même peur une tronçonneuse s’acharne Le peu de lumière s’échange à voix basse l’hiver Ne pardonne rien elle s’allume une clope sans une larme Pour l’aimé qui plongeait avec elle sous les vagues Elle se récite leurs baisers le soleil dans l’arbre Egarait les diamants de leur royaume d’été La plage ayant brillé à la fin du continent Emplis d’air et d’eux ils s’enlacèrent sous les eaux - 118 - L’hôtel J’éteins les montagnes les vallées noires sans fenêtre Le chemin sous la neige tes paupières me captivent L’attente ce vendredi pour l’aine et la membrane Le doute en mille remords cette femme dans le miroir Qui est toi pas une autre le portable te rappelle La tentation l’attente relire son SMS Le désir n’est plus le désir au fil des heures Il est tes pas dans la neige l’escalier tout meurt Derrière la porte des hôtels tout le cœur s’emballe Et la chambre est une fente tu seras la seule femme L’ombre des rideaux pèse les murs sont étroits Ils renferment le silence la main lente de l’amant Tes jambes se replient le bandeau compte les heures Combien combien de fuites tu seras ton reflet Dans l’écran de télé je ne t’oublie jamais - 119 - Les mûres Ta main dans les roncières n’a plus peur des abeilles Elle revient noire comme tes lèvres piquées d’une épine La goutte de sang je me la destine comme une fête Les mûres ont le parfum violine de nos amours Mais sur le chemin du retour une puis deux larmes Bleues de ton eye-liner je ne dis rien du maître Absolu que tu abandonnes à la sonnerie D’un téléphone qui s’interroge encore c’est con Réponds-tu ma douleur m’appartient si je l’échange Je la lègue à nos déserts aux nuits qu’on traverse Elle aime le silence de nos nuits blanches les draps tièdes Le lit défait qu’elle voudra prendre en photo Les lampes de chevet qu’on laisse allumées pâle Est le sommeil matinal on se donne enfin Le vent perdu qui n’aura plus besoin des anges - 120 - Le virage On n’apprivoise pas la forêt ni la renarde Que les chasseurs enclosent je rêve un rêve Où ils brûlent les rémanents au cœur de l’hiver Ils boivent du mauvais vin sous les arbres intranquilles Ils sont comme des soldats avant la guerre du sang Leurs dents jaunes leurs dents noires quand ils rient de la femme Toi qui née du ruisseau as trouvé dans les villes D’autres chasseurs d’autres menteurs qui te voudraient dociles Ils oublient l’animale l’éclair fauve folie rousse J’écoute la rivière car je ne veux pas d’une cage Tu as sur tes épaules la peau de la renarde Si je nous aime c’est dans les errances et les doutes La course vers les près immenses avant les falaises Au plus froid de décembre le verglas sur la route Nous ne savons plus rien de l’éternel virage - 121 - Le sable Au bas mot nulle étoile sous la nuit effroyable Rien que la lune si blanche qu’un œuf crève le dimanche Ah si j’arrête le monde c’est pour toi à Genève Et le lac Léman pleure Lausanne dernières lueurs Sur les rives j’ai perdu S. et Sylvie Caillet De Saint Clair de la Tour si quelqu’un la connaît Qu’il m’appelle et m’éveille l’insomnie est trop longue J’ai perdu toutes les femmes elle je l’appelais Sybille Un soir elle disparaît aux confins des mémoires Pas un mot du conteur je n’ai plus rien la nuit D’un geste on calme le vent on dort avant la plage Les vagues sont cristallines peu importe à minuit Si mes lèvres mordent tes lèvres je recherche ton extase S’il te plait vainc l’orage ta peur jouit sur le sable Arrache le peu de chair un phare cisaille la mer - 122 - La neige Bon sang comment savoir quelle montagne tu racontes La rambarde sur le vide et la neige pas grande chose Des seaux pour le champagne je me souviens de ta joie Est-ce le soir le matin la crête blanche de lumière Un soleil qui hésite sur le fil ça y est c’est l’aube On est bourrés enfin on cherche dans la poudreuse Notre chemin que des traces de bestioles tu te marres Comme à ton habitude sous le chalet des Russes Tu pisses et l’urine fume et moi aussi je pisse Tu dis mélangeons les comme les mômes et leur sang A toi qui fus si loin et moi qui n’osais pas Jamais la gêne ne tremble n’aura tremblé entre nous Tu sais les longues secondes avant que deux lèvres se frôlent Et pourtant là il neige et s’y impriment nos pas Si je t’avais suivie croirais tu à l’amour - 123 - Les arbres Le chant t’avait prévenue reste oh reste sur l’autoroute Une pause dans cette station tu aurais bu un coca Un homme peut être quel homme tu as franchi la rambarde N’égare pas tes chaussures dans la forêt ne tombe Pas dans le vide des arbres même quand s’agitent leurs branches Ils te matent le sais tu ils savent comment te perdre Il suffirait d’une souche le cœur bat sous l’écorce Ta cheville elle succombe l’œil d’un vieil orme en chiale Du coup la sève les branches toute la forêt se penche Sur toi qui cours déjà sans ton soulier bleu clair Un escargot l’explore et l’histoire s’arrête là Les plis des draps dessinent comme des vagues dans la chair Ta main sous l’oreiller une autre qui se retourne La chambre où je m’apaise ma main sur ton épaule Je veille depuis des siècles ces arbres qu’on a dits morts - 124 - Le temps Ho ho cet homme qui marche à petits pas la nuit Le feu sera toujours une vie supplémentaire J'entraîne une fille sous l'ongle elle rit à la lueur Des flammes que la mémoire en silence décolore Orange puis elle s'endort sur mon épaule j'écris Le temps qui meurt et l'homme il presse le pas la pluie Elle résonne sur l'ardoise tout finit mon amour Jusqu'au matin j'ai froid après je suis un mot Le jour dans la lumière on aura peur des masques Que l'errant abandonne maintenant qu'il s'éloigne Une fille un corps tout l'emporte même la langue devine La main qui creuse la terre dans le pré de poussière Le soleil n'en veut plus de nos chairs mises à nu Alors nous cherchons l'ombre dans un demi-sommeil Nous habitons l'arbre sec mort d'un orage d'été - 125 - La fenêtre Prie les buissons frissonnent à trois heures d'un matin Où la clarté lunaire d'un rond plein dans la nuit Maudit ceux qui sont vus qui d'une folle imprudence Se perdent dans le jardin épris des gelées d'anges Je ne t'entends presque pas toi qui repousses les draps Ni le grinçant parquet encore moins l'escalier Les marches qu'on exaspère se lamentent-elles des heures D'un frigo survivant d'une télé qui t'épuise Dans ta folie nocturne tu la provoques la lune Tant qu'à genoux tu pleures de vivre par les épines Mais l'autoroute s'est tue et je dors sous le deuil Je ne voudrais rien perdre pour la vie d'une fenêtre Je me tiens en mon noir je t'observe de la chambre Tu portes ma chemise blanche ma main recueille la vitre Froide les taillis s'entrouvrent j'aime te voir disparaître - 126 - L’étang Il y a cette canette de coca sur la berge On voudrait ne pas la voir comme avant la chute Quand là-haut parieuse des mots elle n’était que chair Sa peau vibrait comme une parole te souviens-tu La caresse épouvante ses lèvres la bouche aspire Nos doigts ça pourrait être une carpe dans les roseaux Un jour de bruine où elle marchait sur le ponton L’étang un miroir sous le gris du ciel austère Et la nuit même reflet que crois-tu qu’il arrive Bien avant l’aveugle à la surface des eaux mortes Nous les aimons ces femmes perdues pour les étangs Elles sont là mieux qu’une offrande sous le feu des langues Va va déchire tes fringues déshabille toi maintenant Ton corps ne sera plus qu’un corps soumis au fouet Des joncs ou des trainées tu sais le vent qui cingle - 127 - Les flammes Oh tu reviens me chercher dans la nuit n’aie crainte Tu étais sur cette plage avec moi un nouvel Horizon parce que c’est toujours comme ça tu vois Je continue ne t’éloigne pas trop please la vie La vie est brûlante sous la chair rien ne remplace La main qui dévisage et la douleur en larmes Je te le crie encore j’ai besoin de tes mots Pour qu’un seul de ces mots réveille la langue donne donne Le sang les nerfs le fou la mort le temps ta vie Donne ce qui s’écrira je m’éveille sous les flammes C’est un feu qui brûle tard au milieu de la lande Les nuages défilent bas comme des volutes de chair Blanche d’un geste je déchire la page tout disparaît Sauf toi dans le miroir qu’on a cloué au chêne Là mes paumes sur tes seins j’écroulerai les limites - 128 - La lande Où dans la lande Les racines blondes et aériennes Qu’un vent seul flagelle Ton regard qu’épouvante Les trous béants des ronces Où cours-tu Toi qui disparais encore Un effacement dans les mots Un silence au précipice des lèvres Le veuf de granit A pitié du chemin qui t’emporte Où dans quelle lande Tu t’effaces tu reviens Dans les rafales elles charrient les averses Le ciel sera sombre Il s’éventre à seize heures Quand les enfants ont les mains A l’abri sous le chocolat Regarde avant qu’une gomme Peluche sur la page qu’elle fuit ô quelle nuit Quand tu cours dans la lande Avant l’écueil tes amours chavirent Tes amants crient se noient Sous l’œil ovale De ton démon en sueur Le pas hésite La jambe à la croix Ne risque pas le sentier d’ombre Ecoute écoute ma musique - 129 - Elle t’entraine malgré la lande Vers la plage du Pérello Là j’y suis plus qu’une ombre Accroupi dans le sable L’ami des méduses Des os blancs de seiche Des cordages de marins étonnants D’une perdue qui sera toi Bientôt derrière la dune - 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