PARLEMENT EUROPÉEN
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PARLEMENT EUROPÉEN 2004 2009 Commission des pétitions 29.11.2007 COMMUNICATION AUX MEMBRES Objet: 1. Pétition n° 0277/2006, présentée par Vitor Chatinho, de nationalité portugaise, sur une allégation d’application défaillante des principes communautaires de libre circulation par les autorités portugaises Résumé de la pétition Le pétitionnaire prie le Parlement européen de bien vouloir vérifier dans quelle mesure la loi portugaise intitulée «Decreto Lei D.L. 264/93» est conforme aux principes communautaires de libre circulation des biens et des personnes. En vertu de cette loi, qui instaure notamment des restrictions à l’utilisation, au Portugal, de véhicules à moteur immatriculés à l’étranger, le pétitionnaire, domicilié au Portugal, ne peut conduire la voiture espagnole de son épouse, domiciliée en Espagne. De surcroît, l’intéressé n’est pas autorisé à conduire un véhicule de location espagnol au Portugal. 2. Recevabilité Déclarée recevable le 3 août 2006. La Commission a été invitée à fournir des informations (article 192, paragraphe 4, du règlement). 3. Réponse de la Commission, reçue le 10 octobre 2006. «Observations juridiques Encore une fois, il convient de rappeler qu’il n’existe aucune harmonisation à l’échelon européen dans le domaine des taxes d’immatriculation automobile. Par conséquent, les États membres sont libres de percevoir de telles taxes et de fixer le niveau qu’ils jugent adéquats1 1 Arrêt de la Cour du 11 décembre 1990 dans l’affaire C-47/88 Commission des Communautés européennes/Royaume de Danemark, Rec. 1990, p. I-04509, point 10. CM\699190FR.doc FR PE380.628v02-00 FR dans la mesure où le traité CE et, en particulier, ses articles 23, 25 et 90, qui interdisent respectivement le prélèvement de droits de douane ou taxes d’effet équivalent et une imposition interne discriminatoire entre les produits importés et nationaux, sont respectés. De même, dans l’état actuel du droit communautaire, un État membre est libre d’exiger qu’un véhicule automobile soit immatriculé sur son territoire si l’utilisateur a sa résidence normale dans l’État membre en question. Toutefois, cela doit être opéré dans le respect du traité CE1. En l’espèce, les restrictions imposées par le décret-loi “D.L. 264/93” sur l’utilisation, au Portugal, de véhicules immatriculés à l’étranger loués semblent poser un problème de compatibilité entre ledit décret-loi et l’article 49 du traité CE. Liberté de prestation de services aux termes de l’article 49 du traité CE et exigence d’immatriculation des véhicules Dans l’affaire Coevering, la Cour a ordonné que les États membres ne peuvent pas conserver une législation qui exige de leurs résidents le paiement intégral d’une taxe d’immatriculation sur les véhicules loués auprès de sociétés sises dans un autre État membre où les véhicules en question sont immatriculés, sans qu’il ne soit tenu compte de la période de location. De plus, la Cour a conclu que dans les circonstances décrites ci-avant, la législation nationale doit prévoir une possibilité d’exonération ou de remboursement de la taxe lorsque le véhicule loué n’est pas essentiellement utilisé à titre permanent par un résident dans l’État membre de résidence2. Ces conclusions découlent de la jurisprudence de la Cour, comme les affaires Cura Angalen et Nadin3. La Cour a rappelé qu’en vertu de l’article 49 du traité CE, les États membres doivent s’abstenir d’adopter ou d’appliquer toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d’exercer effectivement cette liberté garantie par le traité CE4. De plus, elle a noté qu’il était question d’une telle entrave à la liberté de fournir des services lorsqu’une personne est dissuadée de louer un véhicule dans un État membre autre que celui de sa résidence. Tel est inévitablement l’effet d’une législation nationale qui prévoit le prélèvement du montant intégral de la taxe en question sur le véhicule loué à compter du jour où la personne conduit ce véhicule sporadiquement dans l’État membre de sa résidence5. La Cour a rappelé qu’en l’absence d’harmonisation en matière d’imposition des voitures, les États membres sont autorisés à exiger l’immatriculation des véhicules fournis à leurs résidents par des sociétés et donc à percevoir une taxe à cette occasion, quoique uniquement si les véhicules sont essentiellement utilisés à titre permanent dans ces États6. Par conséquent, en vertu de l’ordonnance susmentionnée de la Cour, l’article 1er du décret-loi “D.L. 264/93”, qui ne dispense pas des taxes d’immatriculation les 1 2 3 4 5 6 Règle générale dérivée de la directive 83/182/CEE du 28 mars 1983 relative aux franchises fiscales applicables à l'intérieur de la Communauté en matière d'importation temporaire de certains moyens de transport. Ordonnance de la Cour du 27 juin 2006 dans l’affaire C-242/05, G. M. van de Coevering/Hoofd van het District Douane Roermond van de rijksbelastingdienst [non encore publié au Recueil], point 33. Arrêt de la Cour du 15 décembre 2005 dans les affaires jointes C-151/04 et C-152/04, Claude Nadin, NadinLux SA et Jean-Pascal Durré [non encore publié au Recueil], ainsi que l’arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 21 mars 2002 dans l’affaire C-451/99, Cura Anlagen GmbH/Auto Service Leasing GmbH (ASL), Rec. 2002, page I-03193. Ibidem, point 19. Ibidem, point 21. Ibidem, point 24. PE380.628v02-00 FR 2/4 CM\699190FR.doc véhicules immatriculés à l’étranger et utilisés temporairement au Portugal par des résidents portugais, semble en désaccord avec l’article 49 du traité CE. S’agissant de la plainte du pétitionnaire concernant le fait qu’il ne peut pas conduire au Portugal la voiture de son épouse immatriculée en Espagne, il est à noter que l’article 4, lettre b, de la directive 83/182/CEE accorde aux particuliers une exonération des taxes d’immatriculation dans la mesure où leur véhicule importé temporairement n’est pas prêté, donné en location ou cédé dans l’État membre concerné. Au sens strict, cette règle signifie que le propriétaire d’une voiture doit en être le conducteur lorsqu’il est temporairement importé dans un autre État membre s’il souhaite bénéficier de l’exonération. Dès lors, l’article 1er, point 4, lettre d, du décret-loi “D.L. 264/93”, qui exige du propriétaire d’un véhicule qu’il en soit le conducteur, ne paraît pas contraire au droit communautaire. Conclusion La Commission entend étudier ce dossier plus en profondeur et contacter les autorités portugaises afin de connaître leur interprétation du décret-loi “D.L. 264/93” à la lumière de l’ordonnance de la Cour dans l’affaire Coevering.»4. Réponse de la Commission, reçue le 29 novembre 2007. «Le pétitionnaire a demandé de bien vouloir vérifier dans quelle mesure la loi portugaise intitulée “Decreto Lei D.L. 264/93” est conforme aux principes communautaires de libre circulation des biens et des personnes. En vertu de cette loi, qui instaure notamment des restrictions à l’utilisation, au Portugal, de véhicules à moteur immatriculés à l’étranger, le pétitionnaire, domicilié au Portugal, ne peut conduire au Portugal la voiture immatriculée en Espagne de son épouse, domiciliée en Espagne. De surcroît, en vertu dudit décret-loi, l’intéressé n’est pas autorisé à conduire au Portugal, son pays de résidence, un véhicule immatriculé à l’étranger, ne fût-ce qu’un véhicule de location. Observations juridiques Le 29 juin 2007, avec la loi intitulée “Lei n° 22-A/2007”, le Portugal a apporté des modifications substantielles à sa législation en matière de taxes d’immatriculation automobile afin de tenir compte, entre autres, des questions environnementales. Par conséquent, le décretloi “D.L. 264/93” a été plus ou moins abrogé dans sa totalité. En vertu de l’article 37 de l’annexe 1 de la “Lei n° 22”, la présence des voitures de location est autorisée à titre temporaire, à condition que le locataire de la voiture ne réside ni ne soit domicilié sur le territoire portugais. Cette restriction sur l’utilisation, au Portugal, de véhicules immatriculés à l’étranger loués semble encore poser un problème de compatibilité avec l’article 49 du traité CE. En vertu de l’article 3 de la directive 83/182/CEE du Conseil du 28 mars 1983 relative aux franchises fiscales applicables à l’intérieur de la Communauté en matière d’importation temporaire de certains moyens de transport1, les États membres peuvent percevoir des taxes sur l’importation temporaire de véhicules si le particulier important ces biens a sa résidence dans l’État membre d’importation temporaire. Cependant, dans l’affaire Coevering (C-242/05 1 JO L 105 du 23.4.1983, p. 59. CM\699190FR.doc 3/4 PE380.628v02-00 FR du 27 juin 2006), la Cour a statué que les États membres ne peuvent pas conserver une législation qui exige de leurs résidents le paiement intégral d’une taxe d’immatriculation sur les véhicules loués dans un autre État membre où les véhicules en question sont immatriculés, sans qu’il ne soit tenu compte de la période de location. De plus, la Cour a conclu que la législation nationale doit prévoir une possibilité d’exonération ou de remboursement de la taxe lorsque le véhicule loué n’est pas essentiellement utilisé à titre permanent par un résident dans l’État membre de résidence. La Cour a rappelé qu’en vertu de l’article 49 du traité CE, les États membres doivent s’abstenir d’adopter ou d’appliquer toute réglementation nationale qui, sans justification objective, entrave la possibilité pour un prestataire de services d’exercer effectivement cette liberté garantie par le traité CE. La Cour a conclu qu’une législation nationale qui impose l’acquittement d’une taxe dont le montant n’est pas proportionnel à l’utilisation du véhicule dans l’État membre concerné, même si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité, est contraire à l’article 49 CE lorsqu’elle s’applique à des véhicules loués dans un autre État membre, qui ne sont pas destinés à être essentiellement utilisés dans le premier État membre à titre permanent. Par conséquent, l’article 37 de l’annexe I de la “Lei n° 22”, qui ne prévoit pas l’acquittement d’une taxe dont le montant est proportionnel à l’utilisation d’un véhicule de location immatriculé à l’étranger et conduit par des résidents portugais au Portugal, semble en désaccord avec l’article 49 du traité CE. S’agissant de la plainte du pétitionnaire concernant le fait qu’il ne peut pas conduire au Portugal la voiture de son épouse immatriculée en Espagne, une explication a déjà été apportée à cette situation et aucun changement n’a été induit par la nouvelle législation. Conclusion La Commission entend étudier ce dossier plus en profondeur et poursuivre les contacts avec les autorités portugaises afin de discuter l’interprétation de la nouvelle législation à la lumière de la décision de la Cour dans l’affaire Coevering.» PE380.628v02-00 FR 4/4 CM\699190FR.doc