Deinze mise sur la bicyclette bleue
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Deinze mise sur la bicyclette bleue
94 / Smart City Award LES CANDIDATS 2/10 LE VIF / 95 PHOTOS : DEBBY TERMONIA POUR LE VIF/L’EXPRESS BLUE-BIKE Pour encourager la mobilité douce et durable. Deinze mise sur la bicyclette bleue Pour stimuler la mobilité douce au détriment de la voiture, Deinze, nominée dans le cadre de notre concours de la ville la plus « smart » de Belgique, offre à ses habitants un service de vélos partagés gratuit et performant. Le succès n’est pas seulement au rendez-vous : il fait des émules aux quatre coins du pays. Par Philippe Berkenbaum A Deinze, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées pour stimuler la mobilité durable. Il faut partir de la gare, récemment agrandie et rénovée, pour mieux appréhender l’intérêt du système développé dans cette ancienne cité industrielle plantée au cœur de la vallée de la Lys, à une quinzaine de kilomètres de Gand. « Trente mille habitants... et 15 000 voitures, alors que la plupart vivent dans un rayon de moins de 2 km du centre-ville, se lamente le bourgmestre Jan Vermeulen. Pourtant, Deinze a toujours eu une tradition cycliste. Elle a même produit plusieurs champions. » N° 7 / 13 février 2015 Les abords de la gare ont triste mine. Parkings à ciel ouvert et sous les voies aériennes, façades décrépies, absence de verdure, voirie livrée à la circulation automobile... Une image en noir et blanc qui appartiendra bientôt au passé. Au centre du hall des départs, un grand panneau tridimensionnel projette le passant dans un futur proche, en détaillant le plan Deinze 2020, illustrations à l’appui. « Samen voor een slimme stad met slimme mensen » (« Ensemble pour une ville intelligente avec des gens intelligents »), le slogan est limpide : la reconversion en cours permettra à la ville d’entrer de plain-pied dans le xxIe siècle. Sur la place de la gare devenue piétonne, les terrasses de café le disputent aux arbres et aux bancs publics. On devine le futur havre de tranquillité. Les travaux vont bientôt commencer. Mais c’est un autre élément de ce vaste plan de transformation urbaine que le bourgmestre veut nous montrer – celui pour lequel il concourt pour emporter le Smart City Award 2015 (lire l’encadré). A gauche de la sortie de la gare, plusieurs rangées de bicyclettes bleues attendent sagement qu’un passant les enfourche, pour quelques heures ou une journée. Une borne magnétique permet d’obtenir la clé du cadenas, qu’il suffira de déposer au retour dans une boîte prévue à cet effet, quelle que soit l’heure. Rien d’original, à l’heure où les vélos partagés envahissent les rues de nombreuses villes et communes de Belgique ? Si ! Contrairement à ce qui se passe ailleurs, à Deinze, ce service est gratuit. Du moins pour les habitants de la ville. 20000 utilisateurs en 2014 Blue-Bike est un service de location de vélos développé par la société Blue Mobility en partenariat avec la SNCB (www.blue-bike.be). Il vise à mettre des bicyclettes à la disposition des navetteurs à la sortie des gares (plus de 40 sont aujourd’hui desservies), pour encourager la mobilité douce au détriment de la voiture. L’abonnement annuel coûte 10 euros et permet d’obtenir le sésame magnétique indispensable, la location proprement dite étant fixée à 3 euros par 24 h, à régler sur base mensuelle. Deinze ne fut pas seulement l’une des premières à adhérer au système, elle en est aussi l’ambassadrice. « Dès 2012, nous avons décidé de rendre la location gratuite pour nos habitants partout où existe BlueBike, confirme Jan Vermeulen. Nous avons demandé à Blue Mobility de développer pour nous un système de tiers payant et la Ville prend en charge les frais de location (hors abonnement), où qu’elle ait lieu. C’est un succès ! Le taux d’utilisation a doublé en un an et continue de croître. En 2014, plus de 20000 personnes ont emprunté un vélo bleu. » Et Deinze fait des émules puisque d’autres villes lui ont emboîté le pas après avoir envoyé leurs édiles en mission exploratoire. Ainsi d’Eeklo, de Bruges et bientôt de Mons, peut-être, dont l’échevin de la Mobilité était récemment en visite. Une enquête a montré qu’à Deinze, un utilisateur sur quatre laisse désormais sa voiture au garage pour lui préférer le deux-roues. « Le bénéfice est déjà perceptible en termes de bien-être et d’attractivité de la ville, que ce soit pour y habiter, y travailler ou y faire ses courses », ajoute le maïeur entre deux coups de pédale à travers la cité. Ici, tout le collège montre l’exemple : bourgmestre et échevins ne se déplacent plus qu’à vélo, tandis que les fonctionnaires ont droit à l’abonnement Blue-Bike gratuit. « There is no alternative ! » S’il a permis d’amorcer la pompe, le soutien financier n’est pas tout, reconnaît cependant Jan Vermeulen. Il s’inscrit dans une politique de mobilité ambitieuse qui s’appuie sur plusieurs axes. Le premier est, bien sûr, le développement d’un réseau de pistes cyclables suffisamment dense, agréable et sécurisé pour encourager l’usage du vélo. La ville y travaille depuis des années... et tente de convaincre la Région flamande de lui emboîter la roue le long des voiries le centre-ville, en bordure de la Lys qui la traverse de bout en bout ou à travers toute la campagne environnante. « Tout est pensé en faveur du vélo. Les nouveaux immeubles construits au bord de la rivière, par exemple, doivent intégrer un ascenseur extérieur accessible aux cyclistes pour atteindre les berges. » Deuxième axe majeur : la dissuasion... d’utiliser sa voiture en ville. Au pied de la collégiale ou sur la place du marché au cœur de Deinze, les anciens parkings à ciel ouvert ont cédé la place à de jolis piétonniers que les citoyens se sont d’ores et déjà réappropriés. Outre le marché hebdomadaire (le plus grand de Belgique tous les mercredis), on y organise désormais des spectacles, des concerts, des festivités diverses, ce qui était jadis impossible. Les poids lourds sont également interdits de circulation en centre-ville et bénéficient de voies de contournement. Et de nombreux aménagements garantiront une sécurité accrue pour les piétons et les cyclistes, qu’ils circulent en site propre ou le long des voiries. Sans parler des bornes de rechargement publiques pour les vélos électriques. Tout cela au nom d’un principe simple, souligne le bourgmestre, résumé par l’acronyme TINA : « There is no alternative ! » ● JAN VERMEULEN Le bourgmestre de Deinze montre l’exemple au nom d’un principe simple : « Il n’y a pas d’alternative. » régionales, ce qui n’est pas toujours facile. « La voiture est tellement toute-puissante en Belgique que les fonctionnaires euxmêmes ont tendance à gérer le réseau du point de vue de l’automobiliste », regrette le bourgmestre. Mais les choses évoluent et de nouvelles voies s’ouvrent quasiment tous les jours. Le long du chemin de fer pour atteindre le fameux bois de Deinze, poumon vert de la cité, entre la gare et QUI DÉCROCHERA LE BELFIUS SMART CITY AWARD 2015 ? Q u’elles soient grandes ou plus petites, nos villes et communes n’ont d’autre choix, pour rester attrayantes, que de devenir « smart », c’est-à-dire de mettre en place des solutions intelligentes, innovantes et durables pour diminuer leur impact environnemental, utiliser davantage les énergies renouvelables, mieux répondre aux besoins essentiels des citoyens et améliorer leur qualité de vie. Soucieux de contribuer à susciter une véritable dynamique autour de cette démarche, Le Vif/L’Express et Knack se sont associés avec Belfius pour organiser, avec le soutien de Proximus et Accenture, un concours visant à récompenser le projet le plus « smart » réalisé par une ville ou une commune de Belgique. Notre jury, composé de personnalités académiques et de spécialistes Smart Cities des sociétés précitées, a retenu dix projets qui se distinguent particulièrement par leur caractère à la fois durable, innovant et intégré. Ils vous seront présentés dans nos colonnes tout au long de l’année, afin que vous puissiez voter en novembre pour votre projet préféré. Ce vote entrera en ligne de compte pour l’attribution du Belfius Smart City Award 2015, le 2 décembre. Les dix villes et communes nominées sont : Anvers, Bruxelles-Ville, Deinze, Gand, Herstal, La Hulpe, Liège, Lierre, Malines et Ostende. • www.levif.be/belfiussmartcity – www.belfius.be/smartcities N° 7 / 13 février 2015