Les médias citoyens en Rhône-Alpes

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Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Approches des médias associatifs de communication sociale
de proximité en Rhône-Alpes
Coordonné par Thierry Borde
Anne Benoit-Janin
Patrice Berger
Ismaël Ouattara
Paloma Perez
www.mediascitoyens.org
AVANT PROPOS
L'objectif des pages qui suivent n'est pas seulement de marteler la nécessité du développement
des médias associatifs. Il est de dire l'urgence de soutenir l'ensemble de la vie citoyenne dont ces
médias sont l'expression.
Ce travail s'attache donc à présenter les médias associatifs de Rhône-Alpes, à travers leurs histoires,
leurs rôles et leurs fonctionnements actuels et en tentant d'envisager l'avenir qui s'ouvre à eux. Il a
été mené grâce au soutien financier du Conseil Régional Rhône-Alpes auquel il se permet
quelques humbles recommandations au gré de ces pages menant à la demande d'un soutien
financier de fonctionnement adossé à des critères semblables à ceux du fonds de soutien national
à l'expression radiophonique.
Composé de différentes parties écrites entre début 2010 et début 2012, cette ébauche d'étude sur
les médias citoyens de Rhône-Alpes veut être le début d'un travail au long cours, sans cesse
renouvelé, sur l'existence, le rôle et l'impact des médias dans leurs territoires.
L'insuffisance des ressources documentaires sur la question est apparue à mesure qu'avançait le
travail de chacun des rédacteurs de ce document. C'est pourquoi nous avons souhaité d'abord et
avant tout construire une base documentaire sur le sujet. Outre un recensement et la description
du paysage des médias associatifs de la région, celle de leurs caractéristiques et de leurs
fonctionnements, il convenait aussi de poser les bases théoriques et bibliographiques d'une
réflexion solide.
Le recensement des médias a été réalisé grâce au concours de différents médias locaux,
observateurs attentifs de la vie citoyenne et des médias de leurs territoires.
L'élaboration et le traitement du questionnaire d'enquête ont été réalisés par Anne Benoit-Janin de
l'association Composite.
Le rapport sur les médias écrits – web de la région a été rédigé par Paloma Perez et Ismaël
Ouattara, de l'association Et faits Planète.
L'approche sociologique et bibliographique centrale a été confiée aux soins de Patrice Berger,
sociologue et notamment co-président de la CRANC-RA.
Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements à toutes les personnes et les structures qui nous
ont aidé à penser ce travail et à le concrétiser.
T.B.
SOMMAIRE GENERAL
Introduction : Les médias associatifs à la croisée des chemins, par Thierry Borde
Première partie : Première vue d'ensemble, par Thierry Borde
Deuxième partie : Les médias citoyens écrits web : des acteurs démocratiques
incontournables, par Paloma Perez et Ismaël Ouattara
Troisième partie : Premières indications bibliographiques pour une sociologie des médias
associatifs en Rhône-Alpes, par Patrice Berger
Annexe 1 : Liste des médias associatifs de Rhône-Alpes
Annexe 2 : Caractéristiques, identités, fonctionnement – analyse du questionnaire
d'enquête, par Anne Benoit-Janin et Thierry Borde
Annexe 3 : Les médias associatifs face à la nouvelle donne numérique, par Thierry Borde
Les médias associatifs en Rhône-Alpes
Introduction :
Les médias citoyens à la croisée des chemins
Thierry Borde
Les médias citoyens à la croisée des chemins
Considérer l'histoire récente des médias associatifs audiovisuels (radios et télévisions) et écrits en
France, c'est appréhender l'histoire des trente ou quarante dernières années dans toute leur
fulgurance. Des «télés brouettes» et des «radios pirates» à l'avènement aujourd'hui – ou était-ce
déjà hier ? - du web 2.0, de l'enthousiasme des pionniers « bricoleurs » de l'audiovisuel citoyen des
années 1970-1980 aux « geeks » d'aujourd'hui, de la communication sociale de proximité au réseau
globalisé, cette histoire débouche désormais sur un tournant essentiel. Croisement de toutes les
aspirations citoyennes, de toutes les « lames de fond » qui, de l'écologie au social, en passant par
l'expression culturelle, le numérique libre ou l'économie sociale et solidaire, ébranlent peu à peu les
fondements capitalistiques d'un système-monde de moins en moins humainement et
écologiquement soutenable. Dans ce tournant où se joue la possibilité de construire un « autre
monde », se joue aussi l'avenir des médias citoyens tels que nous les connaissons aujourd'hui.
L'avènement du numérique vient bouleverser pratiques et usages, tandis que les coups de boutoir
du libéralisme débridé et des crises financières menacent le secteur associatif de moins en moins
soutenu par les financements publics.
L'exemple des médias associatifs est représentatif de l'enjeu pour de nombreux acteurs citoyens
d'un autre modèle de développement, un modèle non financier, voire non commercial qui
replacerait l'humain au centre des logiques économiques. Non commerciaux, les médias
associatifs rejettent le modèle économique lié aux recettes publicitaires. L'enjeu pour ces structures
est aujourd'hui celui de la pérennisation d'un autre modèle économique, ni public, ni privé, qui
pourra trouver sa réalisation dans l'économie sociale et solidaire, à condition que des politiques
économiques soient enfin orientées vers ce secteur.
Il s'agit donc aujourd'hui de continuer de construire ce modèle sur ses deux piliers constitutifs : celui
de la liberté et de l'indépendance des médias et celui d'acteurs au service du développement de
leurs territoires. Cette construction devra se poursuivre sur les principes de cette économie sociale
et solidaire qui s'impose peu à peu comme une logique locale indépassable et grâce à la
reconnaissance accrue des partenaires territoriaux et le soutien des pouvoirs publics locaux
comme nationaux.
Par des soutiens octroyés sur des critères précis, l'Etat et les collectivités locales ont la possibilité, à
peu de frais, de permettre ce développement aux médias citoyens. Ce soutien serait un choix
politique au sens le plus noble du terme. Il serait le choix d'une cité de liens humains en
construction continue, d'une cité qui se construit et se développe à partir de ses territoires, avec ses
citoyens, dans le respect des valeurs humaines, sociales et solidaires de notre démocratie.
Les médias associatifs : des outils citoyens pour le développement des territoires
Il y a trente ans, la bande FM était « libérée », permettant une révolution tranquille dans
l'appropriation par les citoyens des moyens de communication et d'expression démocratiques.
Libérée du joug du monopole étatique sur la radio et la télé-diffusion, la société française s'ouvre à
d'autre formes de cultures, à de nouvelles manières d'exercer sa citoyenneté. Avec les médias
associatifs, de nouveaux outils d'éducation populaire se mettent en place.
Cette vague nouvelle naquit dans un terreau complexe d'évolution sociale, économique,
culturelle, technique et politique. Les années 1960 puis post-68 sont celles de la libération sociale
des individus, d'aspirations culturelles nouvelles. Durant cette période évoluent aussi les techniques,
en même temps que l'Etat garde le monopole sur la diffusion télévisée et radiophonique.
L'évolution économique des années 70 provoque ses premiers grands dégâts sociaux et la radio –
alors « pirate »- devient un outil privilégié des luttes ouvrières ou des mouvements écologistes par
exemple. Pour la première fois, les citoyens peuvent s'approprier les moyens de communication
modernes. Avec Lorraine Coeur D'Acier, toute une région se réconcilie et lutte unie aux côtés de
ses mineurs.
Les développements parallèles des radios associatives, du mouvement des télévisions
participatives et de certains titres de la presse écrite alternative ont permis d'inventer de fait une
définition du média communautaire à la française. Cette définition leur octroie un rôle fort dans
leurs territoires. Médias locaux, ils sont aussi des outils de lien social et d'éducation populaire. Ainsi,
dans le cadre du financement des radios associatives par le FSER (Fonds de soutien à l'expression
radiophonique), la loi définit celles-ci comme radios de communication sociale de proximité. 1
Médias communautaires, médias « participatifs », ou de communication sociale de proximité, ce
modèle reprend la nécessité d'une information alternative réalisée en opposition à celle des
médias dominants. Mais les rapports de domination changent et c'est contre un modèle
commercial et non plus contre le monopole étatique que la ligne de l'alternative va se définir à
partir des années 1980.
Les médias audiovisuels associatifs français se sont développés en accord avec cette définition, en
lien avec l'évolution des médias communautaires dans le monde, mais aussi en se créant une
identité éditoriale forte, axée autour des problématiques citoyennes, sociales, solidaires, culturelles
et écologiques. L'appropriation par le plus grand nombre de la pensée et des thématiques des
initiatives et luttes citoyennes dépend aussi de la capacité de chacun de s'emparer des moyens
d'expression et de communication sociale, et ainsi de se réapproprier une partie de l'espace
1« La mission de communication sociale de proximité est entendue comme le fait de favoriser les échanges entre
les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement
local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. » (Source : Qu'est-ce que le FSER, site du
Ministère de la culture et de la communication)
public et de son pouvoir citoyen.
Dès l'origine une identité propre est créée par leurs statuts. Associatifs et non commerciaux, ces
médias se définissent en opposition et comme alternative au système financier qui gère les médias
dominants et leurs contenus. Entre médias commerciaux et service public, ils sont cet entre-deux,
ce « tiers-lieu citoyen » que d'aucuns ont nommé le « tiers-secteur ». Seul le statut associatif pouvait
leur permettre de garantir à la fois leur indépendance éditoriale et la pérennité de leurs actions au
service du développement local. Ces liens des médias à leurs statuts, à leurs territoires et leurs
habitants sont significatifs de la réflexion aujourd'hui à la base du concept de l'Economie Sociale et
Solidaire. Nul étonnement de voir au cours du temps les médias associatifs et leurs représentations
collectives accompagner l'évolution de cette nouvelle forme d'économie. Ils sont aujourd'hui,
naturellement, les médias de l'ESS. Ainsi, la Confédération Régionale des Radios Associatives Non
Commerciales de Rhône-Alpes (CRANC-RA) est membre de la CRESS (Chambre Régionale de
l'Economie Sociale et Solidaire), le Syndicat National des Radios Libres (SNRL) participe à l'USGERES
(syndicat des employeurs de l'ESS), les télévisions de la Fédération Nationale des vidéos de pays et
de quartiers se regroupent autour de la définition de l'ESS et de nombreux titres de la presse écrite
et/ou web sont acteurs des démarches locales du mouvement social et solidaire (citons en autres
Et Faits Planète en Haute-Savoie ou Zoomacom dans la Loire).
En effet, dés le début, dès Lorraine Cœur d'Acier, dès Télé Saugeais, radios et télévisions se
définissent comme médias de territoires, concernés par la vie locale, mais en la confrontant à la
réflexion globale de réalités de plus en plus mondialisées. Sur ces bases et avec des paramètres
différents quant à leurs évolutions respectives, les radios associatives de catégorie A – reconnues et
aidées par l'Etat - , les télévisions participatives, et des journaux alternatifs s'imposent peu à peu
comme des outils extrêmement pertinents au service de leurs territoires. Outils d'éducation
populaire, ils ont rapidement trouvé leur complémentarité avec les structures traditionnelles de ce
secteur (MJC, Centres Sociaux...). Tous les médias associatifs de Rhône-Alpes travaillent en
partenariat avec les structures d'éducation populaire de leurs territoires. De nombreuses radios et
télévisions associatives sont reconnues comme organisme de formation et mettent en place des
processus éducatifs riches et variés à destination des habitants de leurs communes et de leurs
quartiers. Citons les formations -échanges européens organisés régulièrement par Radio d'Ici à
Saint-Julien-Molin-Molette, les ateliers d'insertion socio-professionnels de Radio Méga à Valence, les
formations « tourner-monter » de Bresse TV à Bourg-en-Bresse, ou simplement l'action quotidienne
de Info RC, la radio en milieu scolaire du bassin d'Aubenas.
Les médias sont donc des outils d'éducation populaire, ils assurent un rôle de médiation vers le
savoir et pour l'émancipation citoyenne par l'appropriation d'outils de communication ad hoc. Peu
à peu, les savoir-faire développés, leurs actions au sein des territoires les ont rapidement institués
comme liens et comme cœurs de réseaux, seuls capables de faire se rencontrer tous les acteurs citoyens, politiques et économiques - d'un même lieu.
Par leur histoire, ils sont médias de lutte, médias de l'indignation telle que la définit aujourd'hui
Stéphane Hessel. Ils sont aussi, et surtout, dans leur diversité et leur complémentarité, les médias de
la transformation et de la construction sociale. Ils sont des outils au service de la réappropriation
démocratique, écologique et culturelle des territoires par les citoyens. Ils ont créé des formes
d'organisation alternatives - associatives et non commerciales – se situant d'emblée dans un
modèle d'économie sociale et solidaire en devenir. Ils ont accompagné les luttes sociales, les
luttes écologiques, du plateau du Larzac en 1977 à la résistance contre l'exploitation du gaz de
schiste aujourd'hui. Ils ont aussi créé, et accompagné la création de nouveaux processus
d'éducation populaire et de participation citoyenne. Héritiers des radios pirates qui militaient en
faveur de la diversité musicale, ils sont aussi devenus les garants de l'existence d'une vie culturelle
locale, de la promotion des scènes artistiques et musicales émergentes.
Aujourd'hui, face à la confiscation des grands enjeux humains, économiques et écologiques par
les acteurs du tout libéral, la résistance citoyenne s'organise. L'écologie, accompagnée du
concept controversé de développement durable, est devenue une thématique primordiale face
à l'évidence de l'entropie2 et des limites de notre planète. La relocalisation de l'économie est
devenue une évidence face aux défections de toutes les grandes industries ; l'économie sociale et
solidaire est devenue une urgence pour de nombreux territoires ; la démocratie participative est
devenue une véritable aspiration populaire.
2 Nicholas Georgesçu – Roegen : The entropy law and the economic process – Harvard University. 1971
L'ère numérique
Ces nouvelles vagues de contestation, mais aussi de créativité citoyennes se déroulent aussi
désormais sur de nouveaux champs d'activisme ouverts par les technologies nouvelles. Internet et
plus particulièrement désormais les technologies du web 2.0, a créé de nouvelles perspectives. De
nouveaux usages citoyens s'y développent sur une ligne de friction avec un web financier et
commercial où se jouent les nouveaux enjeux économiques mondiaux.
Face à ces enjeux, Philippe Aigrain nous questionne dans Cause Commune : « Viserons-nous
simplement un nouvel âge de la technique dans lequel des systèmes opaques de centralisation de
l'information nous gèreront comme une ressource ou comme une marchandise, ou bien
œuvrerons-nous à la mise en place d'une écologie sociale des échanges d'information où
individus, groupes sociaux et communautés humaines se construiront en orientant le
développement des techniques ? »3
Depuis les années 1990 – 2000, internet et les technologies numériques marquent une nouvelle
(r)évolution dans le monde des télécommunications. Les médias se numérisent, utilisent de plus en
plus internet comme moyen de diffusion secondaire (les radios associatives de la CRANCRA ont
toutes une diffusion internet par streaming par exemple), voire principal comme les télévisions
associatives qui n'ont aucun autre canal de diffusion, en dehors des projections et évènements
publics ou de la distribution de dvd. De nouveaux médias naissent, uniquement présents sur
internet (citons pour exemples le Lyon Bondy Blog, ...Et Faits Planète ou encore Free Landz.... ).
D'autres se transforment vers des publications numériques moins coûteuses que le format papier.
Ainsi, à Annecy, la parution papier du Journal a désormais laissé place au site internet Librinfo 74.
Aujourd'hui, le web 2.0 et ses évolutions à venir marquent un tournant radical dans les usages
citoyens.
Les réseaux sociaux connaissent un succès sans égal et leurs usages citoyens ne sont plus à
prouver, notamment depuis les récentes révolutions tunisienne et égyptienne. A côté de ceux-ci,
qui restent avant tout des produits commerciaux, se développent de nombreux usages
collaboratifs. Les logiciels et outils libres de droit sont l'expression de la volonté collective de
nombreux citoyens de par le monde de faire de la solidarité, de l'indépendance et du non
commercial des règles d'or. Cette notion de « collaboratif » ou de « coopératif » renouvelle et
complète dans l'univers numérique celle posée dans le « monde réel » par les acteurs du
participatif et en particulier les médias.
Dans ce début de siècle numérique, la philosophie et la pratique du « libre » qui vise à créer du
bien commun universel est la seule en mesure d'enrayer la progression des fractures sociales,
géographiques et cognitives dans nos territoires et dans le monde. Elle est la seule aussi à pouvoir
3 Cause Commune, l'information entre bien commun et propriété ; Philippe Aigrain. Fayard 2005
garantir l'indépendance des médias associatifs dans les évolutions à venir de l'espace numérique.
Ces nouvelles technologies révolutionnent le monde des médias et questionnent leurs pratiques et
leurs identités. La question « Qu'est-ce qu'un média ? » déjà bien complexe jusqu'ici, demande de
nouvelles bases de réflexion. Tandis que les pratiques économiques très libérales des grands
groupes de presse continuent de discréditer la déontologie et le symbole de la carte de presse,
presses associative et web montrent qu'il est possible de produire de l'information et des contenus
de qualité hors du système socioéconomique établi et du paysage médiatique institué.
De plus, internet, et d'autant plus avec ses nouveaux supports de plus en plus mobiles et
conviviaux, permet aujourd'hui d'envisager très clairement de nouveaux types de médias. Médias
« globaux » qui sauront allier l'écrit, l'image et le son dans un même titre. Le web ne semble pas
pour l'instant offrir de modèle économique viable pour les médias commerciaux. Mais pour les
médias associatifs au fonctionnement budgétairement bien plus léger, le numérique peut offrir
aujourd'hui de nouveaux horizons pleins de perspectives de développement. Apparaissent de
nouvelles possibilités de diffusion, de nouvelles manières de produire, de stocker et d'archiver les
contenus. Internet s'avère un outil remarquable pour des acteurs dont la mission première est de
créer des liens et des réseaux dans leurs territoires et au-delà.
Les nouvelles formes de participation citoyenne qui s'y développent représentent une forme de
créativité qui dépasse sans doute celle qui présida au lancement des radios associatives en 1981.
Cette tendance est mondiale et interconnectée. Elle met en rapport le local et le global en un
clic. Elle permet aux citoyens du monde entier de collaborer aux créations les plus diverses. Sous
l'égide de la philosophie du « libre », elle permet la production d'un savoir universel. Tout le monde
connaît le remarquable exemple donné par Wikipédia dans la constitution d'une encyclopédie
collaborative universelle. Ainsi depuis quelques années la confédération des radios associatives de
Rhône-Alpes a mis en place un serveur de sons internet communs à toutes ses radios. Chaque
radio de la région peut déposer des émissions qu'elle souhaite partager avec les autres. Alors que
l'usage n'en est pas encore partagé par toutes les radios adhérentes, le serveur comptabilise
aujourd'hui plus de 3000 émissions et reportages en accès public et libre 4. Le site
www.mediascitoyens.org met en valeur ces contenus en les confrontant avec des vidéos, articles
ou dossiers de presse écrite. Le numérique représente aussi une capacité nouvelle de stockage,
d'archivage et de mise en valeur de contenus médiatiques. Ces contenus issus des médias
associatifs locaux constituent, ainsi regroupés, une véritable mine d'informations et de mémoire
locale. Leur mise en valeur sur internet peut être une véritable plus-value pour les territoires.
De nouvelles manières de faire circuler l'information sont apparues, à travers l'usage des réseaux
sociaux, avec la pratique des sites collaboratifs, des lettres d'information ou des réseaux
d'échanges par mail. Ainsi, désormais il est possible de mettre en place des web radios ou web tv
éphémères lors d'évènements ponctuels. A côté de ces outils, de nouveaux médias se construisent,
4 http://www.crancra.org/Emissions-en-acces-libre
des sites collaboratifs prennent une dimension réelle de médias. La notion de professionnelamateur initiée dans les médias associatifs prend dans la sphère numérique une dimension massive
et mondialisée.
Avec les espaces publics numériques et d'autres structures émergentes, les acteurs du web 2.0
s'organisent et se structurent, deviennent les moteurs du développement des territoires numériques.
Localement, les nouveaux médias web agissent tout autant en partenariat avec les acteurs du
libre, du numérique collaboratif ou dans l'univers de l'économie sociale et solidaire, faisant de
l'appropriation citoyenne des usages numériques un objectif transversal. Ces nouveaux usages
d'internet refaçonnent les territoires, se servent de la dimension globale et mondialisée du web
pour redonner au local ses lettres de noblesse. La communication sociale de proximité, la
participation citoyenne, l'éducation populaire peuvent ainsi trouver dans la notion de « territoires
apprenants »5 des perspectives enthousiasmantes à la mesure de leurs vocations.
5 Jean-Pierre Jambes : Territoires apprenants. Esquisses pour le développement local du 21ème siècle. L'Harmattan.
2001
Convergences
De fait, derrière cette collaboration souhaitable entre médias associatifs et acteurs du numérique
collaboratif, se dessine l'enjeu de la construction des territoires de demain. Les territoires
numériques vont peu à peu compléter les territoires physiques, générant de nouveaux espaces.
Nouveaux espaces citoyens mais aussi nouveaux espaces commerciaux. L'enjeu ici est donc d'agir
afin de préserver au sein de ces nouveaux espaces des lieux citoyens, lieux de résistance, de
construction et de transformation sociale, lieux d'une véritable émancipation citoyenne. Ces
«lieux » - ou plutôt que de « lieux », pouvons-nous parler de liens, d'échanges, de flux d'informations
dont l'organisation fera les territoires de demain – seraient alors, comme le sont déjà les médias
associatifs locaux à un autre niveau, les points d'ancrage d'une intelligence collective agissante
dans l'espace public. Au cœur des réseaux et des échanges, créateurs de liens par vocation,
acteurs volontaires ou contraints du numérique, les médias associatifs se doivent aujourd'hui d'être
les moteurs, sur leurs territoires, de cette nouvelle lutte pour l'appropriation de l'espace public par
les citoyens.
S'il apparaît inéluctable que les journaux, radios et télévisions associatives se développent sur ces
espaces numériques nouveaux, il ne s'agit pas ici de dire qu'ils doivent tous se transformer
radicalement en nouveaux médias 2.0. Ainsi, la mise en place de la radio Numérique Terrestre ne
devra pas signifier la fin de la diffusion en FM. De la même manière la RNT n'évitera pas le
développement des radios sur le web. Les médias associatifs doivent aujourd'hui construire du neuf
en n'oubliant pas leur histoire et en appréhendant leurs complémentarités.
Les mouvements citoyens s'organisent dans les territoires et se diffusent mondialement. Leurs
acteurs sont des militants nouveaux, mobilisés autour des causes écologiques, altermondialistes,
économiques, culturelles ou solidaires. Acteurs à part entière de ces luttes, les médias associatifs se
doivent désormais d'être porteurs de leur convergence. Car, s'il semble évident que ces causes
sont aujourd'hui totalement complémentaires, leurs développements respectifs continuent de
s'opérer sur des lignes parallèles, assez peu poreuses. L'ESS est naturellement l'économie dans
laquelle l'écologie est possible, mais acteurs de l'ESS et de l'écologie constituent des réseaux bien
distincts ; les réseaux solidaires et écologiques se développent sur la toile avec des outils
coopératifs cependant que les acteurs du web collaboratif développent une philosophie
écologiste et solidaire autonome...
Acteurs de cette convergence, au cœur de tous ces réseaux et de leurs territoires interconnectés,
à la croisée de ces nouveaux chemins citoyens, les médias associatifs ont l'opportunité d'être les
vecteurs d'une dynamique réelle de transformation sociale. Déjà, au fil des plateaux télé, des
émissions de radio, des dossiers écrits, ces acteurs citoyens se croisent et échangent partout dans
les territoires. C'est cette dynamique qu'il faut continuer. En prenant aussi dès maintenant le
tournant du numérique et du web collaboratif, porteur de nouveaux espaces d'actions, de
nouveaux processus de participation citoyenne.
C'est ainsi que se construiront les médias citoyens du 21ème siècle. Cette construction se fera dans
la synthèse de la philosophie originelle de nos médias et des technologies et mobilisations nouvelles
de ce siècle. « Comment changer le monde sans changer les médias ? » s'interrogeait Blanka
Ekhout, ex-présidente de Vive Vénézuela. Les médias citoyens du 21ème siècle seront ceux de
l'union des luttes et de la construction sociale. Médias locaux au cœur des réseaux citoyens
mondialisés, ils seront les acteurs essentiels de la citoyenneté dans leurs territoires. A moins qu'ils ne
ratent ce tournant, laissant la place libre aux secteurs marchands désireux de s'emparer des
espaces publics encore vierges.
Pour cela, la convergence doit aussi s'opérer parmi les médias eux-mêmes, par la découverte de
la complémentarité de chacun d'entre eux, télévisions participatives, radios associatives, presse
écrite alternative et désormais aussi médias de la génération 2.0. Internet et ses usages permettent
aujourd'hui de mettre en complémentarité l'image, le son et le texte pour un traitement global des
contenus. Quelle richesse de contenus spécifiques et de couverture territoriale qu'un projet
collectif de médias associatifs ! Quelle dynamique de partenariats et de mobilisation citoyenne ces
actions peuvent générer ! Loin d'une simple caméra ajoutée à une émission de radio, loin du seul
enregistrement ou de la retranscription d'un plateau tv par d'autres médias, il s'agit dans ces
actions de mettre en complémentarité des savoirs-faire différents et de créer de leur rencontre,
une véritable plus-value de sens et d'intelligence collective. Les enrichissements mutuels se font
alors dans tous les domaines : techniques, éditoriaux, participatifs... Les possibilités ouvertes par ce
type de collaborations sont infinies. Les projets menés par MédiasCitoyens depuis quelques années
le prouvent très clairement, des couvertures annuelles des Dialogues en Humanité à Lyon, à celle
de l'Université Européenne de l'engagement de l'AFEV ; des thématiques de l'Economie sociale et
solidaire à celles de la démocratie participative ou de l'écologie. Le site internet
www.mediascitoyens.org relaie régulièrement ces actions collectives. Ainsi, la mutualisation des
archives entre médias d'un même territoire peut-elle générer la constitution de la plus riche des
médiathèques locales, porteuse de la mémoire citoyenne d'une région. La mise en réseaux de ces
médiathèques à travers le monde par des protocoles simples du type OAIPMH 6 pourrait constituer
une formidable base de données universelle...
L'analyse de l'évolution récente des pratiques des médias citoyens montre d'ailleurs clairement une
convergence vers les nouveaux modes de production, de participation et de diffusion numérique.
Si tous les médias associatifs institués conservent leurs modes de fonctionnement traditionnels, peu
à peu tous le complètent d'une part numérique, tant au niveau des outils de production que de la
diffusion. Parallèlement, de nouveaux médias naissent sur internet, qui renouvellent les modes de
6 OAIPMH : Protocole libre permettant de mettre en réseau de nombreuses bases de données. Pour en savoir plus, lire
sur le site du Ministère de la culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/dll/OAI-PMH.htm
production, de diffusion et de participation. De plus, des sites participatifs au web collaboratif, la
participation citoyenne y prend un essor tout à fait remarquable grâce à la simplification des
techniques et des processus de production – participation. Dans tous les cas, médias anciens ou
nouvelles formes numériques, tous convergent vers des formes de diffusion numériques sur internet,
que ce soit leur mode de diffusion principal ou simplement complémentaire.
Pour autant, les sites et blogs participatifs sur internet ne correspondent pas tous à une éventuelle
définition d'un média de presse et/ou assumant une mission de communication sociale de
proximité. Et c'est bien là qu'apparaît évidente et nécessaire la complémentarité entre les médias
associatifs traditionnels et ces nouvelles formes d'expression populaire. Tandis que le web
collaboratif et les nouveaux médias participatifs ont développé un savoir-faire et des outils
remarquables de participation citoyenne, les médias associatifs ont de longue date développé un
savoir-faire journalistique et des pratiques d'éducation populaire. De plus, tandis que les nouveaux
médias numériques maîtrisent mieux que quiconque la diffusion (« virale ») sur le web, les médias
associatifs maîtrisent les modes de diffusion traditionnels et encore très populaires : FM, édition
papier, voire réunions publiques (projections, enregistrements...).
La complémentarité entre médias télévisuels, radiophoniques, de presse écrite et avec les médias
de la nouvelle sphère internet semble donc bien évidente. Elle s'impose peu à peu à chacun, mais
il reste encore à creuser le terreau de l'union. C'est aussi l'objectif de MédiasCitoyens : faire se
rencontrer ces initiatives qui, jusqu'alors, se sont développées de manières très parallèles ;
mutualiser les savoirs-faire au service des citoyens et de leurs initiatives semblent être aujourd'hui
une priorité pour tous les médias citoyens. Seule, par ailleurs, une entente des médias associatifs
leur permettra de continuer d'exercer leur rôle dans les territoires dans les années à venir. Face aux
coups de boutoir des baisses des aides publiques et du contexte économique, face aux aspirations
hégémoniques des secteurs financiers et commerciaux, dotés de budgets minimalistes, les médias
associatifs ne trouveront d'issue que dans leur union au service des citoyens et de leurs territoires.
Depuis les mines lorraines et le Larzac des années 1970, les luttes ont évolué. Elles sont aujourd'hui
devenues les lieux où naissent de véritables forces de transformations sociales. Le modèle
représentatif et syndical des luttes a vécu. Il laisse la place aujourd'hui à des espaces citoyens
ouverts, champs de forces en mesure de se développer et de se régénérer à l'infini grâce aux
contributions de millions de citoyens interconnectés à travers le monde.
A la croisée des chemins de ces « lames de fond » citoyennes, face à leur propre responsabilité de
s'unir pour s'engager dans les nouveaux horizons du 21ème siècle, les médias citoyens peuvent être
les outils de la convergence, les médias de la construction d' « un autre monde possible ». Comme
ils furent les outils de la libération culturelle il y a trente ans. Comme ils sont devenus pour l'UNESCO
les outils du développement local des pays les plus pauvres. Comme ils sont les vecteurs de
l' « empowerment » de nombreuses communautés dans le monde. Mais à la condition de prendre
le tournant de l'union et de sa réalisation dans les nouvelles frontières numériques. A la condition de
savoir donner aux citoyens un contenu toujours attractif, au plus proche de leurs usages. Il faudra
pour cela convaincre, tous ensemble, les pouvoirs publics de la nécessité d'un numérique citoyen,
d'un numérique public, indépendant des grandes puissances financières. Les convaincre aussi et
enfin de l'urgence de réinstituer dans nos sociétés une véritable presse libre et indépendante, au
service des citoyens et de la démocratie.
Pour des aides publiques aux médias associatifs
Ce rapport montre très largement à quel point les médias associatifs, au-delà de leur simple
définition de « médias », sont des outils privilégiés du développement local. Ils sont à ce titre des
relais efficaces des politiques territoriales. C'est à ce titre notamment que le Fonds de Soutien à
l'Expression Radiophonique soutient les radios associatives de catégorie A, par son aide principale
au fonctionnement, par une aide à l'équipement, mais aussi par le biais de son aide sélective.
Cette aide sélective est distribuée aux radios selon une série de critères jugeant de la pertinence
de l'action locale de la radio. Elle a pour objet de soutenir les services de radio en fonction de leurs
actions dans les domaines suivants : la diversification des ressources, la formation professionnelle
des salariés et la consolidation des emplois, la culture et l’éducation, l’intégration et la lutte contre
les discriminations, l’environnement et le développement local, la part des émissions produites par
la radio.
Mais si cette aide existe, bien qu'insuffisante, pour les radios, rien n'existe en revanche pour les
autres médias associatifs de communication sociale de proximité. Jamais les télévisions ou les
journaux associatifs n'ont eu, comme les radios en 1981 7, le coup de pouce de l'histoire qui aurait
pu les mener vers la reconnaissance institutionnelle.
De longue date maintenant, la Fédération des Vidéos de Pays et de Quartiers, fédération des
télévisions associatives et participatives, revendique la mise en place d'un fonds de soutien à
l'expression audiovisuelle, incluant aussi les télévisions. Celle-ci est une nécessité, comme l'est une
aide nationale aux journaux de presse associative, laissés pour compte des aides publiques à la
presse écrite.
Le soutien de la presse libre et indépendante est tout d'abord du rôle de l'Etat, car il s'agit bien
aujourd'hui de permettre la liberté et l'indépendance éditoriale des médias hors du champ
financier qui les contraint éditorialement, et en accord avec les préceptes de l'après seconde
guerre mondiale, lorsque le Conseil National de la Résistance proclamait la nécessité d'une presse
libre et indépendante des grandes puissances financières.
L'action des médias associatifs locaux se situe essentiellement sur leurs territoires, qu'ils animent et
participent à développer, démocratiquement, socialement, économiquement. Ils représentent
donc des outils majeurs pour les territoires et leurs institutions, au service de leurs habitants. C'est
pourquoi il est aussi particulièrement nécessaire que les collectivités locales les soutiennent. Pour
que l'information continue de vivre dans tous les bassins de vie, y compris ceux ne représentant pas
d'intérêts commerciaux suffisants et abandonnés des médias traditionnels (à l'exception de la
7 En 1981, les radios pirates ont marqué la campagne présidentielle, notamment à travers les liens et les combats
communs de radio Riposte et du candidat François Mitterrand.
Presse Quotidienne Régionale qui continue tant bien que mal à jouer son rôle en local, mais dont
les contenus s'appauvrissent parfois...). Pour que les contenus médiatiques produits continuent
d'être les reflets de la richesse et de la diversité des territoires. Pour que les notions de démocratie
locale et de liberté d'expression continuent à prendre sens pour tout un chacun.
Déjà certaines communes ou des conseils généraux soutiennent leurs médias locaux. Mais ce n'est
toutefois pas encore une règle générale et ces soutiens dépendent de la conviction des édiles
locaux. Déjà, le conseil Régional de Rhône-Alpes abonde l'aide à l'équipement du FSER pour les
radios associatives, il accompagne la structuration de réseaux comme MédiasCitoyens ou la
CRANC-RA à travers des contrats d'objectifs pluriannuels, il soutient aussi divers médias associatifs
régionaux à travers des appels à projets.
Pour autant, il n'existe encore aucune aide structurelle pour les médias associatifs. Aucune aide qui
puisse permettre à ceux-ci d'appréhender leurs dépenses de fonctionnement plus sereinement.
Selon notre étude, les médias de la région placent le manque de moyens financiers au premier
plan de leurs difficultés .
Les budgets de ces médias sont légers et une aide publique ne représenterait qu'une infime partie
des budgets consacrés à d'autres structures, ou même d'autres médias par les collectivités
publiques. On sait par ailleurs que pour ces structures, chaque aide publique est potentiellement
un levier vers l'obtention d'autres ressources.
Si l'on admet que les critères cités plus haut mis en place par le fonds de soutien à l'expression
radiophonique sont pertinents pour juger de l'action locale des médias, alors il peut devenir aisé
d'envisager une aide publique régionale aux médias associatifs. Soutenus financièrement au
regard de l'accomplissement de leur mission de communication sociale de proximité, mesuré
critère par critère, les médias progresseront qualitativement et continueront de se définir autour de
cette notion de communication sociale de proximité. Ils se constitueront davantage encore
comme outils du développement social et solidaire des territoires, vecteurs d'une information
citoyenne libre et indépendante, acteurs de l'éducation populaire et du développement de la
citoyenneté.
Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Partie 1
Première vue d'ensemble
Thierry BORDE
www.mediascitoyens.org
SOMMAIRE
Préambule
p. 3
Première partie : Les radios associatives
p.6
I.1. Définitions, histoire
p.6
I.1.1 Définitions
p.6
I.1.2. Histoire
p.7
I.2. Fonctionnement et financement
p.9
I.2.1 Radios et territoires
p.9
I.2.2. Fonctionnement
p. 11
I.2.3 Financement
p.13
I.3. Perspectives
p.16
I.3.1 Enjeux
p.16
I.3.2. La Radio Numérique Terrestre (RNT)
p.16
I.3.3. Le nécessaire soutien des collectivités territoriales
p.17
Deuxième partie : Les télévisions associatives (participatives)
p.19
II.1. Définitions, histoire
p.19
II.2. Les télévisions participatives : fonctionnement et financements
p.22
II.2.1. Dix télévisions participatives identifiées en Rhône-Alpes
p.22
II.2.2 Le financement des télévisions participatives rhônalpines
p.24
II.3. Perspectives
p.25
II.3.1. Pour un fonds de soutien national à l'expression audiovisuelle
p.26
II.3.2. Pour un soutien accru des collectivités territoriales
p.26
Troisième partie : La presse écrite associative
p.29
III.1. Quelques éléments d'histoire
p.29
III.2. Fonctionnement et financement
p.30
III.3. Perspectives
p.32
Eléments de synthèse et perspectives générales
p.35
PREAMBULE
L'objet de la présente étude est de proposer un état des lieux du paysage des médias « citoyens »
de la Région Rhône-Alpes. Cette « première vue d'ensemble » s'attache à tracer les grandes lignes
nécessaires à la compréhension de cet autre paysage médiatique à travers les situations des
différents médias qui le composent : radios, télévisions, journaux et sites web.
Cet état des lieux du paysage médiatique alternatif de Rhône-Alpes ne pouvait se passer d'une
définition préalable de son objet : les médias « citoyens ». Il donne lieu par ailleurs à une analyse
des rôles, des fonctionnements et des besoins de ces médias. Ce rapport s'attache à démontrer
que ces besoins sont des revendications démocratiques que les politiques publiques ne sauraient
ignorer sans conséquence sur les enjeux sociétaux que représente l'action de ces médias acteurs
du développement de leurs territoires.
Il convient tout d'abord de définir la terminologie employée dans le présent rapport, par les médias
eux-mêmes et par les analystes de cet univers médiatique « alternatif ». Les termes aujourd'hui les
plus couramment employés pour décrire cette catégorie de médias varient : alternatifs, citoyens,
associatifs, participatifs, communautaires...
L'UNESCO inscrit le développement des médias communautaires comme un outil essentiel dans les
processus de développement local. Le Programme International pour le Développement de la
Communication (PIDC) définit ainsi les médias communautaires : « Les médias à vocation
communautaire sont garants du pluralisme des médias, de la diversité de leur contenu et de la
représentation de divers intérêts et groupes sociaux. Les médias communautaires permettent
d'instaurer un libre dialogue et une gestion transparente des affaires publiques au plan local, et
offrent une tribune aux sans-voix. Ils ont pour fondements les principes de la prise de parole
publique et de la mise en commun des expériences et de l’information. »
En France, les radios dont il est question ici sont dites « associatives », définies dans la loi par leurs
statuts et des critères précis. Les télévisions réunies sous l'égide de la Fédération Nationale des
Vidéos de Pays et de Quartiers se définissent comme « participatives ». Enfin, la presse écrite a plus
généralement tendance à employer l'adjectif « alternatif ». Même si ce dernier est utilisé aussi bien
par des radios associatives ou des télévisions.
En réalité, tous les médias dont il est question ici sont à la fois alternatifs, associatifs et participatifs. Ils
sont associatifs par leurs statuts ; alternatifs aux modèles dominants (« mainstream media ») par
leurs contenus, leur fonctionnement associatif et non commercial et par les processus de
production de ces contenus ; ils sont participatifs par leurs fonctionnements qui associent les
citoyens.
Notons que le terme « alternatif » renvoie aussi parfois à un certain positionnement idéologique.
Certains chercheurs distinguent les médias de construction sociale et les médias de contestation,
les médias « expressivistes »8 et les médias « radicaux »9 ou « anti-hégémoniques »10. Ainsi, Dominique
Cardon et Fabien Granjon opposent deux formes critiques : « Une première critique, dont Le
Monde Diplomatique est le représentant attitré en France, peut être appelée anti-hégémonique.
Elle s’attache à mettre en lumière la fonction propagandiste des « appareils idéologiques de la
globalisation » que sont les médias et appelle à la création d’un « contre-pouvoir critique » (...) Le
second cadre d’action collective appuie sa critique sur le refus de la clôture sur lui-même du
cercle des producteurs d’information et de l’asymétrie entretenue par les médias traditionnels à
l’égard de leurs lecteurs/(télé-)spectateurs. Cette critique, que l’on appellera expressiviste, refuse
l’accaparement de la parole par les professionnels, les porte-parole et les experts. Elle propose
moins de réformer les communications de masse et le journalisme professionnel que de libérer la
parole individuelle ».
C'est de cette thèse expressiviste que se rapproche Clemencia Rodriguez lorsqu'elle propose de
remplacer le concept de « médias alternatifs » par celui de « médias citoyens » (citizen media)11.
Tous les médias rhônalpins qui font l'objet de la présente étude conjuguent les caractéristiques
« anti-hégémoniques » et « expressivistes ». Mais cette seconde dimension apparaît essentielle
lorsqu'on les définit comme acteurs du développement de leurs territoires. Médias locaux, ils sont
des outils de transformation sociale ancrés dans leurs territoires par des processus citoyens
d'information ou d'éducation populaire. Leurs démarches et leurs modèles économiques à la
marge leur permettent de produire de manière participative des contenus autres en initiant et
faisant vivre tout ce qui du culturel, du social ou de l'économique ne trouve pas sa place dans le
système médiatique « dominant » : économie solidaire, scènes culturelles émergentes, sciences
humaines... C'est par le développement de ces médias et par ces processus que Felix Guattari
pense « une entrée vers une ère postmédia, consistant en une réappropriation individuelle
collective et un usage interactif des machines d’information, de communication, d’intelligence,
d’art et de culture. »12
Quelque soit l'adjectif choisi pour les qualifier, ces médias appartiennent aussi à ce que certains
appellent le « Tiers-Secteur». Guy Pineau analyse ce positionnement : « Médias critiques, les radios
et télévisions associatives se présentent souvent comme un « tiers secteur » de l’audiovisuel. Tiers
secteur » : sans doute, cette appellation vient-elle d’une référence, lointaine, au Tiers-État du XVIIIe
8 Cf Les mobilisations informationnelles dans le mouvement altermondialiste, D. Cardon, F. Granjon – Colloque « Les
mobilisations altermondialistes », Paris, 3-5 décembre 2003.
9 Cf Radical Media : rebellious communication and social movements, John Downing – Sage Publications, 2001
10 Ce concept de contre-hégémonie prend sa source dans l'analyse de l'hégémonie culturelle formulée par Antonio
Gramsci. Par « hégémonie », celui-ci décrit la domination de classe d'ordre culturel et symbolique à l'oeuvre dans
les sociétés capitalistes.
11 Fissures in the Mediascape, Clemencia Rodriguez, Hampton Press - 2001
12 Vers une ère post-media; Felix Guattari - Terminal, n° 51, octobre-novembre 1990
siècle qui, en opposition à la noblesse et au clergé va jouer le rôle que l’on sait dans la Révolution
française avant de s’investir de façon conflictuelle dans la construction du système social,
politique et économique jusqu’à aujourd’hui. De façon plus récente, ce courant se situe en
référence actuelle, au tiers secteur situé à l’intersection de l’économie sociale, de l’économie
solidaire et d’un désir de s’exprimer (c’est-à-dire de ne plus être exclus) par/à travers des
médias. »13
En 2006, suite à un appel à l'organisation d'« Etats Généraux pour une information et des médias
pluralistes», des médias indépendants et associatifs de Rhône-Alpes se réunissent à St Martin
d'Hères. La même année est lancé « l'appel de Marseille des médias du tiers-secteur ».
Résolument ancrés dans une logique non commerciale, ces médias citoyens sont des outils
d'émancipation et de transformation sociales : « Comment changer le monde si on ne change pas
les médias? », s'interrogeait Blanka Ekhout14. Leur rôle dans le développement local est essentiel. Ils
sont tous des acteurs économiques, sociaux et culturels locaux. Créateurs d'emplois, de culture et
de lien social, ils sont localement des cœurs de réseaux, des lieux où se rencontrent tous les acteurs
de la vie locale, où la société civile s'approprie l'espace public.
13 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005
14 Blanka Ekhout : actuelle ministre de la communication du Vénézuéla, ancienne présidente de Vive Television.
I. Les radios associatives
I.1. Définitions, histoire
I.1.1. Définitions
Dans le Manuel de la Radio Communautaire 15, Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada définissent
ainsi les radios communautaires : « La radiodiffusion communautaire est un moyen de
communication sans but lucratif, qui appartient à une communauté particulière qui la gère, en
général par le biais d’une société, d’une fondation, ou d’une association. Son but est de servir les
intérêts de cette communauté. Il s’agit en réalité d’une forme de service public de radiodiffusion,
mais qui servirait une communauté plutôt que la nation tout entière, ce qui correspond à la forme
habituelle du service public décrite plus haut, d’autant qu’elle repose et doit reposer
essentiellement sur les ressources de la communauté.
La communauté se définit comme un groupe de personnes qui partagent des caractéristiques et /
ou des intérêts communs. La communauté d’intérêts devrait être basée sur :
- l’appartenance à une zone géographique commune, c'est-à-dire des personnes vivant dans une
ville, un village ou ayant des liens spécifiques de voisinage;
- le partage d’une même vie économique et sociale par le biais du commerce, du marketing, des
échanges de biens et de services. (…)
Comme on peut le constater, il n’existe toujours pas de définition ni de description unique de la
radio communautaire. La situation se complique davantage du fait de la variété des termes
appliqués à la radiodiffusion de proximité : radio "locale", "alternative", "indépendante", ou "libre".
Tous ces termes manquent de précision. Par exemple, le terme "radio locale" pourrait également
faire référence à une exploitation décentralisée, une petite station commerciale d'une chaîne
publique ou d’une petite radio privée. "Alternative" et "libre" sont des termes tout aussi imprécis,
même si dans le contexte de la radio, ils sont habituellement compris dans le sens d’une
alternative aux médias de masse dominants, indépendants du contrôle gouvernemental. Ainsi
définis, ils s'inscrivent logiquement dans le concept de radio communautaire, mais ce n’est pas
forcément le cas.
Il existe plusieurs similitudes entre les différentes définitions de la radio communautaire qui ont été
15 Manuel de la Radio Communautaire, Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada - UNESCO, 2001
formulées. Une simple phrase, facile à retenir, suffit parfois à bien les résumer: "la radio par le
peuple et pour le peuple". Cette phrase fait bien ressortir le principe essentiel pour qu’une radio
soit considérée comme une vraie radio communautaire. Elle doit, premièrement, être gérée par la
communauté ; deuxièmement, son but doit être de servir la communauté. »
- En France, les radios associatives, de catégorie A sont définies par le CSA :
« Catégorie A - Services associatifs éligibles au fonds de soutien
Relèvent de cette catégorie les services éligibles au fonds de soutien à l'expression radiophonique
(FSER) dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant
le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre
d'affaires. Si une radio est déclarée non éligible par la commission du FSER, une fois toutes les voies
de recours épuisées, elle ne peut plus légalement se revendiquer de la catégorie A.
Ces radios ont pour vocation d'être des radios de proximité, des radios communautaires, culturelles
ou scolaires.
Leur programme d'intérêt local, hors publicité, doit représenter une durée quotidienne d'au moins
quatre heures diffusées entre 6h et 22h. »
I.1.2 Histoire
Cette définition légale de la radio associative en France, accompagnée des dispositifs
institutionnels qui l'entourent, est née d'une histoire spécifique à notre pays. Notons tout d'abord
l'importance de la radio dans l'histoire de la seconde guerre mondiale et de la Résistance. Situation
dans laquelle s'est développée une fonction bien spécifique de ce média, à partir de l'appel du 18
juin, et qui participe à expliquer le rapport particulier qui s'exprime inconsciemment entre le pays et
son paysage radiophonique. A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale la Radio Diffusion
Française (RDF), bientôt RTF (Radiodiffusion et Télévision de France, février 49)
jouera un rôle
déterminant dans la diffusion d'une information publique sous la tutelle du pouvoir. Dès les années
1960 monte, surtout dans la jeunesse, un mouvement d'émancipation et de liberté exprimé en
France notamment par l'émission Salut les Copains (1959 -1964) diffusée sur une radio périphérique
(Radio Monte Carlo) et en Angleterre par Radio Caroline, radio pirate qui émet depuis les eaux
internationales.
Mais l'histoire des radios associatives - radios « libres » - commence réellement à la fin des années
1960 (Radio Campus Lille en 1969) et prend une ampleur remarquable à la fin des années 1970.
Avant 1981
La fin des années 1970 voit l'éclosion des radios pirates réclamant la liberté de diffusion avec deux
motivations majeures : la liberté musicale et la lutte sociale. D'un côté des radios vouées à faire
enfin évoluer en France la diffusion des nouvelles formes de musique, de l'autre des radios nées
dans les luttes : Lorraine Coeur d'Acier ou SOS Emploi dans les bassins miniers lorrains, Radio Larzac,
ou encore Radio Onz'Debrouille, sur l'émetteur de laquelle eut lieu l'émission Radio Riposte de
François Mitterrand en 1979.
Ce point historique est nécessaire pour comprendre les fondements mêmes qui sous-tendent
l'existence d'un paysage médiatique aujourd'hui si présent, qu'on en oublie parfois le sens : outil de
résistance et de libération pendant la guerre (au même titre d'ailleurs que les parutions écrites
publiées clandestinement) ; outil de diffusion culturelle sans censure, outil de lutte sociale et de lien
entre les citoyens, outil d'émancipation politique aussi, comme on le voit avec l'utilisation de la
radio pirate – illégale – par la gauche avant 1981.
1981 – 2010 : La libération des ondes et la recomposition du paysage
Autant la naissance de la radio « libre » était motivée par ses fonctions émancipatrices aux niveaux
social, culturel et démocratique, autant l'histoire des radios depuis 1981 est marquée l'évolution
libérale de la société.
Peu à peu, les radios libres vont se scinder en deux familles : commerciales et associatives. Radios
commerciales que rejoignirent aussi les grandes stations qui émettaient jusqu'alors en grandes
ondes depuis l'étranger : RTL, RMC, Europe 1...
En novembre 1981, les radios locales privées, limitées dans leur puissance émettrice, sont autorisées
en vertu d'une dérogation au monopole. Cette dérogation sera confirmée ensuite par l'adoption
de la loi du 29 juillet 1982.
« Ce texte permettra une avancée du secteur associatif (sans but
lucratif), mais il permettra aussi « aux coquins et aux malins » (à but très lucratif) d’avancer leur
stratégie commerciale. En l’absence d’un modèle économique alternatif non commercial, les
associatifs accueilleront, nécessité faisant loi, assez favorablement la loi de 1984 autorisant la
publicité limitée pour les radios associatives locales ; sans limites pour les radios qui deviennent
officiellement commerciales. », analyse Guy Pineau16.
Depuis, le paysage s'est confirmé dans cette dynamique. Les évolutions qui ont eu lieu tiennent
surtout à la couverture du territoire et au nombre de fréquences attribuées. La dernière évolution à
ce niveau est en voie de se terminer : le « plan FM + » qui a encore accru l'offre de radios dans de
nombreux territoires.
Aujourd'hui, les radios privées sont classées en cinq grandes catégories par le CSA :
−Catégorie A : Radios associatives de proximité et de lien social ou communautaires, éligibles au
fonds de soutien à l’expression radiophonique
−Catégorie B : Stations locales indépendantes, radios commerciales qui participent à l’animation
de leur zone économique et contribuent également à l’expression locale
16 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005
− Catégorie C : Stations locales ou régionales affiliées ou abonnées à des réseaux thématiques à
vocation nationale
−Catégorie D : Réseaux thématiques à vocation nationale
−Catégorie E : Il s’agit des trois radios généralistes à vocation nationale, Europe 1, RTL et RMC Info.
Elles existaient toutes les trois avant 1982, avec le statut de radios périphériques (elles émettaient
depuis l’étranger : la Sarre, le Luxembourg, la principauté de Monaco, en exploitant des émetteurs
en modulation d’amplitude sur les grandes ondes. )
La loi Trautmann du 1er août 2000 définit officiellement les radios associatives comme « radios de
communication sociale de proximité » : « Le conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble
du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services
éditée par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité,
entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels,
l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection
de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion »17.
Il existe plus de six cent cinquante radios associatives aujourd'hui en France. 71 d'entre elles sont
situées en Rhône-Alpes.
I.2. Fonctionnement et financement
I.2.1. Radios et territoires
Jusqu'en 2011 la région Rhône-Alpes comptait 71 radios associatives : 6 dans l'Ain, 5 en Ardèche, 9
dans la Drôme, 26 dans l'Isère, 9 dans la Loire, 13 dans le Rhône, 5 en Savoie, 6 en Haute-Savoie
(certaines radios émettant sur plusieurs départements sont recensées plusieurs fois)
Une répartition territoriale relativement équilibrée, où l'Isère, plus grand département rassemble
plus du tiers des radios (26 sur 71), le Rhône, département le plus peuplé mais le plus petit réunit 13
radios sur 71.
L'évaluation de cette répartition ne peut se faire que dans la prise en compte de la réalité des
bassins de population et de la géographie de la région. Cet examen montre toutefois des lacunes
dans la couverture régionale, notamment dans les zones rurales : 5 radios en Ardèche et en Savoie,
6 en Haute-Savoie, où les zones géographiques, morcelées, appelleraient à davantage de
couverture et où certains territoires auraient besoin d'outils de développement local tels que les
radios.
Le paysage des radios en Rhône-Alpes évolue peu. Les dernières nées des radios de catégorie A
dans la Région sont Radio d'Ici, Radio Zig-Zag, Radio Pixel
qui obtinrent leurs fréquences
17 Extrait de l'article 29 de la loi n°2000-719 du 1er août 2000 relative à la liberté de communication
permanentes en 2000, et Radio Alto en 2006.
Le dernier appel à fréquences lancé par le CSA dans le cadre du « plan FM+ » a abouti à la
libération de nouvelles fréquences et la naissance de nouvelles radios : R-DWA à Die, Radio
Altitude, Radio Oxygène et Séquence FM dans les régions de montagne radio MplusM, Déclic FM à
Tournon. Des radios déjà existantes ont été autorisées sur de nouvelles fréquences, comme RCT
Cap Sao à vienne et à Oyonnax, Radio Salam à Bourg-en-Bresse ou Radio M à Nyons...
Le soutien octroyé par la Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire (CRESS) aux
nouveaux projets de radios ces dernières années montre l'importance de la radio comme outil au
service du développement local. Depuis 2010, la CRANC-RA est d'ailleurs de nouveau adhérente à
la CRESS, remplaçant en cela le CORREX, ancienne fédération des radios associatives rhônalpines.
Les radios associatives sont par ailleurs représentées aux niveaux national et régional au sein de
l'USGERES (Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie
sociale).
Cet attachement à l'économie sociale et solidaire est mû d'abord et avant tout par la volonté de
s'inscrire dans les dynamiques de la vie sociale, économique et culturelle des territoires.
Le territoire, pour une radio associative, est sa zone d'action : d'actions de participation citoyenne,
d'éducation populaire, de formation (certaines radios associatives sont d'ailleurs agréées comme
organisme de formation et d'éducation populaire) ; zone de partenariats et de mises en réseau,
zone de production, de réalisation et de diffusion à la fois.
Le territoire d'une radio est sa zone de diffusion. Celle-ci est définie par la fréquence attribuée, par
la puissance de l'émetteur de la radio et par les caractéristiques géographiques du territoire. De
par sa diversité géographique, la région Rhône-Alpes réunit des radios aux caractéristiques
territoriales fort différentes, selon qu'elles se situent en montagne, en zone urbaine, interurbaine, en
plaine... La présence de zones frontalières complexifie aussi la gestion des fréquences par les
autorités de régulation.
Si le siège de la radio est localisé dans une commune, son action ne concerne pas moins toute sa
zone de diffusion par la volonté d'être au plus proche de tous. Les radios peuvent être présentes
dans le territoire de différentes manières : en faisant participer les habitants en studio, en réalisant
des reportages sur le terrain, en organisant des émissions délocalisées grâce à des techniques
mobiles...
Lorsque l'on définit la radio associative selon la classification mondiale de la radio communautaire,
il est alors possible de caractériser les territoires des radios comme leurs communautés. Dans les
acceptions anglo-saxonnes et hispaniques des expressions « community media » ou « media
communautarios », comme dans l'usage francophone du terme « media communautaire » au
Québec, la « communauté » s'entend à la fois en tant que communauté d'esprit et communauté
géographique, loin du sens « fermé » donné en France au terme « communautaire ».
Aujourd'hui, la plupart des radios associatives sont présentes sur internet et développent ces autres
modes de diffusion que sont le streaming et le podcast. Cette nouvelle pratique demande aussi le
développement d'un contenu autre intégrant des données associées qui peuvent être écrites ou
vidéos.
Les radios associatives ne reconnaissent pas l'audience comme un outil de mesure pertinent. Cet
outil purement quantitatif ne peut en effet rien signifier quant à la réalité d'une action territoriale
qui ne se limite pas à la seule diffusion de programmes sur la bande FM. (L'institut Médiamétrie a
développé un sondage plus adapté aux radios associatives, qui reste toutefois sujet à beaucoup
de réticences de la part des acteurs des radios.)
I.2.2. Fonctionnement
Association de Loi 1901 à but non lucratif, une radio de catégorie A est donc gérée par un conseil
d'administration responsable des orientations et de la ligne éditoriale de la radio.
Il est difficile pour une radio de catégorie A d'exister et de se développer sans salarié, ne serait-ce
que par la contrainte de produire quotidiennement quatre heures de programmes propres. En
Rhône-Alpes, les situations sont là encore très diverses, et, selon les radios et les périodes, on peut
dénombrer de 1 à 10 salariés, répartis entre contrats de travail « traditionnels » et contrats aidés. Le
nombre de salariés par structure est variable, en particulier selon les possibilités d'embauche en
contrats aidés ou qualifiants. La moyenne générale se situe entre 2 et 3 salariés.
La part bénévole est fondamentale dans le fonctionnement de ces radios. Elle se divise en deux
démarches distinctes : la participation directe de bénévoles ou d'équipes de bénévoles qui
prennent en charge des émissions, des plages horaires, ou la participation bénévole de groupes
accompagnés dans le cadre de projets spécifiques passant généralement par des partenariats
avec des structures associatives, scolaires, d'éducation populaire, de participation citoyenne,
culturelles, économiques... Par les interactions qu'ils génèrent, ces partenariats sont essentiels dans
la dynamique créée dans le territoire. Le nombre de bénévoles dans les radios est variable,
quelques dizaines en moyenne et peut atteindre plus d'une centaine (Radio Pluriel compte 120
bénévoles par exemple).
Comme pour la télévision, la caractéristique de la radio est son besoin, pour fonctionner, de
matériel et de savoir-faire technique.
Les radios ont donc besoin d'un local abritant bureaux et studios d'enregistrement. Elles possèdent
ou louent, généralement dans un endroit spécifique du territoire, un ou des émetteurs pour la
diffusion. Les compétences techniques requises pour le bon fonctionnement d'une radio vont donc
de la maîtrise du processus d'enregistrement en studio ou en extérieur, à celle des techniques de
diffusion (hertzienne mais aussi aujourd'hui, de diffusion par internet) en passant par le montage
audio.
Outre les savoir-faire techniques, le bon fonctionnement de la radio demande à la fois des
compétences journalistiques, d'animation et de formation. De plus en plus, le poste de direction
demande quant à lui des compétences accrues en gestion, en développement de projets et en
recherche de financements.
Qu'il s'agisse de bénévoles ou de salariés, il est important de noter le rôle de formation que jouent
les radios associatives : formation citoyenne d'une part mais aussi formation technique et
journalistique par l'embauche de personnels dans le cadre de contrats aidés ou qualifiants, ou par
l'accueil de stagiaires d'école de journalisme notamment. Certaines radios sont reconnues comme
organismes de formation et d'éducation populaire et organisent des stages spécifiques d'initiation
ou de perfectionnement.
Au niveau collectif, différentes instances de représentations existent, fédérant les radios
associatives. La Confédération Nationale de Radios Associatives (CNRA) et le Syndicat National
des Radios Libres (SNRL) sont les deux représentations nationales qui ont pour prolongement en
Rhône-Alpes deux fédérations régionales : la Fédération des Radios Associatives Non commerciales
de Rhône-Alpes (FRANCRA) et Liberté Radiophonique en Rhône-Alpes (LIRRA). Ces deux
fédérations sont regroupées sous l'égide de la Confédération des Radios Associatives Non
Commerciales de Rhône-Alpes (CRANC-RA). La CRANC-RA est elle-même adhérente à
MédiasCitoyens et à la Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire ((CRESS). Au niveau
international, l'Association Mondiale des Associations de Radio-diffuseurs Communautaires
(AMARC) est vouée à fédérer l'ensemble des radios communautaires – associatives.
I.2.3. Le financement des radios associatives
Le financement des radios de catégorie A est assuré majoritairement par le Fond de Soutien à
l'Expression Radiophonique (FSER), la publicité et les collectivités locales.
Le Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER)
Créé en 1982, le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) a pour objet de
permettre aux radios associatives locales d’assurer leur mission de communication sociale de
proximité, grâce à des aides prévues à l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986
relative à la liberté de communication. Les subventions du FSER sont attribuées par le ministre de la
culture et de la communication chargé de la communication aux radios locales associatives
accomplissant une mission de communication sociale de proximité, dont les ressources publicitaires
sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. La mission de communication sociale de
proximité est entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et
culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la
protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. Auparavant financé par une taxe sur
la publicité audiovisuelle, le FSER est depuis l’an passé financé directement par le budget du
ministère de la culture et de la communication suite à la réduction de la publicité sur les télévisions
publiques.
Le FSER distribue quatre types d'aides :
−Une
subvention d’installation attribuée aux radios titulaires d’une première autorisation
d’exploitation. Son montant ne peut excéder 16 000 €, elle ne peut être accordée qu’une seule
fois.
−L'aide au fonctionnement : une subvention annuelle de fonctionnement attribuée sous réserve
que la radio ne perçoive pas plus de 20% de son chiffre d’affaires en recettes publicitaires. Son
montant peut varier de 3900 Euros à 42000 Euros, selon les produits. Ce barème est fixé par la
commission du FSER.
−En complément de la subvention de fonctionnement, une aide sélective peut être attribuée aux
radios. Pour chaque critère, la commission attribue un nombre de points qui sera multiplié par un
coefficient permettant l'attribution d'une subvention sélective. Ce barème et la valeur du point
sont revus chaque année. Les sept critères retenus sont : la diversification des ressources, les actions
de formation professionnelle en faveur des salariés et la consolidation des emplois, les actions
éducatives et culturelles, la participation à des actions collectives en matière de programmes, les
actions en faveur de l'intégration et de la lutte conte les discriminations, les actions en faveur de
l'environnement et du développement local, la part d'émissions produites au sein de la grille de
programme. (Arrêté du 3 août 011 fixant le barème de la subvention sélective à l'action
radiophonique prévu à l'article 6 du décret N°2006.1067 du 25 août 2006 pris pour l'application de
l'article 80 de la loi N° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de
communication)
−L'aide à l'équipement est destinée à contribuer au financement du renouvellement du matériel
des radios éligibles au FSER à hauteur de 50 % maximum du montant hors taxes du matériel et
dans la limite de 18 000 € par période de cinq ans.
La publicité
Les radios associatives sont autorisées à percevoir moins de 20% de leur chiffre d'affaire en recettes
publicitaires. Toutefois la réalité des pratiques est diverse. D'une part de nombreuses radios refusent
totalement la publicité pour des raisons évidentes d'indépendance face au système commercial,
d'autre part parce que selon les territoires et les capacités des radios à générer et gérer la
publicité, toutes ne profitent pas de la totalité des ressources autorisées.
L'autorisation des radios associatives à disposer de ressources publicitaires a toujours fait débat
depuis la loi de 1984 et l'amendement Delfau en 1989 autorisant la publicité sur leurs antennes et
dans la limite des 20%.
Les collectivités locales
- La Région Rhône-Alpes soutient les radios associatives depuis de nombreuses années, notamment
dans le cadre d'appels à projets, de projets spécifiques, d'achats de prestations ou de
communication. Depuis 2008, elle a mis en place un dispositif structurel visant à abonder l'aide à
l'équipement du FSER à hauteur de 25% du montant hors taxe de l'investissement.
Au niveau collectif, la Région a contracté depuis trois ans un contrat d'objectif avec la CRANCRA
visant à aider la structuration régionale des réseaux de radios.
- Les Conseils Généraux peuvent aussi soutenir les radios associatives. En Rhône-Alpes, c'est le cas
par exemple en Isère, où cette aide a toutefois été réduite de manière significative en 2010.
- De nombreuses radios sont soutenues par leurs communes. Soit par le biais de subventions de
fonctionnement, soit par la mise à disposition de locaux ou de matériels divers.
L'EPRA
« Le groupement d’intérêt public « EPRA » a pour objet la mise en oeuvre d’une banque de
programmes radiophoniques favorisant l’intégration en France des populations immigrées ou issues
de l’immigration. Ces programmes, produits par les radios adhérentes au groupement, sont
destinés à l’ensemble du secteur radiophonique, et en particulier aux radios associatives locales. »
(convention constitutive de l'EPRA, mars 2005)
Concrètement, l'EPRA achète aux radios associatives des productions destinées à développer
cette banque de programmes.
Autres sources de financements
D'autres sources de financement ponctuelles peuvent être trouvées par la réalisation de
prestations ou par la diffusion de messages d'intérêt collectif par exemple.
Les radios associatives peuvent aussi répondre à des appels à projets, demander des subventions
pour des actions spécifiques. Ces demandes de subventions peuvent aussi bien concerner les
collectivités locales, l'Etat, des fondations... Cette source de financement n'est pas négligeable
dans un contexte où le financement des associations est de moins en moins pérenne. Mais, si le
développement de projets spécifiques est bénéfique à la dynamique de chaque structure, il n'en
demeure pas moins que son institution comme mode de financement régulier est précaire et
dangereux. Il est à noter à ce sujet que de nombreuses radios soutenues par le FAS, le FASILD puis
l'Acsé s'interrogent aujourd'hui quant à la pérennité de ce soutien suite à la réorganisation de ces
services. Parmi les sources de financements aléatoires et fluctuants selon les politiques publiques, le
soutien apporté aux associations par les contrats aidés n'est pas négligeable. Il est actuellement
aussi l'objet de vives inquiétudes.
Le niveau moyen de l'aide du FSER par radio en France se situe entre quarante et cinquante milles
Euros, aide sélective comprise. Le budget total des radios associatives dépasse rarement les 100
000 Euros en moyenne. Une limite est fixée à 200 000 Euros par le FSER au-delà de laquelle l'aide au
fonctionnement est minorée.
I.3. Perspectives
I.3.1 Enjeux
Les radios associatives sont confrontées aujourd'hui à de nombreux enjeux. Alors que le soutien
public aux associations ne cesse de s'amoindrir, elles vont devoir s'adapter – ou poursuivre leur
adaptation - aux évolutions des pratiques et usages numériques, avec l'interrogation majeure de
la mise en place éventuelle de la Radio Numérique Terrestre (RNT). Face au « tout commercial » en
dehors duquel elles se situent par définition, elles ont aussi aujourd'hui l'opportunité d'être des
moteurs dans les secteurs de l'Economie Sociale et Solidaire, dans le développement local de leurs
territoires, dans les thématiques de l'écologie, de la participation citoyenne et dans le
développement
de
l'accès
des
citoyens
aux
technologies
de
l'information
et
de
la
communication.
Face à ses différents enjeux est née la nécessité de progresser collectivement à travers des
processus mis en place par la CRANC-RA qui doivent être pérennisés : les échanges de
programmes et de bonnes pratiques, la réalisation de programmes collectifs, la « visibilité » des
radios aux niveaux régional, national et international.
I.3.2. La Radio Numérique Terrestre (RNT)
L'enjeu majeur de l'ensemble du paysage radiophonique français des prochaines années est le
possible passage à la Radio Numérique Terrestre (RNT). La diffusion numérique aurait déjà dû être
lancée. Mais après plusieurs reports, elle est aujourd'hui bloquée par décision gouvernementale
suite à la prise de position des grands groupes privés de radio (Lagardère, Next Radio, Skyrock)
contre ce mode de diffusion qu'ils jugent dépassés, préférant se préparer à la diffusion par IP
mobile. A l'heure actuelle, tous les syndicats et fédérations de radios privées et associatives, les
diffuseurs et le CSA se positionnent pour la RNT en cela qu'elle garantira la sauvegarde des
équilibres et de la vocation démocratique de la radio. Seuls les grands groupes, sûrs de leurs futurs
positionnements « leader » sur l'internet mobile ne la souhaitent pas, réagissant à une pure logique
de profit.
- Au contraire de la RNT, l'internet mobile ne serait pas gratuit : son écoute et sa diffusion passeront
par un opérateur de téléphonie payant et pouvant de fait influer sur le contenu des programmes.
Si les grands groupes ont la possibilité de passer des accords commerciaux avec ces opérateurs,
ce n'est pas le cas des radios associatives ou indépendantes.
- La RNT offrirait l'opportunité d'augmenter significativement le nombre de fréquences sur les
territoires (l'offre en milieu rural reste en effet restreinte sur la bande FM) tout en le régulant. Par les
logiques commerciales et de concentration, la dérégulation sur l'internet mobile aurait comme
conséquence à terme de rendre de moins en moins visibles les radios associatives et
indépendantes. La RNT est donc aussi garante de la diversité des radios.
- Si la couverture qu'elle offrira ne semble pas complète, la RNT donnera toutefois la possibilité de
diffuser sur davantage de territoires que l'IP mobile.
- « Que se serait-il passé en 1940, si la radio avait été diffusée par internet ? » se demandait Rachid
Arhab, en charge du dossier RNT au CSA. Par internet, l'écoute de la radio n'est pas anonyme. On
peut imaginer toutes les conséquences éventuelles d'une telle évolution.
Si l'on considère que la numérisation de la radio est désormais incontournable, la RNT est la seule
solution pour préserver les atouts d'un paysage radiophonique constitué pour offrir à la nation un
système démocratique d'accès à l'information, à la culture et aux savoirs. Il s'agit actuellement un
enjeu politique majeur, pour les radios mais aussi pour l'ensemble de la population.
En tout état de cause, cette numérisation ne permettra pas de toucher la totalité des populations
et des territoires, notamment dans des zones géographiques spécifiques. Les territoires montagneux
de Rhône-Alpes par exemple. C'est pourquoi la volonté de passer à la RNT s'accompagne de la
volonté de préserver la diffusion sur la bande FM et de la nécessité de s'adapter aux technologies
et aux usages de l'internet. 18
18 Sur la RNT : Avenir de la radio : la Radio Numérique Terrestre en question ; Thierry Borde, MédiasCitoyens,
La situation des zones rurales et montagneuses est en effet particulièrement en jeu dans les
perspectives d'un nouveau paysage radiophonique. Les radios commerciales se désintéressant de
ces territoires peu porteurs en termes de marché, les radios associatives en effet sont les seules
radios en mesure d'assurer cette couverture radiophonique.
I.3.3. Le nécessaire soutien des collectivités territoriales
Quelque soit le mode de diffusion choisi, les radios auront besoin de s'adapter à ces nouvelles
pratiques et usages numériques. Le modèle économique de fonctionnement va aussi évoluer avec
ces pratiques. C'est pourquoi la CRANCRA mobilise aujourd'hui une étude sur la question des
logiciels libres. C'est aussi la raison pour laquelle le Conseil Régional de Rhône-Alpes a décidé
d'aider les radios associatives au niveau de l'investissement.
Mais les besoins des radios vont majoritairement être des besoins en fonctionnement : location d'un
émetteur pour la RNT, embauche de personnels pour gérer ces nouveaux usages numériques,
développer les données associées aux nouveaux modes de diffusion, créer de nouveaux outils
numériques adaptés aux territoires...
Aussi les radios de Rhône-Alpes ont-elles récemment sollicité la Région pour une aide structurelle
qui viendrait compléter l'aide sélective du FSER, sur les critères de celle-ci.
(www.mediascitoyens.org) 2010.
II. Les télévisions associatives – participatives
Si les radios associatives sont clairement définies en France du fait du dispositif légal qui les soutient,
il n'en n'est rien en ce qui concerne les télévisions associatives. Bien que le cadre légal déterminant
la question de la radio et de la télévision ait un socle commun notamment dans la loi de 1986 sur la
liberté de communication, les télévisions associatives n'ont jamais obtenu la même reconnaissance
au niveau national. Bien au contraire.
Leurs vocations, leurs démarches et leurs histoires sont très proches mais « la longue marche des
télévisions participatives »19 est restée parallèle à celle des radios associatives.
Malgré une histoire riche et des expériences locales particulièrement enthousiasmantes, les
parutions sur la question de la télévision participative restent très rares. Notons ici l'important travail
réalisé par la Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers (fédération des télévisions
participatives) pour tenter de combler ce manque.
II.1. Définitions, histoire
Pour la Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers, « les télévisions participatives
de proximité permettent aux habitants de quartiers, de villages ou de pays ruraux de s'approprier
une partie de l'animation locale pour recréer du lien social. Leur fondement même est de favoriser
le développement local, de renforcer l'animation et les liens sociaux, de favoriser l'insertion
professionnelle et de proposer un traitement des contenus plus adapté aux besoins de proximité.
Le processus même de production des programmes prend alors une importance toute particulière,
la diffusion devenant alors la concrétisation du travail effectué et une des motivations à
l'implication de bénévoles dans la création de programmes.
Ces télévisions ont souvent des périodicités adaptées au rythme de leur création par les habitants
(par mois, par trimestre ou même par an). Plus que des télévisions de flux occupant un canal ou
une tranche horaire, il s'agit de « télévisions de rendez-vous » où chaque diffusion devient un
événement. Enfin l'implication des citoyens dans ces télévisions permet une éducation à l'écriture
et à la lecture critique de l'image . »20
La définition que donne Antoine Dufour (O2Zone TV) recoupe celle-ci mais montre bien que la
19 La longue marche des télévisions participatives, coordonné par Bruno Cailler, Guy Pineau, Christian Pradie –
L'Harmattan 2010
20 Guide des TV Participatives, Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers - 2007
télévision associative peut aussi prétendre à la diffusion en flux sur des réseaux : « Issue, au début
des années 70, principalement des associations d’éducation populaire et d’animation rurale cette
forme de télévision repose sur un concept de participation active des habitants et des ressources
locales à la réalisation et à la ligne éditoriale d’une télévision accessible sur des réseaux et agrée
par le CSA respectant donc le terme de la loi. Elle repose sur un concept ou la télévision est un
moyen au service du développement local et du développement collectif et personnel. L’antenne
est alors utilisée comme un catalyseur d’énergie au service d’un territoire. De la fabrication à la
diffusion, c’est toute une chaîne cohérente de coproduction, dont la diffusion n’est qu’une étape
dans le processus d’animation et de développement.
En agissant d’une manière systémique sur tout ce qui touche à la vie locale, elle renforce les liens
sociaux, culturels et économiques dans un soucie de cohésion territoriale. Basée sur la qualification
des personnes ressources (salarié & bénévole) et des associations y participant, elle renforce les
compétences globales des habitants par une pratique intégrée et continue des techniques
audiovisuelles de communication. En libérant la parole et l’image dans un cadre déontologique,
la télévision participative favorise le dialogue social, le lien intergénérationnel et globalement une
meilleure compréhension des problématiques locales. La télévision participative est un outil
privilégié et moderne au service de la démocratie locale. »21
Les expériences de télévision participatives se sont multipliées depuis le début de Télé Saugeais à
la fin des années 1970. Depuis, le modèle de la « télé brouette » a été popularisé notamment par
Télé Millevaches qui maintient et développe depuis le début des années 1980 le lien social entre les
habitants du plateau des Mille Vaches. La télévision est livrée par cassettes puis Dvd au domicile
même des habitants. Ces distributions sont généralement complétées par des projections
publiques, évènements populaires rassemblant les habitants autour de la diffusion de programmes
de proximité.
Depuis les formes de diffusion se sont diversifiées notamment grâce à internet qui permet
aujourd'hui de diffuser non seulement des reportages mais aussi un flux continu. Les réseaux câblés
et TNT donnent aussi, mais de manière extrêmement marginale une place à quelques télévisons
associatives.
En 2005, Guy Pineau résume ainsi l'histoire inachevée de la lutte des télévisions participatives : « À
l’époque du monopole de radio-télé-diffusion, la question des médias locaux est traitée en termes
d’interdiction. Ainsi la loi Lecat de 1978, spécialement votée pour répondre à un vide juridique en
matière de répression et les pouvoirs publics, dans leur combat contre les « radios libres »
entendent faire respecter par tous les moyens ce monopole. Il en ira de même en matière de
télévision : les premières télévisions pirates sont vite fermées.
21 Origine de la Tv participative, Antoine Dufour – www.o2zone.tv , 2007
La fin du monopole est loin de régler la question. Si la loi de 1982 proclame dans son article premier
« la communication audiovisuelle est libre », cette liberté est ambivalente ou polyvalente. Sa
lecture renvoie à la fois à la liberté d’entreprendre, à la liberté d’expression audiovisuelle pour les
citoyens (y compris pour ceux qui ne peuvent être des entrepreneurs au sens classique du terme),
et même à la liberté d’être informé ?
Mais quelle sera la forme juridique des nouvelles télévisions ? Cette question - celle du statut de
nouveaux acteurs télévisuels - n’a pas été posée, tant « la réponse allait de soi » : La réponse à une
question demeurée implicite est calquée sur le modèle juridique des opérateurs nationaux : elle
conduit à n’envisager que seule une société commerciale pouvait prétendre à obtenir une
autorisation d’émettre. La loi de 1986 remplacera ce système par celui de l’autorisation, avec une
procédure publique d’appel à candidatures.]]. Par un retournement du raisonnement, lors du
débat de la loi d’août 2000, le débat sur l’acceptation du statut associatif reconnu apte à obtenir
une fréquence s’étendra au national. C’est ce texte qui permet aujourd’hui à Zalea TV d’être
candidat à un appel à candidatures sur le TNT au plan national.
Pour autant, jusqu’à la loi d’août 2000, le statut d’association (loi de 1901) n’était pas reconnu. Une
association ne pouvait répondre à un appel à candidatures du CSA, pour obtenir une fréquence
de diffusion hertzienne ; cette possibilité étant réservée aux seules sociétés commerciales »22.
En 2007, deux ans après la parution de ce texte de Guy Pineau, les membres de Zaléa Tv dissolvent
leur association en publiant le communiqué suivant :
« Réunie en Assemblée Générale le 23 septembre 2007, l’association Zalea TV, éditrice de la
télévision libre nationale du même nom, a décidé de se dissoudre parce qu’elle n’était plus du
tout adaptée au contexte politique et technologique actuel.
Les coups de barre à droite successifs depuis l’alternance de 2002 ont anéanti tout espoir de
création d’une grande chaîne nationale de télévision alternative, non marchande et citoyenne,
dans un avenir proche.
Depuis la légalisation des chaînes associatives au printemps 2000, Zalea TV a tout tenté pour se
faire autoriser par le CSA en diffusion hertzienne permanente et pour être reprise sur le câble et le
satellite. Mais pour des raisons qui mêlent des intérêts politiques, financiers et idéologiques, aucune
véritable télévision associative diffusant les programmes du Tiers Secteur Audiovisuel n’a finalement
pu voir le jour en France.
Le CSA a mis le point d’orgue à ce verrouillage en rejetant pour la troisième fois la candidature de
Zalea TV à la TNT juste après les élections présidentielles de 2007. Au point où en est arrivé le PAF,
c’est maintenant à une véritable refondation du système télévisuel français dans son ensemble
qu’il faut œuvrer. Ce système quasi totalitaire, à la fois anesthésiant socioculturel et démobilisateur
civique, nuit gravement à la vie démocratique du pays et au véritable débat d’idées.
22 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005
D’autre part, la prolifération récente des sites internet de vidéos partagées apporte une solution
temporaire à la libre circulation des images. Cette solution est loin d’être satisfaisante au regard du
droit à l’information du grand public, mais elle a le mérite de rendre possible une assez large
diffusion des productions non alignées, non formatées, non commerciales et censurées. Ce qui
était l’une des missions principales de l’ONG Zalea TV. »
En juillet 2007, alors que Zaléa Tv est en train de se dissoudre, Tv Bocal est autorisée à émettre sur un
canal de la TNT Ile-de-France qu'elle partage actuellement avec BDM TV, Cinaps TV et Demain TV.
Aujourd'hui, et malgré quelques expériences isolées, le système établit ne permet pas aux
télévisions associatives d'accéder aux modes de diffusion télévisuels les plus courants. Pour les
télévisions qui ne disposent pas d'un espace démocratique réservé comme les radios sur les ondes
hertziennes, la logique « dominants/alternatifs » s'impose particulièrement dans un paysage où
seules les garanties commerciales et financières comptent pour être autorisé à diffuser.
II.2. Les télévisions participatives : fonctionnement et financements
II.2.1. Dix télévisions associatives identifiées en Rhône-Alpes
Le recensement en cours dénombre pour l'heure 10 télévisions associatives et participatives en
Rhône-Alpes : Bresse TV dans l'Ain, TV Ardèche en Ardèche, Vivé TV , Soli TV , CLAP TV et la
Télévision Paysanne dans le Rhône, la TVNet Citoyenne en Savoie, Vercors TV, Ex-Pression - Human
Report et le Journal tout en Images en Isère.
D'autres expériences de vidéo participative sont en voie de développement au sein de structures
tierces, telles que des MJC. A l'issue de cette étude,quelques expériences auront peut-être abouti
à la création de télévisions participatives.
Ces dix télévisions ont une histoire très récente. Elles ont des formes diverses et agissent sur leurs
territoires avec différents outils, différents process.
TV Ardèche développe une forme de télévision correspondant à certains schémas traditionnels :
reportages, interviews sur l'actualité locale ardéchoise au plus proche des habitants. La diffusion
est assurée d'une part par la vente de DVD et par internet. Son action se situe pour l'essentiel sur les
territoires ardéchois.
Bresse TV développe une démarche totalement identifiée à celle des vidéos des pays et des
quartiers, avec le développement local d'outils et de process participatifs dans les territoires.
Plateaux participatifs, projets en partenariats avec des structures d'éducation populaire et
associatives locales... Dernièrement elle a développé un nouveau concept : celui de la Cabine
d'Expression Populaire, sorte de « vidéomaton » où les citoyens peuvent s'exprimer librement et
anonymement sur des thématiques déterminées, adaptées au contexte de l'action. Centrée dans
la Bresse, Bresse TV développe ses actions dans tous les pays de l'Ain.
Soli TV est une plate-forme audiovisuelle dédiée à la solidarité sous toutes ses formes locales et
internationales. Elle développe de l'information et des contenus sur cette thématique au niveau
global en centrant localement une action participative avec les associations de solidarité
présentes dans la région. Elle développe aussi actuellement des projets de plateaux participatifs
dans l'agglomération lyonnaise.
Tv Net Citoyenne : Télévision en devenir, TV Net Citoyenne développe un modèle de télévision
produisant un contenu informatif local, réactif à l'actualité, pour et avec les habitants des territoires
de Chambéry et d'Aix les Bains.
ViVé TV, à Grigny est une télévision qui s'est initialement développée selon un double axe de
développement d'informations locales et de coopération avec la chaîne nationale participative
Vive au Vénézuéla. Elle réalise des contenus locaux, se définit comme « école internationale de
vidéo et de télévision participative ». Elle produit des informations locales, enregistre et diffuse tous
les conseils municipaux de la commune. Elle bénéficie d'un fort soutien municipal.
La télévision Paysanne est une télévision consacrée aux thématiques de l'agriculture paysanne. Elle
réalise principalement des documentaires vendus sur supports DVD ou mis à disposition sur internet.
Elle est notamment à l'origine de documentaires comme Qui parle de breveter le vivant ? La
Déclaration d'Auzeville sur les semences paysannes et les droits des paysans... (réalisation Honorine
Perino).
CLAP TV: « Créée le 2 février 2006, à Lyon, l’association CLAP (Connexions Locales d’Actions
Plurielles) est née de la volonté d’artistes professionnels. Espace de rencontres pluridisciplinaires
(réalisation et écriture audiovisuelle, danse, musique, stylisme...), l’association offre à chacun
d’eux, de par son origine culturelle et artistique, la possibilité de partager ses compétences dans le
but de dynamiser la transmission et la création. Par le biais des arts, l’association tente de recréer
du lien social autour de projets précis. Par ses actions (ateliers, cours, réalisations de films
documentaires, organisation d’événements...), elle cherche à développer un réseau entre les
acteurs sociaux, institutionnels, culturels et la population. » (extrait du site : http://www.marcheegalite.com/)
Vercors TV : « Cette Webtv est la vôtre, nous vous écoutons » affirme le slogan de cette toute
nouvelle télévision installé au coeur du Parc Naturel Régional du Vercors. Une télévision pour la
mise en valeur du Vercors, de son patrimoine, de ses évènements et de ses habitants. L'expérience
de TV Millevaches a prouvé la pertinence de la télévision participative comme outil au service d'un
parc naturel.
Human Report : Site internet édité par l'association grenobloise EX-PRESSION. Ex-Pression est une
association dont le projet est de soutenir et médiatiser la voix de la société civile. Elle a pour but la
création d’un média audiovisuel destiné à améliorer la visibilité des actions solidaires pour faciliter
la mise en réseau des acteurs de la société civile au plan local, national et international par le
moyen de l’outil audiovisuel.
Le journal tout en images agit sur les quartiers Abbaye-Châtelet-Jouhaux de Grenoble « A travers
des collections de portraits, témoignages, interviews et documentaires courts, à travers des
rencontres singulières, la découverte de savoirs faire, de lieux artistiques et insolites, il s’agit
d’exposer l’âme du quartier, donner à voir sa richesse multiculturelle, et sa diversité… Il s’agit aussi
de montrer, sous un angle inédit, ce qu’on ne voit habituellement pas et de constituer la mémoire
plurielle d’un lieu vivant et en évolution. » (extrait du site internet : http://www.journal-tout-enimages.fr/)
II.2.2 Le financement des télévisions participatives rhônalpines
Contrairement aux radios, et malgré un cadre législatif qui pourrait leur être commun, les télévisions
n'ont donc jamais bénéficié de quelconque soutien financier national. Les équipes de ces médias
comportent, comme les radios, bénévoles et salariés. Le nombre de salariés est faible et peu
stable, parfois nul. En l'absence de soutien structurel, ces emplois sont fonctions des possibilités
d'embauches en contrats aidés et des projets développés générant des financements.
Les télévisions sont particulièrement fragilisées par ce fonctionnement par projets, qui ne donne
aucune perspective de développement à long terme.
La forme actuelle de ces télévisions limite aussi considérablement les possibilités de générer des
recettes publicitaires viables et pérennes.
Enfin, autre forme de financement, la prestation de service. Le savoir-faire des télévisions peut être
valorisé à travers la réalisation de contenus sur commandes privées ou institutionnelles ou en
réponse à des appels d'offre. Toutefois, cette forme, si elle peut être lucrative reste dangereuse. La
réalisation de telles prestations se fait en lieu et place des démarches participatives et peuvent
avoir tendance à ancrer la structure dans une démarche de plus en plus commerciale dans
laquelle le principe citoyen et participatif risque de devenir secondaire.
Les financements des télévisions associatives se partagent donc entre l'investissement des
bénévoles, les cotisations, des ventes de DVD, les prestations et les subventions obtenues dans le
cadre de projets ponctuels.
Situation d'autant plus difficile que l'investissement en matériel est très conséquent pour réussir à la
fois à donner la possibilité à des habitants de pratiquer la vidéo, et de garantir aussi une qualité
technique optimale. Cela demande donc des investissements dans du matériel amateur d'une
part, professionnel d'autre part : caméras, ordinateurs, logiciels, mais aussi tout type de matériel
permettant la bonne réalisation de tournages, de plateaux, y compris le transport de ce matériel,
l'activité participative de ces télévisions générant nécessairement des installations hors les murs.
II.3. Perspectives
Comme les radios associatives les télévisions sont confrontées à la baisse des financements publics,
à cette nuance fondamentale près qu'elles ne disposent pas de la stabilité des financements du
FSER.
Elles aussi ont aujourd'hui l'opportunité d'être des outils particulièrement pertinents dans les secteurs
de l'Economie Sociale et Solidaire, pour le développement local de leurs territoires, dans les
thématiques de l'écologie, de la participation citoyenne, pour l'éducation aux médias et pour le
développement
de
l'accès
des
citoyens
aux
technologies
de
l'information
et
de
la
communication. Mais la reconnaissance de ce secteur est longue à venir, et le système d'accès à
la diffusion ne permet pas aux télévisions associatives de pouvoir accéder à un véritable équilibre.
II.3.1. Pour un fonds de soutien national à l'expression audiovisuelle
Leur première revendication au niveau national est la mise en place d'un fond de soutien à
l'expression audiovisuelle calqué sur celui des radios. Le cadre législatif de la loi de 1986 et la
définition des missions du CSA, voué à garantir en France l'exercice de la liberté de
communication audiovisuelle, légitiment cette revendication.
De plus, les missions et les rôles des télévisions associatives sur leurs territoires et dans la
configuration du paysage audiovisuel français sont complémentaires de ceux des radios, et
répondent parfaitement aux critères définis par le FSER pour l'aide sélective aux radios.
Cette démarche de soutien financier devrait naturellement être accompagnée d'un dispositif qui
permettrait aux télévisions associatives d'obtenir des canaux de diffusion.
II.3.2. Pour un soutien accru des collectivités territoriales
L'ancrage et le rôle territorial des télévisions associatives en font des outils particulièrement
pertinents du développement local. Comme les radios associatives, les télévisions assurent, par
leurs missions citoyennes, une continuation du service public sur les territoires.
Certaines communes commencent à soutenir ce type de structures propices au vivre-ensemble.
Les soutiens régionaux mis en place dans différentes régions françaises prouvent la possibilité et la
pertinence d'un soutien régional aux télévisions locales et associatives (cf ci-dessous l'exemple de
l'Ile-de-France)
Un tel soutien local pourrait avoir la vertu d'initier une démarche qui conduirait peut-être vers une
reconnaissance nationale du rôle démocratique et social des télévisions associatives.
Par ailleurs, les aides nécessaires pour pérenniser les structures existantes et inciter de nouvelles à se
créer représenteraient des montants très modestes pour les collectivités.
Ce soutien pourrait se concrétiser par une aide à l'investissement d'une part, calquée sur celle
distribuée aux radios ; une aide au fonctionnement par ailleurs, qui serait là encore calquée sur
celle souhaitée par les radios en complément de celle octroyée par le FSER au titre de l'aide
sélective. Les critères de l'aide sélective pourraient en effet être aisément appliqués aux télévisions.
Au-delà d'une aide financière, il s'agit aussi et avant tout d'un combat politique que les télévisions
ont à mener pour la reconnaissance d'un média citoyen, participatif qui recréerait un équilibre
dans le paysage audiovisuel français hors service public entièrement voué à des logiques
commerciales influant sur les contenus et menaçant le pluralisme et les équilibres démocratiques
du paysage médiatique national .
En Ile-de-France : un exemple de soutien régional
(Extrait du site www.iledefrance.fr)
La Région a décidé de soutenir les médias audiovisuels, souvent précaires financièrement, qui
contribuent
à
créer
du
lien
social
sur
son
territoire.
Parce qu’elles sont financièrement fragiles, les chaînes de radio et de télévision locales d’Île-deFrance espéraient depuis longtemps un soutien régional. Depuis ce 16 octobre, c’est officiel, elles
y ont droit.
Le dispositif s’applique à des médias dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) considère,
dans une loi de septembre 1986, qu’ils accomplissent une « mission de communication sociale de
proximité ». Des médias qui, à ce titre, favorisent l’expression des différents courants socioculturels,
mais aussi le développement local, la protection de l’environnement ou encore la lutte contre
l’exclusion.
Sont
potentiellement
concernées
28
radios
associatives
(des
radios
de
proximité,
communautaires, culturelles ou scolaires, pouvant bénéficier d’une subvention de l’État) et 14
télévisions locales, dont 7 associatives (des chaînes communautaires, généralistes de service
public, de proximité, éducatives et culturelles). Toutes ont un point commun : moins de 20 % de
leurs ressources proviennent de la publicité.
Pour les radios, deux aides sont prévues. La première porte sur leur équipement. Plafonnée à
15.000 euros (et attribuable une fois tous les trois ans), elle est particulièrement bienvenue à un
moment où les radios doivent se convertir à la diffusion numérique. La seconde aide porte, elle,
sur les frais techniques de diffusion et peut atteindre 15.000 euros aussi (une fois par exercice).
Concernant les télévisions (en particulier celles du réseau Télif), la Région est prête à cofinancer
leurs matériels de production et de diffusion. Une chaîne peut recevoir jusqu’à 25.000 euros par
an dans ce cadre. Une aide spéciale est par ailleurs prévue pour les quatre chaînes qui se
partagent le canal 21 de la TNT francilienne depuis mars 2008 (BDM (Banlieues du monde) TV,
Cinaps TV, Télé Bocal et Demain TV IDF). Visant à favoriser leur structuration et la mutualisation de
leurs coûts de diffusion, elle est plafonnée à 100.000 euros par an si elle bénéficie aux quatre
simultanément, et à 25.000 euros si elle concerne une chaîne seulement. Compte tenu de leur
caractère commercial, les autres chaînes de la TNT francilienne, IDF1, NRJ Paris et Cap 24, ne
peuvent prétendre, quant à elles, à aucune aide régionale.
(source : www.iledefrance.fr 17 octobre 2008 )
III. La presse écrite associative
La presse écrite se distingue plus particulièrement des deux premières formes abordées par son
histoire, sa forme non audiovisuelle, ses fonctionnements et processus d'intervention sur les
territoires. Toutefois, si les radios sont structurées, identifiées et définies grâce au dispositif légal qui
les soutient, si les éléments de définition donnés par la fédération des vidéos des pays et des
quartiers commencent à dessiner les contours de télévisions participatives finalement peu
nombreuses en Rhône-Alpes, la presse écrite n'a jamais jusqu'ici été l'objet d'aucune structuration
locale ni nationale. Ses définitions peuvent être variables selon les acteurs et les médias. La
multiplicité de ses formes, le caractère très local de la diffusion de certains journaux (certains sont
écrits et distribués au sein d'un seul quartier par exemple) et l'absence de pérennité de beaucoup
d'entre eux ne permettent pas un recensement exhaustif de tous ces médias écrits rhônalpins. Il
faudrait pour cela un recensement dynamique qui pourrait rendre compte d'un flux où seraient
représentées les naissances et les disparitions continuelles, et mettant en valeur les quelques titres
réussissant à trouver une pérennité par-delà les nombreuses difficultés qui caractérisent les voies de
développement de la presse alternative locale.
III.1. Quelques éléments d'histoire
L'histoire de la presse écrite alternative en France reste à faire. On peut en retracer une généalogie
remontant aux libelles pamphlétaires de Martin Luther pendant la Réforme, en passant par la
presse révolutionnaire française, la presse satirique de caricatures du 19ème siècle, puis par le
développement d'une presse de critique sociale et politique engagée au niveau local ou national
aux Etats-Unis et en Europe au cours des 19ème et 20ème siècles. Média anti-hégémonique par
son histoire, il est le vecteur de toutes les résistances, de toutes les mobilisations populaires.
Journaux ouvriers ou révolutionnaires, parutions clandestines pendant la guerre, la presse écrite
alternative s'est aussi particulièrement développée dans les années suivant 1968. Les années 1970
voient l'essor de ces parutions alternatives, mais les années 1980 semblent marquer la fin de cette
croissance. L'engouement pour cette autre forme de média renaît dès les années 1990, sous forme
imprimée mais aussi par le biais d'internet, créant aujourd'hui un paysage très disparate de sites et
de blogs se réclamant de la presse alternative.
Ces journaux se sont développés en adoptant différentes formes, différents fonctionnements. Les
plus connus, devenus des repères pour l'ensemble des médias alternatifs du pays, ont souvent
développé des modèles s'intégrant au système commercial de distribution traditionnel. D'Actuel à
Fakir, en passant par le Sarkophage ou Le Monde Diplomatique, tous ces titres peuvent s'acheter
en kiosque. Mais leur fonctionnement et la fidélité de leurs lecteurs leur permet de rester en dehors
du système publicitaire qu'ils dénoncent comme une aliénation éditoriale. D'autres formes de
diffusion se sont développées : citons par exemple le système coopératif de L'Age de Faire, qui
vend ses titres sur les salons et par l'intermédiaire de chaque lecteur qui devient acteur de la
distribution des journaux. Certains des plus « grands » titres de la presse alternative actuelle sont
édités en Rhône-Alpes : Silence, La Décroissance, Le Sarkophage...
Internet a permis aussi l'émergence d'une nouvelle presse alternative qui cherche encore des
perspectives de pérennité, notamment au niveau économique. Médiapart, Rue 89 sont cités en
exemples de l'essor de cette presse alternative. Mais selon les positionnements et les définitions, leur
dimension « alternative » peut être contestée. Mais s'ils sont les plus cités, justement peut-être de
par leur positionnement assez consensuel face au système dominant, d'autres sites renouvellent les
formes de la presse alternative : Bondy Blog, Indymédia, Rebellyon à Lyon...
Nous nous intéresserons dans cette étude à la presse écrite alternative locale. Celle où
l'information locale est produite et analysée par et pour les habitants des territoires où elle est
produite.
III.2. La presse écrite associative en Rhône-Alpes : fonctionnement – financements
Sous format « papier » (terminologie que nous employons afin de les distinguer de la presse écrite
internet) les journaux sont généralement
distribués en dehors des circuits classiques, ceux-ci
représentant un coût trop élevé pour leur fonctionnement. Ils sont distribués sur abonnement ou
sous la forme de dépôts-vente lorsqu'ils sont payants, mis à la disposition des lecteurs dans les bars
ou les lieux alternatifs lorsqu'ils sont gratuits.
Au fonctionnement associatif traditionnel – administrateurs, membres et éventuellement salariés –
s'ajoute la dimension éditoriale. Le CA de l'association est généralement, de fait, le comité de
rédaction qui décide de la politique éditoriale, les membres sont ou peuvent être rédacteurs. Le
fonctionnement associatif permet à tous les habitants qui le souhaitent d'adhérer à l'association et
de rédiger des articles.
Un autre mode fonctionnement consiste à compléter ce premier dispositif par des processus de
participation des habitants. Ateliers d'écriture, préparations participatives de dossiers... permettent
alors de donner à lire l'expression de tous, pas uniquement fondée sur le savoir-faire (savoir-écrire)
de quelques-uns.
Les processus participatifs mis en place par des journaux comme Les Antennes à Grenoble ou No
Dogs à Lyon dénotent de la créativité de ces nouvelles démarches. Pour chaque numéro, l'équipe
des Antennes réalise une enquête quantitative (avec un panel représentatif de l’agglomération)
qui permet de rendre compte d’une opinion collective sur des sujets qui préoccupent les habitants
de la région grenobloise. Des acteurs locaux et des habitants (y compris des précaires) viennent
enrichir le dossier et le journal en proposant des articles au comité de rédaction . A chaque
numéro de No Dogs, un appel à contributions est lancé à tous les lecteurs avec un thème ou un
mot-clef directeur. Les lecteurs- contributeurs envoient des articles, textes, poèmes, illustrations...
qui, complétées par les articles de la rédaction du magazine, constituent le nouveau numéro.
Dans tous les cas, l'objectif de cette presse alternative locale « participative » est de développer un
contenu local, nourri d'analyses globales ; de permettre au lecteur une autre perception des
réalités locales et de lui donner les outils nécessaires à leur compréhension. Leurs zones de diffusion
sont variables, allant du très local au régional.
Dans certains cas, les activités de l'association ne se restreignent pas au seul journal. Celui-ci est
alors seulement l'une des composantes de l'association et dispose d'un fonctionnement spécifique
à l'intérieur de la structure qui le porte. (Notons ici que nous ne définissons pas comme « média » les
parutions dont le but est d'informer ou de communiquer exclusivement sur les activités de
l'association qui les publie.)
Le paysage de la presse écrite alternative locale rhônalpine – imprimée ou internet - est donc en
mouvement constant, et marqué par un dynamisme qui dément totalement les thèses de la fin de
la presse écrite au profit de des formes audiovisuelles. Ce dynamisme se ressent particulièrement
dans les milieux étudiants où de nouveaux titres apparaissent régulièrement, notamment à Lyon
(Le Foutou'Art, Free Landz, Qui ne dit mot ... en sont aujourd'hui de remarquables exemples).
Notons aussi l'existence d'une presse lycéenne, nourrie de projets de lycéens soutenus par leurs
équipes pédagogiques. Ces expériences lycéennes ont un rôle important dans le domaine de
l'éducation aux médias.
Ces journaux et sites se situent pour une grande part dans des territoires urbains, à des échelles
diverses : quartier, commune, agglomération... Ils développent de l'information généraliste ou
spécialisée. Parmi les titres plus spécialisés, ceux concernant la culture et la musique actuelles
peuvent constituer un exemple du rôle social de cette presse alternative. Avec les radios
associatives, ils sont les seuls vecteurs médiatiques possibles des artistes qui n'ont pas accès au
système commercial dominant où seuls les « produits musicaux » des « majors » sont autorisés. A ce
titre, ils sont de véritables remparts contre l'uniformisation culturelle massive pratiquée par les
« grands » médias (« mass médias »). Citons pour exemples en Rhône-Alpes Vibrations Clandestine
à Bourgoin-Jallieu, ou Zacade en Drôme-Ardèche.
L'importance des médias associatifs de quelque forme qu'ils soient au niveau des scènes artistiques
et culturelles régionales est fondamentale. Seules alternatives pour faire exister publiquement (hors
sites internet dédiés) ces scènes émergentes, ils sont les outils de promotion au service des artistes
locaux ou se produisant localement, les premières marches vers une diffusion de plus grande
importance par des médias nationaux.
Autre fonction essentielle de la presse alternative locale, la communication sur les évènements
locaux qui ne trouvent aucune place dans la presse quotidienne régionale, ou qui n'ont pas les
ressources pour une campagne de diffusion. De manière générale, tous les médias alternatifs
locaux prennent ce rôle en charge, avec aussi des médias qui se spécialisent dans cette fonction :
c'est le cas notamment de Et Faits Planète en Haute-Savoie ou d'Agenda Lyon dans le Rhône.
Les modes de financements de ces médias sont très variables. Certains obtiennent des subventions
ponctuelles de collectivités locales. La publicité peut aussi être source de recettes, comme le
soutien de partenaires et des adhérents. Rares sont les journaux réussissant à générer suffisamment
de ressources pour salarier des journalistes. Pour les journaux payants, la principale source de
financement reste la vente.
Comme pour les télévisions, la non reconnaissance institutionnelle de ces médias ne leur permet
pas de trouver un modèle économique stable.
Si ces journaux sont souvent réalisés de manière bénévole, leur existence est généralement
menacée par les coûts d'impression. La recherche de quelques centaines d'Euros pour boucler le
budget d'impression prend parfois une part aussi importante dans le processus de production que
la réalisation du contenu.
III.3. Perspectives
Au niveau national
Le manque de structuration des réseaux de la presse écrite alternative ne permet pas pour l'heure
de porter les revendications spécifiques de ce secteur. Les besoins sont pourtant grands pour cette
presse historique en constante évolution. Ces revendications ont été synthétisées dans « l'appel de
Marseille » en 2006 :
- Développement d’aides spécifiques à la diffusion et révision des conditions d’accès aux points
de vente de presse (NMPP, MLP).
- Incitation des dispositifs publics de lecture (bibliothèques, centres de documentations...) à
diversifier leur offre par l’établissement de politiques d’achat spécifiques pour l’édition et la presse
indépendante, et création de Maisons citoyennes de l’information et de la création.
- Extension et reventilation des aides publiques à la presse, afin qu’elle bénéficie prioritairement à
la presse écrite à but non lucratif.
En Rhône-Alpes : un réseau en constitution
Fin 2009, un « réseau des médias indépendants alternatifs “papier/web” » a vu le jour, réunissant
des médias écrits régionaux. Le développement de ce réseau doit se poursuivre dans la
perspective de réunir les médias autour des critères spécifiés dans la charte citée ci-après. A
travers la constitution de ce réseau il convient de poursuivre le recensement de ces médias en les
définissant et les caractérisant, en prenant en compte les évolutions abordées plus haut,
notamment dans le domaine des médias « web ».
En l'absence d'aides nationales, le soutien des collectivités locales à cette presse est actuellement
la seule garantie de sa survie. Au-delà des subventions ponctuelles et par projets, il conviendrait de
donner à la presse écrite associative les moyens de son impression et de sa diffusion. Un système
proche de celui de l'aide sélective aux radios pourrait peut-être aussi être étudié. Il s'agirait en effet
d'une aide au fonctionnement puisque tous les postes de dépenses que les journaux ont à pourvoir
se situent dans ce domaine. Les investissements concernent principalement le matériel
informatique, les plus gros postes de dépenses résident dans d'éventuels salaires et le travail
externe d'imprimerie.
Une autre perspective de travail afin de générer des ressources pourrait être de développer une
régie publicitaire « éthique ». Mais cette piste reste à étudier au regard de la spécificité des médias
et de la capacité du marché publicitaire éthique à générer ce type de ressources localement.
Charte des médias écrits indépendants / alternatifs de Rhône-Alpes
Les médias indépendants/alternatifs de Rhône-Alpes
DÉCLARENT :
ARTICLE 1 : Avoir leur siège sur le territoire régional
ARTICLE 2 : Justifier de statuts ou de fonctionnement associatif, coopératif
ou de presse
ARTICLE 3 : Privilégier le développement d'une économie sociale et solidaire
face au "tout marchand"
ARTICLE 4 : Affirmer le droit de tous à l'information et à l'expression critiques
et alternatives, en toute indépendance des pouvoirs
locaux, politiques, économiques et culturels
S'ENGAGENT À :
ARTICLE 5 : S'inscrire dans une démarche d'éducation populaire favorisant la
démocratie et l'engagement citoyen
ARTICLE 6 : Répondre au traitement de l'information dans le respect de la
présente charte et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen
ARTICLE 7 : Favoriser l'expression, la participation et le débat citoyen de ceux
qui n'ont pas ou peu la parole
ARTICLE 8 : Privilégier le travail en synergie avec les différents médias qui
partagent les valeurs portées par cette charte
ARTICLE 9 : Participer à un réseau pour garantir notre autonomie à l'égard des
pouvoirs économiques, politiques et culturels
Charte adoptée le 13 10 07
Eléments de synthèse et perspectives générales
Le présent rapport ne fait que tracer les grandes lignes et perspectives d'un paysage médiatique
très riche et porteur de grands
potentiels dans le développement des territoires et pour la
capacitation citoyenne. Ainsi, il n'aborde la question d'internet que dans sa fonction d'outil, de
prolongation d'un média caractérisé par une autre dimension première : sa forme audio, vidéo ou
écrite. Il n'en demeure pas moins qu'il conviendra d'aborder aussi la spécificité des « web médias »,
qui d'une part peuvent ne pas revendiquer d'autres formes de diffusion (la question des web radios
se pose par exemple aux radios associatives) ou qui peuvent utiliser à égale importance les
vecteurs écrits, audio et vidéo.
Grâce au fonds de soutien à l'expression radiophonique, les radios associatives occupent une
place à part dans le paysage médiatique alternatif. Mais elles n'en restent pas moins
particulièrement fragiles. Malgré des budgets très modestes au regard des radios commerciales,
elles assurent une diffusion quotidienne permanente et développent, dans le cadre de leur mission
de communication sociale de proximité, des actions favorisant le lien social, le développement
local, la lutte contre l'exclusion et la protection de l'environnement.
Les besoins des radios associatives se concentrent aujourd'hui majoritairement sur des ressources
en fonctionnement qui leur permettraient à la fois de développer ces missions premières et de
s'adapter aux nouveaux usages des technologies de l'information et de la communication.
Accomplissant les mêmes missions, les télévisions participatives se sont développées en parallèle
des radios associatives. Elles renouvellent les formes de communication sociale et répondent aussi
à un nouveau contexte social et technologique où l'usage de l'image et de la vidéo est devenu
quotidien. La technologie et la diversité des canaux de diffusion permettraient aujourd'hui de
libérer des espaces pour la diffusion grand public de ces télévisions citoyennes. A condition en
même temps de leur en donner les moyens par un fonds de soutien à l'expression audiovisuelle.
La presse écrite associative n'a pas bénéficié non plus des mêmes soutiens que les radios. Média
populaire le plus traditionnel, elle connaît un dynamisme et une diversité en constante évolution
depuis les années 1970. Internet lui a permis de se renouveler en mettant à disposition de ses
acteurs un média accessible et matériellement peu coûteux. Mais les modèles économiques
n'existent pas pour cette presse. Comme les télévisons elle ne dispose d'aucun soutien institutionnel
pérenne, en dépit des aides existantes au niveau de la presse écrite peu adaptées aux structures à
but non lucratif. Elle n'a majoritairement pas accès aux circuits de distribution institués.
Au-delà d'une aide au fonctionnement de ces structures, un soutien régional, que l'on pourrait
imaginer inspiré par l'aide sélective aux radios, aurait pour effet de dynamiser les territoires dans
tous les domaines de la communication sociale de proximité. Ce soutien pourrait par ailleurs leur
permettre de lancer ou de poursuivre différents chantiers citoyens fondamentaux.
Ces chantiers sont les enjeux citoyens de ce début de 21ème siècle : la valorisation des territoires et
de leurs populations, la lutte contre la fracture sociale et numérique, l'appropriation des usages des
TIC par tous les citoyens, l'éducation populaire, l'économie sociale et solidaire... Ces chantiers sont
les nouveaux défis pour la liberté de d'expression et de communication à l'heure d'internet et des
concentrations des titres et des contenus informatifs.
Acteurs de l'éducation populaire et proches de ses mouvements, les médias locaux associatifs sont
aussi des relais et des compléments essentiels des espaces publics numériques et des réseaux de
l'internet accompagné. Ils sont des partenaires privilégiés de l'éducation nationale en ce qui
concerne l'éducation aux médias et la mise en place de médias lycéens. Outils au service du
développement local, ils sont aussi des acteurs de l'économie sociale et solidaire. Coeurs de
réseaux sur leurs territoires, les médias associatifs locaux de Rhône-Alpes doivent poursuivre
localement et régionalement leurs partenariats avec les structures représentatives de ces différents
secteurs.
Depuis 2007, et grâce au partenariat soutenu du Conseil Régional Rhône-Alpes, ces médias ont
commencé à se structurer à différents niveaux. Les radios ont pu développer un processus
structurant à travers la CRANCRA. Les projets collectifs radio et multi-média mis en oeuvre à partir
de cette confédération ont permis de souder un collectif, de nourrir une dynamique régionale
aujourd'hui porteuse pour l'ensemble des médias associatifs rhônalpins. Née de cette dynamique,
l'association MédiasCitoyens constitue aujourd'hui un espace commun où les réseaux de médias
peuvent se structurer et se rencontrer. Un réseau où les savoir-faire se complètent dans la
réalisation de contenus audio, vidéo et écrits d'envergure régionale.
La force de cette union réside aussi dans la capacité de tous ces médias de proximité à couvrir
tous les territoires de la région, y compris ceux délaissés par les médias traditionnels. Ils sont des
lieux-ressources, des lieux-mémoire de leurs territoires. L'une des vocations des réseaux régionaux
aujourd'hui est de mettre en place des outils d'archivage et de valorisation de cette mémoire.
Outils de mise en valeur des cultures régionales, des initiatives citoyennes et des territoires.
L'archivage pourrait en être assuré par la mise en place de plates-formes numériques au sein de
chaque réseau en interaction les unes avec les autres. La mise en valeur pourrait être imaginée à
travers la mise en place d'une plate-forme commune régionale.
La structuration des réseaux de médias associatifs doit aussi permettre d'avancer dans la réflexion
sur la mutualisation des ressources et sur la diversification des financements. Des pistes sont à
envisager au niveau du développement de l'offre de publicité éthique et de partenariats privé.
Mais les recettes publicitaires et commerciales doivent rester marginales dans le fonctionnement
de ces médias voués à être une continuation du service public. Seul un soutien public affirmé, tant
au niveau national que local, saura donner aux médias associatifs une pérennité propice à la
bonne réalisation de leurs missions de communication sociale de proximité. Il s'agit avant tout d'un
choix de société pour le 21ème siècle, à l'heure où les « grands » médias privés se donnent pour
mission de « vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible ».
« La jonction entre la télévision, la télématique et l’informatique est en train de s’opérer sous nos
yeux et elle s’accomplira probablement durablement dans la décennie à venir. La digitalisation
de l’image télé aboutit bientôt à ce que l’écran de télé soit en même temps celui de l’ordinateur
et celui du récepteur télématique. Ainsi des pratiques aujourd’hui séparées trouveront-elles leur
articulation. Et des attitudes, aujourd’hui de passivité, seront peut-être amenées à évoluer. Le
câblage et le satellite nous permettront de zapper entre cinquante chaînes, tandis que la
télématique nous donnera accès à un nombre indéfini de banques d’images et de données
cognitives. Le caractère de suggestion, voire d’hypnotisme, du rapport actuel à la télé ira en
s’estompant. On peut espérer, à partir de là, que s’opérera un remaniement du pouvoir mass
médiatique qui écrase la subjectivité contemporaine et une entrée vers une ère postmédia
consistant en une réappropriation individuelle collective et un usage interactif des machines
d’information, de communication, d’intelligence, d’art et de culture. »
Felix Guattari, Vers une ère post-media; Terminal, n° 51, octobre-novembre 1990
Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Partie 2
Les médias citoyens écrits web :
des acteurs démocratiques incontournables
Paloma Perez, Ismaël Ouattara – Et Faits Planète
www.mediascitoyens.org
Décembre 2011
INTRODUCTION
Un contre-pouvoir si souvent mis à mal
Les médias et le journalisme ont longtemps été considérés comme un contre-pouvoir, par leur rôle
d’information des citoyens sur les décisions des pouvoirs en place et leurs conséquences. Partout
dans le monde, des journalistes l’ont payé de leur liberté ou de leur vie 23
Pourtant, selon l’article 11 de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » du 26 août
1789, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de
l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de
cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».
En fait, ces articles généreux n’ont pas toujours été respectés. Depuis Robespierre faisant brûler les
œuvres de Camille Desmoulins, à la répression actuelle des médias en Syrie, en passant par le
décret de Napoléon de 1810 rétablissant officiellement la censure en France, le rôle de contrepouvoir dévolu aux médias a été souvent mis à mal.
Pas si loin de nous, lors des deux guerres mondiales, les articles, dessins et photos censurés ont
fréquemment été remplacés par des « blancs » dans la presse. « Le Canard Enchaîné », à ses
débuts adopta son ton ironique afin de détourner Dame Anastasie et ses grands ciseaux 24.
Sous le régime de Vichy, la censure devint préventive : l'autorité compétente donnait directement
ses consignes aux
directeurs de journaux sur le contenu de leur média. Et durant la guerre
d'Algérie (1954-62), le pouvoir saisit les journaux dénonçant les actes de torture, sous prétexte
d'« atteinte au moral de l'armée ».
Aujourd’hui, en France, pays démocratique… rien n’est acquis. L’achat des médias par de grands
industriels (TF1 appartient à Bouygues, Europe 1 à Arnaud Lagardère, Le Figaro à Serge Dassault…)
peut inquiéter quant à leur indépendance. Les conglomérats financiers sont présents sur les
principaux marchés des produits culturels éditoriaux (livres, phonogrammes, vidéogrammes, presse
écrite) et des offres médiatiques. L’appropriation de nombre de médias par des industriels, par
ailleurs souvent proches du pouvoir politique, questionne sur leur capacité à demeurer dans leur
rôle de contre-pouvoir.
23 L’association Reporters Sans Frontières publie chaque année un rapport sur la liberté de la presse dans le Monde
(http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2010,1034.html) , permettant de constater que cette liberté est bien loin d’être
acquise…
24 Dame Anastasie apparaît dans la seconde moitié du XIXè siècle pour symboliser la censure.
Des affaires comme celle récente dite « des fadettes »25 mettent en lumière l’ingérence que le
pouvoir en place entend faire peser sur le travail des journalistes français.
Relais de la « pensée unique » ou de la parole du gouvernement (lors du référendum sur la
« constitution » européenne ou au moment de la vaccination contre la grippe A, par exemple),
complaisance voire connivence avec le pouvoir en place (Laisse d’or attribuée à David
Pujadas26), les médias sont de plus en plus accusés de plier face aux pressions économiques et
politiques. Et d'avoir failli à leur mission de contre-pouvoir.
Parmi d'autres raisons, tous ces éléments contribuent à ce que certains médias traditionnellement
bien implantés dans le monde de l’information soient en perte de vitesse. Notamment dans la
presse écrite, dont de grands titres historiques périclitent depuis déjà quelques années : « Le
Monde », « Libération », etc. Bien qu'un petit nombre de journaux, ayant su préserver une
personnalité indépendante et critique tire néanmoins son épingle du jeu. « Les Inrockuptibles »
(nouvelle formule depuis peu), « Marianne, » « Le Canard Enchaîné » et quelques autres gardent un
esprit anticonformiste les plaçant loin de l'homogénéisation actuelle du contenu médiatique.
Une réponse émerge
Dans ce contexte pour le moins complexe les médias « citoyens » reprennent le flambeau d'une
information libre et indépendante. Parmi ceux-ci, les médias web occupent une place de premier
ordre.
Les médias citoyens, dont le mode de fonctionnement est fondé sur l’intelligence collective et le
principe du média de masse cultivent un esprit critique vis-à-vis de la société marchande et
hiérarchisée, par la promotion de la démocratie à travers leur mode de fonctionnement, leur
contenu informatif et leur indépendance financière et morale.
Les médias citoyens se définissent donc par des valeurs, mais aussi par leur mode de fonctionne ment participatif : toute personne peut utiliser ces outils de communication, notamment ceux proposés sur l'Internet, pour rédiger et diffuser une information. L'on observe donc un certain renversement dans ce domaine, le citoyen passant du rôle de simple récepteur à celui d'émetteur.
Des sites comme Agoravox (www.agoravox.fr) ou Citizenside (www.citizenside.com) ont mis en
place des plateformes communautaires de Journalisme Citoyen au sens propre : leur contenu est
alimenté de manière participative par les internautes.
En Rhône-Alpes, divers médias tout support se sont créés avec une volonté claire de répondre aux
25Affaire des fadettes : plaintes déposées par le journal Le Monde pour violation du secret des sources, concernant la
saisie en septembre 2010 par le procureur de Nanterre Philippe Courroye des factures téléphoniques détaillées (les
fameuses fadettes) des journalistes du Monde, dans le cadre d'une enquête sur l'affaire Bettencourt.
26 La Laisse d'or, qui récompense « la servilité du journaliste », a été décerné par le défunt journal « Le Plan B » le 30
juin 2010 à David Pujadas, présentateur de France 2.
exigences de participation mais aussi des valeurs répondant à la définition du terme média
« citoyen » : Des radios associatives - regroupées au sein de la Cranc-ra (www.francra.org), des
journaux papier, des web-TV, des sites Internet, etc. Beaucoup d'entre eux ont fait le choix de se
regrouper au sein du réseau MediasCitoyens (www.mediascitoyens.org) afin de mutualiser leurs
moyens et de mettre en place des projets communs.
Le média écrit web, média citoyen par excellence
Les caractéristiques du média citoyen se retrouvent particulièrement bien représentées au sein de
l'outil Internet. En effet, ses atouts sociologiques et techniques sont particulièrement adaptées aux
besoins exprimés par l'exercice de ce mode de journalisme.
Né dans les années 90 sur le modèle d'Arpanet 27, mis en place par le Département de la Défense
des Etats-Unis au début des années 70, l'Internet devient très rapidement un outil coopératif
d'échange d'information.
Les évolutions technologiques de l'Internet permettant plus de simplicité et d'interactivité (que l'on
désigne par l'expression « Web 2.0 ») ont donné toute son ampleur à l'appropriation citoyenne de
l'outil Internet, devenu média informatif à part entière.
Image photo ou dessin, son, texte sont autant de fonctionnalités que l'Internet permet de découvrir
et d'utiliser avec toujours plus de créativité. Sous forme de web-TV, de web-radio, de site Internet
ou de bulletin électronique, l'Internet explore de nouveaux champs dans les supports d'information.
Le média écrit web occupe une place particulière dans cette nébuleuse. Depuis quelques années,
de nombreux sites d’information ont vu le jour en France, tel que Médiapart (www.mediapart.fr,
créé en 2008) et Rue89 (www.rue89.com, depuis 2007) pour les plus connus d'entre eux.
De par leur contenu et leur mode de fonctionnement parfaitement en phase avec ce concept,
grand nombre de médias écrits web se revendiquent comme étant des « médias citoyens ».
Mais, encore jeunes et noyés dans la masse de la toile, ils souffrent pour la plupart d'un manque de
connaissance et de reconnaissance.
Il s'agit ici de mieux cerner ce que sont les « médias citoyens écrits web » : Des formes multiples,
mais un fond et des valeurs communes.
Aussi, afin de comprendre les enjeux liés à cet outil et pour en saisir son importance, il est primordial
de le replacer dans son contexte, tant général que régional.
27Arpanet : « Advanced Research Projects Agency Network ».
I.
LES MEDIAS CITOYENS ECRITS WEB :
ELEMENTS DE DEFINITION
L’histoire des médias « citoyens » au sens « participatif » se confond avec celle de l’outil web, mais
demeure assez floue.
Ce type de journalisme serait né en 2000 en Corée du Sud avec le site OhmyNews1
(http://international.ohmynews.com), dont le slogan est « chaque citoyen est un journaliste », et
ayant pour but la réappropriation de la liberté de parole par les citoyens dans un pays
historiquement marqué par les conservatismes. Ce site compte aujourd’hui plus de 50 000
adhérents dans le monde entier et est diffusé en trois langues.
En France, le premier média de cet ordre a été AgoraVox. Mais l'exemple le plus parlant demeure
l’encyclopédie Wikipédia (http://fr.wikipedia.org) qui est devenue une source d’information
scientifique relativement fiable.
Néanmoins, un média citoyen écrit web ne se définit pas seulement par son aspect participatif. On
oublie en effet parfois qu'il s'agit de supports techniques spécifiques alliés à des valeurs fortement
revendiquées.
I.1 Des supports avant tout
L’expression « média écrit web » recouvre plusieurs types de supports hébergés sur la toile :
−Les bulletins électroniques : Ce support peut être appelé de diverses manières ; web-
magazine, bulletin électronique, lettre web, webzine... autant de termes pour nommer un
bulletin à contenu informatif diffusé par E-mail. Bien que tributaire de certaines contraintes 28,
ce type d'outil permet de diffuser très rapidement et à peu de frais une information au plus
grand nombre. Souvent utilisé pour faire la promotion des projets de la structure éditrice, il
peut parfois constituer un bulletin d'information à part entière. Le bulletin électronique hautsavoyard ...Et Faits Planète (www.etfaitsplanete.org) entre dans ce deuxième cas de figure.
−Les blogs : Abréviation de weblog, qui peut se traduire par « journal sur Internet ». Il s'agit d'un site
créé par une personne physique ou morale afin de communiquer sur ses activités ou pour partager
28 Par exemple, le volume ne doit pas être excessif, sous peine d'être trop lourd à l'envoi ou pas lu par le destinataire.
ses analyses. De nombreuses associations ont un blog permettant de suivre leurs activités, et
beaucoup de particuliers couchent leurs états d'âme sur la toile... Ces blogs peuvent parfois avoir
un véritable contenu informatif, comme cela est le cas pour le blog ardéchois de la Coordination
de la Nouvelle Education Populaire, la CEN (http://la-cen.org) ;
−Les sites Internet ou sites web : un site est composé d'un ensemble de documents structurés,
nommés pages web, stockés (hébergés) sur un ordinateur (serveur) connecté au réseau mondial
(l'Internet). Une page web contient essentiellement du texte, et est souvent enrichie d'images, de
sons, de vidéos et de liens vers d'autres pages web. Typiquement, c'est la configuration de sites
d'information locale alternative comme Librinfo74 (www.librinfo74.fr) à Annecy ou Lyon Bondy Blog
(http://yahoo.lyon.bondyblog.fr) et Free Landz (www.free-landz.fr) dans la région lyonnaise.
Le support web se prêtant à de multiples utilisations, certains journaux papier développent, au
travers d'un espace blog ou site Internet, un complément à leur pratique journalistique. C'est le
cas des Antennes (www.lesantennes.org) à Grenoble, de No Dogs (www.no-dogs.fr) sur
l'agglomération lyonnaise ou de Vibration Clandestine (www.vibrationclandestine.com), dont le
magazine culturel est distribué sur toute la région Rhône-Alpes.
Certains acteurs vont encore plus loin dans l'innovation, en créant des sites Internet qui, s'ils ne
peuvent pas se définir comme « média » au sens traditionnel du terme, travaillent autour de
l’appropriation de la pratique numérique et médiatique. Par exemple, le site de l'association
Zoomacom (http://zoomacom.org) œuvre pour que les habitants et structures stéphanois puissent
« s'approprier les usages numériques par des actions économiques, sociales et solidaires »29. Cela
grâce à un pôle de ressources, des formations ou de la médiation numérique.
Il est à noter que la plupart des médias rhônalpins ici mentionnés sont membres du réseau
MédiasCitoyens présenté plus haut.
D'autres outils Internet existent, eux-mêmes utilisés de façon croisée par les blogs, sites ou bulletins
électroniques : les podcasts (blogs audios), les vlogs (blogs vidéos), les wikis, les flux RSS... Des
réseaux sociaux comme Facebook (650 millions d’adhérents) ou Tweeter (environ 970 millions
d’adhérents) complètent cette liste non exhaustive.
Mais, les potentialités de l'Internet étant en constante évolution et ces outils répondant pour
l'instant mois à une définition pure de média informatif, nous ne parlerons ici que des trois cas de
figure décrits ci-dessus. En effet, leur forme étant bien définie et déjà expérimentée par divers
acteurs, les supports site, blog ou bulletin électronique sont, quand ils revendiquent et mettent en
application des valeurs fortes, des médias citoyens à part entière.
29 Tel qu'eux-mêmes définissent leur action sur leur site : http://zoomacom.org.
I.2. Des médias citoyens à part entière
Relevant, en tant que médias citoyens, du secteur de l'économie sociale et solidaire, les médias
citoyens écrits web entendent défendre des valeurs avec les outils spécifiques qui sont les leurs et
qui viennent enrichir leur mise en œuvre.
I.2.1 Les médias citoyens écrits web s'inscrivent, comme l'ensemble des médias citoyens, dans la
mouvance de l'économie sociale et solidaire (ESS)
Ce secteur économique place l'humain, et non pas le capital, au cœur du projet (contrairement à
l'économie traditionnelle).
Cela se traduit par des statuts juridiques induisant un mode de fonctionnement plus démocratique,
en phase avec les exigences d'une revendication « citoyenne ».
Les médias citoyens écrits web sont essentiellement des associations ou des coopératives,
constituant, avec les fondations et les mutuelles, les familles statutaires de l'ESS.
Des débats ont toujours cours concernant l'aspect limitatif d'une définition exclusivement basée sur
les statuts. Certains médias ayant opté pour une autre forme juridique peuvent prétendre à
l'étiquette « média citoyen ». Ce débat n'est pas clos, et fera encore couler de l'encre.
Nous prenons ici le parti de ne parler que des médias citoyens écrits web membres des familles
statutaires de l'ESS. Car les valeurs véhiculées par ces médias concernent tant leur mode de
fonctionnement interne (et donc lié à des statuts) que le type d'information produite.
La charte de l’économie sociale de 1980 30 formalise les principes communs aux organisations de
l’économie sociale, dont relèvent les médias citoyens écrits web :
- La gouvernance démocratique avec des dirigeants élus, selon le principe « une personne,
une voix » ;
- La double qualité des personnes : Une même personne est bénéficiaire du bien ou service
produit (salariée/usager) et également du projet (salariée, adhérente) ;
- La structure au service du projet collectif de ses membres. La personne et l’intérêt commun
(le projet social) de ces organisations sont au cœur de l’activité, ils priment sur la recherche
de profit et l’excédent de capital ;
- La non-lucrativité partielle (en coopérative) ou totale (dans les associations). Les produits
sont essentiellement affectés aux réserves et au fonctionnement de la structure. Les entreprises de l’ESS reposent sur la propriété collective des moyens de production ;
30 Publiée par le Comité National de Liaison des activités Mutualistes Coopératives et Associatives – CNLAMCA
(www.cress-rhone-alpes.org/cress/article.php3?id_article=204)
- L'indépendance : non seulement parce qu’elles ne sont pas cotées en bourse (ce ne sont
pas des sociétés de capitaux), mais surtout parce que, du fait du principe « une personne,
une voix », aucun actionnaire ne peut peser davantage qu’un autre ;
- La liberté d’adhésion : Le lien qui s’établit intègre la conviction partagée que la satisfaction
de l’intérêt de chacun passe par le bien-être de tous.
Par ailleurs, les structures de l'ESS sont creuset d'innovations économiques et sociales, soutien aux
initiatives équitables et solidaires et privilégient des initiatives locales liées à l’émergence de besoins
non couverts. Tout cela sans grands moyens financiers. Autant de caractéristiques définissant les
médias citoyens en général, et particulièrement les médias citoyens écrits web.
Afin de porter ces valeurs fortes, les médias de ce type ou les réseaux qui les fédèrent font parfois le
choix de rédiger des chartes, à l’instar de celle élaborée par le « Réseau de médias alternatifs
écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes ». Ses membres déclarent « privilégier le
développement d'une économie sociale et solidaire face au 'tout marchand' »31.
Car l'exigence ne se limite pas à leur mode de fonctionnement. Elle touche aussi au contenu
informatif et à ses modalités de mise en œuvre.
I.2.2 Le média écrit web permet, par ses caractéristiques spécifiques, d'enrichir chaque aspect
propre à la production d'information au sein des médias citoyens
La démarche participative tout comme l'originalité et l'indépendance de l'information sont autant
de valeurs auxquelles les médias citoyens se réfèrent. Le format écrit web permet de donner plus
d'ampleur à chacun de ces éléments.
D'une part, il s'agit d'écrits, dont la fonction métalinguistique introduit une profondeur d'analyse et
de réflexion, alors que le format image fait appel à l'émotion.
D'autre part, la technologie propre au web met en mouvement une constante créativité dans la
construction de l'information.
Les membres du « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes »
s'engagent à « favoriser l'expression, la participation et le débat citoyen de ceux qui n'ont pas ou
peu la parole »32. Cette démarche participative trouve son paroxysme au sein de l'Internet.
En effet, la participation de contributeurs qui ne sont pas journalistes professionnels dans la
réalisation des sites d'information est croissante. Le média web étant outil interactif par essence,
l'information se construit au fur et à mesure par l'échange et l'ajout d'éléments des internautes. Les
31 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 3.
32 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 7.
blogs, forums, discussions suite à l'écriture d'articles sont des outils de cette démarche participative
et viennent compléter le contenu purement journalistique.
Ce mode de fonctionnement induit la création d'un nouveau lien social avec le lecteur. Le travail
du professionnel et la parole profane se complètent pour générer une information riche et multiple.
Cette complémentarité entre acteurs est la proposition du site espagnol d'information « El
Observador » (www.revistaelobservador.com), dont le contenu critique et de très grande qualité
est fourni tant par des contributeurs externes (professeurs, politiques, citoyens,...) que par les
journalistes professionnels de l'équipe.
Cet exemple parmi tant d'autres montre que ce mode de fonctionnement génère du contenu
original, plus proche des préoccupations des citoyens, un regard nouveau et parfois plus pointu, et
assez critique quant à l'information fournie par les médias de masse.
Aussi, les petites structures à taille humaine que sont les médias citoyens ont très souvent pour but
de produire un contenu local. Concentrés sur un petit territoire (quartier, village), ils sont des
spécialistes de l’information de proximité. Le Bondy Blog (http://yahoo.bondyblog.fr) constitue un
bon exemple de média de proximité : son objectif est de faire entendre la voix des quartiers
populaires
dans
le
débat
national.
Sa
déclinaison
lyonnaise,
Lyon
Bondy
Blog
(http://yahoo.lyon.bondyblog.fr) adhère au réseau MédiasCitoyens.
Autre élément, l'indépendance financière revendiqué par tout média citoyen garantit une
information non soumise à une quelconque pression externe. La charte du « Réseau de médias
alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes » affirme « Le droit de tous à l'information
et à l'expression critiques et alternatives, en toute indépendance des pouvoirs locaux, politiques,
économiques et culturels »33Leur mise en place et leur mode de diffusion étant peu coûteux, les
médias citoyens écrits web ont en principe plus de facilité à vivre de manière autonome que des
médias tributaires de moyens techniques complexes ou d'un travail d'édition matérielle.
Enfin, l’outil web jouit, de par sa forme et son mode de construction et de consultation, d'une très
grande souplesse. Il se prête extrêmement facilement à l’interactivité, à la participation, à la
coopération et permet d’avoir accès à une masse d’information pouvant parfois sembler « infinie ».
La plateforme Rhône-Alpes Solidaires (www.rhonealpesolidaire.org), site des initiatives sociales et
solidaires de la région Rhône-Alpes, fonctionne sur le mode de la coopération entre acteurs et
illustre parfaitement l'aspect collaboratif des médias citoyens écrits web. Son essaimage territorial,
à travers les plateformes locales, constitue un réseau de sites participatifs échangeant
régulièrement de l'information entre eux.
33 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 4.
II.
LES MEDIAS CITOYENS ECRITS WEB
DANS LE CONTEXTE ACTUEL
Tous les atouts développés par les médias citoyens écrits web les rendent aujourd'hui
incontournables, mais la plus grande vigilance s'impose afin d'éviter des dérives ou des mésusages.
II.1 Des outils devenus indispensables
Leurs valeurs et leur mode de fonctionnement permettent à ces médias de se positionner comme
acteurs-clé dans la construction d'une société moderne plus humaine et plus démocratique.
Tout d’abord, ils assument un rôle de contre-pouvoir trop souvent abandonné par les médias
traditionnels. Plus, ces acteurs « s'avèrent (essentiels) dans la contre-expertise qu'(ils) offrent par
rapport aux grands médias »34. La récente affaire Woerth-Bettencourt, par exemple, a été portée à
la connaissance du public grâce au travail professionnel du site Mediapart. A plus petite échelle,
de multiples sites Internet ou blogs se constituent sur une ligne éditoriale contestataire mais
néanmoins de qualité, avec le peu de moyens dont dispose(nt) leur(s) auteur(s).
D'autre part, le rôle des médias citoyens écrits web en faveur du développement de la démocratie
participative n'est plus à démontrer : il s'agit bien là d'efficaces porte-voix des sans-voix. Certains
pays, comme la Chine, emprisonnent des opposants du simple fait de leurs activités d'internautes.
Les « Indignés » du monde entier, pour qui ces médias constituent des outils de premier ordre, ne s’y
sont pas trompés. Nombre de blogueurs courageux ont joué un rôle indispensable dans le
désormais fameux « Printemps arabe ». Aussi, les réseaux sociaux ont servi de relais pour
l'organisation des manifestations des « indignés » espagnols, égyptiens et tunisiens. Pour exprimer un
ras le bol, se regrouper de façon affinitaire ou se conforter dans l’action, des groupes virtuels ont
été créés sur la toile. Grace à l'Internet, les jeunes ont pu se sentir concernés par la révolution
sociale.
Par ailleurs, des médias citoyens écrits web contribuent directement à la diffusion des valeurs de
l’ESS. Ainsi, la plateforme Rhône-Alpes Solidaires gère un site Internet producteur d'information à
destination des acteurs de l'ESS et du public intéressé.
Très adaptables et adaptés à la société mondialisée actuelle, très accessible financièrement (il
suffit d'un ordinateur et d'une connexion Internet pour créer son blog ou son site d'information), les
34 Myriam Merlant, de Ritimo (Source : www.ciranda.net/fsm-dacar-2011/article/la-information-alternative-au)
médias citoyens web sont en pleine expansion. Populaire, le média citoyen doit être lisible par le
plus grand nombre. L’outil web répond parfaitement à ce besoin.
Mais tous ces atouts ne doivent pas cacher les pièges du numérique. En effet, la prudence et le
sens critique s'imposent pour préserver la qualité de l'information proposée par les médias citoyens
écrits web.
II.2 Des écueils à contourner
Les médias web sont encore extrêmement jeunes dans le monde de l'information. Nous n'avons
donc que peu de recul pour leur étude, même s'ils sont sujets à une évolution rapide et
permanente.
Le débat sur leur définition est donc encore ouvert, et il n’y a pas de consensus définitif. Un média
écrit web non associatif ou coopératif peut-il être considéré comme « citoyen » ? Un blog ou un
site dont le but est de donner de l'’information spécifique sur les actions d’une association peuventils être considérés comme médias à part entière ? Autant de questions dont les réponses ne
peuvent être simples et tranchées...
Par ailleurs, l'on colle encore trop souvent aux médias web une image de « gratuité » qui ne
correspond absolument pas à la réalité. Un travail d'information de qualité suppose du temps de
travail professionnel qui doit être rémunéré à sa juste valeur. Les médias citoyens écrits web
tiennent à leur indépendance, et cela les pousse à trouver leur propre mode de financement. Mais
malgré quelques exemples de réussite commerciale (Médiapart et Rue 89 en France) par la mise
en application d'expériences originales, ce secteur n'a pas encore trouvé son ou ses modèle(s)
économique(s).
Pourtant, des idées existent, à développer et à expérimenter :
– Sur le site Newassignment.net (http://newassignment.net) les internautes peuvent
commander à des journalistes professionnels des enquêtes et des reportages sur des sujets
qu'ils ont repéré ;
– 60 % des recettes de Rue 89 proviennent de la publicité et 20 % de l'activité d'agence de
presse web ;
– Mediapart vit de ses abonnements ;
– Le site Jaimelinfo (www.jaiemelinfo.fr) propose du « financement communautaire » de
l'information s'appuyant sur les lecteurs, à travers des dons ou par le soutien à des projets.
Mais ces expériences ne sont pas exemptes de limites, et d'autres modèles se mettent en place
grâce à la créativité des acteurs du web.
Une autre question est celle de la publicité en ligne, mal encadrée et parfois difficile à organiser.
Outre la question légitime de la dépendance vis-à-vis de l’annonceur, la publicité web reste
encore concurrencée par le support papier, malgré l'affluence et la notoriété du web.
La problématique économique peut influer sur le contenu informatif, qui se veut indépendant et
de qualité. Le manque de moyens, personnels et matériels, rend le travail journalistique difficile
lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes de fond et de longue haleine, condamnant trop souvent les
journalistes du web à un travail de l'instant et peu approfondi.
D'autre part, ces médias étant faciles à mettre en place, leur foisonnement sur la toile se fait parfois
au détriment de l'exigence de qualité, ce qui, conjugué à l'atomisation de l'information, peut noyer
ou tromper l'internaute. Souhaitons que le développement des médias web en général génère la
formation ou l'auto-formation de chacun à la critique du contenu informatif.
Le modèle participatif nécessite pour sa part un encadrement afin de préserver la qualité de son
contenu. Une modération des contributions par un webmestre ou gestionnaire du site s'avère
souvent nécessaire afin de s'assurer que des contenus insultants ou diffamatoires, hors-sujet ou tout
simplement faux ou de mauvaise qualité ne soient pas relayés sur la toile. Cela contribue aussi à la
formation des contributeurs, qui sont obligés tôt ou tard d'adopter certains réflexes de journalistes,
et à celle des journalistes, qui doivent apprendre à être modérateurs d'information.
Car, étant donnée la jeunesse de ces médias, seuls les jeunes journalistes ont bénéficié d'une réelle
formation initiale adaptée, par le biais des modules intégrés dans les écoles de journalisme. En
effet, le webjournalisme sollicite des qualités de réactivité, de synthèse ou autres différentes de
celles indispensables au travail journalistique traditionnel.
En effet, l'écriture web comporte des spécificités liées au support Internet. Ces particularités
peuvent néanmoins devenir toxiques si elles ne sont pas appliquées avec le plus grand
discernement.
Par exemple, le référencement est un élément de l'écriture web qui demande d'introduire des
mots-clés dans le titre ou le chapeau de l'article pour le positionner en tête des résultats lors d'une
recherche sur un thème. Utilisé à mauvais escient, le référencement peut pousser à dénaturer le
contenu informatif afin de privilégier un bon positionnement en fonction d'une demande précise,
au détriment d'une information de fond ou proposée par le journaliste.
Aussi, le « zapping » étant de mise dans l'utilisation de l'outil Internet, certains estiment devoir
répondre à ce mode de fonctionnement par la proposition exclusive d'articles à texte court et
percutant.
Ces deux travers peuvent nuire à la force de l'écrit, à savoir la possibilité d'approfondissement de
l'analyse du sujet traité.
Pour finir, disons que leur jeunesse, leur évolution constante, leur indépendance et leur rôle assumé
de contestation constituent autant de limites à une reconnaissance et un appui de la part de
pouvoirs publics ayant du mal à les cerner et, disons-le, parfois enclins à éviter la critique.
Tout cela conjugué à l'absence de modèle économique confirmé met les médias citoyens écrits
web dans une position fragile quant à leur survie.
Pourtant, ils existent, et ils souhaitent demeurer actifs afin de jouer pleinement le rôle dont ils se
sentent investis. Cela est bien-sûr le cas sur le territoire rhône-alpin.
Les médias citoyens écrits web : Un avenir prometteur ?
Comme nous le montrent de nombreux exemples, les médias citoyens écrits web érigent
l’information participative en nouveau contre-pouvoir démocratique.
Ces médias citoyens n’ont pas pour vocation de remplacer des médias traditionnels mais
provoquent déjà une modification des pratiques du métier de journaliste dans son organisation et
le contenu de l’information. Ils évitent le monopole de l'information et induisent une porosité
inévitable entre journalistes et lecteurs citoyens.
Les nouvelles technologies changent les habitudes et permettront de revenir à un journalisme
d’opinion, de terrain et innovant dans la forme et dans les choix éditoriaux. Cela apporte une
véritable valeur ajoutée aux sujets traités par les médias classiques.
Pour aller de l’avant, ces médias porteurs de valeurs solidaires se doivent de relever le défi de la
survie économique, mais aussi de coopérer et de mutualiser leurs forces. C'est à ce besoin que
tentent de répondre le « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région RhôneAlpes » et le réseau rhône-alpin MédiasCitoyens (rassemblant des médias citoyens tous supports),
dont il est membre.
Ces dynamiques doivent être raffermies et renforcées, afin de développer un contre-pouvoir
informatif sur le territoire, permettant de diffuser les valeurs de l’économie sociale et solidaire, la
démocratie participative et l’information - formation tant du citoyen-acteur que du journalistecitoyen.
Une reconnaissance et des appuis s’avèrent indispensables, afin que ces médias citoyens puissent
pleinement jouer leur rôle.
Sources
-
Les associations et Internet, M. Colombat, Milan, 2002
-
Médias : La faillite d’un contre pouvoir, P. Merlant, L. Chatel, Fayard, 2009
-
Sur la télévision, suivi de l’emprise du journalisme, P. Bourdieu, Raison d’agir, 2009
-
Le rap et les blogs de la révolution, A. A. Belkhodja, M. Beaugé, Les Inrockuptibles n°790, du
19 au 25 janvier 2011, p. 16
-
La révolte Arabe, O. Gandt, J. Tilouine, Les Inrockuptibles n°793, p. 48, du 9 au 15 février
2011
-
Definitions diverses, Wikipédia (www.wikipedia.org)
-
Les médias contribuent-ils au débat démocratique ?, mai 2006, Vie Publique (www.viepublique.fr)
-
Internet : un bienfait ou un danger pour la démocratie ?, mai 2006, Vie Publique (www.viepublique.fr)
-
L'explosion du journalisme : Des médias de masse à la masse des médias, Là bas si j'y suis,
mars 2001, France Analyse (www.france-analyse.com/ftp/2011-03-01_Internet_Masse-demedias.ogg)
-
La mort d'un journalisme annoncée ?, H. Bonney, mars 2010, Hadrien
(http://bonneyhadrien.owni.fr/2010/03/29/la-mort-dun-journalisme-annoncee)
-
Les journalistes écrivent-ils pour Google ?,
A. Westbrook, août 2010, (http://Owni
(http://owni.fr/2010/08/02/forget-the-readers-are-journalists-writing-for-google)
-
Dossier : nouveaux médias web, les secrets de la réussite, déc. 2010, Frenchweb.fr
(http://frenchweb.fr/nouveaux-medias-web-secrets-reussite)
-
Quels modèles économiques pour les sites web d'informations, A. Sadikh Ndiaye, fév. 2010,
Atelier des médias (http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/quels-modeles-economiques-pour?
xg_source=activity)
-
Faut-il réinventer le métier de journaliste média web ?, Res Publica, mars 2011, Politique.com
(http://politique.com/media/faut-reinventer-metier-de-journaliste-media-web-5579)
-
Les médias citoyens sont-ils fiables ?, E. Turrettini, avril 2006, Transversales (http://grittransversales.org/article.php3?id_article=101)
-
Qui contrôle les médias en Europe ?, A. Scalbert,
(www.rue89.com/europe/qui-controle-les-medias-en-europe)
-
La complaisance de David Pujadas mérite d'être récompensée, M. Reymond, juill. 2010,
Acrimed (www.acrimed.org/article3416.html)
-
Internet : un média citoyen qui défie le journalisme ?,
juin 2007, Documental.com
(www.documental.com/v2/article_5052.php?recherche=media%20citoyen)
-
L'information alternative au service des mobilisations politiques et sociales, T. Vicente, fév.
2011, Ciranda (www.ciranda.net/fsm-dacar-2011/article/la-information-alternative-au)
nov.
2007,
Bonney
Rue
89
Les médias associatifs en Rhône-Alpes
Premières indications bibliographiques pour une
sociologie des médias associatifs en Rhône-Alpes
Patrice Berger
www.mediascitoyens.org
SOMMAIRE
Introduction : un rapport mais aussi un instrument de rassemblement et d'échanges
1. Quelques cadres d'analyse
1.1 Un sujet complexe dans une période de grands changements
1.2 L'enjeu de cette réflexion n'est pas désincarné, il y est question du pouvoir et de luttes
pour les pouvoirs, à l'échelle des territoires comme dans les réseaux sociaux les plus divers.
1.3 Une sociologie des rapports entre les hommes mais aussi des rapports entre les hommes
et les objets est nécessaire pour bien travailler sur ces questions.
1.4 Une écologie des représentations, comment naissent, se répandent, meurent les idées
2. La société en réseaux et la communication : changements culturels, globalisation et importance
des territoires.
2.1 les critères de découpage des territoires
2.2 territoires économiques : redécouverte du développement économique des territoires
2.3 territoires politiques
2.4 territoires sensibles
2.5 territoires cognitifs
2.6 identités personnelles et identités territoriales
3. Evolution des capacités des personnes à s'emparer des médias à l'heure de l'internet
3.1 Les trois cercles des personnes qui font vivre les médias associatifs
3.2 Un grand partage des savoirs et des savoir-faire et un déficit de pouvoir et de
reconnaissance sociale.
4. Les pratiques professionnelles dans les médias de communication sociale de proximité :
éthique et technique
4.1 Un potentiel d'emploi important dans les médias de communication sociale de
proximité
4.2 Les sociologies des professions, professions libérales, professions artistiques, professions
sociales : les spécificités de la profession de journaliste
4.3 La profession de journaliste : des manières de faire
4.4 la profession de journaliste : une éthique
4.5 Les changements contemporains dans le journalisme
4.6 les métiers de la parole et le journalisme : enseignement, animation, expertise, travail
social
5. Du journal personnel, vecteur d'opinions et de commentaires au média, collectif et normé
5.1 Les journaux personnels sont sortis de la sphère privée dès lors qu'ils sont publiés
5.2 Les fonctions des médias : fonctions sociales et culturelles
5.2.1 Image du territoires aux yeux de ses propres habitants mais aussi vis à vis de l'extérieur
5.2.2 Expression et empowerment des participants aux ateliers médias
5.2.3 Découverte citoyenne
5.2.4 Accueil de stagiaires
5.2.5 Entrainement à la pratique des médias des médiateurs sociaux du territoires
5.2.6 Valorisation à travers les réseaux des médias associatifs des créations ou des
initiatives émanant du territoire
5.2.7 Institution du média territorial comme nœud de communication dans un
réseau de pairs qui peut atteindre la dimension du monde entier.
5.3 Médias et territoires : l'angle de la communication
5.4 Média associatif, média territorial, média alternatif, média militant, média participatif.
6 Médias et débats citoyens : couvertures d'événements, médias de la diversité
6.1 Couverture d' événements sociaux, de débats citoyens
6.2 Les médias de la diversité
6.3 Les médias établissent les scansions du temps, les agendas politiques, contribuent à la
construction des générations, à l'établissement et à l'articulation des problèmes sociaux
7 Les innovations potentielles et petit à petit actualisées permises par la numérisation et par internet
7.1 Le numérique dans les interactions entre les membres des médias et avec leurs
partenaires
7.2 Maîtrise de la durée
7.3 Partage de la maîtrise de la parole entre tous ceux qui l'ont produite
7.4 La convergence des approches entre les différentes formes d'expression
7.5 L'enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents
7.6 La possibilité de créer ou d'enrichir des événements susceptibles d'intéresser un public et
de solliciter sa participation
7.7 L' enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents
7.8 Le renouvellement des outils pédagogiques
7.9 La convergence entre des champs d'activité divers permise par les outils numériques
8 La structure associative des médias citoyens
8.1 Spécificité de la gouvernance
8.2 La dimension des regroupements de médias
8.2.1 Une nécessaire action collective
8.2.2 Les regroupements régionaux
8.2.3 Les regroupements thématiques
8.2.4 Les regroupements nationaux et internationaux
8.3 La participation à des collectifs interassociatifs
8.4 La représentation des médias dans des instances professionnelles
8.5 La représentation des médias dans les instances internationales
Conclusion : Les médias de territoires, médias d'émergence des nouvelles locales et de
l'appropriation des nouvelles du monde
INTRODUCTION
Un instrument de rassemblement et d'échanges
Dans la région Rhône Alpes, les radios associatives depuis les années 1980, les autres médias plus
récemment ont commencé à travailler ensemble. Trois grandes formes d'activités réunissent ces
médias :
–
une réflexion commune qui peu à peu permet l'émergence d'une conception de « médias
de communication sociale de proximité » (MCSP) et qui permet au fil des ans d'accumuler
expériences et idées.
–
la nécessité d'une entraide entre médias, dans plusieurs directions : recherches de
financements pour chacun des médias et pour leurs regroupements, soutien à chacun des
médias dans ses difficultés et dans ses progressions
–
la coopération dans la confection de programmes coopératifs, couvertures d'événements,
programmes coordonnés sur des thématiques choisies, animation de débats citoyens.
Chacun de ces médias maintient ensemble durablement l'équipe de ceux qui le met en œuvre,
un deuxième cercle, celui des personnes et des groupes qui leur confient leur parole, ou qui leur
allouent des contributions, enfin le cercle de leurs lecteurs, auditeurs, spectateurs.
Comprendre les dynamiques à l'œuvre dans ces cercles, ce qui fait le caractère durable de ces
médias, quelles sont les fonctions sociales spécifiques qu'ils remplissent exige l'examen de tous les
partenaires de ces aventures collectives, l'examen des changements qui les ont fait évoluer dans
les dernières décennies. Il faudra aussi s'interroger sur les raisons de l'échec de telle ou telle équipe,
de tel ou tel projet, de telle ou telle collaboration.
Nous souhaiterions mettre à profit les moyens contemporains de publication pour donner à cet
état des lieux un caractère plus actif, faire de ce document un palimpseste toujours en réécriture.
Après livraison de ces pages au Conseil régional de Rhône-Alpes qui les a souhaitées pour éclairer
sa politique, nous proposons d'en mettre en ligne une version hypertexte qui aurait pour effet :
–
de donner à chacun l'occasion de consulter les références proposées quand elles sont
accessibles en ligne, de mieux connaître les partenaires évoqués dans les développements
par des liens avec leurs pages web.
–
de permettre aux acteurs des différents cercles de contributeurs de nos médias de rajouter
des témoignages d'actions menées, de proposer des références de lectures pertinentes,
mais aussi de discuter tel ou tel point des propositions faites dans le document, donc de
l'enrichir ou peut être d'en calmer les excès.
–
de relayer de nouvelles initiatives de débats, d'écrire de nouveaux chapitres.
–
de faciliter, en en affichant clairement les descriptions la reprise de pratiques de
communication populaires de qualité.
–
de favoriser l'émergence d'une conscience commune entre tous les acteurs des médias de
proximité.
SECTION 1
QUELQUES CADRES D'ANALYSE
1.1 Un sujet complexe dans une période de grands changements
Nous sommes dans une période marquée par le développement du numérique et que beaucoup
d'auteurs qualifient de révolutionnaire (Doueihi, 2008, passim, Lévy, 2008). Il s'agit à la fois comme le
développe Doueihi d'une « conversion » générale de pratiques antérieures, qui s'exerce dans les
champs les plus divers, et de possibilité étendue à l'envi, de passer d'un langage à l'autre, d'un
monde à l'autre, par les conversions possibles, les traductions possibles, ouvrant des chemins
inédits, permettant la création de réseaux collaboratifs nouveaux. Pierre Lévy compare ces temps
de passage à la révolution de l'imprimerie, et ce que nous avons appris d'auteurs
comme
Elizabeth Eisenstein (1968), Jack Goody (1979) ou Fernand Braudel(1979) est que la révolution de
l'imprimerie a entraîné des bouleversements de civilisations considérables.
En cette période, nous nous devons de poser à nouveaux frais la question des médias locaux. Ceux
ci bien entendu sont antérieurs, mais la réflexion sur leur état actuel et sur leur devenir conduit à
penser en même temps plusieurs évolutions contemporaines.
Si nous présentons ce travail comme une mise à plat des connaissances publiées dans plusieurs
champs de la littérature, c'est parce que le fort regain d'intérêt manifesté aujourd'hui pour les
médias, s'il se fait dans le souffle des innovations inouïes permises par la numérisation de
l'information, doit s'armer de plusieurs corpus de connaissances sous peine de manquer l'essentiel,
voire d' ouvrir des perspectives erronées.
En effet, si Erik Neveu (2007, p.6) invite à juste titre, citant Joël de Rosnay (2006) et Nicholas
Negroponte (1995), les plus grands thuriféraires des révolutions du net, à replacer les usages actuels
et prévisibles du numérique dans des contextes sociaux et culturels complexes, c'est précisément
parce qu'il souhaite prendre au sérieux la portée des évolutions en cours et mettre à profit les
connaissances acquises dans plusieurs disciplines des sciences sociales appliquées à des réseaux
sociaux divers. Le principal reproche que fait Erik Neveu à la grande quantité de publications qui
sont aujourd'hui disponibles à propos du net, du numérique et des médias, qu'il en soient d'ailleurs
les défenseurs inspirés ou les contempteurs effrayés, c'est de se limiter à l'horizon de leur propre
pratique technique ou militante et d'ignorer les acquis des sciences sociales qu'il serait pourtant
judicieux de mettre à profit dans ce contexte très neuf.
Dans le cadre de cette section de notre rapport, nous rassemblerons une importante bibliographie
dans l'intention de dégager les idées essentielles qui nous permettront, en regard de la phase
d'enquête, de mettre de l'ordre dans la grande diversité des pratiques attestées et de dégager les
lignes de force des évolutions déjà à l'œuvre et des perspectives imaginables. Nous donnerons
seulement ici les références qui nous ont semblé les plus significatives, mais la littérature est
abondante dans tous les aspects. Beaucoup des documents que nous citons sont accessibles sur
internet avec des droits d'accès divers. Nous en signalerons les adresses.
1.2 L'enjeu de cette réflexion n'est pas désincarné, il y est question du pouvoir et de luttes pour les
pouvoirs, à l'échelle des territoires comme dans les réseaux sociaux les plus divers.
Au-delà du classement des connaissances à mobiliser pour une bonne compréhension et une
bonne mise en œuvre des potentiels de médias locaux dans « l'ère du numérique » (« digital age »,
selon la caractérisation favorite pour notre époque que défend Manuel Castells), nous proposons
dans cette introduction, en suivant pour l'essentiel un article de Manuel Castells (2007) de mettre
au premier rang l'importance fondamentale de la communication et de l'information comme
sources de pouvoir, quelle que soit l'échelle territoriale à laquelle on s'intéresse. Castells définit de
façon très classique le pouvoir comme « la capacité structurelle d'un acteur social à imposer sa
volonté à d'autres acteurs sociaux » (p. 239) (toutes les citations que nous faisons de Castells –
comme d'autres auteurs, en général anglophones, dans ce rapport – sont traduites par nos soins ;
nous espérons ne pas trop souvent avoir trahi les auteurs.)
La communication, la chose n'est pas nouvelle, est, à toute échelle dans les institutions sociales et
dans le champ politique, l'instrument essentiel de la domination, il s'agit de « donner forme aux
esprits » (shaping minds) plutôt que de contraindre les corps, préférer pour reprendre le concept
de Pierre Bourdieu la « violence symbolique » (Bourdieu, 1977) à toute autre forme de violence.
« Torturer les corps a moins d'effet que donner forme aux esprits » (Castells, p.238). Or la maîtrise
des représentations reste toujours un objet de conflit. Les pouvoirs dominants cherchent toujours à
présenter les représentations qui conviennent à l'expansion de leur pouvoir comme naturelles et
intangibles. Les réseaux de la technologie de la communication dans l'ère numérique ouvrent de
nouveaux lieux d'affrontements, de nouveaux champs de bataille.
Les conflits qu'analyse Castells ne se cantonnent pas au champ des médias, quelle que soit
l'importance qu'on doive accorder à ce monde dans l'émergence de nouvelles pratiques à
l'échelle mondiale. C'est précisément parce que les technologies de l'information et de la
communication ont transformé l'ensemble des champs des activités sociales (« organisations,
marchés électroniques, media et politique » - Kallinikos, 2005, p.2) que les restructurations
aujourd'hui à l'œuvre dans l'ensemble des champs font l'objet de conflits de forte ampleur et qu'il
convient de comprendre les réorganisations à l'œuvre dans les médias dans le contexte de ces
transformations plus générales.
Nous empruntons à Julien Levrel (2006, p.2) une bonne description de l'enjeu historique de
l'évolution contemporaine de la « société en réseaux » selon Castells (1998) : « les principaux
attributs d’une société en réseau impliquent un remplacement progressif (et encore en
construction) d’une organisation hiérarchique et verticale par une organisation en réseau (le
« Net »), et l’émergence de multiples pratiques individuelles et identitaires (le « Self ») qui tentent de
s’affirmer dans un monde en changement continu. Les dimensions politiques et culturelles de ces
mondes en réseaux demeurent encore peu étudiées alors qu’elles semblent annoncer, selon
l’auteur, les fondements de nouveaux rapports sociaux. »
1.3 une sociologie des rapports entre les hommes mais aussi des rapports entre les hommes et les
objets est nécessaire pour bien travailler sur ces questions.
Nous tenterons, tout au long de ce parcours bibliographique d'éclairer les effets sociaux et culturels
des innovations techniques dans une perspective constructiviste (Bijker, 2001) en mettant l'accent
sur les constructions sociales qui à la fois conduisent à l'émergence et au succès des innovations et
permettent de mieux comprendre les changements institutionnels qu'elles induisent et les conflits
qui sont associés à ces mouvements.
Comme l'expérience quotidienne des acteurs des radios associatives, des blogueurs d'informations,
des vidéastes alternatifs le montre, nous sommes dans le cadre de changements dans les relations
entre les hommes qui sont médiés par des relations nouvelles avec des objets techniques.
Dans ces questions de la production des nouvelles, de leurs diffusions, de leurs structuration, des
commentaires qui s'échangent autour d'elles, les artefacts se sont multipliés et sont aujourd'hui
intégrés dans la vie quotidienne de la plupart des gens. Le quotidien des acteurs des médias mais
aussi de leur public, et bien-entendu les découpages anciens entre producteurs et publics sont
transformés et le rôle des objets dans ces transformations est essentiel.
Nous aurons donc recours dans cette réflexion à des démarches inspirées d'auteurs comme Bruno
Latour qui construit une sociologie des acteurs humains et non-humains, la sociologie de l'acteurréseau. Citons de ce sociologue essentiel pour notre réflexion, un ouvrage destiné au grand public
(Latour, 2006 a) et un ouvrage plus complet (Latour, 2006 b)
Dans son commentaire de l'ouvrage dirigé par Sophie Houdart et Olivier Thiéry , Humains, nonhumains. Comment repeupler les sciences sociales ? Paris, La Découverte, 2011, Alexandre
Federeau résume le propos de cette théorie (Federau, 2011 p.2) : « À la suite des travaux de Michel
Callon et de Bruno Latour, la théorie de l’acteur-réseau introduit les non-humains en sociologie.
Selon eux, les faits sociologiques peuvent être compris comme des « associations » entre des
acteurs humains et des acteurs non-humains. Ces « associations » consistent en un ensemble de
relations et de médiations entre acteurs qui forment un réseau. Est acteur tout ce qui peut modifier
un réseau, une situation donnée. Ainsi, les humains, agents intentionnels, sont des acteurs. Mais les
non-humains le sont également. »
Nous trouvons chez des auteurs comme Madeleine Akrich (1994) ou Dominique Vinck (1999) de
quoi alimenter une réflexion sur les relations entre les humains et les artefacts qui, pour avoir été
imaginés, développés dans les laboratoires et les entreprises industrielles, pour avoir fait l'objet de
décisions économiques et politiques, n'en ont pas moins engendré, à travers les usages qui s'en
sont répandus dans la société d'importants « effets pervers » au sens que Pierre Boudon donne à
ces termes « effets de composition non prévus et non voulus » (Favre, 1980, p.1229). La littérature
abondante que nous connaissons aujourd'hui autour de l'internet mais aussi de la numérisation par
exemple dans le champ de l' économie, manifeste à l'évidence la conscience de cette irruption
des objets dans les jeux des sociétés humaines.
Plus généralement, nous essayons de nous placer dans une démarche naturaliste et cognitiviste
telle que la proposent des auteurs comme Philippe Descola (2005), Dan Sperber (1996) ou
Véronique Havelange (2003).
1.4. Une écologie des représentations, comment naissent, se répandent, meurent les idées
Dans les échanges d'images, d'idées, d'informations, dans la confrontation des représentations,
dans les découpages des temps et des lieux, sont construits des réseaux d'interconnexion de
personnes ou d'objets, de nouvelles idées, de nouveaux trajets qui balisent de nouvelles cartes
mentales et de nouvelles cartes sociales.
Dans ces trafics sémantiques et sociaux, les médias, d'une façon très générale, jouent de grands
rôles. Notre propos dans ce rapport sera d'évaluer la part que peuvent prendre les médias
associatifs et participatifs dans ces processus. Nous mettrons l'accent plus particulièrement,
conformément à notre dessein de base, sur les médias de communication sociale de proximité
mais nous inclurons dans l'espace privilégié de notre étude quelques autres cercles qui nous
semblent devoir être pensés en corrélation avec nos médias locaux :
–
les médias de niche, médias spécialisés, souvent associatifs ou coopératifs, produits dans
notre région et qui, bien qu'ils ciblent un public national voire international, peuvent être
fortement présents dans la vie intellectuelle, culturelle et sociale de leur région d'ancrage.
Dans cette catégorie, nous placerons des médias aussi différents qu'Africulture, qui a son
siège dans la Drôme, Silence, la revue écologique produite
à Lyon, le Sarkophage,
mensuel de débat politique développant les idées de la décroissance, publié à Lyon.
Mentionnons également la Décroissance, casseurs de pub, eux aussi publiés à Lyon.
–
les médias nationaux associatifs qui développent une activité particulière dans notre région
dans l'objectif de contribuer à la construction locale d'une production spécifique de
contenus de presse ou de poursuivre les débats de portée générale amorcés dans leur
média en les enrichissant de contributions locales ou encore de développer une réflexion
critique sur les médias. Citons notamment dans cette catégorie, les groupes locaux de
l'association ACRIMED, les amis du Monde Diplomatique qui multiplient les conférences
autour du journal et les cafés repères développés autour de l'émission de Daniel Mermet sur
France Inter « Là bas si j'y suis ». Le journal national Fakir a des correspondants dans la région
Rhône-Alpes.
–
les ateliers de production de vidéos, de montages sonores, de fanzines développés sous
forme associative, ou pourrait-on dire « pré-associative », de manière autonome ou dans le
sein de structures de l'Economie sociale et solidaire ou de l'éducation populaire.
(Sonoscope en Ardèche, ACRA dans la Loire, « le zèbre et la mouette » à Lyon par
exemple)
–
les médias propres à un mouvement associatif particulier qui s'adressent aux membres de
l'association ou au public dans l'objectif de faire connaître leur mouvement, ses actions, ses
campagnes, mais qui ont souvent un rôle d'information et de mobilisation culturelle non
négligeable qui porte bien au delà de ce qu'on aurait pu imaginer. Pensons par exemple à
deux domaines particulièrement développés en Rhône-Alpes,
–
la protection de la nature, avec les sites d'information de la FRAPNA et de
nombreuses autres associations de portée territoriale ou thématique plus restreinte.
– la solidarité internationale, illustrée à Lyon par la présence de Handicap
international, de la Bioforce, par une forte présence du christianisme social qui
donne aux actions du
CCFD par exemple un retentissement important. Le CIIP
(Centre d'Information Inter-Peuples) à Grenoble développe aussi un journal, InterPeuples, aux échos bien plus larges que les seuls adhérents de l'association.
–
la presse des collectivités territoriales : certains titres comme le mensuel Couleurs de
Saint Priest sont de très bonne facture.
Nous essayerons ici de nous placer dans une perspective d'écologie des représentations, qui
empruntera aux travaux d'auteurs qui ne se réclament pas tous du vocabulaire de l'écologie mais
qui nous ont semblé présenter des idées convergentes.
Nous retrouverons la sociologie des réseaux de Bruno Latour (2006), mais aussi la philosophie de la
mémoire et du récit de Paul Ricoeur, l'anthropologie cognitive de Dan Sperber (1996) et la réflexion
sur les médias que des auteurs américains comme Neil Postman (2000) ou canadiens comme
Serge Proulx (2008) appellent « écologie des médias ».
Les travaux de sémantique quantitative diachronique (par exemple Boussidan, 2009) documentent
la naissance, l'expansion, voire la régression de nouvelles formes lexicales et la transformation des
cartes des proximités entre les termes, les probabilités des associations de mots ou d'idées qui
forment l'ossature d'une langue, voire d'une culture. Et dans ce travail des idées inlassablement
poursuivi, les médias sont à la fois l'écran et le support réel des mouvements. Il n'est que d'interroger
la méthode des linguistes, qui travaillent, pour mener leurs analyses, sur de larges corpus de presse
écrite.
Le juriste Edward Lenert (2004), précisément à propos d'une innovation menée au Canada dans
l'usage du web pour l'accès aux programmes de télévision, attirait l'attention sur le « pouvoir
sémiotique » des groupes et utilisait les méthodes d'analyse du « social shaping » de Bijker (op. cit.)
(« Bijker calls the form of power that concerns the ability of relevant social groups to fix meanings
semiotic power. » )
Plus généralement, ce pouvoir de « fixer les idées », de régler les représentations est bien cet objet
de luttes culturelles que nous évoquions dans nos précédents développements et dont Ann
Swidler (1986) montrait la pertinence sociologique en rapprochant le monde des symboles avec
celui des stratégies.
Au-delà des étymologies communes entre l'économie et l'écologie autour d'un concept grec
d'oikos, au-delà de la référence commune à Malthus et à l'importance de cet auteur dans la
pensée de Darwin que relève Badillo à la suite d' Edgar Morin (op. cit. p. 50), nous proposons de
trouver dans le recours à des concepts travaillés en écologie (dans son champ ordinaire qui est
celui des sciences naturelles) des éléments de compréhension de la nature des médias et de leur
efficacité sociale.
L'approche écologique permet en effet de penser ensemble, d'assembler théoriquement, des
objets corrélés puissamment dans la réalité mais que la pensée économique disjoint, dont elle
néglige les liaisons. Ce sont d'abord les représentations, ce sont ensuite les acteurs, humains ou non
humains (Latour) qui les imaginent, les transforment, les propagent, les portent, les mémorisent et
les oublient, ce sont les institutions dans toute la diversité que leur prête l'anthropologue Mary
Douglas quand elle nous montre « comment pensent les institutions ».
Et dans les limites de ce travail, nous nous intéresserons, parmi les institutions, aux médias, grands et
petits dont bien des auteurs dans des champs divers affirment qu'ils jouent un rôle éminent dans la
vie des idées. Toutes ces démarches qui se veulent écologiques se placent volontairement, dans
leur diversité et jusque dans leurs faiblesses (écologie des représentations, écologie des idées,
écologie des médias, écologie cognitive...) dans l'horizon d'une pensée commune entre les
sciences du vivant et les sciences de l'homme.
Les médias tendent sur le monde des filets de représentations qui fixent les critères de la pertinence
de tel ou tel événement, confèrent de l'autorité (Sennett, 1985) à telle représentation, à tel
personnage, à telle institution. C'est ce que, développant une idée essentielle de Max Weber,
l'anthropologue Clifford Geertz (1973) appelait des « toiles de signification ». Régis Debray (1997),
dans sa quête d'une « médiologie » unificatrice, développe l'idée que saisir les mouvements
complexes des représentations requiert la mise en œuvre de savoirs divers :
« La transmission
culturelle semble aujourd’hui flotter en bordure de plusieurs savoirs (sociologie, histoire des
mentalités, génétique, épidémiologie).»
Nous partirons de la notion de « représentations culturelles » que développe notamment Dan
Sperber (1996) qui sont «un sous ensemble aux contours flous de l'ensemble des représentations
mentales et publiques qui habitent un groupe social» (p. 50). Articulant les sciences cognitives qui
s'intéressent notamment aux représentations mentales dans une perspective naturaliste et
l'anthropologie ou les science politiques qui rendent compte des représentations publiques,
Sperber propose une épidémiologie des représentations.
Venus de communautés scientifiques différentes, des auteurs comme Dawkins, avec sa théorie de
la mémétique ou Sperber et Wilson, autour du concept de pertinence, nous donnent les outils
intellectuels qui permettent d'approcher les populations des idées et des mots, les populations de
représentations dans les configurations spatiales selon lesquelles elles se répartissent et s'opposent
comme dans leur évolutions temporelles.
Paul Marsden (1998) dans un article au titre très explicite « Memetics and Social Contagion: Two
Sides of the Same Coin ? » rapproche la mémétique de problématiques sociales . Il replace ces
travaux issus de la biologie des populations dans des traditions sociologiques déjà anciennes en
citant Gabriel Tarde et sa théorie de l'imitation et des auteurs comme E.M. Rogers, spécialiste de la
propagation des innovations. Le rôle des médias dans l'évolution des idées est particulièrement
développé par des auteurs comme Douglas Rushkoff (1994).
L'enjeu est important, car penser ensemble la contagion des idées, l'évolution des institutions, les
réseaux et les pratiques médiatiques, à l'entrelacs des sciences cognitives et des sciences sociales,
permet de situer la pertinence des médias locaux dans un ensemble plus vaste où prennent leur
place dans un ordonnancement compréhensible des processus essentiels :
–
les représentations sociales, éléments d'informations, découpages catégoriels,
regroupements chronologiques, sont, par chacun d'entre nous, perçus, entrés en mémoire,
recomposés , répétés, rappelés, intégrés dans de nouveaux éléments de discours, exportés
dans de nouveaux contextes, traduits, trahis. Ils peuvent aussi ne pas du tout être perçus et
mémorisés. Entre en effet dans le champ de la contagion des idées, le cas très fréquent, de
l'extinction, de la mort, de la dénaturation des idées.
–
La perception, la mémorisation, la généralisation d'un nouvelle représentation peut
se faire, ou ne pas se faire, et quand elle se fait, avec une plus ou moins grande vigueur
selon le contexte local dans lequel elle apparaît. Il peut s'agir d'un contexte spatial : le lieu
de l'événement. Chacun lie aujourd'hui un quartier de New York à un événement de
septembre 2001, mais, dans un cercle plus limité, les médias locaux (MédiasCitoyens, radio
Pluriel, radio Djamena) qui ont couvert les « Dialogues en humanité » du Parc de la Tête d'or
à Lyon et les auditeurs ou les internautes qui ont entendu les émissions produites en 2009
peuvent lier au décor des arbres centenaires du Parc et de sa roseraie le dialogue,
jusqu'alors inédit, entre Danièle Mitterrand et Stéphane Hessel, un an avant que le petit
ouvrage de ce dernier n'en fasse la référence des « indignés » du monde entier. Autre
souvenir le 31 décembre 2010 quand au studio collectif de la Crancr-ra à la cité du design
de Saint Etienne, les radios conservaient quelques éléments de la mémoire des débats
menés par la région Rhône-Alpes sur la place du numérique dans la culture. Et toute la
soirée la neige recouvrit la ville et les routes. L'ancrage des représentation dans des lieux, et
en même temps dans des récits, est un ressort essentiel de ces « arts de la mémoire »,
pratiqués pendant des siècles depuis les temps sans écriture mais riches de mémorisation
humaine et sociale jusqu'aux temps des grands orateurs. Frances Yates (1974) a rendu
compte de l'histoire de ces pratiques mémorielles et montré l'importance de l'espace dans
leur déploiement et dans leur ritualisation. A la suite de Luria, les neuroscientifiques et les
psychologues de la mémoire nous ont éclairés sur les relations entre la vision, la perception
de l'espace et la mémorisation des représentations, de leur consécution, des récits. La
leçon essentielle que nous en tirons pour notre propos est que la mise en espace de la
couverture d'un événement, de la promotion d'un ensemble d' idées doit être
particulièrement travaillée pour permettre au propos de « faire sens », d'être mémorisé,
transmis, de s'inscrire dans un système de représentations un peu transformé. Et pour faire
cela, rien ne remplace les médias associatifs de proximité. Ils ont dans leur mode possible
d'action les ressources nécessaires à la création de souvenirs durables, à l'inscription de
représentations inédites dans les lieux.
–
Les représentations sont aussi perçues et transmises, dans leurs unités sémantiques
comme dans leur enchaînement, comme attachées à des individus ou à des groupes.
Même dans le langage oral, il y a des styles idiosyncrasiques. Parce que les générations se
succèdent, parce que les groupes sociaux coexistent et combinent des formulations
concurrentes mais compatibles entre elles pour dire les choses, qu'elles soient quotidiennes
ou inouïes. Si bien que chaque individu transporte dans ses propos une saveur, une lumière
qui lui est propre. Et on peut sentir aussi les parentés des propos de groupes divers. Cela
aussi stimule l'attention et la mémoire. Quand on entend tranquillement les propos
enregistrés d'une personne, quand on la voit parler, on entend ce qui est dit et on perçoit
avec plus ou moins de finesse et d'émotion les connotations que la parole enveloppe. Les
médias locaux sont à même d'encourager l'expression des paroles des personnes qui vivent
dans leur territoire, dans leur émergence, car ils appartiennent à la « communauté », au
sens anglo-saxon bien pertinent ici et sont capables de susciter la confiance, les personnes
devant ces médias ne sont pas en danger d'être humiliées par l'impertinence de leurs
propos par rapport au discours canonique, ou en danger d'être trahies par le cadrage
réducteur qu'imposent le plus souvent les médias commerciaux aux propos des personnes
ordinaires.
–
Les représentations qui sont bien mémorisées le sont comme le montrait déjà
Maurice Halwachs, parce qu'elles font sens pour celui qui les reçoit, parce qu'elles sont pour
lui des instruments pragmatiques qui leur permettent d'agir.
–
On entend un propos avec plaisir, ou avec colère, ou avec tristesse, et on sait en
même temps qu'on va pouvoir le répéter, l'introduire dans un récit. Il y a à la fois de
l'émotion dans la perception de ce qu'on entend ou de ce qu'on voit et le projet naissant
de s'en servir dans des dialogues futurs.
–
Pour celui qui s'exprime dans un média de proximité, les propos qu'ils tient s'inscrivent
d'emblée dans sa « biographie », au sens commun, il peut en faire état, faire écouter
l'enregistrement, montrer la photo prise lors de la prise de vue, mais aussi au sens
sociologique du mot : l'identité de chacun se renforce par les propos qu'il est amené à tenir
à la radio ou dans le film vidéo. Ce concept de biographie est particulièrement développé
par Goffman comme l'ensemble des éléments qu'un individu cherche à mettre en avant de
lui même dans une stratégie plus ou moins consciente ou adroite de « présentation de soi»
(voir Calvez 1994). On retrouve les mêmes conceptions chez Anselm Strauss : « A man must
be viewed as embedded in a temporal matrix not symply of his own making but which is
peculiarly and subtly related to something of his conception of the past as it impinges on
himself" (Strauss 1959: 164) » . Et, en miroir, celui qui entend parler un pair à la radio, qui voit
un proche en vidéo, renforce sa propre identité et peut puiser dans les paroles de son alter
ego des éléments de renforcement de sa propre biographie.
–
Les propos qu'on se rappellera sont aussi ceux qui permettent des transformations
cognitives : on apprend quelque chose sur le monde, qui corrobore, complète ou contredit
des représentations préalables. La nouvelle idée s'inscrit dans un discours préalable et le
transforme, permettant ainsi pour le spectateur ou l'auditeur la conception d'un nouveau
récit. Quand il s'agit de révélations sur les actes d'un personnage réputé de la
communauté, le média de communication sociale de proximité peut contribuer à renforcer
la réputation du personnage, voire à la détériorer (voir l'article sur «les cérémonies de
dégradation» qu'analyse Harold Garfinkel (1956, p. 420), « actions de communication entre
deux personnes à l'occasion desquelles l'identité publique d'un acteur est transformée en
quelque chose de déprécié par rapport aux schèmes locaux des types sociaux » traduction due à Magali Gravier) .
–
Janet Sternberg (2002) distingue dans la littérature sur l'écologie des médias deux
orientations bien distinctes : la première analyse l'environnement comme média, la
seconde à l'inverse comprend les médias comme environnement. Dans le premier cas, les
auteurs insistent sur les signes organisés qu'offre l'environnement, sur les paysages mentaux
que chacun peut recomposer dans le mélange entre sa propre histoire et ces
représentations pertinentes que le moment permet de découper. Dans le deuxième cas, ce
sont les médias au sens le plus courant et concret, journaux, radios, télévisions, qui fixent les
idées, qui donnent à voir tel ou tel objet, qui préparent les catégorisations, les narrations,
que chacun peut être amené à construire.
–
Pour chacun, la mise à disposition à travers les médias dans leur diversité, de
représentations organisées ouvre un espace d'action , de choix, de réinterprétation
personnelle essentiels. Ainsi, le psychosociologue Albert Bandura a récemment consacré
des travaux au sentiment d'efficacité personnelle. Il attache une grande importance aux
processus
de
mémorisation
de transformation
et
de
« La
mise
en
mémoire
restructuration des
implique un
informations
processus
actif
véhiculées par
les
événements modélisés dans les règles et les conceptions propres à la représentation de la
mémoire. La
rétention
est grandement
symboliques d'information modélisée dans
les
facilitée
codes de
par les
la
transformations
mémoire et
la
répétition cognitive de l'information codée. »(Bandura, 2009, p 272 – notre traduction)
Un exemple intéressant de transformation des représentations rendu possible par un usage
compétent des médias de communication sociale de proximité est celui de la petite délinquance
urbaine. Les sociologues de la déviance (Robert et al., Mucchielli (2008)), s'appuyant sur
d'importantes recherches quantitatives et sur des comparaisons internationales, nous montrent la
réalité comparée des atteintes aux biens et aux personnes en distinguant les lieux, la nature des
délits et des crimes et en montrant les évolutions dans le temps. Or ces auteurs sont attachés à
bien définir et à bien décrire, dans leur complexité, deux phénomènes distincts et corrélés, la
déviance et l'insécurité qu'elle engendre, mais aussi le sentiment d'insécurité. Les deux
phénomènes coexistent, évoluent dans le temps, sont plus ou moins importants dans les différents
territoires. Les actions et les discours de politiques ont des effets sur l'un comme sur l'autre de ces
phénomènes. L'un et l'autre reconnaissent l'importance du rôle des médias dans les constructions
des représentations dans ces domaines. Le sociologue américain David Altheide a beaucoup
travaillé sur l'écologie des médias montrant notamment l'importance des médias dans la définition
des problèmes sociaux et dans l'interaction entre le monde politique et la société. "Social order is a
communicated order," écrit-il (Altheide 1995, p. 133) ou plus loin insistant sur l'importance de la
télévision :« So powerful is television's innate logic, that we have entered a era of postjournalism »
(op. Cit. p. 182).
Nous disposons aujourd'hui d'outils numériques qui nous permettent de rendre compte de la
naissance, de l'expansion, voire de la disparition d'un concept dans les conversations qui animent
les sociétés ou telle ou telle de leurs composantes. Armelle Boussidan, appliquant en diachronie les
travaux de Sabine Ploux sur le lexique suit l'apparition dans le vocabulaire commun de termes
comme « altermondialiste » ou « développement durable ». Les corpus que les chercheuses du
L2C2 (Laboratoire sur le Langage, le Cerveau et la Cognition, Lyon- Bron) utilisent sont précisément
ceux qui sont disponibles pour des études quantitatives massives, ceux de la presse écrite.
Des auteurs comme Douglas Rushkoff (van den Boomen, 2009) proposent de considérer les médias
comme le lieu de construction de récits et, dans son analyse du développement de l'internet,
plutôt que de privilégier l'hypothèse de l'émergence d'un récit alternatif au récit dominant du
libéralisme anglo-saxon, il voit dans la pluralité des échanges rendus possibles sur la toile la chance
d'une « renaissance ».
« Les mass media ont un rôle important dans la société démocratique moderne en tant que
principal canal de communication. La population se réfère aux nouvelles des médias comme à la
source principale d'information et comme à la base sur laquelle ils forment leurs opinions et leurs
décisions de vote. Selon la théorie de la sélection culturelle, toute sélection de messages dans les
mass média aura donc un profond effet sur la société toute entière. » (Fog, 1999, p. 156 – notre
traduction)
La construction de l'identité des personnes et des groupes est corrélative de la place que chacun
peut être fondé à s'attribuer dans les récits collectifs. Karen Cerulo, dans une revue de l'American
Review of Sociology (1997) portant sur la construction de l'identité donne sa place aux travaux de
David Altheide sur l'écologie des médias. Elle montre en effet comment chacun construit le
sentiment de soi dans l'implication qu'il se donne dans les questions pertinentes de l'époque telles
que les médias les présentent.
Les idées naissent et se répandent dans des cercles divers de la société dont Georg Simmel a
montré combien leur diversité et leur plasticité étaient à la source de changements sociaux
permanents et essentiel (Simmel, 1981, pp. 220-222) . Ainsi par exemple, Michel Hastings, auteur
d'une grande thèse de science politique sur la culture du parti communiste, analyse-t-il les prises de
position des dirigeants politiques locaux dans le rapport qu'ils entretiennent avec la construction
des problèmes sociaux, des agenda politiques tels que les médias aux différentes échelles
territoriales en assurent, mais en les transformant, la propagation.
Un concept intéressant de l'écologie biologique est celui d' « affordance ». Tamara Leonova (2004)
propose d'exporter ce concept en psychologie sociale. Dans notre domaine, nous aimerions
pouvoir l'utiliser de façon peut-être métaphorique, mais plus extensive. Ainsi, toute représentation
portée par un acteur du territoire peut présenter
à l'attention d'un des membres associés au
média territorial un charme, un attrait qui séduise tant qu'il le perçoive dans son originalité et qu'il
ait envie de s'en saisir pour le transmettre, l'insérer dans une émission, un article, le transporter dans
de nouveaux contextes, l'enrichir de nouvelles métaphores, l'incorporer à la culture du territoire, le
métaboliser, et donner envie à d'autres de le reprendre à leur tour à leur compte. Une
représentation ainsi transmise est munie d'une bonne affordance.
Mais les membres d'un média participatif sont plus ou moins aptes à éprouver le charme d'une
nouvelle apprise dans les communiqués d'une commune, d'un syndicat, d'une association, dans
les bavardages du comice agricole, dans la visite d'une école. Tout l'art de la construction d'une
équipe de média, dans le choix des animateurs des émissions
de radio, des rédacteurs d'un journal, sera non seulement de s'attacher la collaboration de
personnes maniant bien les codes spécifiques du média, mais des personnes capables de sentir
dans le bois l'odeur du champignon ou de la fraise, dût -il fouiller un peu dans les herbes.
L'affordance d'une représentation est son pouvoir d'attirer l'attention, mais pour le journaliste ou le
bénévole du média, son affordance résidera dans sa capacité à faire venir l'information rare, à
avoir suffisamment mérité la confiance de ses compagnons dans le territoire pour qu'ils lui
proposent des sujets, qu'ils lui confient des informations, qu'ils demandent à être interrogés ou à
présenter d'autres témoins au journaliste. Pour le média territorial dans son ensemble, son
affordance sera sa capacité à agréger des ressources symboliques qui inciteront les acteurs du
territoire à lui accorder leur attention, comme auditeur, lecteur, contributeur, invité, collaborateur,
à lui accorder leur confiance. Confiance mais non sans le risque de la défiance, car, à l'inverse,
l'image d'un média, sa réputation peuvent être dégradées et cesser d'attirer la confiance des
contributeurs comme celle des lecteurs, auditeurs ou spectateurs. La contagion de la mauvaise
réputation est tout aussi virulente, elle peut endommager durablement un média, et non
seulement par le tarissement qu'elle provoque de ses sources, par l'éloignement de ses publics,
mais par les effets de désagrégation qu'elle provoque à l'intérieur du groupe des producteurs
d'information.
Plus généralement un élément essentiel de la construction d'un média territorial est la construction
entre ses membres et dans ses relations avec son environnement cognitif de relations de confiance
et leur maintien au fil du temps (Newton, 2001).
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SECTION 2
LA SOCIÉTÉ EN RÉSEAUX ET LA COMMUNICATION :
changements culturels, globalisation et importance des
territoires.
2.1 Les critères de découpage des territoires
Entre géographes, anthropologues, historiens, économistes, sociologues, spécialistes de sciences
politiques, les controverses anciennes ne sont pas seulement terminologiques mais bien
conceptuelles. La mondialisation en général et plus particulièrement celle de l'information (Wolton,
2003) ont donné une nouvelle actualité aux controverses sur la pertinence de la notion de territoire.
Frédéric Giraut (2008) a dressé une importante bibliographie de ces débats sur la notion de
territoire. Nous serons particulièrement attentifs à ce qui dans les différents champs d'interaction de
réseaux sociaux donne une importance aux territoires, en ceci qu'ils peuvent être le lieu de
construction de coopérations entre des acteurs ayant des caractéristiques et des réseaux
personnels culturels et sociaux différents mais intéressés par l'évolution du territoire qu'il partagent.
Avant d'aborder les questions posées par la globalisation dans la réévaluation de la notion de
territoire, posons-nous la question, toujours renouvelée, de la définition même du territoire. On est
bien dans l'espace, avec cette idée que, dans la définition repose la question des découpages,
des frontières (finis en latin), et toutes les questions qui lui sont corrélées : quels sont les pouvoirs qui
déterminent les limites, qui les gardent, qui les protègent ?
Certaines limites territoriales sont fixées explicitement en regard de contraintes objectives.
Dans les différentes institutions, politiques, économiques, culturelles, associatives, les découpages
territoriaux sont assez divers. D'un pays à l'autre, et dans un même domaine d'activité, ces
découpages territoriaux sont également assez diversifiés, même si on compare entre deux pays les
découpages territoriaux qui s'appliquent dans un même champ d'activités.
Nous proposons de distinguer quelques critères de découpage :
–
A :
les territoires comme lieux de production d'objets et de prestations, techniques ou
culturels.
–
B : les territoires comme lieux de diffusion d'objets, techniques ou culturels.
–
C : les territoires comme lieux où se dessinent des formes particulières d'interaction dans des
réseaux entre les acteurs, des liens régulièrement renforcés, des itinéraires entre les acteurs
régulièrement empruntés.
–
D : les territoires comme lieux de mémoire.
Plus généralement, on trouve dans le territoire, pour les acteurs qui en reconnaissent les limites, le
lieu où peuvent se déployer des « jeux », des actions régulées (Jean Daniel Raynaud) ou des
« aventures », suites d'actions à l'issue inconnue mais auxquelles les acteurs qui s'y livrent prêtent un
sens et une valeur (Simmel, 1925).
Prenons quelques exemples de définitions de territoires pour éclairer le propos :
–
le découpage administratif de la France sur lequel nous vivons toujours peu ou prou, à la
suite de débats de forte portée politique, sociale, économique et religieuse, a été fait dans
les années qui ont suivi 1789, et la taille des départements était corrélée aux capacités
qu'avaient les acteurs de se déplacer dans la journée aux confins des territoires (OzoufMarignier, 1986).
– Les territoires politiques sont divers, de tailles très différentes, des plus petites communes aux
plus grandes régions. Selon leur taille, ils sont les terrains de jeux et d'enjeux multiples, ouverts
à des acteurs différents. Un débat politique récurrent est celui de la taille optimale
aujourd'hui d'un territoire politique. Prenons un cas intéressant qui est celui de la
circonscription électorale des élections législatives. Conformément à l'article 25 de la
Constitution, ce territoire est délimité « par le code électoral à l’intérieur de chaque
département, en fonction de l’importance de la population » . Alors que « Les députés sont
investis d'un mandat national. Bien qu'élus dans une circonscription, chacun représente la
Nation toute entière. » et que « selon le principe traditionnel que rappelle l'article 27 de la
Constitution : « Tout mandat impératif est nul » et que « les députés se déterminent librement
dans l'exercice de leur mandat et ne sont juridiquement liés par aucun engagement», on a
longtemps observé dans la plupart des partis politiques l'importance donnée par les élus à
renforcer leur légitimité nationale par un mandat exécutif local. Dans
les débats
aujourd'hui en cours sur le cumul des mandats, il est proposé de réduire ces possibilités de
cumuls, mais la logique de la légitimité territoriale reste puissante. Une des questions qui sont
les plus intéressantes est aujourd'hui celle de la capacité des élus nationaux à se saisir de
l'opinion de leurs électeurs dans le cadre de débats nationaux dans lesquels le poids des
groupes d'influence et l'autorité des experts est le plus fort. Les décisions qui concernent des
choix scientifiques, technologiques et industriels sont de ceux là et la question des formes
d'intervention du politique est essentielle. Comment articuler heureusement le sérieux des
délibération nationales avec les exigences démocratiques. C'est bien une des questions sur
lesquelles on se reportera avec profit à la réflexion croisée de sociologues des sciences et
de sociologues du droit et des science politiques (Callon et al. 2001)
–
les territoires des radios locales FM sont à la base ceux qui étaient définis par la puissance,
dans une gamme d'ondes, des émetteurs. En 1981 et dans les années qui suivirent , le
législateur avait voulu construire des radios locales émettant sur des territoires d'un rayon
moyen d'une trentaine de kilomètres. Ce n'est qu'à partir de 1984 qu'apparurent de
nouvelles règles du jeu dans la bande FM, permettant aux acteurs les plus puissants de se
déployer sur des espaces nationaux avec des offres thématiques. Les radios associatives et
certaines radios privées locales ont conservé depuis cette dimension de radios de territoires
(Cheval, 1997).
On observe depuis quelques années, malgré ou peut être du fait de la globalisation, un retour à
la notion de territoire dans de nombreux domaines. Mais la notion en est transformée par rapport à
ce qu'elle était jadis, dans les périodes des
terroirs ruraux dont la fin a été si magistralement
analysée par l'historien Eugen Weber (1983). Citons longuement les lignes que l'anthropologue
Marc Abélès consacre à l'ouvrage de Weber car elles montrent bien comment des transformations
sociologiques, économique et politiques fondamentales sont intervenues au tournant du XIXème et
du XXème siècle à l'articulation des innovations dans les transports des marchandises et des idées
et des transformations qu'elles infligeaient à la notion de terroir: « ...les premières années de la IIIe
République, selon E. Weber, sont cruciales parce que s'y opère un véritable désenclavement des
sociétés locales grâce à l'extension des réseaux routiers et ferroviaires. On peut certes penser cette
mutation en termes de développement et de modernisation, mais on a sans doute plutôt affaire ici
à la substitution d'une logique économique à une autre. En effet, avant cette époque, la
circulation était intense, mais l'on se contentait d'échanger des produits entre localités proches :
on ne voyageait pas. De plus, le chemin de fer consacre la disparition des formes de trafic
usuelles : des professions comme celle des muletier, charretier, ouvrier du flot, s'éteignent. Enfin,
c'est tout le tissu industriel local qui va péricliter : filage, tissage, extraction du minerai, charbon de
bois, fonderies. L'intime liaison entre agriculture, artisanat et petite industrie qui caractérise la
France des terroirs ne sera bientôt plus qu'un souvenir. » (Abélès, 1984).
Depuis cette « fin des terroirs » dont on conserve encore des traces culturelles essentielles, les
évolutions économiques mais surtout le développement des transports, et plus récemment celui
des communications, transports de messages, développement des possibilités de coopération à
distance, ont transformé et diversifié les usages et les représentations des territoires. Selon les types
d'objets ou de services échangés, mais aussi selon les catégories sociales auxquelles chacun
appartient, les dimensions des territoires peuvent être très différentes. Aujourd'hui, nous sommes
encore, comme nous l'indiquions dans le contexte de production (A) et de diffusion (B) des objets
et des idées, dans celui de la forme des réseaux (C) des humains et des choses et dans la mémoire
des lieux (D), mais alors qu'autrefois se délitaient les anciens terroirs, que s'ébauchait la « France
sans paysans » (Mendras), aujourd'hui dans un contexte de nouveau bouleversement technique
des circulations des objets et des idées, émergent de nouvelles idées, de nouvelles pratiques des
territoires.
Reprenons la définition proposée par René Kahn (2007) « qui fait du territoire une construction
d’acteurs qui partagent une culture du développement »
Il nous faut situer cette interrogation sur les pratiques de communication locale dans le cadre de
plusieurs lignes des évolutions globales de nos sociétés. Nous nous poserons la question de la place
de nos médias locaux dans le cadre d'une globalisation des échanges économiques et culturels.
Cette réflexion sera menée dans la perspective déjà présentée plus haut que des auteurs
américains tout particulièrement ont nommé écologie des médias (Proulx, 2008, Postman, 2000 op.
cit.). Postman et les auteurs qui se rattachent à ce courant de pensée font référence à des
travaux plus anciens, ceux de Lewis Mumford, Jacques Ellul, Walter Benjamin ou Jack Goody. Ces
auteurs montrent les corrélations importantes entre les évolutions techniques, les transformations
des systèmes des objets et les mouvements culturels.
L'évolution générale de nos sociétés pourra être notamment approchée à travers les travaux des
sociologues Saskia Sassen, qui attire l'attention sur les relations entre la globalisation et le maintien
d'une forte pertinence culturelle attachée aux territoires et Manuel Castells qui analyse
magistralement l'intrication des réseaux sociaux à l'échelle mondiale.
Nous posons la question de la définition de la communication et de la place que celle ci tient dans
la culture et dans l'économie. Des auteurs comme Manuel Castells (2009) et John B. Thompson
(1995) analysent à l'échelle mondiale l'importance du rôle des médias dans leur ensemble dans
l'organisation des réseaux sociaux, dans la construction des représentations, dans la définition des
agendas politiques, mais aussi dans les possibilités à l'échelle locale, de se situer personnellement
face à une société mondialisée (Thompson, 2000). Des auteurs comme Ulf Hannerz (1992)
et
Richard Sennett (2007) nous proposent un cadre de réflexion utile à la compréhension des
implications culturelles de ces évolutions.
Pour fixer un cadre assez général d'observation de ces évolutions de la notion de territoire, et avant
de rentrer dans l'examen des mouvements récents dans différents domaines, nous croyons pouvoir
définir à gros traits les lignes de cette évolution :alors que les terroirs de l'ancienne société rurale
française reflétaient une économie dans laquelle la majorité de la population vivait dans un
espace d'échanges économiques restreints, l'expansion économique et les innovations techniques
récentes ont permis une grande diversification des espaces d'interaction possibles des personnes
et des groupes. Le territoire d'interaction, le lieu des jeux d'un grand patron ou d'un fonctionnaire
international, celui
d'un chercheur scientifique de renom, d'un homme politique, d'un artiste
célèbre s'étend à toute la planète. Mais de plus en plus les réseaux sociaux s'élargissent donnant
à un plus grand nombre de personnes la possibilité d'activer ces « liens faibles » dont un sociologue
comme Granovetter (1973) a montré l'importance aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que les
capacités matérielles et culturelles à circuler dans le monde, à entrer en interaction dans des
territoires élargis est très inégalement répartie. On aboutit donc à un nouvel horizon de la définition
des territoires, plus modeste, dans laquelle l'ancrage local est valorisé et qui sans exclure le
maintien de réseaux plus larges doivent trouver les moyens de gagner en compacité, en
convivialité. C'est « le retour possible des solidarités et des identités territoriales » qu'a pu observer,
dans des enquêtes auprès des agriculteurs de la région de Redon le sociologue Ali Aït Abdelmalek
(2003, p.8), qui voit dans ce renouveau de la notion de territoire un dépassement des premiers
effets de la division du travail social telle qu'elle avait été analysée par Emile Durkheim. Ce retour à
la valorisation des territoires géographiques est observé dans différents champs que nous allons
maintenant explorer.
2.2 Territoires économiques : redécouverte du développement économique des territoires
En quelques décennies, la mobilité des marchandises s'est fortement accrue à l'échelle de la
planète, la mobilité des informations défie tous les contrôles politiques, la mobilité des hommes est
au nœud de toutes les inégalités et de toutes les violences. De plus en plus, les groupes d'acteurs
dans les territoires développent des gestes quotidiens de communications avec des partenaires qui
peuvent être répartis dans toute la planète. Les cartes cognitives de chacun sont des cartes
mondiales. Et chacun peut faire l'expérience autour de soi d'un paradoxe : il y a dans nos villes
comme dans nos territoires ruraux une grande diversité de populations combinée à un usage de
plus en plus répandu d'auxiliaires numériques de mémorisation et d'échanges, et en même temps
l'image sensible de chacun des territoires pour chacun de ses habitants se brouille.
D’un point de vue économique, le territoire est un
espace physique borné « résultant d’un
processus de construction sociale complexe et inscrit dans la longue période » (Pecqueur [1995],
p. 3)
L'économiste et géographe, prix Nobel Paul Krugman, (1993 notamment) a depuis de nombreuses
années attiré l'attention sur l'importance des territoires dans les échanges économiques, et
notamment sur la nécessité de prendre en considération l'ensemble des facteurs de production
dans l'évaluation des performances économiques.
On assiste aujourd'hui à la généralisation d'une réflexion sur la nécessité d'un équilibre économique
territorial dans lequel une meilleure articulation entre les besoins et les productions de biens et de
services puisse se faire. C'est dans ce cadre que la réflexion sur la production et la circulation de
l'information locale prend son sens, dans un ensemble plus vaste que décrivent des auteurs
comme J.B. Zimmermann ou Bernard Pecqueur : « ...il est nécessaire de comprendre comment les
intérêts individuels peuvent concourir à l‘intérêt social des territoires, il est nécessaire que le
développement local parvienne à mettre en complémentarité l‘intérêt général avec les intérêts
individuels, les atouts des territoires et les stratégies des agents, par une meilleure insertion dans les
contraintes économiques générales. Cette convergence d‘intérêt a ici une dimension
économique et spatiale. Elle débouche dans l‘émergence d‘un intérêt collectif, collectivement
construit et institué, en vue de la création de ressources nouvelles. »(J.B. Zimmermann et alii 2000
cité par Pecqueur, 2002 ).
2.3 Territoires politiques
De longue date la question de la répartition des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités territoriales
est à l'agenda politique. Les débats de l'après guerre sur l'aménagement du territoire, le Plan, les
relations entre Paris et ce qu'on a appelé « le
désert français », puis les débats qui ont
accompagné avant même les grandes lois de décentralisation de 1982 les découpages
territoriaux en font largement foi. Dans le contexte de la construction européenne et de la
globalisation de l'économie, la question des comparaisons internationales sur la taille, la puissance
économique et politique des régions a été posée dès les débuts du développement des régions
françaises. Plus récemment les débats sur la taille et l'organisation politique des grandes métropoles
ont été menés, et là encore les comparaisons internationales ont été intensément pratiquées.
A travers la mise en place de procédures politiques diverses comme la politique de la ville, de
nouvelles formes de relations entre l'Etat et les territoires ont été mises en place dans les dernières
décennies. Dans la suite des travaux fondateurs de Jean Pierre Worms (« le préfet et ses notables »)
ou de Pierre Grémion (« le pouvoir périphérique ») qui analysaient l'articulation entre l'Etat
représenté, dans le département et dans la région, par le corps préfectoral d'une part et les élus
locaux d'autre part, des sociologues comme Pierre Lascoumes et Jean-Pierre Le Bourhis (1998) nous
montrent comment la logique, intériorisée par les fonctionnaires, de la défense de l'intérêt général
face aux particularités des territoires, trouve dans les périodes récentes une inflexion significative
qui revalorise le territoire : « Un type d'action publique qui opère par la mise en place territoriale
d'instruments de connaissance, de délibération et de décision peu finalisés a priori. Ces politiques
procédurales contribuent à produire un « intérêt général » territorialisé» (op. cit. p. 39)
Dans beaucoup de territoires, se reprend un récit professionnalisé des richesses patrimoniales du
territoire. Est-il construit en direction des touristes, destiné à alimenter des commerces appelés,
dans un nouveau partage mondial des richesses à renforcer l'attractivité de nos territoires ? Est-il
destiné à attirer dans certains territoires des catégories sociales particulièrement attentives à la
qualité de l'environnement culturel et qui en font un critère dans le choix d'un emploi ?
Un concept forgé par le sociologue allemand classique Georg Simmel nous semble bien de nature
à éclairer l'importance que peuvent revêtir les territoires dans la construction politique qui en est
faite par les acteurs de ce champ, c'est le concept d' « aventure ». Nous y trouvons l'agencement,
compris, partagé par un grand nombre d'acteurs d'éléments caractéristiques de lieux, de groupes,
de périodes, et qui sont compris largement comme allant dans un sens compris de tous. Tous ces
éléments sont élaborés ensemble dans un récit collectif qui agence dans le temps tous les
éléments, les organise, les met en place dans la représentation partagée d'un développement
commun . Est « aventure », d’abord, ce qui est ressenti comme tel « Si, de deux événements dont
les contenus assignables ne sont pas très différents, l’un est ressenti comme “Aventure”, l’autre non,
alors c’est cette différence de rapport au tout de notre vie qui fait que cette signification échoit à
l’un et qu’elle se refuse à l’autre » (Simmel, 1959). Quand il s'agit de territoires, ce genre de
représentations n'est pas sans danger, car il peut facilement conduire à la surestimation
romantique d'un territoire et de ses habitants, à la mythification des lieux dans un récit à la Barrès et
au rejet à la fois de tout autre territoire mais aussi de tout étranger qui dans le territoire même
dérogerait au récit dominant.
Isabelle Pailliart dans son important ouvrage de 1993 et dans de nombreux articles par la suite
montre bien comment s'est développée dans les territoires, et dans le double contexte des
combats politiques et de la mise en place de procédures diverses de jeu entre les différentes
instances de la vie publique s'était développé tout un monde de la communication territoriale. Audelà des nouveaux développements, plus professionnels, plus coûteux, plus attirants pour les
lecteurs, de la presse des collectivités, des services de communication importants se sont
développés, dont les relations avec la presse quotidienne régionale, avec la presse magazine
régionale, mais aussi avec le monde de l'audiovisuel est tout à fait passionnante.
De cette reterritorialisation dans le monde global, d'un point de vue économique et d'un point de
vue politique, on peut rapprocher l'évolution à long terme de la vie sociale, caractérisée
notamment par la forte diminution du temps de travail au profit du temps de loisirs (Viard 2007) :
« la diminution de près des deux tiers des heures travaillées dans les vies des hommes en un seul
siècle. Il y a là une rupture fondatrice d'un nouvel art de vivre où le travail est à la fois plus réduit en
durée et mieux réparti socialement. » (Viard p.6). Et ce nouvel art de vivre, s'il n'est pas confiné
dans le territoire où habitent les gens, pousse néanmoins de plus en plus à construire des lieux où à
la fois il fait bon vivre dans un quotidien aux dimensions multiples et où on a plaisir à attirer des
amis, des connaissances venus d'ailleurs.
2.4 Territoires sensibles
Les travaux anciens de géographes moins cités aujourd'hui comme Gaston Roupnel (Roupnel,
1932, Wahlen, 2001) ou Maximilien Sorre (Gilbert, 1950), ceux d'historiens importants comme
Fernand Braudel, ceux d'historiens des sciences comme le père Lenoble, et la partie poétique des
travaux de Gaston Bachelard, les travaux du sociologue Pierre Sansot montrent plusieurs choses
essentielles :
–
A la campagne comme en milieu urbain, chacun perçoit des paysages, qui sont
culturellement construits (Sansot), qui prennent sens dans un discours, qui sont baignés dans
le langage (Bachelard, 1957).
–
Ces environnements mobilisent tous les sens et sont perçus de façons différentes par les
habitants du territoires, selon des lois perceptives et mémorielles que les chercheurs en
sciences cognitives, dans une démarche d'écologie des représentations héritée d'auteurs
comme James Gibson ou Ulrich Neisser (1984) sont mieux armés aujourd'hui pour étudier. Le
programme qu'avait développé le sociologue durkheimien Maurice Halbwachs dans son
étude sur la Terre sainte comme territoire de récit, de perception et de mémoire, mobilisant
tous les sens peut aujourd'hui être repris et bénéficier des avancées des chercheurs en
neurosciences quand ils combinent en milieu naturel les connaissances nouvellement
acquises sur l'articulation entre les sens.
De nombreux auteurs (Claval, 1996) ont attiré l'attention sur les recompositions de l'image que se
font les populations de leurs territoires, sur les causes de ces recompositions mais aussi sur les
dangers qu'elles impliquent, ceux de raidissements autour d'icônes culturelles fétichisées, gros
d'affrontements nouveaux.
2.5 Territoires cognitifs
Apprendre, c'est percevoir de nouveaux éléments, de nouvelles formes, de nouvelles relations, les
intégrer dans des connaissances déjà acquises en sachant que ces nouvelles acquisitions
transforment l'agencement des connaissances préalables. Dans des réseaux territoriaux, une
multitude de relations quotidiennes se font, par quartiers, dans l'environnement scolaire ou
universitaire, dans l'entreprise, dans les réseaux des associations sportives, culturelles, sociales.
Certains de ces réseaux s'étendent bien au delà du territoire. Les associations nationales ou
internationales, les entreprises, les chambres consulaires, les partis politiques, les syndicats étendent
leurs contact bien au delà du territoire, et ces relations lointaines sont l'occasion pour le territoire de
s'approprier des connaissances nouvelles. Granovetter, dans un article de référence attirait
l'attention sur ces « liens faibles » qui favorisent l'appropriation de ressources émanant de sources
quelquefois tout à fait lointaines. On connaît aussi les travaux de Stanley Milgram sur « le petit
monde » (Degenne, 2004) dans lesquels le fameux psycho-sociologue connu pour ses travaux sur
l'autorité montrait que les liens entre deux personnes quelconques dans le monde entier passaient
en moyenne par un nombre réduit d'intermédiaires, le premier connaissant personnellement un
autre qui lui même en connaît un autre, qui...
Or la force d'un média local , qu'elle partage partiellement avec les élus et les services des
communes est qu'elle est potentiellement en relation avec tout individu et tout groupe de son
territoire. Le média local a la capacité à se rapprocher de chacun des membres de la
communauté locale, la légitimité à l'interroger, non seulement sur les informations pertinentes que
la personne ou son groupe primaire d'appartenance détient, mais sur les relations les plus
lointaines, pour peu qu'elles revêtent une pertinence pour le public localement. Mais il suffit
souvent qu'une personne ou un groupe s'intéresse à un pays lointain, à une innovation
technologique rare, à une création artistique inouïe et puisse en témoigner par elle-même pour
que la légitimité à présenter localement l'information soit acquise.
Le lien entre les nécessités cognitives d'ancrage de connaissance et la capacité des habitants
d'un territoire à mobiliser des ressources rares hors du territoire donne à qui sait capitaliser ces
ressources un rôle incomparable de passeur de mémoire, d'incubateur d'innovations. L'avantage
du média territorial surtout si il a su préserver sa réputation d'indépendance vis à vis des pouvoirs
politiques, économiques et religieux, est, quand on le compare aux capacités analogues que nous
soulignions plus haut, qu'il n'est pas soupçonnable de chercher à manipuler la nouvelle information
qu'il propose, le nouveau lien qu'il suggère, au bénéfice d'intérêts partiels. C'est dans cette
perspective que se situe le sociologue Jean Pierre Jambes qui développe l'idée de « territoires
apprenants » (Jambes, 2001, passim).
2.6 Identités personnelles et identités territoriales
Comme nous l'avons vu, selon leurs capacités à agir, à mobiliser des ressources, à déployer une
autorité, les territoires pratiques et sensibles des individus sont différents. Michael Burawoy ouvre sa
conclusion d'un ouvrage collectif consacré à « l'ethnographie du global » sur une critique du
célèbre sociologue Giddens, critique à la fois scientifique et adressée ad hominem (Burawoy, 334).
Alors que Giddens (1999) dans des conférences prononcées pour la BBC vantait la société
globalisée dans laquelle sa génération était la première à pouvoir déployer son action à l'échelle
du monde, Burawoy relève que cet espace de liberté si largement ouvert à la grande autorité
académique qui pouvait répandre ses analyses à travers le monde en les démultipliant par tous
les médias de masse n'est pas ouvert au commun des mortels.
Quelques éléments peuvent être mis au premier rang des analyses pour la compréhension des
dynamiques territoriales d'aujourd'hui :
–
Partout les populations sont diverses et la diversité des territoires peut être l'occasion pour
chacun de valoriser sa propre personne, d'enrichir son image de soi, sa « biographie ».
Comme le montre bien Bernard Lahire, chaque individu est « pluriel », son père et sa mère
peuvent provenir de région, de pays différents, avoir été élevés dans des langues
différentes (Lahire 1998, Simmel 1925). Pour chacun, le territoire où il vit, territoire personnel
témoignant de son identité, de ses souvenirs d'enfance, ou territoire d'élection, peut être
un lieu qu'il a plaisir à faire visiter, à évoquer dans des correspondances. L'attention aux
lieux de mémoire, la réhabilitation et le détournement choisi d'anciens lieux transformés
pour d'autres fins
–
chaque territoire conserve et enrichit une identité propre. Les historiens et démographes
Emmanuel Todd et Hervé le Bras ont montré comment la diversité des territoires en France
prenait profondément racine dans des modèles familiaux ancestraux, souvent à l'insu
même des personnes, dans un ancrage appuyé sur la langue, les traditions familiales, un
patrimoine architectural et immatériel (Le Bras, Todd, 1981).
Pour terminer reprenons la définition du territoire que propose René Kahn, « une construction
d’acteurs qui partagent une culture du développement. » Toute la question quand on s'intéresse à
la notion de territoire du point de vue de la circulation de l'information, de sa gestion, de sa
sélection, de son appropriation dans les différents cercles d'acteurs est celle de la gouvernance
qui a fait l'objet de travaux dont on retrouve un bon écho bibliographique dans l'article de
spécialistes des territoires ruraux, Nathalie Bertrand et Patrick Moquay (2004). Il s'agit de bien
comprendre l'articulation entre les acteurs de la société civile, les agences d'Etat, les collectivités
territoriales et dans ces exercices les médias de proximité jouent un rôle qui peut être important.
L'insertion d'une part de l'identité des acteurs dans l'identité de territoire est un enjeu essentiel qui
doit être articulé avec l'évolution de l'identité des territoires qui, dans sa globalité, est une réalité
mouvante et qui peut être préoccupante. Des recherches sociologiques classiques comme celles
menées dans les années 1960 par John L. Scotson et Norbert Elias (Elias et Scotson, 1997) ont
montré comment les fractures sociales, les violences entre groupes, ce qu'on a pu appeler le
« racisme sans classe » sont des phénomènes toujours mouvants, susceptibles de se renouveler au fil
des décennies. Les micro-territoires peuvent être le lieu privilégié de ces renaissances de ruptures
sociales et culturelles. Et c'est aussi dans le cadre des territoires que les évolutions culturelles
peuvent trouver à être accompagnées, infléchies, comprises, à travers des actions culturelles dont
des auteurs comme A.J. Scot (1997) ont montré combien elles se déployaient préférentiellement
aujourd'hui dans le cadre des villes. Cet enjeu de l'évolution culturelle des territoires va bien audelà de la question de l'offre locale de divertissements, elle touche aux racines de la vie
commune, et quelles que soient les analyses que l'on puisse produire sur la portée de concepts
développés dans les cadres des politiques sociales comme celui de « cohésion sociale » (qui est
aujourd'hui en France le nom d'un ministère) (Donzelot, 2007), on se doit de prendre très au sérieux
la question de la création continue, de l'évolution des représentations des territoires par et pour
leurs habitants.
Cette prise au sérieux de la dimension territoriale du vivre ensemble et du rôle des médias dans
l'intégration des communautés doit beaucoup à une tradition sociologique américaine : Kasarda
et Janowitz, discutant les théories précédentes de Tönnies, Wirth et Park qui liaient l'attachement à
la communauté dans les sociétés de masse à des variables comme la taille de la population, sa
densité ou l'ancienneté de l'installation des migrants, proposaient une théorie alternative qui voyait
« la communauté locale comme un système complexe de réseaux d'amitié, de parenté ou
d'associations dans lequel les nouvelles générations et les nouveaux résidents sont assimilés alors
que la communauté évolue selon son propre cycle de vie ». (Kasarda et Janowitz 1974, p.328). Or
Janowitz avait montré dès 1951 l'importance de la presse communautaire dans l'intégration des
personnes d'origine étrangère dans les communautés locales.
Nous développerons dans le chapitre sur les médias territoriaux l'étendue des fonctions que ces
derniers peuvent remplir.
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SECTION 3
EVOLUTION DES CAPACITÉS DES PERSONNES
À S'EMPARER DES MÉDIAS À L'HEURE DE L'INTERNET
L'usage des possibilités ouvertes par les nouveaux médias est l'histoire de l'appropriation, poursuivie
depuis plusieurs générations, de ces moyens mécaniques de reproduction qu'analysait, le premier,
Walter Benjamin (1936).
Il est plus ou moins résolument saisi, plus ou moins efficacement mis en œuvre. A chaque époque,
certains partent en avant. Les historiens de la pénétration de l'écriture dans la société ont
amplement montré la lenteur et les formes diversifiées de pénétration de la culture écrite dans les
sociétés et les formes terriblement conflictuelles qu'elles ont prises (Eisenstein, 1968 op. cit.). On sait
que longtemps ont cohabité et se sont articulées les formes anciennes, orales, de transmission de
la mémoire avec les formes produites par l'expansion de l'imprimerie. Plus récemment, qu'il s'agisse,
à la fin des années 1970 d'engager le mouvement des radios libres ou plus récemment de
construire des médias citoyens interactifs et interopérables sur l'internet, les moyens techniques
permettent de recueillir les éléments de mémoires qui, recombinés, construisent des significations
nouvelles. Ces significations sont ancrées dans la mémoire collective des sociétés, mais elles
inventent de nouveaux récits, arpentent de nouveaux territoires. C'est ce double mouvement
d'enracinement et de découverte que soulignait Maurice Halbwachs, le sociologue des mémoires
collectives : « ...les croyances sociales, quelle que soit leur origine, ont un double caractère. Ce
sont des traditions ou des souvenirs collectifs, mais ce sont aussi des idées ou des conventions qui
résultent de la connaissance du présent. » (Halbwachs, 1925, p. 211)
3.1 Les trois cercles des personnes qui font vivre les médias associatifs
Nous devons nous demander
qui sont les acteurs qui mettent en œuvre ces médias locaux
associatifs ou alternatifs : non seulement ceux qui animent au jour le jour une radio associative, un
blog ou un journal d'information, une équipe de production et de diffusion de vidéo, mais aussi
deux autres groupes d'acteurs, qui doivent absolument être décrits, ceux qui délivrent de
l'information à ces médias, qui se font interviewer par les journalistes radio ou les blogueurs, les
vidéastes, enfin ceux qui les écoutent, les lisent régulièrement.
Il nous faudra utiliser le concept classique développé dans les débuts des études sur les médias par
Katz et Lazarsfeld de « leaders d'opinions » (Katz, 1957 ; Katz, 1987). Une partie des acteurs, plus
intéressés par les médias, plus entraînés à leur usage agissent dans leurs environnements comme
propagateurs des informations, comme prescripteurs de nouveaux usages. Everett Rodgers (1962)
avait développé dans la même perspective une théorie très célèbre de l'innovation. Dans les
contextes récents marqués par l'essor des médias interactifs, les outils techniques de ces
phénomènes à deux niveaux se sont généralisés (Kiousi 2002). Les leaders d'opinion déploient un
« capital social » (Bourdieu, 1980 ; Adler, 2002), ensemble de puissances d'influence qui leur
viennent non seulement du maniement de langages et d'outils, à la fois pour leurs usages et pour
les signes qu'ils recèlent, mais de leur appartenance à des cercles qui les autorisent. Sur la notion
de cercle, développée à l'origine par Georg Simmel puis beaucoup utilisé en sociologie
économique par des auteurs comme Granovetter, on renverra à un article récent de Michel
Grossetti et Marie-Pierre Bès (2003).
Rappelons la définition que donne Bourdieu du capital social (1980, p. 2) : « le capital social est
l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau
durable
de
relations
plus
ou
moins
institutionnalisées
d’intercommunications
et
d’interconnaissances ; ou, en d’autres mots qui sont liées à l’appartenance à un groupe comme
ensemble d’agents qui ne sont pas dotés de propriétés communes mais sont aussi unis par des
liaisons permanentes et utiles. »
Les trois cercles, concentriques, ne sont pas homogènes certes, mais l'analyse non seulement des
bénévoles des médias associatifs, mais aussi de ceux qui prennent régulièrement la parole dans
ces médias et de leur public le plus fidèle reste à développer. Dans les trois groupes, on peut
dégager quelques tendances.
3.2 Un grand partage des savoirs et des savoir-faire et un déficit de pouvoir et de reconnaissance
sociale.
Certaines évolutions globales de nos sociétés produisent des groupes sociaux dont les
représentations et les pratiques favorisent la mise en place de processus nouveaux.
En France et dans le monde, un très grand nombre de personnes sont aujourd'hui en capacité de
produire des œuvres intellectuelles et artistiques sans pour autant bénéficier des places sociales
auxquelles leur éducation les avait autorisées à aspirer. Le phénomène n'est pas nouveau, mais les
possibilités de prise de parole et d 'échange, de reconnaissance des auteurs se sont développées.
On se référera à un court texte de Vincent de Gauléjac qui propose cette notion de « place
sociale », armé d'une réflexion au long cours aux confins de la sociologie, de la psychologie et des
études sur le travail social. Il s'agit d'honneur, d'émotions, d'attentes déçues. On doit à un auteur
comme Narciso Pizarro l'inscription de cette notion de « place sociale » dans le cadre d'une
analyse de réseaux sociaux classique qui peut ouvrir à une importante réflexion sur la distribution
inégale des capacités à faire valoir ses talents.
Robert Darnton, grand éveilleur de connaissance des Français sur eux-mêmes, leur culture, leurs
traditions, leur impensé incorporé, a attiré l'attention des historiens sur l'importance au XVIIIème
siècle en France de ces très nombreux libelles, pamphlets, écrits foisonnants, souvent médiocres ou
mal fondés mais qui ont eu une influence importante sur l'évolution des idées, même si l'histoire n'a
retenu que les noms les plus prestigieux parmi les hommes de plume d'alors, Voltaire, Rousseau,
Montesquieu, Diderot, les Encyclopédistes. Il montre comment s'était constituée une large couche
de lettrés, aspirant à des postes et des fonctions que la société ne leur a pas offerts, et qui étaient
placés devant la nécessité conjointe de subsister économiquement et de faire bonne figure dans
le champ des idées et de la société où leur éducation les avait préparés à entrer.
Ce mouvement peut être rapproché de l'existence alors, particulièrement en France, d'une large
population de personnes ayant acquis un niveau élevé de compétence et qui ne trouvaient pas à
s'employer professionnellement.
Christopher Newfield analyse dans les récentes évolutions de l'enseignement et du marché de
l'emploi aux Etats-Unis un mouvement analogue. Dans la plupart des université américaines (dont il
ne faut pas confondre la grande masse des effectifs avec celle des prestigieux établissements de l'
Ivy league) sont formés, quelquefois d'une façon sommaire un grand nombre d'étudiants qui ne
trouvent pas toujours sur le marché du travail des emplois à la hauteur de leur qualification. Le motvalise « pronétariat », employé dans un récent ouvrage par Joël de Rosnay et Carlo Revelli
véhicule la même idée.
Une large couche des populations dans beaucoup de pays, et pas seulement dans les pays
développés se trouve dans cette situation : un haut niveau d'études, des compétences dans le
maniement quelquefois très sophistiqué d'outils de communication numériques, et le sentiment
partagé d'une capacité à faire entendre sa voix dans une large palette de questions sociales,
culturelles et politiques présentes dans les agendas construits par les médias dominants.
Or, commentant le travail de Joël de Rosnay, Clémence Pène en restitue un point essentiel : les
cadres donnés aujourd'hui aux internautes compétents et doués ouvrent à ces derniers la
possibilité de s'engager à peine perdue dans la création de valeur pour autrui : « Dans tous les
exemples que donne l'auteur de modèles économiques fondés sur la coopération consentie et
gratuite (Ebay, Skype, Meetic), le travail de l'internaute, ou si l'on veut, du pronétaire, contribue à
la concentration capitalistique et à la création de valeur pour les propriétaires des sites. Le partage
de l'initiative, le contre-pouvoir des pronétaires ne provoquent pas une redistribution juste. » (Pène,
2007)
Ces couches importantes de la population sont aujourd'hui en capacité de s'installer dans le
monde numérique et d'y occuper des places diversifiées, dans des positions d'émetteur comme de
récepteur. Les capacités d'attention, de reformulation, de mémorisation, de création peuvent être
considérablement améliorées dans des environnements dans lesquels l'apprentissage peut se faire
en situation d'interaction, quand la perception d'une connaissance nouvelle peut rapidement être
confrontée à un corpus de connaissances déjà assimilées et en même temps reformulée dans un
projet de récit dont on sait qu'il peut être rapidement mis en œuvre dans la réalité. On rejoint les
analyses classiques de Maurice Halbwachs (1925) sur les cadres sociaux de la mémoire, selon
lesquelles parmi les éléments nouveaux qui se présentent dans le flux de la vie sociale, sont
découpés, sélectionnés, mémorisés ceux qui font sens dans la culture de l'individu.
On n'assimilera pas à l'évidence les trois cercle des personnes les plus directement impliqués dans
l'accès aux médias associatifs aux personnes qui sont confrontées à une rupture entre leurs
attentes et leurs statuts, mais nous voulions souligner la force des capacités collectives engendrées
dans notre monde par l'appropriation des outils les plus sophistiqués de la communication par un
nombre de personnes jouissant d'un niveau de connaissances élevé, parmi lesquelles beaucoup
sont en mal de reconnaissance sociale. Plus généralement ces capacités à s'emparer des
questions culturelles et sociales les plus diverses en d'en faire les thèmes d'échanges médiatiques
s'inscrit dans cette caractéristique anthropologique essentielle qui est celle de la propension à
l'échange, à l'empathie, à l'exercice de la curiosité pour le point de vue de l'autre, pour la
confrontation des idées. C'est dans ce sens que travaillent des chercheurs engagés aux frontières
des neurosciences, des sciences du langage et de l'anthropologie comme John Tooby et Leda
Cosmides engagés dans « un programme de recherche expérimental mené depuis huit ans et qui
explore l'hypothèse que l'esprit humain contient des algorithmes (mécanismes spécialisés) conçus
pour raisonner sur l'échange social. » (1992, p.164). Les nombreux travaux menés depuis lors sur les
bases neuronales de l'empathie et sur l'importance de l'empathie dans l'évolution des sociétés vont
dans le même sens. On trouvera dans l'ouvrage récemment traduit en français de Jeremy Rifkin
(2011) un très large tour d'horizon bibliographique sur ces questions, puisé aux meilleures sources de
disciplines diverses.
Dans les renforcements contemporains des capacités à prendre la parole, à la fois en terme de
pertinence des contenus et en termes d'usage des moyens de communication conduit déjà, et
pourrait conduire plus encore à ces formes de prise de parole efficace dont Albert O. Hirschman
analysait le jeu, présenté en contraste avec celui de la défection et celui de la loyauté, y voyant
un élément important dans l'analyse de l'émergence des mouvements sociaux.
Indications bibliographiques section 3
Adler PS Social Capital : prospects for a new concept Academy of management review, 2002
http://www.csee.wvu.edu/~xinl/library/papers/social/social_capital.pdf
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http://dxarts.washington.edu/coupe/wk1/benjamin.pdf
Bourdieu Pierre. Le capital social. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 31, janvier
1980. Le capital social. pp. 2-3.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069
Cosmides, Leda, John Tooby Cognitive Adaptations for Social Exchange
Barkow, J, L. Cosmides & J . Tooby The adapted mind
: evolutionary psychology and the
generation of culture Oxford University Press 1992 p. 163- 227
http://mudrac.ffzg.hr/~dpolsek/Pages_from_0195101073_The_Adapted_Mind2.pdf
Darnton, Robert The Forbidden Best-Sellers of Prerevolutionary France W. W. Norton & Company,
1996
Darnton, Robert The Corpus of Clandestine Literature in France, 1769-1789 W. W. Norton &
Company, 1995
Eisenstein Elizabeth Some conjectures about the impact of printing on Western society and
thought: A preliminary report
Vol. 40, No. 1, Mar., 1968 The Journal of Modern History
Gaulejac, Vincent de La lutte des places , conférence au CREAS, 1995
http://users.swing.be/creas/pdf/9Gaulejacsitecreas.pdf
Grossetti Michel, Bes Marie-Pierre. Dynamiques des réseaux et des cercles. Encastrements et
découplages. In: Revue d'économie industrielle. Vol. 103. 2e et 3e trimestre 2003. La morphogénèse
des réseaux. pp. 43-58.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rei_0154-3229_2003_num_103_1_3107 :
Halbwachs, Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire. Paris : Félix Alcan, 1925
http://classiques.uqac.ca/classiques/Halbwachs_maurice/cadres_soc_memoire/cadres_sociaux_
memoire.pdf
Hirschman Albert O. Exit, Voice et Loyalty (1970)
http://www.cui-zy.cn/Course/GAD2008i/HirschmanExitVoiceLoyalty.pdf
Katz, Elihu. (1957). "The Two-Step Flow of Communication: An Up-To-Date Report on an Hypothesis."
Political Opinion Quarterly. Vol. 21(1), p. 61-78.
http://repository.upenn.edu/asc_papers/271
Katz, E. (1987) “Communications Research Since Lazarsfeld,” Public Opinion Quarterly, 51 (50th
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http://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1254&context=asc_papers
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http://www.dtic.upf.edu/~csora/mad/uploads/Main/Spiro_Kiousis_interactivity_2002.pdf
Newfield Christopher Unmaking the Public University The Forty-Year Assault on the Middle Class
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http://www.hup.harvard.edu/resources/educators/pdf/NEWUPX.pdf
Pène Clémence. Joël de Rosnay, La révolte du pronétariat. In: Communication et langages. N°151,
2007. pp. 136-137.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2007_num_151_1_4648
Pizarro Narciso « Appartenances, places et réseaux de places : la reproduction des processus
sociaux et la génération d’un espace homogène pour la définition des structures sociales »
Sociologie et sociétés, vol. 31, n° 1, 1999, p. 143-161.
http://www.erudit.org/revue/socsoc/1999/v31/n1/001568ar.pdf
Rifkin Jeremy Une nouvelle conscience pour un monde en crise : Vers une civilisation de
l’empathie, Les liens qui libèrent 2011
Rogers, Everett M. (1962). Diffusion of innovations. New York: Free Press.
Lien avec le chapitre 6 de l'ouvrage
http://www.d.umn.edu/~lrochfor/ireland/dif-of-in-ch06.pdf
Rosnay, Joël de, Carlo Revelli, La révolte du pronétariat: Des mass média aux média des masses
Fayard, 2006. Disponible en texte intégral sur le web http://www.pronetaire.com/les_auteurs/
SECTION 4
LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DANS LES MÉDIAS DE
COMMUNICATION SOCIALE DE PROXIMITÉ :
ÉTHIQUE ET TECHNIQUE
Le grand sociologue Max Weber appelait de ses vœux une sociologie de la presse Il l'annonçait
dans l'enceinte académique prestigieuse des premières assises de la sociologie allemande en 1910
: « le premier des sujets que notre société juge propres à subir un traitement purement scientifique,
c'est une sociologie de la presse. » (Weber, 1910, p.101).
Il développait ce que les chercheurs contemporains analysent aujourd'hui encore avec la plus
grande attention : l'influence essentielle de la presse dans la façon dont « l'homme moderne «
perçoit le monde » : « La presse engendre incontestablement des modifications massives des
habitudes de lecture et, par conséquent, une modification massive de l'homme moderne et de sa
façon de percevoir le monde extérieur». (Weber, 1910, pp. 107-108) .
Si on veut être fidèle à la réalité dans l'analyse professionnelle des acteurs du premier cercle des
médias associatifs, nous devons convenir que ceux qui font vivre au jour le jour ces médias, sont
dans leur grande majorité des non professionnels et pour une proportion encore plus grande, ils ne
sont pas des journalistes. Cependant la plupart des membres de ces associations « font profession »
d'informer et sont soumis, par leur activité publique même, à la fois aux lois en vigueur mais aussi
aux jugements qui sont ceux auxquels sont soumis les professionnels de l'information. De plus, par
de nombreux biais qu'il convient d'analyser, la profession de journaliste impose ses normes, ses
modèles, ses valeurs aux animateurs des radios, aux vidéastes, aux rédacteurs des sites
d'information.
Nous serons donc attentifs dans ce chapitre aux évolutions de la profession de journaliste et aux
liens que ces évolutions entretiennent, d'une part aux évolutions techniques des pratiques de tous
les acteurs de la chaîne de l'information telles que la révolution numérique les a précipitées, mais
aussi aux évolutions professionnelles quelquefois plus anciennes qui ont transformé, depuis plusieurs
décennies, cette profession.
Observons néanmoins qu'il existe une diversité de fonctions dans ces associations que représentent
les médias territoriaux. Ces fonctions sont occupées, dans une division du travail plus ou moins
consolidée, plus ou moins perçue, plus ou moins fluctuante, par des bénévoles ou par des salariés
aux statuts relativement peu structurés.
Dans ce chapitre, nous donnerons pour commencer quelques éléments de référence sur la
sociologie des professions, dans ses dimensions pertinentes, celle des relations professionnelles, sur
le plan juridique, sur le plan des relations entre syndicats patronaux et syndicats de salariés, les
plans du dialogue social. Nous serons également attentifs aux images que se font les acteurs de la
division du
travail, de la noblesse plus ou moins grande des tâches, des modalités de la
coopération entre les porteurs des différents savoir-faire, entre les bénévoles et les professionnels,
mais aussi, quand des coopérations se font entre des praticiens de la radio ou de la vidéo et des
praticiens d'autres mondes, des enseignants, des comédiens, des travailleurs sociaux ….La
construction en effet d'un plateau audiovisuel dans le cadre des activités d'un centre social ou
d'une maison des jeunes et de la culture, d'une classe de collège ou d'école maternelle, d'un
centre de planning familial ou d'un salon professionnel, d'un marché forain ou d'une compétition
sportive implique des définitions de cadres de situations (Goffman, 1991). Dans ces cadrages, des
confrontations de schémas de travail, de vocabulaires spécialisés, de hiérarchies professionnelles
peuvent être plus ou moins difficiles.
Nous serons attentifs aux contractions que révèlent dans les médias de communication sociale de
proximité à la fois les ambitions, pas toujours compatibles, des acteurs, les moyens financiers,
souvent insuffisants, qu'ils parviennent à rassembler, l'ensemble des conditions, politiques,
économiques, juridiques qui sont celles de ces médias. Elles placent les journalistes, mais aussi les
autres professionnels de ces structures, et les bénévoles qui y coopèrent devant une double
injonction, qui n'est pas obligatoirement paradoxale, mais qui oblige, pour s'y soumettre avec
bonheur, à bien de l'inventivité.
D'un côté, les médias doivent faire la preuve, vis à vis de leurs propres membres, mais aussi des
personnes et des groupes qui risquent dans leur commerce leur réputation en acceptant d'y être
invités, et vis à vis de leur public, d'une qualité de production qu'on attache généralement aux
techniques et aux valeurs des professions de la presse. D'un autre côté, ils doivent faire la
démonstration d'une proximité avec leur public populaire, non seulement dans les préoccupations
mais dans les formes d'expression. Or les auteurs comme Chris Atton (2008) qui ont travaillé sur les
médias alternatifs, montrent bien qu'une part importante des motivations des promoteurs de ces
médias alternatifs vient du rejet qu'ils témoignent aux médias dominants, non seulement à travers
l'inféodation qui est la leur aux intérêts politiques et économiques des classes dominantes, mais à
travers l'habitus de classe qui transpire de leurs paroles ou de leurs écrits
4.1 Un potentiel d'emploi important dans les médias de communication sociale de proximité
Parmi les médias de communication sociale de proximité en France, bien qu'on ne dispose pas de
données chiffrées générales, faute précisément d'une définition univoque des contours de l'objet,
qui fait précisément partie des questions que nous soulevons dans ce travail, le secteur le plus
structuré est celui des radios associatives.
L'Institut Européen d'Informations et de Conjonctures Professionnelles (IEICP) a publié en 2010 un
« Rapport de branche 2008 des radios privées », réalisé à la demande de l'APAR (Association
Patronale de la Radiodiffusion privée) dont fait partie le SNRL. Ont été exclues de l'étude les radios
publiques, et les trois radios généralistes de catégorie E qui ne font pas partie du champ de la
convention collective de la radio privée, ainsi que les radios qui n'ont employé aucun salarié en
2008.
Selon ce rapport, le premier du genre, sur le plan national, le secteur des radios associatives
emploie « 2820 salariés, dont 270 journalistes professionnels et génère 63,1 M € de chiffre d'affaires »
Les radios associatives ne sont qu'une partie du secteur plus général des radios privées, qui ellesmêmes coexistent avec les radios publiques. Il est nécessaire,dans ce secteur particulier des radios
de préciser qu'elles sont classées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans plusieurs
catégories :
« la catégorie A est celle des radios associatives (550 radios) (rappelons que l'enquête date de
2008, aujourd'hui le nombre des radios associatives a augmenté, il a dépassé le nombre de 80 en
2011 dans la région Rhône-Alpes)
la catégorie B est celle des radios commerciales indépendantes sur les territoires (180 radios)
la catégorie C comprend les radios affiliées ou abonnées à des réseaux thématiques à vocation
nationale
la catégorie D comprend les réseaux à vocation nationale. (45 radios au total pour les catégories
C et D) ».
Le rapport de l'IEICP montre une répartition de l'emploi dans les radios privées françaises qui en fait
un secteur économique qui ne doit pas être négligé :
« L'emploi dans ce secteur représente au 31 décembre 2008 la ventilation suivante :
–
catégorie A
2100
salariés
–
catégorie B
1600
salariés
–
catégorie C et D
1600
salariés »
« 94% des employeurs de la radio privée sont des services de catégories A et B, 6% relèvent des
catégories C et D. 87% des radios emploient entre 1 et 9 salariés, 8% entre 10 et 19, et 5% plus de
50. »
« Le rapport de branche donne de nombreuses indications sur les filières, la répartition hommes –
femmes, l'âge et l'ancienneté, la mobilité, la formation, l'emploi des handicapés, la masse salariale
et les rémunérations moyennes. »
Ce premier rapport de branche, né notamment d'une volonté partagée par le SIRTI et le SNRL de
mieux connaître l'emploi dans la branche qui est la leur afin de mieux mener sa politique sociale et
de favoriser la reconnaissance par les pouvoirs publics de son secteur, devrait pouvoir être
complété par des travaux qualitatifs qui, notamment dans le monde des radios associatives,
permettraient de mieux connaître la nature des dynamiques d'emploi, et les relations entre les
professionnels et les bénévoles dans ce contexte.
De telles recherches pourraient être envisagées dans deux cadres complémentaires. Le premier est
celui de l'Economie sociale et solidaire, à laquelle appartiennent l'ensemble des médias de
communication sociale de proximité et qui présentent des homologies intéressantes entre les
secteurs : formation et évolutions des professions, évolutions techniques, évolution des demandes
ici des usagers, là des auditeurs ou des lecteurs, possibilités de carrières, voire de passages dans le
cadre des carrières des professionnels d'une branche de l'économie sociale à une autre... Le
deuxième peut être celui des recherches sur la radio voire des recherches sur les médias. Les
radios associatives et l'ensemble des médias de communication sociale de proximité ont intérêt à
travailler en liaison avec les enseignants et les chercheurs de différentes disciplines. En effet, la
multiplicité de leurs pratiques et la nécessité de les ajuster de façon innovatrice dans des champs
sociaux divers rendent pertinente la collaboration avec des chercheurs de différentes disciplines.
Sur le plan national, une relation est amorcée avec une association de recherche portant sur la
radio, le GRER. Le GRER,«(Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio)a été fondé avec pour
but d’aider à la connaissance, la reconnaissance et au développement des études
radiophoniques en France.
Créé, de manière informelle, à Bordeaux en 1998, le GRER, depuis octobre 2005, est une
association française et plus largement francophone, ouverte à l’adhésion de tous ceux qui
partagent ses objets et projets. Elle regroupe des universitaires, des étudiants et des professionnels
de la radio et de nombreux jeunes chercheurs, organisés sur des thématiques particulières de
travail. En 2011, le GRER comptait 83 membres.
L’association a pour but le développement et la valorisation de la recherche, des études
scientifiques et diverses, les mises en œuvre de pratiques novatrices autour de la radiodiffusion. Elle
a pour vocation de rassembler les personnes physiques ou morales engagées dans la recherche
sur la radio, qu’il s’agisse de recherches fondamentales ou appliquées. En alliant recherches
théoriques et pratiques, en s’intéressant tant aux structures, à l’environnement, aux contenus, à la
pratique et à la création radiophoniques, qu’aux publics et à la réception, le GRER souhaite être
un lieu de réflexions, dans des dimensions prospectives, sur la réalité actuelle et l’avenir de la radio,
sur les problématiques et enjeux de ce média. » (extraits de la présentation du GRER sur le site de
l'association).
Parmi les adhérents du GRER figurent plusieurs membres de radios associatives intéressés par la
recherche et par la formation mais aussi , à titre collectif, le SNRL. Le GRER est associé
régulièrement à des initiatives innovatrices comme le « festival de la création sonore et
radiophonique indépendante » SONOR organisé chaque année à Nantes. Il organise
régulièrement des congrès internationaux qui permettent de comprendre l'évolution du média
radiophonique dans tous ses aspects, qu'il s'agisse des nouvelles formes techniques et
institutionnelles, comme le développement de la radio numérique (2009 à Paris), ou des formes
que prennent les productions radiophoniques (Louvain la Neuve, 2011). Ses séminaires annuels
permettent de mieux analyser les nouvelles pratiques dans le champ de la radio comme le
développement récent des web-radios (Tours, 2012) ou de mieux comprendre le travail des ateliers
radiophoniques en milieu scolaire (Saint Denis, 2010).
Le Grer articule ses travaux avec ceux d'autres associations et société savantes comme l'
Association européenne de recherche sur la communication et l'éducation (ECREA).
Le Grer n'est pas structuré sur le plan régional, mais à suivre ses travaux, les radios associatives de
notre région peuvent à la fois trouver à mieux maîtriser leurs pratiques, à être plus en éveil sur les
innovations possibles et à développer des partenariats utiles.
4.2 Les sociologies des professions, professions libérales, professions artistiques, professions sociales
: les spécificités de la profession de journaliste
Bien qu'il n'existe pas, comme pour les médecins ou pour les avocats, un conseil de l'ordre chargé
de faire respecter l'éthique professionnelle du métier, on peut considérer les journalistes comme
appartenant à une profession au sens que donnent à ce mot les sociologues des professions
(Freidson et al. 1986). On sera attentif à la distinction opérée par Freidson et ses collègues entre les
professions liées à un exercice libéral dans lesquelles la réputation des membres du corps est
corrélée avec leurs intérêts économiques et les professions
artistiques. Dans le cas de ces
professions, autour de la notion d'œuvre, c'est le geste créateur, la protection des objets du travail
et de leur valeur plus que le service rendu qui sont mis en avant.
On a pu étendre la réflexion des sociologues des professions aux professions sociales, dans
lesquelles une notion de responsabilité éthique vis à vis des usagers, à l'instar des responsabilités
des membres des professions médicales vis à vis des patients prennent une grande importance.
Dans les médias associatifs, alternatifs ou participatifs autant que dans la presse commerciale, mais
par des mécanismes de contrôle social peut être encore plus complexes, ce sont les différents
aspects de la valeur des actes et des produits du travail professionnel qui peuvent faire l'objet
d'observations, de conversations, de controverses.
4.3 la profession de journaliste : des manières de faire
Les écrits sont innombrables, qui décrivent, prescrivent, proscrivent, les actes des journalistes. Nous
n'en retiendrons dans ce travail que quelques éléments qui conviennent à notre projet : comment
choisir, parmi les fondements de cette profession, belle et exposée au risque de l'avilissement, ce
qui doit être conservé comme un trésor à partager avec celles et ceux qui veulent dire et discuter
le monde armés de leur média local, qu'ils soient salariés ou bénévoles, nouveaux venus ou
anciens, gens de paroles ou gens d'expériences.
4.2.1.
Nous resterons dans la perspective d'une écologie des médias (Badillo, 2008) : si on met ensemble
tous les acteurs de la société de l'information et de la communication d'aujourd'hui, les médias de
territoires, leurs journalistes, les autres acteurs qui font le média, les personnes interrogées par ces
médias et leurs auditeurs, lecteurs, spectateurs sont tous impliqués dans des ensembles de
représentations qui à la fois donnent sens à leur action, la légitime, mais en même temps
l'enferment, la limitent. C'est ce cadrage qui pèse sur la profession de journaliste et que désignait
Pierre Bourdieu alors même qu'il s'engageait à la présidence du centre de recherche de l'Ecole
Supérieure de Journalisme de Lille (Bourdieu, 1996) : « Une des propriétés les plus importantes du
jeu journalistique réside dans sa faible autonomie - en comparaison, par exemple, avec le champ
scientifique - c'est-à-dire dans le fait qu'il est fortement soumis à des contraintes externes comme
celles que font peser, directement ou indirectement, les annonceurs, les sources et aussi la
politique. »
Qu'ils soient issus de cursus de formations de journalistes ou qu'ils aient reçu une formation dans les
centres de formation continue professionnels, comme c'est le cas de beaucoup des journalistes
des radios associatives notamment, ou qu'ils se soient eux mêmes formés à travers la pratique, les
journalistes des médias de proximité ne peuvent pas vraiment échapper aux règles du métier. Ils
sont en effet soumis à de très nombreux exercices de comparaisons, de la part des autres
journalistes rencontrés sur le terrain, des professionnels de la communication, des différentes
catégories de personnes qu'ils interrogent pour leur média, mais aussi de leurs publics. S'il leur est
toujours possible de faire état des spécificités de la position de leur média ou de leur position
personnelle, aussi bien sur le plan d'un engagement politique de critique des médias dominants
que sur le plan des pratiques spécifiques que souhaite développer un média de proximité, plus de
temps ou d'espace dévolu à la parole des sans grades, il n'en reste pas moins que chaque geste,
chaque parole est insérée dans le cadre plus général d'un système de presse dont ils ne sont
qu'une simple composante.
Percevoir, transformer, classer, mémoriser, présenter l'information
Parmi les qualités professionnelles attendues d'un journaliste et travaillées au cours de la formation,
il y a la capacité à se constituer, dans le champ de sa compétence spécifique (l'espace politique,
le fait divers, la vie quotidienne, le sport, la culture, tel ou tel style de musique...) une base de
connaissances qui lui permette :
–
d'intégrer, de catégoriser, de classer des connaissances nouvelles, d'apprécier leur
pertinence, de savoir bien-entendu vérifier les informations, les recouper, les contextualiser,
les utiliser ou non selon qu'elles sont publiques ou réservées
–
de garder la face (Goffman, 1974) dans des interactions avec les acteurs de son
champ de compétence
–
de construire un papier, un schéma d'interview, un conducteur d'émission comme
on construit un récit, en intégrant dans une progression des éléments séparés, et dans ce
récit, savoir relancer avec pertinence l'attention du public
Dans ce travail de perception, de classement et de montage entrent des talents, des instruments
de travail, individuels ou collectifs, mais aussi des formules, des routines, apprises en formation et
peu à peu incorporées.
Dans le cas des journalistes des médias locaux, l'art que doit déployer le salarié se double d'un
travail toujours renouvelé d'animation d'une équipe de bénévoles qui dans les domaines qu'ils
suivent, doivent eux aussi faire preuve des compétences sous peine d'abîmer la crédibilité du
média.
Gagner et conserver la confiance d'un grand nombre d'acteurs dans son domaine
Quel que soit le domaine dans lequel exerce un journaliste, il lui faut constituer un réseau
d'informateurs très divers, à qui il puisse faire confiance et qui lui fassent confiance. Si une grande
partie des sources des journalistes provient des dossiers de presse, des dépêches, des conférences
de presse, de la reprise des informations provenant d'autres médias, ce qui fait la réputation d'un
journaliste est sa capacité à nouer à long terme des relations de confiance avec un nombre
important de personnes qui peuvent soit lui proposer des informations inédites, soit lui permettre de
mieux apprécier la pertinence d'une information accessible mais qui mérite d'être mise en valeur,
éclaircie, contextualisée. Jean Charon (1995), présentant la théorie de l' « agenda setting » montre
bien comment aussi bien dans le découpage des sujets (« agenda des quoi ») que dans la
recherche des interlocuteurs appropriés à la recherche d'une information ou à la recherche d'un
éclairage pertinent (« agenda des qui ») le talent d'un journaliste consiste à se constituer un tissu
large et solide de contacts composés de personnes fiables et compétentes dans des domaines
qu'il a lui-même cartographiés avec pertinence. Et il est nécessaire bien-entendu que ces
personnes aient confiance en lui, en sa capacité à comprendre et à formuler fidèlement leur
propos, à distinguer dans une conversation ce qui peut être publié et ce qui ne doit pas l'être.
Sur cette dernière question de la relation du journaliste avec ses sources, on renverra aussi au
travail déjà ancien de Gans puis à celui de Schlesinger.
4.4 La profession de journaliste : une éthique
Dans son adresse aux chercheurs et aux enseignants et étudiants de l'une des plus grandes écoles
de journalisme de langue française, Pierre Bourdieu soulignait la difficulté qu'éprouvent les
journalistes, et par leur position même, quelle que soit la qualité de leurs intentions à exercer leur
métier sans se départir de l'éthique qui avait pu fonder leur engagement originel, et, tout en
reconnaissant la qualité de cadres tels que ceux dont nous avons esquissé ci-dessus quelques
lignes, il jetait les fondements d'un programme, d'un combat : « comment renforcer les contraintes
que l'on peut appeler "vertueuses", c'est-à-dire celles qui poussent à la vertu, et comment affaiblir,
en les débusquant pour les contrecarrer, les contraintes "vicieuses", c'est-à-dire celles qui poussent
à la faute ou à l'erreur ? » (Bourdieu, 1996)
Des auteurs comme Daniel Cornu (1994) cherchent dans le métier, ses organisations
professionnelles, les éléments d'un avènement de l'éthique, de la recherche de la vérité par dessus
les pressions. Il analyse les difficultés éprouvées à la mise en place d'instances déontologiques
internationales (1998).
C'est une démarche à l'inverse, qui part des mouvements populaires que décrit Chris Atton (2008).
Celui ci présente la presse alternative comme un outil privilégié d' « empowerment » pour les
personnes et les groupes appartenant aux classes populaires. Et c'est précisément par la possibilité
que ces médias offrent aux personnes ordinaires « de raconter leurs propres histoires sans
l'éducation formelle ou l'expertise et le statut professionnels de journalistes de la presse
dominante. » (op. cit. p.213).
La présence aujourd'hui d'une culture largement partagée de l'événement, des conditions de sa
présentation, de la critique nécessaire des médias, malgré la lourdeur de la tâche, donne à
espérer qu'un travail de recherche d'une éthique de la presse plus exigeante, d'une recherche de
la vérité plus opiniâtre et plus courageuse peut se poursuivre. Il repose à la fois sur des
professionnels aguerris, sur certains médias libres et sur des aspirations populaires. Le
développement de médias au plus près des territoires peut contribuer à cela. Mais là comme
partout, et plus encore peut-être, il faut veiller aux « contraintes vicieuses » tant il est vrai, comme le
soulignait notamment Jean François Tétu (2008), analysant le mouvement américain du « public
journalism » que la proximité spatiale entre l'équipe de journalistes et ses sources est bien loin de
garantir l'imperméabilité aux pressions et la recherche sereine de la vérité.
4.5. Les changements contemporains dans le journalisme
L'évolution récente de la presse fragilise le métier de journaliste. Le processus était entamé avant
même l'envahissement du secteur par les nouveaux médias électroniques. C'est ce que Patrick
Champagne (2000) appelle « le journalisme à l'économie », mêlant dans son titre le faisceau des
causes économiques à l'analyse sociologique de la précarisation d'une profession.
Nous devons réfléchir à l'évolution des pratiques professionnelles du journalisme, dans ses
méthodes, dans son éthique, dans les découpages traditionnels entre les secteurs de la presse
écrite et de la presse audio-visuelle, dans les formations initiales et continues de ce secteur. Les
mouvements en cours dans ces professions dépassent le monde du journalisme alternatif, mais les
mouvement globaux affectent le journalisme alternatif et les pratiques du journalisme alternatif
contribuent à la transformation globale du métier.
Yannick Estienne (2007), après une longue enquête sur les pratiques journalistiques dans les médias
spécifiques de l'internet ou dans la presse traditionnelle augmentée d'une version numérique a
montré combien il était difficile aux professionnels de ce secteur nouveau de faire respecter les
droits sociaux voire les droits intellectuels acquis par la profession. Il montre aussi l'influence dans les
représentations que ce font ces journalistes que revêt le sentiment qu'ils ont de faire partie d'un
groupe de pionniers, sentiment qui peut aller jusqu'à faire accepter des conditions de travail
difficiles.
D'une façon très générale, la numérisation et l'internet ont conduit à des transformations dans les
pratiques des journalistes mais aussi dans leurs représentations de leur métier et dans les relations
des journalistes non seulement avec le public mais avec leurs sources.
L'usage de plus en plus répandu des possibilités offertes par le numérique dans les médias de
territoire, articulé avec la précarité croissante du métier de journaliste, et surtout dans ces nouvelles
pratiques numériques conduit à des relations nouvelles entre les différents secteurs.
4.6. Les métiers de la parole et le journalisme : enseignement, animation, expertise, travail social
Comme nous l'avons vu, le métier de journaliste, même s'il ne constitue pas quantitativement le
principal des métiers pratiqués dans les radios et dans les autres médias de communication sociale
de proximité, impose certaines de ses pratiques et de ses normes non seulement aux autres salariés
des médias de communication sociale de proximité, mais au delà aux cercles des bénévoles qui
sont impliqués dans ces médias.
Une réflexion a été entamée parmi les associations de radios et de médias participatifs sur les
compétences nécessaires aussi bien des salariés que des bénévoles dans l'usage de ces médias.
Un travail international a commencé entre des radios qui collaborent dans le cadre de l' AMARC
Europe et qui devrait se poursuivre dans les prochains mois.
En une première approche, on peut distinguer plusieurs fonctions dont certaines avaient fait l'objet
de réflexions collectives lors de la définition des emplois innovateurs quand avaient été mis en
place les emplois jeunes en 1997.
Les fonctions de direction d'un média associatif, qu'elles soient assurées par des bénévoles ou par
des salariés s'apparentent à celles des dirigeants d'autres structures dans lesquelles sont impliqués
une multiplicité d'acteurs et d'objets précieux (la voix et l'image des personnes, leurs réputations).
Comme pour un centre social, une MJC, un dirigeant de média associatif doit maîtriser les règles
sociales, juridiques, économiques, comptables spécifiques de son institution mais aussi avoir la
capacité de favoriser les interactions humaines complexes à l'intérieur de l'association et avec
l'ensemble, toujours très ouverts, des acteurs extérieurs.
Un animateur d'ateliers radios ou vidéo doit à la fois maîtriser les techniques de son média et avoir
compris l'étendue de leurs dimensions relationnelles. Il doit aussi pouvoir travailler sur les contenus
journalistiques des thématiques traitées par les membres du groupe. Enfin, il doit pouvoir imaginer
avec les enseignants, les éducateurs, les animateurs, des formules pédagogiques mais aussi
médiatiques, tenant compte à la fois des besoins du groupe et de la nécessité de construire des
œuvres médiatiques finales de qualité, susceptibles de retenir l'attention du public.
Sur ces questions de définitions des tâches, de partage des fonctions dans les médias participatifs,
il est bien nécessaire de développer échanges de bonnes pratiques et recherches. Et tout cela
dans la pleine conscience de la multiplicité des champs couverts par de telles pratiques.
Indications bibliographiques section 4
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Weber Max, Musy Gilbert. Le premier des sujets... Allocution prononcée en 1910 à Francfort sur le
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SECTION 5
DU JOURNAL PERSONNEL, VECTEUR D'OPINIONS ET DE
COMMENTAIRES
AU MÉDIA, COLLECTIF ET NORMÉ
A quelles conditions peut-on parler de média locaux et territoriaux et distinguer, dans l'offre
pléthorique des sites et des
blogs d'information et de commentaires, qui peuvent utiliser des
techniques d'expressions très diverses, entre des médias associatifs, des entreprises de presse, des
sites de communication institutionnelle et des sites d'expression personnelle ?
5.1 les journaux personnels sont sortis de la sphère privée dès lors qu'ils sont publiés
Nous devons nous interroger sur ce qui fait la différence entre un journal personnel (Lejeune, 2006
pour une présentation succincte appuyée sur des recherches nombreuses et entamées depuis
longtemps dans le domaine français, que l'auteur met en regard dans ses indications
bibliographiques avec des recherches analogues montées dans d'autres pays) dont les blogs et
même les blogs réguliers qui commentent l'actualité sont des avatars innovateurs et importants et
les médias (Lejeune 2000). Qu'est ce qui fait le caractère spécifique d'un média quand on le
compare à un journal personnel ou à une publication de témoignages ?
Le critère n'est pas celui de la pertinence intellectuelle ou de la qualité littéraire. Certains sites,
blogs, journaux virtuels personnels sont de grande qualité et drainent quelquefois une audience
particulièrement importante. Cela s'opère par des jeux de signalements complexes et très
nouveaux (des agrégateurs innovants comme wikio mais aussi des moteurs de recherches qui
jouent de plus en plus un rôle de conseil dans les choix de lecture des internautes). Cela s'opère
aussi par la création de communautés d'intérêt dans lesquelles les internautes se regroupent pour
mettre en valeur tel ou tel auteur, tel ou tel site par des liens croisés qui déterminent des
classements qui sont ensuite renforcés, consacrés par les moteurs et agrégateurs. Citons, dans le
domaine pointu de la recherche scientifique le cas des blogs de chercheurs présenté par Gabriel
Gallezot et Olivier Le Deuff (2009). On a souvent relevé la consécration dans un domaine
d'expertise particulier d'un auteur par ces processus nouveaux de construction de réputation.
L'exemple le plus connu peut-être en France est celui du professeur d'économie Etienne Chouard
qui, durant les débats qui furent menés au sujet du référendum sur la constitution européenne, prit
une part tout à fait importante dans le débat à travers les publications qu'il présentait sur son blog
(voir notamment à ce sujet Broudoux et al. 2005). Les mêmes auteurs analysent les formes
d'écriture, de débat, de transformations des contenus qui sont développés, inventés, améliorés, au
fil de l'histoire de l'évolution des communautés et de celle des des outils techniques.
5.2 Les fonctions des médias : fonctions sociales et culturelles
Même si la conscience de ce caractère n'est pas très nette de la part de tous les membres et des
acteurs associés à un média, ce dernier est d'abord un « intellectuel collectif ». On peut étendre le
concept développé dans le champ politique par Gramsci en Italie (Piotte, 1970) et repris
notamment par Pierre Bourdieu dans les champs du travail intellectuel (Lenoir, 2002) au champ de
la presse, en y trouvant l'outil qui permet de caractériser une communauté d'intention. Le média se
définit par le sens, compris par l'ensemble des acteurs impliqués, ceux qui font le média, ceux qui
s'y expriment, ceux qui l'entendent ou le lisent, d'une aventure commune. Celle-ci peut être très
modeste, très humble, ne pas se situer dans un horizon politique ou spirituel grandiose, mais elle
recèle, pour ceux qui s' y reconnaissent, une identité, qui par delà les difficultés des parcours, en
assure la continuité et la cohésion.
Le média représente aussi une image, une « marque », un fanal, un nom qui fédère autour d'une
inspiration, de valeurs, d'une continuité de pensée et de position intellectuelle et sociale une sorte
de communauté. Dans beaucoup de cas, la spécificité du média a été transcrite sous forme d'une
charte, ou apparaît clairement, au delà des statuts de l'association, dans différentes publications
internes ou externes destinées à présenter le média. Elle transparaît également à travers la
sélection des collaborateurs, les choix éditoriaux. Enfin un média a une existence sociale qui ne se
réduit pas à la communauté virtuelle entre l'auteur et ses lecteurs mais qui se déploie dans les
champs économique, juridique, politique.
Il est important de relever que les fonctions sociales et culturelles, voire politiques des médias de
territoire ne se limitent pas à la collecte et à la diffusion d'informations ou de débats.
Pour l'ensemble des acteurs engagés dans l'action quotidienne des médias locaux associatifs,
d'autres fonctions sont présentes, mais elles sont plus ou moins perçues, valorisées, reconnues par
les partenaires, et l'organisation spécifique nécessaire au meilleur déploiement de telle ou telle
fonction est plus ou moins développée. L'accent mis sur telle ou telle des fonctions par les membres
du groupe peut être l'objet de débats, voire de conflits, quand elles apparaissent contradictoires à
un moment donné, quand il s'agit d'allouer ici ou là les ressources du groupe.
Cette compréhension du caractère multifactoriel de l'usage des médias et des gratifications
diverses qu'ils offrent à des ensembles multiples d'acteurs est ancienne dans les sciences sociales
appliquées à l'étude des médias. Thomas Ruggiero (2000) voit dans un article de Cantril (l'auteur
d'une intéressante « psychologie de la radio » et qui tout de suite après le canular historique
d'Orson Welles jouant la « guerre des mondes » de H.G. Wells sur CBS et ayant semé la panique aux
Etats-Unis, avait écrit un ouvrage d'analyse sociologique du phénomène) l'amorce de ce courant
de recherches. (Cantril, 1942). Katz et al. en 1973 proposent également un panorama très large
des usages individuels ou collectifs des médias qui n'avaient pas particulièrement été prévus ou
pensés mais qui se sont imposés dans des sociétés où leur présence est, c'est le mot le plus
approprié, massive. Ruggiero montre combien cette tradition académique des études « uses and
gratifications » des médias se trouve fortement exhaussée à l'époque des « nouveaux médias » qui
donnent aux acteurs des systèmes médiatiques des possibilités d'actions démultipliées et
notamment la possibilité de varier les rôles.
Il y a dans ce dépliement des fonctions multiples des médias locaux des éléments que ces derniers
partagent avec l'ensemble des médias et qui ont été analysés de longue date par les théoriciens
de la communication.
Sur la question essentielle du rôle que les médias et particulièrement les médias territoriaux jouent
dans les communautés locales et dans les interactions entre les leaders d'opinion de la
communauté (élus locaux, responsables associatifs, enseignants...) citons le sociologue Elihu Katz
(1957) qui développait l'idée d'un flux de communication à deux étapes (two step flow) dans
l'analyse duquel il convient de prendre en considération la population de toute première
importance des leaders d'opinions, à la fois premiers destinataires des productions des médias et
eux-mêmes acteurs de ces productions. Dans un article d'histoire des idées paru quelques
décennies plus tard (1987), il relevait l'importance de la postérité du grand pionnier des études de
communication et de médias américain Paul Lazarsfeld, qui avait conservé la vision sociologique
globale des études de communication comme phénomène sociologique de masse héritée de ses
premiers travaux allemands d'avant-guerre. Pour une bonne compréhension de l'influence sociale
des médias, il convient de bien analyser, dans leur complexité et leur diversité à la fois les acteurs
qui sont les lecteurs, auditeurs, spectateurs des médias, mais aussi ceux qui s'expriment dans les
médias ou font figure de relais d'opinion.
Katz invitait à des « études d'échantillons de population (panels) sur le rôle de la communication
de masse dans la fabrique des décisions de vote, d'achat, de choix des sorties au cinéma ou des
changements d'opinions. »
(Katz, 1987, p.2 – notre traduction). Ce pionnier des études
sociologiques des médias montrait également comment « Les effets des médias sont atténués par
les processus de sélectivité dans l'attention, la perception, et la remémoration et ceux-ci à leur tour
sont une fonction de variables de prédisposition et de situation telles que l'âge, l'histoire familiale,
l'affilliation politique etc. » (Katz, 1987, p.2 – notre traduction).
Qu'il s'agisse comme ici des effets des médias sur le public final ou des rôles joués par les leaders
d'opinions, les processus développés autour des médias sont multiples. Précisons les contours de
ceux pour lesquels les médias de territoires ont montré jusqu'alors leurs capacités : resserrement
des liens entre les acteurs sociaux du territoires eux mêmes et avec d'autres acteurs
Les récits quotidiens de tous, qu'il s'agisse des médias associatifs ou de la presse quotidienne
régionale notamment dans ses pages très locales montrent combien l'interconnaissance au-delà
de la proximité sociale la plus immédiate (les voisins, les collègues de travail, les parents d'élèves
d'une même classe, les membres d'une même association...) doit aux médias locaux. La
reconnaissance des personnes, la compréhension de la diversité des institutions présentes dans un
territoire, l'inventaire des ressources potentielles pour chacun doit beaucoup aux médias de
proximité.
5.2.1 Image du territoires aux yeux de ses propres habitants mais aussi vis à vis de l'extérieur
Qu'il s'agisse des pays en milieu rural ou des quartiers des villes et plus particulièrement des quartiers
populaires, souvent considérés comme mal dotés en « hauts lieux », (Micoud, 1993) en « lieux de
mémoire » facilement repérables et socialement valorisés, la multiplication au fil des jours, de
l'expression des activités situées dans ces espaces contribue à leur donner vie, signification, valeur.
Il n'est pas rare que dans les médias nationaux, des quartiers comme le Mas du Taureau à la ZUP
de Vaulx en Velin, la Ville Neuve ou le quartier Mistral de Grenoble, le quartier de la Darnaise des
Minguettes à Vénissieux, celui de Chambéry le haut n'apparaissent que comme le foyer de drames
sociaux. La présence quotidienne des activités les plus diverses à Montchovet, dans la Loire, à la
Duchère, dans le Rhône, des souvenirs des femmes dans le quartier de Valensolles à Valence, des
relations entre parents et enfants dans le quartier de l'Olivier à Aubenas, des quartiers populaires
de Bourg en Bresse ou d' Annonay, tout cela peint des images diversifiées, nuancées de la vie des
gens dans ce caractère toujours « pluriel » que montre Bernard Lahire.
5.2.2 expression et empowerment des membres des ateliers de travail que le média peut mettre en
oeuvre seul ou en collaboration avec des enseignants, avec des structures de formation
permanente ou avec des associations d'éducation populaire (MJC, Centres sociaux, maisons de
quartier).
Les personnes qui s'expriment, seules ou en groupe, pour la première fois à la radio sont souvent au
début tétanisées, effrayées par la perspective d'un échec, d'une humiliation publique. Une sérieuse
préparation préalable, une mis en confiance dans le studio, cette fameuse « considération positive
inconditionnelle » souvent pratiquée sans la connaissance ou le support de la pensée de Carl
Rogers (Lerbet, 2004) comme M Jourdain faisait de la prose, tout cela concourt à des émissions
mille fois réussies depuis trente ans dans tous les départements de Rhône-Alpes. Il en ressort une
fierté venant à la fois de la qualité de la parole donnée, mais aussi de la conscience d'avoir
souvent représenté un effort partagé, une démarche collective. Il en est de même quand les
membres des associations du quartier Mistral à Grenoble retrouvent leurs propos dans le journal du
quartier monté par l' AFEV et trois autres associations, quand ceux de Champfleury à Bourgoin
lisent leurs points de vue dans le Champflo, quand les habitants d' Annecy ouvrent la dernière
édition du « Journal » ou lisent les articles du site web d'info locale. C'est cette dynamique de
l'empowerment que depuis des décennies suivant les préceptes du « manuel de l'animateur
social » de Saül Alinsky les habitants des quartiers populaires des Etats-Unis mettent en œuvre. La
chose, bien entendu, ne se limite pas à une expression dans les médias, elle se lit dans des
contextes sociaux complexes, mais il est bon de positionner ce travail d'expression des membres
des communautés locales dans ce cadre d'un renforcement personnel et collectif, de ce que les
américains appellent l'empowerment ou la capacitation (Amartya Sen).
5.2.3 Découverte citoyenne, à travers par exemple l'exercice de revues de presse mené en ateliers
pédagogiques des méthodes et des pratiques de l'ensemble des acteurs de la presse (semaine de
la presse et des médias dans l'école)
A travers les pratiques permises par l'ensemble des médias de proximité, les personnes et les
groupes ont la possibilité, dans la pratique, de découvrir la fabrique de l'information. Comment
sont opérés les découpages des événements, choisis les scénarios des récits, composés les
agendas. Dans le cadre des ateliers scolaires, des créations radiophoniques avec les femmes des
quartiers populaires, des stages de formation des jeunes en recherche d'emploi, dans le
mouvement même de la création, la recherche documentaire, le montage des prises de sons ou
des interviews filmées, de la composition d'une page, l'influence des médias dominants sur nos
représentations est rendue sensible. Le travail concret de confection d'objets médiatiques est un
outil qui favorise la lecture critique des médias dans leur ensemble et une meilleure indépendance
d'esprit pour les personnes comme pour les groupes.
5.2.4 Accueil de stagiaires
A tous les niveaux de formation, nos médias reçoivent régulièrement des stagiaires.
Les stages d'observation pratiqués par les élèves de troisième des collèges sont une occasion de
découverte pour les jeunes. Ils permettent également aux équipes des radios, des journaux ou des
vidéos de maintenir un contact avec un nombre important d'établissements dans la perspective
de développer ou de réactiver des actions de plus grande ampleur.
Les universités, spécialisées ou non dans le journalisme, les techniques du son ou de l'image, la
communication trouvent dans les médias participatifs des partenaires d'encadrement de stages
souvent appréciés des jeunes comme des enseignants car les choix organisationnels et éditoriaux
de ces médias ouvrent aux apprenants des possibilités enrichies si on les compare à ce qui peut
être proposé dans des médias commerciaux.
5.2.5 Entrainement à la pratique des médias des médiateurs sociaux du territoires
Nos médias assurent au fil des ans la constitution de la mémoire collective du territoire. Cette
fonction est aujourd'hui renforcée par la capacité dans laquelle se trouve le média territorial de se
doter d'archives numériques.
Les anciens numéros du journal « Les Antennes » de Grenoble, présentés en pdf sur le site web du
média. La mise en page de ces archives permet une navigation double : chronologique et
thématique. Cette fonction de mémoire d'un territoire est plus ou moins valorisée selon les médias,
mais, comme nous le développons dans d'autres sections, les innovations numériques récentes
ajoutées à une transformation continue des pratiques des personnes et des groupes interrogés
dans les radios ou dans les journaux conduit à l'expansion d'une demande de constitution puis
d'organisation des archives. Les pratiques en développement des célébrations d'anniversaires, qu'il
s'agisse des calendriers des institutions du territoire ou de ceux des médias eux mêmes ont pour
effet de renforcer ce mouvement. C'est ainsi que dans les derniers mois, des radios comme Radio
Grésivaudan en Isère, radio Mega à Valence, radio Dio à Saint Etienne, Fréquence è à Aubenas,
radio Calade à Villefranche sur Saône, Couleurs à Bourgoin, à l'occasion de leurs trente ans ont été
conduits à rechercher des enregistrements analogiques anciens, à les numériser, renforçant cette
dimension de la mémoire collective de leur territoire.
5.2.6 Valorisation à travers les réseaux des médias associatifs des créations ou des initiatives
intéressantes émanant du territoire :
l' Epra
Chaque émission produite par l'une des nombreuses radios associatives membres de ce
Groupement d' Intérêt Public représente, pour les sujets qui sont traités, pour les personnes et pour
les groupes ou institutions qui sont interrogées une occasion de présenter leur activité dont la
portée dépasse le territoire puisque aujourd'hui plus de 170 radios couvrent les régions françaises.
Un système d'archivage informatique en ligne, ouvert pour des raisons de droits d'exploitation,
seulement aux radios partenaires permet de plus depuis quelques années un accès à des
émissions plus anciennes et donc une mémoire collective extrêmement riche.
l' Amarc
L'Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires organise, dans certains de ses
territoires, notamment dans la zone de l' Amérique latine et des Caraïbes des échanges de
programmes et une coopération d'agence de presse interne du réseau, nommée PULSAR. Celle-ci
reste un modèle pour les radios du monde entier et notamment à l'occasion des Forums sociaux
mondiaux, elle a permis aux radios françaises d'accéder à des ressources en langue espagnole et
en langue portugaise de grand intérêt. L' AMARC Europe a mené depuis plusieurs années des
échanges de programmes internationaux sur des thématiques liées à des journées spécialisées
telles que la journée contre le racisme du mois de mars. Une meilleure coopération dans ce cadre
est actuellement en chantier. Elle devra s'atteler à mieux traiter les questions des traductions et les
questions d'interopérabilité des bases sonores.
le SNRL
A l'époque où les radios du SNRL travaillaient ensemble sous le nom de CNRL, une petite équipe
professionnelle sous l'égide de la confédération produisait, sur des financements européens ou des
financements négociés avec des ONG, des séries d'émissions qui étaient diffusées par les radios
adhérentes. Cette pratique est moins valorisée dans les années récentes mais elle pourrait
reprendre vigueur notamment à travers des tâches menées dans le cadre des réseaux de l'
Economie sociale et solidaire ou dans le cadre européen.
5.2.7 Institution du média territorial comme nœud de communication dans un réseau de pairs qui
peut atteindre la dimension du monde entier.
Qu'il s'agisse de questions culturelles, des réseaux scolaires, de tel ou tel style de musique, mais aussi
de différentes questions sociales, littéraires, politiques, sportives, les compétences particulières
rassemblées dans telle ou telle radio peuvent lui permettre de prendre des initiatives très diverses
susceptibles de trouver dans le réseau global des radios une résonance particulièrement
intéressante.
Prenons un exemple dans le domaine de l'information internationale :
Une radio lyonnaise a organisé lors des deux dernières élections présidentielles sénégalaises des
soirées électorales en multiplex avec deux autres radios associatives françaises à Grasse et à
Bordeaux et avec une radio de Dakar pour couvrir l'événement. Les soirées ont été très riches, les
animateurs ont permis de développer des débats par téléphone avec des auditeurs dont plusieurs
appelaient d'autres villes. Un meilleur usage des outils de l'internet aurait permis de donner à
l'initiative plus d'ampleur.
5.3 Médias et territoires : l'angle de la communication
Toujours dans le souci de bien faire comprendre l'étendue sociale et culturelle des dynamiques
permises par l'usage des médias de territoires, continuons à en décrire les caractéristiques sous
l'angle de leurs fonctions en termes de communication.
Le linguiste classique Roman Jakobson (1981) distingue six fonctions du langage, qu'il met en
regard d' un processus de communication global, destinateur, destinataire, contexte, message,
contact, code.
•
« la fonction référentielle ou représentative, où l'énoncé donne l'état des choses. Elle est
aussi dénommée sémiotique ou symbolique.
•
la fonction expressive, où le sujet exprime son attitude propre à l'égard de ce dont il parle.
•
la fonction conative, lorsque l'énoncé vise à agir sur l'interlocuteur
•
la fonction phatique, où l'énoncé révèle les liens ou maintient les contacts entre le locuteur
et l'interlocuteur
•
la fonction métalinguistique ou métacommunicative, qui fait référence au code linguistique
lui-même
•
la fonction poétique, où l'énoncé est doté d'une valeur en tant que telle, valeur apportant
un pouvoir créateur. » (article « Roman Jakobson de wikipedia)
De la même façon, il convient de distinguer, dans l'exercice d'un média des fonctions exercées
dans la spontanéité de l'action comme si elles se confondaient, mais qui, quand un
dysfonctionnement survient, apparaissent dans leur étrange effacement, comme le signe de leur
importance. Reprenons, pour chacune des fonctions de Jakobson, l'attention nécessaire à ces
fonctions pour en montrer la pertinence dans les médias. Ce n'est pas ici le filage d 'une
métaphore mais la proposition d'une définition du média comme un langage : agencement de
mots, d'images ou de sons, perçus dans la perception de leur succession. Un média est de la
« parole congelée » (celles qu'inventait Rabelais dans Pantagruel, les paroles conservées de l'Isle
Sonnant), salée, fumée, conditionnée pour être transportée dans l'espace et conservée dans le
temps. Nous savons aujourd'hui décomposer les mots, les images et les sons des médias, les
recomposer, mais ces agencements de langage ont des fonctions qui, d'emblée, vont au delà de
leur fonction référentielle.
La fonction expressive est démultipliée dans un média car elle combine l'expression de la ou des
personnes qui prennent la parole devant le micro, la caméra, le carnet de notes et l'expression des
auteurs du reportage, du film, de l'article. Chaque objet médiatique est le montage de l'expression
des uns sous le regard de l'autre, l'objet d'une forme de synthèse expressive. C'est dans cette
fonction expressive que réside cette part affective si importante, pour le meilleur et quelquefois
pour le pire dans la vie d'un média local. Si des milliers de bénévoles se présentent au fil des ans
dans ces médias, c'est sans doute parce qu'ils ont des informations qu'ils souhaitent rassembler et
propager dans le domaine dans lequel ils ont compétence, mais aussi parce que la radio, la vidéo,
le journal est aussi pour eux le moyen de pénétrer dans des territoires sensibles, d'être reconnus
avec joie par des pairs, de s'éprouver affectivement dans des tâches de valeur.
La fonction conative est importante car elle figure la présence du « lectorat », de l'auditoire, du
public dans deux dimensions : les fidèles d'un média forment une sorte de communauté, se
forgent, au fur et à mesure des contacts avec leur média, une image spécifique d'eux mêmes et
des autres fidèles de ce média. L'autre dimension est l'effet en retour de l'existence des attentes
supposées du public du média sur les choix éditoriaux.
A travers la fonction phatique, on perçoit la création, le maintien d'un contact permanent entre le
média et son public. Cela rejoint cette fonction que nous avons décrite du média comme
instrument de densification des réseaux sociaux.
Il ne faut pas sous-estimer la fonction métalinguistique. Pour les médias participatifs, il est nécessaire
de permettre au public de s'approprier les conditions de production du document. Un média de
territoire, au plus près des populations et de leurs institutions de formation est avant tout un média
critique, qui se donne les moyens d'associer le public d'une manière ou d'une autre à la
compréhension des savoir-faire professionnels, il est souvent un média participatif.
La fonction poétique est également importante dans les médias associatifs. Le jeu avec les mots,
les images, les sons est aujourd'hui partout possible, grâce aux nouvelles techniques d'archivage et
de montage, moins coûteuses et plus faciles à pratiquer.
Mais il est vrai que le travail sur chacun de ces aspects de la communication permise par un média
associatif n'est pas toujours mené avec la conscience nécessaire pour un accomplissement
optimal. S'organiser pour jouer au mieux par exemple de la fonction poétique d'un journal ou d'une
radio demande à la fois un projet éditorial spécifique et des méthodes dont chacun n'est pas le
maître. Un journal lyonnais comme No-dogs par exemple était particulièrement intéressé par ces
travaux sur les jeux de la langue ou de l'image.
A travers ses choix éditoriaux, le découpage de ses rubriques, l'attention portée sur tel ou tel
personnage, sur telle ou telle initiative, un média local donne une vision originale de son territoire
qui ne se réduit pas à la suite des messages qu'il véhicule.
5.4 Média associatif, média territorial, média alternatif, média militant, média participatif.
Les acteurs réunis dans les médias territoriaux sont souvent confrontés, entre eux et avec les
institutions qui en sont les partenaires à des interrogations sur tel et tel point de leur positionnement
ou de leur identité. Chacun des adjectifs qui viennent préciser la nature de ces médias s'attache à
une particularité qui peut être plus ou moins présente, plus ou moins mise en valeur. Toutes ces
particularités ne peuvent pas être mises sur le même plan.
Dire d'un média qu'il est associatif attire l'attention sur différents aspects de la gouvernance et de
la répartition du pouvoir sur le média. Nous reviendrons plus loin sur les différents aspects
qu'implique l'appartenance au mouvement associatif : une forme particulière de direction, dont
les spécificités, plus ou moins bien maîtrisées par les équipes des radios associatives peuvent
conduire à des effets divers et pas toujours voulus, une proximité avec d'autres associations avec
lesquelles des partenariats peuvent être développés, des avantages dans leurs relations avec les
pouvoirs publics, mais aussi des limitations dans l'exercice de telle ou telle action.
Un média territorial se définit plutôt par les lieux de sa production et de sa diffusion, nous l'avons vu.
Les termes « alternatif » ou « militant » caractérisent la ligne éditoriale de l'équipe du journal, de la
vidéo, de la radio. Ils commandent la sélection qu'opèrent les membres du média à l'entrée dans
l'équipe, ils limitent les ressources auxquelles acceptent de recourir les membres du groupe, mais
garantissent souvent un engagement particulièrement fort autour du média. Comme dans le cas
d'un média lié à une structure extérieure, ils sont soumis aux aléas du champ du militantisme, à ses
recompositions, à l'évolution de ses thématiques. Dans les dernières années, le développement de
thèmes nouveaux ou renouvelés par les mouvement sociaux, tels que les mouvements en faveur
de l'environnement, les mouvements pour les droits de l'homme, les mouvements de solidarité
internationale, le mouvements liés au genre s'accompagne de thématiques fortement renouvelées
grâce aux mutations des outils techniques de la communication. C'est ainsi que se sont
développés « des formes radicales de créativité et de distributions : les mouvement anti-copyrights
et les mouvements de partages de fichiers entre pairs... » (Atton, 2004) Ces mouvements jouent un
rôle radical de critique culturelle portant sur l'organisation même des institutions à l'échelle
mondiale. On relève l'émergence d'une « sphère publique digitale » (Atton) de protestation qui se
retrouve dans des pratiques qu'on appelle communément « hacktivisme ». Alexandra Whitney
Samuel (2004) définit ainsi ce terme, auquel elle consacre sa thèse de sciences politiques :
« l'usage non violent d'outils numériques illégaux ou ambigüs du point de vue de la légalité en vue
de fins politiques » (Whitney Samuel , p.2).
Les mouvements de la jeunesse iranienne contre l'élection d' Ahmadinedjad en 2009 (Hare, 2011),
ceux des printemps arabes de 2011 (Burgat, 2012), le mouvement des indignés de l'Europe du sud
ou les mouvements des jeunes américains contre Wall Street ont donné à la constitution de cette
sphère publique de protestation quelques grands récits fondateurs.
Marc Deuze (2006) insiste sur l'importance du caractère multiculturel des sociétés contemporaines
pour souligner une des caractéristiques de ces nouveaux médias radicaux : ils sont des outils
participatifs dans lesquels les acteurs s'impliquent avec ardeur dans la reconnaissance de leurs
multiples appartenances, tenues pour des richesses expressives et pour des potentialités militantes,
en ceci qu'elles favorisent des alliances, des synthèses, le renforcement des mouvements.
Dire de ces médias qu'ils sont participatifs, c'est mettre en avant un rapport entre l'auteur et des
cercles de collaborateurs plus larges.
L'ensemble des radios communautaires et associatives dans le monde entier met en avant le
terme de « radio participative » pour désigner un rapport différent entre les auditeurs du territoire, la
radio elle même comme regroupement de personnes animées par des valeurs, et les programmes
(Carpentier et al. 2003) .
C'est d'abord l'identité du média communautaire qui le distingue des médias publics et des médias
commerciaux : la radio communautaire est d'abord celle des habitants du territoire, qui en
écoutant les programmes, reconnaissent leurs centres d'intérêt, les voix de personnes qu'ils
pourraient rencontrer dans la vie locale, et surtout un usage de la langue qui est le leur. Dans les
radios communautaires ou associatives, les langues des communautés, si elles sont différentes de la
langue officielle du pays, trouvent leur place, que les habitants aient la nationalité du pays ou
soient des étrangers.
Ensuite, les habitants sont associés à la confection des programmes de différentes manières.
Le recrutement des collaborateurs de la radio participative, qu'il s'agisse de salariés ou de
bénévoles, peut privilégier des personnes issues de la communauté, dont ils partagent la langue et
la culture, tout en acquérant, par des programmes de formation adaptés, les savoir-faire
professionnels de l'information.
Les formules des émissions peuvent faire participer un nombre important d'habitants à la prise de
parole. Cela peut consister en une simple association des auditeurs par téléphone à des émissions
touchant à des sujets divers, santé, vie quotidienne, relations hommes femmes, vie culturelle. Mais
on peut aussi procéder à la confection d'émissions issues d'un travail d'atelier de création
collective dans un groupe d'habitants. Par exemple des jeunes en recherche d'emploi, des
groupes de femmes dans un centre social, des collégiens peuvent s'associer durablement pour
traiter des dossiers de leur choix, couvrir des événements culturels, sociaux, sportifs pour la radio,
organiser la collecte de la mémoire des anciens.
Enfin un média participatif peut associer les habitants à la réflexion politique sur les choix qui sont
soumis aux citoyens dans un territoire, en organisant des émissions, en ouvrant des dossiers dans un
blog écrit ou dans un journal local.
Un des éléments importants de la constitution de ces nouveaux usages des blogs et journaux
personnels est qu'il sont non plus comme naguère, nous l'avons dit, des espaces privés voire
secrets, mais qu'ils s'affichent, avec plus ou moins de succès à l'attention de tous. Cela conduit à
une visibilité très largement étendue de textes et de documents et il est aisé, qu'il s'agisse d'écrits,
d'images numériques ou de sons, de se procurer les documents, de les découper, de les remonter
et de les inclure dans de nouveaux documents. La pratique de la citation plus ou moins
honnêtement menée jusqu'au plagiat est une pratique très ancienne et de tous temps très
répandue. Elle a été
analysée par de nombreux historiens des idées. Citons particulièrement
Antoine Compagnon (1979), qui , bien avant l'avènement des moteurs fabuleux du bricolage
numérique mondial des meilleurs mots, s'amusait du travail de la citation, plaçant Montaigne parmi
les bienfaiteurs, qui écrivait, « nous ne faisons que nous entregloser ». Le numérique en réseau
favorise le repérage puis éventuellement la reprise de documents divers, mais il favorise aussi le
repérage des citations non sourcées, essentiellement dans le domaine de l'écrit. Des affaires de
plagiat notamment dans le monde académique mais aussi dans le monde de l'édition d'ouvrages
d'actualité ont été récemment médiatisées.
La délibération publique, au-delà des petits groupes impliqués dans la confection d'un dossier
thématique, se fait par l'accumulation dans un même média participatif ou dans un même groupe
de médias, reconnus pour leurs liens d'intention et la similitude de leurs méthodes. Elle agit
également par un effet d'empathie, les personnes qui s'expriment sur un sujet, ou celles qui tendent
le micro ou tiennent la caméra sont perçues comme semblables entre elles et semblables aussi à
l'auditeur ou au spectateur. Ces capacités que peuvent construire les médias participatifs à
s'insérer dans les délibérations publiques nécessitent un travail spécifique sur les protocoles, les
manières de représenter la diversité des idées possibles avec des porte-parole en nombre
forcément limité.
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voir aussi :
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http://www.alexandrasamuel.com/dissertation/pdfs/Samuel-Hacktivism-entire.pdf
SECTION 6
MÉDIAS ET DÉBATS CITOYENS : COUVERTURES D'ÉVÉNEMENTS,
MÉDIAS DE LA DIVERSITÉ
Les médias associatifs participent à la construction des débats politiques à la fois dans leur
dimension locale et dans leur dimension globale. Les choix éditoriaux faits au jour le jour par les
journalistes des radios, des journaux ou des vidéos participatives, contribuent à la définition de
l'agenda politique dans son ancrage local.
Par exemple le traitement fait par les médias de Rhône-Alpes de la campagne électorale des
européennes a permis de faire émerger la question des capacités d'influence des députés
européens dans différents domaines proches de la vie des gens.
6.1. Les événements couverts
A l'initiative de leurs regroupements régionaux ou nationaux mais aussi sous la seule influence de la
présence conjuguée d'un agenda politique commun et d'institutions locales du même type, il n'est
pas rare que des événements soient couverts en même temps par de nombreux médias
associatifs. Nous en donnerons ici quelques exemples, en en montrant l'intérêt et la portée mais
sans passer sous silence la nécessité de renforcer ces mouvement à tous égards, meilleur usage
des potentiels des médias regroupés, meilleure coopération avec les organisateurs des
événements, meilleures pratiques techniques, financements appropriés...
6.1.1 Couverture de festivals musicaux, cinématographiques, de rencontres culturelles variées.
Dans le domaine du cinéma, à l'initiative d'Agora FM de Grasse, une couverture collective du
festival de Cannes permet à la fois de donner aux radios qui le souhaitent des échos
particulièrement copieux et travaillés de ce rendez-vous qui intéresse les auditeurs dans toutes les
régions. Il en est de même pour le festival des cinémas du monde de Nantes, le Sixième continent.
Dans les deux cas, la mise en réseau des radios dans le cadre du GIP Epra a fourni un cadre
technique et social de coopération. A travers les premiers échanges de programmes permis depuis
2007 par la Cranc-ra, mais aussi à travers les rencontres régulièrement organisées entre radios
associatives de la région, on se rend compte que, dans le domaine du cinéma, de nombreuses
radios, d'une manière plus individuelle, couvrent un grand nombre de festivals. Ce sont des festivals
qui se déroulent dans la région, festival d' Annecy du film d'animation, le festival du court métrage
de Lussas (07), festival d'Annonay (07) du premier film , festival d' Aubenas (07), d' Autrans, dans la
région lyonnaise, le festival Lumière et les festivals de Vaulx en Velin, de Bron, de Grigny, de
Villeurbanne, de Villefranche-sur-Saône. Mais au-delà, des bénévoles des radios associatives de la
région se rendent régulièrement dans des festivals extérieurs comme le festival de Venise. Dans ce
domaine comme dans bien d'autres, organiser la coopération entre les bénévoles des différents
médias doit faire partie des objectifs des organisations fédérales.
Dans le domaine musical, les émissions musicales des différentes radios de la région couvrent un
très grand nombre de manifestations dont témoigne le serveur de sons de la Cranc-ra, elles
rejoignent les couvertures permises par la presse d'expression écrite. Comme dans le domaine du
cinéma, ces initiatives se rapportent au premier chef aux événements musicaux organisés dans la
région, mais la plupart des événements de portée nationale sont également couverts par des
membres des médias participatifs de notre région, printemps de Bourges, Eurockéeennes de
Belfort, Francofolies de la Rochelle. Une organisation spécialisée comme la Férarock à laquelle
appartiennent plusieurs radios de notre région assure une coopération construite pour la
couverture des festivals de rock à l'échelle nationale, mais dans ce domaine, un travail coopératif
entre médias, à travers la diversité de leurs supports, devrait permettre un meilleur service à la fois
au bénéfice des musiciens et au bénéfice des publics.
6.1.2 Couverture d' événements sociaux, de débats citoyens
Les rencontres solidaires et l'économie sociale et solidaire
Chaque année, les organisations qui rassemblent associations, mutuelles et coopératives
organisent en novembre le Mois de l'économie sociale et solidaire. En Rhône-Alpes, dans le cadre
des rencontres solidaires et sous l'impulsion du Conseil Régional, de nombreux médias articulent
leur action avec celle des acteurs du domaine, reportages, couverture d'événements, studios
coopératifs. On retrouve dans plusieurs régions des initiatives de même inspiration : en lien, en
Bretagne avec l'USGERES, en lien en Haute Normandie avec la Cress. La présence, quelquefois de
longue date, dans ces régions, mais aussi en Aquitaine, en Champagne-Ardennes, dans le Centre,
en Provence Alpes Côte d' Azur, de représentants de médias associatifs dans les instances des
Cress ou des représentations régionales de l'USGERES favorise ces initiatives. La mise en commun
nationale de toutes ces initiatives reste à renforcer.
Les Dialogues en humanité
A l'initiative du Grand Lyon ont lieu chaque année au mois de juillet au Parc de la Tête d’Or les
« Dialogues en humanité ». Ce rassemblement se veut un « forum mondial de la question
humaine ». Il est né en 2002 lors du Sommet Mondial de Johannesburg d' un projet commun entre
Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon et président de la Communauté Urbaine du Grand Lyon,
le philosophe Patrick Viveret et Geneviève Ancel qui coordonne tout au long de l'année cet
événement qui a essaimé aujourd'hui dans plusieurs autres régions du monde. Les Dialogues en
humanité sont placés sous le Haut Patronage de l’Unesco. Chaque année, un ou plusieurs médias
de proximité installent un studio au sein du Parc de la Tête d'Or pour rendre compte des débats
mais aussi apporter leur contribution à la réflexion sur le rôle des médias locaux dans un monde en
changement.
L' Université européenne de l'engagement
L’Afev (Association de la Fondation étudiante pour la Ville) organise chaque année à la fin du mois
d'août son Université Européenne de l’Engagement. Elle rassemble ses salariés , ses volontaires et
ses bénévoles pour des rencontres de réflexion et d'engagement qui leur permettent d'approfondir
des thématiques en prise sur les évolutions de nos sociétés et les nourrissent pour leur engagements
quotidiens dans les quartiers populaires.
Ces rencontres ont eu lieu à Lyon, en 2010 et 2011 et la réflexion menée avec des universitaires,
des politiques et des membres de la société civile autour de l’engagement de la jeunesse dans la
lutte contre les inégalités a été médiatisée par les médias citoyens de Rhône Alpes à travers la
coopération des différents outils.
Ainsi en 2011, Bresse TV, radio Pluriel, radio d’ Ici, radio Trait d’ Union, le journal No Dogs,
accompagnés du Lyon Bondy blog et de l'association Esprits critiques ont couvert l’événement
par des vidéos, des articles et des émissions radio.
Forum de Lyon
Lors du Forum du journal Libération qui s'est tenu à Lyon les 25, 26, 27 novembre 2011, un grand
nombre de journaux, web radios, revues animées par des étudiants ou d'associations étudiantes
lyonnaises ont partagé leurs efforts entre l'organisation de débats complémentaires, un Forum off
et la couverture médiatique du Forum de Libération proprement dit. Soutenus pas les médias qui se
sont donnés comme l'un de leurs objets de réfléchir sur l'évolution de l'espace public (« Sens
public ») ou regroupements de médias jeunes (« Esprit critique »), les participants à ce
regroupement ont développé un site web pérenne qui accueille leurs réalisations et sera ouvert à
des initiatives récurrentes.
6.2 Les médias de la diversité
Les médias associatifs sont essentiellement des médias de la diversité, mais ils pourraient aussi être
les médias du repli communautaire, de l'exclusion réciproque.
L'histoire de la presse des migrants est très ancienne. L'un des fondateurs entre les deux guerres de
l'école sociologique de Chicago, dont on sait l'importance dans l'étude de l'immigration aux EtatsUnis était Robert Ezra Park. Il publiait en 1922 une étude très complète sur la presse migrante, pour
conclure à l'importance de cette presse pour l'intégration sociale et culturelle des migrants.
Le recours à l'histoire des évolutions depuis une trentaine d'années du traitement de la diversité des
populations vivant ensemble en France est éclairant.
Dès 1981 les radios de l'immigration et les radios des langues de France ont pris leur essor. Dans les
deux cas le contexte éclaire les évolutions. Comme le relève l'un des fondateurs de Radio Gazelle
à Marseille, Salah Bariki (1994) l'effloresence des radios montées par des personnes ou par des
groupes immigrés ou issus de l'immigration est très importante et vient de la conjonction de « la fin
du monopole » mais aussi de « l'égalité en matière de droit d'association et (des) conséquences
de la politique giscardienne de l'immigration ». En Rhône-Alpes le développement de Radio Trait
d'Union de l'aveu de son fondateur, Mohamed Messoussa, est bien en effet dû à ces ouvertures
possibles que de petits groupes de personnes ont su saisir dans le courant de l'année 1981. Il en est
de même de Radio Kaleidoscope à Grenoble, mais aussi de radio Arménie à Lyon, de radio A à
Valence et de la radio italienne de Grenoble. C'est également en 1981 que naissent les radios
confessionnelles, radio Fourvière, qui sera le point de départ dans les années ultérieures du réseau
RCF et radio Judaïca à Villeurbanne.
Dans les années qui ont suivi, plusieurs évolutions sont à noter. Le Fonds d'action sociale pour les
travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) décide de subventionner plusieurs de ces radios
susceptibles de renforcer le lien social entre les familles issues de l'immigration, conformément à
l'objet social de cet établissement public. On rappelle que le FAS avait été créé en 1958 au plus
fort de la guerre d'Algérie. Placé sous la tutelle de la Direction de la Population et des Migrations
du Ministère des affaires sociales, il est chargé de « promouvoir une action sociale et familiale en
faveur des salariés travaillant en France métropolitaine dans les professions visées par le régime
algérien d'allocations familiales et dont les enfants résident en Algérie » (ordonnance du
29
décembre 1958). Il est financé à l'origine par les allocations familiales versées par les employeurs et
les salariés.
Salah Bariki relève que « les pays d'origine, absents lors de la création des radios, ont cherché à
les influencer par la suite, à l'image de ce qui se passe pour la Mosquée de Paris.» (op. cit.)
Dans les années 1980 et 1990, plusieurs évolutions sont à relever :
–
création de radios puis de télévisions commerciales souvent avec certains acteurs issus du
mouvement des radios associatives. Le succès important des radios de l'immigration joint
aux évolutions générales des lois touchant aux radios qui aboutissent à la loi de 1986 sur la
communication conduisent à la création de radios commerciales en réseau dans le champ
ouvert par les radios associatives. C'est notamment le cas de Beur FM , radio associative à
l'origine dès 1981, mais devenue commerciale en 1992, et de Radio Orient, qui suit la même
évolution depuis sa création en 1982 sous forme associative et son développement
commercial en réseau ultérieur. Ces deux radios sont présentes en Rhône-Alpes, Beur FM à
Saint-Etienne, Grenoble et Valence, Radio Orient à Lyon et à Annemasse. Un travail de
recherche a été récemment consacrée aux Etats Unis à la comparaison entre l'usage de la
radio par le FLN depuis le territoire français pendant la guerre d' Algérie et celui qu'en fit
radio Beur dans les années 1980 sous l'angle de l'étude des « discours de l'identité postcoloniale » (Iddins, 2010).
–
Développement en France comme partout de la réception par satellite des télévisions et
des radios des pays d'origine dans les foyers d'origine immigrée.
–
Travail de mise en réseau, à l'initiative du FAS, des radios associatives de l'immigration avec
Radio France Internationale par la création de la banque d'échange de programmes
EPRA, conçue à l'origine pour améliorer le contenu des radios associatives immigrées et qui
au fur et à mesure de sa croissance, après sa création en 1992 a permis des évolutions
intéressantes :
–
mise en place d'une relation de plus en plus construite entre les radios de
l'immigration et l'ensemble des radios de territoires, en milieu urbain comme en
milieu rural, qui s'est traduite par un nombre d'adhésions aujourd'hui au GIP Epra de
plus de 160 radios dont beaucoup de radios de Rhône-Alpes, réparties dans les huit
départements.
–
développement de la capacité des radios à produire des programmes de qualité,
échangeable dans le réseau et représentatifs de la vie sociale des territoires. Cette
évolution s'est faite à la fois par le système d'achat des programmes aux radios par
le GIP, par un système de sélection et d'amélioration des programmes soumis, par
un programme de formation des membres, bénévoles et salariés des radios, par une
bonne émulation dans le réseau.
–
facilitation de la modernisation des radios associatives, incitées à utiliser, dans toute
leur chaîne de travail, des outils numériques. Une étude commandée par l'Epra en
2005 à IPSOS Media (op. cit.) faisait notamment apparaître la rapide généralisation
dans les radios liées à l'Epra d'équipements numériques et notamment d'automates
de programmation d'antenne, ce qui a permis par la suite au GIP d'imaginer une
chaîne de circulation et de transformation de documents sonores et de données
associées ente les radios et l'équipe nationale du GIP.
–
développement des formules dans la politique de programmation des radios
associatives visant à intégrer dans ses propres programmes locaux, des éléments
partagés avec d'autres radios.
Sous l'influence de ces évolutions globales et du travail de structuration des échanges entre les
radios favorisé par l'action des pouvoirs publics, on a pu observer une maturation des radios
associatives dans leur traitement de la diversité culturelle avec un passage progressif au traitement
du vivre ensemble sur une base territoriale. Une étude menée en 2004 à la demande du FAS-ILD et
portant sur les radios financées par cet organisme (le FAS-ILD avait succédé au FAS avant de
devenir l'ACSE) a fait le point sur l'évolution de ces radios (Lataulade et al. 2004). Parmi les neuf
radios dont les monographies avaient contribué à nourrir cette étude, une radio de Rhône Alpes,
Radio Pluriel, dont nous donnons en annexe du présent rapport le descriptif développé par la
sociologue Catherine Froissart. L'enjeu est de taille car comme l'ont abondamment documenté
Hartmann et Gerteis (2005 ), la diversité peut recouvrir des démarches sociologiques tout à fait
différentes, entre celle qui isole les communautés et celle qui au contraire favorise leur intégration
dans un ensemble territorial. Rogers Brubaker (2005), dans son approche de sociologie cognitive
des questions de l'identité nous conforte dans l'idée de l'importance à la fois du mouvement des
radios associatives et de l'évolution, nécessaire mais qui devrait être mieux comprise et soutenue
des médias associatifs vers la dimension d'une territorialité partagée, tenant compte des
expériences prolongées telles que celles de l' Epra.
Une autre dimension de la question de la diversité culturelle dans notre pays est liée au débat sur la
globalisation et à l'évolution des relations internationales. Accueillir et renforcer l'expression d'une
diversité linguistique et culturelle dans notre pays permet de maintenir et de développer des
capacités de passages, de mises en relation qui peuvent être bénéfiques à une meilleure
intégration économique et politique de notre pays voire de notre région dans le monde. C'est ce
qu'évoque notamment Pierre-Jean Benhozi : « l’enjeu principal des débats publics autour de la
diversité : favoriser l’émergence de solutions opératoires permettant de concilier les exigences de
la dimension économique des échanges culturels avec celles tenant à leur dimension identitaire.
Les politiques culturelles se situent probablement, de ce point de vue, au stade où en étaient les
politiques environnementales il y a une vingtaine d’années, avant le forum de Rio. » (Benghozi 2004
p. 6)
Parallèlement se construisait en France une « politique de la ville » à laquelle l'action en RhôneAlpes de la municipalité de Grenoble sous la conduite d'Hubert Dubedout n'est pas étrangère
(Jobert et al. 1995, Chevalier, 1996). En quelques années, les priorités de l'action publique ont été
placées moins sur les thèmes de l'intégration des immigrés que sur ceux de la vie commune dans
les quartiers populaires. Parmi les thème corrélés celui de la lutte conte les discriminations est
particulièrement important.
La lutte contre les discriminations devient un thème central dans l'action des pouvoirs publics.
Relevant l'apparition et la généralisation de tout une terminologie liée aux discriminations dans les
propos des acteurs sociaux, le sociologue Didier Fassin
Le travail collectif réalisé par les radios depuis 1992 dans le cadre de l'Epra a permis à ces radios
associatives implantées dans les quartiers populaires des villes importantes et moyennes de notre
région de répondre efficacement à la demande faite par le Ministère de la ville en 2010 d'infléchir
les thématiques mises en œuvre pour les échanges de programmes d'un accent mis sur
l'intégration des immigrés à un accent mis sur le « vivre ensemble » dans la ville. L'évolution
générale, et tout particulièrement en Rhône-Alpes, des relations entre les villes et les territoires
ruraux montre l'importance aujourd'hui de ce que les statisticiens et les administrations responsables
de l'aménagement du territoire appellent les « aires urbaines » (Le Jeannic, 1996). Cette évolution
est telle que les radios implantées en milieu rural, nombreuses dans notre région, ne sont pas
exclues du système de partage de programmes du fait du développement croissant de l'influence
économique des villes sur les territoires qui les environnent, notamment dans le domaine essentiel
de l'emploi.
Avec le soutien de l'Union Européenne et du Conseil de l'Europe, l'Institut Panos Paris a animé
pendant plusieurs années une réflexion commune sur les médias de la diversité ou sur la diversité
dans les médias. Cela a permis la rencontre de responsables ou de membres témoins des
difficultés de la représentation des minorités visibles dans les médias dominants et d'acteurs de
médias privés, commerciaux ou associatifs, animés de lignes éditoriales très diverses mais
rassemblés par le souci de donner l'image de la France d'aujourd'hui dans la diversité des origines
de ses habitants. A la suite de ces rencontres, l'Institut Panos a publié le premier guide des médias
des diversités, recensant « quatre vingt titres de presse écrite, une soixantaine de sites
d'informations en ligne, quatre vingt radios, 240 émissions de la diversité et Web radio et une
dizaine de télévisions. » (MediaDiv, 2007)
Depuis, le mouvement pour la reconnaissance de la nécessaire diversité dans les médias s'est
poursuivi. Sur le plan légal, la loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances a modifié la loi du
30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en confiant au Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel « le soin de veiller à la représentation de la diversité dans les médias audiovisuels, et
de contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations ».
A cette fin, le CSA a créé un Observatoire de la diversité dans les médias audiovisuels présidé par
Rachid Arhab, et dont le vice-président est Alain Méar. Dans cet observatoire sont associés des
représentants d’organismes publics tels que la HALDE, la CNIL et le HCI et des professionnels de
l’audiovisuel.
Un rapport commandé « la diversité dans les médias » a été présenté à
M. Yazid SABEG,
Commissaire à la diversité et à l’égalité des Chances par la Commission Médias et Diversités
présidée par M. Bernard Spitz. Inspirée par Convention de l’UNESCO du 20 octobre 2005 sur la
diversité culturelle, la commission s'est principalement focalisée sur la diversité dans les médias
nationaux et a peu enquêté sur les médias de territoires.
Les radios de la diversité linguistique
Certaines radios font également le choix de la pratique des « langues de France » autres que le
français, qu'il s'agisse de langues minoritaires comme le breton, l'occitan, le basque, le corse ou le
catalan, ou de langues portées par des personnes originaires d'outremer comme le tamazigh ou
les créoles des Antilles ou de la Réunion.
Certaines de ces radios, notamment au Pays basque ou en Bretagne utilisent exclusivement la
langue de leur territoire, d'autres sont bilingues. Les radios basques travaillent en réseau régional à
plusieurs radios mais développent des liens importants avec leur fédération régionale de radios
associatives (la Fédération aquitaine des radios libres, FARL) mais aussi sur le plan national avec le
SNRL et sur le plan international avec l'AMARC. Particulièrement en Bretagne et au pays basque
ces radios associatives bénéficient d'un soutien financier important de la part des conseils
régionaux du fait de leur fonction linguistique et civilisationnelle.
Les contenus de civilisation portés par ces langues minoritaires contribuent à la conservation et à
un nouvel essor de ces langues. Ils peuvent être de surcroît d'importants outils éducatifs pour les
jeunes générations et figurer des instruments de liens intergénérationnels.
Indications bibliographiques section 6.2
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Le site du CSA et son travail sur la diversité dans les médias
http://www.csa.fr/upload/dossier/Promotion_diversite_dans_medias.pdf
6.3 Les médias établissent les scansions du temps, les agendas politiques, contribuent à la
construction des générations, à l'établissement et à l'articulation des problèmes sociaux
Mettant à profit les avancées d'auteurs aussi différents que Grégory Bateson en anthropologie,
Erwin Goffman en sociologie ou Kahneman, et Tversky en économie, B Van Gorp (2007) synthétise
la notion de cadre (frame) ou de cadrage (framing) et en montre le caractère fondamental dans
l'exercice des médias et dans l'influence qu'ils ont sur les représentations des populations. Maxwell
McCombs et Shaw (1972) avaient montré de longue date l'importance de la presse dans la
détermination des agenda : qu'est ce qui dans l'actualité peut faire l'objet de récits suivis, qu'est ce
qui va être attendu du public, à quoi vont devoir répondre les acteurs en position d'intervenir dans
les jeux de pouvoir ainsi construits. Ces dernières années, McCombs (2005) montre la pérennité » de
ce modèle et l'importance encore accrue que lui donnent les « nouveaux média ».
Plus généralement des auteurs comme Dietram A. Scheufele (2007) montrent le rôle que jouent les
médias dans la construction des représentations de la population. Il s'agit bien de cognition, de
perception, de mémorisation, de langage : comment se constituent des problèmes sociaux,
comment ils sont construits dans un vocabulaire évolutif et structuré, comment ils sont régis par des
cadres spatiaux et temporels qui organisent les perceptions et les mémorisations et permettent aux
groupes sociaux de formuler leurs représentations. En France, Jean-Gustave Padioleau (1982) avait
montré l'importance de la notion d' « agenda politique » dans l'évolution des représentations et
des pratiques des acteurs du champ public, qu'il s'agisse des élus ou des fonctionnaires.
Dès 1928, le sociologue Karl Mannheim avait fait de la notion de génération un élément important
d'une sociologie cognitive qu'il appelait de ses vœux. Comme le présente très bien l'une des ses
traductrices en français, Nia Perivolaropoulou (1992, p. 167) , il faut comprendre une génération
comme on comprend une classe sociale, comme un des lieux essentiels où se forgent les
connaissances. Or Mannheim montrait bien comment les membres d'une génération se
reconnaissaient entre eux et se différenciaient des autres générations autour de quelques dates et
images fortes caractéristiques de leurs jeunesses. Instruits de l'importance de cette notion, nous
serons particulièrement attentifs à la façon dont les événements en cours contribuent à construire
le monde culturel des générations nouvelles et à la façon dont les événement passés doivent
toujours être réinterprétés, repris, remémorés, génération après génération, dans les nouveau
cadres que l'actualité la plus récente a contribué à dresser. Il y a là à la fois un élément à prendre
en considération dans l'appropriation des médias d'aujourd'hui, et dans leur nécessaire
adossement sur les connaissances historiques.
Indications bibliographiques section 6.3
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Section 7
Les innovations potentielles et petit à petit actualisées
permises par la numérisation et par l'internet
Penser les changements technologiques dans leurs impacts sociaux est un programme essentiel qui
suppose à la fois une bonne connaissance des possibilités techniques et une observation fine des
usages. Saskia Sassen (2002, p. 365) en développe l'ambition : « capturer les imbrications
complexes de la technologie et de la société. »
Toutes les possibilités ouvertes par la numérisation des données peuvent être pensées, d'une
manière très générale, à la façon que propose Daniel Bougnoux quand il invite à reconnaître
l'importance de la pragmatique au détriment des linguistiques de l'énoncé pour la bonne analyse
des nouvelles pratiques de communication. C'est dans les nouveaux dispositifs qui nous mettent en
relations, par la conjonction de plusieurs sens, avec les objets de connaissance et avec les autres
personnes que nous transformons nos pratiques culturelles et que nous développons nos
apprentissages.
La réflexion sur la portée cognitive et culturelle de la reproduction mécanique des œuvres est
essentielle. Elle fut inaugurée par Walter Benjamin. John Berger dans un court texte très pénétrant
insiste sur la puissance des images reproduites à l'envi dans la constitution de nos répertoires
perceptifs : tout ce qu'on voit aujourd'hui, de la perception la plus naïve, aux remémorations les
plus construites incorpore ces corpus aujourd'hui immensément démultipliés des images
reproduites.
Avant même que ne soit posée la question de la numérisation de la diffusion pour les médias
audiovisuels, et notamment, pour les radios avec la RNT (radio numérique terrestre), le numérique
et l'internet ont pénétré dans les pratiques des médias associatifs. Ici comme ailleurs, la région
Rhône-Alpes a été pionnière. La proximité en effet des réseaux universitaires et des médias
associatifs a assez rapidement, dès le début des années 1990, permis l'émergence de pratiques
nouvelles. C'est au milieu de ces années là que radio Brume, radio étudiante de Lyon-Villeurbanne
a créé un des premiers sites web de radio qui a rapidement, du fait notamment qu'il mettait en
ligne un annuaire des radios associatives, connu une belle fréquentation. Rapidement dans la
suite, radio Pluriel créait son premier site, bénéficiant elle aussi de sa proximité avec le monde
académique et cette radio mettait en place les premiers serveurs web de la fédération régionale
DIRA (département inter-radios associatives) et de l'organisation nationale CNRL (confédération
nationale des radios libres). Mais ces sites restaient des vitrines de communication et ne
comportaient pas au début des fonctions utilisant les bases de données. L'équipe de radio Brume
mettait alors au point un des premiers logiciels d'automation de gestion d'antenne, Paulo. Celui-ci
fut adopté par un grand nombre de radios associatives et maintenu jusqu'à une période récente
par les anciens de radio Brume après qu'il avaient contribué à créer la société VDL, très présente
aujourd'hui ans le numérique terrestre radio à l'échelle nationale voire internationale.
Cependant, ce n'est qu'au milieu des années 2000 que la pratique des outils numériques et de
l'internet se généralisa dans les radios associatives comme dans les autres médias participatifs.
7.1. Le numérique dans les interactions entre les membres des médias et avec leurs partenaires
L'étude ethnographique et historique de la pénétration dans les collectifs des formes numériques
de collaboration reste à opérer pour les médias associatifs. Elle bénéficiera de toute une littérature
internationale qui articule théorisation synthétique (DiMaggio et al., 2001) et études de cas
(Howard, 2002). L'usage, à l'intérieur même de chaque équipe de média associatif, des formes
numériques d'interaction s'est aujourd'hui généralisé. Elle produit des effets que les dirigeants des
associations ont souvent du mal à maîtriser (voir à ce sujet les travaux de l'école de Raymond
Boudon sur les effets pervers, effets non voulus de l'action). On retrouve ces formes d'interaction
entre les différents médias, dans leurs structures de collaboration mais aussi dans leurs relations
avec leur environnement, dans toute sa diversité.
Mais la numérisation, locale et en réseau a bien d'autres effets, plus spécifiques aux différents
médias et dont l'étude ethnographique promet beaucoup, car comme dans tous les phénomènes
émergents massifs, elle pose des questions nouvelles et pose de façon nouvelle des questions
anciennes : questions juridiques portant notamment sur les droits, questions économiques, y-a-t-il
dans ces formes nouvelles le germe d'une disparition des médias, ou au contraire des possibilités
de diversifications des méthodes de travail et des ressources ?
Dans la suite des travaux classiques de Michel de Certeau sur les usages quotidiens et des travaux
de muséologie d'auteurs comme Jean Davalon se sont développés dans les dernières années
d'importants travaux visant à mieux comprendre la façon dont les publics, dans leur diversité,
s'approprient les nouvelles possibilités ouvertes par les technologies multimédia, dans les différents
espaces, souvent composites, dans lesquels elles se déploient (Joëlle Le Marec, Yves Jeanneret)
7.2. Maîtrise de la durée
Quel que soit le média, le développement des outils d'archivage et la baisse très importante des
coûts constatée assez récemment permet à chacun des médias, écrits, radios, audiovisuels, de
conserver durablement une mémoire de ses documents. La numérisation permet de sortir du
linéaire, de la submersion dans l'instant : chaque parole , chaque événement acquiert de la durée
et permet la confrontation entre les périodes et entre les espaces.
Là encore d'intenses débats sont menés dans les équipes sur l'opportunité et sur les formes de ces
archivages. On réfléchira sur ces questions en s'appuyant sur l'observation des pratiques et le
recueil de positions diverses. Mentionnons la réflexion élaborée dans d'autres champs de l'étude
des usages culturels et commerciaux de l'internet : celle de Chris Anderson sur la « longue traîne »
(2006).
Le fort développement de l'offre documentaire sur internet pose aujourd'hui d'épineuses questions
de sélection et de pertinence. C'est ce type de questions que les radios associatives réunies dans
la confédération Cranc-ra se posent depuis la mise en place de leurs serveur de dépôt d'émissions
fin 2007 ou qui préside à l'élaboration du site www.mediascitoyens.org. Il est nécessaire de
comprendre la nécessité, pour les documents audiovisuels, d'une description pertinente dans un
format texte de leurs contenus Et cela pour deux raisons : dans le mouvement pour la visibilité des
documents, il est nécessaire de décrire finement les documents déposés en ligne de sorte qu'ils
apparaissent accessibles avec pertinence. L'autre raison est qu'un document s'inscrit dans un
ensemble cognitif complexe dans lequel des liens avec d'autres documents sont nécessaires. La
complémentarité entre la base sonore des radios, qui pourrait être étendue à d'autres document
audiovisuels et le site documentaire de MédiasCitoyens est celle là : comment articuler l'archivage
des données de base et leur insertion dans des ensembles documentaires.
Un élément de
réponse pourrait résider dans le renforcement des outils d'archivages qui bénéficierait de
l'expérience des documentalistes, bibliothécaires et archivistes. Dans les années, toutes récentes,
du web sémantique, il est possible d'abord de maintenir l'autonomie des collectifs de toutes tailles
qui déposent des documents sur le web, autonomie rédactionnelle et autonomie des gestion des
accès aux documents. Mais en même temps l'interopérabilité des dépôts d'archives peut être
assurée par l'adoption d'un protocole d'échanges bien utilisé aujourd'hui dans le monde de la
recherche scientifique
La question reste essentielle des relations entre des mondes divers, munis à la fois de bases
documentaires et de présentations ouvertes. Il y a des possibilités techniques
de développer
l'interopérabiilité des documents, mais la question des traductions de groupe à groupe reste
essentielle.
La région Rhône-Alpes a été pionnière dans l'évolution des pratiques de mise en place des
fournisseurs de données et des fournisseurs de services travaillant sous ce protocole. Nous disposons
en effet à Villeurbanne, installé dans le cadre du centre de calcul de l'IN2P3, du CCSD (Centre
pour la communication scientifique directe), qui a développé en France les archives ouvertes dans
le monde de la recherche scientifique. Encore à Lyon, l'Institut des sciences de l'homme a été
pionnier dans le développement des archives ouvertes dans les sciences humaines et sociales
avec notamment la base HAL-SHS. L 'université Lumière Lyon 2 a joué un rôle important dans la
mise en place de la base de revues en sciences humaines et sociales Persée. L' ENSSIB, à
Villeurbanne a beaucoup fait pour favoriser la réflexion sur les archives ouvertes dans le monde des
bibliothèques, des archives et de la documentation. 1
Les bases sélectionnées dans Calame restent dans le monde académique, mais l'interopérabilité
permise par le protocole OAI-PMH ouvre à des usages plus ouverts sur les échanges avec le
monde de l'éducation et le monde de la vie culturelle et associative. Le rôle des bibliothèques et
médiathèques de lecture publique peut être important dans cette ouverture des types de
documents et de bases accessibles à l'interopérabilité.
Un exemple de fournisseurs de données dans le monde associatif : les échanges de programmes
entre radios.
Un exemple tout récent dans le monde des radios associatives montre la faisabilité pour une
structure non académique de la migration sous ce protocole. Le GIP Epra qui favorise les
productions et les échanges de programmes entre radios associatives et avec Radio France
internationale à propos de l'immigration et la politique de la ville a récemment adopté le
protocole OAI-PMH.2
Un exemple de fournisseurs de service à la jonction entre le monde académique et les pratiques
sociales : le moissonneur du serveur Créville.
Le moissonneur de Créville, qui s'appelle OAI ville, moissonne dans un nombre important d'archives
documentaires francophones dans le domaine de l'aménagement urbain et des sciences sociales
de la ville. Sa consultation donne une bonne idée du fonctionnement pour l'usager. 3
1Voici un chapitre de livre, par Muriel Foulonneau, de l' ENSSIB à Lyon Villeurbanne
du même auteur
Réseaux d’archives institutionnelles en Europe: logiques de développement et convergences
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/20/50/49/HTML/
2 site de l' Epra
http://archives.gip-epra.fr <http://archives.gip-epra.fr/oai?verb=ListRe
liste mondiale des plus de 1300 dépôts dans lesquels figure l' epra
http://www.openarchives.org/Register/BrowseSites
3http://crevilles.org/
http://crevilles.org/mambo/index.php?option=com_wrapper&Itemid=217
<http://crevilles.org/mambo/index.php?option=com_wrapper&amp;Itemid=217>
L'extension des possibilités de créer des serveurs de données sous protocole OAI-PMH mais aussi
des moissonneurs pourrait être bénéfique à plus d'un égard dans notre région.
7.2.1. Développement de bases documentaires plus visibles
De plus en plus d'acteurs de notre région ont mis en place des bases documentaires. Les visites
dans les grands moissonneurs comme OAISTER 4 montrent que les tailles des réservoirs sont très
variables et leurs thématiques très diverses. Une base de donnée sous ce protocole acquiert
d'abord une plus grande rigueur due à l'adoption des normes bibliographiques du Dublin Core. Elle
trouve, par sa proximité avec d'autres bases de même nature un environnement disciplinaire
propice aux meilleures découvertes et aux meilleurs échanges. Le caractère mondial de l'OAI
(1408 bases à ce jour dans de nombreux pays) 1 permet de développer des contacts lointains, ce
qui a pour effet d'ouvrir les champs d'influence et de relations des auteurs et de développer ce
que le sociologue Mark Granovetter appelait des « liens faibles »2.
Dans le cas par exemple des bases de sons des radios associatives ou des bases de vidéo des
télévisions et vidéos de quartier et de pays, la passage sous ce protocole documentaire des bases
de chacun des opérateurs ou groupements d'opérateurs permettrait à la fois, de favoriser leurs
échanges entre eux, de normaliser, en coordination avec des juristes, la gestion des droits à
l'intérieur de chacune des communautés, de développer la légitimité de ces communautés de
pratiques vis à vis de l'extérieur, d'attirer de nouveaux membres.
7.2.2. Développement et diversification des fournisseurs de service
Un fournisseur de service ou moissonneur permet à ses visiteurs de chercher des documents dans
les collections des fournisseurs de service de son choix. Sur son site web une radio associative peut
ainsi permettre à ses auditeurs de découvrir les ressources proposées par la base documentaire de
l'Epra ou par toute autre base de sons en mp3 sous protocole OAI-PMH que cette radio aurait
choisi de proposer à ses visiteurs. Mais la radio pourrait donner également à visiter des ressources
texte ou vidéo portant sur les thématiques qu'elle choisit de privilégier. Ainsi un moissonneur de
radio pourrait donner accès à des articles de recherche en sociologie, histoire, anthropologie,
économie, ou à des collections iconographiques, qui permettraient à ses auditeurs de compléter
l'écoute des documents sonores moissonnés par la lecture d'articles, de mémoires ou de thèses sur
des sujets proches ou par l'examen de dessins, de cartes, de documents scannés. A l'inverse, un
enseignant, un lycéen pourrait lier à ses recherches de documents écrits, l'écoute d'interviews ou le
visionnement de vidéos. On voit bien l'apport que donnerait le développement de ces outils dans
la structuration des connaissances et des communautés de curiosité et dans les apprentissages.
4OAISTER http://oaister.worldcat.org/
1 http://www.openarchives.org/Register/BrowseSites
2 http://171.67.216.14/dept/soc/people/mgranovetter/documents/granstrengthweakties.pdf
7.2.3. Des synergies nécessaires dans la mise en place de ces outils
La mise en place de nouveaux sites de fournisseurs de données, plus tournés vers la jeunesse
scolarisée et le grand public pourrait bénéficier de la présence dans la région d'universitaires ou
d'informaticiens compétents capables de transmettre les savoirs nécessaires.
Les outils documentaires déjà en place ou en projets dans le monde de l'éducation pourraient
trouver dans le développement de nouvelles bases documentaires régionales un enrichissement.
Un auteur qui souhaiterait publier ses travaux, un photographe qui dispose de belles collections
qu'il souhaiterait partager, une famille qui souhaiterait faire connaître la mémoire de ses anciens
dans une perspective pédagogique et citoyenne, devraient pouvoir trouver dans les bibliothèques
et médiathèques publiques les soutiens techniques et juridiques nécessaires.
Les médias locaux pourraient trouver dans ces nouvelles ressources un enrichissement et une
pertinence qui à la fois leur permettraient de se rapprocher des populations de leurs territoires et
de porter loin la parole des gens de leurs voisinages.
7.3. Partage de la maîtrise de la parole entre tous ceux qui l'ont produite
De longue date, les médias associatifs ont été des médias dans lesquels l'investissement émotionnel
et biographique des personnes qui font l'objet d'une interview ou d'un reportage est fort. Qu'il
s'agisse d'un article de journal, d'un son radiophonique ou d'un film vidéo, très fréquemment les
personnes qui sont interrogées n'ont aucune expérience préalable du contact avec un média.
Une interview réussie est une épreuve joyeuse que les personnes interrogées conservent
quelquefois longtemps après non seulement comme un beau souvenir, mais quand cela est
possible sous la forme tangible d'une coupure de presse ou d'un enregistrement.
Il est aujourd'hui, pour les radios, pour les vidéos, pour les photographes, à la fois rapide et peu
coûteux de donner la trace du passage dans le média à la personne interrogée. Si certaines
précautions techniques et juridiques sont prises, il est également possible aujourd'hui de
communiquer à la personne interrogée, à l'association ou à l'institution à laquelle elle appartient l'
URL du document et celle de la fiche descriptive du document de façon à ce qu'elle puisse
déposer un lien sur un ou plusieurs sites personnels ou institutionnels et sur les réseaux sociaux. Cela
a pour effet de développer très largement les actions de communication bien au-delà du cercle
des artisans des radios ou des médias jusque dans le monde très largement ouvert des personnes
susceptibles de prendre la parole dans les médias.
En amont, de plus en plus de personnes sont en mesure de venir dans le média avec des
documents iconographiques, sonores ou vidéo susceptibles d'être repris, éventuellement remontés,
intégrés dans une émission de radio ou dans un article de page web ou de journal. Là encore la
généralisation des clefs USB ou des disques durs externes à interface USB facilite l'intégration de ces
documents. Les moyens matériels de monter ou d'intégrer rapidement ces « briques » sonores ou
visuelles sont maintenant de plus en plus répandus.
Un nouveau concept de télévision locale entièrement conçu dans cette perspective de
construction de documents montés à partir des initiatives des personnes et des groupes d'un
territoire est en cours à Salzburg en Autriche.
Plusieurs possibilités sont offertes aux habitants de la ville :
–
déposer en ligne leurs propres vidéos qui seront diffusées à la fois par voie hertzienne et sur
internet
–
organiser des prises de vues dans le studio de la télévision locale avec le matériel et
l'accompagnement professionnel de l'association.
Dans notre région, plusieurs associations de vidéo travaillent dans une perspective analogue. A
Lyon, Soli tv et à Grenoble Ex-pression ont mis en place des plateformes vidéo pour les associations
: elles accueillent et diffusent les vidéos, forment les associatifs à la vidéo. Mais l'expérience
autrichienne montre la voie et fait sentir l'importance des réglementations et des financements
nécessaires à un sytème vidéo participatif qui incluerait la diffuion hertzienne universelle.
On retrouve dans cette organisation assez rare dans notre pays une parenté avec celles des
« canaux ouverts » qui sont très répandus en Allemagne, avec soit une forme radiophonique soit
une forme vidéo, rarement les deux en même temps.
Ces formes d'organisation méritent d'importantes réflexions dans trois directions :
–
l'intérêt et les limites d'une expression morcelée aux mains directement d'une très grande
diversité d'individus et de groupes, sans ligne éditoriale particulière
–
les questions juridiques des droits
–
la question du contrôle de la qualité des documents diffusés.
Mais les « Offene Kanäle », développés à partir de 1984, au nombre de plus de quatre vingt
aujourd'hui et répartis dans tous les Länder sont une forme d'organisation qui peut nous donner à
réfléchir sur ces questions essentielles
–
des formes de l'agrégation des paroles, donc de la ligne éditoriale de nos médias
–
du financement public – d'une part l'équivalent de notre redevance audiovisuelle est
partiellement dévolue aux canaux ouverts, radio et télévision, d'autre part le rôle des
Länder est important dans l'organisation de cette expression du tiers secteur de l'audiovisuel
–
des formes que peut revêtir un canal télévisuel associatif, pour lequel nous n'avons pas
pour le moment en France de formule bien établie. Or aujourd'hui un très grand nombre
des « Offene Kanäle » sont des télévisions.
http://www.bok.de/doku/offene-kanaele-engl.pdf
7.4. La convergence des approches entre les différentes formes d'expression
Image fixe, image animée, son, texte correspondent à des disciplines de production et de lecture
qui partiellement répondent à la spécificité de nos sens, mais aussi partiellement ont été travaillées
depuis plusieurs décennies, dans des réseaux professionnels différents. Ceux-ci sont partiellement
articulés de longue date notamment dans le cinéma, mais c'est l'expansion des outils et des savoirfaire numériques qui provoque aujourd'hui les possibilités d'un usage mixte des éléments naguère
découpés.
La narration, la mise en récit d'expériences recueillies au plus près des lieux de vie dans nos
territoires est essentielle : elle permet l'expression, la mise au jour, puis la répétition, la remémoration
d'éléments importants des cultures populaires qui sans cela resteraient enfouis.
Reprenons la définition de la culture de Ward Goodenough « Le culture est constituée de tout ce
qu'il faut savoir ou croire pour se conduire de manière acceptable pour les membres de cette
société » (Ward Goodenough cité par Winkin p.9 puis par Lardellier, op. cit. p. 213).
Or dans les sociétés sans écriture, le récit mobilisait l'ensemble des modes de communication
(Ochs et Capps, p.20). L'expansion et la spécialisation des principaux médias au XXème siècle a
institutionnalisé des séparations dans les pratiques et dans les codes : « visual representation,
gesture, facial expression and physical activity for example, can be combined with talk, song or
writing to convey a tale. » (ibidem, p. 20)
7.5. l'enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents
Un des éléments essentiels dans l'innovation apportée à l'internet par Tim Berners Lee a été l'usage
des liens hypertexte. Depuis plus de dix ans la pratique des liens, aussi bien pour l'écriture que pour
la lecture a transformé les façons d'apprendre voire dans bien des domaines les façons de penser,
de parler et d'écrire. Les médias associatifs se saisissent petit à petit des outils nécessaires à
l'enrichissement de leurs propos de base par des données associées.
L'examen des sites web des médias de communication sociale de proximité et de ceux des autres
cercles qui donnent à ces médias leur nécessité, leur contenu et leur légitimité font apparaître
dans la construction de ces liens hypertexte plusieurs caractéristiques qu'il convient de relever mais
dont il convient aussi de tirer des résolutions :
–
quand un
média de communication sociale de proximité produit une émission ou un
article ou un film au contenu original, il lui est possible d'accompagner la mise en ligne de
l'archive du film, de l'article ou de l'émission de liens hypertexte vers les documents qui
permettent au public « d'en savoir plus » sur les invités reçus et leurs institutions et sur les
thématiques abordées. Par exemple, les sites des journaux et des radios mais aussi les sites
coopératifs comme celui de MédiasCitoyens présentent sur des questions comme celles de
la Démocratie participative ou de la couverture d'événements tels que le Dialogues en
Humanité de Lyon des dossiers documentaires.
–
les partenaires engagés dans la production d'une émission ou d'un article peuvent
également valoriser leur participation par un lien (permalien est le terme consacré) avec
soit le son ou la vidéo ou le pdf de l'article lui-même soit avec la page web qui en assure
comme ci-dessus la présentation et l'enrichissement hypertexte.
–
les sites dédiés à un événement – quand en novembre 2011 de nombreuses associations
étudiantes parmi lesquelles plusieurs médias associatifs ont couvert collectivement le Forum
de Libération à Lyon, chacun a pu publier ses documents dans format éditorial habituel
(plusieurs journaux papier comme l' INSAtiable, des blogs d'infos comme le Lyon Bondy
blog, une web radio comme Trensistor...) mais tous ont contribué à la confection d'un site
spécifique,
–
il existe des agrégateurs de contenus dont les plus connus sont Google news et en Europe
wikio, mais bien d'autres opèrent dans des niches plus restreintes. Accéder durablement à
ces sites procure un double avantage :
–
cela donne une visibilité plus importante aux document posés sur le site du média
considéré
–
cela contribue à améliorer le « pagerank » de la page. En effet, pour Google, la
visibilité d'un site est renforcée par la quantité et par la qualité des liens qui pointent
vers les pages de ce site.
Deux points essentiels doivent être distingués à cet égard :
–
Les Médias de Communication Sociale de Proximité sont potentiellement des réseaux de
réseaux susceptibles d'engendrer, par la quantité et par la qualité des liens entrants et
sortants avec le site de leurs meilleures productions, une importante collection de relations
très largement étendue, touchant des thématiques très ouvertes. Mais ces réseaux ont la
spécificité de recéler dans la communauté territoriale des points d'entrée, des traducteurs,
susceptibles d'être sollicités de nouveau pour que reprenne une conversation créative, une
acquisition locale de connaissances. Prenons quelques exemples pour fixer les idées : les
fêtes du livre de Bron (69), les cafés littéraires de Montélimar (26), les « autres salons » de
Grigny (69), réunissent régulièrement des auteurs et des éditeurs de grand intérêt. Le média
permet à ses visiteurs de trouver à la fois la trace d'une rencontre locale avec un des
acteurs venus rencontrer le public local, mais de retrouver les passeurs qui ont permis cette
rencontre et d'imaginer de nouvelles rencontres, avec d'autres publics, qui prolongeraient
la première.
–
De plus petites communautés éphémères ou plus durables peuvent naître d'un
rapprochement dans la conversation permis à l'initiative du média : par exemple en 1997,
une soirée organisée sous forme d'émission de radio par la radio de Saint Priest (69) et par
le centre socioculturel de la Carnière à l'occasion du lancement d'un des premiers centres
multimédias associatifs de la région, devenu depuis un des EPM. A la suite de ce débat qui
portait sur les usages citoyens des connaissances scientifiques, d'une conversation à trois
naquit l'idée d'un des premiers cafés des sciences français qui fonctionna pendant plus de
dix ans et permis de développer des émissions de radio et des comptes-rendus sur internet
des débats « sciences et citoyens » menés dans ce café. (pour une mise dans un contexte
plus global, voir Jensen et Croissant, 2007, Grossetti, 2000)
7.6. La possibilité de créer ou d'enrichir des événements susceptibles d'intéresser un public et de
solliciter sa participation
Des auteurs comme Victor Turner (1969) et en France Pascal Lardelier ont bien étudié
les
rassemblements festifs et l'ensemble des rituels modernes qui permettent à la fois de rassembler des
habitants qui se retrouvent rarement dans le quotidien de la vie de travail ou même de loisirs. Ces
rituels sont également un outil de scansion du calendrier, ils offrent aux élus locaux une occasion
de rencontre conviviale mais bien encadrée avec la population.
Régulièrement, les médias locaux sont associés non seulement à l'annonce de ce type
d'événement mais souvent à l'animation même de l'événement dans laquelle ils déploient ce qui
fait la spécificité à la fois de leur ancrage territorial et de leur concept éditorial. C'est ainsi que
chaque année radio Pluriel à Saint Priest participe à l'animation de la traditionnelle foire d'automne
par la tenue d'une animation sur podium qui illustre par les prestations d'artistes de différentes
origines le caractère multiculturel qui est celui de la ville et qui correspond à l'engagement éditorial
de cette radio.
7.7. le dialogue prolongé avec le public
La détermination des thématiques, les découpages des sujets de débats pertinents semblent rester
l'apanage des politiques, du monde économique et des médias, ce qui n'est pas sans soulever des
questions essentielles (Fog, 1999 op. cit., Matei, 2005). Mais de plus en plus les animateurs des radios
associatives, les rédacteurs des sites web d'information mettent en place des dispositifs destinés à
introduire les paroles de leurs publics dans leurs productions.
La démarche est ancienne : dès les débuts des radios associatives, la pratiques s'était répandue
de la reprise locale d'une très ancienne pratique menée à l'échelle nationale par les radios
périphériques, celle des dédicaces de chansons.
Cette pratique perdure dans de nombreuses radios associatives. Elle permet un contact
chaleureux entre l'animateur de l'émission et son public, notamment celui des personnes âgées.
Elle répond à une des fonctions essentielle des médias de proximité, celle du lien social, de la lutte
contre la solitude souvent très importante et notamment chez les personnes âgées.
D'autres pratiques se développent de plus en plus avec la généralisation des équipements
informatiques dans les studios des radios associatives : l'appel aux interventions des publics à
l'antenne. Celle-ci se fait de longue date par le passage à l'antenne d'intervenants par téléphone,
qui réclame de la part des animateurs, une attention , un esprit d'à propos et une vigilance
nécessitant une formation de qualité que les radios ne sont pas toujours équipées pour prodiguer à
leurs bénévoles. Mais on peut aujourd'hui compléter ces dispositifs par le recours aux envois de
messages électroniques qui là encore pour un développement optimal mériterait la mise en place
de formations spécifiques adaptées.
Les télévisions participatives ont quant à elles mis en place différentes démarches visant à mettre
en valeur et à prolonger la parole des citoyens. Les techniques des plateaux participatifs réunissant
une communauté, la population d'un quartier ou d'une commune autour du traitement d'une
thématique mais aussi de l'organisation d'un événement en sont un exemple. Ces émissions
peuvent être ensuite mises en ligne accompagnées d'un forum ouvert prolongeant le débat avec
d'autres publics. A Lyon, Soli TV met en place des processus interactifs à partir d'outils innovants ou
de mondes virtuels comme « Second Life » où l'on peut allier diffusion vidéo et participation
publique en direct.
Certaines démarches de la presse écrite poursuivent aussi le même objectif. Ainsi, Les antennes à
Grenoble produit régulièrement des dossiers participatifs en réunissant des groupes d'habitants afin
de co-élaborer les articles du journal.
7.8.le renouvellement des outils pédagogiques
Dès les premiers développement dans les années 1920 de « l'école nouvelle », l'usage par les
enfants eux-mêmes des médias comme outil de découverte du monde et de travail de la langue,
mais aussi de travail en équipe s'est répandu. On connaît l'usage que faisaient Célestin et Elise
Freinet de l'imprimerie dans leur travail pédagogique. Freinet dans un texte de 1927 décrit et
théorise la porté pédagogique de ces pratiques.
L'instituteur
de
Vence,
fondateur
de
l'ICEM
(Institut
coopératif
de
l'école
la
quotidienne
moderne)http://www.icem-pedagogie-freinet.org :
« L'Imprimerie
à
l'Ecole
a
fait
tomber dans
le
domaine
de
pratique
l'expression libre et l'activité créatrice de vos élèves. Par l'expérience, plus efficace que les
raisonnements prétendus scientifiques, elle a ouvert des horizons nouveaux à une pédagogie
basée sur les, intérêts véritables, générateurs de vie et de travail. Elle a du coup
rétabli
l'unité de la pensée, de l activité et de la vie enfantines,
elle a intégré l'école dans le processus normal d'évolution individuelle et sociale des
élèves. »
Fernand Deleam en 1971 montre l'étendue du mouvement de l'usage de la presse écrite à l'école :
« Au 1er octobre 1971 en France , 6 490 journaux scolaires « Techniques Freinet » sont inscrits
à la commission technique
paritaire
des papiers
de presse pour
bénéficier des tarifs
spéciaux des P. T. T., au titre des échanges entre écoles. »
Avant même les lois de 1981 et de 1982, l'usage de la radio à l'école a commencé à se répandre.
Des formes nouvelles d'usage éducatif du son ont commencé à être expérimentées.
Des radios associatives ont été installées en milieu scolaire, dans le premier comme dans le
deuxième cycle. Deux d'entre elle fonctionnent aujourd'hui dans la région Rhône-Alpes, Info RC à
Aubenas et radio Pytagor à Balbigny. Des ateliers radiophoniques ont
fonctionné dans des
dizaines d'établissements, plus ou moins pérennes selon la présence d'enseignants ou de membres
de l'équipe éducative de l 'établissement sensibilisés à cet outil et capables de mettre en œuvre
des projets. En effet, pour mener à bien un projet durable bien des difficultés doivent être
surmontées qui nécessitent la contribution d'acteurs extérieurs au monde de l'établissement, et
notamment celle des collectivités territoriales, municipalités pour les écoles du premier degré,
conseils généraux pour les collèges, conseils régionaux pour les lycées.
Certaines radios de Rhône-Alpes ont particulièrement travaillé des formules de soutien à l'activité
radiophonique dans les établissements d'enseignement, radio Grésivaudan, notamment avec le
lycée horticole de Saint Ismier, radio Calade à Villefranche sur Saône, radio Dio à Saint Etienne,
radio Mega à Valence. Couleurs FM à Bourgoin Jallieu travaille avec certains lycées de son
territoire à l'exploitaion radiophonique des kiosques de découverte de la presse écrite mis en place
par la région Rhône-Alpes. Radio d'ici à Saint-Julien-Molin-Molette travaille avec une équipe
d'enseignants implantée dans une douzaine d'établissements de l'agglomération d'Annonay et
rassemblés dans une association spécifique, Elyco (Ecoles, Lycées, Collèges) qui a obtenu les
crédits nécessaires à l'embauche d'un salarié chargé d'animer les ateliers en collaboration avec les
enseignants. Radio Pluriel a été à l'origine de la création d'une association autonome, Fréquence
Ecoles, qui s'est donné pour objectifs de travailler dans
les établissements
à l'éducation aux
médias.
http://www.radio-gresivaudan.org/Lycee-Horticole-de-St-Ismier.html
Une fédération nationale des radios et ateliers en milieu scolaire existe, l' ANAREMS qui rassemble
un bon nombre de ces établissements et dont pour le moment les radios de Rhône-Alpes ne font
pas partie.
Ce travail radiophonique associatif trouve à s'associer avec l'organisation spécifique en réseau que
s'est donnée l'éducation nationale pour développer auprès des élèves l'éducation aux médias
(media literacy, voir Buckingham, 2005 pour une bibliographie internationale bien complète et
Meyrowitz, 1998) Le CLEMI est la structure interne aux académies qui organise ce travail
interdisciplinaire. Il « est chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif
français depuis 1983. Il a pour mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias.
Cet objectif s’appuie sur des partenariats dynamiques entre enseignants et professionnels de
l’information. Tous les enseignants, quels que soient leur niveau et leur discipline peuvent avoir
recours au CLEMI, tant au plan national que régional, pour se former, obtenir des conseils ou des
ressources. » (site web du CLEMI Centre de liaison de l'enseignement et des médias d' Information.
http://www.clemi.org/fr/
Une réflexion est menée dans le monde de l'éducation sur la formation à la culture
informationnelle, qui pourrait être développée en s'appuyant sur les professionnels de la
documentation, les professeurs documentalistes qui peuvent jouer un rôle essentiel dans la vie des
établissements autour des CDI (Centres de Documentation et d' Information). On renverra à ce
sujet à une recherche déjà ancienne qui avait été menée pour le compte de la région RhôneAlpes sur le rôle des CDI dans l'innovation pédagogique (Berger et al. 1998). Pour un état récent de
l'art dans ce domaine sur le plan national on renverra à l'ouvrage dirigé par Françoise Chapron et
Éric Delamotte (2010) et à l'article d'Éric Delamotte (op.cit.)
Le Clemi organise chaque année au mois de mars la semaine de la presse et des médias dans
l'école à laquelle s'associent un grand nombre des
médias de proximité. Les événements
importants du calendrier peuvent être l'occasion pour les ateliers ou radios scolaires de travailler
avec des partenaires de leurs territoires, journées de travail sur une question de santé, journées
contre le racisme. De nombreuses initiatives sont prises que l'on devrait pouvoir recenser.
A deux reprises, de nombreuses radios associatives de la région ont travaillé en réseau pour couvrir
avec des équipes de lycéens et de collégiens des thématiques liées au risque en montagne et à
l'écologie dans le cadre des programmes Bivouac en nouant de nombreux partenariats en France
et en Suisse dans le cadre d'un projet international fiancé par l'union européenne avec l'appui des
académie de Grenoble et de Lyon .
Le travail coopératif des enfants et des adolescents munis des outils d'observation et d'expression
des médias locaux permet également de traiter en profondeur des dossiers pédagogiques souvent
interdisciplinaires et inscrits dans les programmes. Citons par exemple l'étude menée en 2011 par
une association belge travaillant sur les médias (Verniers et al. 2011).
7.9. La convergence entre des champs d'activité divers permise par les outils numériques
Dans la cité, se rencontrent d'ores et déjà, autour d'établissements scolaires, de centres sociaux,
d'associations, d'événements festifs, des groupes d'acteurs très divers qui tous utilisent des
techniques numériques et mettent en œuvre des procédures qui font l'objet, souvent sur le net,
d'échanges, de réflexions croisées. Dans certains cas sont fondés des centres multimédias de
communauté, directement construits autour des techniques numériques. Un peu partout dans le
monde, ces pratiques ont été l' objet d'observations ethnographiques. On renverra à l'important
travail mené au Sri Lanka dans le cas d'un centre multimedia qui fait une grande place à la radio
comme nœud d'activités (Slater, Tacchi, Lewis, 2002). Ce qui est pertinent dans le tiers monde l'est
également dans les quartiers populaires des grandes villes occidentales. C'est encore autour de la
radio que se développe le travail communautaire qu'analyse Peter Lewis (2008). Dans ces deux
documents le propos est étayé par une bibliographie qui met en valeur d'autres expériences de
même nature dans différentes parties du monde. Au-delà de l'analyse des pratiques de terrain on
sent bien la nécessité d'un regard prenant en compte les différents groupes sociaux intéressés par
la révolution numérique. Ces derniers peuvent coopérer harmonieusement mais les découpages
disciplinaires, professionnels, in fine cognitifs peuvent également se révéler tout à fait impropres à
une coopération efficace.
Lors des rencontres organisées dès septembre 2010 par la région Rhône-Alpes sur le numérique et
la culture, les médias citoyens ont manifesté leur intérêt pour la démarche à double titre :
–
comme nous le voyons dans ces développements, ils sont eux mêmes concernés très
directement par les processus de numérisation
–
mais ils sont également, à travers leur présence des veilleurs tant dans les territoires de leur
ressort que dans les réseaux « médiatés » (mediated networks)(Matei, S, (2005)) à même de
mesurer la nécessité de dialogues entre réseaux très divers autour des possibilités
d'innovation sociales et culturelles offertes par ces outils. Se trouvant en position d'entrer en
relations avec des acteurs très divers, ils ont une fonction de passeurs et peuvent permettre
des rencontres fécondes. Or les questions de culture et de numérique, concernent bien
entendu au premier chef les artistes, les entrepreneurs culturels, les élus, de toutes
disciplines, mais aussi d'autres catégories d'acteurs :
–
Les associations ou groupes intervenant dans le champ de l'informatique et de
l'internet et tout particulièrement du logiciel libre. Certains d'entre eux étaient
présents aux rencontres de Lyon et de Saint-Etienne. Il s'agit notamment des Espaces
Publics Numériques. Certains d'entre eux travaillent au quotidien avec les équipes
de gens de culture pour le développement de leurs projets numériques. Or, une
association comme l' Aldil à Lyon organise depuis douze ans les journées du logiciel
libre qui réunissent le meilleur des développeurs internationaux dans le monde du
logiciel libre. Mentionnons aussi le rôle fédérateur de la Maison de Grigny et de ses
biennales
–
Le monde de l'éducation et notamment les enseignants ou documentalistes des
établissements dont certains sont particulièrement investis dans la mise au point de
méthodes pédagogiques numériques. La présence à Lyon de l'INRP et de l' ENSSIB
rend particulièrement intéressante l'idée d'une relation construite entre la recherche
de nouvelles méthodes en sciences de l'éducation et le travail sur le numérique
dans le monde de la culture.
–
Les services et personnalités investis dans les transformations que le numérique
permet de produire dans l'aménagement des territoires. Les travaux menés de
longue date dans cette perspective dans le département rural de l' Ardèche
laissent bien augurer d'une collaboration sur ce terrain.
Indications bibliographiques section 7
Anderson, Chris The Long Tail : why the future of business is selling less of more, New York, Hyperion,
2006
Benjamin, Walter The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction
http://dxarts.washington.edu/coupe/wk1/benjamin.pdf
Berger J. 1972. Ways of Seeing. London: BBC/Penguin
http://www.arts.rpi.edu/public_html/century/public_html/eao11/BergerWaysSeeingchp1.pdf
Berger, Patrice, Alain Van Cuyck, Bernard Choffat, Joëlle Gardien, Christine Morin Rôles et enjeux
des centres de documentation et d'information dans l'innovation pédagogique en région RhôneAlpes. Rapport final, CRDP, ENSSIB, 1998
Bevort, E. and Breda, I. (2001) Les Jeunes et l’Internet Paris: CLEMI
Buckingham D., S Banaji, D. Carr, S Cranmer - 2005 media literacy of children and young people:
A review of the research literature
http://eprints.ioe.ac.uk/145/1/Buckinghammedialiteracy.pdf
Certeau, Michel de L’invention du quotidien 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, coll. « Folio-Essais »,
1990
de Certeau Michel, Giard Luce, Dalloz, Ministère de la Culture. L'ordinaire de la communication.
In: Réseaux, 1983, volume 1 n°3. pp. 3-26.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1983_num_1_3_1092
Chapron Françoise, Éric Delamotte, L’éducation à la culture informationnelle, Presses de l' ENSSIB,
2010
Cheval Jean Jacques MÉDIAS AUDIOVISUELS FRANÇAIS ET LANGUES RÉGIONALES MINORISÉES
CONTEXTE NATIONAL ET EXEMPLES AQUITAINS Langues d'Aquitaine, dynamiques institutionnelles
et patrimoine linguistique, sous la direction de Alain Viaut, avec la collaboration de JeanJacques Cheval, Bordeaux : Editions de la Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 310 p.
http://spapscreation.free.fr/CD_GRER/4.Ressources%20textes/Articles%20et
%20Communication/dossier%20textes.doc/Cheval-02.doc
Debray, Régis, Vie et mort de l'image, Gallimard, 1992
Delamotte Eric La culture informationnelle: un enjeu de formation au croisement des sciences du
langage, des sciences de l’éducation et des sciences de l’information et de la communication
http://tainguyenso.vnu.edu.vn/xmlui/bitstream/handle/123456789/7617/ACTES%20du%20Seminaire
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Deleam Fernand L'imprimerie à l'école, dossier de l' ICEM, novembre 1971
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SECTION 8
LA STRUCTURE ASSOCIATIVE DES MÉDIAS CITOYENS
La plupart des médias participatifs sont aussi associatifs. En France, la loi de 1901 définit à la fois un
modèle de gestion, l'appartenance, domaine par domaine, à des communautés, et plus
généralement une vision du monde qui peut servir ou desservir les structures selon les règles des
jeux sociaux dans lesquels elles s'insèrent (Reynaud, Jean Daniel, 1989).
8.1 Spécificité de la gouvernance
La connaissance du monde associatif a progressé dans les dernières années en France, en Europe
et dans le monde pour trois séries de raisons :
–
un inventaire des pratiques et des compétences
Il fallait
« rendre compte de la multiplicité des pratiques constatées dans des champs
d'action divers. » Notamment parce que dans de nombreux pays, et y compris dans les
directives internationales, la concurrence du secteur marchand se faisait sentir et qu'un
état des lieux faisant apparaître nettement les atouts mais aussi les faiblesses du secteur
associatif étaient nécessaires.
–
Une prise de conscience collective de la spécificité du secteur
Il fallait « accompagner la prise de conscience par les acteurs d'une communauté de
valeurs et d'intérêts qui les distingue à la fois du monde de l'entreprise privée et du secteur
public ».
–
Une base de compétences et de bonnes pratiques
« dessiner et valoriser des modèles d'action et des valeurs originales et pourvues de sens
dans les champs où elles s'appliquent mais bien au-delà capables de soutenir un projet
politique et économique global à la fois ancré dans des traditions historiques et apte à
ouvrir des perspectives d'avenir. »
A l''échelle internationale, qu'on l'appelle secteur sans profit (non-profit), non gouvernemental,
volontaire, de la société civile, du tiers secteur, secteur indépendant ou secteur associatif, secteur
de l'économie sociale, de l 'économie solidaire, de la coopération, il est présent partout dans le
monde et prend des formes multiples et attestées dans l'ensemble des domaines de la production
et des services.
Pour mieux connaître ce secteur, nous disposons aujourd'hui d'un ensemble coordonné de
recherches sociologiques internationales mené autour de l'Université John Hopkins de Baltimore
(Salomon, Sokolowski and Anheier, 2000) auquel prend part notamment pour la partie française la
sociologue Archambault (2001, 2002).
Un média associatif est un média du tiers secteur, soumis aux règles juridiques, économiques,
axiologiques des autres institutions de même statut, mais il peut être aussi compris et reconnu
comme un média particulièrement pertinent par l'ensemble du secteur associatif et plus
généralement en France de l'Economie sociale et solidaire.
Le rôle d'un média local pour le resserrement des liens entre les personnes et les groupes dans un
territoire et pour l'établissement de liens plus lointains et leur ancrage dans le territoire.
Les comparaisons internationales entre les poids économiques du tiers secteur dans les différents
pays, les domaines d'activités dans lesquels ils s'inscrivent, les relations qui prévalent entre les
professionnels et les bénévoles dans les institutions étudiées varient fortement d'un pays à l'autre
(Anheier, Seibel 1990, Archambault, 2002). Un élément essentiel pour la compréhension de ces
différences réside dans le rapport construit au fil de l'histoire entre l'Etat et les citoyens dans la prise
en charge des besoins de la population.
L'étude internationale John Hopkins distingue quatre grands modèles de relations entre secteur
public, secteur privé lucratif et secteur privé non lucratif. L'examen de ces modèles, modèle anglosaxon, modèle allemand, modèle français en particulier permettent de rendre compte par
exemple de la puissance du monde associatif aux Etats Unis par le truchement duquel sont
assumées des fonctions sociales et sanitaires auprès des populations qui sont en France dans le
domaine du service public (Simonet-Cusset 2004 ).
Une lecture des positions relevées dans le champ politique français face aux mouvements de
libération des radios associatives dans les années 1970 permet d'articuler les grands courants
politiques et philosophiques pérennes, notamment sur la question des rapports entre le service
public et l'initiative associative, aux débats qui ont été menés dans ce domaine à la fin des années
soixante-dix. (Prot 1997, Cheval, 1997, Cheval , 2004, Lefebvre 2008, Charasse 1981)
On commente encore aujourd'hui la belle aventure de Lorraine cœur d'acier, la radio cégétiste de
Longwy, dont la population était alors en lutte contre le démantèlement de la sidérurgie lorraine. Il
faut d'abord observer que Lorraine coeur d'acier avait été précédée par une autre radio pirate
montée à l'initiative de militants de la CFDT, SOS emplois. La position du PCF dans l'ensemble des
régions où se développaient des radios pirates était hostile à l'installation de radios pérennes dans
les territoires, mais la position de la CGT, plus souple permettait l'installation provisoire de radios de
luttes, appui ponctuel à un mouvement, contrôlées par le syndicat.
Un point essentiel dans la direction des associations est celui des objectifs, de la finalité de
l'association, ce qui motive l'ensemble des membres à rester ensemble. L'objet social tel qu'il figure
dans les statuts peut s'être figé dans une rhétorique qui n'a plus prise sur les aspirations des
membres et des cercles de partisans de l'association qui la font vivre en lui faisant confiance. Il faut
en permanence pour les membres de l'association vérifier la pertinence de leur projet alors que
tout autour d'eux se transforme.
Si un des critères importants de l'efficacité sociale et culturelle d'un média de proximité est celui de
sa pérennité qui permet à la fois de maintenir et de renforcer une confiance de la part de
l'ensemble des acteurs au média porteur de la parole de la communauté et de remplir sa fonction
essentielle de mémoires sociale d'un territoire, la vie sur une longue période de cette forme
d'association est tout particulièrement difficile à assurer. En effet le contexte institutionnel et
politique de l'époque de la fondation est par définition passager, quand l'obtention d'une liberté
nouvelle est conquise à la suite d'un combat politique, ce qui a été le cas pour les radios
associatives à la fin des années 1970, l'installation dans un fonctionnement régulier, la mise en
place de formes pérennes n'a pas toujours pu se faire sans que soient mises à mal les
représentations qui avaient été à l'origine de la création du mouvement.
En toute hypothèse, et quelle que soient les étapes qu'aient pu franchir les équipes qui font vivre les
médias de proximité, un élément essentiel dans la vie d'un média associatif est celui de la
confiance : confiance des membres dans l'objet de leur engagement, dans la qualité et dans la
progression de leur média, confiance des membres dans les dirigeants qu'ils se sont donnés et
confiance des dirigeants vis à vis des membres du groupe, confiance des cercles qui s'animent
autour de la radio dans la structure et dans la qualité de ses membres.
Cet aspect de la réalité des médias associatifs est partagé dans l'ensemble du monde associatif.
D'importants travaux ont été consacrés à ces questions, notamment par des auteurs anglo-saxons
(Anheier Helmut K. and Jeremy Kendall, 2000, Newton 2001). Chacun retient les mots de Simmel
(1950: 326) "trust is one of the most important synthetic forces within society."
Un élément essentiel est celui de la pérennité du projet de l'association d'un média associatif en
tant que média d'éducation populaire. Nous l'avons vu l'enrichissement, la qualité d'un média local
exige la durée. Celle-ci demande une puissance quantitative de couverture d'événements, de
présences aux débats citoyens et donc une équipe de collaborateurs suffisamment riche et
motivée, des ressources suffisamment régulières. C'est tout cela en effet qui contribue à construire
un capital de confiance. Or l'environnement d'un média d'éducation populaire est notamment
constitué de médias commerciaux qui peuvent apparaître à certains des membres de l'association
comme une alternative possible face aux difficultés du fonctionnement de l'association, qu'il
s'agisse de ses financements ou simplement de la vie interne de l'association, avec ce qu'elle
suppose de contraintes dans son jeu démocratique.
Un autre point que soulignent les auteurs touche aux relations entre les bénévoles ou volontaires et
les salariés (Prouteau 1998, Prouteau,2006, Simonet-Cusset 2004). Plus se confirme la tendance à la
professionnalisation du secteur des médias associatifs, plus la relation entre bénévoles et salariés
devient une question complexe mais essentielle. Les éléments qui incitent les associations à
développer une professionnalisation de leurs structures sont de plusieurs ordres :
–
les incitations des régulateurs
–
l'émulation entre médias associatifs
–
la technicités des tâches de gestion
–
les exigences de qualité provenant des cercles du média dans son territoire (voir
notamment notre section 4 ici- même)
–
l'usure de l'engagement des bénévoles
Ces différents aspects de l'environnement nécessaire pour les médias associatifs, capables de
pallier les difficultés à faire vivre au jour le jour chacun d'entre eux militent pour le développement
du travail de réflexion et de concertation entre médias mais aussi avec les partenaires de
l'économie sociale et ceux du service public qui en partagent les valeurs.
Certaines de ces raisons témoignent d'un opportun souci de la qualité des services que peut
rendre le média de proximité, d'autres peuvent témoigner de la perte d'une dynamique qui reste
nécessaire pour la pérennité d'une association.
L'appartenance au monde associatif implique un ensemble d'atouts et un ensemble de
contraintes que les responsables des médias associatifs, selon leur histoire individuelle ou selon
l'histoire du groupe qui les a poussés à s'engager dans l'action sur l'information maîtrisent plus ou
moins.
On peut relever notamment des soutiens particuliers accordés par l'Etat et les collectivités
territoriales : financement, exonérations de charges, attribution d'emplois aidés (voir le guide
juridique et fiscal des radios associatives publié en 2007, Becquart et al.). Tout cela en contrepartie
de cahiers des charges, définis quelquefois en négociation avec les organisations représentatives
du secteur. Les radios avaient bénéficié d'un mouvement populaire
corrélé avec d'autres
mouvements sociaux dans d'autres champs dans les années 1970 (Touraine,1984 entre autres
références possibles). Ces mouvements avaient rencontré un changement politique important et
dès les origines à Lyon, avaient su se structurer en fédération nationale. Les vidéos de quartiers et
de pays, si leur structuration nationale est plus récente sont , plus encore que les radios
associatives, nées pour beaucoup d'entre elles dans le monde de l'éducation populaire. On trouve
encore aujourd'hui un grand nombre d'activités vidéos de qualité dans les établissements scolaires,
les centres sociaux, les maisons des jeunes et de la culture, et si toutes ces activités ne se définissent
pas comme médias territoriaux à part entière, elles ont pour la plupart des structures fédérées dans
la FVQP
un ancrage associatif très fort, mais qui ne bénéficient pas de la reconnaissance
institutionnelle collective qu'elles méritent..
8.2 La dimension des regroupements de médias
8.2.1. Une nécessaire action collective
La réflexion sur la nécessité d'un travail en commun entre médias associatifs est déjà relativement
ancienne. Elle a pris corps surtout dans le monde des radios associatives mais aussi dans celui des
télévisions et vidéos de quartiers et de pays à des échelles diverses et dans l'ensemble des secteurs
dans lesquels une action collective était nécessaire. Beaucoup reste à faire mais nous présenterons
dans cette section les principaux domaines dans lesquels une action collective est amorcée ou
déjà plus travaillée.
–
la gestion de la ressource, le partage du spectre entre les médias audiovisuels et les
opérateurs de téléphonie mobile et le « dividende numérique ». En France, l'arrêt de la
télévision analogique terrestre le 30 novembre 2011 par le gouvernement a rendu
disponible des fréquences dans la bande UHF et VHF du fait d'une meilleure utilisation du
spectre par la TNT. Cette ressource de fréquences dégagée est appelée "dividende
numérique". Plus généralement, sur le plan international, le partage des ressources
hertziennes est un enjeu économique et politique important dans lequel les organisations
nationales et internationales de radio et de télévision doivent trouver toute leur place en
créant les alliances nécessaires à la fois dans le monde de la vie associative et
communautaire, dans le monde de la création artistique et dans celui de l'ensemble des
médias locaux indépendants.
–
la reconnaissance nationale et internationale d'un tiers secteur de la presse. Les médias
d'expression sociale de proximité pourraient être considérés dans les institutions nationales
et internationales comme des structures assimilables à des médias commerciaux et
soumises aux mêmes règles de concurrence sans que soient reconnues les spécificités de
leur rôle culturel, social et éducatif. Il appartient aux organisations représentatives de ces
médias de faire valoir leur appartenance à un secteur particulier, nanti de responsabilités
particulières, évaluables, normées, mais susceptibles d'être traitées spécifiquement sur le
double plan de l'accès à la ressource hertzienne quand elle est nécessaire et de l'accès à
des financements publics garantis par des cahiers des charges spécifiques.
C'est ainsi que le rapport Resertarits (2008) définit les médias communautaires ainsi que les
mesures qui devraient être développées pour leur reconnaissance de la façon suivante :
« Le rapport envisage des mesures visant à soutenir les médias communautaires ou
alternatifs en Europe afin de garantir davantage de pluralisme dans le paysage
médiatique, une plus grande diversité culturelle et de définir clairement le secteur en tant
que groupe distinct dans le secteur des médias. Les médias communautaires ou alternatifs
(ci-après "MC") peuvent être définis comme: Des médias sans but lucratif et responsables
vis-à-vis de la communauté qu'ils cherchent à servir. Les MC sont ouverts à toute
participation à la création de contenu par des membres de la communauté. En tant que
tels, ils constituent un groupe distinct au sein du secteur des médias parallèlement aux
médias commerciaux et publics. Les MC s'adressent à des groupes cibles spécifiques. Leur
tâche est clairement définie et mise en œuvre conformément au contenu. L'essentiel de
leur mission est leur apport social. Les MC créent de la cohésion, confèrent une identité,
encouragent les éléments communs et préservent la diversité culturelle et linguistique.
Les MC sont le plus souvent gérés par des citoyens engagés et créatifs ayant des
préoccupations sociales. Les MC contribuent à l'objectif de l'amélioration de la formation
aux médias des citoyens grâce à leur participation directe à la création et à la diffusion de
contenu. »
La reconnaissance des radios associatives et communautaires comme de l'ensemble des
« médias communautaires ou alternatifs » par les instances européennes comme des
« Services d' Intérêt Economique Général » est un enjeu important. D'ores et déjà, le SNRL
milite pour la reconnaissance par Commissaire européenne en charge de ces dossiers,
Viviane Reding de la radiodiffusion associative en tant que SIEG (Service d'Intérêt
Economique Général).
–
l'inscription des médias de communication sociale de proximité dans le cadre de la
diversité culturelle.
La Résolution du Parlement européen du 25 septembre 2008 sur les médias associatifs
en Europe adoptée à la suite de ce rapport fait notamment référence à la « convention
de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui
reconnaît aux politiques publiques la légitimité de reconnaître et de promouvoir le
pluralisme».
–
les relations entre les dirigeants des médias et leurs salariés, la formation des collaborateurs
des médias, bénévoles comme salariés
Dans le champ le plus structuré qui reste celui de la radio, le SNRL participe à la gestion de
l'OPCA AFDAS, l'organisme de financement de la formation professionnelle et d' AUDIENS, le
grand groupe de prévoyance, retraite et santé des salariés de l'audiovisuel, de la presse et
du spectacle.
Le SNRL est également l'une des vingt-six organisations patronales de l'Economie sociale et
solidaire regroupées dans le cadre de l' USGERES, Union des syndicats et groupements
d'employeurs dans l'économie sociale. Dans ce cadre, elle a signé aux côtés des autres
membres de l'union la Charte de la diversité en entreprise en avril 2011.
–
l'insertion des médias
de communication sociale de proximité dans le cadre de leurs
réseaux coopératif ou associatifs d'appartenance (éducation populaire, création musicale,
sociétés d'auteurs, économie sociale et solidaire...)
Cela se fait au plan national par la participation des institutions représentatives des médias
de communication sociale de proximité à des instances plus larges et par leur insertion dans
des processus de dialogue social. C'est ainsi que la CNRA fait partie de la CNVA et que le
SNRL est membre de l'APAR, l'Association Patronale de la Radiodiffusion privée et de la
FESAC (la Fédération interprofessionnelle des Entreprises du Spectacle, de l’Audiovisuel et
du Cinéma) qui regroupe les entreprises du cinéma, de la radio et télévision publique et
privée, de la publicité, du théâtre public et privé, de la musique et du cirque. La Fédération
de Vidéos des Pays et des Quartiers est membre du CNAJEP (Comité pour les relations
nationales et internationales des associations de Jeunesse et d' Education Populaire). Mais
jusqu'à présent, sur le plan national, les médias de proximité d'une part ne coordonnent pas
leurs représentations, d'autre part, ne sont pas reconnus dans une identité nationale
commune.
–
couverture collective d'événements
Sur le plan national comme sur le plan régional, les médias de proximité ont multiplié ces
dernières années la ouverture coopérative d'événements , avec ou sans financements spécifiques.
avec notamment le travail coopératif favorisé et financé par l' Epra
8.2.2 Regroupements régionaux
–
Les regroupement de radios, nous l'avons vu, sont anciens et pérennes. Les radios de
Rhône-Alpes ont eu un rôle important dans la naissance des regroupements nationaux de
radios et ont à toute époque joué un rôle dans les mouvements des radios et de l'ensemble
des médias d'expression. Dès les années 1980 naissaient dans notre région deux fédérations
de radios associatives. L'APROR-Alpes (Association pour la promotion des radios rurales du
massif alpin) autour des Alpes et du Dauphiné développait essentiellement des projets
d'implantation de radios en milieu rural, dans le cadre du projet plus global de l'APROR.
Parallèlement se développait le DIRA (département inter-radios associatives) qui
rassemblait surtout des radios urbaines. Certaines radios se trouvaient adhérer aux deux
regroupements. L'APROR-Alpes a disparu en 1988, le DIRA a cédé la place au CORREX
(Collectif Rhône Alpes des radios d'expression) puis de LIRRA (Liberté radiophonique en
Rhône Alpes. LIRRA et Franc-RA (Fédération des radios associatives non commerciales de
Rhône-Alpes) après cinq ans de coopération dans le cadre de la Cranc-RA (Confédération
des radios associatives non commerciales de Rhône Alpes) ont décidé de fusionner lors de
leurs assemblées générales du 28 septembre 2011.
En 1989, est créée la fédération des vidéos de pays qui deviendra ensuite fédération des
vidéos de pays et de quartiers qui reste aujourd'hui la seule structure représentative de
l'audiovisuel participatif en France avec une trentaine d'adhérents dans la France entière.
–
Regroupements de médias de différents formats : le 22 avril 2006, à l'initiative du mensuel d'
Annecy « Le Journal » ont été organisées les « Rencontres de Grenoble des médias
alternatifs de la région Rhône-Alpes ». Celles-ci ont été suivies le mois suivant des
« Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » qui ont réuni près de 150
médias français, du 5 au 8 mai 2006. A la suite de cette rencontre a été lancé « l' Appel de
Marseille » (Annexe 1)
A la suite des rencontres de Grenoble, 2007 voit naître un projet d'ampleur régionale qui
réunit des médias associatifs de différents types : les radios de la Cranc-ra, le Journal, Vivé
TV notamment autour de la rencontre mondiale de la démocratie participative. De ce
projet est né le site www.mediascitoyens.org dont le travail, mené à partir des actions de la
Cranc-ra aboutira à la constitution en 2009 de l'association MédiasCitoyens qui regroupe
aujourd'hui, outre les radios de la Cranc-ra, une trentaine de médias associatifs de la
région.)
Regroupements de médias de jeunes :
–
Alors que sur le plan national mais avec une représentation de qualité en Rhône-Alpes,
l'association « Jets d'encre », « association nationale pour la promotion et la défense de la
presse d'initiative jeune... ») permet à la fois de favoriser les journaux d'établissements et de
développer, en plus des grands moments comme la semaine de la presse et des médias
dans l'éducation, une réflexion parmi les jeunes sur la presse dans son ensemble. (Bourhis,
2004), à Lyon, sous le nom d'Esprits critiques se développe depuis quelques années travail
de concertation entre médias scolaires et universitaires mais aussi de formation régulière de
bénévoles sur tous les aspects corrélés à la pratique et à la critique des médias..
Des
regroupements régionaux de radios associatives existent aujourd'hui dans la plupart des
régions. C'est dans ce cadre que, depuis 2004, région par région, des formes de relations diverses
ont été discutées et mises en place entre les fédérations régionales de radios et les conseils
régionaux. Un premier bilan des effets de ces innovations sur la communication dans les territoires
permettrait d'améliorer les pratiques. Les liens entre
les radios et les autres médias devraient
pouvoir être traités dans chacune des régions comme ils ont commencé à être traités en RhôneAlpes.
8.2.3 Regroupements thématiques
Pour des accords avec les institutions publiques et privées qui œuvrent dans leur champ de
compétence, mais aussi pour des coopérations spécifiques, certaines radios se sont regroupées sur
le plan national. Dans les limites de ce travail, nous n'aborderons pas dans ce cadre les
regroupements confessionnels (FFRC pour les radios chrétiennes, radios protestantes, radios juives
essentiellement) bien qu'elles présentent des caractéristiques particulièrement intéressantes et que
certaines d'entre elles soient régulièrement associées à des collaborations entre médias,
notamment à l'échelle des régions.
La Ferarock : les radios rock
De longue date a été posée la double question de la diversité musicale et des rapports avec les
créateurs de musique et de chansons. Dans les toutes premières années de la libération de la
bande FM, une des grandes motivations des membres des radios comme des milieux de la
création musicale et du public résidait dans la possibilité de découvrir des musiques rares, peu
diffusées dans les radios du service public comme dans les radios périphériques. Les premiers
développements de la bande FM dans les années 70 et 80 ont permis la constitution ou la
croissance de communautés d'intérêt pour des musiques jusque là mal distribuées et mal connues.
Dans le domaine du rock avec la Ferarock, mais aussi dans celui de la chanson autour de radio
Rennes, se sont constitués des regroupements interrégionaux qui ont permis de meilleurs échanges
avec les métiers de la musique, la couverture collective de festivals ou d'événement importants,
des échanges de compétences entre animateurs spécialisés. Avec radio Dio à Saint Etienne, Sol
FM à Oullins dans la banlieue lyonnaise, radio Brume à Lyon, Rhône-Alpes est un des lieux
importants de la Férarock.
La Ferue puis IASTAR
Se plaçant d'emblée dans une perspective européenne, les radios campus s'organisent très tôt de
manière autonome dans le cadre de la FERUE (Fédération européenne des radios universitaires et
estudiantines) devenue plus tard IASTAR et aujourd'hui connues sous leurs noms génériques grand
public de « radios campus ».
Il faut noter que ces radios, proches des milieux de l'innovation
technologique, ont souvent été le creuset où se sont déployés la confection puis l'usage
d'innovations qui se sont par la suite répandues dans l'ensemble des radios ou des autres médias.
Nous avons rappelé le rôle des pionniers de radio Brume, la radio campus de Lyon dans l'usage du
numérique et dans les premiers développements de l'internet pour les radios. Aujourd'hui, radio
campus Paris utilise très bien le podcast de ses émissions sur des plates-formes d'interopérabilité très
connues du public. Il reste à établir des relations plus importantes entre médias sur l'usage des outils
techniques au service des objectifs sociaux et culturels des associations et de leurs partenaires
territoriaux pour que les meilleures innovations trouvent leurs meilleur usage.
Autre chantier de travail entre les initiatives média des équipes étudiantes et les médias associatifs
des territoires : articuler les initiatives autonomes permises et pratiquées par les étudiants avec les
pratiques plus installées. On observe comme c'est le cas traditionnellement l'existence de la
création de médias dans certaines écoles ou dans certaines universités. Aujourd'hui ces médias
font un usage, dans les trois domaines de la recherche d'information, de la production et de la
diffusion, des pratiques numériques les plus nouvelles. On peut ainsi voir l'émergence dans notre
région de web radios de qualité comme Trensistor à l'ENS de Lyon ou d'usages intéressants des
réseaux sociaux combinés à des pratiques de convivialité sociale caractéristiques des jeunes
générations comme les a développé à Lyon le journal « No Dogs ».
Le renouvellement des pratiques des médias territoriaux implantés de longue date peut se faire par
l'accueil de ces nouvelles forces, fût-ce au prix de transformations significatives dans les routines
mises en place par les médias les plus anciens.
L'Anarems « association nationale des ateliers et des radios en milieu scolaire »
Nous le voyons dans une autre section de ce travail, l'usage pédagogique de la radio diffusion est
essentiel. Il demande de la part des enseignants qui s'y attachent outre la capacité à mettre en
oeuvre ces possibilités dans la classe, une capacité considérable à trouver les moyens de faire
naître et de pérenniser la structure qui permettra un bon usage des possibilités éducatives des
radios. Dans le cas des ateliers radios, il faut aux enseignants engagés négocier les formes de la
coopération avec la radio locale de leur territoire mais aussi l'insertion de leur atelier dans les
pratiques pédagogiques et administratives de leur établissement. Pour les radios associatives en
milieu scolaire, la difficulté pour les pionniers de ce travail pédagogique réside dans la nécessité
qui est la leur de développer toutes les pratiques de la gestion humaine, juridique et technique
d'un média autonome tout en maîtrisant les relations avec le monde de l'éducation. C'est pour
une entraide institutionnelle et l'approfondissement des réflexions pédagogiques que s'était mise
en place l' Anarems. On trouve sous la plume de son ancien président Jean Marie Girardot (2004)
et d'autres praticiens de la radio en milieu scolaire qui travaillent en bonne intelligence avec le
CLEMI (2002) la mise en forme de ces réflexions et un tour d'horizon de bonnes pratiques. Une des
grandes richesses de l' ANAREMS a été l'organisation annuelle de rencontres nationale, et même
certaines année internationales entre les jeunes engagés dans les ateliers ou les radios scolaires.
C'est dans le cadre de ces rencontres que la radio du collège Roca d' Aubenas Info RC avait
organisé en 1991 les journées « Europhonia » très riches d'approfondissements des relations entre les
jeunes praticiens des radios scolaires et les professionnels de la radio, qu'ils viennent des radios
associatives ou du service public.
8.2.4 Regroupements nationaux et internationaux
Dès 1978 est créé la Fédération nationale des radios libres. Cela se passe à Lyon où radio Canutsradio Guignol avait été créée par un groupe de militants associatifs engagés de longue date dans
les mouvements populaires, syndicats ouvriers, mouvement des paysans travailleurs, mouvements
de solidarité français immigrés, mouvement des femmes (Touraine, 1984), mouvement antinucléaire, mouvements des quartiers engagés dans le droit au logement et dans le refus de
charges locatives excessives, associations de solidarité internationale... Les fondateurs de radio
Canuts bien implantés à l'université maîtrisaient les techniques de la Haute Fréquence et ont pu
bricoler, à partir de matériels achetés en général en Italie des émetteurs qu'ils ont pu partager
avec d'autres équipes dans les régions désireuses de se lancer dans l'aventure de la libération des
ondes. Une expérience fondatrice avait eu lieu en 1976 à Creys Malville dans l' Ain avec une
émission éphémère montée par les militants antinucléaires. Une autre radio pirate, bénéficiant elle
aussi d'un fort ancrage militant, notamment du côté de l'écologie encore peu structurée, mais
aussi de bonnes compétences dans les milieux de la recherche scientifique se met en place très
tôt à Lyon, radio Polyphème. Ces deux radios, composées de militants décidés à répandre les
savoir faire technique au service de la liberté d'expression de mouvements sociaux auront un rôle
important dans la création d'autres équipes radiophoniques dans la région. C'est ainsi que les
initiateurs de Polyphème furent à l'origine de radio Calade à Villefranche sur Saône et de radio
Jacasse à l' Isle d' Abeau. Ces deux radios restent parmi les plus actives des radios associative des
notre région, Jacasse a seulement opté pour le nom de « Couleurs FM ». Ceux de Polyphème ont
également aidé au développement de radio Julie à Bron. Parallèlement, radio Canut a soutenu le
projet à Vénissieux de radio Pluriel. Ce mouvement d'essaimage que nous constatons en Rhône
Alpes correspond à une tendance globale de l'époque dans laquelle la fédération des radios
libres joua un rôle important. C'est bien dans cet esprit de développement d'un mouvement de
libération de la parole
qu'un nouveau congrès de la FNRL eut lieu à Longwy autour du
mouvement des sidérurgistes du Pays Haut lorrain.
Aujourd'hui le mouvement national des radios associatives est divisé en deux grandes organisations
qui ont acquis une représentativité largement reconnue. Les regroupements se font sur des bases
différentes. Alors que la CNRA est une confédération qui rassemble des fédérations nationales,
notamment des fédérations confessionnelles, la Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes
(FRTC), la Fédération Française des Radios Chrétiennes (FFRC) et l' Association des Radios Juives
(ARJ) et des fédérations régionales, souvent autonomes dans leurs statuts et dans leur
fonctionnement, le SNRL privilégie l'adhésion individuelle sur le plan national des radios réunies
autour de valeurs.
Membre titulaire de la CNVA, la Confédération nationale des radios associatives valorise
particulièrement l'engagement collectif des radios dans les régions et leur insertion dans des
réseaux inter-associatifs. « Avec des dirigeants assumant des responsabilités bénévoles ou salariées
dans leurs radios, ... la CNRA a œuvré pour représenter aujourd’hui 18 fédérations de radios
associatives. Plus de 260 radios implantées dans plus de 80 départements français dont 3 d’Outremer, avec près de 10.000 bénévoles et 1.200 emplois salariés ». « Depuis sa création en 1991,
conformément à ses statuts, notre confédération s’est efforcée de regrouper, avec le soutien des
fédérations régionales et nationales françaises, l’ensemble des radios associatives ; des radios de
toutes sensibilité, obédiences, confessions ou courants, dès lors qu’elles ont pour but la
communication sociale. » (site web de la CNRA)
A sa création en 2004, le SNRL a choisi, en conservant les valeurs bien établies de la de prendre la
forme d'un syndicat professionnel. Il attache une grande importance à l'insertion des radios dans
l'univers de l'Economie sociale et solidaire. « Le Syndicat national des radios libres (SNRL) est
l'organisation professionnelle représentative ...des six cent radios locales privées à statut associatif,
dits « opérateurs de catégorie A ». C'est le syndicat de radios non-commerciales le plus important
dans le monde, et le plus puissant en Europe. Créé en 2004 par 118 radios associatives ... le
nouveau syndicat s'est substitué, en s'élargissant à de nouvelles radios, à la Confédération
Nationale des Radios Libres (CNRL) l'organisation historique des radios libres fondée en 1984, sur la
base d'une Charte des radios libres en référence à la promotion des droits de l'homme , à la
déontologie de l'information et la laïcité républicaine. Elle regroupe 307 radios. » (sourcewikipedia)
Pour les vidéos de territoire, le regroupement national est lui aussi assez ancien. Il revendique pour
ses adhérents leur identité de média d’éducation populaire
« La Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers, association nationale d’éducation populaire,
regroupe une trentaine de structures de l'audiovisuel participatif en France, associations et sociétés
de production locales, télévisions de proximité.
Elle anime ce réseau, maintient le lien entre ces différentes initiatives, forme ses adhérents et les
porteurs de projets.
Elle est un lieu de rencontres et d’échanges et nourrit des réflexions sur la pratique et la démarche
de l’audiovisuel participatif.
Avec l’apparition de la vidéo légère, à la fin des années 70, des collectifs se développent dans le
but d’utiliser cet outil pour animer leur propre territoire.
Ils se regroupent en 1984 puis fondent en 1989 la Fédération des Vidéos des Pays, qui deviendra
ensuite, pour intégrer la composante urbaine dans la dénomination, la Fédération des Vidés des
Pays et des Quartiers.
La spécificité de cet audiovisuel tient dans la démarche sociale qui l'accompagne : ancrer le
média au sein d'un bassin de population précis et proposer cet outil de communication aux
habitants comme un véritable moyen d'expression sociale, culturelle, alternative.
En 1991, la Fédération se dote d'une charte à laquelle tout nouveau membre doit adhérer pour
faire partie des Vidéos des Pays et des Quartiers. » (source, site web de la VDPQ)
L'AMARC regroupe des milliers de radios communautaires (au sens anglais de territorial) ou
associatives dans le monde entier. Elle est structurée à la fois par continents et sur la plan mondial.
Les radios associatives françaises sont très actives à la fois dans le cadre de l' AMARC Europe et de
dans le cadre de la direction mondiale de l' AMARC. Certaines radios adhèrent à l' AMARC
directement à titre individuel, d'autres préfèrent une démarche d'adhésion collective par
fédérations. Le président du SNRL, Emmanuel Boutterin a été élu vice-président de l' AMARC
mondiale au Congrès de Buenos Aires en 2010. Parmi les tâches essentielles de ce regroupement
mondial figurent les questions liées à la régulation, notamment celles de l'attribution de fréquences
aux radios communautaires, ce qui suppose une bataille mondiale, au sein de l' International
Telecommunication Union ou d'autres instances internationales mais aussi, la reconnaissance de
l'importance de la diversité culturelle et le rôle que les médias communautaires jouent dans son
développement. Les échanges entre les radios font également partie des tâches importances de
l' AMARC. L'ancien président de l' AMARC à l'échelle mondial,e Steve Buckley (2011) a récemment
publié un ouvrage, accessible en texte intégral sur le web consacré à l'échange des bonnes
pratiques entre radios
Une autre organisation non gouvernementale le CMFE (Community Media Forum Europe) est
complémentaire de l' AMARC en Europe à laquelle elle apporte deux dimension intéressantes :
réunissant des médias participatifs divers (vidéos, radios, journaux, sites web...) elle favorise à la fois
les réflexions transversales et peut agir dans certains contextes comme un groupe de pression
international plus pertinent.
De surcroit, elle a développé une tradition de coopération bien
établie avec le monde de la recherche en science sociales, ce qui donne à ses publications et à
ses rencontres une qualité de débats appréciables.
8.3 La participation à des collectifs interassociatifs
De nombreuses radios, de nombreuses équipes de vidéos sont nées d'initiatives locales portées par
des Centres sociaux, des MJC, des groupes des Franca, des éclaireurs de France, se sont
développées dans les foyers ruraux, dans le cadre d'activités portées par les fédérations des
œuvres laïques. Dans le cas de bien des radios associatives, l'activité radio, du fait à la fois de sa
croissance et de la nécessité d'une gestion autonome plus appropriée à la mise en place de
relations diversifiées, tant sur le plan local que sur le plan national, s'est autonomisée de la structure
d'éducation populaire dont elle émanait.
Les relations se sont maintenues dans les regroupements de médias, au plan national comme au
plan régional, mais mériteraient aujourd'hui d'être revivifiées. Elles se sont faites dans le cadre du
CNAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d'
Education Populaire) ou de la CADECS (Coordination des Associations de Développement Culturel
et Social) notamment avec la CNRL. En 2008 et 2009 les radios de la CRANC-RA ont notamment
participé aux Forums de la jeunesse organisés par le conseil régional en partenariat avec le
CRAJEP. La Fédération Nationale des vidéos de Pays et de Quartiers est membre du CNAJEP. Elle a
aussi récemment aidé les Eclaireuses et Eclaireurs de France à mettre en place leur propre
télévision participative.
Les outils techniques de partage de ressources que nous avons analysés dans ce rapport sont
l'occasion pour des équipes nouvelles dans les structures d'éducation populaire de se servir de
l'outil radiophonique ou de l'outil vidéo à des fins de création artistique, d'expression locale, de
mémoires partagées. L'articulation avec les médias locaux en place, pourvus de savoir-faire et de
réseaux de distribution bien affirmés se fait d'ores et déjà mais pourrait se faire mieux encore.
Dans ce sens une intéressante initiative nationale a été prise par un collectif d'associations et de
fédérations d'éducation populaire sous le beau nom de « paroles partagées » (Centres sociaux,
MJC, foyers ruraux, CIRASTI , Peuple et Culture). La relation plus construite depuis 2010 avec les
deux grandes fédérations de radios associatives est riche de possibilités, elle pourrait gagner à se
décliner plus fortement dans les régions.
Les médias locaux en Rhône-Alpes ont formalisé en 2009 par la création de l' association
MédiasCitoyens la mise en place d'une structure de débats, de représentation et d'échanges dont
la nécessité avait été ressentie depuis plusieurs années à la suite de collaborations développées à
l'échelle des territoires ou à des échelles plus larges comme celle de la région.
8.4. La représentation des médias dans des instances professionnelles
Dans le courant des années 1980, les radios associatives ont commencé à se professionnaliser,
encouragées à cela par les pouvoirs publics et notamment par le Fonds de soutien à l'expression
radiophonique. Les organisations nationales représentatives (aujourd'hui SNRL et CNRA) ont pris
part aux relations entre structures patronales et syndicats de salariés.
En relations avec l'AFDAS (l'OPCA choisie par la majorité des radios), elles se sont notamment
intéressées sur le plan national mais aussi dans les régions, à la mise en place de programmes de
formations adaptés aux tâches des professionnels de la communication sociale de proximité.
Aujourd'hui encore, dans le cadre d'un conventionnement européen Leonardo, le SNRL travaille
avec d'autres partenaires de différents pays d'Europe à approfondir à l'échelle européenne la
définition de ces métiers et à travailler par la suite à l'amélioration de l'offre de formations. En effet
certains segments des tâches professionnelles adaptées aux médias de proximité sont aujourd'hui
peu enseignés.
8.5 La représentation des médias dans les instances internationales
Nous avons souligné l'importance de la représentation des médias associatifs dans les instances
internationales à travers leurs organisations sur plusieurs plans :
La ressource hertzienne : nous assistons aujourd'hui à un conflit feutré mais forte portée sur le
partage international et national des fréquence hertziennes. L'enjeu en est rien de moins que le
maintien et le développement d'une offre de contenus sur les ondes qui soit à la fois gratuite,
anonyme et rédactionnellement indépendante
L' encouragement à la diversité culturelle : les médias associatifs ont vocation à être présents dans
le cadre de l' AGDC Une initiative lancée en 2002 pour renforcer les industries culturelles dans les
pays en développement et promouvoir la diversité des expressions culturelles, par la création de
partenariats entre les secteurs privé, public et la société civile. Voir sur ce travail de l' Unesco
l'article d' Anne Marie Laulan (2004).
La francophonie
Même si elles font, comme nous l'avons vu, une large place aux langues de France et aux langues
des communautés étrangères, les médias associatifs français ont la langue française en partage,
ce qui leur donne une double responsabilité :
–
celle de contribuer à la défense et à l'illustration de la langue, dans toute sa richesse et
dans la diversité de ses usages. C'est ainsi que beaucoup de radios et d'autres médias
associatifs ont été associés, dès leurs origines à des initiatives collectives telles que « le
printemps des poètes » ou « les dix mots de la langue française. » Radios comme vidéos
associatives font dans tous ces contextes plus que fournir un relais d'information aux
initiatives prises par ailleurs, elles peuvent être à l'initiative de projets, menés souvent en
collaboration avec des structures d'animations ou d'autres associations ou établissements
d'enseignement comme des concours de poésie ou de slam, des scènes ouvertes, des jeux
interactifs....
–
celle de trouver les voies d'échanges avec d'autres médias totalement ou partiellement
francophones dans le monde entier.
Dans ces deux domaines, les évolutions techniques récentes favorisent la prise d'initiatives diverses
pour des coûts techniques modestes.
Indications bibliographiques section 8
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Anheier Helmut K. and Jeremy Kendall Trust and voluntary organisations:Three theoretical
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Guide relatif à l'application aux services d'intérêt économique général, et en particulier
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Pp. 19-61 in Social Structures: A Network Approach , edited by Barry Wellman and S.D. Berkowitz.
Cambridge: Cambridge University Press.
CONCLUSION
Les médias de territoires, médias d'émergence des nouvelles locales et de l'appropriation des
nouvelles du monde
Nous sommes dans une époque de changements. On n'en connaît pas la direction, les débats
sont complexes, les enjeux impressionnants (Hessel, Morin, 2011). L'économiste Daniel Cohen (Nos
temps modernes, 2002 passim) attire l'attention sur une évolution essentielle de nos sociétés
modernes : au-delà du capitalisme financier et des dérèglements qui lui sont imputables, nous
allons, progressivement et non sans inégalités de progression et non sans fausses consciences,
d'une économie des objets à une économie des relations humaines, du travail humain dirigé vers
la production des biens au travail humain de la vie commune.
Accompagner les grandes évolutions sociales au plus près des interactions qui les constituent, c'est
le travail des médias. Et les médias qui sont accessibles massivement et dans la durée à chacun
quel que soit son capital social et son capital culturel (Coleman, Bourdieu) sont, pourraient être,
devraient être des médias locaux à la fois compétents et indépendants.
Une belle idée apparaît quelque part dans les plus lointains réseaux de la planète, une
connaissance nouvelle, une pratique intéressante, elle prendra un sens vraiment actuel, sera
mémorisée, quand elle pourra être reprise ici et maintenant, insérée, commentée dans l'espace
local, reprise par des acteurs connus ou connaissables. C'est un concernement, une
conscientisation (Freire – voir à son sujet Gerhardt 1993), une appropriation, c'est aussi (Kuklys et al.
2005 à propos d' Amartya Sen) un « empowerment », une « capacibilité » de la communauté
locale que de mettre en œuvre la nouvelle technique, que de commenter un nouvel événement,
que de s'approprier de nouvelles façons de vivre ensemble.
« Dans leur consommation des contenus numériques, les utilisateurs ne sont plus passifs. Ils
prennent directement part à la conversation médiatique, qui n’est plus l’apanage des seuls
professionnels. Ils deviennent ainsi une force à part entière, productive et critique, surtout à
l’égard des professionnels de l’information, lesquels voient leur rôle transformé par
l’émergence des médias sociaux. » (Deslandes et al. 2009, p. 41)
On commence à travailler aujourd'hui sur une « économie de l'attention » (voir par exemple
Merzeau 2009). Une nouvelle économie, dans laquelle les médias se trouvent valorisés à
travers le sens originel du mot qui les désigne ensemble, médias, les artisans des passages.
On s'intéressait traditionnellement dans l'économie des médias d'un côté aux recettes
provenant des ventes aux consommateurs, vente de journaux et revues, par exemple, à
l'unité ou par abonnements, de l'autre aux recettes provenant des acteurs qui souhaitent
exercer à travers les médias une influence, recettes publicitaires, mais aussi différents types
de financement d'influence dans le champ politique, religieux, économique... Des travaux
se font jour sur les « marchés à doubles versants » pour lesquels l'important est la capacité à
influencer les choix des individus dans la profusion des connaissances disponibles, dans leur
perception, dans leur organisation, dans leur transmission. C'est dans ce rôle de moteurs des
choix de connaissances dans une collectivité locale, d'accélérateurs des conversations
heureuses, que peuvent aujourd'hui être considérés les médias de territoire.
Tout peut changer dans l'organisation économique du monde, dans les instruments de
calcul de la richesse, d'aide à la décision, en bref dans les outils de représentation du
monde (Stiglitz et al. 2011). Tout est en train de changer dans la capacité de chacun à
s'approprier les représentations, à les partager, et à agir. Dans ce contexte l'évolution des
médias comme instruments collectifs dans l'économie de l'attention est essentielle (Benkler,
2009).
Et cela peut se faire dans une dialectique entre le développement de médias territoriaux
crédibles, indépendants, auxquels le public puisse faire confiance, articulant la
collaboration de personnes compétentes et reconnues et le développement de territoires
plus autonomes et en même temps ouverts sur le monde.
Mais le modèle de coopération entre ces médias très divers répartis dans le monde entier,
leur articulation avec les contributions de créateurs ou de passeurs de connaissances
innombrables suppose la mise en place d'un droit adapté. Les débats sur la musique, les
débats sur le cinéma, ont montré combien ces questions étaient complexes et combien les
enjeux économiques et politiques étaient essentiels. Un mouvement de réflexion et d'action
juridique est lancé depuis de nombreuses années sur le plan international, celui des
« Creative commons ». Ce débat sur la diversité des licences permises sous ce titre est
essentiel et il nous faudra l'approfondir dans le cadre de nos réflexions futures.
Pour bien penser cette évolution, qui en est à son amorce, on reprendra une fois de plus les
indications de Dominique Wolton. Le mouvement altermondialiste
avait préféré à la
position anti-mondialiste, arcboutée sur un localisme qu'il jugeait inconséquent et
dangereux, le préfixe « alter ». De la même façon, Wolton (2003) parle d'une autre
mondialisation qui implique, dans le monde de la communication et de l'information, un
autre modèle de monde à construire. Cet auteur voit la mondialisation de l'information
comme un terrible danger culturel et il n'invite pas aux replis frileux et polémiques (gros de
guerres) sur des identités folkloriques, mais à la distinction conceptuelle essentielle entre
information et communication. Et c'est dans cette nouvelle définition de la communication
que la notion de territoire prend tout son sens.
« Les deux dernières décennies du XXè siècle ont été dominées par la vision technique et
économique de la communication. Le début du XXI è siècle, avec les conflits et le
terrorisme,
retrouve
l'importance
d'une
communication. » (Wolton, 2003, p. 206).
définition
humaniste
et
politique
de
la
Indications bibliographiques conclusion
Benkler Y., La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l'heure du partage social , Presses
Universitaires de Lyon, 2009
http://www.internetactu.net/2009/12/10/vers-la-richesse-des-
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texte intégral de l'ouvrage original (2006)
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Cohen Daniel Nos temps modernes Flammarion 2002
Deslandes Ghislain , Laurent Fonnet, Antoine Godbert,
Éthique des médias sociaux et économie de la participation: Vers une nouvelle approche
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http://www.gmj.uottawa.ca/0901/v2i1_deslandes,%20fonnet%20et%20godbert.pdf
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Hessel Stéphane, Morin Edgar Le chemin de l'espérance Fayard 2011
Kuklys W, Robeyns Robeyns Sen's capability approach to welfare economics in Amartya
Sen's Capability Approach, 2005 - Springer
http://www.dspace.cam.ac.uk/bitstream/1810/394/1/cwpe0415.pdf
Merzeau Louise, Présence numérique : les médiations de l’identité 2009
http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/48/32/93/PDF/ENJEUX-MERZEAU.pdf
Sen Amartya Poverty : an ordinal approach to measurement Econometrica: Journal of the
Econometric Society, 1976 44 2 pp. 219-231
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https://new.cbd.int/doc/case-studies/inc/cs-inc-report.commission-en.pdf
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LES SIGLES ET LES LIENS
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http://www.acrimed.org/
ACSE Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances
AFDAS Fonds d'assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs
https://www.afdas.com/
AGDC Alliance globale pour la diversité culturelle
AMARC Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires
http://www.amarc.org/index.php?p=home&l=FR
AMARC Europe
http://europe.amarc.org/index.php?l=FR
ANAREMS Association nationale des ateliers et radios en milieu scolaire
APAR Association Patronale de la Radiodiffusion privée
APROR Association pour la promotion des radios rurales
APROR Alpes
ARJ Association des Radios Juives
AUDIENS, association de retraite complémentaire
http://www.audiens.org/
CADECS Coordination des Associations de Développement Culturel et Social
http://www.pariscadecs.fr/
CCFD Terres solidaire – regroupement associatif de solidarité internationale
http://ccfd-terresolidaire.org/
CLEMI Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information
http://www.clemi.org/fr/
CIRASTI collectif interassociatif d'éducation populaire pour la culture scientifique et technique
http://www.cirasti.org/
CMFE Community Media Forum Europa
http://www.cmfe.eu/
CNAJEP Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d'
Education Populaire
http://www.cnajep.asso.fr/
CRAJEP – structure régionale du CNAJEP
CNM Centre national de la musique
CNRA Confédération Nationale des Radios Associatives
http://cnra.fr
CNRL Confédération Nationale des Radios Libres
CNVA Conseil national de la vie associative
http://www.associations.gouv.fr/112-le-conseil-national-de-la-vie.html
COE Council of Europe Conseil de l'Europe
http://www.coe.int/lportal/fr/web/coe-portal
CPCA Conférence Permanente des Coordinations Associatives
CRANC-RA Confédération des Radios Associatives non commerciales de Rhône-Alpes
CRESS : Chambre Régionale de l'Economie Solidaire
CSA Conseil supérieur de l'audiovisuel
http://www.csa.fr/
CUCS Contrat urbain de cohésion sociale
http://i.ville.gouv.fr/reference/3723
DR Digital Radio
http://www.radio-numerique.fr/
DRACE Digital Radio Culture in Europe
http://www.drace.org/
ECREA European Communication Research and Communication Association
http://www.acrimed.org/article1157.html
EPN Espaces Publics Numériques
http://www.netpublic.fr/net-public/espaces-publics-numeriques/programmes-reseaux-labels/
EPRA Echanges et productions radiophoniques
www.gip-epra.fr
FAS puis FASILD : Fonds d'action sociale pour ls travailleurs immigrés et leurs familles puis Fonds
d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations
FERAROCK Fédération des Radios Rock
http://www.ferarock.org/
FERUE Fédération européenne des radios universitaires et estudiantines
FESAC Fédération interprofessionnelle des Entreprises du Spectacle, de l’Audiovisuel et du Cinéma
http://www.fesac.fr/
FFRC Fédération Française des Radios Chrétiennes
http://www.ffrc.fr/
FNDVA Fonds National pour le Développement de la Vie Associative
FNLL Fédération nationale Léo Lagrange
http://www.leolagrange-fnll.org/
FNRL Fédération Nationale des Radios Libres
FOL Fédérations des Oeuvres Laiques. Par exemple la fédération du Rhône : http://www.fol69.org/
FRANC-RA Fédération des Radios Associatives non commerciales de Rhône-Alpes
FRAPNA Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature
http://www.frapna.org
FVDPQ Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers
http://vdpq.org/
FRADIF Fédération Régionale des Radios Associatives d'Ile de France
www.fradif.org
FRANCA Fédération nationale laïque de structures et d'activités éducatives, sociales et culturelles
http://www.francas.asso.fr/
FRTC Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes
http://e-radiotv.org/frtc/
FSER Fond de soutien à l'expression radiophonique locale
www.ddm.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=40
GRER Groupe de recherches et d'études sur la radio http://www.grer.fr/
IASTAR les radios campus
http://www.radiocampus.fr/
ICEM (Institut coopératif de l'école moderne)
http://www.icem-pedagogie-freinet.org
IEICP (Institut Européen d' Informations et de Conjonctures Professionnelles)
http://www.iplusc.com/
IFEX International Freedom of Expression Exchange
http://www.ifex.org/
IFRB International Frequency Registration Board
INJEP institut national de la Jeunesse et de l'Éducation populaire
http://www.injep.fr/
ITU International Telecommunication Union
http://www.itu.int/fr/Pages/default.aspx
MJC Maisons des jeunes et de la culture
Confédération des Maisons des jeunes et de la culture de France
http://www.mjc-cmjcf.asso.fr/
Fédération Française des Maisons des jeunes et de la culture
http://www.ffmjc.org/
OIF Office International de la Francophonie
http://www.francophonie.org/
OPCA organisme paritaire collecteur agréé
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/orga-collecteur-paritaire.htm
SIRTI Syndicat Interprofessionnel des radios et des télévisions indépendantes
http://www.sirti.info/
SNRL Syndicat National des Radios Libres
http://www.snrl.fr/
UE Union Européenne
http://europa.eu/index_fr.htm
UIT – ITU Union internationale des télécommunications (en anglais International Telecommunication
Union ou ITU)
http://www.itu.int/fr
UNESCO
http://www.unesco.org
Alliance globale pour la diversité culturelle
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/pdf/agdc_factsheet_fr.pdf
USGERES Union des syndicats et groupements d'employeurs dans l'économie sociale
http://www.usgeres.fr/
Annexe 1
APPEL DE MARSEILLE
8 mai 2006
Les « Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » ont réuni près de 150
médias français, du 5 au 8 mai 2006, en présence d'une vingtaine de représentants de médias
européens, latino-américains et africains de même nature qui se développent dans le monde
entier, et de représentants des « Rencontres de Grenoble des médias alternatifs de la région
Rhône-Alpes » (22 avril 2006).
Les « Rencontres de Marseille » ont permis de dresser le constat suivant : à côté des secteurs privé
et public, il existe un vaste tiers secteur des médias constitué d’une multitude de médias non
alignés, à but non lucratif, indépendants des pouvoirs publics, des puissances financières, des partis
politiques et des obédiences confessionnelles. Que ce soit dans l’univers de la radio, de la
télévision, de l’Internet ou de la presse écrite, les Médias du Tiers Secteur sont porteurs d’une même
exigence de liberté d’expression, d’information et de création. Associatifs, coopératifs ou
mutualistes, ils se définissent selon les cas comme des médias démocratiques, alternatifs,
participatifs, libres, solidaires et/ou citoyens. La diversité assumée de leurs objectifs, de leurs
contenus, de leur fonctionnement, de leur mode et de leur zone de diffusion, de leurs approches
du local et de la proximité en résonance avec le niveau planétaire, et de leur rapport à leur
public, participe de la richesse même de ce tiers secteur des médias.
Les Médias du Tiers Secteur : des acteurs essentiels de la vie démocratique
Les Médias du Tiers Secteur sont des outils irremplaçables au service de la démocratie
participative, de la solidarité sociale et territoriale, et du débat d’idées. Ils se revendiquent du droit
des citoyens à l’information, à la culture, à la libre expression et à la critique. Ils sont une antidote
nécessaire à la pensée dominante assénée par les grands médias, au formatage des identités et
des esprits, à la marchandisation de l’information et de la culture. Face à la concentration des
médias entre les mains de quelques grands groupes financiers, ils inscrivent leur engagement dans
le processus plus large des « Etats Généraux pour une information et des médias pluralistes ». Ils
contribuent ainsi à la transformation de l’ensemble du paysage médiatique, par une appropriation
démocratique de son devenir. Et ils proclament, comme beaucoup d’autres, que l’information et
la culture doivent redevenir des biens publics, ce qui passe notamment par la refondation du
service public.
Principaux éléments de la Charte des Médias du Tiers Secteur
Les Médias du Tiers Secteur partagent les mêmes valeurs essentielles : ils sont indépendants, laïques,
pluriels, à but non lucratif et respectueux de la déontologie du journalisme, ainsi que des droits des
créateurs. Ils considèrent que leur public est composé de citoyens actifs et non pas de
consommateurs passifs. Leur gestion est démocratique et fondée sur les valeurs associatives. Ils sont
ouverts, participatifs, constructifs et transparents. Ils explorent de nouveaux dispositifs au service de
l’expression populaire directe. Ils favorisent l’esprit critique vis-à-vis de toutes les formes de
domination. Ils défendent et pratiquent l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Ils sont
soucieux de la lutte contre toutes les formes d’exclusion et de discrimination. Ils sont attentifs à la
promotion des identités culturelles dans toute leur diversité, des droits de l’être humain et de tout
ce qui contribue à un monde plus solidaire, plus juste et plus respectueux de l’environnement.
Tournant le dos à toutes les pratiques concurrentielles, ils aspirent à travailler ensemble, dans la
coopération et la complémentarité, en s’organisant en réseaux transversaux pour créer les
indispensables
synergies
et
solidarités
locales,
régionales,
nationales,
européennes
et
internationales.
Pour la création d’une Coordination des Médias du Tiers Secteur
Les participants aux « Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » lancent un
appel à la création d’une Coordination des Médias du Tiers Secteur. Cette Coordination permettra
de poursuivre et d’élargir les échanges, le débat et le combat commun pour que les Médias du
Tiers Secteur soient reconnus par les pouvoirs publics et pour qu’ils disposent du cadre juridique, des
moyens financiers et des espaces de diffusion nécessaires à la réalisation de leurs missions
informatives, sociales et culturelles d’intérêt public. Les participants aux Rencontres de Marseille
entendent oeuvrer à la création de cette coordination lors de la session nationale des Etats
Généraux pour une information et des médias pluralistes, en octobre 2006, après que l’ensemble
des Médias du Tiers Secteur auront pris connaissance de cet Appel, l’auront discuté, amendé et
enrichi, et se seront déterminés quant à leur participation. Par ailleurs, les participants aux
Rencontres de Marseille s’engagent à prendre contact avec les structures de coordination
similaires existant en Europe et sur les autres continents, afin d’organiser avec elles les solidarités, les
résistances et les échanges entre les Médias du Tiers Secteur existants ou naissants au niveau
international. Enfin, les participants entendent interpeller les syndicats, les associations d’éducation
populaire et les organisations politiques, afin qu’ils s’emparent de la question des médias comme
d’un enjeu politique central.
Synthèses des revendications principales des Médias du Tiers Secteur
Ensemble, les Médias du Tiers Secteur demandent :
1. Pour l’ensemble des Médias du Tiers Secteur :
Elaboration démocratique d’une loi contre la concentration financière et industrielle des médias.
Représentation des Médias du Tiers Secteur dans toutes instances de régulation, de concertation
et de gestion concernant les médias.
Réforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel CSA), particulièrement du mode de désignation de
ses membres, pour qu’il devienne représentatif de l’ensemble de la société et soit au service du
pluralisme.
Reconnaissance, protection et garantie d’exercice de l’activité des personnes contribuant à la
vie des Médias du Tiers Secteur.
Attribution aux Médias du Tiers Secteur d’une part équitable des budgets des campagnes de
communication d’intérêt collectif et d’intérêt général.
2. Pour les radios associatives :
Renforcement du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) : représentants élus,
pourcentage sans plafond au lieu de fourchette plafonnée pour la taxe fiscale sur la publicité des
radios et des télévisions alimentant ce Fonds, paiement des subventions dans l’année.
Aide spécifique au passage au numérique (information et équipement).
Protection du quota des fréquences associatives (30% des fréquences pour le secteur associatif).
3. Pour les télévisions associatives (reprise de l’Appel des télévisions associatives du 3 mai 2006) :
Extension aux télévisions associatives du Fonds de soutien aux radios associatives (FSER) par une
augmentation du montant et de l’assiette (grands médias et hors médias) de la taxe sur la
publicité qui alimente actuellement ce Fonds, et par l’instauration d’une redevance sur l’utilisation
des fréquences hertziennes par les opérateurs audiovisuels commerciaux.
Obligation de transport gratuit des télévisions associatives par les distributeurs privés commerciaux
du câble, du satellite, de la TNT, de l’ADSL et de la téléphonie mobile.
Des
appels
à
candidatures
spécifiques
du
CSA
réservés
aux
télévisions
associatives
indépendantes, pour que leur soit attribuées un quota équitable de fréquences analogiques et
numériques au plan local, départemental, régional et national.
4. Pour la presse écrite et l’édition indépendante et sans but lucratif :
Développement d’aides spécifiques à la diffusion et révision des conditions d’accès aux points de
ventede presse (NMPP, MLP).
Incitation des dispositifs publics de lecture (bibliothèques, centres de documentations) à diversifier
leur offre par l’établissement de politiques d’achat spécifiques pour l’édition et la presse
indépendante, et création de Maisons citoyennes de l’information et de la création.
Extension et reventilation des aides publiques à la presse, afin qu’elle bénéficie prioritairement à la
presse écrite à but non lucratif.
5. Pour l’Internet solidaire et non-marchand :
Retrait de la Loi de confiance dans l’économie numérique (LCEN), attentatoire à la vie privée et à
la liberté d’expression.
Remise en cause de toutes les entraves à la libre circulation des contenus sur Internet (notamment
celles introduites par la loi DADVSI et par le début de régulation d’Internet par le CSA), dans le
respect véritable des droits des auteurs, des créateurs et des journalistes.
Promotion de l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts par opposition aux formats
propriétaires, et aide spécifique pour la formation à ces outils.
Le 8 mai 2006
Annexe 2
Dans le cadre d'un programme d’étude du FASILD, en 2002 a été réalisé un travail de recherche
sur les radios locales associatives à destination des publics immigrés. Le rapport final de cette
étude réalisé par le cabinet de sociologie Résonance fait apparaître les fiches de présentation de
quelques unes des neuf radios qui, sur le plan national, avaient été sélectionnées pour constituer
l'échantillon de l'enquête. Radio Pluriel, de Saint Priest, figurait parmi ces radios. L'enquête avait été
menée pendant deux jours à Saint Priest par la sociologue Catherine Froissart.
Bénédicte de Lataulade, Catherine Froissart, Lucie Melas
destination des publics immigrés
: Les radios locales associatives à
Résonance Rapport final au FASILD – radios associatives
Mars
2004
1- Naissance et ancrage de Radio Pluriel sur l'Est Lyonnais
Née en 1981, sur le quartier des Minguettes à Vénissieux, Radio Pluriel commence à émettre avec
l'appui technique de Radio Canuts, première radio associative de la région lyonnaise (dont les
premières émissions sont diffusées en 1975).
Résultant d'un projet porté par les militants associatifs des Minguettes, Radio Pluriel se
positionne dès ses débuts, comme une radio soucieuse d'intégration et ouverte aux différentes
associations présentes sur le quartier. Dès ses premiers mois d'émission, la dimension "vie
quotidienne" des familles d'origine étrangère est très présente dans sa programmation.
En 1983, elle monte un projet de fréquence qui sera autorisé par la Haute Autorité, avec Radio
Grain de SEL (Sud Est lyonnais) et Radio Canne à Sucre (radio antillaise) et s'installe à Saint Priest en
1984, où la mairie accepte de mettre un local à sa disposition.
Depuis 1985, elle émet depuis Saint Priest en étendant peu à peu son territoire d'émission, soutenue
dans un premier temps par les communes de Saint Priest, Mions et Corbas, puis par le FAS en 1987,
après avoir repris à son compte le projet porté par Radio Julie (communes de Saint Fons et de
Bron) et avant de sceller "son mariage" avec Cath
FM, radio des associations, installée à Sainte Foy Les Lyons. En 1990, elle reprend le site
d'émissions des Minguettes qui lui permet d'être mieux entendue sur la région Lyonaise.
Dès 1986, Radio Pluriel entend travailler en réseau et participe à la création du DIRA (Département
Inter Radios Associatives : couverture des événements de la région lyonnaise dans les domaines
sanitaires et sociaux) qui regroupe une dizaine de radios associatives de la région Rhône Alpes. Puis
elle adhère successivement à la CNRL, à la FERUE (Fédération Européenne des Radios Universitaires
et Estudiantines), à l'ANAREMS (Association Nationale des Radios en Milieu Scolaire). Elle participe à
la mise en place de l'EPRA et rentre au conseil d'administration de l'association (1992). Elle siège
toujours au conseil d'administration de l'EPRA, est membre de la CNRL, du CORREX et de l'AMARC
(Association Mondiale des Radio-diffuseurs Communautaires).
Elle multiplie les contacts avec différentes radios (collaboration avec radio Arménie, après le
tremblement de terre de 1988 ; collaboration avec radio campus Bruxelles autour de la production
d'émissions communes en 1991,…) et pays (suivi des élections présidentielles au Chili en 1989 :
formule développée par la suite avec d'autres pays; appui technique en 1990 à un groupe
d'associations de Timisoara-Roumanie),…Elle participe, dès ses débuts, à la formation de
travailleurs sociaux (premiers stages des travailleurs sociaux à l'usage de la radio en 1981, en
relation avec l'IFES de Caluire : école d'éducateurs) et de jeunes, en lien avec les établissements
scolaires (installation d'un studio au collège Henri Barbusse de Vaulx en Velin en 1991, pour une
semaine de la presse à l'école). Deux axes qui sont toujours poursuivis aujourd'hui avec d'une part,
des stages proposés au sein de la radio et des émissions produites avec des travailleurs
sociaux ; d'autre part, un travail mené régulièrement avec les écoles en relation avec l'association
"Fréquence Ecole".
2. Un projet radiophonique qui s'est peu à peu structuré
Radio Pluriel s'inscrit dès ses débuts dans l'esprit d'une radio de proximité, ouverte à toutes les
expressions et elle n'a pas dérogé à ces principes. Son projet initial : favoriser l'intégration des
individus et des groupes, en donnant la parole aux habitants
des banlieues populaires dans toutes leurs diversités, en facilitant leur participation aux
activités de la radio, en cherchant à élargir leurs centres d'intérêts et leur implication dans la vie
locale.
Si ce projet n'a globalement pas changé, il s'est néanmoins peu à peu affirmé et enrichi de la
diversité des échanges développés et des actions engagées. Avec des origines étroitement liée
aux débuts mouvementés des radios Lyonnaises, marqués notamment par de nombreux conflits
autour du partage de fréquences, Radio Pluriel portait de fait, à ces débuts, tous les projets et les
toutes passions suscitées par le développement des radios libres. Dans les années 80, au cours des
premières années de son fonctionnement, Radio Pluriel est ainsi marquée par une forte
effervescence. Issus des milieux associatifs et des radios pré-existantes à Radio Pluriel, les
animateurs bénévoles y participaient avec chacun leur bagage culturel, leur propre histoire et
celle de la radio dans laquelle ils intervenaient auparavant. " On cherchait à donner du plaisir aux
auditeurs et à se faire plaisir… tout le monde faisait ce qui lui plaisait, c'était magique, il fallait tout
inventer. Même les personnes les plus timides faisaient de la radio et se mettaient à parler …" Les
animateurs racontent ainsi de nombreuses histoires de bénévoles dont les émissions ont permis le
repérage et qui sont aujourd'hui sur des "postes en vue". Au delà du projet initial qui portait Radio
Pluriel, c'était aussi la "radio des copains", "la radio pour la radio", voire la radio permettant
d'engager une thérapie personnelle, la "radio-miroir",…Aujourd'hui les choses ont changé, l'équipe
s'est professionnalisée, l'évolution des techniques (avec en particulier la numérisation) a permis de
mieux maîtriser la production et de diversifier les émissions, les animateurs sont plus présents sur le
terrain et corrélativement, la radio a élargi son offre en participant activement à différents réseaux
d'échanges de programmes. Même si la passion reste très présente dans nombre d'émissions,
Radio Pluriel est entrée clairement aujourd'hui dans une phase de structuration.
Au delà de l'extension de sa zone d'influence, et avec un projet globalement identique à celui de
ses débuts, la programmation de Radio Pluriel a évolué. Cette évolution résulte sans doute, tout à
la fois :
- de la maturité de la radio qui lui a permis de rompre définitivement avec une radio émettant
"pour soi" et favorisant "l'entre soi", au profit d'une radio centrée davantage sur son auditoire ou sur
ses auditoires, leurs attentes et besoins. En associant passions et compétences techniques, en
diversifiant les thèmes et types d'émissions, en élargissant ses sources, tout en développant sa
présence sur le terrain : "Maintenant l'animateur n'est plus le roi, on donne de la place aux gens.
On fait de la radio pour les autres".
- de la volonté de la radio de se positionnerclairement vis-à-vis des médias privés. Il ne s'agit plus
uniquement aujourd'hui de donner la parole aux habitants, mais aussi d'intéresser les auditeurs. Il ne
s'agit plus non plus uniquement d'occuper l'antenne, mais de sortir de l'uniformisation, du modèle
proposé par les "grands médias"…. "d'offrir un autre son de cloche";
- de son recentrage sur son projet d'intégration, en organisant plus systématiquement sa
programmation au regard de la diversité des centres d'intérêt de ses auditeurs avec un double
objectif de reconnaissance de ces diversités et de création de lien social inter-communautés et
inter-générations.
3 - Une radio Multi-culturelle plus qu'Interculturelle
Il reste toutefois que Radio Pluriel se positionne sans doute encore davantage comme une radio
multi-culturelle, plus qu'interculturelle.
Ainsi :
- si la composition de son équipe reflète sans doute assez bien la composition socio-culturelle de
ses territoires, ses interventions restent encore fortement cloisonnées. Les nombreux bénévoles (près
de100 bénévoles) qui interviennent chaque jour à la radio sont retenus en fonction de leur projet
plus que d'un projet d'ensemble, même si aujourd'hui on cherche à faire porter l'attention sur les
complémentarités existantes et à promouvoir, pour mieux répondre aux besoins du territoire, ne
pas négliger une communauté ou une catégorie de population et couvrir l'ensemble du territoire.
- de même, si la grille des programmes répond bien au souci de diversifier les thèmes et types
d'émissions, pour répondre à la diversité des centres d'intérêt, son "organisation verticale" participe
néanmoins au "morcellement de l'espace public "14 . Ainsi seules certaines émissions d'information
sont reprises régulièrement chaque jour, mais pour l'essentiel les émissions sont étalées sur
l'ensemble de la semaine, selon une succession de tranches horaires assurées par les différents
bénévoles qui n'entretiennent pas nécessairement de relations entre eux. De fait, le nombre
important de bénévoles intervenant, leur "turn over" inévitable, mais surtout les contraintes horaires
que cela engendre, ainsi que l'existence d'un très petit nombre de salariés permanents (4 salariés
dont 3 sur des contrats "emploi-jeune") contribuent à produire un certain émiettement et à favoriser
la juxtaposition d'émissions s'adressant à différents publics, plus que leur articulation. On notera
toutefois qu' indépendamment des modalités de leur programmation, les nombreuses émissions
musicales ou culturelles proposées chaque jour par la radio, l'utilisation courante de la langue
française, y compris dans les émissions ciblées en direction des différentes communautés d'origine
étrangère, constituent sans aucun doute un des moyens de construire du lien entre groupes
sociaux et communautés d'origines différentes. Néanmoins, et en contrepartie en quelque sorte
des effets négatifs induits par cette structuration majoritairement "verticale", Radio Pluriel a pu :
- d'une part, conserver toute la souplesse nécessaire à l'adaptation de son offre, en fonction des
événements locaux, nationaux ou internationaux ; réserver, en quelque sorte, des créneaux pour
intervenir "à chaud" et venir éclairer l'actualité (ex : débat organisé avec les intermittents du
spectacle en début juillet ; suivi journalier du rassemblement contre l'OMC ; suivi d'élections dans
différents pays, en croisant des reportages réalisés en direct, des montages produits en studio, et
des commentaires depuis le studio) ou développer de nouvelles émissions (autour de nouvelles
thématiques, pour répondre à des demandes de terrain ou permettre à des projets portés par des
bénévoles de se concrétiser).
- d'autre part, se positionner comme média de proximité. Proche géographiquement et
culturellement de ses différents auditeurs, ce fonctionnement semble en particulier favoriser leur
participation à la réalisation des émissions produites et/ou au cours des émissions. Il reste
cependant que ces aspects constituent aujourd'hui les points centraux de la réflexion conduite
pour mieux positionner la radio sur la réalisation des objectifs qu'elle s'est fixée. Le passage à la
production d'émissions mieux articulées entre elles est de ce fait peu à peu organisé tout à la fois
avec :
- l'instauration d'un groupe de réflexion sur la mise en place de nouvelles émissions ;
- l'embauche d'un journaliste pour articuler l'information générale (via les différentes sources de
deuxième année "Politique et communication"- Institut d'Etudes politiques de Lyon – 1999-2000
existante) à la vie locale, servir de fil conducteur à un travail d'équipe plus ancré sur le terrain et
mieux structuré (mise en place d'un comité de rédaction) ;
- le montage de projets collectifs (ex : projet de travailler en relation avec Paris Pluriel sur le Forum
Social Européen de Saint Denis –octobre 2003 ; développement du travail en réseau et appui aux
initiatives prises par les animateurs et/ou mobilisation autour de la production de nuits
thématiques : nuit de la poésie, par exemple).
4 – Une radio généraliste qui a opté pour un traitement transversal des questions liées à l'intégration
Multi communautaires et généraliste, Radio Pluriel consacre une très large partie de ses émissions à
des émissions musicales et culturelles, tout en cherchant néanmoins le plus possible à y intégrer des
débats, prises de position et points de vue, ceux des animateurs et de leurs invités. Les débats, les
émissions thématiques ou d'information, s'inscrivent sur les créneaux laissés par la programmation
musicale qui occupe largement les plages horaires de la journée en semaine. Néanmoins, la
souplesse évoquée plus haut permet de consacrer ponctuellement du temps à certains
événements (ex : micro ouvert à l'occasion du 11 septembre ou du tremblement de terre en
Algérie) et les cloisonnements entre thématiques s'estompent au sein de certaines émissions.
Comme c'est notamment le cas pour les émissions consacrées à l'Afrique ou à la Kabylie. Dans ce
cadre, la question de l'intégration est traitée de manière transversale et intégrée à l'ensemble de la
programmation. Même si certaines émissions font porter davantage l'attention sur cette
thématique plus que d'autres, la tendance semble ici être tant à la ventilation des questions
traitées entre diverses émissions, qu'à leur banalisation en quelque sorte, en optant pour la diffusion
et la promotion des différentes cultures représentées sur le territoire. Au fond, la culture au sens
large du terme, est appréhendée ici, comme le moyen de fédérer les différentes communautés
entre elles, de favoriser la mise en réseaux des différentes communautés ou groupes sociaux avec
les acteurs de la ville, d'articuler l'information concernant les pays d'origine des communautés
d'origine étrangère à ce qui se passe sur les quartiers. Les émissions diffusées par l'EPRA sont reprises
ponctuellement, à raison d'une heure journalière en moyenne, voire intégrées à d'autres émissions.
5- Une vie associative très active
Radio Pluriel fédère près d'une centaine d'adhérents, individus bénévoles actifs pour la grande
majorité d'entre eux. Ils viennent pour faire de la radio avec leurs projets, qui sont retenus en
fonction, tout à la fois, de leur qualité, de leur pertinence vis-à-vis des caractéristiques sociales et
culturelles du territoire, et de leur cohérence avec le projet radiophonique d'ensemble. Si les
associations locales peuvent bien être interpellées pour participer à des émissions, voire pour
quelques unes, être responsables d'une émission hebdomadaire, pour l'essentiel néanmoins, la
programmation est construite avec la somme des projets individuels de chacun des bénévoles.
Au delà des instances de concertation et de décision qui se réunissent autour des orientations, du
choix des émissions, et gère la vie au quotidien de la radio,… parler de vie associative ici, c'est
surtout parler du bouillonnement qui caractérise la vie de la radio : lieu de passage et de brassage,
la radio est un véritable "lieu de vie " que font fonctionner les bénévoles, avec les salariés qui en
assurent, en quelque sorte, la permanence (3 salariés équivalent temps plein, auxquels il convient
d'ajouter la personne en charge de l'association « Fréquence-Ecole ») et le nombre important de
stagiaires (une vingtaine par an) qui passent sur la radio. Il reste que la maîtrise de ce
bouillonnement ne va pas de soi, que les modalités de la mise en cohérence sont au centre du
débat qui anime aujourd'hui l'équipe.
6 - Une offre de services qui dépassent largement le cadre des émissions produites
Plus avant Radio Pluriel est peut être aussi et avant tout une radio de terrain, qui entend se
développer non seulement dans le paysage radiophonique local, mais aussi comme acteur,
créateur d'évènements. A ce titre, la présence sur le terrain de Radio Pluriel ne s'organise pas
seulement autour de la réalisation de reportages, mais aussi d'une réelle collaboration avec les
organisateurs d'évènements divers et les associations de quartiers, en relation de fait avec la radio
par le biais des bénévoles qui y sont adhérents.
Plus spécifiquement, depuis 1991, l'association "Fréquence Ecole" permet de développer un travail
en lien avec les établissements scolaires. Fréquence Ecole intervient à la demande des
établissements et en accompagnement des enseignants dans une triple perspective : appui à la
production d'émissions "pour donner du sens à l'information brute" (émissions d'informations,
reportages et couverture d'événements, suivi de voyages : suivi d'une expédition dans l'Himalaya
et d'un tour du monde en bateau,…) ; accompagnement technique ; diffusion des émissions, via
Radio Pluriel.
Les médias associatifs en Rhône-Alpes
Annexe 1
Liste des médias associatifs de Rhône-Alpes
www.mediascitoyens.org
Un recensement de médias associatifs ne peut pas être exhaustif. En Rhône-Alpes comme ailleurs
naissent et meurent régulièrement des structures trop fragiles pour devenir pérennes. Les médias
étudiants ont aussi très souvent une espérance de vie limitée à la durée du parcours universitaire
de l'équipe qui le fait vivre.
Par ailleurs, nous avons souhaité réaliser un recensement suffisamment ouvert pour donner une
image du dynamisme de notre région dans ce secteur. Ainsi, des journaux nationaux comme Le
Sarkophage ou Silence, certains médias étudiants ne correspondent pas tous à la définition d'un
média de communication sociale de proximité, ancré sur son territoire. Certaines associations
« transversales » ou de production ne correspondent pas non plus à la définition d'un média.
Enfin, la grande difficulté de ce type d'exercice est de « débusquer » les médias. Repérer leur
existence et les identifier en tant que médias. Ainsi, nul doute que nous sommes passés à côté de
journaux de quartiers qui ne font aucune promotion de leur existence, ou dont la durée de vie là
encore ne nous permet pas de les connaître.
C'est pourquoi nous avons souhaité adopter une méthode de recensement au plus proche des
territoires de la région en confiant la première phase de l'exercice aux médias dans les
départements, avec un cahier des charges très simple et ouvert : lister tous les médias citoyens de
leur territoire.
La seule partie dont on ait la garantie absolue de l'exhaustivité est celle des radios FM puisqu'il
s'agit de la liste officielle des radios associatives autorisées sur la bande FM.
En tout donc, 134 médias dont plus de la moitié se concentrent dans le Rhône et en Isère autour
des deux grandes agglomérations régionales que sont Lyon et Grenoble. Le dynamisme associatif
de ces deux villes se manifeste ainsi par un besoin accru de communiquer à travers des médias
adaptés.
Ce dynamisme régional porté par ces deux grands pôles urbains resurgit d'ailleurs au niveau
national : Rhône-Alpes est la région qui possède le plus grand nombre de radios associatives en
France, et fait partie des régions dorénavant les mieux dotées en structures de l'audiovisuel
participatif (la région a vu naître un peu moins d'une dizaine de web tv ces dernières années).
Parmi ces 134 médias, plus de la moitié sont des radios. Une situation qui s'explique clairement par
l'histoire spécifique de ces médias. Apparaît aussi très nettement dans ce recensement leur utilité
dans les zones rurales où elles sont très souvent seules à assurer une mission de communication
sociale et d'information de proximité.
Mais ce recensement montre aussi le développement de structures nouvelles, notamment grâce à
internet qui montre aussi toute l'importance que la « toile » peut prendre dans les processus de
développement des zones rurales.
AIN
Radio FM
1. Sorgia
2. PFM
3. Radio Zones
4. Tropiques FM
5. RCF 01
Bellegarde
Bélignat
Ferney-Voltaire
Bourg-en-Bresse
Bourg-en-Bresse
Web TV
6. Bresse TV
Bourg-en-Bresse
Presse écrite « papier »
7. Ebullitions
8. Ain-pertinent
9. Gazette des Vennes
Bourg-en-Bresse
Bourg-en-Bresse
Bourg-en-Bresse
ARDÈCHE
Radio FM
10. Info RC
11. Fréquence 7
12. Radio des Boutières
13. RCF Vivarais
14. Déclic FM
Aubenas
Aubenas
Le Cheylard
Annonay
Tournon-sur-Rhône
Production radio
15. Le Sonoscope
Aubenas
TV Web
16. TV Ardèche
Villeneuve de Berg
Ecrit web
17. Zacade
18. Drôme-Ardèche Solidaires
Ardèche – Drôme
Ardèche – Drôme
Nouvelle radio (2011)
DRÔME
Radio FM
19. Radio Méga
20. Radio BLV
21. RCF 26
22. Radio M
23. Radio A
24. Soleil FM
25. Radio Saint Ferréol
26. Radio Royans
27. Radio Zig-Zag
28. Radio R-DWA
Valence
Bourg-les-Valence
Valence
Montélimar
Bourg-les-Valence
Montélimar
Crest
Pont en Royans
La Roche de Glun
Die
+ Nyons (26)
Nouvelle radio (2011)
Ecrit papier
29. Africulture
Les Pilles
Revue nationale
Ecrit Web
30. La CEN
31. Médiascitoyens Diois
Cornas
Die
ISÈRE
Radio FM
32. Radio Grésivaudan
33. New's FM
34. Campus
35. Oxygène
36. Crock FM
37. Couleurs FM
38. Phare FM Grenoble
39. Phare FM aux portes
du Dauphiné
40. Radio 100 kol hachalom
41. Radio Couleur Chartreuse
42. Radio italienne de Grenoble
43. Max FM
44. Pixel FM
45. Radio Cactus
46. Radio Fontaine
47. Radio Harmonie
48. Iris FM
49. Radio Kaléidoscope
50. Radio Millénium
51. Radio Mont Aiguille
52. Radio Passion
53. RCF Isère
54. RNI
55. Radio Oxygène
Web radio
Crolles
Fontaine
St Martin d'Hères
Pontcharra
Vienne
Bourgoin-Jallieu
Grenoble
La Verpillière
Grenoble
St Pierre de Chartreuse
Grenoble
Eybens
Morestel
St Marcellin
Fontaine
Vienne
Grenoble
Grenoble
Haute-Jarrie
St Martin de Clelles
Vaulxnavey le Haut
Grenoble
Panissage
Pontcharra
+ Chambéry et Albertville (73)
Nouvelle radio (2011)
56. Dyade
Fontaine
Presse écrite « papier »
57. Les Antennes
58. Le Champflo
59. Vibration clandestine
60. Inter-peuples
61. Le Postillon
62. Ecarts d'Identité
Grenoble
Bourgoin-Jallieu
Bourgoin-Jallieu
Grenoble
Grenoble
Grenoble
Ecrit web
63. Grésivaudan Actu
64. Indymédia
65. Alpes solidaires
66. Rhône-Alpes Solidaires
Crolles
Grenoble
Grenoble
Grenoble
Web TV
67. Ex-pression
68. Vercors TV
69. Journal tout en images
Grenoble
Les Eymes
Grenoble
LOIRE
Radio FM
70. Radio Ondaine
71. Radio Dio
72. Loire FM
73. Radio D'ici
74. Radio Espérance
75. Radio Soleil
76. RCF
77. Radio Pytagor
Firminy
Saint-Etienne
Saint-Etienne
Saint-Julien-Molin-Molette
Saint-Etienne
Saint-Etienne
Saint-Etienne
Balbigny
+ Annonay (07)
Web Radio
78. ACRA
79. Radio Val de Gier
Saint-Germain-Laval
Rive de Gier
Ecrit Web
80. Portail des Droits Sociaux
Saint-Etienne
Web multimédia
81. Zoomacom
Saint-Etienne
RHÔNE
+ Loire Solidaires
Radio FM
82. Radio Pluriel
83. Radio Brume
84. Radio Canut
85. Radio Trait d'Union
86. RCT Cap Sao
87. RCF Lyon Fourvière
88. Radio Calade
89. Radio Val de Reins
90. Radio italienne de Lyon
et du Rhône
91. Radio Salam
92. Radio Arménie
93. Radio Judaica
94. SOL FM
Saint-Priest
Lyon
Lyon
Lyon
Villeurbanne
+ Vienne (38) et Oyonnax (01)
Lyon
Villefranche sur Saône
Amplepuis
+ Roanne (42)
Lyon
Villeurbanne
Décines
Lyon
Oullins
+ Bourg-en-Bresse (01)
Web radio
95. Trensistor
Lyon
web radio des étudiants de l'ENS
Ecrit web
96. Lyon Bondy Blog
97. Qui ne dit mot...
98. Sens Public
99. Rhône Solidaires
100. Agenda Lyon
101. Rebellyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Ecrit papier
102. Macadam
103. Casseurs de Pub
104. La décroissance
105. Silence
106. Le Sarkophage
107. Foutou' Art
108. L'insatiable
109. La gazette Mankpadère
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
Lyon
110. Le Journal International
Lyon
Web TV
111. Soli TV
112. Vive TV
113. La télévision paysanne
114. CLAP TV
Lyon
Grigny
Lyon
Villeurbanne
Web multimédia
115. Free Landz
Lyon
Production radiophonique
116. Buzzique
Lyon
National
National
National
National
National
Journal des Étudiants de l'INSA
Journal des étudiants de droit et
sciences-po
Journal étudiant
Associations « transversales »
117. Esprits critiques
118. Fréquences écoles
119. Reporters solidaires
Lyon
Lyon
Lyon
Soutien aux médias étudiants
Education aux médias
Solidarité internationale
SAVOIE
Radio FM
120. Radio Alto
121. Radio Ellebore
122. RCF Savoie
123. Radio Altitude
Lescheraines
Chambéry
Chambéry
Albertville, Moutiers, Bourg-saint-Maurice.
Nouvelle radio
Ecrit web
124. La voix des Allobroges
Chambéry
Web TV
125. TVNet Citoyenne
Chambéry
HAUTE-SAVOIE
Radio FM
126. Radio Giffre
127. Radio Semnoz
128. Radio 74
129. Chablais Léman FM
130. RCF Haute Savoie
131. Radio FMR
132. Radio MplusM
Samoens
Annecy
Archamps
Morzine
Annecy
Rumilly
Annecy
Nouvelle radio (2011). Diffuse aussi à
l'Alpe d'Huez et Courchevel
Ecrit web
133. Librinfo 74
134. Et faits planète
135. Alambik.info
136. FSD 74
Annecy
Bonneville
Mont blanc
Haute-Savoie
Evolution web du titre papier Le journal
Le site du forum social 74
Les médias associatifs en Rhône-Alpes
Annexe 2
Les médias associatifs de Rhône-Alpes :
Caractéristiques, identités, fonctionnements
Questionnaire dirigé par Anne Benoit-Janin – Les Antennes
www.mediascitoyens.org
Sommaire :
Identité des médias : p. 3
Fonctionnement : p. 12
Partenariat : p. 17
Particularités des médias : p. 20
Annexe (liste des médias interrogés) : p. 26
1- IDENTITÉ DES MÉDIAS
16 médias ont répondu à un questionnaire dont l'objectif était de cerner les identités et
fonctionnements des médias associatifs de Rhône-Alpes.
Parmi eux, 6 radios FM de catégorie A : New's FM, Radio Grésivaudan dans la région grenobloise
(38), Couleurs FM à Bourgoin-Jallieu (38), Radio d'Ici à St Julien Molin Molette (42 – 07), Radio Pluriel
à Lyon, Tropiques FM à Bourg-en-Bresse (01).
4 journaux « papier » : Ebullitions à Bourg-en-Bresse (01), Les Antennes et Inter Peuples à Grenoble
(38), Vibrations Clandestine Bourgoin-Jallieu (38) mais diffusion régionale et au-delà. Ajoutons à ces
titres Le Journal d'Annecy, qui, s'il a récemment évolué vers une version web intitulée Librinfo 74,
conserve toutefois une impression papier ponctuelle.
3 journaux écrits web : ...Et Faits Planète (Bonneville, 74), Librinfo 74 (Annecy 74), Lyon Bondy blog
(Lyon)
1 web radio : ACRA (Saint Germain Laval, 42)
2 télévisions participatives diffusées sur internet : Ex-Pression - Human report, (Grenoble, 38), Vercors
TV (Méaudre, 38)
Cet échantillon se veut représentatif et proportionnel, à l'exception faite du rapport entre le
nombre de radios FM et des autres médias, cet échantillon gommant largement la grande
supériorité numérique des radios. En effet Rhône-Alpes abrite désormais plus de 80 radios FM de
catégorie A. Elle est la région la plus riche de France en ce domaine.
Dès la première question posée, très simple : « Quel type de média votre structure édite-t-elle? »,
apparaît la complexité d'une réalité multiple : avec l'apparition d'internet et particulièrement
depuis le web 2, les radios et médias écrits ont mis en place une double diffusion et souvent
développé des supports associés (par exemple un site internet complétant la diffusion FM d'une
radio). Ainsi, pour 16 médias analysés, 19 réponses ont été données à cette première question.
1.1. Type de média
Votre structure édite un média :
Nb. cit.
Fréq.
Ecrit w eb
5
31%
Ecrit papier
4
25%
Radio FM
6
38%
Radio Web
2
13%
TV
0
0%
Web TV
2
13%
Type m é dia
TOTAL OBS.
16
Type média
Ecrit w eb
26%
Ecrit papier
21%
Radio FM
32%
Radio Web
TV
11%
0%
Web TV
11%
D’autres supports sont-ils associés à votre média ?
Nb. cit.
Fréq.
Oui
8
50%
Non
8
50%
16
100%
Support ass ocié
TOTAL OBS.
Support associé
Oui
50%
Non
50%
Les médias associés cités :
5 écrits web
3 radios FM
1 écrit papier
1 web TV
1.2. Ancienneté
L'échantillon analysé illustre assez bien l'histoire des médias associatifs en France et dans la région :
la plus grand part – 31%- existe depuis plus de 30 ans. Il s'agit des radios associatives, nées de
l'ouverture de la bande FM en 1981. Mais depuis, régulièrement, de nouveaux médias naissent. Si
l'analyse montre un moins grand nombre de médias nés depuis moins de 3 ans, il convient de ne
pas en déduire une diminution du nombre de médias naissant, bien au contraire. Cette étude s'est
simplement donnée comme principe de s'appuyer principalement sur des médias dont la
pérennité avérée permet l'analyse. Le pic à 19% des médias de « moins de 5 ans » montre en effet
une tendance à l'accroissement du nombre de naissances de médias. Un accroissement qui
correspond au développement du web 2.
Votre média existe depuis :
Nb. cit.
Fréq.
Moins d'1 an
1
6%
Moins de 3 ans
1
6%
Moins de 5 ans
3
19%
Moins de 10 ans
2
13%
Moins de 20 ans
2
13%
Moins de 30 ans
2
13%
Plus de 30 ans
5
31%
TOTAL OBS.
16
100%
Ancie nne té
Ancienneté
Moins d'1 an
6%
Moins de 3 ans
6%
Moins de 5 ans
19%
Moins de 10 ans
13%
Moins de 20 ans
13%
Moins de 30 ans
13%
Plus de 30 ans
31%
1.3. Définitions
Participatif, alternatif, citoyen... les adjectifs qualifiant ces médias associatifs sont multiples.
L'utilisation de l'un ou de l'autre par leurs acteurs peut être significative de la définition et des
objectifs que chaque média se donne. Les réponses à cette question montrent combien les
médias sont attachés à leur positionnement historique : de communication sociale de proximité et
d'éducation populaire pour les radios (44%), citoyen ou alternatif pour la presse écrite. Mais à
l'instar des télévisions qui se définissent comme participatives, le plus grand nombre se retrouve
autour de cet adjectif mettant en avant la volonté commune de faire participer la population
locale à la construction des programmes des médias. Dans cette notion de participatif et les
définitions qui lui sont attachées par les acteurs des médias, se retrouvent tout autant celles
d'éducation populaire, de citoyenneté et de communication sociale de proximité. D'ailleurs, 88%
des médias interrogés développent des actions à visée pédagogiques.
Quels sont les termes les plus appropriés pour définir votre média ?
Trois réponses possibles
Déf média
Nb. cit.
Participatif
Fréq.
10
63%
De communication sociale de proximité
7
44%
D'éducation populaire
7
44%
Citoyen
6
38%
Alternatif
6
38%
Autre
2
13%
Politique
1
6%
Traditionnel
0
0%
Rien de tout cela
0
0%
Collaboratif
0
0%
TOTAL OBS.
16
Déf média
Participatif
26%
De communication social de proximité
18%
D'éducation populaire
18%
Citoyen
15%
Alternatif
15%
Autre
Politique
5%
3%
1.4. Ligne éditoriale
A la question « votre média est-il généraliste ou spécialisé », 81% se disent généralistes. Mais les
thématiques citées par les médias s'affirmant spécialisés recoupent largement celles traitées par les
médias généralistes (développement durable, citoyenneté, solidarité...).On s'aperçoit aussi de la
subjectivité de ce type de positionnement, lié parfois à la lente construction de l'identité de
chaque média. L'observateur extérieur aurait par exemple naturellement le réflexe de positionner
le Lyon Bondy Blog comme généraliste de par la diversité de leurs champs d'intervention. D'autres
médias objectivement généralistes pourraient aussi parfois laisser croire à une spécialisation
éditoriale, comme New's FM dont les thématiques de prédilection sont la culture urbaine, le hip
hop et le funk.
Etes-vous un média :
Nb. cit.
Fréq.
Généraliste
13
81%
Spécialisé
7
44%
Mé dia gé néral
TOTAL OBS.
16
Média général
Généraliste
Spécialisé
65%
35%
Thématiques de prédilection quand « généraliste » :
1 : Le développement durable
2 : social, culture, écologie et environnement, jeunesse, solidarité internationale, handicap...
3 : oui et non, un journal transthématique, mais axé sur las valeurs de solidarité, d'antiracisme, de
résistances…
4 : Nature, vie locale et tout ce qui touche au Vercors
8 : Social / Environnement / Politique / International
9 : Culturel et citoyen
10 : Economie social culturel politique…
11 : citoyenneté, culture, écologie
13 : Politique, actualité, discrimination
14 : culture urbaine, hip hop, funk afros
15 : expression locale, musique régionale, techno, émissions des communautés d'origine étrangère,
chanson française, jazz, accordéon
16 : expression locale, chanson française, jazz, accordéon
Thématiques de prédilection quand « spécialisé » :
2 : pour les acteurs et actions de la société civile engagés pour des causes communes
7 : Citoyenneté et solidarité essentiellement locale.
13 : questions autour de l'Islam, des minorités ethniques, des quartiers dits sensibles.
Ligne éditoriale de votre média :
Chaque média interrogé a été invité à donner une définition de sa ligne éditoriale :
1 : Le développement durable et local avec ses quatre piliers : l'environnement, l'économie
solidaire, le social, la démocratie participative
2 : Ne pourront être éditées et diffusées que les vidéos présentées par des projets, actions ou
témoignages qui abordent d'une façon ou d'une autre les notions de solidarité, d'humanisme,
d'écologie ou d'initiative citoyenne.
3 : Mieux informer pour être mieux solidaire.
4 : Cette web tv est la vôtre, nous vous écoutons.
5 : Critique des systèmes dominants, écologie, féminisme, humoristique.
6 : Radio Tropiques (Tropiques FM) est une radio associative d'information locale. Ses choix
musicaux laissent une place prépondérante à la chanson d'expression française, aux nouveaux
talents et aux artistes locaux. Sa programmation exclut les productions commerciales. Tropiques
est une radio de proximité, un outil de communication locale et sociale de proximité. C'est aussi
une radio qui donne la parole aux défenseurs des droits de l'homme et de l'enfant, qui donne la
parole aux défenseurs de la nature et de l'environnement, qui lutte contre l'exclusion, le racisme et
la xénophobie. Tropiques est là pour donner la parole à ceux qui ne l'ont pas. Entre les ateliers
radio pour les enfants et l'accordéon musette, Tropiques FM est intergénérationnelle Mais surtout,
Tropiques FM est une radio participative. Jeunes et adultes peuvent proposer leur projet d'émission
et contribuer à enrichir la grille des programmes. Enfin, Tropiques FM est un média alternatif,
indépendant de tout pouvoir politique, religieux ou pouvoir d'argent.
7 : Donner localement aux citoyens l'information alternative nécessaire leur permettant ensuite de
faire des choix éclairés dans leur action quotidienne.
8 : Enquêter sur les situations vécues par les citoyens dans leur vie quotidienne, révéler les
responsabilités politiques, économiques génératrices de leurs conditions de vie, informer des
conséquences sur la vie des gens de décisions politiques et économiques au niveau local,
départemental, régional, national et international, et donner la parole à ceux qui ne l'ont pas ou si
peu.
9 : Culturel, indépendant, militant, ouvert d'esprit… Faire découvrir des talents artistiques et
musicaux indépendants quels qu'ils soient à nos lecteurs.
10 : Libre, critique et indépendante. Élaborée collectivement.
11 : Radio généraliste locale de proximité. Non commerciale, aucune publicité à ce jour. Format
musical scène française, rock et pop.
12 : Communication sociale de proximité (= information, expression, formation, expérimentation,
production, création)
13 : " Le Lyon Bondy Blog est un média en ligne participatif lancé en avril 2008. Il se veut être l'écho
de l'actualité des quartiers populaires et encourage les jeunes issus de la banlieue à écrire et à
devenir journalistes... "
14 : Montrer une image positive des jeunes et des quartiers populaires
15 : Culture dans l'agglomération (cinéma, théâtre, arts plastiques, musiques actuelles, danse),
expression des associations, sports, découverte de leur territoire par les enfants des écoles grâce
aux ateliers scolaires, artistes de la région.
16 : Expression des associations, découverte de leur territoire par les enfants des écoles grâce aux
ateliers scolaires, programmation musicale innovante liée aux artistes de la région.
1.5. Indépendance éditoriale
L'objectif d'indépendance, au cœur du programme du Conseil National de la Résistance, et cher
au mouvement des radios « libres » de la fin des années 1970 semble être pleinement atteint par les
modèles mis en place par les médias associatifs. Du moins de manière subjective chez leurs
acteurs.
Ainsi, sur une échelle de 1 à 10, 95% des médias interrogés mesurent leur degré d'indépendance
entre 8 et 10.
Sur une échelle de 1 à 10, pouvez indiquer le degré d’indépendance de votre production ?
Nb. cit.
Fréq.
1
0
0%
7
1
6%
8
6
38%
9
2
13%
10
7
44%
16
100%
indé pe ndance
TOTAL OBS.
M oyenne = 8,9 Ecart-type = 1,1
indépendance
10
44%
8
38%
9
13%
7
1
6%
0%
1.6. Publics et territoires
A la question « Avez-vous un public ciblé? », 69% répondent non ou ne savent pas. Ceux qui y
répondent se répartissent entre public communautaire ou de territoire. On peut interpréter ces
résultats tout d'abord par le fait que la notion de « public cible » est profondément attachée à
l'univers des médias commerciaux, qui « ciblent » leurs publics pour mieux vendre la publicité.
D'autre part, il est en effet souvent bien difficile de définir, en tant que média de territoire, prônant
la diversité dans ses contenus et ses acteurs, de se définir autrement que par les limites territoriales
de sa production et de sa diffusion. Cette vision du média rejoint alors celle du média
communautaire au sens qu'en donne l'UNESCO notamment – réunissant l'ensemble de la
population, en tant que communauté appartenant à un même territoire.
Ainsi, 94% des médias interrogés produisent des contenus directement reliés à leurs territoires. Les
limites et définitions de ces territoires varient toutefois, de l'agglomération à l'international, bassins
de populations aux dimensions diverses définis par leurs natures géographiques ou administratives.
Ces limites sont aussi définies, pour les radios par des caractéristiques simplement techniques liées à
la puissance de l'émetteur, et, pour tous les médias par la zone couverte dans les processus de
production avec la population. Cette zone est donc alors construite au fur et à mesure de la vie du
média par les actions développées en partenariat avec les structures du territoire environnant. Le
territoire est donc ici un réseau, une toile de liens tissés entre ses acteurs autour du média.
Avez-vous un public ciblé ?
Nb. cit.
Fréq.
Non
8
50%
Oui
5
31%
Non réponse
2
13%
Ne sait pas
1
6%
16
100%
Public cible
TOTAL OBS.
Public cible
Non
50%
Oui
31%
Non réponse
Ne sait pas
13%
6%
Presque tous les médias (94%) ont une production reliée à leur territoire
Diffusion :
Quelle est la zone de diffusion de votre média principal ?
Plusieurs réponses possibles
Nb. cit.
Fréq.
Votre département
5
33%
Autre
5
33%
Votre agglomération
3
20%
La France
2
13%
L'international
2
13%
La région Rhône-Alpes
1
7%
Non réponse
1
7%
Votre quartier
1
7%
Votre commune
0
0%
Zone diffus ion
TOTAL OBS.
15
Zone diffusion
Votre département
25%
Autre
25%
Votre agglomération
15%
La France
10%
L'international
10%
La région Rhône-Alpes
5%
Non réponse
5%
Votre quartier
Votre commune
5%
0%
Autre : 1 : La région grenobloise ; 4 : Isère et étranger ; 12 : Nord Isère ; 13 : Le territoire ; 14 : Du
quartier à l'international
2- FONCTIONNEMENT
2.1 Les modes de financements
Le graphique ci-dessous illustre le mode de financement des médias associatifs interrogés.
On y remarque tout d'abord la diversité et la complémentarité des ressources de chaque structure.
Des subventions publiques d'une part, mais bien plus souvent ponctuelles et ciblées que pérennes
de fonctionnement ; des ressources privées d'autres part, allant des cotisations des membres ou
des abonnements des lecteurs à la vente de messages publicitaires ou de prestations de services.
Les médias écrits sont les seuls à ne pas mentionner l'obtention de subventions de fonctionnement
et à ne pas vendre de prestations de service. Les parts de leurs budgets représentées par les
abonnements et par la vente de messages publicitaires sont par contre plus élevées.
Notons qu'en termes de subventions de fonctionnement, les radios sont les seules à disposer d'un
fonds pérenne national grâce au Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique.
Les médias associatifs sont représentatifs d'un modèle économique social et solidaire, mêlant avec
pertinence, au service des territoires, ressources privées et publiques. Un modèle économique qui
intègre aussi pour une large part le bénévolat, c'est à dire l'engagement citoyen. Ce modèle
économique non lucratif est par ailleurs générateur d'emplois (88% des médias interrogés ont au
moins un salarié. Ce nombre varie jusqu'à 8 personnes en contrat, qu'il s'agisse de CDD, CDI,
contrats aidés, à temps partiel ou plein). Les salariés se répartissent essentiellement dans trois
fonctions : journalistique, technique et administrative.
La première des difficultés ressenties par les médias dans leur fonctionnement est le manque de
financements. Les autres difficultés ressenties sont des conséquences directes de celle-ci : la
charge de travail et le manque de personnel, le besoin en matériel notamment.
Quels sont vos principaux modes de financement pour éditer votre média ?
Type média x financement
13 Ecrit w eb
7 Ecrit papier
29 Radio FM
10 Radio Web
0 TV
10 Web TV
Subventions de fonctionnement
Subventions ponctuelles
Vente de prestations de services
Vente de messages publicitaires
Vente de contenu
Les abonnements
Les cotisation
Les sponsors
Autre
Autre : Bénévolat et apports propres, Fonds propres issus de prestations de services, Ateliers et
formations, enregistrement de conférences, actions culturelles, convention avec la commune,
subventions CUCS, vente de programmes EPRA, d'ateliers radio
100% des médias associent des bénévoles réguliers
Leur participation équivaut à :
Nb. cit.
Fréq.
Moins de 75 %
6
38%
Moins de 100% ou 100%
4
25%
Moins de 50 %
3
19%
Moins de 25 %
2
13%
Non réponse
1
6%
TOTAL OBS.
16
100%
part bé né vole s
part bénévoles
Moins de 75 %
38%
Moins de 100% ou 100%
25%
Moins de 50 %
19%
Moins de 25 %
Non réponse
13%
6%
Un seul média n’associe pas de bénévoles ponctuels
Nb. cit.
Fréq.
Moins de 25 %
9
56%
Non réponse
4
25%
Moins de 50 %
2
13%
Moins de 100% ou 100%
1
6%
Moins de 75 %
0
0%
TOTAL OBS.
16
100%
Part Bé né ponctue ls
Part Béné ponctuels
Moins de 25 %
56%
Non réponse
25%
Moins de 50 %
13%
Moins de 100% ou 100%
Moins de 75 %
6%
0%
Nombre de salariés :
Nb. cit.
Fréq.
Oui
14
88%
Non
2
13%
16
100%
Salariés
TOTAL OBS.
Salariés
Oui
88%
Non
13%
Remarque :
Les médias « écrit web », « radio FM » et « web TV » ont toutes un salarié au moins.
Leur contribution représente :
Nb. cit.
Fréq.
Non réponse
5
31%
Moins de 50 %
4
25%
Moins de 75 %
3
19%
Moins de 100% ou 100%
3
19%
Moins de 25 %
1
6%
TOTAL OBS.
16
100%
Part Salariés
Part Salariés
Non réponse
31%
Moins de 50 %
25%
Moins de 75 %
19%
Moins de 100% ou 100%
19%
Moins de 25 %
6%
- Nombre de CDD : cinq structures ont un CDD et une 5.
- Nombre de CDI : trois structures ont 1 CDI, une : 2, trois structures ont 3 CDI (dont une, 2 à temps
partiel). Une structure a 1 seul CDI.
- Une structure a 1 intermittent.
- Nombre d’emplois aidés : 6 structures ont un emploi aidé, une : 2, une autre : 4, et encore une
autre : 5.
- Nombre de salariés journalistes : 4 structures ont un journaliste, une en a 3 et une autre 4 (pigistes).
Aujourd’hui, quelles sont les premières de vos difficultés ?
Classez par ordre de priorité (la plus importante en premier)
Cité en …
Le manque de
financement
La charge de travail
Le manque de matériel
Le manque de moyen
pour promotion de votre
média
Le manque de personnel
Le manque d’espace et
de locaux adaptés
Le manque de réseau
Le manque de soutien
Institutionnel
Le manque de formation
Classement par rang
3ème
4ème
5ème
0
2
0
1er
8
2ème
1
6ème
0
7ème
0
4
2
1
2
2
1
1
1
0
0
0
0
0
0
3
1
0
0
0
1
0
0
0
1
0
3
1
1
2
1
0
0
1
0
1
0
0
0
1
1
1
1
1
1
1
1
0
0
0
0
1
1
1
0
0
0
Difficultés
Le manque de financement
19%
La charge de travail
14%
Le manque matériel
Le manque de moyen pour faire la promotion de votre média
11%
9%
Le manque de personnel
11%
Le manque d'espace, de locaux adaptés
9%
Le manque de réseau
9%
Le manque de soutien institutionnel
Le manque de formation
11%
9%
3- PARTENARIAT
Les logiques de partenariats entre médias sont importantes à plus d'un titre. La mutualisation, de
moyens ou de programmes, pour des médias aux budgets très faibles est une manière d'enrichir
ses propres contenus, de s'enrichir des pratiques des autres. Ces partenariats sont aussi et surtout la
recherche d'une complémentarité au service des territoires, de leurs habitants et des thématiques
abordées.
De plus, seules des démarches collectives peuvent permettre de promouvoir et défendre la place
des médias associatifs dans le paysage démocratique régional, national et international. D'où
l'importance des mises en réseaux à différentes échelles et de la constitution en fédérations
nationales.
En Rhône-Alpes, toutes les radios associatives sont fédérées aux niveau régional et national dans
diverses structures : LIRRA (liberté radiophonique en Rhône-Alpes), FRANCRA (fédération des radios
associatives non commerciales de Rhône-Alpes), CRANC-RA (Confédération réunissant les deux
premières), SNRL (syndicat national des radios libres), CNRA (confédération nationale des radios
associatives), FERAROCK (fédération des radios associatives rock) et l'AMARC, (association
mondiale des radiodiffuseurs communautaires)
Côté télévisions existe la FNVDPQ (fédération nationale des vidéos de pays et de quartiers) mais
une seule structure de Rhône-Alpes y adhère directement.
Rien n'existe pour l'heure du côté de la presse écrite au niveau national. En Rhône-Alpes se met
actuellement en place un réseau des médias écrits, adhérent à MédiasCitoyens.
La création de MédiasCitoyens permet de porter à plus de 80% la part des structures rhônalpines
adhérentes à un réseau. L'adhésion de MédiasCitoyens à la FNVDPQ permet un rapprochement
entre les autres TV et la fédération nationale.
Par ailleurs, au niveau régional, la CRANC-RA est adhérente à MédiasCitoyens qui établit aussi des
liens avec les syndicats et confédération nationaux de radios associatives.
Cette notion de partenariats multiples prend d'autant plus d'importance à l'heure du numérique et
de la société en réseaux (Manuel Castells)
A noter aussi l'importance des échanges de programmes pour les radios associatives et de deux
piliers dans leur fonctionnement : RFI et l'EPRA. Les radios associatives diffusent en effet largement
les programmes d'informations de RFI grâce à un accord signé entre elles et Radio France
Internationale. L'EPRA, échanges et productions radiophoniques, est né pour dynamiser les
contenus et les échanges de programmes entre radios sur les thématiques de l'immigration puis de
la politique de la ville. Ces deux institutions sont aujourd'hui menacées par des politiques publiques
ne leur reconnaissant plus les rôles fondamentaux qui leur étaient confiés jusqu'alors.
Diffusez-vous uniquement votre propre production ?
Nb. cit.
Fréq.
Non
8
50%
Oui
7
44%
Non réponse
1
6%
TOTAL OBS.
16
100%
Auto diffus ion
Auto diffusion
Non
50%
Oui
44%
Non réponse
6%
Noms des partenaires :
2 : Les acteurs engagés qui souhaitent être référencés et diffusés sur HumanREPORT.org
4 : TV, correspondants privés
9 : Aléatoire
11 : Radios associatives de Rhône-Alpes, Producteurs indépendants, OMS, EPRA
12 : RFI
13 : ''Free Landz '' ''69 Flow''
15 : RFI, autres radios partenaires (CRANC-RA notamment) EPRA
16 : RFI, autres radios partenaires (CRANC-RA notamment) EPRA
Appartenez-vous à un réseau ou des réseaux (collectif, syndicat, fédérations…) ?
Nb. cit.
Fréq.
Oui
13
81%
Non
3
19%
16
100%
Ré se au
TOTAL OBS.
Réseau
Oui
Non
81%
19%
Noms des réseaux auxquels les médias appartiennent :
1 : MédiasCitoyens
2 : Imagerie active (photographes et reporters engagés avec des collaborateurs de proximité.
N'appartient à aucune fédération
5 : Le réseau des médias écrits web alternatifs et MédiasCitoyens
6 : SNRL, CRANC-RA, MédiasCitoyens
7 : MédiasCitoyens, Réseau régional de médias écrits papier et web, FSD 74, Savoie-Léman
Solidaires, Après-Genève, Planète Village 74
8 : Réseau des médias indépendants/alternatifs "papier/web" de la Région Rhône- Alpes. Réseau
des médias citoyens de Rhône-Alpes.
9 : MédiasCitoyens, FEPPRA etc
11 : CRANC-RA ; CNRA ; MédiasCitoyens, CRANC-RA ; CNRA
12 : CNRA, FRANCRA /, CRANC-RA
13 : MédiasCitoyens, Bondy Blog
14 : FRANCRA / CRANC-RA /CNRA
15 : CRANC-RA, SNRL, AMARC, EPRA, LIRRA
16 : CRANC-RA, SNRL, AMARC, EPRA, LIRRA
Travaillez-vous en partenariat avec d’autres médias locaux ?
Nb. cit.
Fréq.
Oui, régulièrement
7
44%
Oui, ponctuellement
6
38%
Non, jamais
2
13%
Non, rarement
1
6%
TOTAL OBS.
16
100%
Partenaire m édia
Partenaire média
Oui, régulièrement
44%
Oui, ponctuellement
38%
Non, jamais
Non, rarement
13%
6%
4- PARTICULARITÉS DES MÉDIAS
Les journaux « papier » paraissent à des rythmes divers, principalement mensuels, bimestriels ou
trimestriels. D'aucuns peuvent ne pas avoir de régularité acquise. En effet pour les titres les plus
fragiles, la parution dépend souvent du moment où l'on trouve les fonds pour les frais d'imprimerie...
Les plus nombreux sont petits et assurent des tirages de moins de 1000 exemplaires. Mais quelques
plus grands titres publient à 15000, 20000 ou 25000 exemplaires, prouvant la vitalité de telles
parutions.
Allant de 6 à plus de 30 pages, ces titres sont majoritairement vendus à des abonnés ou en
kiosque. Un partie d'entre sont distribués gratuitement dans les lieux publics de leurs territoires.
Aucun, à notre connaissance n'utilise le service de messagerie traditionnel de la presse national,
trop coûteux pour leurs budgets.
Tous les titres écrits complètent leur diffusion par une autre sur internet, en mettant en ligne les
parutions papier ou en y développant des contenus informationnels complémentaires.
4.1. Les médias écrits « papiers »
Média papier
Fréquence
Nb. cit.
Fréq.
Mensuelle
2
13%
Trimestruelle
2
13%
Autre
1
6%
Pre s se fréque nce
TOTAL OBS.
16
Presse fréquence
Mensuelle
40%
Trimestruelle
40%
Autre
20%
Autre : Bimestrielle
Nombre d’exemplaires :
Nb. cit.
Fréq.
Moins de 1000 ex
3
19%
Moins de 20 000 ex
1
6%
Moins de 35 000 ex
1
6%
Pre ss e nbr parution
TOTAL OBS.
16
Presse nbr parution
Moins de 1000 ex
60%
Moins de 20 000 ex
20%
Moins de 35 000 ex
20%
Nombre de pages :
Nb. cit.
Fréq.
Entre 6 et 10 pages
2
13%
Entre 12 et 20 pages
2
13%
Plus de 30 pages
1
6%
Pre sse nbr de page
TOTAL OBS.
16
Presse nbr de page
Entre 6 et 10 pages
40%
Entre 12 et 20 pages
40%
Plus de 30 pages
20%
Mode de distribution :
Nb. cit.
Fréq.
Vendu aux abonnés et en kiosque
3
19%
Vendu uniquement aux abonnés
2
13%
Gratuit
1
6%
Pre ss e distrib
TOTAL OBS.
16
Presse distrib
Vendu aux abonnés et en kiosque
50%
Vendu uniquement aux abonnés
33%
Gratuit
17%
Mode de diffusion :
Nb. cit.
Fréq.
Par envoi postal
5
31%
Dans des points de dépôts
4
25%
Pre sse diffusion
TOTAL OBS.
16
Presse diffusion
Par envoi postal
Dans des points de dépôts
56%
44%
4.2. Média web
A part un média qui se développe de manière originale sous forme d'échanges et d'une lettre
d'informations, tous les autres sont constitués d'un site web. De 1000 à 30 000 visiteurs uniques par
mois, ils ont un succès divers mais sont tous en voie de progression dans ce domaine.
Forme du média web :
Web form e
Un site
Une new sletter
TOTAL OBS.
Nb. cit.
Fréq.
10
63%
1
6%
16
Web forme
Un site
91%
Une new sletter
9%
Nombre de visiteurs uniques par mois :
We b nbr vis ite
Nb. cit.
Fréq.
Moins de 500
1
6%
Moins de 1 000
2
13%
Moins de 5 000
2
13%
Moins de 10 000
2
13%
Moins de 30 000
2
13%
Inconnu
2
13%
TOTAL OBS.
16
Web nbr visite
Moins de 500
9%
Moins de 1 000
18%
Moins de 5 000
18%
Moins de 10 000
18%
Moins de 30 000
18%
Inconnu
18%
4.3. Les radios
Les radios diffusent 24 heures sur 24 sur la bande FM. Elles produisent et créent la quasi totalité de
leurs programmes, hormis les programmes cités plus haut venus des échanges et partenariats avec
RFI, l'EPRA ou les autres radios.
Aucune des radios interrogées ne mesure son audience. Les sondages d'audience réalisés sont
généralement destinés à des fins de valorisation publicitaire. Un sondage spécifique, plus adapté
aux radios associatives, est proposé par l'institut Médiamétrie mais son coût ne permet pas à toutes
les radios de le réaliser. De plus, beaucoup d'entre elles ne souhaitent pas entrer dans cette
logique, la réalité de leur action résidant dans l'animation du territoire et les partenariats réalisés
avec les acteurs locaux. La réalité de l'efficacité de l'action d'une radio ou d'un média participatif
ne se mesure pas à son audience, mais à son impact sur le développement local. Les outils de
mesure ne peuvent alors être que des études universitaires prenant en compte un nombre illimité
de marqueurs de développement spécifiques à chaque territoire.
Toutes les radios offrent une triple diffusion, sur la FM tout d'abord, en parallèle le « streaming »
permet d'écouter la radio par internet et enfin, le podcast permet de mettre en ligne les
programmes sur une longue durée, assurant ainsi « la longue traîne » de ses programmes, encore
actifs et écoutés pendant des années après leur diffusion sur les ondes.
Pourcentage de création/production hebdomadaire :
Radio
Nb. cit.
Fréq.
100%
5
31%
Moins de 50 %
1
6%
TOTAL OBS.
16
Création/ production propre
100%
83%
Moins de 50 %
17%
Les programmes sont disponibles sur internet par :
Nb. cit.
Fréq.
Poadcast
6
38%
Streaming
6
38%
Radio interne t
TOTAL OBS.
16
Radio internet
Poadcast
50%
Streaming
50%
ANNEXE
Noms et coordonnées des médias interrogés
1 : Journal Les Antennes
2 : Humanreport.org
3 : Inter-Peuples
4 : Vercors-tv.com
5 : Journal Ebullitions, canard Ainpertinent
6 : Radio Tropiques FM
7 : …Et Faits Planète
8 : Librinfo74.fr (Le Journal)
9 : Vibration Clandestine
10 : ACRA
11 : Radio Couleurs FM
12 : Radio Grésivaudan
13 : Lyon Bondy Blog
14 : Radio New's FM
15 : Radio Pluriel
16 : Radio d'Ici
Nom structure
1 : Composite
2 : Ex-Pression
3 : Centre d'Information Inter-Peuples
4 : Vercors-tv
5 : Ebullitions
6 : Radio Tropiques
7 : …Et Faits Planète
8 : AAPLE (Association annécienne pour la promotion de la liberté d'expression)
9 : Vibration Clandestine
10 : Atelier de Création Radiophonique de l'Aix
11 : Association Jacasse
12 : Association des auditeurs de radio Grésivaudan
13 : association Lyon Bondy Blog
14 : AEPCQ (association européenne pour la citoyenneté et la qualité de la vie )
15 : Radio Pluriel
16 : Radio Piraillons
Adresse :
1 : 1, rue Montorge, 38000 Grenoble
2 : 15 rue Georges Jacquet, 38 000 Grenoble
3 : Maison des Associations- 6 bis, rue Berthe de Boissieux- 38000- Grenoble
4 : Les Eymes / 38112 Méaudre
5 : AGLCA, Maison de la Vie Associative, 2, Bd Irène Joliot Curie 01006 Bourg en Bresse CEDEX
6 : 18, Rue Lazare Carnot 01000 Bourg en Bresse
7 : 59 rue du Pont - 74130 Bonneville
8 : B.P. 27 74001 ANNECY CEDEX
9 : 209, rue du vieux Clet 30410 Meyrannes
10 : Marcilleux 42260 Saint Germain Laval
11 : 8, route de Saint Jean de Bournay 38300 Bourgoin-Jallieu
12 : 94 rue du bricey 38920 crolles
13 : 1 rue Ste Marie des Terreaux 69001 Lyon,
14 : 57 quai du drac 38600 fontaine
15 : 15 allée du Parc du Château 69800 Saint Priest
16 : 6 rue de la Modure 42220 Saint Julien Molin Molette
Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Annexe 3
Les médias associatifs face à la « nouvelle donne
numérique »
Thierry Borde
Contribution à la concertation régionale :
« Numérique : nouvelle donne, nouvelle politique culturelle »
Février 2011
www.mediascitoyens.org
Aborder la question du rapport entre médias et numérique, c'est d'emblée se situer dans une
réflexion de l'instant, déjà sans doute partiellement dépassée par de nouvelles technologies
générant nouvelles pratiques professionnelles et nouveaux usages citoyens. C'est à la fois penser
l'adaptation en cours et anticiper les évolutions à venir dans un univers qui démultiplie les flux
informationnels, les médias et leurs natures.
En ce qui concerne les pratiques des médias associatifs, la « nouvelle donne numérique » peut être
appréhendée à deux niveaux : celui des normes matérielles et des pratiques techniques
quotidiennes et celui des nouveaux usages nés des évolutions numériques récentes. Les médias se
sont adaptés aux nouvelles pratiques promues par la première révolution numérique qui a vu le
remplacement des matériels analogiques dans la radio et l'audiovisuel et l'informatisation de la
presse écrite. Ces nouveaux matériels numériques ont eu pour conséquences des changements
dans les pratiques professionnelles et amateures et un certain nivellement des compétences avec
le grand public, grâce aux usages simplifiés et aux coûts démocratisés du matériel. Ces évolutions
sont une chance pour tous les médias associatifs et participatifs, et un vecteur de multiplication
des médias existants. Dans ce premier niveau, une autre (r)évolution les touche particulièrement :
celle des technologies libres, parfaitement cohérentes avec les pratiques et la philosophie des
médias associatifs.
Les balbutiements d'internet du début des années 1990 ont désormais laissé place au web 2.0. Les
nouvelles générations d'internet permettent des flux importants, une interactivité démultipliée et
des créations infinies de liens et de réseaux. Cœurs de réseaux dans leurs territoires, les médias
associatifs font du développement local, de l'éducation populaire et de la participation citoyenne
leurs vocations premières. Pour cela, la mise en relation du « global » et du « local », la mise à
disposition de ressources documentaires au grand public sont des démarches fondamentales. Et
dans ces domaines, les perspectives offertes aujourd'hui par les nouvelles dimensions numériques
sont des horizons aux possibles infinis pour le développement et l'amélioration de leurs pratiques.
Pour les médias associatifs, l'éducation populaire, c'est former tous les citoyens, à tous les niveaux,
à exercer leur citoyenneté à travers les médias. La radio, la télévision, le journal ou le site web
deviennent les outils de l'appropriation de l'espace public en même temps que de l'apprentissage
de la maîtrise du discours public.
Avec le numérique, la multiplication des flux d'informations et l'avènement de la société en réseau
font aujourd'hui de la maîtrise de ces flux un véritable enjeu de pouvoir. Pour Manuel Castells,
« l’information et la communication ont toujours été des vecteurs de pouvoirs dominants, de
pouvoirs alternatifs, de résistances et de changements sociaux. L’emprise sur l’esprit des gens – que
la communication favorise – est un enjeu fondamental. C’est seulement en façonnant la pensée
des peuples que les pouvoirs se constituent en sociétés et que les sociétés évoluent, changent. » (in
Le Monde Diplomatique août 2006)
Les médias sont les vecteurs de l'information et de la communication. Face à ces enjeux,
l'éducation aux médias est devenue fondamentale dans les processus participatifs et de formation
citoyenne. Les médias citoyens, associatifs, participatifs sont les espaces locaux de proximité où
cette « éducation aux médias » peut se faire, par tous et pour tous, en créant des modèles
alternatifs d'information citoyenne.
A l'heure où les flux d'informations se multiplient, le rôle des médias est de donner un accès
simplifié, décodé, à ces informations. Alors que s'intensifient les luttes de pouvoir évoquées par
Manuel Castells pour la maîtrise de ces flux, seuls des médias indépendants des pouvoirs financiers
peuvent garantir les équilibres démocratiques liés à la liberté de la presse. Seuls les médias
associatifs sont en mesure de mettre en œuvre des démarches d'éducation populaire et de
participation citoyenne non rentables dans des logiques commerciales.
Si l'éducation populaire consiste à former l'esprit critique des citoyens, l'enjeu majeur des médias
associatifs dans cette ère numérique est donc de former les citoyens à la compréhension de
l'information. Si elle consiste aussi à rendre les habitants acteurs de leur cité, l'appropriation par les
citoyens des outils d'information et de communication paraît aujourd'hui essentielle.
De cette maîtrise d'internet et de ces flux dépend le défi majeur de l'accès au savoir. Nous l'avons
vu lors de cette concertation régionale, tous les acteurs culturels sont concernés par cette nouvelle
donne numérique. Les grandes industries culturelles ont déjà commencé à développer leurs offres
numériques – commerciales, centralisatrices. Si la multiplication des flux d'informations permet la
multiplication et la démocratisation des lieux de savoirs et d'acquisition de connaissances, elle
risque néanmoins d'approfondir le fossé entre ceux qui ont accès et ceux qui n'ont pas accès à
internet, entre ceux qui maîtrisent ou non les flux d'informations, entre les grandes industries
culturelles et les acteurs de terrain.
C'est pourquoi Jean-Pierre Saez, directeur de l'Observatoire des Politiques Culturelles, insiste sur la
lutte contre cette fracture qui risque de s'agrandir et qui, au-delà de la dimension purement
numérique, touche de manière générale, l'accès au savoir. « Mais puisque nous sommes promis à
intégrer la cybercivilisation, l'urgence n'est-elle pas de travailler à la formation aux outils
numériques, à la maîtrise de nos rapports aux écrans ? Il faut à cet égard tout autant lutter contre
la fracture numérique que contre la très insidieuse fracture cognitive. »
Pour paraphraser J.P. Saez, « puisque nous sommes promis à la cybercivilisation », puisque nous
sommes des médias de communication sociale de proximité, puisque nous sommes des cœurs de
réseaux au centre de la problématique de la maîtrise du numérique et de la production
d'informations, puisque nous sommes des outils d'éducation populaire, alors nous avons, en tant
que médias, le devoir de donner à comprendre et à savoir au plus grand nombre. L'ignorance est
l'outil de l'asservissement des peuples, le savoir est la garantie de la démocratie et d'une gestion
active de la cité par ses citoyens.
Plus que jamais, à l'instar de la bande FM qui, depuis trente ans maintenant, garantit la diffusion de
programmes citoyens, Internet et les technologies numériques représentent aujourd'hui, à un
niveau jamais égalé, la possibilité d'ouvrir des espaces de contre pouvoir démocratique face aux
tentations globalisantes et monopolistiques. C'est pourquoi les médias de MédiasCitoyens militent
et agissent pour le développement des logiciels et technologies libres et pour le développement et
la coopération avec les structures de l'internet accompagné. L'une des plus grandes évolutions
citoyennes portées par internet réside en effet dans cette démarche créatrice, coopérative et
informelle, de création de logiciels et de technologies libres, menées par des citoyens tissant autour
du monde des réseaux et de nouveaux outils permettant l'accès de tous aux technologies de
l'information et de la communication. Cette possibilité nouvelle n'a pas d'égal dans l'histoire. Elle est
la seule voie pour un développement équitable des territoires au sud comme au nord. Elle est une
chance unique de répartir la formation citoyenne, l'accès au savoir et le développement humain
en général en dehors des logiques économiques et commerciales creusant partout dans le monde
le fossé des inégalités.
A ce titre, le numérique est aussi un outil fondamental pour le développement des solidarités NordSud. C'est aussi, dans les territoires les plus démunis, une chance unique pour les médias
communautaires, cités comme outils incontournables du développement local par l'UNESCO. Leurs
mises en réseaux grâce aux technologies numériques permettent aujourd'hui de créer des
coopérations constructives entre médias à travers le monde. Ces coopérations permettent de
créer d'autres flux, de donner d'autres canaux à des messages citoyens généralement occultés
par les logiques d'intérêts des grands médias. L'exemple de la diffusion des réflexions et avancées
des forums sociaux mondiaux est particulièrement éclairant à ce titre. Sans la « toile », sans les
réseaux créés autour de ces forums – et auxquels participent les médias associatifs et
communautaires du monde entier – entendrions-nous aujourd'hui les représentants de grands Etats
parler de régulation financière ou de luttes contre les paradis fiscaux ?
Une erreur d'analyse consiste couramment à n'aborder internet que dans sa dimension mondiale –
mondialisatrice. Mais la fonction réticulaire d'internet permet de nouer des liens au niveau local
comme au niveau mondial, et de rendre ces deux niveaux inter-opérables.
Le philosophe Bernard Stiegler prône la création de réseaux sociaux territorialisés : « Ces
technologies relationnelles peuvent alors devenir des technologies de re-territorialisation, à la base
d'un nouveau génie territorial, d'un véritable design territorial, et de formes territorialisées
d'intelligence collective – où il ne s'agit évidemment pas de se replier sur soi, mais tout au contraire
d'intensifier les rapports au lointain en densifiant les relations de proximité. (...) Si on développe des
réseaux sociaux territorialisés puissants, on devient capable de nouer des relations avec des
réseaux sociaux lointains... »
Depuis plus de 30 ans maintenant les médias associatifs tissent des liens et construisent des réseaux
citoyens sur les territoires, entre les territoires et dans le monde. Leur ancrage territorial et leur
engagement démocratique a construit leurs pratiques autour du précepte « penser global, agir
local ». Ils sont les coeurs de réseaux de leurs territoires. Ils agissent au quotidien avec tous les
acteurs locaux et, grâce à leurs processus de production et à leur diffusion, rassemblent nombre
de citoyens autour d'une dynamique locale démocratique. Le numérique est aujourd'hui une arme
dont ils peuvent s'emparer pour accroître l'efficacité participative de leurs actions locales. Ils
peuvent être parmi les acteurs essentiels en mesure d'aider à la mise en place de ces réseaux
sociaux qu'évoque Bernard Stiegler.
Aujourd'hui, par les technologies numériques, les réseaux locaux et internationaux peuvent se
croiser, s'interpeller, échanger. Certains comparent internet à Babel : nous avons la possibilité
aujourd'hui de numériser, de créer des bases de données, d'archiver des volumes gigantesques de
ressources documentaires et de les mettre en réseau, d'organiser leurs flux vers la mise à disposition
du plus grand nombre, dans le monde entier. En parallèle aux réseaux sociaux territoriaux, et avec
eux, ces ressources peuvent être organisées au local, au régional, au mondial, dans une
démarche dynamique et souple, non pas de centralisation, mais de réticularité où chaque point
du réseau est un centre ressource à la fois local et global. La mise en place au niveau des médias
et de leurs partenaires de protocoles comme l'OAIPMH peut aujourd'hui permettre de prétendre à
la constitution d'une grande médiathèque citoyenne, à la fois une et multiple, constituée d'une
myriade de points de jonction, où chaque média serait une partie constitutive du tout, et la porte
d'accès à cette base de donnée universaliste.
Dans « la société en réseaux », les médias associatifs peuvent et doivent développer leurs pratiques
afin d'offrir aux citoyens un véritable contre-pouvoir démocratique dont ils seront les acteurs. Il leur
faut pour cela trouver les moyens financiers nécessaires pour la mise en œuvre des solutions
numériques adéquates. Un investissement assez modeste dédié au développement de solutions
libres pourrait donner à tous les outils nécessaires à ce fonctionnement numérique en réseau et à la
mutualisation de ressources entre les médias communautaires du monde entier.
Mais, si les technologies libres apportent des solutions nouvelles aux démarches citoyennes et un
nouveau rapport démocratique à l'accès au savoir, la question de l'accès au réseau internet
demeure. Celui-ci passe toujours nécessairement par des réseaux gérés par des opérateurs privés.
C'est aussi l'enjeu du débat autour de la Radio Numérique Terrestre. Faut-il maintenir, dans l'ère
numérique, l'équilibre démocratique qui gère depuis près de trente ans un paysage radiophonique
libre, gratuit, à vocation universelle, ou faut-il, par le numérique, laisser glisser le monde des radios
vers une dérégulation propice aux intérêts économiques de quelques-uns ?
Face à ces enjeux, il est essentiel de développer encore les partenariats entre les médias
associatifs et leurs partenaires locaux et régionaux dans les domaines de l'internet accompagné,
des logiciels libres, de la culture ou de la production artistique. Les médias associatifs sont les seuls
médias à favoriser quotidiennement l'émergence des scènes artistiques locales, à mettre en valeur
des secteurs culturels trop peu rentables pour les « grands médias ». Un rôle très fortement ancré
dans l'histoire des radios associatives, nées des luttes sociales mais aussi des revendications pour la
diffusion pour tous de formes culturelles et musicales diversifiées.
L'ère numérique peut être l'ère de la participation et de l'émancipation citoyenne. Ses
technologies peuvent être des outils au service du développement de tous les territoires. Mais elle
peuvent être aussi les vecteurs les plus propices au développement d'un marché économique
avide de nouveaux débouchés. Par le prisme du numérique et de l'internet se cristallisent tous les
enjeux sociaux de notre époque. Comme les autres secteurs culturels, et liés à eux parce qu'ils en
sont les relais, les médias associatifs pourront sortir de ce grand tournant numérique, ou acteurs
d'un large processus de développement citoyen, ou noyés sous la puissance économique et la
vocation monopolistique des grands médias commerciaux. C'est pourquoi il est désormais
nécessaire de mettre en place des politiques publiques volontaristes qui garantiront pour l'avenir
les équilibres démocratiques fondamentaux qui président traditionnellement à la politique
culturelle et à la gestion du paysage médiatique français. Seules de telles politiques garantiront la
possibilité de « la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ; la liberté de la presse,
son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent... » que
revendiquait dans son programme le Conseil National de la Résistance en 1944.
Remerciements
La CRANC-RA
Et en particulier Véronique Boulieu et Patrice Berger, ses co-présidents, pour leurs nombreuses
contributions à ce travail et pour leurs rôles dans la constitution de collectifs forts de radios et de
médias.
Composite / Les Antennes
Pour la contribution d'Anne Benoit-Janin, par ailleurs nouvelle présidente de MédiasCitoyens.
Et Faits Planète, pour la contribution de Paloma Perez et d'Ismaël Ouattara.
Le Conseil Régional de Rhône-Alpes, ses élus, et toutes les personnes de ses services qui nous
accompagnent et soutiennent, patiemment...
Et tous les autres : adhérents de MédiasCitoyens, médias et réseaux de médias, partenaires
réguliers avec qui nous tentons chaque jour de participer à façonner un avenir citoyen et solidaire
au sein de nos territoires.
MédiasCitoyens est une association de loi 1901 née en 2009 qui regroupe des
médias associatifs de la région Rhône-Alpes. Ces médias sont des radios FM, des
télévisions participatives ou des web tv, des journaux « papiers » ou des sites web.
Tous sont des médias locaux, acteurs d'une presse libre et indépendante et moteurs
pour le développement de leurs territoires.
L'association réunit à la fois des médias, des réseaux de médias comme la
Confédération des Radios Associatives Non Commerciales de Rhône-Alpes ou
comme le réseau des médias écrits et web de Rhône-Alpes, mais aussi des
associations de production ou des journalistes individuels.
Février 2012
MédiasCitoyens
8, route de Saint de Bournay
38300 Bourgoin-Jallieu
www.mediascitoyens.org
Siret : 519 879 985 00017

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