Les médias citoyens en Rhône-Alpes
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Les médias citoyens en Rhône-Alpes
Les médias citoyens en Rhône-Alpes Approches des médias associatifs de communication sociale de proximité en Rhône-Alpes Coordonné par Thierry Borde Anne Benoit-Janin Patrice Berger Ismaël Ouattara Paloma Perez www.mediascitoyens.org AVANT PROPOS L'objectif des pages qui suivent n'est pas seulement de marteler la nécessité du développement des médias associatifs. Il est de dire l'urgence de soutenir l'ensemble de la vie citoyenne dont ces médias sont l'expression. Ce travail s'attache donc à présenter les médias associatifs de Rhône-Alpes, à travers leurs histoires, leurs rôles et leurs fonctionnements actuels et en tentant d'envisager l'avenir qui s'ouvre à eux. Il a été mené grâce au soutien financier du Conseil Régional Rhône-Alpes auquel il se permet quelques humbles recommandations au gré de ces pages menant à la demande d'un soutien financier de fonctionnement adossé à des critères semblables à ceux du fonds de soutien national à l'expression radiophonique. Composé de différentes parties écrites entre début 2010 et début 2012, cette ébauche d'étude sur les médias citoyens de Rhône-Alpes veut être le début d'un travail au long cours, sans cesse renouvelé, sur l'existence, le rôle et l'impact des médias dans leurs territoires. L'insuffisance des ressources documentaires sur la question est apparue à mesure qu'avançait le travail de chacun des rédacteurs de ce document. C'est pourquoi nous avons souhaité d'abord et avant tout construire une base documentaire sur le sujet. Outre un recensement et la description du paysage des médias associatifs de la région, celle de leurs caractéristiques et de leurs fonctionnements, il convenait aussi de poser les bases théoriques et bibliographiques d'une réflexion solide. Le recensement des médias a été réalisé grâce au concours de différents médias locaux, observateurs attentifs de la vie citoyenne et des médias de leurs territoires. L'élaboration et le traitement du questionnaire d'enquête ont été réalisés par Anne Benoit-Janin de l'association Composite. Le rapport sur les médias écrits – web de la région a été rédigé par Paloma Perez et Ismaël Ouattara, de l'association Et faits Planète. L'approche sociologique et bibliographique centrale a été confiée aux soins de Patrice Berger, sociologue et notamment co-président de la CRANC-RA. Nous tenons à adresser nos plus vifs remerciements à toutes les personnes et les structures qui nous ont aidé à penser ce travail et à le concrétiser. T.B. SOMMAIRE GENERAL Introduction : Les médias associatifs à la croisée des chemins, par Thierry Borde Première partie : Première vue d'ensemble, par Thierry Borde Deuxième partie : Les médias citoyens écrits web : des acteurs démocratiques incontournables, par Paloma Perez et Ismaël Ouattara Troisième partie : Premières indications bibliographiques pour une sociologie des médias associatifs en Rhône-Alpes, par Patrice Berger Annexe 1 : Liste des médias associatifs de Rhône-Alpes Annexe 2 : Caractéristiques, identités, fonctionnement – analyse du questionnaire d'enquête, par Anne Benoit-Janin et Thierry Borde Annexe 3 : Les médias associatifs face à la nouvelle donne numérique, par Thierry Borde Les médias associatifs en Rhône-Alpes Introduction : Les médias citoyens à la croisée des chemins Thierry Borde Les médias citoyens à la croisée des chemins Considérer l'histoire récente des médias associatifs audiovisuels (radios et télévisions) et écrits en France, c'est appréhender l'histoire des trente ou quarante dernières années dans toute leur fulgurance. Des «télés brouettes» et des «radios pirates» à l'avènement aujourd'hui – ou était-ce déjà hier ? - du web 2.0, de l'enthousiasme des pionniers « bricoleurs » de l'audiovisuel citoyen des années 1970-1980 aux « geeks » d'aujourd'hui, de la communication sociale de proximité au réseau globalisé, cette histoire débouche désormais sur un tournant essentiel. Croisement de toutes les aspirations citoyennes, de toutes les « lames de fond » qui, de l'écologie au social, en passant par l'expression culturelle, le numérique libre ou l'économie sociale et solidaire, ébranlent peu à peu les fondements capitalistiques d'un système-monde de moins en moins humainement et écologiquement soutenable. Dans ce tournant où se joue la possibilité de construire un « autre monde », se joue aussi l'avenir des médias citoyens tels que nous les connaissons aujourd'hui. L'avènement du numérique vient bouleverser pratiques et usages, tandis que les coups de boutoir du libéralisme débridé et des crises financières menacent le secteur associatif de moins en moins soutenu par les financements publics. L'exemple des médias associatifs est représentatif de l'enjeu pour de nombreux acteurs citoyens d'un autre modèle de développement, un modèle non financier, voire non commercial qui replacerait l'humain au centre des logiques économiques. Non commerciaux, les médias associatifs rejettent le modèle économique lié aux recettes publicitaires. L'enjeu pour ces structures est aujourd'hui celui de la pérennisation d'un autre modèle économique, ni public, ni privé, qui pourra trouver sa réalisation dans l'économie sociale et solidaire, à condition que des politiques économiques soient enfin orientées vers ce secteur. Il s'agit donc aujourd'hui de continuer de construire ce modèle sur ses deux piliers constitutifs : celui de la liberté et de l'indépendance des médias et celui d'acteurs au service du développement de leurs territoires. Cette construction devra se poursuivre sur les principes de cette économie sociale et solidaire qui s'impose peu à peu comme une logique locale indépassable et grâce à la reconnaissance accrue des partenaires territoriaux et le soutien des pouvoirs publics locaux comme nationaux. Par des soutiens octroyés sur des critères précis, l'Etat et les collectivités locales ont la possibilité, à peu de frais, de permettre ce développement aux médias citoyens. Ce soutien serait un choix politique au sens le plus noble du terme. Il serait le choix d'une cité de liens humains en construction continue, d'une cité qui se construit et se développe à partir de ses territoires, avec ses citoyens, dans le respect des valeurs humaines, sociales et solidaires de notre démocratie. Les médias associatifs : des outils citoyens pour le développement des territoires Il y a trente ans, la bande FM était « libérée », permettant une révolution tranquille dans l'appropriation par les citoyens des moyens de communication et d'expression démocratiques. Libérée du joug du monopole étatique sur la radio et la télé-diffusion, la société française s'ouvre à d'autre formes de cultures, à de nouvelles manières d'exercer sa citoyenneté. Avec les médias associatifs, de nouveaux outils d'éducation populaire se mettent en place. Cette vague nouvelle naquit dans un terreau complexe d'évolution sociale, économique, culturelle, technique et politique. Les années 1960 puis post-68 sont celles de la libération sociale des individus, d'aspirations culturelles nouvelles. Durant cette période évoluent aussi les techniques, en même temps que l'Etat garde le monopole sur la diffusion télévisée et radiophonique. L'évolution économique des années 70 provoque ses premiers grands dégâts sociaux et la radio – alors « pirate »- devient un outil privilégié des luttes ouvrières ou des mouvements écologistes par exemple. Pour la première fois, les citoyens peuvent s'approprier les moyens de communication modernes. Avec Lorraine Coeur D'Acier, toute une région se réconcilie et lutte unie aux côtés de ses mineurs. Les développements parallèles des radios associatives, du mouvement des télévisions participatives et de certains titres de la presse écrite alternative ont permis d'inventer de fait une définition du média communautaire à la française. Cette définition leur octroie un rôle fort dans leurs territoires. Médias locaux, ils sont aussi des outils de lien social et d'éducation populaire. Ainsi, dans le cadre du financement des radios associatives par le FSER (Fonds de soutien à l'expression radiophonique), la loi définit celles-ci comme radios de communication sociale de proximité. 1 Médias communautaires, médias « participatifs », ou de communication sociale de proximité, ce modèle reprend la nécessité d'une information alternative réalisée en opposition à celle des médias dominants. Mais les rapports de domination changent et c'est contre un modèle commercial et non plus contre le monopole étatique que la ligne de l'alternative va se définir à partir des années 1980. Les médias audiovisuels associatifs français se sont développés en accord avec cette définition, en lien avec l'évolution des médias communautaires dans le monde, mais aussi en se créant une identité éditoriale forte, axée autour des problématiques citoyennes, sociales, solidaires, culturelles et écologiques. L'appropriation par le plus grand nombre de la pensée et des thématiques des initiatives et luttes citoyennes dépend aussi de la capacité de chacun de s'emparer des moyens d'expression et de communication sociale, et ainsi de se réapproprier une partie de l'espace 1« La mission de communication sociale de proximité est entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. » (Source : Qu'est-ce que le FSER, site du Ministère de la culture et de la communication) public et de son pouvoir citoyen. Dès l'origine une identité propre est créée par leurs statuts. Associatifs et non commerciaux, ces médias se définissent en opposition et comme alternative au système financier qui gère les médias dominants et leurs contenus. Entre médias commerciaux et service public, ils sont cet entre-deux, ce « tiers-lieu citoyen » que d'aucuns ont nommé le « tiers-secteur ». Seul le statut associatif pouvait leur permettre de garantir à la fois leur indépendance éditoriale et la pérennité de leurs actions au service du développement local. Ces liens des médias à leurs statuts, à leurs territoires et leurs habitants sont significatifs de la réflexion aujourd'hui à la base du concept de l'Economie Sociale et Solidaire. Nul étonnement de voir au cours du temps les médias associatifs et leurs représentations collectives accompagner l'évolution de cette nouvelle forme d'économie. Ils sont aujourd'hui, naturellement, les médias de l'ESS. Ainsi, la Confédération Régionale des Radios Associatives Non Commerciales de Rhône-Alpes (CRANC-RA) est membre de la CRESS (Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire), le Syndicat National des Radios Libres (SNRL) participe à l'USGERES (syndicat des employeurs de l'ESS), les télévisions de la Fédération Nationale des vidéos de pays et de quartiers se regroupent autour de la définition de l'ESS et de nombreux titres de la presse écrite et/ou web sont acteurs des démarches locales du mouvement social et solidaire (citons en autres Et Faits Planète en Haute-Savoie ou Zoomacom dans la Loire). En effet, dés le début, dès Lorraine Cœur d'Acier, dès Télé Saugeais, radios et télévisions se définissent comme médias de territoires, concernés par la vie locale, mais en la confrontant à la réflexion globale de réalités de plus en plus mondialisées. Sur ces bases et avec des paramètres différents quant à leurs évolutions respectives, les radios associatives de catégorie A – reconnues et aidées par l'Etat - , les télévisions participatives, et des journaux alternatifs s'imposent peu à peu comme des outils extrêmement pertinents au service de leurs territoires. Outils d'éducation populaire, ils ont rapidement trouvé leur complémentarité avec les structures traditionnelles de ce secteur (MJC, Centres Sociaux...). Tous les médias associatifs de Rhône-Alpes travaillent en partenariat avec les structures d'éducation populaire de leurs territoires. De nombreuses radios et télévisions associatives sont reconnues comme organisme de formation et mettent en place des processus éducatifs riches et variés à destination des habitants de leurs communes et de leurs quartiers. Citons les formations -échanges européens organisés régulièrement par Radio d'Ici à Saint-Julien-Molin-Molette, les ateliers d'insertion socio-professionnels de Radio Méga à Valence, les formations « tourner-monter » de Bresse TV à Bourg-en-Bresse, ou simplement l'action quotidienne de Info RC, la radio en milieu scolaire du bassin d'Aubenas. Les médias sont donc des outils d'éducation populaire, ils assurent un rôle de médiation vers le savoir et pour l'émancipation citoyenne par l'appropriation d'outils de communication ad hoc. Peu à peu, les savoir-faire développés, leurs actions au sein des territoires les ont rapidement institués comme liens et comme cœurs de réseaux, seuls capables de faire se rencontrer tous les acteurs citoyens, politiques et économiques - d'un même lieu. Par leur histoire, ils sont médias de lutte, médias de l'indignation telle que la définit aujourd'hui Stéphane Hessel. Ils sont aussi, et surtout, dans leur diversité et leur complémentarité, les médias de la transformation et de la construction sociale. Ils sont des outils au service de la réappropriation démocratique, écologique et culturelle des territoires par les citoyens. Ils ont créé des formes d'organisation alternatives - associatives et non commerciales – se situant d'emblée dans un modèle d'économie sociale et solidaire en devenir. Ils ont accompagné les luttes sociales, les luttes écologiques, du plateau du Larzac en 1977 à la résistance contre l'exploitation du gaz de schiste aujourd'hui. Ils ont aussi créé, et accompagné la création de nouveaux processus d'éducation populaire et de participation citoyenne. Héritiers des radios pirates qui militaient en faveur de la diversité musicale, ils sont aussi devenus les garants de l'existence d'une vie culturelle locale, de la promotion des scènes artistiques et musicales émergentes. Aujourd'hui, face à la confiscation des grands enjeux humains, économiques et écologiques par les acteurs du tout libéral, la résistance citoyenne s'organise. L'écologie, accompagnée du concept controversé de développement durable, est devenue une thématique primordiale face à l'évidence de l'entropie2 et des limites de notre planète. La relocalisation de l'économie est devenue une évidence face aux défections de toutes les grandes industries ; l'économie sociale et solidaire est devenue une urgence pour de nombreux territoires ; la démocratie participative est devenue une véritable aspiration populaire. 2 Nicholas Georgesçu – Roegen : The entropy law and the economic process – Harvard University. 1971 L'ère numérique Ces nouvelles vagues de contestation, mais aussi de créativité citoyennes se déroulent aussi désormais sur de nouveaux champs d'activisme ouverts par les technologies nouvelles. Internet et plus particulièrement désormais les technologies du web 2.0, a créé de nouvelles perspectives. De nouveaux usages citoyens s'y développent sur une ligne de friction avec un web financier et commercial où se jouent les nouveaux enjeux économiques mondiaux. Face à ces enjeux, Philippe Aigrain nous questionne dans Cause Commune : « Viserons-nous simplement un nouvel âge de la technique dans lequel des systèmes opaques de centralisation de l'information nous gèreront comme une ressource ou comme une marchandise, ou bien œuvrerons-nous à la mise en place d'une écologie sociale des échanges d'information où individus, groupes sociaux et communautés humaines se construiront en orientant le développement des techniques ? »3 Depuis les années 1990 – 2000, internet et les technologies numériques marquent une nouvelle (r)évolution dans le monde des télécommunications. Les médias se numérisent, utilisent de plus en plus internet comme moyen de diffusion secondaire (les radios associatives de la CRANCRA ont toutes une diffusion internet par streaming par exemple), voire principal comme les télévisions associatives qui n'ont aucun autre canal de diffusion, en dehors des projections et évènements publics ou de la distribution de dvd. De nouveaux médias naissent, uniquement présents sur internet (citons pour exemples le Lyon Bondy Blog, ...Et Faits Planète ou encore Free Landz.... ). D'autres se transforment vers des publications numériques moins coûteuses que le format papier. Ainsi, à Annecy, la parution papier du Journal a désormais laissé place au site internet Librinfo 74. Aujourd'hui, le web 2.0 et ses évolutions à venir marquent un tournant radical dans les usages citoyens. Les réseaux sociaux connaissent un succès sans égal et leurs usages citoyens ne sont plus à prouver, notamment depuis les récentes révolutions tunisienne et égyptienne. A côté de ceux-ci, qui restent avant tout des produits commerciaux, se développent de nombreux usages collaboratifs. Les logiciels et outils libres de droit sont l'expression de la volonté collective de nombreux citoyens de par le monde de faire de la solidarité, de l'indépendance et du non commercial des règles d'or. Cette notion de « collaboratif » ou de « coopératif » renouvelle et complète dans l'univers numérique celle posée dans le « monde réel » par les acteurs du participatif et en particulier les médias. Dans ce début de siècle numérique, la philosophie et la pratique du « libre » qui vise à créer du bien commun universel est la seule en mesure d'enrayer la progression des fractures sociales, géographiques et cognitives dans nos territoires et dans le monde. Elle est la seule aussi à pouvoir 3 Cause Commune, l'information entre bien commun et propriété ; Philippe Aigrain. Fayard 2005 garantir l'indépendance des médias associatifs dans les évolutions à venir de l'espace numérique. Ces nouvelles technologies révolutionnent le monde des médias et questionnent leurs pratiques et leurs identités. La question « Qu'est-ce qu'un média ? » déjà bien complexe jusqu'ici, demande de nouvelles bases de réflexion. Tandis que les pratiques économiques très libérales des grands groupes de presse continuent de discréditer la déontologie et le symbole de la carte de presse, presses associative et web montrent qu'il est possible de produire de l'information et des contenus de qualité hors du système socioéconomique établi et du paysage médiatique institué. De plus, internet, et d'autant plus avec ses nouveaux supports de plus en plus mobiles et conviviaux, permet aujourd'hui d'envisager très clairement de nouveaux types de médias. Médias « globaux » qui sauront allier l'écrit, l'image et le son dans un même titre. Le web ne semble pas pour l'instant offrir de modèle économique viable pour les médias commerciaux. Mais pour les médias associatifs au fonctionnement budgétairement bien plus léger, le numérique peut offrir aujourd'hui de nouveaux horizons pleins de perspectives de développement. Apparaissent de nouvelles possibilités de diffusion, de nouvelles manières de produire, de stocker et d'archiver les contenus. Internet s'avère un outil remarquable pour des acteurs dont la mission première est de créer des liens et des réseaux dans leurs territoires et au-delà. Les nouvelles formes de participation citoyenne qui s'y développent représentent une forme de créativité qui dépasse sans doute celle qui présida au lancement des radios associatives en 1981. Cette tendance est mondiale et interconnectée. Elle met en rapport le local et le global en un clic. Elle permet aux citoyens du monde entier de collaborer aux créations les plus diverses. Sous l'égide de la philosophie du « libre », elle permet la production d'un savoir universel. Tout le monde connaît le remarquable exemple donné par Wikipédia dans la constitution d'une encyclopédie collaborative universelle. Ainsi depuis quelques années la confédération des radios associatives de Rhône-Alpes a mis en place un serveur de sons internet communs à toutes ses radios. Chaque radio de la région peut déposer des émissions qu'elle souhaite partager avec les autres. Alors que l'usage n'en est pas encore partagé par toutes les radios adhérentes, le serveur comptabilise aujourd'hui plus de 3000 émissions et reportages en accès public et libre 4. Le site www.mediascitoyens.org met en valeur ces contenus en les confrontant avec des vidéos, articles ou dossiers de presse écrite. Le numérique représente aussi une capacité nouvelle de stockage, d'archivage et de mise en valeur de contenus médiatiques. Ces contenus issus des médias associatifs locaux constituent, ainsi regroupés, une véritable mine d'informations et de mémoire locale. Leur mise en valeur sur internet peut être une véritable plus-value pour les territoires. De nouvelles manières de faire circuler l'information sont apparues, à travers l'usage des réseaux sociaux, avec la pratique des sites collaboratifs, des lettres d'information ou des réseaux d'échanges par mail. Ainsi, désormais il est possible de mettre en place des web radios ou web tv éphémères lors d'évènements ponctuels. A côté de ces outils, de nouveaux médias se construisent, 4 http://www.crancra.org/Emissions-en-acces-libre des sites collaboratifs prennent une dimension réelle de médias. La notion de professionnelamateur initiée dans les médias associatifs prend dans la sphère numérique une dimension massive et mondialisée. Avec les espaces publics numériques et d'autres structures émergentes, les acteurs du web 2.0 s'organisent et se structurent, deviennent les moteurs du développement des territoires numériques. Localement, les nouveaux médias web agissent tout autant en partenariat avec les acteurs du libre, du numérique collaboratif ou dans l'univers de l'économie sociale et solidaire, faisant de l'appropriation citoyenne des usages numériques un objectif transversal. Ces nouveaux usages d'internet refaçonnent les territoires, se servent de la dimension globale et mondialisée du web pour redonner au local ses lettres de noblesse. La communication sociale de proximité, la participation citoyenne, l'éducation populaire peuvent ainsi trouver dans la notion de « territoires apprenants »5 des perspectives enthousiasmantes à la mesure de leurs vocations. 5 Jean-Pierre Jambes : Territoires apprenants. Esquisses pour le développement local du 21ème siècle. L'Harmattan. 2001 Convergences De fait, derrière cette collaboration souhaitable entre médias associatifs et acteurs du numérique collaboratif, se dessine l'enjeu de la construction des territoires de demain. Les territoires numériques vont peu à peu compléter les territoires physiques, générant de nouveaux espaces. Nouveaux espaces citoyens mais aussi nouveaux espaces commerciaux. L'enjeu ici est donc d'agir afin de préserver au sein de ces nouveaux espaces des lieux citoyens, lieux de résistance, de construction et de transformation sociale, lieux d'une véritable émancipation citoyenne. Ces «lieux » - ou plutôt que de « lieux », pouvons-nous parler de liens, d'échanges, de flux d'informations dont l'organisation fera les territoires de demain – seraient alors, comme le sont déjà les médias associatifs locaux à un autre niveau, les points d'ancrage d'une intelligence collective agissante dans l'espace public. Au cœur des réseaux et des échanges, créateurs de liens par vocation, acteurs volontaires ou contraints du numérique, les médias associatifs se doivent aujourd'hui d'être les moteurs, sur leurs territoires, de cette nouvelle lutte pour l'appropriation de l'espace public par les citoyens. S'il apparaît inéluctable que les journaux, radios et télévisions associatives se développent sur ces espaces numériques nouveaux, il ne s'agit pas ici de dire qu'ils doivent tous se transformer radicalement en nouveaux médias 2.0. Ainsi, la mise en place de la radio Numérique Terrestre ne devra pas signifier la fin de la diffusion en FM. De la même manière la RNT n'évitera pas le développement des radios sur le web. Les médias associatifs doivent aujourd'hui construire du neuf en n'oubliant pas leur histoire et en appréhendant leurs complémentarités. Les mouvements citoyens s'organisent dans les territoires et se diffusent mondialement. Leurs acteurs sont des militants nouveaux, mobilisés autour des causes écologiques, altermondialistes, économiques, culturelles ou solidaires. Acteurs à part entière de ces luttes, les médias associatifs se doivent désormais d'être porteurs de leur convergence. Car, s'il semble évident que ces causes sont aujourd'hui totalement complémentaires, leurs développements respectifs continuent de s'opérer sur des lignes parallèles, assez peu poreuses. L'ESS est naturellement l'économie dans laquelle l'écologie est possible, mais acteurs de l'ESS et de l'écologie constituent des réseaux bien distincts ; les réseaux solidaires et écologiques se développent sur la toile avec des outils coopératifs cependant que les acteurs du web collaboratif développent une philosophie écologiste et solidaire autonome... Acteurs de cette convergence, au cœur de tous ces réseaux et de leurs territoires interconnectés, à la croisée de ces nouveaux chemins citoyens, les médias associatifs ont l'opportunité d'être les vecteurs d'une dynamique réelle de transformation sociale. Déjà, au fil des plateaux télé, des émissions de radio, des dossiers écrits, ces acteurs citoyens se croisent et échangent partout dans les territoires. C'est cette dynamique qu'il faut continuer. En prenant aussi dès maintenant le tournant du numérique et du web collaboratif, porteur de nouveaux espaces d'actions, de nouveaux processus de participation citoyenne. C'est ainsi que se construiront les médias citoyens du 21ème siècle. Cette construction se fera dans la synthèse de la philosophie originelle de nos médias et des technologies et mobilisations nouvelles de ce siècle. « Comment changer le monde sans changer les médias ? » s'interrogeait Blanka Ekhout, ex-présidente de Vive Vénézuela. Les médias citoyens du 21ème siècle seront ceux de l'union des luttes et de la construction sociale. Médias locaux au cœur des réseaux citoyens mondialisés, ils seront les acteurs essentiels de la citoyenneté dans leurs territoires. A moins qu'ils ne ratent ce tournant, laissant la place libre aux secteurs marchands désireux de s'emparer des espaces publics encore vierges. Pour cela, la convergence doit aussi s'opérer parmi les médias eux-mêmes, par la découverte de la complémentarité de chacun d'entre eux, télévisions participatives, radios associatives, presse écrite alternative et désormais aussi médias de la génération 2.0. Internet et ses usages permettent aujourd'hui de mettre en complémentarité l'image, le son et le texte pour un traitement global des contenus. Quelle richesse de contenus spécifiques et de couverture territoriale qu'un projet collectif de médias associatifs ! Quelle dynamique de partenariats et de mobilisation citoyenne ces actions peuvent générer ! Loin d'une simple caméra ajoutée à une émission de radio, loin du seul enregistrement ou de la retranscription d'un plateau tv par d'autres médias, il s'agit dans ces actions de mettre en complémentarité des savoirs-faire différents et de créer de leur rencontre, une véritable plus-value de sens et d'intelligence collective. Les enrichissements mutuels se font alors dans tous les domaines : techniques, éditoriaux, participatifs... Les possibilités ouvertes par ce type de collaborations sont infinies. Les projets menés par MédiasCitoyens depuis quelques années le prouvent très clairement, des couvertures annuelles des Dialogues en Humanité à Lyon, à celle de l'Université Européenne de l'engagement de l'AFEV ; des thématiques de l'Economie sociale et solidaire à celles de la démocratie participative ou de l'écologie. Le site internet www.mediascitoyens.org relaie régulièrement ces actions collectives. Ainsi, la mutualisation des archives entre médias d'un même territoire peut-elle générer la constitution de la plus riche des médiathèques locales, porteuse de la mémoire citoyenne d'une région. La mise en réseaux de ces médiathèques à travers le monde par des protocoles simples du type OAIPMH 6 pourrait constituer une formidable base de données universelle... L'analyse de l'évolution récente des pratiques des médias citoyens montre d'ailleurs clairement une convergence vers les nouveaux modes de production, de participation et de diffusion numérique. Si tous les médias associatifs institués conservent leurs modes de fonctionnement traditionnels, peu à peu tous le complètent d'une part numérique, tant au niveau des outils de production que de la diffusion. Parallèlement, de nouveaux médias naissent sur internet, qui renouvellent les modes de 6 OAIPMH : Protocole libre permettant de mettre en réseau de nombreuses bases de données. Pour en savoir plus, lire sur le site du Ministère de la culture : http://www.culture.gouv.fr/culture/dll/OAI-PMH.htm production, de diffusion et de participation. De plus, des sites participatifs au web collaboratif, la participation citoyenne y prend un essor tout à fait remarquable grâce à la simplification des techniques et des processus de production – participation. Dans tous les cas, médias anciens ou nouvelles formes numériques, tous convergent vers des formes de diffusion numériques sur internet, que ce soit leur mode de diffusion principal ou simplement complémentaire. Pour autant, les sites et blogs participatifs sur internet ne correspondent pas tous à une éventuelle définition d'un média de presse et/ou assumant une mission de communication sociale de proximité. Et c'est bien là qu'apparaît évidente et nécessaire la complémentarité entre les médias associatifs traditionnels et ces nouvelles formes d'expression populaire. Tandis que le web collaboratif et les nouveaux médias participatifs ont développé un savoir-faire et des outils remarquables de participation citoyenne, les médias associatifs ont de longue date développé un savoir-faire journalistique et des pratiques d'éducation populaire. De plus, tandis que les nouveaux médias numériques maîtrisent mieux que quiconque la diffusion (« virale ») sur le web, les médias associatifs maîtrisent les modes de diffusion traditionnels et encore très populaires : FM, édition papier, voire réunions publiques (projections, enregistrements...). La complémentarité entre médias télévisuels, radiophoniques, de presse écrite et avec les médias de la nouvelle sphère internet semble donc bien évidente. Elle s'impose peu à peu à chacun, mais il reste encore à creuser le terreau de l'union. C'est aussi l'objectif de MédiasCitoyens : faire se rencontrer ces initiatives qui, jusqu'alors, se sont développées de manières très parallèles ; mutualiser les savoirs-faire au service des citoyens et de leurs initiatives semblent être aujourd'hui une priorité pour tous les médias citoyens. Seule, par ailleurs, une entente des médias associatifs leur permettra de continuer d'exercer leur rôle dans les territoires dans les années à venir. Face aux coups de boutoir des baisses des aides publiques et du contexte économique, face aux aspirations hégémoniques des secteurs financiers et commerciaux, dotés de budgets minimalistes, les médias associatifs ne trouveront d'issue que dans leur union au service des citoyens et de leurs territoires. Depuis les mines lorraines et le Larzac des années 1970, les luttes ont évolué. Elles sont aujourd'hui devenues les lieux où naissent de véritables forces de transformations sociales. Le modèle représentatif et syndical des luttes a vécu. Il laisse la place aujourd'hui à des espaces citoyens ouverts, champs de forces en mesure de se développer et de se régénérer à l'infini grâce aux contributions de millions de citoyens interconnectés à travers le monde. A la croisée des chemins de ces « lames de fond » citoyennes, face à leur propre responsabilité de s'unir pour s'engager dans les nouveaux horizons du 21ème siècle, les médias citoyens peuvent être les outils de la convergence, les médias de la construction d' « un autre monde possible ». Comme ils furent les outils de la libération culturelle il y a trente ans. Comme ils sont devenus pour l'UNESCO les outils du développement local des pays les plus pauvres. Comme ils sont les vecteurs de l' « empowerment » de nombreuses communautés dans le monde. Mais à la condition de prendre le tournant de l'union et de sa réalisation dans les nouvelles frontières numériques. A la condition de savoir donner aux citoyens un contenu toujours attractif, au plus proche de leurs usages. Il faudra pour cela convaincre, tous ensemble, les pouvoirs publics de la nécessité d'un numérique citoyen, d'un numérique public, indépendant des grandes puissances financières. Les convaincre aussi et enfin de l'urgence de réinstituer dans nos sociétés une véritable presse libre et indépendante, au service des citoyens et de la démocratie. Pour des aides publiques aux médias associatifs Ce rapport montre très largement à quel point les médias associatifs, au-delà de leur simple définition de « médias », sont des outils privilégiés du développement local. Ils sont à ce titre des relais efficaces des politiques territoriales. C'est à ce titre notamment que le Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique soutient les radios associatives de catégorie A, par son aide principale au fonctionnement, par une aide à l'équipement, mais aussi par le biais de son aide sélective. Cette aide sélective est distribuée aux radios selon une série de critères jugeant de la pertinence de l'action locale de la radio. Elle a pour objet de soutenir les services de radio en fonction de leurs actions dans les domaines suivants : la diversification des ressources, la formation professionnelle des salariés et la consolidation des emplois, la culture et l’éducation, l’intégration et la lutte contre les discriminations, l’environnement et le développement local, la part des émissions produites par la radio. Mais si cette aide existe, bien qu'insuffisante, pour les radios, rien n'existe en revanche pour les autres médias associatifs de communication sociale de proximité. Jamais les télévisions ou les journaux associatifs n'ont eu, comme les radios en 1981 7, le coup de pouce de l'histoire qui aurait pu les mener vers la reconnaissance institutionnelle. De longue date maintenant, la Fédération des Vidéos de Pays et de Quartiers, fédération des télévisions associatives et participatives, revendique la mise en place d'un fonds de soutien à l'expression audiovisuelle, incluant aussi les télévisions. Celle-ci est une nécessité, comme l'est une aide nationale aux journaux de presse associative, laissés pour compte des aides publiques à la presse écrite. Le soutien de la presse libre et indépendante est tout d'abord du rôle de l'Etat, car il s'agit bien aujourd'hui de permettre la liberté et l'indépendance éditoriale des médias hors du champ financier qui les contraint éditorialement, et en accord avec les préceptes de l'après seconde guerre mondiale, lorsque le Conseil National de la Résistance proclamait la nécessité d'une presse libre et indépendante des grandes puissances financières. L'action des médias associatifs locaux se situe essentiellement sur leurs territoires, qu'ils animent et participent à développer, démocratiquement, socialement, économiquement. Ils représentent donc des outils majeurs pour les territoires et leurs institutions, au service de leurs habitants. C'est pourquoi il est aussi particulièrement nécessaire que les collectivités locales les soutiennent. Pour que l'information continue de vivre dans tous les bassins de vie, y compris ceux ne représentant pas d'intérêts commerciaux suffisants et abandonnés des médias traditionnels (à l'exception de la 7 En 1981, les radios pirates ont marqué la campagne présidentielle, notamment à travers les liens et les combats communs de radio Riposte et du candidat François Mitterrand. Presse Quotidienne Régionale qui continue tant bien que mal à jouer son rôle en local, mais dont les contenus s'appauvrissent parfois...). Pour que les contenus médiatiques produits continuent d'être les reflets de la richesse et de la diversité des territoires. Pour que les notions de démocratie locale et de liberté d'expression continuent à prendre sens pour tout un chacun. Déjà certaines communes ou des conseils généraux soutiennent leurs médias locaux. Mais ce n'est toutefois pas encore une règle générale et ces soutiens dépendent de la conviction des édiles locaux. Déjà, le conseil Régional de Rhône-Alpes abonde l'aide à l'équipement du FSER pour les radios associatives, il accompagne la structuration de réseaux comme MédiasCitoyens ou la CRANC-RA à travers des contrats d'objectifs pluriannuels, il soutient aussi divers médias associatifs régionaux à travers des appels à projets. Pour autant, il n'existe encore aucune aide structurelle pour les médias associatifs. Aucune aide qui puisse permettre à ceux-ci d'appréhender leurs dépenses de fonctionnement plus sereinement. Selon notre étude, les médias de la région placent le manque de moyens financiers au premier plan de leurs difficultés . Les budgets de ces médias sont légers et une aide publique ne représenterait qu'une infime partie des budgets consacrés à d'autres structures, ou même d'autres médias par les collectivités publiques. On sait par ailleurs que pour ces structures, chaque aide publique est potentiellement un levier vers l'obtention d'autres ressources. Si l'on admet que les critères cités plus haut mis en place par le fonds de soutien à l'expression radiophonique sont pertinents pour juger de l'action locale des médias, alors il peut devenir aisé d'envisager une aide publique régionale aux médias associatifs. Soutenus financièrement au regard de l'accomplissement de leur mission de communication sociale de proximité, mesuré critère par critère, les médias progresseront qualitativement et continueront de se définir autour de cette notion de communication sociale de proximité. Ils se constitueront davantage encore comme outils du développement social et solidaire des territoires, vecteurs d'une information citoyenne libre et indépendante, acteurs de l'éducation populaire et du développement de la citoyenneté. Les médias citoyens en Rhône-Alpes Partie 1 Première vue d'ensemble Thierry BORDE www.mediascitoyens.org SOMMAIRE Préambule p. 3 Première partie : Les radios associatives p.6 I.1. Définitions, histoire p.6 I.1.1 Définitions p.6 I.1.2. Histoire p.7 I.2. Fonctionnement et financement p.9 I.2.1 Radios et territoires p.9 I.2.2. Fonctionnement p. 11 I.2.3 Financement p.13 I.3. Perspectives p.16 I.3.1 Enjeux p.16 I.3.2. La Radio Numérique Terrestre (RNT) p.16 I.3.3. Le nécessaire soutien des collectivités territoriales p.17 Deuxième partie : Les télévisions associatives (participatives) p.19 II.1. Définitions, histoire p.19 II.2. Les télévisions participatives : fonctionnement et financements p.22 II.2.1. Dix télévisions participatives identifiées en Rhône-Alpes p.22 II.2.2 Le financement des télévisions participatives rhônalpines p.24 II.3. Perspectives p.25 II.3.1. Pour un fonds de soutien national à l'expression audiovisuelle p.26 II.3.2. Pour un soutien accru des collectivités territoriales p.26 Troisième partie : La presse écrite associative p.29 III.1. Quelques éléments d'histoire p.29 III.2. Fonctionnement et financement p.30 III.3. Perspectives p.32 Eléments de synthèse et perspectives générales p.35 PREAMBULE L'objet de la présente étude est de proposer un état des lieux du paysage des médias « citoyens » de la Région Rhône-Alpes. Cette « première vue d'ensemble » s'attache à tracer les grandes lignes nécessaires à la compréhension de cet autre paysage médiatique à travers les situations des différents médias qui le composent : radios, télévisions, journaux et sites web. Cet état des lieux du paysage médiatique alternatif de Rhône-Alpes ne pouvait se passer d'une définition préalable de son objet : les médias « citoyens ». Il donne lieu par ailleurs à une analyse des rôles, des fonctionnements et des besoins de ces médias. Ce rapport s'attache à démontrer que ces besoins sont des revendications démocratiques que les politiques publiques ne sauraient ignorer sans conséquence sur les enjeux sociétaux que représente l'action de ces médias acteurs du développement de leurs territoires. Il convient tout d'abord de définir la terminologie employée dans le présent rapport, par les médias eux-mêmes et par les analystes de cet univers médiatique « alternatif ». Les termes aujourd'hui les plus couramment employés pour décrire cette catégorie de médias varient : alternatifs, citoyens, associatifs, participatifs, communautaires... L'UNESCO inscrit le développement des médias communautaires comme un outil essentiel dans les processus de développement local. Le Programme International pour le Développement de la Communication (PIDC) définit ainsi les médias communautaires : « Les médias à vocation communautaire sont garants du pluralisme des médias, de la diversité de leur contenu et de la représentation de divers intérêts et groupes sociaux. Les médias communautaires permettent d'instaurer un libre dialogue et une gestion transparente des affaires publiques au plan local, et offrent une tribune aux sans-voix. Ils ont pour fondements les principes de la prise de parole publique et de la mise en commun des expériences et de l’information. » En France, les radios dont il est question ici sont dites « associatives », définies dans la loi par leurs statuts et des critères précis. Les télévisions réunies sous l'égide de la Fédération Nationale des Vidéos de Pays et de Quartiers se définissent comme « participatives ». Enfin, la presse écrite a plus généralement tendance à employer l'adjectif « alternatif ». Même si ce dernier est utilisé aussi bien par des radios associatives ou des télévisions. En réalité, tous les médias dont il est question ici sont à la fois alternatifs, associatifs et participatifs. Ils sont associatifs par leurs statuts ; alternatifs aux modèles dominants (« mainstream media ») par leurs contenus, leur fonctionnement associatif et non commercial et par les processus de production de ces contenus ; ils sont participatifs par leurs fonctionnements qui associent les citoyens. Notons que le terme « alternatif » renvoie aussi parfois à un certain positionnement idéologique. Certains chercheurs distinguent les médias de construction sociale et les médias de contestation, les médias « expressivistes »8 et les médias « radicaux »9 ou « anti-hégémoniques »10. Ainsi, Dominique Cardon et Fabien Granjon opposent deux formes critiques : « Une première critique, dont Le Monde Diplomatique est le représentant attitré en France, peut être appelée anti-hégémonique. Elle s’attache à mettre en lumière la fonction propagandiste des « appareils idéologiques de la globalisation » que sont les médias et appelle à la création d’un « contre-pouvoir critique » (...) Le second cadre d’action collective appuie sa critique sur le refus de la clôture sur lui-même du cercle des producteurs d’information et de l’asymétrie entretenue par les médias traditionnels à l’égard de leurs lecteurs/(télé-)spectateurs. Cette critique, que l’on appellera expressiviste, refuse l’accaparement de la parole par les professionnels, les porte-parole et les experts. Elle propose moins de réformer les communications de masse et le journalisme professionnel que de libérer la parole individuelle ». C'est de cette thèse expressiviste que se rapproche Clemencia Rodriguez lorsqu'elle propose de remplacer le concept de « médias alternatifs » par celui de « médias citoyens » (citizen media)11. Tous les médias rhônalpins qui font l'objet de la présente étude conjuguent les caractéristiques « anti-hégémoniques » et « expressivistes ». Mais cette seconde dimension apparaît essentielle lorsqu'on les définit comme acteurs du développement de leurs territoires. Médias locaux, ils sont des outils de transformation sociale ancrés dans leurs territoires par des processus citoyens d'information ou d'éducation populaire. Leurs démarches et leurs modèles économiques à la marge leur permettent de produire de manière participative des contenus autres en initiant et faisant vivre tout ce qui du culturel, du social ou de l'économique ne trouve pas sa place dans le système médiatique « dominant » : économie solidaire, scènes culturelles émergentes, sciences humaines... C'est par le développement de ces médias et par ces processus que Felix Guattari pense « une entrée vers une ère postmédia, consistant en une réappropriation individuelle collective et un usage interactif des machines d’information, de communication, d’intelligence, d’art et de culture. »12 Quelque soit l'adjectif choisi pour les qualifier, ces médias appartiennent aussi à ce que certains appellent le « Tiers-Secteur». Guy Pineau analyse ce positionnement : « Médias critiques, les radios et télévisions associatives se présentent souvent comme un « tiers secteur » de l’audiovisuel. Tiers secteur » : sans doute, cette appellation vient-elle d’une référence, lointaine, au Tiers-État du XVIIIe 8 Cf Les mobilisations informationnelles dans le mouvement altermondialiste, D. Cardon, F. Granjon – Colloque « Les mobilisations altermondialistes », Paris, 3-5 décembre 2003. 9 Cf Radical Media : rebellious communication and social movements, John Downing – Sage Publications, 2001 10 Ce concept de contre-hégémonie prend sa source dans l'analyse de l'hégémonie culturelle formulée par Antonio Gramsci. Par « hégémonie », celui-ci décrit la domination de classe d'ordre culturel et symbolique à l'oeuvre dans les sociétés capitalistes. 11 Fissures in the Mediascape, Clemencia Rodriguez, Hampton Press - 2001 12 Vers une ère post-media; Felix Guattari - Terminal, n° 51, octobre-novembre 1990 siècle qui, en opposition à la noblesse et au clergé va jouer le rôle que l’on sait dans la Révolution française avant de s’investir de façon conflictuelle dans la construction du système social, politique et économique jusqu’à aujourd’hui. De façon plus récente, ce courant se situe en référence actuelle, au tiers secteur situé à l’intersection de l’économie sociale, de l’économie solidaire et d’un désir de s’exprimer (c’est-à-dire de ne plus être exclus) par/à travers des médias. »13 En 2006, suite à un appel à l'organisation d'« Etats Généraux pour une information et des médias pluralistes», des médias indépendants et associatifs de Rhône-Alpes se réunissent à St Martin d'Hères. La même année est lancé « l'appel de Marseille des médias du tiers-secteur ». Résolument ancrés dans une logique non commerciale, ces médias citoyens sont des outils d'émancipation et de transformation sociales : « Comment changer le monde si on ne change pas les médias? », s'interrogeait Blanka Ekhout14. Leur rôle dans le développement local est essentiel. Ils sont tous des acteurs économiques, sociaux et culturels locaux. Créateurs d'emplois, de culture et de lien social, ils sont localement des cœurs de réseaux, des lieux où se rencontrent tous les acteurs de la vie locale, où la société civile s'approprie l'espace public. 13 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005 14 Blanka Ekhout : actuelle ministre de la communication du Vénézuéla, ancienne présidente de Vive Television. I. Les radios associatives I.1. Définitions, histoire I.1.1. Définitions Dans le Manuel de la Radio Communautaire 15, Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada définissent ainsi les radios communautaires : « La radiodiffusion communautaire est un moyen de communication sans but lucratif, qui appartient à une communauté particulière qui la gère, en général par le biais d’une société, d’une fondation, ou d’une association. Son but est de servir les intérêts de cette communauté. Il s’agit en réalité d’une forme de service public de radiodiffusion, mais qui servirait une communauté plutôt que la nation tout entière, ce qui correspond à la forme habituelle du service public décrite plus haut, d’autant qu’elle repose et doit reposer essentiellement sur les ressources de la communauté. La communauté se définit comme un groupe de personnes qui partagent des caractéristiques et / ou des intérêts communs. La communauté d’intérêts devrait être basée sur : - l’appartenance à une zone géographique commune, c'est-à-dire des personnes vivant dans une ville, un village ou ayant des liens spécifiques de voisinage; - le partage d’une même vie économique et sociale par le biais du commerce, du marketing, des échanges de biens et de services. (…) Comme on peut le constater, il n’existe toujours pas de définition ni de description unique de la radio communautaire. La situation se complique davantage du fait de la variété des termes appliqués à la radiodiffusion de proximité : radio "locale", "alternative", "indépendante", ou "libre". Tous ces termes manquent de précision. Par exemple, le terme "radio locale" pourrait également faire référence à une exploitation décentralisée, une petite station commerciale d'une chaîne publique ou d’une petite radio privée. "Alternative" et "libre" sont des termes tout aussi imprécis, même si dans le contexte de la radio, ils sont habituellement compris dans le sens d’une alternative aux médias de masse dominants, indépendants du contrôle gouvernemental. Ainsi définis, ils s'inscrivent logiquement dans le concept de radio communautaire, mais ce n’est pas forcément le cas. Il existe plusieurs similitudes entre les différentes définitions de la radio communautaire qui ont été 15 Manuel de la Radio Communautaire, Colin Fraser et Sonia Restrepo Estrada - UNESCO, 2001 formulées. Une simple phrase, facile à retenir, suffit parfois à bien les résumer: "la radio par le peuple et pour le peuple". Cette phrase fait bien ressortir le principe essentiel pour qu’une radio soit considérée comme une vraie radio communautaire. Elle doit, premièrement, être gérée par la communauté ; deuxièmement, son but doit être de servir la communauté. » - En France, les radios associatives, de catégorie A sont définies par le CSA : « Catégorie A - Services associatifs éligibles au fonds de soutien Relèvent de cette catégorie les services éligibles au fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l'antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires. Si une radio est déclarée non éligible par la commission du FSER, une fois toutes les voies de recours épuisées, elle ne peut plus légalement se revendiquer de la catégorie A. Ces radios ont pour vocation d'être des radios de proximité, des radios communautaires, culturelles ou scolaires. Leur programme d'intérêt local, hors publicité, doit représenter une durée quotidienne d'au moins quatre heures diffusées entre 6h et 22h. » I.1.2 Histoire Cette définition légale de la radio associative en France, accompagnée des dispositifs institutionnels qui l'entourent, est née d'une histoire spécifique à notre pays. Notons tout d'abord l'importance de la radio dans l'histoire de la seconde guerre mondiale et de la Résistance. Situation dans laquelle s'est développée une fonction bien spécifique de ce média, à partir de l'appel du 18 juin, et qui participe à expliquer le rapport particulier qui s'exprime inconsciemment entre le pays et son paysage radiophonique. A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale la Radio Diffusion Française (RDF), bientôt RTF (Radiodiffusion et Télévision de France, février 49) jouera un rôle déterminant dans la diffusion d'une information publique sous la tutelle du pouvoir. Dès les années 1960 monte, surtout dans la jeunesse, un mouvement d'émancipation et de liberté exprimé en France notamment par l'émission Salut les Copains (1959 -1964) diffusée sur une radio périphérique (Radio Monte Carlo) et en Angleterre par Radio Caroline, radio pirate qui émet depuis les eaux internationales. Mais l'histoire des radios associatives - radios « libres » - commence réellement à la fin des années 1960 (Radio Campus Lille en 1969) et prend une ampleur remarquable à la fin des années 1970. Avant 1981 La fin des années 1970 voit l'éclosion des radios pirates réclamant la liberté de diffusion avec deux motivations majeures : la liberté musicale et la lutte sociale. D'un côté des radios vouées à faire enfin évoluer en France la diffusion des nouvelles formes de musique, de l'autre des radios nées dans les luttes : Lorraine Coeur d'Acier ou SOS Emploi dans les bassins miniers lorrains, Radio Larzac, ou encore Radio Onz'Debrouille, sur l'émetteur de laquelle eut lieu l'émission Radio Riposte de François Mitterrand en 1979. Ce point historique est nécessaire pour comprendre les fondements mêmes qui sous-tendent l'existence d'un paysage médiatique aujourd'hui si présent, qu'on en oublie parfois le sens : outil de résistance et de libération pendant la guerre (au même titre d'ailleurs que les parutions écrites publiées clandestinement) ; outil de diffusion culturelle sans censure, outil de lutte sociale et de lien entre les citoyens, outil d'émancipation politique aussi, comme on le voit avec l'utilisation de la radio pirate – illégale – par la gauche avant 1981. 1981 – 2010 : La libération des ondes et la recomposition du paysage Autant la naissance de la radio « libre » était motivée par ses fonctions émancipatrices aux niveaux social, culturel et démocratique, autant l'histoire des radios depuis 1981 est marquée l'évolution libérale de la société. Peu à peu, les radios libres vont se scinder en deux familles : commerciales et associatives. Radios commerciales que rejoignirent aussi les grandes stations qui émettaient jusqu'alors en grandes ondes depuis l'étranger : RTL, RMC, Europe 1... En novembre 1981, les radios locales privées, limitées dans leur puissance émettrice, sont autorisées en vertu d'une dérogation au monopole. Cette dérogation sera confirmée ensuite par l'adoption de la loi du 29 juillet 1982. « Ce texte permettra une avancée du secteur associatif (sans but lucratif), mais il permettra aussi « aux coquins et aux malins » (à but très lucratif) d’avancer leur stratégie commerciale. En l’absence d’un modèle économique alternatif non commercial, les associatifs accueilleront, nécessité faisant loi, assez favorablement la loi de 1984 autorisant la publicité limitée pour les radios associatives locales ; sans limites pour les radios qui deviennent officiellement commerciales. », analyse Guy Pineau16. Depuis, le paysage s'est confirmé dans cette dynamique. Les évolutions qui ont eu lieu tiennent surtout à la couverture du territoire et au nombre de fréquences attribuées. La dernière évolution à ce niveau est en voie de se terminer : le « plan FM + » qui a encore accru l'offre de radios dans de nombreux territoires. Aujourd'hui, les radios privées sont classées en cinq grandes catégories par le CSA : −Catégorie A : Radios associatives de proximité et de lien social ou communautaires, éligibles au fonds de soutien à l’expression radiophonique −Catégorie B : Stations locales indépendantes, radios commerciales qui participent à l’animation de leur zone économique et contribuent également à l’expression locale 16 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005 − Catégorie C : Stations locales ou régionales affiliées ou abonnées à des réseaux thématiques à vocation nationale −Catégorie D : Réseaux thématiques à vocation nationale −Catégorie E : Il s’agit des trois radios généralistes à vocation nationale, Europe 1, RTL et RMC Info. Elles existaient toutes les trois avant 1982, avec le statut de radios périphériques (elles émettaient depuis l’étranger : la Sarre, le Luxembourg, la principauté de Monaco, en exploitant des émetteurs en modulation d’amplitude sur les grandes ondes. ) La loi Trautmann du 1er août 2000 définit officiellement les radios associatives comme « radios de communication sociale de proximité » : « Le conseil supérieur de l'audiovisuel veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services éditée par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion »17. Il existe plus de six cent cinquante radios associatives aujourd'hui en France. 71 d'entre elles sont situées en Rhône-Alpes. I.2. Fonctionnement et financement I.2.1. Radios et territoires Jusqu'en 2011 la région Rhône-Alpes comptait 71 radios associatives : 6 dans l'Ain, 5 en Ardèche, 9 dans la Drôme, 26 dans l'Isère, 9 dans la Loire, 13 dans le Rhône, 5 en Savoie, 6 en Haute-Savoie (certaines radios émettant sur plusieurs départements sont recensées plusieurs fois) Une répartition territoriale relativement équilibrée, où l'Isère, plus grand département rassemble plus du tiers des radios (26 sur 71), le Rhône, département le plus peuplé mais le plus petit réunit 13 radios sur 71. L'évaluation de cette répartition ne peut se faire que dans la prise en compte de la réalité des bassins de population et de la géographie de la région. Cet examen montre toutefois des lacunes dans la couverture régionale, notamment dans les zones rurales : 5 radios en Ardèche et en Savoie, 6 en Haute-Savoie, où les zones géographiques, morcelées, appelleraient à davantage de couverture et où certains territoires auraient besoin d'outils de développement local tels que les radios. Le paysage des radios en Rhône-Alpes évolue peu. Les dernières nées des radios de catégorie A dans la Région sont Radio d'Ici, Radio Zig-Zag, Radio Pixel qui obtinrent leurs fréquences 17 Extrait de l'article 29 de la loi n°2000-719 du 1er août 2000 relative à la liberté de communication permanentes en 2000, et Radio Alto en 2006. Le dernier appel à fréquences lancé par le CSA dans le cadre du « plan FM+ » a abouti à la libération de nouvelles fréquences et la naissance de nouvelles radios : R-DWA à Die, Radio Altitude, Radio Oxygène et Séquence FM dans les régions de montagne radio MplusM, Déclic FM à Tournon. Des radios déjà existantes ont été autorisées sur de nouvelles fréquences, comme RCT Cap Sao à vienne et à Oyonnax, Radio Salam à Bourg-en-Bresse ou Radio M à Nyons... Le soutien octroyé par la Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire (CRESS) aux nouveaux projets de radios ces dernières années montre l'importance de la radio comme outil au service du développement local. Depuis 2010, la CRANC-RA est d'ailleurs de nouveau adhérente à la CRESS, remplaçant en cela le CORREX, ancienne fédération des radios associatives rhônalpines. Les radios associatives sont par ailleurs représentées aux niveaux national et régional au sein de l'USGERES (Union de syndicats et groupements d'employeurs représentatifs dans l'économie sociale). Cet attachement à l'économie sociale et solidaire est mû d'abord et avant tout par la volonté de s'inscrire dans les dynamiques de la vie sociale, économique et culturelle des territoires. Le territoire, pour une radio associative, est sa zone d'action : d'actions de participation citoyenne, d'éducation populaire, de formation (certaines radios associatives sont d'ailleurs agréées comme organisme de formation et d'éducation populaire) ; zone de partenariats et de mises en réseau, zone de production, de réalisation et de diffusion à la fois. Le territoire d'une radio est sa zone de diffusion. Celle-ci est définie par la fréquence attribuée, par la puissance de l'émetteur de la radio et par les caractéristiques géographiques du territoire. De par sa diversité géographique, la région Rhône-Alpes réunit des radios aux caractéristiques territoriales fort différentes, selon qu'elles se situent en montagne, en zone urbaine, interurbaine, en plaine... La présence de zones frontalières complexifie aussi la gestion des fréquences par les autorités de régulation. Si le siège de la radio est localisé dans une commune, son action ne concerne pas moins toute sa zone de diffusion par la volonté d'être au plus proche de tous. Les radios peuvent être présentes dans le territoire de différentes manières : en faisant participer les habitants en studio, en réalisant des reportages sur le terrain, en organisant des émissions délocalisées grâce à des techniques mobiles... Lorsque l'on définit la radio associative selon la classification mondiale de la radio communautaire, il est alors possible de caractériser les territoires des radios comme leurs communautés. Dans les acceptions anglo-saxonnes et hispaniques des expressions « community media » ou « media communautarios », comme dans l'usage francophone du terme « media communautaire » au Québec, la « communauté » s'entend à la fois en tant que communauté d'esprit et communauté géographique, loin du sens « fermé » donné en France au terme « communautaire ». Aujourd'hui, la plupart des radios associatives sont présentes sur internet et développent ces autres modes de diffusion que sont le streaming et le podcast. Cette nouvelle pratique demande aussi le développement d'un contenu autre intégrant des données associées qui peuvent être écrites ou vidéos. Les radios associatives ne reconnaissent pas l'audience comme un outil de mesure pertinent. Cet outil purement quantitatif ne peut en effet rien signifier quant à la réalité d'une action territoriale qui ne se limite pas à la seule diffusion de programmes sur la bande FM. (L'institut Médiamétrie a développé un sondage plus adapté aux radios associatives, qui reste toutefois sujet à beaucoup de réticences de la part des acteurs des radios.) I.2.2. Fonctionnement Association de Loi 1901 à but non lucratif, une radio de catégorie A est donc gérée par un conseil d'administration responsable des orientations et de la ligne éditoriale de la radio. Il est difficile pour une radio de catégorie A d'exister et de se développer sans salarié, ne serait-ce que par la contrainte de produire quotidiennement quatre heures de programmes propres. En Rhône-Alpes, les situations sont là encore très diverses, et, selon les radios et les périodes, on peut dénombrer de 1 à 10 salariés, répartis entre contrats de travail « traditionnels » et contrats aidés. Le nombre de salariés par structure est variable, en particulier selon les possibilités d'embauche en contrats aidés ou qualifiants. La moyenne générale se situe entre 2 et 3 salariés. La part bénévole est fondamentale dans le fonctionnement de ces radios. Elle se divise en deux démarches distinctes : la participation directe de bénévoles ou d'équipes de bénévoles qui prennent en charge des émissions, des plages horaires, ou la participation bénévole de groupes accompagnés dans le cadre de projets spécifiques passant généralement par des partenariats avec des structures associatives, scolaires, d'éducation populaire, de participation citoyenne, culturelles, économiques... Par les interactions qu'ils génèrent, ces partenariats sont essentiels dans la dynamique créée dans le territoire. Le nombre de bénévoles dans les radios est variable, quelques dizaines en moyenne et peut atteindre plus d'une centaine (Radio Pluriel compte 120 bénévoles par exemple). Comme pour la télévision, la caractéristique de la radio est son besoin, pour fonctionner, de matériel et de savoir-faire technique. Les radios ont donc besoin d'un local abritant bureaux et studios d'enregistrement. Elles possèdent ou louent, généralement dans un endroit spécifique du territoire, un ou des émetteurs pour la diffusion. Les compétences techniques requises pour le bon fonctionnement d'une radio vont donc de la maîtrise du processus d'enregistrement en studio ou en extérieur, à celle des techniques de diffusion (hertzienne mais aussi aujourd'hui, de diffusion par internet) en passant par le montage audio. Outre les savoir-faire techniques, le bon fonctionnement de la radio demande à la fois des compétences journalistiques, d'animation et de formation. De plus en plus, le poste de direction demande quant à lui des compétences accrues en gestion, en développement de projets et en recherche de financements. Qu'il s'agisse de bénévoles ou de salariés, il est important de noter le rôle de formation que jouent les radios associatives : formation citoyenne d'une part mais aussi formation technique et journalistique par l'embauche de personnels dans le cadre de contrats aidés ou qualifiants, ou par l'accueil de stagiaires d'école de journalisme notamment. Certaines radios sont reconnues comme organismes de formation et d'éducation populaire et organisent des stages spécifiques d'initiation ou de perfectionnement. Au niveau collectif, différentes instances de représentations existent, fédérant les radios associatives. La Confédération Nationale de Radios Associatives (CNRA) et le Syndicat National des Radios Libres (SNRL) sont les deux représentations nationales qui ont pour prolongement en Rhône-Alpes deux fédérations régionales : la Fédération des Radios Associatives Non commerciales de Rhône-Alpes (FRANCRA) et Liberté Radiophonique en Rhône-Alpes (LIRRA). Ces deux fédérations sont regroupées sous l'égide de la Confédération des Radios Associatives Non Commerciales de Rhône-Alpes (CRANC-RA). La CRANC-RA est elle-même adhérente à MédiasCitoyens et à la Chambre Régionale de l'Economie Sociale et Solidaire ((CRESS). Au niveau international, l'Association Mondiale des Associations de Radio-diffuseurs Communautaires (AMARC) est vouée à fédérer l'ensemble des radios communautaires – associatives. I.2.3. Le financement des radios associatives Le financement des radios de catégorie A est assuré majoritairement par le Fond de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER), la publicité et les collectivités locales. Le Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique (FSER) Créé en 1982, le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) a pour objet de permettre aux radios associatives locales d’assurer leur mission de communication sociale de proximité, grâce à des aides prévues à l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Les subventions du FSER sont attribuées par le ministre de la culture et de la communication chargé de la communication aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. La mission de communication sociale de proximité est entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement ou la lutte contre l’exclusion. Auparavant financé par une taxe sur la publicité audiovisuelle, le FSER est depuis l’an passé financé directement par le budget du ministère de la culture et de la communication suite à la réduction de la publicité sur les télévisions publiques. Le FSER distribue quatre types d'aides : −Une subvention d’installation attribuée aux radios titulaires d’une première autorisation d’exploitation. Son montant ne peut excéder 16 000 €, elle ne peut être accordée qu’une seule fois. −L'aide au fonctionnement : une subvention annuelle de fonctionnement attribuée sous réserve que la radio ne perçoive pas plus de 20% de son chiffre d’affaires en recettes publicitaires. Son montant peut varier de 3900 Euros à 42000 Euros, selon les produits. Ce barème est fixé par la commission du FSER. −En complément de la subvention de fonctionnement, une aide sélective peut être attribuée aux radios. Pour chaque critère, la commission attribue un nombre de points qui sera multiplié par un coefficient permettant l'attribution d'une subvention sélective. Ce barème et la valeur du point sont revus chaque année. Les sept critères retenus sont : la diversification des ressources, les actions de formation professionnelle en faveur des salariés et la consolidation des emplois, les actions éducatives et culturelles, la participation à des actions collectives en matière de programmes, les actions en faveur de l'intégration et de la lutte conte les discriminations, les actions en faveur de l'environnement et du développement local, la part d'émissions produites au sein de la grille de programme. (Arrêté du 3 août 011 fixant le barème de la subvention sélective à l'action radiophonique prévu à l'article 6 du décret N°2006.1067 du 25 août 2006 pris pour l'application de l'article 80 de la loi N° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication) −L'aide à l'équipement est destinée à contribuer au financement du renouvellement du matériel des radios éligibles au FSER à hauteur de 50 % maximum du montant hors taxes du matériel et dans la limite de 18 000 € par période de cinq ans. La publicité Les radios associatives sont autorisées à percevoir moins de 20% de leur chiffre d'affaire en recettes publicitaires. Toutefois la réalité des pratiques est diverse. D'une part de nombreuses radios refusent totalement la publicité pour des raisons évidentes d'indépendance face au système commercial, d'autre part parce que selon les territoires et les capacités des radios à générer et gérer la publicité, toutes ne profitent pas de la totalité des ressources autorisées. L'autorisation des radios associatives à disposer de ressources publicitaires a toujours fait débat depuis la loi de 1984 et l'amendement Delfau en 1989 autorisant la publicité sur leurs antennes et dans la limite des 20%. Les collectivités locales - La Région Rhône-Alpes soutient les radios associatives depuis de nombreuses années, notamment dans le cadre d'appels à projets, de projets spécifiques, d'achats de prestations ou de communication. Depuis 2008, elle a mis en place un dispositif structurel visant à abonder l'aide à l'équipement du FSER à hauteur de 25% du montant hors taxe de l'investissement. Au niveau collectif, la Région a contracté depuis trois ans un contrat d'objectif avec la CRANCRA visant à aider la structuration régionale des réseaux de radios. - Les Conseils Généraux peuvent aussi soutenir les radios associatives. En Rhône-Alpes, c'est le cas par exemple en Isère, où cette aide a toutefois été réduite de manière significative en 2010. - De nombreuses radios sont soutenues par leurs communes. Soit par le biais de subventions de fonctionnement, soit par la mise à disposition de locaux ou de matériels divers. L'EPRA « Le groupement d’intérêt public « EPRA » a pour objet la mise en oeuvre d’une banque de programmes radiophoniques favorisant l’intégration en France des populations immigrées ou issues de l’immigration. Ces programmes, produits par les radios adhérentes au groupement, sont destinés à l’ensemble du secteur radiophonique, et en particulier aux radios associatives locales. » (convention constitutive de l'EPRA, mars 2005) Concrètement, l'EPRA achète aux radios associatives des productions destinées à développer cette banque de programmes. Autres sources de financements D'autres sources de financement ponctuelles peuvent être trouvées par la réalisation de prestations ou par la diffusion de messages d'intérêt collectif par exemple. Les radios associatives peuvent aussi répondre à des appels à projets, demander des subventions pour des actions spécifiques. Ces demandes de subventions peuvent aussi bien concerner les collectivités locales, l'Etat, des fondations... Cette source de financement n'est pas négligeable dans un contexte où le financement des associations est de moins en moins pérenne. Mais, si le développement de projets spécifiques est bénéfique à la dynamique de chaque structure, il n'en demeure pas moins que son institution comme mode de financement régulier est précaire et dangereux. Il est à noter à ce sujet que de nombreuses radios soutenues par le FAS, le FASILD puis l'Acsé s'interrogent aujourd'hui quant à la pérennité de ce soutien suite à la réorganisation de ces services. Parmi les sources de financements aléatoires et fluctuants selon les politiques publiques, le soutien apporté aux associations par les contrats aidés n'est pas négligeable. Il est actuellement aussi l'objet de vives inquiétudes. Le niveau moyen de l'aide du FSER par radio en France se situe entre quarante et cinquante milles Euros, aide sélective comprise. Le budget total des radios associatives dépasse rarement les 100 000 Euros en moyenne. Une limite est fixée à 200 000 Euros par le FSER au-delà de laquelle l'aide au fonctionnement est minorée. I.3. Perspectives I.3.1 Enjeux Les radios associatives sont confrontées aujourd'hui à de nombreux enjeux. Alors que le soutien public aux associations ne cesse de s'amoindrir, elles vont devoir s'adapter – ou poursuivre leur adaptation - aux évolutions des pratiques et usages numériques, avec l'interrogation majeure de la mise en place éventuelle de la Radio Numérique Terrestre (RNT). Face au « tout commercial » en dehors duquel elles se situent par définition, elles ont aussi aujourd'hui l'opportunité d'être des moteurs dans les secteurs de l'Economie Sociale et Solidaire, dans le développement local de leurs territoires, dans les thématiques de l'écologie, de la participation citoyenne et dans le développement de l'accès des citoyens aux technologies de l'information et de la communication. Face à ses différents enjeux est née la nécessité de progresser collectivement à travers des processus mis en place par la CRANC-RA qui doivent être pérennisés : les échanges de programmes et de bonnes pratiques, la réalisation de programmes collectifs, la « visibilité » des radios aux niveaux régional, national et international. I.3.2. La Radio Numérique Terrestre (RNT) L'enjeu majeur de l'ensemble du paysage radiophonique français des prochaines années est le possible passage à la Radio Numérique Terrestre (RNT). La diffusion numérique aurait déjà dû être lancée. Mais après plusieurs reports, elle est aujourd'hui bloquée par décision gouvernementale suite à la prise de position des grands groupes privés de radio (Lagardère, Next Radio, Skyrock) contre ce mode de diffusion qu'ils jugent dépassés, préférant se préparer à la diffusion par IP mobile. A l'heure actuelle, tous les syndicats et fédérations de radios privées et associatives, les diffuseurs et le CSA se positionnent pour la RNT en cela qu'elle garantira la sauvegarde des équilibres et de la vocation démocratique de la radio. Seuls les grands groupes, sûrs de leurs futurs positionnements « leader » sur l'internet mobile ne la souhaitent pas, réagissant à une pure logique de profit. - Au contraire de la RNT, l'internet mobile ne serait pas gratuit : son écoute et sa diffusion passeront par un opérateur de téléphonie payant et pouvant de fait influer sur le contenu des programmes. Si les grands groupes ont la possibilité de passer des accords commerciaux avec ces opérateurs, ce n'est pas le cas des radios associatives ou indépendantes. - La RNT offrirait l'opportunité d'augmenter significativement le nombre de fréquences sur les territoires (l'offre en milieu rural reste en effet restreinte sur la bande FM) tout en le régulant. Par les logiques commerciales et de concentration, la dérégulation sur l'internet mobile aurait comme conséquence à terme de rendre de moins en moins visibles les radios associatives et indépendantes. La RNT est donc aussi garante de la diversité des radios. - Si la couverture qu'elle offrira ne semble pas complète, la RNT donnera toutefois la possibilité de diffuser sur davantage de territoires que l'IP mobile. - « Que se serait-il passé en 1940, si la radio avait été diffusée par internet ? » se demandait Rachid Arhab, en charge du dossier RNT au CSA. Par internet, l'écoute de la radio n'est pas anonyme. On peut imaginer toutes les conséquences éventuelles d'une telle évolution. Si l'on considère que la numérisation de la radio est désormais incontournable, la RNT est la seule solution pour préserver les atouts d'un paysage radiophonique constitué pour offrir à la nation un système démocratique d'accès à l'information, à la culture et aux savoirs. Il s'agit actuellement un enjeu politique majeur, pour les radios mais aussi pour l'ensemble de la population. En tout état de cause, cette numérisation ne permettra pas de toucher la totalité des populations et des territoires, notamment dans des zones géographiques spécifiques. Les territoires montagneux de Rhône-Alpes par exemple. C'est pourquoi la volonté de passer à la RNT s'accompagne de la volonté de préserver la diffusion sur la bande FM et de la nécessité de s'adapter aux technologies et aux usages de l'internet. 18 18 Sur la RNT : Avenir de la radio : la Radio Numérique Terrestre en question ; Thierry Borde, MédiasCitoyens, La situation des zones rurales et montagneuses est en effet particulièrement en jeu dans les perspectives d'un nouveau paysage radiophonique. Les radios commerciales se désintéressant de ces territoires peu porteurs en termes de marché, les radios associatives en effet sont les seules radios en mesure d'assurer cette couverture radiophonique. I.3.3. Le nécessaire soutien des collectivités territoriales Quelque soit le mode de diffusion choisi, les radios auront besoin de s'adapter à ces nouvelles pratiques et usages numériques. Le modèle économique de fonctionnement va aussi évoluer avec ces pratiques. C'est pourquoi la CRANCRA mobilise aujourd'hui une étude sur la question des logiciels libres. C'est aussi la raison pour laquelle le Conseil Régional de Rhône-Alpes a décidé d'aider les radios associatives au niveau de l'investissement. Mais les besoins des radios vont majoritairement être des besoins en fonctionnement : location d'un émetteur pour la RNT, embauche de personnels pour gérer ces nouveaux usages numériques, développer les données associées aux nouveaux modes de diffusion, créer de nouveaux outils numériques adaptés aux territoires... Aussi les radios de Rhône-Alpes ont-elles récemment sollicité la Région pour une aide structurelle qui viendrait compléter l'aide sélective du FSER, sur les critères de celle-ci. (www.mediascitoyens.org) 2010. II. Les télévisions associatives – participatives Si les radios associatives sont clairement définies en France du fait du dispositif légal qui les soutient, il n'en n'est rien en ce qui concerne les télévisions associatives. Bien que le cadre légal déterminant la question de la radio et de la télévision ait un socle commun notamment dans la loi de 1986 sur la liberté de communication, les télévisions associatives n'ont jamais obtenu la même reconnaissance au niveau national. Bien au contraire. Leurs vocations, leurs démarches et leurs histoires sont très proches mais « la longue marche des télévisions participatives »19 est restée parallèle à celle des radios associatives. Malgré une histoire riche et des expériences locales particulièrement enthousiasmantes, les parutions sur la question de la télévision participative restent très rares. Notons ici l'important travail réalisé par la Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers (fédération des télévisions participatives) pour tenter de combler ce manque. II.1. Définitions, histoire Pour la Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers, « les télévisions participatives de proximité permettent aux habitants de quartiers, de villages ou de pays ruraux de s'approprier une partie de l'animation locale pour recréer du lien social. Leur fondement même est de favoriser le développement local, de renforcer l'animation et les liens sociaux, de favoriser l'insertion professionnelle et de proposer un traitement des contenus plus adapté aux besoins de proximité. Le processus même de production des programmes prend alors une importance toute particulière, la diffusion devenant alors la concrétisation du travail effectué et une des motivations à l'implication de bénévoles dans la création de programmes. Ces télévisions ont souvent des périodicités adaptées au rythme de leur création par les habitants (par mois, par trimestre ou même par an). Plus que des télévisions de flux occupant un canal ou une tranche horaire, il s'agit de « télévisions de rendez-vous » où chaque diffusion devient un événement. Enfin l'implication des citoyens dans ces télévisions permet une éducation à l'écriture et à la lecture critique de l'image . »20 La définition que donne Antoine Dufour (O2Zone TV) recoupe celle-ci mais montre bien que la 19 La longue marche des télévisions participatives, coordonné par Bruno Cailler, Guy Pineau, Christian Pradie – L'Harmattan 2010 20 Guide des TV Participatives, Fédération Nationale des Vidéos des Pays et des Quartiers - 2007 télévision associative peut aussi prétendre à la diffusion en flux sur des réseaux : « Issue, au début des années 70, principalement des associations d’éducation populaire et d’animation rurale cette forme de télévision repose sur un concept de participation active des habitants et des ressources locales à la réalisation et à la ligne éditoriale d’une télévision accessible sur des réseaux et agrée par le CSA respectant donc le terme de la loi. Elle repose sur un concept ou la télévision est un moyen au service du développement local et du développement collectif et personnel. L’antenne est alors utilisée comme un catalyseur d’énergie au service d’un territoire. De la fabrication à la diffusion, c’est toute une chaîne cohérente de coproduction, dont la diffusion n’est qu’une étape dans le processus d’animation et de développement. En agissant d’une manière systémique sur tout ce qui touche à la vie locale, elle renforce les liens sociaux, culturels et économiques dans un soucie de cohésion territoriale. Basée sur la qualification des personnes ressources (salarié & bénévole) et des associations y participant, elle renforce les compétences globales des habitants par une pratique intégrée et continue des techniques audiovisuelles de communication. En libérant la parole et l’image dans un cadre déontologique, la télévision participative favorise le dialogue social, le lien intergénérationnel et globalement une meilleure compréhension des problématiques locales. La télévision participative est un outil privilégié et moderne au service de la démocratie locale. »21 Les expériences de télévision participatives se sont multipliées depuis le début de Télé Saugeais à la fin des années 1970. Depuis, le modèle de la « télé brouette » a été popularisé notamment par Télé Millevaches qui maintient et développe depuis le début des années 1980 le lien social entre les habitants du plateau des Mille Vaches. La télévision est livrée par cassettes puis Dvd au domicile même des habitants. Ces distributions sont généralement complétées par des projections publiques, évènements populaires rassemblant les habitants autour de la diffusion de programmes de proximité. Depuis les formes de diffusion se sont diversifiées notamment grâce à internet qui permet aujourd'hui de diffuser non seulement des reportages mais aussi un flux continu. Les réseaux câblés et TNT donnent aussi, mais de manière extrêmement marginale une place à quelques télévisons associatives. En 2005, Guy Pineau résume ainsi l'histoire inachevée de la lutte des télévisions participatives : « À l’époque du monopole de radio-télé-diffusion, la question des médias locaux est traitée en termes d’interdiction. Ainsi la loi Lecat de 1978, spécialement votée pour répondre à un vide juridique en matière de répression et les pouvoirs publics, dans leur combat contre les « radios libres » entendent faire respecter par tous les moyens ce monopole. Il en ira de même en matière de télévision : les premières télévisions pirates sont vite fermées. 21 Origine de la Tv participative, Antoine Dufour – www.o2zone.tv , 2007 La fin du monopole est loin de régler la question. Si la loi de 1982 proclame dans son article premier « la communication audiovisuelle est libre », cette liberté est ambivalente ou polyvalente. Sa lecture renvoie à la fois à la liberté d’entreprendre, à la liberté d’expression audiovisuelle pour les citoyens (y compris pour ceux qui ne peuvent être des entrepreneurs au sens classique du terme), et même à la liberté d’être informé ? Mais quelle sera la forme juridique des nouvelles télévisions ? Cette question - celle du statut de nouveaux acteurs télévisuels - n’a pas été posée, tant « la réponse allait de soi » : La réponse à une question demeurée implicite est calquée sur le modèle juridique des opérateurs nationaux : elle conduit à n’envisager que seule une société commerciale pouvait prétendre à obtenir une autorisation d’émettre. La loi de 1986 remplacera ce système par celui de l’autorisation, avec une procédure publique d’appel à candidatures.]]. Par un retournement du raisonnement, lors du débat de la loi d’août 2000, le débat sur l’acceptation du statut associatif reconnu apte à obtenir une fréquence s’étendra au national. C’est ce texte qui permet aujourd’hui à Zalea TV d’être candidat à un appel à candidatures sur le TNT au plan national. Pour autant, jusqu’à la loi d’août 2000, le statut d’association (loi de 1901) n’était pas reconnu. Une association ne pouvait répondre à un appel à candidatures du CSA, pour obtenir une fréquence de diffusion hertzienne ; cette possibilité étant réservée aux seules sociétés commerciales »22. En 2007, deux ans après la parution de ce texte de Guy Pineau, les membres de Zaléa Tv dissolvent leur association en publiant le communiqué suivant : « Réunie en Assemblée Générale le 23 septembre 2007, l’association Zalea TV, éditrice de la télévision libre nationale du même nom, a décidé de se dissoudre parce qu’elle n’était plus du tout adaptée au contexte politique et technologique actuel. Les coups de barre à droite successifs depuis l’alternance de 2002 ont anéanti tout espoir de création d’une grande chaîne nationale de télévision alternative, non marchande et citoyenne, dans un avenir proche. Depuis la légalisation des chaînes associatives au printemps 2000, Zalea TV a tout tenté pour se faire autoriser par le CSA en diffusion hertzienne permanente et pour être reprise sur le câble et le satellite. Mais pour des raisons qui mêlent des intérêts politiques, financiers et idéologiques, aucune véritable télévision associative diffusant les programmes du Tiers Secteur Audiovisuel n’a finalement pu voir le jour en France. Le CSA a mis le point d’orgue à ce verrouillage en rejetant pour la troisième fois la candidature de Zalea TV à la TNT juste après les élections présidentielles de 2007. Au point où en est arrivé le PAF, c’est maintenant à une véritable refondation du système télévisuel français dans son ensemble qu’il faut œuvrer. Ce système quasi totalitaire, à la fois anesthésiant socioculturel et démobilisateur civique, nuit gravement à la vie démocratique du pays et au véritable débat d’idées. 22 Les médias associatifs audiovisuels : bref historique et état des lieux, Guy Pineau – Acrimed, 28 janvier 2005 D’autre part, la prolifération récente des sites internet de vidéos partagées apporte une solution temporaire à la libre circulation des images. Cette solution est loin d’être satisfaisante au regard du droit à l’information du grand public, mais elle a le mérite de rendre possible une assez large diffusion des productions non alignées, non formatées, non commerciales et censurées. Ce qui était l’une des missions principales de l’ONG Zalea TV. » En juillet 2007, alors que Zaléa Tv est en train de se dissoudre, Tv Bocal est autorisée à émettre sur un canal de la TNT Ile-de-France qu'elle partage actuellement avec BDM TV, Cinaps TV et Demain TV. Aujourd'hui, et malgré quelques expériences isolées, le système établit ne permet pas aux télévisions associatives d'accéder aux modes de diffusion télévisuels les plus courants. Pour les télévisions qui ne disposent pas d'un espace démocratique réservé comme les radios sur les ondes hertziennes, la logique « dominants/alternatifs » s'impose particulièrement dans un paysage où seules les garanties commerciales et financières comptent pour être autorisé à diffuser. II.2. Les télévisions participatives : fonctionnement et financements II.2.1. Dix télévisions associatives identifiées en Rhône-Alpes Le recensement en cours dénombre pour l'heure 10 télévisions associatives et participatives en Rhône-Alpes : Bresse TV dans l'Ain, TV Ardèche en Ardèche, Vivé TV , Soli TV , CLAP TV et la Télévision Paysanne dans le Rhône, la TVNet Citoyenne en Savoie, Vercors TV, Ex-Pression - Human Report et le Journal tout en Images en Isère. D'autres expériences de vidéo participative sont en voie de développement au sein de structures tierces, telles que des MJC. A l'issue de cette étude,quelques expériences auront peut-être abouti à la création de télévisions participatives. Ces dix télévisions ont une histoire très récente. Elles ont des formes diverses et agissent sur leurs territoires avec différents outils, différents process. TV Ardèche développe une forme de télévision correspondant à certains schémas traditionnels : reportages, interviews sur l'actualité locale ardéchoise au plus proche des habitants. La diffusion est assurée d'une part par la vente de DVD et par internet. Son action se situe pour l'essentiel sur les territoires ardéchois. Bresse TV développe une démarche totalement identifiée à celle des vidéos des pays et des quartiers, avec le développement local d'outils et de process participatifs dans les territoires. Plateaux participatifs, projets en partenariats avec des structures d'éducation populaire et associatives locales... Dernièrement elle a développé un nouveau concept : celui de la Cabine d'Expression Populaire, sorte de « vidéomaton » où les citoyens peuvent s'exprimer librement et anonymement sur des thématiques déterminées, adaptées au contexte de l'action. Centrée dans la Bresse, Bresse TV développe ses actions dans tous les pays de l'Ain. Soli TV est une plate-forme audiovisuelle dédiée à la solidarité sous toutes ses formes locales et internationales. Elle développe de l'information et des contenus sur cette thématique au niveau global en centrant localement une action participative avec les associations de solidarité présentes dans la région. Elle développe aussi actuellement des projets de plateaux participatifs dans l'agglomération lyonnaise. Tv Net Citoyenne : Télévision en devenir, TV Net Citoyenne développe un modèle de télévision produisant un contenu informatif local, réactif à l'actualité, pour et avec les habitants des territoires de Chambéry et d'Aix les Bains. ViVé TV, à Grigny est une télévision qui s'est initialement développée selon un double axe de développement d'informations locales et de coopération avec la chaîne nationale participative Vive au Vénézuéla. Elle réalise des contenus locaux, se définit comme « école internationale de vidéo et de télévision participative ». Elle produit des informations locales, enregistre et diffuse tous les conseils municipaux de la commune. Elle bénéficie d'un fort soutien municipal. La télévision Paysanne est une télévision consacrée aux thématiques de l'agriculture paysanne. Elle réalise principalement des documentaires vendus sur supports DVD ou mis à disposition sur internet. Elle est notamment à l'origine de documentaires comme Qui parle de breveter le vivant ? La Déclaration d'Auzeville sur les semences paysannes et les droits des paysans... (réalisation Honorine Perino). CLAP TV: « Créée le 2 février 2006, à Lyon, l’association CLAP (Connexions Locales d’Actions Plurielles) est née de la volonté d’artistes professionnels. Espace de rencontres pluridisciplinaires (réalisation et écriture audiovisuelle, danse, musique, stylisme...), l’association offre à chacun d’eux, de par son origine culturelle et artistique, la possibilité de partager ses compétences dans le but de dynamiser la transmission et la création. Par le biais des arts, l’association tente de recréer du lien social autour de projets précis. Par ses actions (ateliers, cours, réalisations de films documentaires, organisation d’événements...), elle cherche à développer un réseau entre les acteurs sociaux, institutionnels, culturels et la population. » (extrait du site : http://www.marcheegalite.com/) Vercors TV : « Cette Webtv est la vôtre, nous vous écoutons » affirme le slogan de cette toute nouvelle télévision installé au coeur du Parc Naturel Régional du Vercors. Une télévision pour la mise en valeur du Vercors, de son patrimoine, de ses évènements et de ses habitants. L'expérience de TV Millevaches a prouvé la pertinence de la télévision participative comme outil au service d'un parc naturel. Human Report : Site internet édité par l'association grenobloise EX-PRESSION. Ex-Pression est une association dont le projet est de soutenir et médiatiser la voix de la société civile. Elle a pour but la création d’un média audiovisuel destiné à améliorer la visibilité des actions solidaires pour faciliter la mise en réseau des acteurs de la société civile au plan local, national et international par le moyen de l’outil audiovisuel. Le journal tout en images agit sur les quartiers Abbaye-Châtelet-Jouhaux de Grenoble « A travers des collections de portraits, témoignages, interviews et documentaires courts, à travers des rencontres singulières, la découverte de savoirs faire, de lieux artistiques et insolites, il s’agit d’exposer l’âme du quartier, donner à voir sa richesse multiculturelle, et sa diversité… Il s’agit aussi de montrer, sous un angle inédit, ce qu’on ne voit habituellement pas et de constituer la mémoire plurielle d’un lieu vivant et en évolution. » (extrait du site internet : http://www.journal-tout-enimages.fr/) II.2.2 Le financement des télévisions participatives rhônalpines Contrairement aux radios, et malgré un cadre législatif qui pourrait leur être commun, les télévisions n'ont donc jamais bénéficié de quelconque soutien financier national. Les équipes de ces médias comportent, comme les radios, bénévoles et salariés. Le nombre de salariés est faible et peu stable, parfois nul. En l'absence de soutien structurel, ces emplois sont fonctions des possibilités d'embauches en contrats aidés et des projets développés générant des financements. Les télévisions sont particulièrement fragilisées par ce fonctionnement par projets, qui ne donne aucune perspective de développement à long terme. La forme actuelle de ces télévisions limite aussi considérablement les possibilités de générer des recettes publicitaires viables et pérennes. Enfin, autre forme de financement, la prestation de service. Le savoir-faire des télévisions peut être valorisé à travers la réalisation de contenus sur commandes privées ou institutionnelles ou en réponse à des appels d'offre. Toutefois, cette forme, si elle peut être lucrative reste dangereuse. La réalisation de telles prestations se fait en lieu et place des démarches participatives et peuvent avoir tendance à ancrer la structure dans une démarche de plus en plus commerciale dans laquelle le principe citoyen et participatif risque de devenir secondaire. Les financements des télévisions associatives se partagent donc entre l'investissement des bénévoles, les cotisations, des ventes de DVD, les prestations et les subventions obtenues dans le cadre de projets ponctuels. Situation d'autant plus difficile que l'investissement en matériel est très conséquent pour réussir à la fois à donner la possibilité à des habitants de pratiquer la vidéo, et de garantir aussi une qualité technique optimale. Cela demande donc des investissements dans du matériel amateur d'une part, professionnel d'autre part : caméras, ordinateurs, logiciels, mais aussi tout type de matériel permettant la bonne réalisation de tournages, de plateaux, y compris le transport de ce matériel, l'activité participative de ces télévisions générant nécessairement des installations hors les murs. II.3. Perspectives Comme les radios associatives les télévisions sont confrontées à la baisse des financements publics, à cette nuance fondamentale près qu'elles ne disposent pas de la stabilité des financements du FSER. Elles aussi ont aujourd'hui l'opportunité d'être des outils particulièrement pertinents dans les secteurs de l'Economie Sociale et Solidaire, pour le développement local de leurs territoires, dans les thématiques de l'écologie, de la participation citoyenne, pour l'éducation aux médias et pour le développement de l'accès des citoyens aux technologies de l'information et de la communication. Mais la reconnaissance de ce secteur est longue à venir, et le système d'accès à la diffusion ne permet pas aux télévisions associatives de pouvoir accéder à un véritable équilibre. II.3.1. Pour un fonds de soutien national à l'expression audiovisuelle Leur première revendication au niveau national est la mise en place d'un fond de soutien à l'expression audiovisuelle calqué sur celui des radios. Le cadre législatif de la loi de 1986 et la définition des missions du CSA, voué à garantir en France l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle, légitiment cette revendication. De plus, les missions et les rôles des télévisions associatives sur leurs territoires et dans la configuration du paysage audiovisuel français sont complémentaires de ceux des radios, et répondent parfaitement aux critères définis par le FSER pour l'aide sélective aux radios. Cette démarche de soutien financier devrait naturellement être accompagnée d'un dispositif qui permettrait aux télévisions associatives d'obtenir des canaux de diffusion. II.3.2. Pour un soutien accru des collectivités territoriales L'ancrage et le rôle territorial des télévisions associatives en font des outils particulièrement pertinents du développement local. Comme les radios associatives, les télévisions assurent, par leurs missions citoyennes, une continuation du service public sur les territoires. Certaines communes commencent à soutenir ce type de structures propices au vivre-ensemble. Les soutiens régionaux mis en place dans différentes régions françaises prouvent la possibilité et la pertinence d'un soutien régional aux télévisions locales et associatives (cf ci-dessous l'exemple de l'Ile-de-France) Un tel soutien local pourrait avoir la vertu d'initier une démarche qui conduirait peut-être vers une reconnaissance nationale du rôle démocratique et social des télévisions associatives. Par ailleurs, les aides nécessaires pour pérenniser les structures existantes et inciter de nouvelles à se créer représenteraient des montants très modestes pour les collectivités. Ce soutien pourrait se concrétiser par une aide à l'investissement d'une part, calquée sur celle distribuée aux radios ; une aide au fonctionnement par ailleurs, qui serait là encore calquée sur celle souhaitée par les radios en complément de celle octroyée par le FSER au titre de l'aide sélective. Les critères de l'aide sélective pourraient en effet être aisément appliqués aux télévisions. Au-delà d'une aide financière, il s'agit aussi et avant tout d'un combat politique que les télévisions ont à mener pour la reconnaissance d'un média citoyen, participatif qui recréerait un équilibre dans le paysage audiovisuel français hors service public entièrement voué à des logiques commerciales influant sur les contenus et menaçant le pluralisme et les équilibres démocratiques du paysage médiatique national . En Ile-de-France : un exemple de soutien régional (Extrait du site www.iledefrance.fr) La Région a décidé de soutenir les médias audiovisuels, souvent précaires financièrement, qui contribuent à créer du lien social sur son territoire. Parce qu’elles sont financièrement fragiles, les chaînes de radio et de télévision locales d’Île-deFrance espéraient depuis longtemps un soutien régional. Depuis ce 16 octobre, c’est officiel, elles y ont droit. Le dispositif s’applique à des médias dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) considère, dans une loi de septembre 1986, qu’ils accomplissent une « mission de communication sociale de proximité ». Des médias qui, à ce titre, favorisent l’expression des différents courants socioculturels, mais aussi le développement local, la protection de l’environnement ou encore la lutte contre l’exclusion. Sont potentiellement concernées 28 radios associatives (des radios de proximité, communautaires, culturelles ou scolaires, pouvant bénéficier d’une subvention de l’État) et 14 télévisions locales, dont 7 associatives (des chaînes communautaires, généralistes de service public, de proximité, éducatives et culturelles). Toutes ont un point commun : moins de 20 % de leurs ressources proviennent de la publicité. Pour les radios, deux aides sont prévues. La première porte sur leur équipement. Plafonnée à 15.000 euros (et attribuable une fois tous les trois ans), elle est particulièrement bienvenue à un moment où les radios doivent se convertir à la diffusion numérique. La seconde aide porte, elle, sur les frais techniques de diffusion et peut atteindre 15.000 euros aussi (une fois par exercice). Concernant les télévisions (en particulier celles du réseau Télif), la Région est prête à cofinancer leurs matériels de production et de diffusion. Une chaîne peut recevoir jusqu’à 25.000 euros par an dans ce cadre. Une aide spéciale est par ailleurs prévue pour les quatre chaînes qui se partagent le canal 21 de la TNT francilienne depuis mars 2008 (BDM (Banlieues du monde) TV, Cinaps TV, Télé Bocal et Demain TV IDF). Visant à favoriser leur structuration et la mutualisation de leurs coûts de diffusion, elle est plafonnée à 100.000 euros par an si elle bénéficie aux quatre simultanément, et à 25.000 euros si elle concerne une chaîne seulement. Compte tenu de leur caractère commercial, les autres chaînes de la TNT francilienne, IDF1, NRJ Paris et Cap 24, ne peuvent prétendre, quant à elles, à aucune aide régionale. (source : www.iledefrance.fr 17 octobre 2008 ) III. La presse écrite associative La presse écrite se distingue plus particulièrement des deux premières formes abordées par son histoire, sa forme non audiovisuelle, ses fonctionnements et processus d'intervention sur les territoires. Toutefois, si les radios sont structurées, identifiées et définies grâce au dispositif légal qui les soutient, si les éléments de définition donnés par la fédération des vidéos des pays et des quartiers commencent à dessiner les contours de télévisions participatives finalement peu nombreuses en Rhône-Alpes, la presse écrite n'a jamais jusqu'ici été l'objet d'aucune structuration locale ni nationale. Ses définitions peuvent être variables selon les acteurs et les médias. La multiplicité de ses formes, le caractère très local de la diffusion de certains journaux (certains sont écrits et distribués au sein d'un seul quartier par exemple) et l'absence de pérennité de beaucoup d'entre eux ne permettent pas un recensement exhaustif de tous ces médias écrits rhônalpins. Il faudrait pour cela un recensement dynamique qui pourrait rendre compte d'un flux où seraient représentées les naissances et les disparitions continuelles, et mettant en valeur les quelques titres réussissant à trouver une pérennité par-delà les nombreuses difficultés qui caractérisent les voies de développement de la presse alternative locale. III.1. Quelques éléments d'histoire L'histoire de la presse écrite alternative en France reste à faire. On peut en retracer une généalogie remontant aux libelles pamphlétaires de Martin Luther pendant la Réforme, en passant par la presse révolutionnaire française, la presse satirique de caricatures du 19ème siècle, puis par le développement d'une presse de critique sociale et politique engagée au niveau local ou national aux Etats-Unis et en Europe au cours des 19ème et 20ème siècles. Média anti-hégémonique par son histoire, il est le vecteur de toutes les résistances, de toutes les mobilisations populaires. Journaux ouvriers ou révolutionnaires, parutions clandestines pendant la guerre, la presse écrite alternative s'est aussi particulièrement développée dans les années suivant 1968. Les années 1970 voient l'essor de ces parutions alternatives, mais les années 1980 semblent marquer la fin de cette croissance. L'engouement pour cette autre forme de média renaît dès les années 1990, sous forme imprimée mais aussi par le biais d'internet, créant aujourd'hui un paysage très disparate de sites et de blogs se réclamant de la presse alternative. Ces journaux se sont développés en adoptant différentes formes, différents fonctionnements. Les plus connus, devenus des repères pour l'ensemble des médias alternatifs du pays, ont souvent développé des modèles s'intégrant au système commercial de distribution traditionnel. D'Actuel à Fakir, en passant par le Sarkophage ou Le Monde Diplomatique, tous ces titres peuvent s'acheter en kiosque. Mais leur fonctionnement et la fidélité de leurs lecteurs leur permet de rester en dehors du système publicitaire qu'ils dénoncent comme une aliénation éditoriale. D'autres formes de diffusion se sont développées : citons par exemple le système coopératif de L'Age de Faire, qui vend ses titres sur les salons et par l'intermédiaire de chaque lecteur qui devient acteur de la distribution des journaux. Certains des plus « grands » titres de la presse alternative actuelle sont édités en Rhône-Alpes : Silence, La Décroissance, Le Sarkophage... Internet a permis aussi l'émergence d'une nouvelle presse alternative qui cherche encore des perspectives de pérennité, notamment au niveau économique. Médiapart, Rue 89 sont cités en exemples de l'essor de cette presse alternative. Mais selon les positionnements et les définitions, leur dimension « alternative » peut être contestée. Mais s'ils sont les plus cités, justement peut-être de par leur positionnement assez consensuel face au système dominant, d'autres sites renouvellent les formes de la presse alternative : Bondy Blog, Indymédia, Rebellyon à Lyon... Nous nous intéresserons dans cette étude à la presse écrite alternative locale. Celle où l'information locale est produite et analysée par et pour les habitants des territoires où elle est produite. III.2. La presse écrite associative en Rhône-Alpes : fonctionnement – financements Sous format « papier » (terminologie que nous employons afin de les distinguer de la presse écrite internet) les journaux sont généralement distribués en dehors des circuits classiques, ceux-ci représentant un coût trop élevé pour leur fonctionnement. Ils sont distribués sur abonnement ou sous la forme de dépôts-vente lorsqu'ils sont payants, mis à la disposition des lecteurs dans les bars ou les lieux alternatifs lorsqu'ils sont gratuits. Au fonctionnement associatif traditionnel – administrateurs, membres et éventuellement salariés – s'ajoute la dimension éditoriale. Le CA de l'association est généralement, de fait, le comité de rédaction qui décide de la politique éditoriale, les membres sont ou peuvent être rédacteurs. Le fonctionnement associatif permet à tous les habitants qui le souhaitent d'adhérer à l'association et de rédiger des articles. Un autre mode fonctionnement consiste à compléter ce premier dispositif par des processus de participation des habitants. Ateliers d'écriture, préparations participatives de dossiers... permettent alors de donner à lire l'expression de tous, pas uniquement fondée sur le savoir-faire (savoir-écrire) de quelques-uns. Les processus participatifs mis en place par des journaux comme Les Antennes à Grenoble ou No Dogs à Lyon dénotent de la créativité de ces nouvelles démarches. Pour chaque numéro, l'équipe des Antennes réalise une enquête quantitative (avec un panel représentatif de l’agglomération) qui permet de rendre compte d’une opinion collective sur des sujets qui préoccupent les habitants de la région grenobloise. Des acteurs locaux et des habitants (y compris des précaires) viennent enrichir le dossier et le journal en proposant des articles au comité de rédaction . A chaque numéro de No Dogs, un appel à contributions est lancé à tous les lecteurs avec un thème ou un mot-clef directeur. Les lecteurs- contributeurs envoient des articles, textes, poèmes, illustrations... qui, complétées par les articles de la rédaction du magazine, constituent le nouveau numéro. Dans tous les cas, l'objectif de cette presse alternative locale « participative » est de développer un contenu local, nourri d'analyses globales ; de permettre au lecteur une autre perception des réalités locales et de lui donner les outils nécessaires à leur compréhension. Leurs zones de diffusion sont variables, allant du très local au régional. Dans certains cas, les activités de l'association ne se restreignent pas au seul journal. Celui-ci est alors seulement l'une des composantes de l'association et dispose d'un fonctionnement spécifique à l'intérieur de la structure qui le porte. (Notons ici que nous ne définissons pas comme « média » les parutions dont le but est d'informer ou de communiquer exclusivement sur les activités de l'association qui les publie.) Le paysage de la presse écrite alternative locale rhônalpine – imprimée ou internet - est donc en mouvement constant, et marqué par un dynamisme qui dément totalement les thèses de la fin de la presse écrite au profit de des formes audiovisuelles. Ce dynamisme se ressent particulièrement dans les milieux étudiants où de nouveaux titres apparaissent régulièrement, notamment à Lyon (Le Foutou'Art, Free Landz, Qui ne dit mot ... en sont aujourd'hui de remarquables exemples). Notons aussi l'existence d'une presse lycéenne, nourrie de projets de lycéens soutenus par leurs équipes pédagogiques. Ces expériences lycéennes ont un rôle important dans le domaine de l'éducation aux médias. Ces journaux et sites se situent pour une grande part dans des territoires urbains, à des échelles diverses : quartier, commune, agglomération... Ils développent de l'information généraliste ou spécialisée. Parmi les titres plus spécialisés, ceux concernant la culture et la musique actuelles peuvent constituer un exemple du rôle social de cette presse alternative. Avec les radios associatives, ils sont les seuls vecteurs médiatiques possibles des artistes qui n'ont pas accès au système commercial dominant où seuls les « produits musicaux » des « majors » sont autorisés. A ce titre, ils sont de véritables remparts contre l'uniformisation culturelle massive pratiquée par les « grands » médias (« mass médias »). Citons pour exemples en Rhône-Alpes Vibrations Clandestine à Bourgoin-Jallieu, ou Zacade en Drôme-Ardèche. L'importance des médias associatifs de quelque forme qu'ils soient au niveau des scènes artistiques et culturelles régionales est fondamentale. Seules alternatives pour faire exister publiquement (hors sites internet dédiés) ces scènes émergentes, ils sont les outils de promotion au service des artistes locaux ou se produisant localement, les premières marches vers une diffusion de plus grande importance par des médias nationaux. Autre fonction essentielle de la presse alternative locale, la communication sur les évènements locaux qui ne trouvent aucune place dans la presse quotidienne régionale, ou qui n'ont pas les ressources pour une campagne de diffusion. De manière générale, tous les médias alternatifs locaux prennent ce rôle en charge, avec aussi des médias qui se spécialisent dans cette fonction : c'est le cas notamment de Et Faits Planète en Haute-Savoie ou d'Agenda Lyon dans le Rhône. Les modes de financements de ces médias sont très variables. Certains obtiennent des subventions ponctuelles de collectivités locales. La publicité peut aussi être source de recettes, comme le soutien de partenaires et des adhérents. Rares sont les journaux réussissant à générer suffisamment de ressources pour salarier des journalistes. Pour les journaux payants, la principale source de financement reste la vente. Comme pour les télévisions, la non reconnaissance institutionnelle de ces médias ne leur permet pas de trouver un modèle économique stable. Si ces journaux sont souvent réalisés de manière bénévole, leur existence est généralement menacée par les coûts d'impression. La recherche de quelques centaines d'Euros pour boucler le budget d'impression prend parfois une part aussi importante dans le processus de production que la réalisation du contenu. III.3. Perspectives Au niveau national Le manque de structuration des réseaux de la presse écrite alternative ne permet pas pour l'heure de porter les revendications spécifiques de ce secteur. Les besoins sont pourtant grands pour cette presse historique en constante évolution. Ces revendications ont été synthétisées dans « l'appel de Marseille » en 2006 : - Développement d’aides spécifiques à la diffusion et révision des conditions d’accès aux points de vente de presse (NMPP, MLP). - Incitation des dispositifs publics de lecture (bibliothèques, centres de documentations...) à diversifier leur offre par l’établissement de politiques d’achat spécifiques pour l’édition et la presse indépendante, et création de Maisons citoyennes de l’information et de la création. - Extension et reventilation des aides publiques à la presse, afin qu’elle bénéficie prioritairement à la presse écrite à but non lucratif. En Rhône-Alpes : un réseau en constitution Fin 2009, un « réseau des médias indépendants alternatifs “papier/web” » a vu le jour, réunissant des médias écrits régionaux. Le développement de ce réseau doit se poursuivre dans la perspective de réunir les médias autour des critères spécifiés dans la charte citée ci-après. A travers la constitution de ce réseau il convient de poursuivre le recensement de ces médias en les définissant et les caractérisant, en prenant en compte les évolutions abordées plus haut, notamment dans le domaine des médias « web ». En l'absence d'aides nationales, le soutien des collectivités locales à cette presse est actuellement la seule garantie de sa survie. Au-delà des subventions ponctuelles et par projets, il conviendrait de donner à la presse écrite associative les moyens de son impression et de sa diffusion. Un système proche de celui de l'aide sélective aux radios pourrait peut-être aussi être étudié. Il s'agirait en effet d'une aide au fonctionnement puisque tous les postes de dépenses que les journaux ont à pourvoir se situent dans ce domaine. Les investissements concernent principalement le matériel informatique, les plus gros postes de dépenses résident dans d'éventuels salaires et le travail externe d'imprimerie. Une autre perspective de travail afin de générer des ressources pourrait être de développer une régie publicitaire « éthique ». Mais cette piste reste à étudier au regard de la spécificité des médias et de la capacité du marché publicitaire éthique à générer ce type de ressources localement. Charte des médias écrits indépendants / alternatifs de Rhône-Alpes Les médias indépendants/alternatifs de Rhône-Alpes DÉCLARENT : ARTICLE 1 : Avoir leur siège sur le territoire régional ARTICLE 2 : Justifier de statuts ou de fonctionnement associatif, coopératif ou de presse ARTICLE 3 : Privilégier le développement d'une économie sociale et solidaire face au "tout marchand" ARTICLE 4 : Affirmer le droit de tous à l'information et à l'expression critiques et alternatives, en toute indépendance des pouvoirs locaux, politiques, économiques et culturels S'ENGAGENT À : ARTICLE 5 : S'inscrire dans une démarche d'éducation populaire favorisant la démocratie et l'engagement citoyen ARTICLE 6 : Répondre au traitement de l'information dans le respect de la présente charte et de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ARTICLE 7 : Favoriser l'expression, la participation et le débat citoyen de ceux qui n'ont pas ou peu la parole ARTICLE 8 : Privilégier le travail en synergie avec les différents médias qui partagent les valeurs portées par cette charte ARTICLE 9 : Participer à un réseau pour garantir notre autonomie à l'égard des pouvoirs économiques, politiques et culturels Charte adoptée le 13 10 07 Eléments de synthèse et perspectives générales Le présent rapport ne fait que tracer les grandes lignes et perspectives d'un paysage médiatique très riche et porteur de grands potentiels dans le développement des territoires et pour la capacitation citoyenne. Ainsi, il n'aborde la question d'internet que dans sa fonction d'outil, de prolongation d'un média caractérisé par une autre dimension première : sa forme audio, vidéo ou écrite. Il n'en demeure pas moins qu'il conviendra d'aborder aussi la spécificité des « web médias », qui d'une part peuvent ne pas revendiquer d'autres formes de diffusion (la question des web radios se pose par exemple aux radios associatives) ou qui peuvent utiliser à égale importance les vecteurs écrits, audio et vidéo. Grâce au fonds de soutien à l'expression radiophonique, les radios associatives occupent une place à part dans le paysage médiatique alternatif. Mais elles n'en restent pas moins particulièrement fragiles. Malgré des budgets très modestes au regard des radios commerciales, elles assurent une diffusion quotidienne permanente et développent, dans le cadre de leur mission de communication sociale de proximité, des actions favorisant le lien social, le développement local, la lutte contre l'exclusion et la protection de l'environnement. Les besoins des radios associatives se concentrent aujourd'hui majoritairement sur des ressources en fonctionnement qui leur permettraient à la fois de développer ces missions premières et de s'adapter aux nouveaux usages des technologies de l'information et de la communication. Accomplissant les mêmes missions, les télévisions participatives se sont développées en parallèle des radios associatives. Elles renouvellent les formes de communication sociale et répondent aussi à un nouveau contexte social et technologique où l'usage de l'image et de la vidéo est devenu quotidien. La technologie et la diversité des canaux de diffusion permettraient aujourd'hui de libérer des espaces pour la diffusion grand public de ces télévisions citoyennes. A condition en même temps de leur en donner les moyens par un fonds de soutien à l'expression audiovisuelle. La presse écrite associative n'a pas bénéficié non plus des mêmes soutiens que les radios. Média populaire le plus traditionnel, elle connaît un dynamisme et une diversité en constante évolution depuis les années 1970. Internet lui a permis de se renouveler en mettant à disposition de ses acteurs un média accessible et matériellement peu coûteux. Mais les modèles économiques n'existent pas pour cette presse. Comme les télévisons elle ne dispose d'aucun soutien institutionnel pérenne, en dépit des aides existantes au niveau de la presse écrite peu adaptées aux structures à but non lucratif. Elle n'a majoritairement pas accès aux circuits de distribution institués. Au-delà d'une aide au fonctionnement de ces structures, un soutien régional, que l'on pourrait imaginer inspiré par l'aide sélective aux radios, aurait pour effet de dynamiser les territoires dans tous les domaines de la communication sociale de proximité. Ce soutien pourrait par ailleurs leur permettre de lancer ou de poursuivre différents chantiers citoyens fondamentaux. Ces chantiers sont les enjeux citoyens de ce début de 21ème siècle : la valorisation des territoires et de leurs populations, la lutte contre la fracture sociale et numérique, l'appropriation des usages des TIC par tous les citoyens, l'éducation populaire, l'économie sociale et solidaire... Ces chantiers sont les nouveaux défis pour la liberté de d'expression et de communication à l'heure d'internet et des concentrations des titres et des contenus informatifs. Acteurs de l'éducation populaire et proches de ses mouvements, les médias locaux associatifs sont aussi des relais et des compléments essentiels des espaces publics numériques et des réseaux de l'internet accompagné. Ils sont des partenaires privilégiés de l'éducation nationale en ce qui concerne l'éducation aux médias et la mise en place de médias lycéens. Outils au service du développement local, ils sont aussi des acteurs de l'économie sociale et solidaire. Coeurs de réseaux sur leurs territoires, les médias associatifs locaux de Rhône-Alpes doivent poursuivre localement et régionalement leurs partenariats avec les structures représentatives de ces différents secteurs. Depuis 2007, et grâce au partenariat soutenu du Conseil Régional Rhône-Alpes, ces médias ont commencé à se structurer à différents niveaux. Les radios ont pu développer un processus structurant à travers la CRANCRA. Les projets collectifs radio et multi-média mis en oeuvre à partir de cette confédération ont permis de souder un collectif, de nourrir une dynamique régionale aujourd'hui porteuse pour l'ensemble des médias associatifs rhônalpins. Née de cette dynamique, l'association MédiasCitoyens constitue aujourd'hui un espace commun où les réseaux de médias peuvent se structurer et se rencontrer. Un réseau où les savoir-faire se complètent dans la réalisation de contenus audio, vidéo et écrits d'envergure régionale. La force de cette union réside aussi dans la capacité de tous ces médias de proximité à couvrir tous les territoires de la région, y compris ceux délaissés par les médias traditionnels. Ils sont des lieux-ressources, des lieux-mémoire de leurs territoires. L'une des vocations des réseaux régionaux aujourd'hui est de mettre en place des outils d'archivage et de valorisation de cette mémoire. Outils de mise en valeur des cultures régionales, des initiatives citoyennes et des territoires. L'archivage pourrait en être assuré par la mise en place de plates-formes numériques au sein de chaque réseau en interaction les unes avec les autres. La mise en valeur pourrait être imaginée à travers la mise en place d'une plate-forme commune régionale. La structuration des réseaux de médias associatifs doit aussi permettre d'avancer dans la réflexion sur la mutualisation des ressources et sur la diversification des financements. Des pistes sont à envisager au niveau du développement de l'offre de publicité éthique et de partenariats privé. Mais les recettes publicitaires et commerciales doivent rester marginales dans le fonctionnement de ces médias voués à être une continuation du service public. Seul un soutien public affirmé, tant au niveau national que local, saura donner aux médias associatifs une pérennité propice à la bonne réalisation de leurs missions de communication sociale de proximité. Il s'agit avant tout d'un choix de société pour le 21ème siècle, à l'heure où les « grands » médias privés se donnent pour mission de « vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible ». « La jonction entre la télévision, la télématique et l’informatique est en train de s’opérer sous nos yeux et elle s’accomplira probablement durablement dans la décennie à venir. La digitalisation de l’image télé aboutit bientôt à ce que l’écran de télé soit en même temps celui de l’ordinateur et celui du récepteur télématique. Ainsi des pratiques aujourd’hui séparées trouveront-elles leur articulation. Et des attitudes, aujourd’hui de passivité, seront peut-être amenées à évoluer. Le câblage et le satellite nous permettront de zapper entre cinquante chaînes, tandis que la télématique nous donnera accès à un nombre indéfini de banques d’images et de données cognitives. Le caractère de suggestion, voire d’hypnotisme, du rapport actuel à la télé ira en s’estompant. On peut espérer, à partir de là, que s’opérera un remaniement du pouvoir mass médiatique qui écrase la subjectivité contemporaine et une entrée vers une ère postmédia consistant en une réappropriation individuelle collective et un usage interactif des machines d’information, de communication, d’intelligence, d’art et de culture. » Felix Guattari, Vers une ère post-media; Terminal, n° 51, octobre-novembre 1990 Les médias citoyens en Rhône-Alpes Partie 2 Les médias citoyens écrits web : des acteurs démocratiques incontournables Paloma Perez, Ismaël Ouattara – Et Faits Planète www.mediascitoyens.org Décembre 2011 INTRODUCTION Un contre-pouvoir si souvent mis à mal Les médias et le journalisme ont longtemps été considérés comme un contre-pouvoir, par leur rôle d’information des citoyens sur les décisions des pouvoirs en place et leurs conséquences. Partout dans le monde, des journalistes l’ont payé de leur liberté ou de leur vie 23 Pourtant, selon l’article 11 de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » du 26 août 1789, « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». En fait, ces articles généreux n’ont pas toujours été respectés. Depuis Robespierre faisant brûler les œuvres de Camille Desmoulins, à la répression actuelle des médias en Syrie, en passant par le décret de Napoléon de 1810 rétablissant officiellement la censure en France, le rôle de contrepouvoir dévolu aux médias a été souvent mis à mal. Pas si loin de nous, lors des deux guerres mondiales, les articles, dessins et photos censurés ont fréquemment été remplacés par des « blancs » dans la presse. « Le Canard Enchaîné », à ses débuts adopta son ton ironique afin de détourner Dame Anastasie et ses grands ciseaux 24. Sous le régime de Vichy, la censure devint préventive : l'autorité compétente donnait directement ses consignes aux directeurs de journaux sur le contenu de leur média. Et durant la guerre d'Algérie (1954-62), le pouvoir saisit les journaux dénonçant les actes de torture, sous prétexte d'« atteinte au moral de l'armée ». Aujourd’hui, en France, pays démocratique… rien n’est acquis. L’achat des médias par de grands industriels (TF1 appartient à Bouygues, Europe 1 à Arnaud Lagardère, Le Figaro à Serge Dassault…) peut inquiéter quant à leur indépendance. Les conglomérats financiers sont présents sur les principaux marchés des produits culturels éditoriaux (livres, phonogrammes, vidéogrammes, presse écrite) et des offres médiatiques. L’appropriation de nombre de médias par des industriels, par ailleurs souvent proches du pouvoir politique, questionne sur leur capacité à demeurer dans leur rôle de contre-pouvoir. 23 L’association Reporters Sans Frontières publie chaque année un rapport sur la liberté de la presse dans le Monde (http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2010,1034.html) , permettant de constater que cette liberté est bien loin d’être acquise… 24 Dame Anastasie apparaît dans la seconde moitié du XIXè siècle pour symboliser la censure. Des affaires comme celle récente dite « des fadettes »25 mettent en lumière l’ingérence que le pouvoir en place entend faire peser sur le travail des journalistes français. Relais de la « pensée unique » ou de la parole du gouvernement (lors du référendum sur la « constitution » européenne ou au moment de la vaccination contre la grippe A, par exemple), complaisance voire connivence avec le pouvoir en place (Laisse d’or attribuée à David Pujadas26), les médias sont de plus en plus accusés de plier face aux pressions économiques et politiques. Et d'avoir failli à leur mission de contre-pouvoir. Parmi d'autres raisons, tous ces éléments contribuent à ce que certains médias traditionnellement bien implantés dans le monde de l’information soient en perte de vitesse. Notamment dans la presse écrite, dont de grands titres historiques périclitent depuis déjà quelques années : « Le Monde », « Libération », etc. Bien qu'un petit nombre de journaux, ayant su préserver une personnalité indépendante et critique tire néanmoins son épingle du jeu. « Les Inrockuptibles » (nouvelle formule depuis peu), « Marianne, » « Le Canard Enchaîné » et quelques autres gardent un esprit anticonformiste les plaçant loin de l'homogénéisation actuelle du contenu médiatique. Une réponse émerge Dans ce contexte pour le moins complexe les médias « citoyens » reprennent le flambeau d'une information libre et indépendante. Parmi ceux-ci, les médias web occupent une place de premier ordre. Les médias citoyens, dont le mode de fonctionnement est fondé sur l’intelligence collective et le principe du média de masse cultivent un esprit critique vis-à-vis de la société marchande et hiérarchisée, par la promotion de la démocratie à travers leur mode de fonctionnement, leur contenu informatif et leur indépendance financière et morale. Les médias citoyens se définissent donc par des valeurs, mais aussi par leur mode de fonctionne ment participatif : toute personne peut utiliser ces outils de communication, notamment ceux proposés sur l'Internet, pour rédiger et diffuser une information. L'on observe donc un certain renversement dans ce domaine, le citoyen passant du rôle de simple récepteur à celui d'émetteur. Des sites comme Agoravox (www.agoravox.fr) ou Citizenside (www.citizenside.com) ont mis en place des plateformes communautaires de Journalisme Citoyen au sens propre : leur contenu est alimenté de manière participative par les internautes. En Rhône-Alpes, divers médias tout support se sont créés avec une volonté claire de répondre aux 25Affaire des fadettes : plaintes déposées par le journal Le Monde pour violation du secret des sources, concernant la saisie en septembre 2010 par le procureur de Nanterre Philippe Courroye des factures téléphoniques détaillées (les fameuses fadettes) des journalistes du Monde, dans le cadre d'une enquête sur l'affaire Bettencourt. 26 La Laisse d'or, qui récompense « la servilité du journaliste », a été décerné par le défunt journal « Le Plan B » le 30 juin 2010 à David Pujadas, présentateur de France 2. exigences de participation mais aussi des valeurs répondant à la définition du terme média « citoyen » : Des radios associatives - regroupées au sein de la Cranc-ra (www.francra.org), des journaux papier, des web-TV, des sites Internet, etc. Beaucoup d'entre eux ont fait le choix de se regrouper au sein du réseau MediasCitoyens (www.mediascitoyens.org) afin de mutualiser leurs moyens et de mettre en place des projets communs. Le média écrit web, média citoyen par excellence Les caractéristiques du média citoyen se retrouvent particulièrement bien représentées au sein de l'outil Internet. En effet, ses atouts sociologiques et techniques sont particulièrement adaptées aux besoins exprimés par l'exercice de ce mode de journalisme. Né dans les années 90 sur le modèle d'Arpanet 27, mis en place par le Département de la Défense des Etats-Unis au début des années 70, l'Internet devient très rapidement un outil coopératif d'échange d'information. Les évolutions technologiques de l'Internet permettant plus de simplicité et d'interactivité (que l'on désigne par l'expression « Web 2.0 ») ont donné toute son ampleur à l'appropriation citoyenne de l'outil Internet, devenu média informatif à part entière. Image photo ou dessin, son, texte sont autant de fonctionnalités que l'Internet permet de découvrir et d'utiliser avec toujours plus de créativité. Sous forme de web-TV, de web-radio, de site Internet ou de bulletin électronique, l'Internet explore de nouveaux champs dans les supports d'information. Le média écrit web occupe une place particulière dans cette nébuleuse. Depuis quelques années, de nombreux sites d’information ont vu le jour en France, tel que Médiapart (www.mediapart.fr, créé en 2008) et Rue89 (www.rue89.com, depuis 2007) pour les plus connus d'entre eux. De par leur contenu et leur mode de fonctionnement parfaitement en phase avec ce concept, grand nombre de médias écrits web se revendiquent comme étant des « médias citoyens ». Mais, encore jeunes et noyés dans la masse de la toile, ils souffrent pour la plupart d'un manque de connaissance et de reconnaissance. Il s'agit ici de mieux cerner ce que sont les « médias citoyens écrits web » : Des formes multiples, mais un fond et des valeurs communes. Aussi, afin de comprendre les enjeux liés à cet outil et pour en saisir son importance, il est primordial de le replacer dans son contexte, tant général que régional. 27Arpanet : « Advanced Research Projects Agency Network ». I. LES MEDIAS CITOYENS ECRITS WEB : ELEMENTS DE DEFINITION L’histoire des médias « citoyens » au sens « participatif » se confond avec celle de l’outil web, mais demeure assez floue. Ce type de journalisme serait né en 2000 en Corée du Sud avec le site OhmyNews1 (http://international.ohmynews.com), dont le slogan est « chaque citoyen est un journaliste », et ayant pour but la réappropriation de la liberté de parole par les citoyens dans un pays historiquement marqué par les conservatismes. Ce site compte aujourd’hui plus de 50 000 adhérents dans le monde entier et est diffusé en trois langues. En France, le premier média de cet ordre a été AgoraVox. Mais l'exemple le plus parlant demeure l’encyclopédie Wikipédia (http://fr.wikipedia.org) qui est devenue une source d’information scientifique relativement fiable. Néanmoins, un média citoyen écrit web ne se définit pas seulement par son aspect participatif. On oublie en effet parfois qu'il s'agit de supports techniques spécifiques alliés à des valeurs fortement revendiquées. I.1 Des supports avant tout L’expression « média écrit web » recouvre plusieurs types de supports hébergés sur la toile : −Les bulletins électroniques : Ce support peut être appelé de diverses manières ; web- magazine, bulletin électronique, lettre web, webzine... autant de termes pour nommer un bulletin à contenu informatif diffusé par E-mail. Bien que tributaire de certaines contraintes 28, ce type d'outil permet de diffuser très rapidement et à peu de frais une information au plus grand nombre. Souvent utilisé pour faire la promotion des projets de la structure éditrice, il peut parfois constituer un bulletin d'information à part entière. Le bulletin électronique hautsavoyard ...Et Faits Planète (www.etfaitsplanete.org) entre dans ce deuxième cas de figure. −Les blogs : Abréviation de weblog, qui peut se traduire par « journal sur Internet ». Il s'agit d'un site créé par une personne physique ou morale afin de communiquer sur ses activités ou pour partager 28 Par exemple, le volume ne doit pas être excessif, sous peine d'être trop lourd à l'envoi ou pas lu par le destinataire. ses analyses. De nombreuses associations ont un blog permettant de suivre leurs activités, et beaucoup de particuliers couchent leurs états d'âme sur la toile... Ces blogs peuvent parfois avoir un véritable contenu informatif, comme cela est le cas pour le blog ardéchois de la Coordination de la Nouvelle Education Populaire, la CEN (http://la-cen.org) ; −Les sites Internet ou sites web : un site est composé d'un ensemble de documents structurés, nommés pages web, stockés (hébergés) sur un ordinateur (serveur) connecté au réseau mondial (l'Internet). Une page web contient essentiellement du texte, et est souvent enrichie d'images, de sons, de vidéos et de liens vers d'autres pages web. Typiquement, c'est la configuration de sites d'information locale alternative comme Librinfo74 (www.librinfo74.fr) à Annecy ou Lyon Bondy Blog (http://yahoo.lyon.bondyblog.fr) et Free Landz (www.free-landz.fr) dans la région lyonnaise. Le support web se prêtant à de multiples utilisations, certains journaux papier développent, au travers d'un espace blog ou site Internet, un complément à leur pratique journalistique. C'est le cas des Antennes (www.lesantennes.org) à Grenoble, de No Dogs (www.no-dogs.fr) sur l'agglomération lyonnaise ou de Vibration Clandestine (www.vibrationclandestine.com), dont le magazine culturel est distribué sur toute la région Rhône-Alpes. Certains acteurs vont encore plus loin dans l'innovation, en créant des sites Internet qui, s'ils ne peuvent pas se définir comme « média » au sens traditionnel du terme, travaillent autour de l’appropriation de la pratique numérique et médiatique. Par exemple, le site de l'association Zoomacom (http://zoomacom.org) œuvre pour que les habitants et structures stéphanois puissent « s'approprier les usages numériques par des actions économiques, sociales et solidaires »29. Cela grâce à un pôle de ressources, des formations ou de la médiation numérique. Il est à noter que la plupart des médias rhônalpins ici mentionnés sont membres du réseau MédiasCitoyens présenté plus haut. D'autres outils Internet existent, eux-mêmes utilisés de façon croisée par les blogs, sites ou bulletins électroniques : les podcasts (blogs audios), les vlogs (blogs vidéos), les wikis, les flux RSS... Des réseaux sociaux comme Facebook (650 millions d’adhérents) ou Tweeter (environ 970 millions d’adhérents) complètent cette liste non exhaustive. Mais, les potentialités de l'Internet étant en constante évolution et ces outils répondant pour l'instant mois à une définition pure de média informatif, nous ne parlerons ici que des trois cas de figure décrits ci-dessus. En effet, leur forme étant bien définie et déjà expérimentée par divers acteurs, les supports site, blog ou bulletin électronique sont, quand ils revendiquent et mettent en application des valeurs fortes, des médias citoyens à part entière. 29 Tel qu'eux-mêmes définissent leur action sur leur site : http://zoomacom.org. I.2. Des médias citoyens à part entière Relevant, en tant que médias citoyens, du secteur de l'économie sociale et solidaire, les médias citoyens écrits web entendent défendre des valeurs avec les outils spécifiques qui sont les leurs et qui viennent enrichir leur mise en œuvre. I.2.1 Les médias citoyens écrits web s'inscrivent, comme l'ensemble des médias citoyens, dans la mouvance de l'économie sociale et solidaire (ESS) Ce secteur économique place l'humain, et non pas le capital, au cœur du projet (contrairement à l'économie traditionnelle). Cela se traduit par des statuts juridiques induisant un mode de fonctionnement plus démocratique, en phase avec les exigences d'une revendication « citoyenne ». Les médias citoyens écrits web sont essentiellement des associations ou des coopératives, constituant, avec les fondations et les mutuelles, les familles statutaires de l'ESS. Des débats ont toujours cours concernant l'aspect limitatif d'une définition exclusivement basée sur les statuts. Certains médias ayant opté pour une autre forme juridique peuvent prétendre à l'étiquette « média citoyen ». Ce débat n'est pas clos, et fera encore couler de l'encre. Nous prenons ici le parti de ne parler que des médias citoyens écrits web membres des familles statutaires de l'ESS. Car les valeurs véhiculées par ces médias concernent tant leur mode de fonctionnement interne (et donc lié à des statuts) que le type d'information produite. La charte de l’économie sociale de 1980 30 formalise les principes communs aux organisations de l’économie sociale, dont relèvent les médias citoyens écrits web : - La gouvernance démocratique avec des dirigeants élus, selon le principe « une personne, une voix » ; - La double qualité des personnes : Une même personne est bénéficiaire du bien ou service produit (salariée/usager) et également du projet (salariée, adhérente) ; - La structure au service du projet collectif de ses membres. La personne et l’intérêt commun (le projet social) de ces organisations sont au cœur de l’activité, ils priment sur la recherche de profit et l’excédent de capital ; - La non-lucrativité partielle (en coopérative) ou totale (dans les associations). Les produits sont essentiellement affectés aux réserves et au fonctionnement de la structure. Les entreprises de l’ESS reposent sur la propriété collective des moyens de production ; 30 Publiée par le Comité National de Liaison des activités Mutualistes Coopératives et Associatives – CNLAMCA (www.cress-rhone-alpes.org/cress/article.php3?id_article=204) - L'indépendance : non seulement parce qu’elles ne sont pas cotées en bourse (ce ne sont pas des sociétés de capitaux), mais surtout parce que, du fait du principe « une personne, une voix », aucun actionnaire ne peut peser davantage qu’un autre ; - La liberté d’adhésion : Le lien qui s’établit intègre la conviction partagée que la satisfaction de l’intérêt de chacun passe par le bien-être de tous. Par ailleurs, les structures de l'ESS sont creuset d'innovations économiques et sociales, soutien aux initiatives équitables et solidaires et privilégient des initiatives locales liées à l’émergence de besoins non couverts. Tout cela sans grands moyens financiers. Autant de caractéristiques définissant les médias citoyens en général, et particulièrement les médias citoyens écrits web. Afin de porter ces valeurs fortes, les médias de ce type ou les réseaux qui les fédèrent font parfois le choix de rédiger des chartes, à l’instar de celle élaborée par le « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes ». Ses membres déclarent « privilégier le développement d'une économie sociale et solidaire face au 'tout marchand' »31. Car l'exigence ne se limite pas à leur mode de fonctionnement. Elle touche aussi au contenu informatif et à ses modalités de mise en œuvre. I.2.2 Le média écrit web permet, par ses caractéristiques spécifiques, d'enrichir chaque aspect propre à la production d'information au sein des médias citoyens La démarche participative tout comme l'originalité et l'indépendance de l'information sont autant de valeurs auxquelles les médias citoyens se réfèrent. Le format écrit web permet de donner plus d'ampleur à chacun de ces éléments. D'une part, il s'agit d'écrits, dont la fonction métalinguistique introduit une profondeur d'analyse et de réflexion, alors que le format image fait appel à l'émotion. D'autre part, la technologie propre au web met en mouvement une constante créativité dans la construction de l'information. Les membres du « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes » s'engagent à « favoriser l'expression, la participation et le débat citoyen de ceux qui n'ont pas ou peu la parole »32. Cette démarche participative trouve son paroxysme au sein de l'Internet. En effet, la participation de contributeurs qui ne sont pas journalistes professionnels dans la réalisation des sites d'information est croissante. Le média web étant outil interactif par essence, l'information se construit au fur et à mesure par l'échange et l'ajout d'éléments des internautes. Les 31 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 3. 32 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 7. blogs, forums, discussions suite à l'écriture d'articles sont des outils de cette démarche participative et viennent compléter le contenu purement journalistique. Ce mode de fonctionnement induit la création d'un nouveau lien social avec le lecteur. Le travail du professionnel et la parole profane se complètent pour générer une information riche et multiple. Cette complémentarité entre acteurs est la proposition du site espagnol d'information « El Observador » (www.revistaelobservador.com), dont le contenu critique et de très grande qualité est fourni tant par des contributeurs externes (professeurs, politiques, citoyens,...) que par les journalistes professionnels de l'équipe. Cet exemple parmi tant d'autres montre que ce mode de fonctionnement génère du contenu original, plus proche des préoccupations des citoyens, un regard nouveau et parfois plus pointu, et assez critique quant à l'information fournie par les médias de masse. Aussi, les petites structures à taille humaine que sont les médias citoyens ont très souvent pour but de produire un contenu local. Concentrés sur un petit territoire (quartier, village), ils sont des spécialistes de l’information de proximité. Le Bondy Blog (http://yahoo.bondyblog.fr) constitue un bon exemple de média de proximité : son objectif est de faire entendre la voix des quartiers populaires dans le débat national. Sa déclinaison lyonnaise, Lyon Bondy Blog (http://yahoo.lyon.bondyblog.fr) adhère au réseau MédiasCitoyens. Autre élément, l'indépendance financière revendiqué par tout média citoyen garantit une information non soumise à une quelconque pression externe. La charte du « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes » affirme « Le droit de tous à l'information et à l'expression critiques et alternatives, en toute indépendance des pouvoirs locaux, politiques, économiques et culturels »33Leur mise en place et leur mode de diffusion étant peu coûteux, les médias citoyens écrits web ont en principe plus de facilité à vivre de manière autonome que des médias tributaires de moyens techniques complexes ou d'un travail d'édition matérielle. Enfin, l’outil web jouit, de par sa forme et son mode de construction et de consultation, d'une très grande souplesse. Il se prête extrêmement facilement à l’interactivité, à la participation, à la coopération et permet d’avoir accès à une masse d’information pouvant parfois sembler « infinie ». La plateforme Rhône-Alpes Solidaires (www.rhonealpesolidaire.org), site des initiatives sociales et solidaires de la région Rhône-Alpes, fonctionne sur le mode de la coopération entre acteurs et illustre parfaitement l'aspect collaboratif des médias citoyens écrits web. Son essaimage territorial, à travers les plateformes locales, constitue un réseau de sites participatifs échangeant régulièrement de l'information entre eux. 33 Charte du « Réseau des médias alternatifs écrits papier et web de la Région Rhône-Alpes », art. 4. II. LES MEDIAS CITOYENS ECRITS WEB DANS LE CONTEXTE ACTUEL Tous les atouts développés par les médias citoyens écrits web les rendent aujourd'hui incontournables, mais la plus grande vigilance s'impose afin d'éviter des dérives ou des mésusages. II.1 Des outils devenus indispensables Leurs valeurs et leur mode de fonctionnement permettent à ces médias de se positionner comme acteurs-clé dans la construction d'une société moderne plus humaine et plus démocratique. Tout d’abord, ils assument un rôle de contre-pouvoir trop souvent abandonné par les médias traditionnels. Plus, ces acteurs « s'avèrent (essentiels) dans la contre-expertise qu'(ils) offrent par rapport aux grands médias »34. La récente affaire Woerth-Bettencourt, par exemple, a été portée à la connaissance du public grâce au travail professionnel du site Mediapart. A plus petite échelle, de multiples sites Internet ou blogs se constituent sur une ligne éditoriale contestataire mais néanmoins de qualité, avec le peu de moyens dont dispose(nt) leur(s) auteur(s). D'autre part, le rôle des médias citoyens écrits web en faveur du développement de la démocratie participative n'est plus à démontrer : il s'agit bien là d'efficaces porte-voix des sans-voix. Certains pays, comme la Chine, emprisonnent des opposants du simple fait de leurs activités d'internautes. Les « Indignés » du monde entier, pour qui ces médias constituent des outils de premier ordre, ne s’y sont pas trompés. Nombre de blogueurs courageux ont joué un rôle indispensable dans le désormais fameux « Printemps arabe ». Aussi, les réseaux sociaux ont servi de relais pour l'organisation des manifestations des « indignés » espagnols, égyptiens et tunisiens. Pour exprimer un ras le bol, se regrouper de façon affinitaire ou se conforter dans l’action, des groupes virtuels ont été créés sur la toile. Grace à l'Internet, les jeunes ont pu se sentir concernés par la révolution sociale. Par ailleurs, des médias citoyens écrits web contribuent directement à la diffusion des valeurs de l’ESS. Ainsi, la plateforme Rhône-Alpes Solidaires gère un site Internet producteur d'information à destination des acteurs de l'ESS et du public intéressé. Très adaptables et adaptés à la société mondialisée actuelle, très accessible financièrement (il suffit d'un ordinateur et d'une connexion Internet pour créer son blog ou son site d'information), les 34 Myriam Merlant, de Ritimo (Source : www.ciranda.net/fsm-dacar-2011/article/la-information-alternative-au) médias citoyens web sont en pleine expansion. Populaire, le média citoyen doit être lisible par le plus grand nombre. L’outil web répond parfaitement à ce besoin. Mais tous ces atouts ne doivent pas cacher les pièges du numérique. En effet, la prudence et le sens critique s'imposent pour préserver la qualité de l'information proposée par les médias citoyens écrits web. II.2 Des écueils à contourner Les médias web sont encore extrêmement jeunes dans le monde de l'information. Nous n'avons donc que peu de recul pour leur étude, même s'ils sont sujets à une évolution rapide et permanente. Le débat sur leur définition est donc encore ouvert, et il n’y a pas de consensus définitif. Un média écrit web non associatif ou coopératif peut-il être considéré comme « citoyen » ? Un blog ou un site dont le but est de donner de l'’information spécifique sur les actions d’une association peuventils être considérés comme médias à part entière ? Autant de questions dont les réponses ne peuvent être simples et tranchées... Par ailleurs, l'on colle encore trop souvent aux médias web une image de « gratuité » qui ne correspond absolument pas à la réalité. Un travail d'information de qualité suppose du temps de travail professionnel qui doit être rémunéré à sa juste valeur. Les médias citoyens écrits web tiennent à leur indépendance, et cela les pousse à trouver leur propre mode de financement. Mais malgré quelques exemples de réussite commerciale (Médiapart et Rue 89 en France) par la mise en application d'expériences originales, ce secteur n'a pas encore trouvé son ou ses modèle(s) économique(s). Pourtant, des idées existent, à développer et à expérimenter : – Sur le site Newassignment.net (http://newassignment.net) les internautes peuvent commander à des journalistes professionnels des enquêtes et des reportages sur des sujets qu'ils ont repéré ; – 60 % des recettes de Rue 89 proviennent de la publicité et 20 % de l'activité d'agence de presse web ; – Mediapart vit de ses abonnements ; – Le site Jaimelinfo (www.jaiemelinfo.fr) propose du « financement communautaire » de l'information s'appuyant sur les lecteurs, à travers des dons ou par le soutien à des projets. Mais ces expériences ne sont pas exemptes de limites, et d'autres modèles se mettent en place grâce à la créativité des acteurs du web. Une autre question est celle de la publicité en ligne, mal encadrée et parfois difficile à organiser. Outre la question légitime de la dépendance vis-à-vis de l’annonceur, la publicité web reste encore concurrencée par le support papier, malgré l'affluence et la notoriété du web. La problématique économique peut influer sur le contenu informatif, qui se veut indépendant et de qualité. Le manque de moyens, personnels et matériels, rend le travail journalistique difficile lorsqu'il s'agit de mener des enquêtes de fond et de longue haleine, condamnant trop souvent les journalistes du web à un travail de l'instant et peu approfondi. D'autre part, ces médias étant faciles à mettre en place, leur foisonnement sur la toile se fait parfois au détriment de l'exigence de qualité, ce qui, conjugué à l'atomisation de l'information, peut noyer ou tromper l'internaute. Souhaitons que le développement des médias web en général génère la formation ou l'auto-formation de chacun à la critique du contenu informatif. Le modèle participatif nécessite pour sa part un encadrement afin de préserver la qualité de son contenu. Une modération des contributions par un webmestre ou gestionnaire du site s'avère souvent nécessaire afin de s'assurer que des contenus insultants ou diffamatoires, hors-sujet ou tout simplement faux ou de mauvaise qualité ne soient pas relayés sur la toile. Cela contribue aussi à la formation des contributeurs, qui sont obligés tôt ou tard d'adopter certains réflexes de journalistes, et à celle des journalistes, qui doivent apprendre à être modérateurs d'information. Car, étant donnée la jeunesse de ces médias, seuls les jeunes journalistes ont bénéficié d'une réelle formation initiale adaptée, par le biais des modules intégrés dans les écoles de journalisme. En effet, le webjournalisme sollicite des qualités de réactivité, de synthèse ou autres différentes de celles indispensables au travail journalistique traditionnel. En effet, l'écriture web comporte des spécificités liées au support Internet. Ces particularités peuvent néanmoins devenir toxiques si elles ne sont pas appliquées avec le plus grand discernement. Par exemple, le référencement est un élément de l'écriture web qui demande d'introduire des mots-clés dans le titre ou le chapeau de l'article pour le positionner en tête des résultats lors d'une recherche sur un thème. Utilisé à mauvais escient, le référencement peut pousser à dénaturer le contenu informatif afin de privilégier un bon positionnement en fonction d'une demande précise, au détriment d'une information de fond ou proposée par le journaliste. Aussi, le « zapping » étant de mise dans l'utilisation de l'outil Internet, certains estiment devoir répondre à ce mode de fonctionnement par la proposition exclusive d'articles à texte court et percutant. Ces deux travers peuvent nuire à la force de l'écrit, à savoir la possibilité d'approfondissement de l'analyse du sujet traité. Pour finir, disons que leur jeunesse, leur évolution constante, leur indépendance et leur rôle assumé de contestation constituent autant de limites à une reconnaissance et un appui de la part de pouvoirs publics ayant du mal à les cerner et, disons-le, parfois enclins à éviter la critique. Tout cela conjugué à l'absence de modèle économique confirmé met les médias citoyens écrits web dans une position fragile quant à leur survie. Pourtant, ils existent, et ils souhaitent demeurer actifs afin de jouer pleinement le rôle dont ils se sentent investis. Cela est bien-sûr le cas sur le territoire rhône-alpin. Les médias citoyens écrits web : Un avenir prometteur ? Comme nous le montrent de nombreux exemples, les médias citoyens écrits web érigent l’information participative en nouveau contre-pouvoir démocratique. Ces médias citoyens n’ont pas pour vocation de remplacer des médias traditionnels mais provoquent déjà une modification des pratiques du métier de journaliste dans son organisation et le contenu de l’information. Ils évitent le monopole de l'information et induisent une porosité inévitable entre journalistes et lecteurs citoyens. Les nouvelles technologies changent les habitudes et permettront de revenir à un journalisme d’opinion, de terrain et innovant dans la forme et dans les choix éditoriaux. Cela apporte une véritable valeur ajoutée aux sujets traités par les médias classiques. Pour aller de l’avant, ces médias porteurs de valeurs solidaires se doivent de relever le défi de la survie économique, mais aussi de coopérer et de mutualiser leurs forces. C'est à ce besoin que tentent de répondre le « Réseau de médias alternatifs écrits papier et web de la Région RhôneAlpes » et le réseau rhône-alpin MédiasCitoyens (rassemblant des médias citoyens tous supports), dont il est membre. Ces dynamiques doivent être raffermies et renforcées, afin de développer un contre-pouvoir informatif sur le territoire, permettant de diffuser les valeurs de l’économie sociale et solidaire, la démocratie participative et l’information - formation tant du citoyen-acteur que du journalistecitoyen. Une reconnaissance et des appuis s’avèrent indispensables, afin que ces médias citoyens puissent pleinement jouer leur rôle. Sources - Les associations et Internet, M. Colombat, Milan, 2002 - Médias : La faillite d’un contre pouvoir, P. Merlant, L. Chatel, Fayard, 2009 - Sur la télévision, suivi de l’emprise du journalisme, P. Bourdieu, Raison d’agir, 2009 - Le rap et les blogs de la révolution, A. A. Belkhodja, M. Beaugé, Les Inrockuptibles n°790, du 19 au 25 janvier 2011, p. 16 - La révolte Arabe, O. Gandt, J. Tilouine, Les Inrockuptibles n°793, p. 48, du 9 au 15 février 2011 - Definitions diverses, Wikipédia (www.wikipedia.org) - Les médias contribuent-ils au débat démocratique ?, mai 2006, Vie Publique (www.viepublique.fr) - Internet : un bienfait ou un danger pour la démocratie ?, mai 2006, Vie Publique (www.viepublique.fr) - L'explosion du journalisme : Des médias de masse à la masse des médias, Là bas si j'y suis, mars 2001, France Analyse (www.france-analyse.com/ftp/2011-03-01_Internet_Masse-demedias.ogg) - La mort d'un journalisme annoncée ?, H. Bonney, mars 2010, Hadrien (http://bonneyhadrien.owni.fr/2010/03/29/la-mort-dun-journalisme-annoncee) - Les journalistes écrivent-ils pour Google ?, A. Westbrook, août 2010, (http://Owni (http://owni.fr/2010/08/02/forget-the-readers-are-journalists-writing-for-google) - Dossier : nouveaux médias web, les secrets de la réussite, déc. 2010, Frenchweb.fr (http://frenchweb.fr/nouveaux-medias-web-secrets-reussite) - Quels modèles économiques pour les sites web d'informations, A. Sadikh Ndiaye, fév. 2010, Atelier des médias (http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/quels-modeles-economiques-pour? xg_source=activity) - Faut-il réinventer le métier de journaliste média web ?, Res Publica, mars 2011, Politique.com (http://politique.com/media/faut-reinventer-metier-de-journaliste-media-web-5579) - Les médias citoyens sont-ils fiables ?, E. Turrettini, avril 2006, Transversales (http://grittransversales.org/article.php3?id_article=101) - Qui contrôle les médias en Europe ?, A. Scalbert, (www.rue89.com/europe/qui-controle-les-medias-en-europe) - La complaisance de David Pujadas mérite d'être récompensée, M. Reymond, juill. 2010, Acrimed (www.acrimed.org/article3416.html) - Internet : un média citoyen qui défie le journalisme ?, juin 2007, Documental.com (www.documental.com/v2/article_5052.php?recherche=media%20citoyen) - L'information alternative au service des mobilisations politiques et sociales, T. Vicente, fév. 2011, Ciranda (www.ciranda.net/fsm-dacar-2011/article/la-information-alternative-au) nov. 2007, Bonney Rue 89 Les médias associatifs en Rhône-Alpes Premières indications bibliographiques pour une sociologie des médias associatifs en Rhône-Alpes Patrice Berger www.mediascitoyens.org SOMMAIRE Introduction : un rapport mais aussi un instrument de rassemblement et d'échanges 1. Quelques cadres d'analyse 1.1 Un sujet complexe dans une période de grands changements 1.2 L'enjeu de cette réflexion n'est pas désincarné, il y est question du pouvoir et de luttes pour les pouvoirs, à l'échelle des territoires comme dans les réseaux sociaux les plus divers. 1.3 Une sociologie des rapports entre les hommes mais aussi des rapports entre les hommes et les objets est nécessaire pour bien travailler sur ces questions. 1.4 Une écologie des représentations, comment naissent, se répandent, meurent les idées 2. La société en réseaux et la communication : changements culturels, globalisation et importance des territoires. 2.1 les critères de découpage des territoires 2.2 territoires économiques : redécouverte du développement économique des territoires 2.3 territoires politiques 2.4 territoires sensibles 2.5 territoires cognitifs 2.6 identités personnelles et identités territoriales 3. Evolution des capacités des personnes à s'emparer des médias à l'heure de l'internet 3.1 Les trois cercles des personnes qui font vivre les médias associatifs 3.2 Un grand partage des savoirs et des savoir-faire et un déficit de pouvoir et de reconnaissance sociale. 4. Les pratiques professionnelles dans les médias de communication sociale de proximité : éthique et technique 4.1 Un potentiel d'emploi important dans les médias de communication sociale de proximité 4.2 Les sociologies des professions, professions libérales, professions artistiques, professions sociales : les spécificités de la profession de journaliste 4.3 La profession de journaliste : des manières de faire 4.4 la profession de journaliste : une éthique 4.5 Les changements contemporains dans le journalisme 4.6 les métiers de la parole et le journalisme : enseignement, animation, expertise, travail social 5. Du journal personnel, vecteur d'opinions et de commentaires au média, collectif et normé 5.1 Les journaux personnels sont sortis de la sphère privée dès lors qu'ils sont publiés 5.2 Les fonctions des médias : fonctions sociales et culturelles 5.2.1 Image du territoires aux yeux de ses propres habitants mais aussi vis à vis de l'extérieur 5.2.2 Expression et empowerment des participants aux ateliers médias 5.2.3 Découverte citoyenne 5.2.4 Accueil de stagiaires 5.2.5 Entrainement à la pratique des médias des médiateurs sociaux du territoires 5.2.6 Valorisation à travers les réseaux des médias associatifs des créations ou des initiatives émanant du territoire 5.2.7 Institution du média territorial comme nœud de communication dans un réseau de pairs qui peut atteindre la dimension du monde entier. 5.3 Médias et territoires : l'angle de la communication 5.4 Média associatif, média territorial, média alternatif, média militant, média participatif. 6 Médias et débats citoyens : couvertures d'événements, médias de la diversité 6.1 Couverture d' événements sociaux, de débats citoyens 6.2 Les médias de la diversité 6.3 Les médias établissent les scansions du temps, les agendas politiques, contribuent à la construction des générations, à l'établissement et à l'articulation des problèmes sociaux 7 Les innovations potentielles et petit à petit actualisées permises par la numérisation et par internet 7.1 Le numérique dans les interactions entre les membres des médias et avec leurs partenaires 7.2 Maîtrise de la durée 7.3 Partage de la maîtrise de la parole entre tous ceux qui l'ont produite 7.4 La convergence des approches entre les différentes formes d'expression 7.5 L'enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents 7.6 La possibilité de créer ou d'enrichir des événements susceptibles d'intéresser un public et de solliciter sa participation 7.7 L' enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents 7.8 Le renouvellement des outils pédagogiques 7.9 La convergence entre des champs d'activité divers permise par les outils numériques 8 La structure associative des médias citoyens 8.1 Spécificité de la gouvernance 8.2 La dimension des regroupements de médias 8.2.1 Une nécessaire action collective 8.2.2 Les regroupements régionaux 8.2.3 Les regroupements thématiques 8.2.4 Les regroupements nationaux et internationaux 8.3 La participation à des collectifs interassociatifs 8.4 La représentation des médias dans des instances professionnelles 8.5 La représentation des médias dans les instances internationales Conclusion : Les médias de territoires, médias d'émergence des nouvelles locales et de l'appropriation des nouvelles du monde INTRODUCTION Un instrument de rassemblement et d'échanges Dans la région Rhône Alpes, les radios associatives depuis les années 1980, les autres médias plus récemment ont commencé à travailler ensemble. Trois grandes formes d'activités réunissent ces médias : – une réflexion commune qui peu à peu permet l'émergence d'une conception de « médias de communication sociale de proximité » (MCSP) et qui permet au fil des ans d'accumuler expériences et idées. – la nécessité d'une entraide entre médias, dans plusieurs directions : recherches de financements pour chacun des médias et pour leurs regroupements, soutien à chacun des médias dans ses difficultés et dans ses progressions – la coopération dans la confection de programmes coopératifs, couvertures d'événements, programmes coordonnés sur des thématiques choisies, animation de débats citoyens. Chacun de ces médias maintient ensemble durablement l'équipe de ceux qui le met en œuvre, un deuxième cercle, celui des personnes et des groupes qui leur confient leur parole, ou qui leur allouent des contributions, enfin le cercle de leurs lecteurs, auditeurs, spectateurs. Comprendre les dynamiques à l'œuvre dans ces cercles, ce qui fait le caractère durable de ces médias, quelles sont les fonctions sociales spécifiques qu'ils remplissent exige l'examen de tous les partenaires de ces aventures collectives, l'examen des changements qui les ont fait évoluer dans les dernières décennies. Il faudra aussi s'interroger sur les raisons de l'échec de telle ou telle équipe, de tel ou tel projet, de telle ou telle collaboration. Nous souhaiterions mettre à profit les moyens contemporains de publication pour donner à cet état des lieux un caractère plus actif, faire de ce document un palimpseste toujours en réécriture. Après livraison de ces pages au Conseil régional de Rhône-Alpes qui les a souhaitées pour éclairer sa politique, nous proposons d'en mettre en ligne une version hypertexte qui aurait pour effet : – de donner à chacun l'occasion de consulter les références proposées quand elles sont accessibles en ligne, de mieux connaître les partenaires évoqués dans les développements par des liens avec leurs pages web. – de permettre aux acteurs des différents cercles de contributeurs de nos médias de rajouter des témoignages d'actions menées, de proposer des références de lectures pertinentes, mais aussi de discuter tel ou tel point des propositions faites dans le document, donc de l'enrichir ou peut être d'en calmer les excès. – de relayer de nouvelles initiatives de débats, d'écrire de nouveaux chapitres. – de faciliter, en en affichant clairement les descriptions la reprise de pratiques de communication populaires de qualité. – de favoriser l'émergence d'une conscience commune entre tous les acteurs des médias de proximité. SECTION 1 QUELQUES CADRES D'ANALYSE 1.1 Un sujet complexe dans une période de grands changements Nous sommes dans une période marquée par le développement du numérique et que beaucoup d'auteurs qualifient de révolutionnaire (Doueihi, 2008, passim, Lévy, 2008). Il s'agit à la fois comme le développe Doueihi d'une « conversion » générale de pratiques antérieures, qui s'exerce dans les champs les plus divers, et de possibilité étendue à l'envi, de passer d'un langage à l'autre, d'un monde à l'autre, par les conversions possibles, les traductions possibles, ouvrant des chemins inédits, permettant la création de réseaux collaboratifs nouveaux. Pierre Lévy compare ces temps de passage à la révolution de l'imprimerie, et ce que nous avons appris d'auteurs comme Elizabeth Eisenstein (1968), Jack Goody (1979) ou Fernand Braudel(1979) est que la révolution de l'imprimerie a entraîné des bouleversements de civilisations considérables. En cette période, nous nous devons de poser à nouveaux frais la question des médias locaux. Ceux ci bien entendu sont antérieurs, mais la réflexion sur leur état actuel et sur leur devenir conduit à penser en même temps plusieurs évolutions contemporaines. Si nous présentons ce travail comme une mise à plat des connaissances publiées dans plusieurs champs de la littérature, c'est parce que le fort regain d'intérêt manifesté aujourd'hui pour les médias, s'il se fait dans le souffle des innovations inouïes permises par la numérisation de l'information, doit s'armer de plusieurs corpus de connaissances sous peine de manquer l'essentiel, voire d' ouvrir des perspectives erronées. En effet, si Erik Neveu (2007, p.6) invite à juste titre, citant Joël de Rosnay (2006) et Nicholas Negroponte (1995), les plus grands thuriféraires des révolutions du net, à replacer les usages actuels et prévisibles du numérique dans des contextes sociaux et culturels complexes, c'est précisément parce qu'il souhaite prendre au sérieux la portée des évolutions en cours et mettre à profit les connaissances acquises dans plusieurs disciplines des sciences sociales appliquées à des réseaux sociaux divers. Le principal reproche que fait Erik Neveu à la grande quantité de publications qui sont aujourd'hui disponibles à propos du net, du numérique et des médias, qu'il en soient d'ailleurs les défenseurs inspirés ou les contempteurs effrayés, c'est de se limiter à l'horizon de leur propre pratique technique ou militante et d'ignorer les acquis des sciences sociales qu'il serait pourtant judicieux de mettre à profit dans ce contexte très neuf. Dans le cadre de cette section de notre rapport, nous rassemblerons une importante bibliographie dans l'intention de dégager les idées essentielles qui nous permettront, en regard de la phase d'enquête, de mettre de l'ordre dans la grande diversité des pratiques attestées et de dégager les lignes de force des évolutions déjà à l'œuvre et des perspectives imaginables. Nous donnerons seulement ici les références qui nous ont semblé les plus significatives, mais la littérature est abondante dans tous les aspects. Beaucoup des documents que nous citons sont accessibles sur internet avec des droits d'accès divers. Nous en signalerons les adresses. 1.2 L'enjeu de cette réflexion n'est pas désincarné, il y est question du pouvoir et de luttes pour les pouvoirs, à l'échelle des territoires comme dans les réseaux sociaux les plus divers. Au-delà du classement des connaissances à mobiliser pour une bonne compréhension et une bonne mise en œuvre des potentiels de médias locaux dans « l'ère du numérique » (« digital age », selon la caractérisation favorite pour notre époque que défend Manuel Castells), nous proposons dans cette introduction, en suivant pour l'essentiel un article de Manuel Castells (2007) de mettre au premier rang l'importance fondamentale de la communication et de l'information comme sources de pouvoir, quelle que soit l'échelle territoriale à laquelle on s'intéresse. Castells définit de façon très classique le pouvoir comme « la capacité structurelle d'un acteur social à imposer sa volonté à d'autres acteurs sociaux » (p. 239) (toutes les citations que nous faisons de Castells – comme d'autres auteurs, en général anglophones, dans ce rapport – sont traduites par nos soins ; nous espérons ne pas trop souvent avoir trahi les auteurs.) La communication, la chose n'est pas nouvelle, est, à toute échelle dans les institutions sociales et dans le champ politique, l'instrument essentiel de la domination, il s'agit de « donner forme aux esprits » (shaping minds) plutôt que de contraindre les corps, préférer pour reprendre le concept de Pierre Bourdieu la « violence symbolique » (Bourdieu, 1977) à toute autre forme de violence. « Torturer les corps a moins d'effet que donner forme aux esprits » (Castells, p.238). Or la maîtrise des représentations reste toujours un objet de conflit. Les pouvoirs dominants cherchent toujours à présenter les représentations qui conviennent à l'expansion de leur pouvoir comme naturelles et intangibles. Les réseaux de la technologie de la communication dans l'ère numérique ouvrent de nouveaux lieux d'affrontements, de nouveaux champs de bataille. Les conflits qu'analyse Castells ne se cantonnent pas au champ des médias, quelle que soit l'importance qu'on doive accorder à ce monde dans l'émergence de nouvelles pratiques à l'échelle mondiale. C'est précisément parce que les technologies de l'information et de la communication ont transformé l'ensemble des champs des activités sociales (« organisations, marchés électroniques, media et politique » - Kallinikos, 2005, p.2) que les restructurations aujourd'hui à l'œuvre dans l'ensemble des champs font l'objet de conflits de forte ampleur et qu'il convient de comprendre les réorganisations à l'œuvre dans les médias dans le contexte de ces transformations plus générales. Nous empruntons à Julien Levrel (2006, p.2) une bonne description de l'enjeu historique de l'évolution contemporaine de la « société en réseaux » selon Castells (1998) : « les principaux attributs d’une société en réseau impliquent un remplacement progressif (et encore en construction) d’une organisation hiérarchique et verticale par une organisation en réseau (le « Net »), et l’émergence de multiples pratiques individuelles et identitaires (le « Self ») qui tentent de s’affirmer dans un monde en changement continu. Les dimensions politiques et culturelles de ces mondes en réseaux demeurent encore peu étudiées alors qu’elles semblent annoncer, selon l’auteur, les fondements de nouveaux rapports sociaux. » 1.3 une sociologie des rapports entre les hommes mais aussi des rapports entre les hommes et les objets est nécessaire pour bien travailler sur ces questions. Nous tenterons, tout au long de ce parcours bibliographique d'éclairer les effets sociaux et culturels des innovations techniques dans une perspective constructiviste (Bijker, 2001) en mettant l'accent sur les constructions sociales qui à la fois conduisent à l'émergence et au succès des innovations et permettent de mieux comprendre les changements institutionnels qu'elles induisent et les conflits qui sont associés à ces mouvements. Comme l'expérience quotidienne des acteurs des radios associatives, des blogueurs d'informations, des vidéastes alternatifs le montre, nous sommes dans le cadre de changements dans les relations entre les hommes qui sont médiés par des relations nouvelles avec des objets techniques. Dans ces questions de la production des nouvelles, de leurs diffusions, de leurs structuration, des commentaires qui s'échangent autour d'elles, les artefacts se sont multipliés et sont aujourd'hui intégrés dans la vie quotidienne de la plupart des gens. Le quotidien des acteurs des médias mais aussi de leur public, et bien-entendu les découpages anciens entre producteurs et publics sont transformés et le rôle des objets dans ces transformations est essentiel. Nous aurons donc recours dans cette réflexion à des démarches inspirées d'auteurs comme Bruno Latour qui construit une sociologie des acteurs humains et non-humains, la sociologie de l'acteurréseau. Citons de ce sociologue essentiel pour notre réflexion, un ouvrage destiné au grand public (Latour, 2006 a) et un ouvrage plus complet (Latour, 2006 b) Dans son commentaire de l'ouvrage dirigé par Sophie Houdart et Olivier Thiéry , Humains, nonhumains. Comment repeupler les sciences sociales ? Paris, La Découverte, 2011, Alexandre Federeau résume le propos de cette théorie (Federau, 2011 p.2) : « À la suite des travaux de Michel Callon et de Bruno Latour, la théorie de l’acteur-réseau introduit les non-humains en sociologie. Selon eux, les faits sociologiques peuvent être compris comme des « associations » entre des acteurs humains et des acteurs non-humains. Ces « associations » consistent en un ensemble de relations et de médiations entre acteurs qui forment un réseau. Est acteur tout ce qui peut modifier un réseau, une situation donnée. Ainsi, les humains, agents intentionnels, sont des acteurs. Mais les non-humains le sont également. » Nous trouvons chez des auteurs comme Madeleine Akrich (1994) ou Dominique Vinck (1999) de quoi alimenter une réflexion sur les relations entre les humains et les artefacts qui, pour avoir été imaginés, développés dans les laboratoires et les entreprises industrielles, pour avoir fait l'objet de décisions économiques et politiques, n'en ont pas moins engendré, à travers les usages qui s'en sont répandus dans la société d'importants « effets pervers » au sens que Pierre Boudon donne à ces termes « effets de composition non prévus et non voulus » (Favre, 1980, p.1229). La littérature abondante que nous connaissons aujourd'hui autour de l'internet mais aussi de la numérisation par exemple dans le champ de l' économie, manifeste à l'évidence la conscience de cette irruption des objets dans les jeux des sociétés humaines. Plus généralement, nous essayons de nous placer dans une démarche naturaliste et cognitiviste telle que la proposent des auteurs comme Philippe Descola (2005), Dan Sperber (1996) ou Véronique Havelange (2003). 1.4. Une écologie des représentations, comment naissent, se répandent, meurent les idées Dans les échanges d'images, d'idées, d'informations, dans la confrontation des représentations, dans les découpages des temps et des lieux, sont construits des réseaux d'interconnexion de personnes ou d'objets, de nouvelles idées, de nouveaux trajets qui balisent de nouvelles cartes mentales et de nouvelles cartes sociales. Dans ces trafics sémantiques et sociaux, les médias, d'une façon très générale, jouent de grands rôles. Notre propos dans ce rapport sera d'évaluer la part que peuvent prendre les médias associatifs et participatifs dans ces processus. Nous mettrons l'accent plus particulièrement, conformément à notre dessein de base, sur les médias de communication sociale de proximité mais nous inclurons dans l'espace privilégié de notre étude quelques autres cercles qui nous semblent devoir être pensés en corrélation avec nos médias locaux : – les médias de niche, médias spécialisés, souvent associatifs ou coopératifs, produits dans notre région et qui, bien qu'ils ciblent un public national voire international, peuvent être fortement présents dans la vie intellectuelle, culturelle et sociale de leur région d'ancrage. Dans cette catégorie, nous placerons des médias aussi différents qu'Africulture, qui a son siège dans la Drôme, Silence, la revue écologique produite à Lyon, le Sarkophage, mensuel de débat politique développant les idées de la décroissance, publié à Lyon. Mentionnons également la Décroissance, casseurs de pub, eux aussi publiés à Lyon. – les médias nationaux associatifs qui développent une activité particulière dans notre région dans l'objectif de contribuer à la construction locale d'une production spécifique de contenus de presse ou de poursuivre les débats de portée générale amorcés dans leur média en les enrichissant de contributions locales ou encore de développer une réflexion critique sur les médias. Citons notamment dans cette catégorie, les groupes locaux de l'association ACRIMED, les amis du Monde Diplomatique qui multiplient les conférences autour du journal et les cafés repères développés autour de l'émission de Daniel Mermet sur France Inter « Là bas si j'y suis ». Le journal national Fakir a des correspondants dans la région Rhône-Alpes. – les ateliers de production de vidéos, de montages sonores, de fanzines développés sous forme associative, ou pourrait-on dire « pré-associative », de manière autonome ou dans le sein de structures de l'Economie sociale et solidaire ou de l'éducation populaire. (Sonoscope en Ardèche, ACRA dans la Loire, « le zèbre et la mouette » à Lyon par exemple) – les médias propres à un mouvement associatif particulier qui s'adressent aux membres de l'association ou au public dans l'objectif de faire connaître leur mouvement, ses actions, ses campagnes, mais qui ont souvent un rôle d'information et de mobilisation culturelle non négligeable qui porte bien au delà de ce qu'on aurait pu imaginer. Pensons par exemple à deux domaines particulièrement développés en Rhône-Alpes, – la protection de la nature, avec les sites d'information de la FRAPNA et de nombreuses autres associations de portée territoriale ou thématique plus restreinte. – la solidarité internationale, illustrée à Lyon par la présence de Handicap international, de la Bioforce, par une forte présence du christianisme social qui donne aux actions du CCFD par exemple un retentissement important. Le CIIP (Centre d'Information Inter-Peuples) à Grenoble développe aussi un journal, InterPeuples, aux échos bien plus larges que les seuls adhérents de l'association. – la presse des collectivités territoriales : certains titres comme le mensuel Couleurs de Saint Priest sont de très bonne facture. Nous essayerons ici de nous placer dans une perspective d'écologie des représentations, qui empruntera aux travaux d'auteurs qui ne se réclament pas tous du vocabulaire de l'écologie mais qui nous ont semblé présenter des idées convergentes. Nous retrouverons la sociologie des réseaux de Bruno Latour (2006), mais aussi la philosophie de la mémoire et du récit de Paul Ricoeur, l'anthropologie cognitive de Dan Sperber (1996) et la réflexion sur les médias que des auteurs américains comme Neil Postman (2000) ou canadiens comme Serge Proulx (2008) appellent « écologie des médias ». Les travaux de sémantique quantitative diachronique (par exemple Boussidan, 2009) documentent la naissance, l'expansion, voire la régression de nouvelles formes lexicales et la transformation des cartes des proximités entre les termes, les probabilités des associations de mots ou d'idées qui forment l'ossature d'une langue, voire d'une culture. Et dans ce travail des idées inlassablement poursuivi, les médias sont à la fois l'écran et le support réel des mouvements. Il n'est que d'interroger la méthode des linguistes, qui travaillent, pour mener leurs analyses, sur de larges corpus de presse écrite. Le juriste Edward Lenert (2004), précisément à propos d'une innovation menée au Canada dans l'usage du web pour l'accès aux programmes de télévision, attirait l'attention sur le « pouvoir sémiotique » des groupes et utilisait les méthodes d'analyse du « social shaping » de Bijker (op. cit.) (« Bijker calls the form of power that concerns the ability of relevant social groups to fix meanings semiotic power. » ) Plus généralement, ce pouvoir de « fixer les idées », de régler les représentations est bien cet objet de luttes culturelles que nous évoquions dans nos précédents développements et dont Ann Swidler (1986) montrait la pertinence sociologique en rapprochant le monde des symboles avec celui des stratégies. Au-delà des étymologies communes entre l'économie et l'écologie autour d'un concept grec d'oikos, au-delà de la référence commune à Malthus et à l'importance de cet auteur dans la pensée de Darwin que relève Badillo à la suite d' Edgar Morin (op. cit. p. 50), nous proposons de trouver dans le recours à des concepts travaillés en écologie (dans son champ ordinaire qui est celui des sciences naturelles) des éléments de compréhension de la nature des médias et de leur efficacité sociale. L'approche écologique permet en effet de penser ensemble, d'assembler théoriquement, des objets corrélés puissamment dans la réalité mais que la pensée économique disjoint, dont elle néglige les liaisons. Ce sont d'abord les représentations, ce sont ensuite les acteurs, humains ou non humains (Latour) qui les imaginent, les transforment, les propagent, les portent, les mémorisent et les oublient, ce sont les institutions dans toute la diversité que leur prête l'anthropologue Mary Douglas quand elle nous montre « comment pensent les institutions ». Et dans les limites de ce travail, nous nous intéresserons, parmi les institutions, aux médias, grands et petits dont bien des auteurs dans des champs divers affirment qu'ils jouent un rôle éminent dans la vie des idées. Toutes ces démarches qui se veulent écologiques se placent volontairement, dans leur diversité et jusque dans leurs faiblesses (écologie des représentations, écologie des idées, écologie des médias, écologie cognitive...) dans l'horizon d'une pensée commune entre les sciences du vivant et les sciences de l'homme. Les médias tendent sur le monde des filets de représentations qui fixent les critères de la pertinence de tel ou tel événement, confèrent de l'autorité (Sennett, 1985) à telle représentation, à tel personnage, à telle institution. C'est ce que, développant une idée essentielle de Max Weber, l'anthropologue Clifford Geertz (1973) appelait des « toiles de signification ». Régis Debray (1997), dans sa quête d'une « médiologie » unificatrice, développe l'idée que saisir les mouvements complexes des représentations requiert la mise en œuvre de savoirs divers : « La transmission culturelle semble aujourd’hui flotter en bordure de plusieurs savoirs (sociologie, histoire des mentalités, génétique, épidémiologie).» Nous partirons de la notion de « représentations culturelles » que développe notamment Dan Sperber (1996) qui sont «un sous ensemble aux contours flous de l'ensemble des représentations mentales et publiques qui habitent un groupe social» (p. 50). Articulant les sciences cognitives qui s'intéressent notamment aux représentations mentales dans une perspective naturaliste et l'anthropologie ou les science politiques qui rendent compte des représentations publiques, Sperber propose une épidémiologie des représentations. Venus de communautés scientifiques différentes, des auteurs comme Dawkins, avec sa théorie de la mémétique ou Sperber et Wilson, autour du concept de pertinence, nous donnent les outils intellectuels qui permettent d'approcher les populations des idées et des mots, les populations de représentations dans les configurations spatiales selon lesquelles elles se répartissent et s'opposent comme dans leur évolutions temporelles. Paul Marsden (1998) dans un article au titre très explicite « Memetics and Social Contagion: Two Sides of the Same Coin ? » rapproche la mémétique de problématiques sociales . Il replace ces travaux issus de la biologie des populations dans des traditions sociologiques déjà anciennes en citant Gabriel Tarde et sa théorie de l'imitation et des auteurs comme E.M. Rogers, spécialiste de la propagation des innovations. Le rôle des médias dans l'évolution des idées est particulièrement développé par des auteurs comme Douglas Rushkoff (1994). L'enjeu est important, car penser ensemble la contagion des idées, l'évolution des institutions, les réseaux et les pratiques médiatiques, à l'entrelacs des sciences cognitives et des sciences sociales, permet de situer la pertinence des médias locaux dans un ensemble plus vaste où prennent leur place dans un ordonnancement compréhensible des processus essentiels : – les représentations sociales, éléments d'informations, découpages catégoriels, regroupements chronologiques, sont, par chacun d'entre nous, perçus, entrés en mémoire, recomposés , répétés, rappelés, intégrés dans de nouveaux éléments de discours, exportés dans de nouveaux contextes, traduits, trahis. Ils peuvent aussi ne pas du tout être perçus et mémorisés. Entre en effet dans le champ de la contagion des idées, le cas très fréquent, de l'extinction, de la mort, de la dénaturation des idées. – La perception, la mémorisation, la généralisation d'un nouvelle représentation peut se faire, ou ne pas se faire, et quand elle se fait, avec une plus ou moins grande vigueur selon le contexte local dans lequel elle apparaît. Il peut s'agir d'un contexte spatial : le lieu de l'événement. Chacun lie aujourd'hui un quartier de New York à un événement de septembre 2001, mais, dans un cercle plus limité, les médias locaux (MédiasCitoyens, radio Pluriel, radio Djamena) qui ont couvert les « Dialogues en humanité » du Parc de la Tête d'or à Lyon et les auditeurs ou les internautes qui ont entendu les émissions produites en 2009 peuvent lier au décor des arbres centenaires du Parc et de sa roseraie le dialogue, jusqu'alors inédit, entre Danièle Mitterrand et Stéphane Hessel, un an avant que le petit ouvrage de ce dernier n'en fasse la référence des « indignés » du monde entier. Autre souvenir le 31 décembre 2010 quand au studio collectif de la Crancr-ra à la cité du design de Saint Etienne, les radios conservaient quelques éléments de la mémoire des débats menés par la région Rhône-Alpes sur la place du numérique dans la culture. Et toute la soirée la neige recouvrit la ville et les routes. L'ancrage des représentation dans des lieux, et en même temps dans des récits, est un ressort essentiel de ces « arts de la mémoire », pratiqués pendant des siècles depuis les temps sans écriture mais riches de mémorisation humaine et sociale jusqu'aux temps des grands orateurs. Frances Yates (1974) a rendu compte de l'histoire de ces pratiques mémorielles et montré l'importance de l'espace dans leur déploiement et dans leur ritualisation. A la suite de Luria, les neuroscientifiques et les psychologues de la mémoire nous ont éclairés sur les relations entre la vision, la perception de l'espace et la mémorisation des représentations, de leur consécution, des récits. La leçon essentielle que nous en tirons pour notre propos est que la mise en espace de la couverture d'un événement, de la promotion d'un ensemble d' idées doit être particulièrement travaillée pour permettre au propos de « faire sens », d'être mémorisé, transmis, de s'inscrire dans un système de représentations un peu transformé. Et pour faire cela, rien ne remplace les médias associatifs de proximité. Ils ont dans leur mode possible d'action les ressources nécessaires à la création de souvenirs durables, à l'inscription de représentations inédites dans les lieux. – Les représentations sont aussi perçues et transmises, dans leurs unités sémantiques comme dans leur enchaînement, comme attachées à des individus ou à des groupes. Même dans le langage oral, il y a des styles idiosyncrasiques. Parce que les générations se succèdent, parce que les groupes sociaux coexistent et combinent des formulations concurrentes mais compatibles entre elles pour dire les choses, qu'elles soient quotidiennes ou inouïes. Si bien que chaque individu transporte dans ses propos une saveur, une lumière qui lui est propre. Et on peut sentir aussi les parentés des propos de groupes divers. Cela aussi stimule l'attention et la mémoire. Quand on entend tranquillement les propos enregistrés d'une personne, quand on la voit parler, on entend ce qui est dit et on perçoit avec plus ou moins de finesse et d'émotion les connotations que la parole enveloppe. Les médias locaux sont à même d'encourager l'expression des paroles des personnes qui vivent dans leur territoire, dans leur émergence, car ils appartiennent à la « communauté », au sens anglo-saxon bien pertinent ici et sont capables de susciter la confiance, les personnes devant ces médias ne sont pas en danger d'être humiliées par l'impertinence de leurs propos par rapport au discours canonique, ou en danger d'être trahies par le cadrage réducteur qu'imposent le plus souvent les médias commerciaux aux propos des personnes ordinaires. – Les représentations qui sont bien mémorisées le sont comme le montrait déjà Maurice Halwachs, parce qu'elles font sens pour celui qui les reçoit, parce qu'elles sont pour lui des instruments pragmatiques qui leur permettent d'agir. – On entend un propos avec plaisir, ou avec colère, ou avec tristesse, et on sait en même temps qu'on va pouvoir le répéter, l'introduire dans un récit. Il y a à la fois de l'émotion dans la perception de ce qu'on entend ou de ce qu'on voit et le projet naissant de s'en servir dans des dialogues futurs. – Pour celui qui s'exprime dans un média de proximité, les propos qu'ils tient s'inscrivent d'emblée dans sa « biographie », au sens commun, il peut en faire état, faire écouter l'enregistrement, montrer la photo prise lors de la prise de vue, mais aussi au sens sociologique du mot : l'identité de chacun se renforce par les propos qu'il est amené à tenir à la radio ou dans le film vidéo. Ce concept de biographie est particulièrement développé par Goffman comme l'ensemble des éléments qu'un individu cherche à mettre en avant de lui même dans une stratégie plus ou moins consciente ou adroite de « présentation de soi» (voir Calvez 1994). On retrouve les mêmes conceptions chez Anselm Strauss : « A man must be viewed as embedded in a temporal matrix not symply of his own making but which is peculiarly and subtly related to something of his conception of the past as it impinges on himself" (Strauss 1959: 164) » . Et, en miroir, celui qui entend parler un pair à la radio, qui voit un proche en vidéo, renforce sa propre identité et peut puiser dans les paroles de son alter ego des éléments de renforcement de sa propre biographie. – Les propos qu'on se rappellera sont aussi ceux qui permettent des transformations cognitives : on apprend quelque chose sur le monde, qui corrobore, complète ou contredit des représentations préalables. La nouvelle idée s'inscrit dans un discours préalable et le transforme, permettant ainsi pour le spectateur ou l'auditeur la conception d'un nouveau récit. Quand il s'agit de révélations sur les actes d'un personnage réputé de la communauté, le média de communication sociale de proximité peut contribuer à renforcer la réputation du personnage, voire à la détériorer (voir l'article sur «les cérémonies de dégradation» qu'analyse Harold Garfinkel (1956, p. 420), « actions de communication entre deux personnes à l'occasion desquelles l'identité publique d'un acteur est transformée en quelque chose de déprécié par rapport aux schèmes locaux des types sociaux » traduction due à Magali Gravier) . – Janet Sternberg (2002) distingue dans la littérature sur l'écologie des médias deux orientations bien distinctes : la première analyse l'environnement comme média, la seconde à l'inverse comprend les médias comme environnement. Dans le premier cas, les auteurs insistent sur les signes organisés qu'offre l'environnement, sur les paysages mentaux que chacun peut recomposer dans le mélange entre sa propre histoire et ces représentations pertinentes que le moment permet de découper. Dans le deuxième cas, ce sont les médias au sens le plus courant et concret, journaux, radios, télévisions, qui fixent les idées, qui donnent à voir tel ou tel objet, qui préparent les catégorisations, les narrations, que chacun peut être amené à construire. – Pour chacun, la mise à disposition à travers les médias dans leur diversité, de représentations organisées ouvre un espace d'action , de choix, de réinterprétation personnelle essentiels. Ainsi, le psychosociologue Albert Bandura a récemment consacré des travaux au sentiment d'efficacité personnelle. Il attache une grande importance aux processus de mémorisation de transformation et de « La mise en mémoire restructuration des implique un informations processus actif véhiculées par les événements modélisés dans les règles et les conceptions propres à la représentation de la mémoire. La rétention est grandement symboliques d'information modélisée dans les facilitée codes de par les la transformations mémoire et la répétition cognitive de l'information codée. »(Bandura, 2009, p 272 – notre traduction) Un exemple intéressant de transformation des représentations rendu possible par un usage compétent des médias de communication sociale de proximité est celui de la petite délinquance urbaine. Les sociologues de la déviance (Robert et al., Mucchielli (2008)), s'appuyant sur d'importantes recherches quantitatives et sur des comparaisons internationales, nous montrent la réalité comparée des atteintes aux biens et aux personnes en distinguant les lieux, la nature des délits et des crimes et en montrant les évolutions dans le temps. Or ces auteurs sont attachés à bien définir et à bien décrire, dans leur complexité, deux phénomènes distincts et corrélés, la déviance et l'insécurité qu'elle engendre, mais aussi le sentiment d'insécurité. Les deux phénomènes coexistent, évoluent dans le temps, sont plus ou moins importants dans les différents territoires. Les actions et les discours de politiques ont des effets sur l'un comme sur l'autre de ces phénomènes. L'un et l'autre reconnaissent l'importance du rôle des médias dans les constructions des représentations dans ces domaines. Le sociologue américain David Altheide a beaucoup travaillé sur l'écologie des médias montrant notamment l'importance des médias dans la définition des problèmes sociaux et dans l'interaction entre le monde politique et la société. "Social order is a communicated order," écrit-il (Altheide 1995, p. 133) ou plus loin insistant sur l'importance de la télévision :« So powerful is television's innate logic, that we have entered a era of postjournalism » (op. Cit. p. 182). Nous disposons aujourd'hui d'outils numériques qui nous permettent de rendre compte de la naissance, de l'expansion, voire de la disparition d'un concept dans les conversations qui animent les sociétés ou telle ou telle de leurs composantes. Armelle Boussidan, appliquant en diachronie les travaux de Sabine Ploux sur le lexique suit l'apparition dans le vocabulaire commun de termes comme « altermondialiste » ou « développement durable ». Les corpus que les chercheuses du L2C2 (Laboratoire sur le Langage, le Cerveau et la Cognition, Lyon- Bron) utilisent sont précisément ceux qui sont disponibles pour des études quantitatives massives, ceux de la presse écrite. Des auteurs comme Douglas Rushkoff (van den Boomen, 2009) proposent de considérer les médias comme le lieu de construction de récits et, dans son analyse du développement de l'internet, plutôt que de privilégier l'hypothèse de l'émergence d'un récit alternatif au récit dominant du libéralisme anglo-saxon, il voit dans la pluralité des échanges rendus possibles sur la toile la chance d'une « renaissance ». « Les mass media ont un rôle important dans la société démocratique moderne en tant que principal canal de communication. La population se réfère aux nouvelles des médias comme à la source principale d'information et comme à la base sur laquelle ils forment leurs opinions et leurs décisions de vote. Selon la théorie de la sélection culturelle, toute sélection de messages dans les mass média aura donc un profond effet sur la société toute entière. » (Fog, 1999, p. 156 – notre traduction) La construction de l'identité des personnes et des groupes est corrélative de la place que chacun peut être fondé à s'attribuer dans les récits collectifs. Karen Cerulo, dans une revue de l'American Review of Sociology (1997) portant sur la construction de l'identité donne sa place aux travaux de David Altheide sur l'écologie des médias. Elle montre en effet comment chacun construit le sentiment de soi dans l'implication qu'il se donne dans les questions pertinentes de l'époque telles que les médias les présentent. Les idées naissent et se répandent dans des cercles divers de la société dont Georg Simmel a montré combien leur diversité et leur plasticité étaient à la source de changements sociaux permanents et essentiel (Simmel, 1981, pp. 220-222) . Ainsi par exemple, Michel Hastings, auteur d'une grande thèse de science politique sur la culture du parti communiste, analyse-t-il les prises de position des dirigeants politiques locaux dans le rapport qu'ils entretiennent avec la construction des problèmes sociaux, des agenda politiques tels que les médias aux différentes échelles territoriales en assurent, mais en les transformant, la propagation. Un concept intéressant de l'écologie biologique est celui d' « affordance ». Tamara Leonova (2004) propose d'exporter ce concept en psychologie sociale. Dans notre domaine, nous aimerions pouvoir l'utiliser de façon peut-être métaphorique, mais plus extensive. Ainsi, toute représentation portée par un acteur du territoire peut présenter à l'attention d'un des membres associés au média territorial un charme, un attrait qui séduise tant qu'il le perçoive dans son originalité et qu'il ait envie de s'en saisir pour le transmettre, l'insérer dans une émission, un article, le transporter dans de nouveaux contextes, l'enrichir de nouvelles métaphores, l'incorporer à la culture du territoire, le métaboliser, et donner envie à d'autres de le reprendre à leur tour à leur compte. Une représentation ainsi transmise est munie d'une bonne affordance. Mais les membres d'un média participatif sont plus ou moins aptes à éprouver le charme d'une nouvelle apprise dans les communiqués d'une commune, d'un syndicat, d'une association, dans les bavardages du comice agricole, dans la visite d'une école. Tout l'art de la construction d'une équipe de média, dans le choix des animateurs des émissions de radio, des rédacteurs d'un journal, sera non seulement de s'attacher la collaboration de personnes maniant bien les codes spécifiques du média, mais des personnes capables de sentir dans le bois l'odeur du champignon ou de la fraise, dût -il fouiller un peu dans les herbes. L'affordance d'une représentation est son pouvoir d'attirer l'attention, mais pour le journaliste ou le bénévole du média, son affordance résidera dans sa capacité à faire venir l'information rare, à avoir suffisamment mérité la confiance de ses compagnons dans le territoire pour qu'ils lui proposent des sujets, qu'ils lui confient des informations, qu'ils demandent à être interrogés ou à présenter d'autres témoins au journaliste. Pour le média territorial dans son ensemble, son affordance sera sa capacité à agréger des ressources symboliques qui inciteront les acteurs du territoire à lui accorder leur attention, comme auditeur, lecteur, contributeur, invité, collaborateur, à lui accorder leur confiance. Confiance mais non sans le risque de la défiance, car, à l'inverse, l'image d'un média, sa réputation peuvent être dégradées et cesser d'attirer la confiance des contributeurs comme celle des lecteurs, auditeurs ou spectateurs. La contagion de la mauvaise réputation est tout aussi virulente, elle peut endommager durablement un média, et non seulement par le tarissement qu'elle provoque de ses sources, par l'éloignement de ses publics, mais par les effets de désagrégation qu'elle provoque à l'intérieur du groupe des producteurs d'information. Plus généralement un élément essentiel de la construction d'un média territorial est la construction entre ses membres et dans ses relations avec son environnement cognitif de relations de confiance et leur maintien au fil du temps (Newton, 2001). Indications bibliographiques section 1 Akrich, M., 1994, Comment sortir de la dichotomie technique/société. Présentation des diverses sociologies de la technique, In Latour, B.et Lemonnier, P., ed, De la préhistoire aux missiles balistiques : l'intelligence sociale des techniques, Paris, La Découverte, pp.105-131. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/08/17/33/PDF/94SocioTech.pdf Altheide David L (1995) An Ecology of Communication: Cultural Formats of Control. Aldine de Gruyter, New York Altheide David L. Creating Fear: News and the Construction of Crisis. Aldine de Gruyter, 2002, 223 pp Babe Robert E. 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La mondialisation en général et plus particulièrement celle de l'information (Wolton, 2003) ont donné une nouvelle actualité aux controverses sur la pertinence de la notion de territoire. Frédéric Giraut (2008) a dressé une importante bibliographie de ces débats sur la notion de territoire. Nous serons particulièrement attentifs à ce qui dans les différents champs d'interaction de réseaux sociaux donne une importance aux territoires, en ceci qu'ils peuvent être le lieu de construction de coopérations entre des acteurs ayant des caractéristiques et des réseaux personnels culturels et sociaux différents mais intéressés par l'évolution du territoire qu'il partagent. Avant d'aborder les questions posées par la globalisation dans la réévaluation de la notion de territoire, posons-nous la question, toujours renouvelée, de la définition même du territoire. On est bien dans l'espace, avec cette idée que, dans la définition repose la question des découpages, des frontières (finis en latin), et toutes les questions qui lui sont corrélées : quels sont les pouvoirs qui déterminent les limites, qui les gardent, qui les protègent ? Certaines limites territoriales sont fixées explicitement en regard de contraintes objectives. Dans les différentes institutions, politiques, économiques, culturelles, associatives, les découpages territoriaux sont assez divers. D'un pays à l'autre, et dans un même domaine d'activité, ces découpages territoriaux sont également assez diversifiés, même si on compare entre deux pays les découpages territoriaux qui s'appliquent dans un même champ d'activités. Nous proposons de distinguer quelques critères de découpage : – A : les territoires comme lieux de production d'objets et de prestations, techniques ou culturels. – B : les territoires comme lieux de diffusion d'objets, techniques ou culturels. – C : les territoires comme lieux où se dessinent des formes particulières d'interaction dans des réseaux entre les acteurs, des liens régulièrement renforcés, des itinéraires entre les acteurs régulièrement empruntés. – D : les territoires comme lieux de mémoire. Plus généralement, on trouve dans le territoire, pour les acteurs qui en reconnaissent les limites, le lieu où peuvent se déployer des « jeux », des actions régulées (Jean Daniel Raynaud) ou des « aventures », suites d'actions à l'issue inconnue mais auxquelles les acteurs qui s'y livrent prêtent un sens et une valeur (Simmel, 1925). Prenons quelques exemples de définitions de territoires pour éclairer le propos : – le découpage administratif de la France sur lequel nous vivons toujours peu ou prou, à la suite de débats de forte portée politique, sociale, économique et religieuse, a été fait dans les années qui ont suivi 1789, et la taille des départements était corrélée aux capacités qu'avaient les acteurs de se déplacer dans la journée aux confins des territoires (OzoufMarignier, 1986). – Les territoires politiques sont divers, de tailles très différentes, des plus petites communes aux plus grandes régions. Selon leur taille, ils sont les terrains de jeux et d'enjeux multiples, ouverts à des acteurs différents. Un débat politique récurrent est celui de la taille optimale aujourd'hui d'un territoire politique. Prenons un cas intéressant qui est celui de la circonscription électorale des élections législatives. Conformément à l'article 25 de la Constitution, ce territoire est délimité « par le code électoral à l’intérieur de chaque département, en fonction de l’importance de la population » . Alors que « Les députés sont investis d'un mandat national. Bien qu'élus dans une circonscription, chacun représente la Nation toute entière. » et que « selon le principe traditionnel que rappelle l'article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul » et que « les députés se déterminent librement dans l'exercice de leur mandat et ne sont juridiquement liés par aucun engagement», on a longtemps observé dans la plupart des partis politiques l'importance donnée par les élus à renforcer leur légitimité nationale par un mandat exécutif local. Dans les débats aujourd'hui en cours sur le cumul des mandats, il est proposé de réduire ces possibilités de cumuls, mais la logique de la légitimité territoriale reste puissante. Une des questions qui sont les plus intéressantes est aujourd'hui celle de la capacité des élus nationaux à se saisir de l'opinion de leurs électeurs dans le cadre de débats nationaux dans lesquels le poids des groupes d'influence et l'autorité des experts est le plus fort. Les décisions qui concernent des choix scientifiques, technologiques et industriels sont de ceux là et la question des formes d'intervention du politique est essentielle. Comment articuler heureusement le sérieux des délibération nationales avec les exigences démocratiques. C'est bien une des questions sur lesquelles on se reportera avec profit à la réflexion croisée de sociologues des sciences et de sociologues du droit et des science politiques (Callon et al. 2001) – les territoires des radios locales FM sont à la base ceux qui étaient définis par la puissance, dans une gamme d'ondes, des émetteurs. En 1981 et dans les années qui suivirent , le législateur avait voulu construire des radios locales émettant sur des territoires d'un rayon moyen d'une trentaine de kilomètres. Ce n'est qu'à partir de 1984 qu'apparurent de nouvelles règles du jeu dans la bande FM, permettant aux acteurs les plus puissants de se déployer sur des espaces nationaux avec des offres thématiques. Les radios associatives et certaines radios privées locales ont conservé depuis cette dimension de radios de territoires (Cheval, 1997). On observe depuis quelques années, malgré ou peut être du fait de la globalisation, un retour à la notion de territoire dans de nombreux domaines. Mais la notion en est transformée par rapport à ce qu'elle était jadis, dans les périodes des terroirs ruraux dont la fin a été si magistralement analysée par l'historien Eugen Weber (1983). Citons longuement les lignes que l'anthropologue Marc Abélès consacre à l'ouvrage de Weber car elles montrent bien comment des transformations sociologiques, économique et politiques fondamentales sont intervenues au tournant du XIXème et du XXème siècle à l'articulation des innovations dans les transports des marchandises et des idées et des transformations qu'elles infligeaient à la notion de terroir: « ...les premières années de la IIIe République, selon E. Weber, sont cruciales parce que s'y opère un véritable désenclavement des sociétés locales grâce à l'extension des réseaux routiers et ferroviaires. On peut certes penser cette mutation en termes de développement et de modernisation, mais on a sans doute plutôt affaire ici à la substitution d'une logique économique à une autre. En effet, avant cette époque, la circulation était intense, mais l'on se contentait d'échanger des produits entre localités proches : on ne voyageait pas. De plus, le chemin de fer consacre la disparition des formes de trafic usuelles : des professions comme celle des muletier, charretier, ouvrier du flot, s'éteignent. Enfin, c'est tout le tissu industriel local qui va péricliter : filage, tissage, extraction du minerai, charbon de bois, fonderies. L'intime liaison entre agriculture, artisanat et petite industrie qui caractérise la France des terroirs ne sera bientôt plus qu'un souvenir. » (Abélès, 1984). Depuis cette « fin des terroirs » dont on conserve encore des traces culturelles essentielles, les évolutions économiques mais surtout le développement des transports, et plus récemment celui des communications, transports de messages, développement des possibilités de coopération à distance, ont transformé et diversifié les usages et les représentations des territoires. Selon les types d'objets ou de services échangés, mais aussi selon les catégories sociales auxquelles chacun appartient, les dimensions des territoires peuvent être très différentes. Aujourd'hui, nous sommes encore, comme nous l'indiquions dans le contexte de production (A) et de diffusion (B) des objets et des idées, dans celui de la forme des réseaux (C) des humains et des choses et dans la mémoire des lieux (D), mais alors qu'autrefois se délitaient les anciens terroirs, que s'ébauchait la « France sans paysans » (Mendras), aujourd'hui dans un contexte de nouveau bouleversement technique des circulations des objets et des idées, émergent de nouvelles idées, de nouvelles pratiques des territoires. Reprenons la définition proposée par René Kahn (2007) « qui fait du territoire une construction d’acteurs qui partagent une culture du développement » Il nous faut situer cette interrogation sur les pratiques de communication locale dans le cadre de plusieurs lignes des évolutions globales de nos sociétés. Nous nous poserons la question de la place de nos médias locaux dans le cadre d'une globalisation des échanges économiques et culturels. Cette réflexion sera menée dans la perspective déjà présentée plus haut que des auteurs américains tout particulièrement ont nommé écologie des médias (Proulx, 2008, Postman, 2000 op. cit.). Postman et les auteurs qui se rattachent à ce courant de pensée font référence à des travaux plus anciens, ceux de Lewis Mumford, Jacques Ellul, Walter Benjamin ou Jack Goody. Ces auteurs montrent les corrélations importantes entre les évolutions techniques, les transformations des systèmes des objets et les mouvements culturels. L'évolution générale de nos sociétés pourra être notamment approchée à travers les travaux des sociologues Saskia Sassen, qui attire l'attention sur les relations entre la globalisation et le maintien d'une forte pertinence culturelle attachée aux territoires et Manuel Castells qui analyse magistralement l'intrication des réseaux sociaux à l'échelle mondiale. Nous posons la question de la définition de la communication et de la place que celle ci tient dans la culture et dans l'économie. Des auteurs comme Manuel Castells (2009) et John B. Thompson (1995) analysent à l'échelle mondiale l'importance du rôle des médias dans leur ensemble dans l'organisation des réseaux sociaux, dans la construction des représentations, dans la définition des agendas politiques, mais aussi dans les possibilités à l'échelle locale, de se situer personnellement face à une société mondialisée (Thompson, 2000). Des auteurs comme Ulf Hannerz (1992) et Richard Sennett (2007) nous proposent un cadre de réflexion utile à la compréhension des implications culturelles de ces évolutions. Pour fixer un cadre assez général d'observation de ces évolutions de la notion de territoire, et avant de rentrer dans l'examen des mouvements récents dans différents domaines, nous croyons pouvoir définir à gros traits les lignes de cette évolution :alors que les terroirs de l'ancienne société rurale française reflétaient une économie dans laquelle la majorité de la population vivait dans un espace d'échanges économiques restreints, l'expansion économique et les innovations techniques récentes ont permis une grande diversification des espaces d'interaction possibles des personnes et des groupes. Le territoire d'interaction, le lieu des jeux d'un grand patron ou d'un fonctionnaire international, celui d'un chercheur scientifique de renom, d'un homme politique, d'un artiste célèbre s'étend à toute la planète. Mais de plus en plus les réseaux sociaux s'élargissent donnant à un plus grand nombre de personnes la possibilité d'activer ces « liens faibles » dont un sociologue comme Granovetter (1973) a montré l'importance aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que les capacités matérielles et culturelles à circuler dans le monde, à entrer en interaction dans des territoires élargis est très inégalement répartie. On aboutit donc à un nouvel horizon de la définition des territoires, plus modeste, dans laquelle l'ancrage local est valorisé et qui sans exclure le maintien de réseaux plus larges doivent trouver les moyens de gagner en compacité, en convivialité. C'est « le retour possible des solidarités et des identités territoriales » qu'a pu observer, dans des enquêtes auprès des agriculteurs de la région de Redon le sociologue Ali Aït Abdelmalek (2003, p.8), qui voit dans ce renouveau de la notion de territoire un dépassement des premiers effets de la division du travail social telle qu'elle avait été analysée par Emile Durkheim. Ce retour à la valorisation des territoires géographiques est observé dans différents champs que nous allons maintenant explorer. 2.2 Territoires économiques : redécouverte du développement économique des territoires En quelques décennies, la mobilité des marchandises s'est fortement accrue à l'échelle de la planète, la mobilité des informations défie tous les contrôles politiques, la mobilité des hommes est au nœud de toutes les inégalités et de toutes les violences. De plus en plus, les groupes d'acteurs dans les territoires développent des gestes quotidiens de communications avec des partenaires qui peuvent être répartis dans toute la planète. Les cartes cognitives de chacun sont des cartes mondiales. Et chacun peut faire l'expérience autour de soi d'un paradoxe : il y a dans nos villes comme dans nos territoires ruraux une grande diversité de populations combinée à un usage de plus en plus répandu d'auxiliaires numériques de mémorisation et d'échanges, et en même temps l'image sensible de chacun des territoires pour chacun de ses habitants se brouille. D’un point de vue économique, le territoire est un espace physique borné « résultant d’un processus de construction sociale complexe et inscrit dans la longue période » (Pecqueur [1995], p. 3) L'économiste et géographe, prix Nobel Paul Krugman, (1993 notamment) a depuis de nombreuses années attiré l'attention sur l'importance des territoires dans les échanges économiques, et notamment sur la nécessité de prendre en considération l'ensemble des facteurs de production dans l'évaluation des performances économiques. On assiste aujourd'hui à la généralisation d'une réflexion sur la nécessité d'un équilibre économique territorial dans lequel une meilleure articulation entre les besoins et les productions de biens et de services puisse se faire. C'est dans ce cadre que la réflexion sur la production et la circulation de l'information locale prend son sens, dans un ensemble plus vaste que décrivent des auteurs comme J.B. Zimmermann ou Bernard Pecqueur : « ...il est nécessaire de comprendre comment les intérêts individuels peuvent concourir à l‘intérêt social des territoires, il est nécessaire que le développement local parvienne à mettre en complémentarité l‘intérêt général avec les intérêts individuels, les atouts des territoires et les stratégies des agents, par une meilleure insertion dans les contraintes économiques générales. Cette convergence d‘intérêt a ici une dimension économique et spatiale. Elle débouche dans l‘émergence d‘un intérêt collectif, collectivement construit et institué, en vue de la création de ressources nouvelles. »(J.B. Zimmermann et alii 2000 cité par Pecqueur, 2002 ). 2.3 Territoires politiques De longue date la question de la répartition des pouvoirs entre l'Etat et les collectivités territoriales est à l'agenda politique. Les débats de l'après guerre sur l'aménagement du territoire, le Plan, les relations entre Paris et ce qu'on a appelé « le désert français », puis les débats qui ont accompagné avant même les grandes lois de décentralisation de 1982 les découpages territoriaux en font largement foi. Dans le contexte de la construction européenne et de la globalisation de l'économie, la question des comparaisons internationales sur la taille, la puissance économique et politique des régions a été posée dès les débuts du développement des régions françaises. Plus récemment les débats sur la taille et l'organisation politique des grandes métropoles ont été menés, et là encore les comparaisons internationales ont été intensément pratiquées. A travers la mise en place de procédures politiques diverses comme la politique de la ville, de nouvelles formes de relations entre l'Etat et les territoires ont été mises en place dans les dernières décennies. Dans la suite des travaux fondateurs de Jean Pierre Worms (« le préfet et ses notables ») ou de Pierre Grémion (« le pouvoir périphérique ») qui analysaient l'articulation entre l'Etat représenté, dans le département et dans la région, par le corps préfectoral d'une part et les élus locaux d'autre part, des sociologues comme Pierre Lascoumes et Jean-Pierre Le Bourhis (1998) nous montrent comment la logique, intériorisée par les fonctionnaires, de la défense de l'intérêt général face aux particularités des territoires, trouve dans les périodes récentes une inflexion significative qui revalorise le territoire : « Un type d'action publique qui opère par la mise en place territoriale d'instruments de connaissance, de délibération et de décision peu finalisés a priori. Ces politiques procédurales contribuent à produire un « intérêt général » territorialisé» (op. cit. p. 39) Dans beaucoup de territoires, se reprend un récit professionnalisé des richesses patrimoniales du territoire. Est-il construit en direction des touristes, destiné à alimenter des commerces appelés, dans un nouveau partage mondial des richesses à renforcer l'attractivité de nos territoires ? Est-il destiné à attirer dans certains territoires des catégories sociales particulièrement attentives à la qualité de l'environnement culturel et qui en font un critère dans le choix d'un emploi ? Un concept forgé par le sociologue allemand classique Georg Simmel nous semble bien de nature à éclairer l'importance que peuvent revêtir les territoires dans la construction politique qui en est faite par les acteurs de ce champ, c'est le concept d' « aventure ». Nous y trouvons l'agencement, compris, partagé par un grand nombre d'acteurs d'éléments caractéristiques de lieux, de groupes, de périodes, et qui sont compris largement comme allant dans un sens compris de tous. Tous ces éléments sont élaborés ensemble dans un récit collectif qui agence dans le temps tous les éléments, les organise, les met en place dans la représentation partagée d'un développement commun . Est « aventure », d’abord, ce qui est ressenti comme tel « Si, de deux événements dont les contenus assignables ne sont pas très différents, l’un est ressenti comme “Aventure”, l’autre non, alors c’est cette différence de rapport au tout de notre vie qui fait que cette signification échoit à l’un et qu’elle se refuse à l’autre » (Simmel, 1959). Quand il s'agit de territoires, ce genre de représentations n'est pas sans danger, car il peut facilement conduire à la surestimation romantique d'un territoire et de ses habitants, à la mythification des lieux dans un récit à la Barrès et au rejet à la fois de tout autre territoire mais aussi de tout étranger qui dans le territoire même dérogerait au récit dominant. Isabelle Pailliart dans son important ouvrage de 1993 et dans de nombreux articles par la suite montre bien comment s'est développée dans les territoires, et dans le double contexte des combats politiques et de la mise en place de procédures diverses de jeu entre les différentes instances de la vie publique s'était développé tout un monde de la communication territoriale. Audelà des nouveaux développements, plus professionnels, plus coûteux, plus attirants pour les lecteurs, de la presse des collectivités, des services de communication importants se sont développés, dont les relations avec la presse quotidienne régionale, avec la presse magazine régionale, mais aussi avec le monde de l'audiovisuel est tout à fait passionnante. De cette reterritorialisation dans le monde global, d'un point de vue économique et d'un point de vue politique, on peut rapprocher l'évolution à long terme de la vie sociale, caractérisée notamment par la forte diminution du temps de travail au profit du temps de loisirs (Viard 2007) : « la diminution de près des deux tiers des heures travaillées dans les vies des hommes en un seul siècle. Il y a là une rupture fondatrice d'un nouvel art de vivre où le travail est à la fois plus réduit en durée et mieux réparti socialement. » (Viard p.6). Et ce nouvel art de vivre, s'il n'est pas confiné dans le territoire où habitent les gens, pousse néanmoins de plus en plus à construire des lieux où à la fois il fait bon vivre dans un quotidien aux dimensions multiples et où on a plaisir à attirer des amis, des connaissances venus d'ailleurs. 2.4 Territoires sensibles Les travaux anciens de géographes moins cités aujourd'hui comme Gaston Roupnel (Roupnel, 1932, Wahlen, 2001) ou Maximilien Sorre (Gilbert, 1950), ceux d'historiens importants comme Fernand Braudel, ceux d'historiens des sciences comme le père Lenoble, et la partie poétique des travaux de Gaston Bachelard, les travaux du sociologue Pierre Sansot montrent plusieurs choses essentielles : – A la campagne comme en milieu urbain, chacun perçoit des paysages, qui sont culturellement construits (Sansot), qui prennent sens dans un discours, qui sont baignés dans le langage (Bachelard, 1957). – Ces environnements mobilisent tous les sens et sont perçus de façons différentes par les habitants du territoires, selon des lois perceptives et mémorielles que les chercheurs en sciences cognitives, dans une démarche d'écologie des représentations héritée d'auteurs comme James Gibson ou Ulrich Neisser (1984) sont mieux armés aujourd'hui pour étudier. Le programme qu'avait développé le sociologue durkheimien Maurice Halbwachs dans son étude sur la Terre sainte comme territoire de récit, de perception et de mémoire, mobilisant tous les sens peut aujourd'hui être repris et bénéficier des avancées des chercheurs en neurosciences quand ils combinent en milieu naturel les connaissances nouvellement acquises sur l'articulation entre les sens. De nombreux auteurs (Claval, 1996) ont attiré l'attention sur les recompositions de l'image que se font les populations de leurs territoires, sur les causes de ces recompositions mais aussi sur les dangers qu'elles impliquent, ceux de raidissements autour d'icônes culturelles fétichisées, gros d'affrontements nouveaux. 2.5 Territoires cognitifs Apprendre, c'est percevoir de nouveaux éléments, de nouvelles formes, de nouvelles relations, les intégrer dans des connaissances déjà acquises en sachant que ces nouvelles acquisitions transforment l'agencement des connaissances préalables. Dans des réseaux territoriaux, une multitude de relations quotidiennes se font, par quartiers, dans l'environnement scolaire ou universitaire, dans l'entreprise, dans les réseaux des associations sportives, culturelles, sociales. Certains de ces réseaux s'étendent bien au delà du territoire. Les associations nationales ou internationales, les entreprises, les chambres consulaires, les partis politiques, les syndicats étendent leurs contact bien au delà du territoire, et ces relations lointaines sont l'occasion pour le territoire de s'approprier des connaissances nouvelles. Granovetter, dans un article de référence attirait l'attention sur ces « liens faibles » qui favorisent l'appropriation de ressources émanant de sources quelquefois tout à fait lointaines. On connaît aussi les travaux de Stanley Milgram sur « le petit monde » (Degenne, 2004) dans lesquels le fameux psycho-sociologue connu pour ses travaux sur l'autorité montrait que les liens entre deux personnes quelconques dans le monde entier passaient en moyenne par un nombre réduit d'intermédiaires, le premier connaissant personnellement un autre qui lui même en connaît un autre, qui... Or la force d'un média local , qu'elle partage partiellement avec les élus et les services des communes est qu'elle est potentiellement en relation avec tout individu et tout groupe de son territoire. Le média local a la capacité à se rapprocher de chacun des membres de la communauté locale, la légitimité à l'interroger, non seulement sur les informations pertinentes que la personne ou son groupe primaire d'appartenance détient, mais sur les relations les plus lointaines, pour peu qu'elles revêtent une pertinence pour le public localement. Mais il suffit souvent qu'une personne ou un groupe s'intéresse à un pays lointain, à une innovation technologique rare, à une création artistique inouïe et puisse en témoigner par elle-même pour que la légitimité à présenter localement l'information soit acquise. Le lien entre les nécessités cognitives d'ancrage de connaissance et la capacité des habitants d'un territoire à mobiliser des ressources rares hors du territoire donne à qui sait capitaliser ces ressources un rôle incomparable de passeur de mémoire, d'incubateur d'innovations. L'avantage du média territorial surtout si il a su préserver sa réputation d'indépendance vis à vis des pouvoirs politiques, économiques et religieux, est, quand on le compare aux capacités analogues que nous soulignions plus haut, qu'il n'est pas soupçonnable de chercher à manipuler la nouvelle information qu'il propose, le nouveau lien qu'il suggère, au bénéfice d'intérêts partiels. C'est dans cette perspective que se situe le sociologue Jean Pierre Jambes qui développe l'idée de « territoires apprenants » (Jambes, 2001, passim). 2.6 Identités personnelles et identités territoriales Comme nous l'avons vu, selon leurs capacités à agir, à mobiliser des ressources, à déployer une autorité, les territoires pratiques et sensibles des individus sont différents. Michael Burawoy ouvre sa conclusion d'un ouvrage collectif consacré à « l'ethnographie du global » sur une critique du célèbre sociologue Giddens, critique à la fois scientifique et adressée ad hominem (Burawoy, 334). Alors que Giddens (1999) dans des conférences prononcées pour la BBC vantait la société globalisée dans laquelle sa génération était la première à pouvoir déployer son action à l'échelle du monde, Burawoy relève que cet espace de liberté si largement ouvert à la grande autorité académique qui pouvait répandre ses analyses à travers le monde en les démultipliant par tous les médias de masse n'est pas ouvert au commun des mortels. Quelques éléments peuvent être mis au premier rang des analyses pour la compréhension des dynamiques territoriales d'aujourd'hui : – Partout les populations sont diverses et la diversité des territoires peut être l'occasion pour chacun de valoriser sa propre personne, d'enrichir son image de soi, sa « biographie ». Comme le montre bien Bernard Lahire, chaque individu est « pluriel », son père et sa mère peuvent provenir de région, de pays différents, avoir été élevés dans des langues différentes (Lahire 1998, Simmel 1925). Pour chacun, le territoire où il vit, territoire personnel témoignant de son identité, de ses souvenirs d'enfance, ou territoire d'élection, peut être un lieu qu'il a plaisir à faire visiter, à évoquer dans des correspondances. L'attention aux lieux de mémoire, la réhabilitation et le détournement choisi d'anciens lieux transformés pour d'autres fins – chaque territoire conserve et enrichit une identité propre. Les historiens et démographes Emmanuel Todd et Hervé le Bras ont montré comment la diversité des territoires en France prenait profondément racine dans des modèles familiaux ancestraux, souvent à l'insu même des personnes, dans un ancrage appuyé sur la langue, les traditions familiales, un patrimoine architectural et immatériel (Le Bras, Todd, 1981). Pour terminer reprenons la définition du territoire que propose René Kahn, « une construction d’acteurs qui partagent une culture du développement. » Toute la question quand on s'intéresse à la notion de territoire du point de vue de la circulation de l'information, de sa gestion, de sa sélection, de son appropriation dans les différents cercles d'acteurs est celle de la gouvernance qui a fait l'objet de travaux dont on retrouve un bon écho bibliographique dans l'article de spécialistes des territoires ruraux, Nathalie Bertrand et Patrick Moquay (2004). Il s'agit de bien comprendre l'articulation entre les acteurs de la société civile, les agences d'Etat, les collectivités territoriales et dans ces exercices les médias de proximité jouent un rôle qui peut être important. L'insertion d'une part de l'identité des acteurs dans l'identité de territoire est un enjeu essentiel qui doit être articulé avec l'évolution de l'identité des territoires qui, dans sa globalité, est une réalité mouvante et qui peut être préoccupante. Des recherches sociologiques classiques comme celles menées dans les années 1960 par John L. Scotson et Norbert Elias (Elias et Scotson, 1997) ont montré comment les fractures sociales, les violences entre groupes, ce qu'on a pu appeler le « racisme sans classe » sont des phénomènes toujours mouvants, susceptibles de se renouveler au fil des décennies. Les micro-territoires peuvent être le lieu privilégié de ces renaissances de ruptures sociales et culturelles. Et c'est aussi dans le cadre des territoires que les évolutions culturelles peuvent trouver à être accompagnées, infléchies, comprises, à travers des actions culturelles dont des auteurs comme A.J. Scot (1997) ont montré combien elles se déployaient préférentiellement aujourd'hui dans le cadre des villes. Cet enjeu de l'évolution culturelle des territoires va bien audelà de la question de l'offre locale de divertissements, elle touche aux racines de la vie commune, et quelles que soient les analyses que l'on puisse produire sur la portée de concepts développés dans les cadres des politiques sociales comme celui de « cohésion sociale » (qui est aujourd'hui en France le nom d'un ministère) (Donzelot, 2007), on se doit de prendre très au sérieux la question de la création continue, de l'évolution des représentations des territoires par et pour leurs habitants. Cette prise au sérieux de la dimension territoriale du vivre ensemble et du rôle des médias dans l'intégration des communautés doit beaucoup à une tradition sociologique américaine : Kasarda et Janowitz, discutant les théories précédentes de Tönnies, Wirth et Park qui liaient l'attachement à la communauté dans les sociétés de masse à des variables comme la taille de la population, sa densité ou l'ancienneté de l'installation des migrants, proposaient une théorie alternative qui voyait « la communauté locale comme un système complexe de réseaux d'amitié, de parenté ou d'associations dans lequel les nouvelles générations et les nouveaux résidents sont assimilés alors que la communauté évolue selon son propre cycle de vie ». (Kasarda et Janowitz 1974, p.328). Or Janowitz avait montré dès 1951 l'importance de la presse communautaire dans l'intégration des personnes d'origine étrangère dans les communautés locales. Nous développerons dans le chapitre sur les médias territoriaux l'étendue des fonctions que ces derniers peuvent remplir. Indications bibliographiques section 2 Ali Aït Abdelmalek, « Les formes de constructions identitaires modernes : entre territoire et profession. Étude sur le rôle des médiations institutionnelles et organisationnelles, volume 1 : Bilan des travaux ; volume 2 : Mémoire ; volume 3 : Recueil des articles et publications. », Ruralia [En ligne], 15 | 2004, http://ruralia.revues.org/1042 Abélès Marc E. Weber, La Fin des terroirs. La modernisation de la France rurale, 1870-1914 L'Homme 1984 Volume 24 N° 1 pp. 120-122 Bertrand Nathalie, Patrick Moquay La gouvernance locale, un retour à la proximité In: Économie rurale. 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Il est plus ou moins résolument saisi, plus ou moins efficacement mis en œuvre. A chaque époque, certains partent en avant. Les historiens de la pénétration de l'écriture dans la société ont amplement montré la lenteur et les formes diversifiées de pénétration de la culture écrite dans les sociétés et les formes terriblement conflictuelles qu'elles ont prises (Eisenstein, 1968 op. cit.). On sait que longtemps ont cohabité et se sont articulées les formes anciennes, orales, de transmission de la mémoire avec les formes produites par l'expansion de l'imprimerie. Plus récemment, qu'il s'agisse, à la fin des années 1970 d'engager le mouvement des radios libres ou plus récemment de construire des médias citoyens interactifs et interopérables sur l'internet, les moyens techniques permettent de recueillir les éléments de mémoires qui, recombinés, construisent des significations nouvelles. Ces significations sont ancrées dans la mémoire collective des sociétés, mais elles inventent de nouveaux récits, arpentent de nouveaux territoires. C'est ce double mouvement d'enracinement et de découverte que soulignait Maurice Halbwachs, le sociologue des mémoires collectives : « ...les croyances sociales, quelle que soit leur origine, ont un double caractère. Ce sont des traditions ou des souvenirs collectifs, mais ce sont aussi des idées ou des conventions qui résultent de la connaissance du présent. » (Halbwachs, 1925, p. 211) 3.1 Les trois cercles des personnes qui font vivre les médias associatifs Nous devons nous demander qui sont les acteurs qui mettent en œuvre ces médias locaux associatifs ou alternatifs : non seulement ceux qui animent au jour le jour une radio associative, un blog ou un journal d'information, une équipe de production et de diffusion de vidéo, mais aussi deux autres groupes d'acteurs, qui doivent absolument être décrits, ceux qui délivrent de l'information à ces médias, qui se font interviewer par les journalistes radio ou les blogueurs, les vidéastes, enfin ceux qui les écoutent, les lisent régulièrement. Il nous faudra utiliser le concept classique développé dans les débuts des études sur les médias par Katz et Lazarsfeld de « leaders d'opinions » (Katz, 1957 ; Katz, 1987). Une partie des acteurs, plus intéressés par les médias, plus entraînés à leur usage agissent dans leurs environnements comme propagateurs des informations, comme prescripteurs de nouveaux usages. Everett Rodgers (1962) avait développé dans la même perspective une théorie très célèbre de l'innovation. Dans les contextes récents marqués par l'essor des médias interactifs, les outils techniques de ces phénomènes à deux niveaux se sont généralisés (Kiousi 2002). Les leaders d'opinion déploient un « capital social » (Bourdieu, 1980 ; Adler, 2002), ensemble de puissances d'influence qui leur viennent non seulement du maniement de langages et d'outils, à la fois pour leurs usages et pour les signes qu'ils recèlent, mais de leur appartenance à des cercles qui les autorisent. Sur la notion de cercle, développée à l'origine par Georg Simmel puis beaucoup utilisé en sociologie économique par des auteurs comme Granovetter, on renverra à un article récent de Michel Grossetti et Marie-Pierre Bès (2003). Rappelons la définition que donne Bourdieu du capital social (1980, p. 2) : « le capital social est l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’intercommunications et d’interconnaissances ; ou, en d’autres mots qui sont liées à l’appartenance à un groupe comme ensemble d’agents qui ne sont pas dotés de propriétés communes mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et utiles. » Les trois cercles, concentriques, ne sont pas homogènes certes, mais l'analyse non seulement des bénévoles des médias associatifs, mais aussi de ceux qui prennent régulièrement la parole dans ces médias et de leur public le plus fidèle reste à développer. Dans les trois groupes, on peut dégager quelques tendances. 3.2 Un grand partage des savoirs et des savoir-faire et un déficit de pouvoir et de reconnaissance sociale. Certaines évolutions globales de nos sociétés produisent des groupes sociaux dont les représentations et les pratiques favorisent la mise en place de processus nouveaux. En France et dans le monde, un très grand nombre de personnes sont aujourd'hui en capacité de produire des œuvres intellectuelles et artistiques sans pour autant bénéficier des places sociales auxquelles leur éducation les avait autorisées à aspirer. Le phénomène n'est pas nouveau, mais les possibilités de prise de parole et d 'échange, de reconnaissance des auteurs se sont développées. On se référera à un court texte de Vincent de Gauléjac qui propose cette notion de « place sociale », armé d'une réflexion au long cours aux confins de la sociologie, de la psychologie et des études sur le travail social. Il s'agit d'honneur, d'émotions, d'attentes déçues. On doit à un auteur comme Narciso Pizarro l'inscription de cette notion de « place sociale » dans le cadre d'une analyse de réseaux sociaux classique qui peut ouvrir à une importante réflexion sur la distribution inégale des capacités à faire valoir ses talents. Robert Darnton, grand éveilleur de connaissance des Français sur eux-mêmes, leur culture, leurs traditions, leur impensé incorporé, a attiré l'attention des historiens sur l'importance au XVIIIème siècle en France de ces très nombreux libelles, pamphlets, écrits foisonnants, souvent médiocres ou mal fondés mais qui ont eu une influence importante sur l'évolution des idées, même si l'histoire n'a retenu que les noms les plus prestigieux parmi les hommes de plume d'alors, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot, les Encyclopédistes. Il montre comment s'était constituée une large couche de lettrés, aspirant à des postes et des fonctions que la société ne leur a pas offerts, et qui étaient placés devant la nécessité conjointe de subsister économiquement et de faire bonne figure dans le champ des idées et de la société où leur éducation les avait préparés à entrer. Ce mouvement peut être rapproché de l'existence alors, particulièrement en France, d'une large population de personnes ayant acquis un niveau élevé de compétence et qui ne trouvaient pas à s'employer professionnellement. Christopher Newfield analyse dans les récentes évolutions de l'enseignement et du marché de l'emploi aux Etats-Unis un mouvement analogue. Dans la plupart des université américaines (dont il ne faut pas confondre la grande masse des effectifs avec celle des prestigieux établissements de l' Ivy league) sont formés, quelquefois d'une façon sommaire un grand nombre d'étudiants qui ne trouvent pas toujours sur le marché du travail des emplois à la hauteur de leur qualification. Le motvalise « pronétariat », employé dans un récent ouvrage par Joël de Rosnay et Carlo Revelli véhicule la même idée. Une large couche des populations dans beaucoup de pays, et pas seulement dans les pays développés se trouve dans cette situation : un haut niveau d'études, des compétences dans le maniement quelquefois très sophistiqué d'outils de communication numériques, et le sentiment partagé d'une capacité à faire entendre sa voix dans une large palette de questions sociales, culturelles et politiques présentes dans les agendas construits par les médias dominants. Or, commentant le travail de Joël de Rosnay, Clémence Pène en restitue un point essentiel : les cadres donnés aujourd'hui aux internautes compétents et doués ouvrent à ces derniers la possibilité de s'engager à peine perdue dans la création de valeur pour autrui : « Dans tous les exemples que donne l'auteur de modèles économiques fondés sur la coopération consentie et gratuite (Ebay, Skype, Meetic), le travail de l'internaute, ou si l'on veut, du pronétaire, contribue à la concentration capitalistique et à la création de valeur pour les propriétaires des sites. Le partage de l'initiative, le contre-pouvoir des pronétaires ne provoquent pas une redistribution juste. » (Pène, 2007) Ces couches importantes de la population sont aujourd'hui en capacité de s'installer dans le monde numérique et d'y occuper des places diversifiées, dans des positions d'émetteur comme de récepteur. Les capacités d'attention, de reformulation, de mémorisation, de création peuvent être considérablement améliorées dans des environnements dans lesquels l'apprentissage peut se faire en situation d'interaction, quand la perception d'une connaissance nouvelle peut rapidement être confrontée à un corpus de connaissances déjà assimilées et en même temps reformulée dans un projet de récit dont on sait qu'il peut être rapidement mis en œuvre dans la réalité. On rejoint les analyses classiques de Maurice Halbwachs (1925) sur les cadres sociaux de la mémoire, selon lesquelles parmi les éléments nouveaux qui se présentent dans le flux de la vie sociale, sont découpés, sélectionnés, mémorisés ceux qui font sens dans la culture de l'individu. On n'assimilera pas à l'évidence les trois cercle des personnes les plus directement impliqués dans l'accès aux médias associatifs aux personnes qui sont confrontées à une rupture entre leurs attentes et leurs statuts, mais nous voulions souligner la force des capacités collectives engendrées dans notre monde par l'appropriation des outils les plus sophistiqués de la communication par un nombre de personnes jouissant d'un niveau de connaissances élevé, parmi lesquelles beaucoup sont en mal de reconnaissance sociale. Plus généralement ces capacités à s'emparer des questions culturelles et sociales les plus diverses en d'en faire les thèmes d'échanges médiatiques s'inscrit dans cette caractéristique anthropologique essentielle qui est celle de la propension à l'échange, à l'empathie, à l'exercice de la curiosité pour le point de vue de l'autre, pour la confrontation des idées. C'est dans ce sens que travaillent des chercheurs engagés aux frontières des neurosciences, des sciences du langage et de l'anthropologie comme John Tooby et Leda Cosmides engagés dans « un programme de recherche expérimental mené depuis huit ans et qui explore l'hypothèse que l'esprit humain contient des algorithmes (mécanismes spécialisés) conçus pour raisonner sur l'échange social. » (1992, p.164). Les nombreux travaux menés depuis lors sur les bases neuronales de l'empathie et sur l'importance de l'empathie dans l'évolution des sociétés vont dans le même sens. On trouvera dans l'ouvrage récemment traduit en français de Jeremy Rifkin (2011) un très large tour d'horizon bibliographique sur ces questions, puisé aux meilleures sources de disciplines diverses. Dans les renforcements contemporains des capacités à prendre la parole, à la fois en terme de pertinence des contenus et en termes d'usage des moyens de communication conduit déjà, et pourrait conduire plus encore à ces formes de prise de parole efficace dont Albert O. Hirschman analysait le jeu, présenté en contraste avec celui de la défection et celui de la loyauté, y voyant un élément important dans l'analyse de l'émergence des mouvements sociaux. Indications bibliographiques section 3 Adler PS Social Capital : prospects for a new concept Academy of management review, 2002 http://www.csee.wvu.edu/~xinl/library/papers/social/social_capital.pdf Benjamin, Walter The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction, 1936 http://dxarts.washington.edu/coupe/wk1/benjamin.pdf Bourdieu Pierre. Le capital social. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 31, janvier 1980. 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Disponible en texte intégral sur le web http://www.pronetaire.com/les_auteurs/ SECTION 4 LES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DANS LES MÉDIAS DE COMMUNICATION SOCIALE DE PROXIMITÉ : ÉTHIQUE ET TECHNIQUE Le grand sociologue Max Weber appelait de ses vœux une sociologie de la presse Il l'annonçait dans l'enceinte académique prestigieuse des premières assises de la sociologie allemande en 1910 : « le premier des sujets que notre société juge propres à subir un traitement purement scientifique, c'est une sociologie de la presse. » (Weber, 1910, p.101). Il développait ce que les chercheurs contemporains analysent aujourd'hui encore avec la plus grande attention : l'influence essentielle de la presse dans la façon dont « l'homme moderne « perçoit le monde » : « La presse engendre incontestablement des modifications massives des habitudes de lecture et, par conséquent, une modification massive de l'homme moderne et de sa façon de percevoir le monde extérieur». (Weber, 1910, pp. 107-108) . Si on veut être fidèle à la réalité dans l'analyse professionnelle des acteurs du premier cercle des médias associatifs, nous devons convenir que ceux qui font vivre au jour le jour ces médias, sont dans leur grande majorité des non professionnels et pour une proportion encore plus grande, ils ne sont pas des journalistes. Cependant la plupart des membres de ces associations « font profession » d'informer et sont soumis, par leur activité publique même, à la fois aux lois en vigueur mais aussi aux jugements qui sont ceux auxquels sont soumis les professionnels de l'information. De plus, par de nombreux biais qu'il convient d'analyser, la profession de journaliste impose ses normes, ses modèles, ses valeurs aux animateurs des radios, aux vidéastes, aux rédacteurs des sites d'information. Nous serons donc attentifs dans ce chapitre aux évolutions de la profession de journaliste et aux liens que ces évolutions entretiennent, d'une part aux évolutions techniques des pratiques de tous les acteurs de la chaîne de l'information telles que la révolution numérique les a précipitées, mais aussi aux évolutions professionnelles quelquefois plus anciennes qui ont transformé, depuis plusieurs décennies, cette profession. Observons néanmoins qu'il existe une diversité de fonctions dans ces associations que représentent les médias territoriaux. Ces fonctions sont occupées, dans une division du travail plus ou moins consolidée, plus ou moins perçue, plus ou moins fluctuante, par des bénévoles ou par des salariés aux statuts relativement peu structurés. Dans ce chapitre, nous donnerons pour commencer quelques éléments de référence sur la sociologie des professions, dans ses dimensions pertinentes, celle des relations professionnelles, sur le plan juridique, sur le plan des relations entre syndicats patronaux et syndicats de salariés, les plans du dialogue social. Nous serons également attentifs aux images que se font les acteurs de la division du travail, de la noblesse plus ou moins grande des tâches, des modalités de la coopération entre les porteurs des différents savoir-faire, entre les bénévoles et les professionnels, mais aussi, quand des coopérations se font entre des praticiens de la radio ou de la vidéo et des praticiens d'autres mondes, des enseignants, des comédiens, des travailleurs sociaux ….La construction en effet d'un plateau audiovisuel dans le cadre des activités d'un centre social ou d'une maison des jeunes et de la culture, d'une classe de collège ou d'école maternelle, d'un centre de planning familial ou d'un salon professionnel, d'un marché forain ou d'une compétition sportive implique des définitions de cadres de situations (Goffman, 1991). Dans ces cadrages, des confrontations de schémas de travail, de vocabulaires spécialisés, de hiérarchies professionnelles peuvent être plus ou moins difficiles. Nous serons attentifs aux contractions que révèlent dans les médias de communication sociale de proximité à la fois les ambitions, pas toujours compatibles, des acteurs, les moyens financiers, souvent insuffisants, qu'ils parviennent à rassembler, l'ensemble des conditions, politiques, économiques, juridiques qui sont celles de ces médias. Elles placent les journalistes, mais aussi les autres professionnels de ces structures, et les bénévoles qui y coopèrent devant une double injonction, qui n'est pas obligatoirement paradoxale, mais qui oblige, pour s'y soumettre avec bonheur, à bien de l'inventivité. D'un côté, les médias doivent faire la preuve, vis à vis de leurs propres membres, mais aussi des personnes et des groupes qui risquent dans leur commerce leur réputation en acceptant d'y être invités, et vis à vis de leur public, d'une qualité de production qu'on attache généralement aux techniques et aux valeurs des professions de la presse. D'un autre côté, ils doivent faire la démonstration d'une proximité avec leur public populaire, non seulement dans les préoccupations mais dans les formes d'expression. Or les auteurs comme Chris Atton (2008) qui ont travaillé sur les médias alternatifs, montrent bien qu'une part importante des motivations des promoteurs de ces médias alternatifs vient du rejet qu'ils témoignent aux médias dominants, non seulement à travers l'inféodation qui est la leur aux intérêts politiques et économiques des classes dominantes, mais à travers l'habitus de classe qui transpire de leurs paroles ou de leurs écrits 4.1 Un potentiel d'emploi important dans les médias de communication sociale de proximité Parmi les médias de communication sociale de proximité en France, bien qu'on ne dispose pas de données chiffrées générales, faute précisément d'une définition univoque des contours de l'objet, qui fait précisément partie des questions que nous soulevons dans ce travail, le secteur le plus structuré est celui des radios associatives. L'Institut Européen d'Informations et de Conjonctures Professionnelles (IEICP) a publié en 2010 un « Rapport de branche 2008 des radios privées », réalisé à la demande de l'APAR (Association Patronale de la Radiodiffusion privée) dont fait partie le SNRL. Ont été exclues de l'étude les radios publiques, et les trois radios généralistes de catégorie E qui ne font pas partie du champ de la convention collective de la radio privée, ainsi que les radios qui n'ont employé aucun salarié en 2008. Selon ce rapport, le premier du genre, sur le plan national, le secteur des radios associatives emploie « 2820 salariés, dont 270 journalistes professionnels et génère 63,1 M € de chiffre d'affaires » Les radios associatives ne sont qu'une partie du secteur plus général des radios privées, qui ellesmêmes coexistent avec les radios publiques. Il est nécessaire,dans ce secteur particulier des radios de préciser qu'elles sont classées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, dans plusieurs catégories : « la catégorie A est celle des radios associatives (550 radios) (rappelons que l'enquête date de 2008, aujourd'hui le nombre des radios associatives a augmenté, il a dépassé le nombre de 80 en 2011 dans la région Rhône-Alpes) la catégorie B est celle des radios commerciales indépendantes sur les territoires (180 radios) la catégorie C comprend les radios affiliées ou abonnées à des réseaux thématiques à vocation nationale la catégorie D comprend les réseaux à vocation nationale. (45 radios au total pour les catégories C et D) ». Le rapport de l'IEICP montre une répartition de l'emploi dans les radios privées françaises qui en fait un secteur économique qui ne doit pas être négligé : « L'emploi dans ce secteur représente au 31 décembre 2008 la ventilation suivante : – catégorie A 2100 salariés – catégorie B 1600 salariés – catégorie C et D 1600 salariés » « 94% des employeurs de la radio privée sont des services de catégories A et B, 6% relèvent des catégories C et D. 87% des radios emploient entre 1 et 9 salariés, 8% entre 10 et 19, et 5% plus de 50. » « Le rapport de branche donne de nombreuses indications sur les filières, la répartition hommes – femmes, l'âge et l'ancienneté, la mobilité, la formation, l'emploi des handicapés, la masse salariale et les rémunérations moyennes. » Ce premier rapport de branche, né notamment d'une volonté partagée par le SIRTI et le SNRL de mieux connaître l'emploi dans la branche qui est la leur afin de mieux mener sa politique sociale et de favoriser la reconnaissance par les pouvoirs publics de son secteur, devrait pouvoir être complété par des travaux qualitatifs qui, notamment dans le monde des radios associatives, permettraient de mieux connaître la nature des dynamiques d'emploi, et les relations entre les professionnels et les bénévoles dans ce contexte. De telles recherches pourraient être envisagées dans deux cadres complémentaires. Le premier est celui de l'Economie sociale et solidaire, à laquelle appartiennent l'ensemble des médias de communication sociale de proximité et qui présentent des homologies intéressantes entre les secteurs : formation et évolutions des professions, évolutions techniques, évolution des demandes ici des usagers, là des auditeurs ou des lecteurs, possibilités de carrières, voire de passages dans le cadre des carrières des professionnels d'une branche de l'économie sociale à une autre... Le deuxième peut être celui des recherches sur la radio voire des recherches sur les médias. Les radios associatives et l'ensemble des médias de communication sociale de proximité ont intérêt à travailler en liaison avec les enseignants et les chercheurs de différentes disciplines. En effet, la multiplicité de leurs pratiques et la nécessité de les ajuster de façon innovatrice dans des champs sociaux divers rendent pertinente la collaboration avec des chercheurs de différentes disciplines. Sur le plan national, une relation est amorcée avec une association de recherche portant sur la radio, le GRER. Le GRER,«(Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio)a été fondé avec pour but d’aider à la connaissance, la reconnaissance et au développement des études radiophoniques en France. Créé, de manière informelle, à Bordeaux en 1998, le GRER, depuis octobre 2005, est une association française et plus largement francophone, ouverte à l’adhésion de tous ceux qui partagent ses objets et projets. Elle regroupe des universitaires, des étudiants et des professionnels de la radio et de nombreux jeunes chercheurs, organisés sur des thématiques particulières de travail. En 2011, le GRER comptait 83 membres. L’association a pour but le développement et la valorisation de la recherche, des études scientifiques et diverses, les mises en œuvre de pratiques novatrices autour de la radiodiffusion. Elle a pour vocation de rassembler les personnes physiques ou morales engagées dans la recherche sur la radio, qu’il s’agisse de recherches fondamentales ou appliquées. En alliant recherches théoriques et pratiques, en s’intéressant tant aux structures, à l’environnement, aux contenus, à la pratique et à la création radiophoniques, qu’aux publics et à la réception, le GRER souhaite être un lieu de réflexions, dans des dimensions prospectives, sur la réalité actuelle et l’avenir de la radio, sur les problématiques et enjeux de ce média. » (extraits de la présentation du GRER sur le site de l'association). Parmi les adhérents du GRER figurent plusieurs membres de radios associatives intéressés par la recherche et par la formation mais aussi , à titre collectif, le SNRL. Le GRER est associé régulièrement à des initiatives innovatrices comme le « festival de la création sonore et radiophonique indépendante » SONOR organisé chaque année à Nantes. Il organise régulièrement des congrès internationaux qui permettent de comprendre l'évolution du média radiophonique dans tous ses aspects, qu'il s'agisse des nouvelles formes techniques et institutionnelles, comme le développement de la radio numérique (2009 à Paris), ou des formes que prennent les productions radiophoniques (Louvain la Neuve, 2011). Ses séminaires annuels permettent de mieux analyser les nouvelles pratiques dans le champ de la radio comme le développement récent des web-radios (Tours, 2012) ou de mieux comprendre le travail des ateliers radiophoniques en milieu scolaire (Saint Denis, 2010). Le Grer articule ses travaux avec ceux d'autres associations et société savantes comme l' Association européenne de recherche sur la communication et l'éducation (ECREA). Le Grer n'est pas structuré sur le plan régional, mais à suivre ses travaux, les radios associatives de notre région peuvent à la fois trouver à mieux maîtriser leurs pratiques, à être plus en éveil sur les innovations possibles et à développer des partenariats utiles. 4.2 Les sociologies des professions, professions libérales, professions artistiques, professions sociales : les spécificités de la profession de journaliste Bien qu'il n'existe pas, comme pour les médecins ou pour les avocats, un conseil de l'ordre chargé de faire respecter l'éthique professionnelle du métier, on peut considérer les journalistes comme appartenant à une profession au sens que donnent à ce mot les sociologues des professions (Freidson et al. 1986). On sera attentif à la distinction opérée par Freidson et ses collègues entre les professions liées à un exercice libéral dans lesquelles la réputation des membres du corps est corrélée avec leurs intérêts économiques et les professions artistiques. Dans le cas de ces professions, autour de la notion d'œuvre, c'est le geste créateur, la protection des objets du travail et de leur valeur plus que le service rendu qui sont mis en avant. On a pu étendre la réflexion des sociologues des professions aux professions sociales, dans lesquelles une notion de responsabilité éthique vis à vis des usagers, à l'instar des responsabilités des membres des professions médicales vis à vis des patients prennent une grande importance. Dans les médias associatifs, alternatifs ou participatifs autant que dans la presse commerciale, mais par des mécanismes de contrôle social peut être encore plus complexes, ce sont les différents aspects de la valeur des actes et des produits du travail professionnel qui peuvent faire l'objet d'observations, de conversations, de controverses. 4.3 la profession de journaliste : des manières de faire Les écrits sont innombrables, qui décrivent, prescrivent, proscrivent, les actes des journalistes. Nous n'en retiendrons dans ce travail que quelques éléments qui conviennent à notre projet : comment choisir, parmi les fondements de cette profession, belle et exposée au risque de l'avilissement, ce qui doit être conservé comme un trésor à partager avec celles et ceux qui veulent dire et discuter le monde armés de leur média local, qu'ils soient salariés ou bénévoles, nouveaux venus ou anciens, gens de paroles ou gens d'expériences. 4.2.1. Nous resterons dans la perspective d'une écologie des médias (Badillo, 2008) : si on met ensemble tous les acteurs de la société de l'information et de la communication d'aujourd'hui, les médias de territoires, leurs journalistes, les autres acteurs qui font le média, les personnes interrogées par ces médias et leurs auditeurs, lecteurs, spectateurs sont tous impliqués dans des ensembles de représentations qui à la fois donnent sens à leur action, la légitime, mais en même temps l'enferment, la limitent. C'est ce cadrage qui pèse sur la profession de journaliste et que désignait Pierre Bourdieu alors même qu'il s'engageait à la présidence du centre de recherche de l'Ecole Supérieure de Journalisme de Lille (Bourdieu, 1996) : « Une des propriétés les plus importantes du jeu journalistique réside dans sa faible autonomie - en comparaison, par exemple, avec le champ scientifique - c'est-à-dire dans le fait qu'il est fortement soumis à des contraintes externes comme celles que font peser, directement ou indirectement, les annonceurs, les sources et aussi la politique. » Qu'ils soient issus de cursus de formations de journalistes ou qu'ils aient reçu une formation dans les centres de formation continue professionnels, comme c'est le cas de beaucoup des journalistes des radios associatives notamment, ou qu'ils se soient eux mêmes formés à travers la pratique, les journalistes des médias de proximité ne peuvent pas vraiment échapper aux règles du métier. Ils sont en effet soumis à de très nombreux exercices de comparaisons, de la part des autres journalistes rencontrés sur le terrain, des professionnels de la communication, des différentes catégories de personnes qu'ils interrogent pour leur média, mais aussi de leurs publics. S'il leur est toujours possible de faire état des spécificités de la position de leur média ou de leur position personnelle, aussi bien sur le plan d'un engagement politique de critique des médias dominants que sur le plan des pratiques spécifiques que souhaite développer un média de proximité, plus de temps ou d'espace dévolu à la parole des sans grades, il n'en reste pas moins que chaque geste, chaque parole est insérée dans le cadre plus général d'un système de presse dont ils ne sont qu'une simple composante. Percevoir, transformer, classer, mémoriser, présenter l'information Parmi les qualités professionnelles attendues d'un journaliste et travaillées au cours de la formation, il y a la capacité à se constituer, dans le champ de sa compétence spécifique (l'espace politique, le fait divers, la vie quotidienne, le sport, la culture, tel ou tel style de musique...) une base de connaissances qui lui permette : – d'intégrer, de catégoriser, de classer des connaissances nouvelles, d'apprécier leur pertinence, de savoir bien-entendu vérifier les informations, les recouper, les contextualiser, les utiliser ou non selon qu'elles sont publiques ou réservées – de garder la face (Goffman, 1974) dans des interactions avec les acteurs de son champ de compétence – de construire un papier, un schéma d'interview, un conducteur d'émission comme on construit un récit, en intégrant dans une progression des éléments séparés, et dans ce récit, savoir relancer avec pertinence l'attention du public Dans ce travail de perception, de classement et de montage entrent des talents, des instruments de travail, individuels ou collectifs, mais aussi des formules, des routines, apprises en formation et peu à peu incorporées. Dans le cas des journalistes des médias locaux, l'art que doit déployer le salarié se double d'un travail toujours renouvelé d'animation d'une équipe de bénévoles qui dans les domaines qu'ils suivent, doivent eux aussi faire preuve des compétences sous peine d'abîmer la crédibilité du média. Gagner et conserver la confiance d'un grand nombre d'acteurs dans son domaine Quel que soit le domaine dans lequel exerce un journaliste, il lui faut constituer un réseau d'informateurs très divers, à qui il puisse faire confiance et qui lui fassent confiance. Si une grande partie des sources des journalistes provient des dossiers de presse, des dépêches, des conférences de presse, de la reprise des informations provenant d'autres médias, ce qui fait la réputation d'un journaliste est sa capacité à nouer à long terme des relations de confiance avec un nombre important de personnes qui peuvent soit lui proposer des informations inédites, soit lui permettre de mieux apprécier la pertinence d'une information accessible mais qui mérite d'être mise en valeur, éclaircie, contextualisée. Jean Charon (1995), présentant la théorie de l' « agenda setting » montre bien comment aussi bien dans le découpage des sujets (« agenda des quoi ») que dans la recherche des interlocuteurs appropriés à la recherche d'une information ou à la recherche d'un éclairage pertinent (« agenda des qui ») le talent d'un journaliste consiste à se constituer un tissu large et solide de contacts composés de personnes fiables et compétentes dans des domaines qu'il a lui-même cartographiés avec pertinence. Et il est nécessaire bien-entendu que ces personnes aient confiance en lui, en sa capacité à comprendre et à formuler fidèlement leur propos, à distinguer dans une conversation ce qui peut être publié et ce qui ne doit pas l'être. Sur cette dernière question de la relation du journaliste avec ses sources, on renverra aussi au travail déjà ancien de Gans puis à celui de Schlesinger. 4.4 La profession de journaliste : une éthique Dans son adresse aux chercheurs et aux enseignants et étudiants de l'une des plus grandes écoles de journalisme de langue française, Pierre Bourdieu soulignait la difficulté qu'éprouvent les journalistes, et par leur position même, quelle que soit la qualité de leurs intentions à exercer leur métier sans se départir de l'éthique qui avait pu fonder leur engagement originel, et, tout en reconnaissant la qualité de cadres tels que ceux dont nous avons esquissé ci-dessus quelques lignes, il jetait les fondements d'un programme, d'un combat : « comment renforcer les contraintes que l'on peut appeler "vertueuses", c'est-à-dire celles qui poussent à la vertu, et comment affaiblir, en les débusquant pour les contrecarrer, les contraintes "vicieuses", c'est-à-dire celles qui poussent à la faute ou à l'erreur ? » (Bourdieu, 1996) Des auteurs comme Daniel Cornu (1994) cherchent dans le métier, ses organisations professionnelles, les éléments d'un avènement de l'éthique, de la recherche de la vérité par dessus les pressions. Il analyse les difficultés éprouvées à la mise en place d'instances déontologiques internationales (1998). C'est une démarche à l'inverse, qui part des mouvements populaires que décrit Chris Atton (2008). Celui ci présente la presse alternative comme un outil privilégié d' « empowerment » pour les personnes et les groupes appartenant aux classes populaires. Et c'est précisément par la possibilité que ces médias offrent aux personnes ordinaires « de raconter leurs propres histoires sans l'éducation formelle ou l'expertise et le statut professionnels de journalistes de la presse dominante. » (op. cit. p.213). La présence aujourd'hui d'une culture largement partagée de l'événement, des conditions de sa présentation, de la critique nécessaire des médias, malgré la lourdeur de la tâche, donne à espérer qu'un travail de recherche d'une éthique de la presse plus exigeante, d'une recherche de la vérité plus opiniâtre et plus courageuse peut se poursuivre. Il repose à la fois sur des professionnels aguerris, sur certains médias libres et sur des aspirations populaires. Le développement de médias au plus près des territoires peut contribuer à cela. Mais là comme partout, et plus encore peut-être, il faut veiller aux « contraintes vicieuses » tant il est vrai, comme le soulignait notamment Jean François Tétu (2008), analysant le mouvement américain du « public journalism » que la proximité spatiale entre l'équipe de journalistes et ses sources est bien loin de garantir l'imperméabilité aux pressions et la recherche sereine de la vérité. 4.5. Les changements contemporains dans le journalisme L'évolution récente de la presse fragilise le métier de journaliste. Le processus était entamé avant même l'envahissement du secteur par les nouveaux médias électroniques. C'est ce que Patrick Champagne (2000) appelle « le journalisme à l'économie », mêlant dans son titre le faisceau des causes économiques à l'analyse sociologique de la précarisation d'une profession. Nous devons réfléchir à l'évolution des pratiques professionnelles du journalisme, dans ses méthodes, dans son éthique, dans les découpages traditionnels entre les secteurs de la presse écrite et de la presse audio-visuelle, dans les formations initiales et continues de ce secteur. Les mouvements en cours dans ces professions dépassent le monde du journalisme alternatif, mais les mouvement globaux affectent le journalisme alternatif et les pratiques du journalisme alternatif contribuent à la transformation globale du métier. Yannick Estienne (2007), après une longue enquête sur les pratiques journalistiques dans les médias spécifiques de l'internet ou dans la presse traditionnelle augmentée d'une version numérique a montré combien il était difficile aux professionnels de ce secteur nouveau de faire respecter les droits sociaux voire les droits intellectuels acquis par la profession. Il montre aussi l'influence dans les représentations que ce font ces journalistes que revêt le sentiment qu'ils ont de faire partie d'un groupe de pionniers, sentiment qui peut aller jusqu'à faire accepter des conditions de travail difficiles. D'une façon très générale, la numérisation et l'internet ont conduit à des transformations dans les pratiques des journalistes mais aussi dans leurs représentations de leur métier et dans les relations des journalistes non seulement avec le public mais avec leurs sources. L'usage de plus en plus répandu des possibilités offertes par le numérique dans les médias de territoire, articulé avec la précarité croissante du métier de journaliste, et surtout dans ces nouvelles pratiques numériques conduit à des relations nouvelles entre les différents secteurs. 4.6. Les métiers de la parole et le journalisme : enseignement, animation, expertise, travail social Comme nous l'avons vu, le métier de journaliste, même s'il ne constitue pas quantitativement le principal des métiers pratiqués dans les radios et dans les autres médias de communication sociale de proximité, impose certaines de ses pratiques et de ses normes non seulement aux autres salariés des médias de communication sociale de proximité, mais au delà aux cercles des bénévoles qui sont impliqués dans ces médias. Une réflexion a été entamée parmi les associations de radios et de médias participatifs sur les compétences nécessaires aussi bien des salariés que des bénévoles dans l'usage de ces médias. Un travail international a commencé entre des radios qui collaborent dans le cadre de l' AMARC Europe et qui devrait se poursuivre dans les prochains mois. En une première approche, on peut distinguer plusieurs fonctions dont certaines avaient fait l'objet de réflexions collectives lors de la définition des emplois innovateurs quand avaient été mis en place les emplois jeunes en 1997. Les fonctions de direction d'un média associatif, qu'elles soient assurées par des bénévoles ou par des salariés s'apparentent à celles des dirigeants d'autres structures dans lesquelles sont impliqués une multiplicité d'acteurs et d'objets précieux (la voix et l'image des personnes, leurs réputations). Comme pour un centre social, une MJC, un dirigeant de média associatif doit maîtriser les règles sociales, juridiques, économiques, comptables spécifiques de son institution mais aussi avoir la capacité de favoriser les interactions humaines complexes à l'intérieur de l'association et avec l'ensemble, toujours très ouverts, des acteurs extérieurs. Un animateur d'ateliers radios ou vidéo doit à la fois maîtriser les techniques de son média et avoir compris l'étendue de leurs dimensions relationnelles. Il doit aussi pouvoir travailler sur les contenus journalistiques des thématiques traitées par les membres du groupe. Enfin, il doit pouvoir imaginer avec les enseignants, les éducateurs, les animateurs, des formules pédagogiques mais aussi médiatiques, tenant compte à la fois des besoins du groupe et de la nécessité de construire des œuvres médiatiques finales de qualité, susceptibles de retenir l'attention du public. Sur ces questions de définitions des tâches, de partage des fonctions dans les médias participatifs, il est bien nécessaire de développer échanges de bonnes pratiques et recherches. Et tout cela dans la pleine conscience de la multiplicité des champs couverts par de telles pratiques. Indications bibliographiques section 4 Atton, Chris Alternative Media Theory and Journalism Practice 2008 researchrepository.napier.ac.uk http://scholar.googleusercontent.com/scholar? q=cache:5cVO8aOgnRQJ:scholar.google.com/&hl=fr&as_sdt=0 Badillo Patrick-Yves De la parfaite adéquation du journalisme à la « société de l’information »... Article inédit. 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In: Réseaux, 1992, volume 10 n°51. pp. 101-108. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso_0751-7971_1992_num_10_51_1928 SECTION 5 DU JOURNAL PERSONNEL, VECTEUR D'OPINIONS ET DE COMMENTAIRES AU MÉDIA, COLLECTIF ET NORMÉ A quelles conditions peut-on parler de média locaux et territoriaux et distinguer, dans l'offre pléthorique des sites et des blogs d'information et de commentaires, qui peuvent utiliser des techniques d'expressions très diverses, entre des médias associatifs, des entreprises de presse, des sites de communication institutionnelle et des sites d'expression personnelle ? 5.1 les journaux personnels sont sortis de la sphère privée dès lors qu'ils sont publiés Nous devons nous interroger sur ce qui fait la différence entre un journal personnel (Lejeune, 2006 pour une présentation succincte appuyée sur des recherches nombreuses et entamées depuis longtemps dans le domaine français, que l'auteur met en regard dans ses indications bibliographiques avec des recherches analogues montées dans d'autres pays) dont les blogs et même les blogs réguliers qui commentent l'actualité sont des avatars innovateurs et importants et les médias (Lejeune 2000). Qu'est ce qui fait le caractère spécifique d'un média quand on le compare à un journal personnel ou à une publication de témoignages ? Le critère n'est pas celui de la pertinence intellectuelle ou de la qualité littéraire. Certains sites, blogs, journaux virtuels personnels sont de grande qualité et drainent quelquefois une audience particulièrement importante. Cela s'opère par des jeux de signalements complexes et très nouveaux (des agrégateurs innovants comme wikio mais aussi des moteurs de recherches qui jouent de plus en plus un rôle de conseil dans les choix de lecture des internautes). Cela s'opère aussi par la création de communautés d'intérêt dans lesquelles les internautes se regroupent pour mettre en valeur tel ou tel auteur, tel ou tel site par des liens croisés qui déterminent des classements qui sont ensuite renforcés, consacrés par les moteurs et agrégateurs. Citons, dans le domaine pointu de la recherche scientifique le cas des blogs de chercheurs présenté par Gabriel Gallezot et Olivier Le Deuff (2009). On a souvent relevé la consécration dans un domaine d'expertise particulier d'un auteur par ces processus nouveaux de construction de réputation. L'exemple le plus connu peut-être en France est celui du professeur d'économie Etienne Chouard qui, durant les débats qui furent menés au sujet du référendum sur la constitution européenne, prit une part tout à fait importante dans le débat à travers les publications qu'il présentait sur son blog (voir notamment à ce sujet Broudoux et al. 2005). Les mêmes auteurs analysent les formes d'écriture, de débat, de transformations des contenus qui sont développés, inventés, améliorés, au fil de l'histoire de l'évolution des communautés et de celle des des outils techniques. 5.2 Les fonctions des médias : fonctions sociales et culturelles Même si la conscience de ce caractère n'est pas très nette de la part de tous les membres et des acteurs associés à un média, ce dernier est d'abord un « intellectuel collectif ». On peut étendre le concept développé dans le champ politique par Gramsci en Italie (Piotte, 1970) et repris notamment par Pierre Bourdieu dans les champs du travail intellectuel (Lenoir, 2002) au champ de la presse, en y trouvant l'outil qui permet de caractériser une communauté d'intention. Le média se définit par le sens, compris par l'ensemble des acteurs impliqués, ceux qui font le média, ceux qui s'y expriment, ceux qui l'entendent ou le lisent, d'une aventure commune. Celle-ci peut être très modeste, très humble, ne pas se situer dans un horizon politique ou spirituel grandiose, mais elle recèle, pour ceux qui s' y reconnaissent, une identité, qui par delà les difficultés des parcours, en assure la continuité et la cohésion. Le média représente aussi une image, une « marque », un fanal, un nom qui fédère autour d'une inspiration, de valeurs, d'une continuité de pensée et de position intellectuelle et sociale une sorte de communauté. Dans beaucoup de cas, la spécificité du média a été transcrite sous forme d'une charte, ou apparaît clairement, au delà des statuts de l'association, dans différentes publications internes ou externes destinées à présenter le média. Elle transparaît également à travers la sélection des collaborateurs, les choix éditoriaux. Enfin un média a une existence sociale qui ne se réduit pas à la communauté virtuelle entre l'auteur et ses lecteurs mais qui se déploie dans les champs économique, juridique, politique. Il est important de relever que les fonctions sociales et culturelles, voire politiques des médias de territoire ne se limitent pas à la collecte et à la diffusion d'informations ou de débats. Pour l'ensemble des acteurs engagés dans l'action quotidienne des médias locaux associatifs, d'autres fonctions sont présentes, mais elles sont plus ou moins perçues, valorisées, reconnues par les partenaires, et l'organisation spécifique nécessaire au meilleur déploiement de telle ou telle fonction est plus ou moins développée. L'accent mis sur telle ou telle des fonctions par les membres du groupe peut être l'objet de débats, voire de conflits, quand elles apparaissent contradictoires à un moment donné, quand il s'agit d'allouer ici ou là les ressources du groupe. Cette compréhension du caractère multifactoriel de l'usage des médias et des gratifications diverses qu'ils offrent à des ensembles multiples d'acteurs est ancienne dans les sciences sociales appliquées à l'étude des médias. Thomas Ruggiero (2000) voit dans un article de Cantril (l'auteur d'une intéressante « psychologie de la radio » et qui tout de suite après le canular historique d'Orson Welles jouant la « guerre des mondes » de H.G. Wells sur CBS et ayant semé la panique aux Etats-Unis, avait écrit un ouvrage d'analyse sociologique du phénomène) l'amorce de ce courant de recherches. (Cantril, 1942). Katz et al. en 1973 proposent également un panorama très large des usages individuels ou collectifs des médias qui n'avaient pas particulièrement été prévus ou pensés mais qui se sont imposés dans des sociétés où leur présence est, c'est le mot le plus approprié, massive. Ruggiero montre combien cette tradition académique des études « uses and gratifications » des médias se trouve fortement exhaussée à l'époque des « nouveaux médias » qui donnent aux acteurs des systèmes médiatiques des possibilités d'actions démultipliées et notamment la possibilité de varier les rôles. Il y a dans ce dépliement des fonctions multiples des médias locaux des éléments que ces derniers partagent avec l'ensemble des médias et qui ont été analysés de longue date par les théoriciens de la communication. Sur la question essentielle du rôle que les médias et particulièrement les médias territoriaux jouent dans les communautés locales et dans les interactions entre les leaders d'opinion de la communauté (élus locaux, responsables associatifs, enseignants...) citons le sociologue Elihu Katz (1957) qui développait l'idée d'un flux de communication à deux étapes (two step flow) dans l'analyse duquel il convient de prendre en considération la population de toute première importance des leaders d'opinions, à la fois premiers destinataires des productions des médias et eux-mêmes acteurs de ces productions. Dans un article d'histoire des idées paru quelques décennies plus tard (1987), il relevait l'importance de la postérité du grand pionnier des études de communication et de médias américain Paul Lazarsfeld, qui avait conservé la vision sociologique globale des études de communication comme phénomène sociologique de masse héritée de ses premiers travaux allemands d'avant-guerre. Pour une bonne compréhension de l'influence sociale des médias, il convient de bien analyser, dans leur complexité et leur diversité à la fois les acteurs qui sont les lecteurs, auditeurs, spectateurs des médias, mais aussi ceux qui s'expriment dans les médias ou font figure de relais d'opinion. Katz invitait à des « études d'échantillons de population (panels) sur le rôle de la communication de masse dans la fabrique des décisions de vote, d'achat, de choix des sorties au cinéma ou des changements d'opinions. » (Katz, 1987, p.2 – notre traduction). Ce pionnier des études sociologiques des médias montrait également comment « Les effets des médias sont atténués par les processus de sélectivité dans l'attention, la perception, et la remémoration et ceux-ci à leur tour sont une fonction de variables de prédisposition et de situation telles que l'âge, l'histoire familiale, l'affilliation politique etc. » (Katz, 1987, p.2 – notre traduction). Qu'il s'agisse comme ici des effets des médias sur le public final ou des rôles joués par les leaders d'opinions, les processus développés autour des médias sont multiples. Précisons les contours de ceux pour lesquels les médias de territoires ont montré jusqu'alors leurs capacités : resserrement des liens entre les acteurs sociaux du territoires eux mêmes et avec d'autres acteurs Les récits quotidiens de tous, qu'il s'agisse des médias associatifs ou de la presse quotidienne régionale notamment dans ses pages très locales montrent combien l'interconnaissance au-delà de la proximité sociale la plus immédiate (les voisins, les collègues de travail, les parents d'élèves d'une même classe, les membres d'une même association...) doit aux médias locaux. La reconnaissance des personnes, la compréhension de la diversité des institutions présentes dans un territoire, l'inventaire des ressources potentielles pour chacun doit beaucoup aux médias de proximité. 5.2.1 Image du territoires aux yeux de ses propres habitants mais aussi vis à vis de l'extérieur Qu'il s'agisse des pays en milieu rural ou des quartiers des villes et plus particulièrement des quartiers populaires, souvent considérés comme mal dotés en « hauts lieux », (Micoud, 1993) en « lieux de mémoire » facilement repérables et socialement valorisés, la multiplication au fil des jours, de l'expression des activités situées dans ces espaces contribue à leur donner vie, signification, valeur. Il n'est pas rare que dans les médias nationaux, des quartiers comme le Mas du Taureau à la ZUP de Vaulx en Velin, la Ville Neuve ou le quartier Mistral de Grenoble, le quartier de la Darnaise des Minguettes à Vénissieux, celui de Chambéry le haut n'apparaissent que comme le foyer de drames sociaux. La présence quotidienne des activités les plus diverses à Montchovet, dans la Loire, à la Duchère, dans le Rhône, des souvenirs des femmes dans le quartier de Valensolles à Valence, des relations entre parents et enfants dans le quartier de l'Olivier à Aubenas, des quartiers populaires de Bourg en Bresse ou d' Annonay, tout cela peint des images diversifiées, nuancées de la vie des gens dans ce caractère toujours « pluriel » que montre Bernard Lahire. 5.2.2 expression et empowerment des membres des ateliers de travail que le média peut mettre en oeuvre seul ou en collaboration avec des enseignants, avec des structures de formation permanente ou avec des associations d'éducation populaire (MJC, Centres sociaux, maisons de quartier). Les personnes qui s'expriment, seules ou en groupe, pour la première fois à la radio sont souvent au début tétanisées, effrayées par la perspective d'un échec, d'une humiliation publique. Une sérieuse préparation préalable, une mis en confiance dans le studio, cette fameuse « considération positive inconditionnelle » souvent pratiquée sans la connaissance ou le support de la pensée de Carl Rogers (Lerbet, 2004) comme M Jourdain faisait de la prose, tout cela concourt à des émissions mille fois réussies depuis trente ans dans tous les départements de Rhône-Alpes. Il en ressort une fierté venant à la fois de la qualité de la parole donnée, mais aussi de la conscience d'avoir souvent représenté un effort partagé, une démarche collective. Il en est de même quand les membres des associations du quartier Mistral à Grenoble retrouvent leurs propos dans le journal du quartier monté par l' AFEV et trois autres associations, quand ceux de Champfleury à Bourgoin lisent leurs points de vue dans le Champflo, quand les habitants d' Annecy ouvrent la dernière édition du « Journal » ou lisent les articles du site web d'info locale. C'est cette dynamique de l'empowerment que depuis des décennies suivant les préceptes du « manuel de l'animateur social » de Saül Alinsky les habitants des quartiers populaires des Etats-Unis mettent en œuvre. La chose, bien entendu, ne se limite pas à une expression dans les médias, elle se lit dans des contextes sociaux complexes, mais il est bon de positionner ce travail d'expression des membres des communautés locales dans ce cadre d'un renforcement personnel et collectif, de ce que les américains appellent l'empowerment ou la capacitation (Amartya Sen). 5.2.3 Découverte citoyenne, à travers par exemple l'exercice de revues de presse mené en ateliers pédagogiques des méthodes et des pratiques de l'ensemble des acteurs de la presse (semaine de la presse et des médias dans l'école) A travers les pratiques permises par l'ensemble des médias de proximité, les personnes et les groupes ont la possibilité, dans la pratique, de découvrir la fabrique de l'information. Comment sont opérés les découpages des événements, choisis les scénarios des récits, composés les agendas. Dans le cadre des ateliers scolaires, des créations radiophoniques avec les femmes des quartiers populaires, des stages de formation des jeunes en recherche d'emploi, dans le mouvement même de la création, la recherche documentaire, le montage des prises de sons ou des interviews filmées, de la composition d'une page, l'influence des médias dominants sur nos représentations est rendue sensible. Le travail concret de confection d'objets médiatiques est un outil qui favorise la lecture critique des médias dans leur ensemble et une meilleure indépendance d'esprit pour les personnes comme pour les groupes. 5.2.4 Accueil de stagiaires A tous les niveaux de formation, nos médias reçoivent régulièrement des stagiaires. Les stages d'observation pratiqués par les élèves de troisième des collèges sont une occasion de découverte pour les jeunes. Ils permettent également aux équipes des radios, des journaux ou des vidéos de maintenir un contact avec un nombre important d'établissements dans la perspective de développer ou de réactiver des actions de plus grande ampleur. Les universités, spécialisées ou non dans le journalisme, les techniques du son ou de l'image, la communication trouvent dans les médias participatifs des partenaires d'encadrement de stages souvent appréciés des jeunes comme des enseignants car les choix organisationnels et éditoriaux de ces médias ouvrent aux apprenants des possibilités enrichies si on les compare à ce qui peut être proposé dans des médias commerciaux. 5.2.5 Entrainement à la pratique des médias des médiateurs sociaux du territoires Nos médias assurent au fil des ans la constitution de la mémoire collective du territoire. Cette fonction est aujourd'hui renforcée par la capacité dans laquelle se trouve le média territorial de se doter d'archives numériques. Les anciens numéros du journal « Les Antennes » de Grenoble, présentés en pdf sur le site web du média. La mise en page de ces archives permet une navigation double : chronologique et thématique. Cette fonction de mémoire d'un territoire est plus ou moins valorisée selon les médias, mais, comme nous le développons dans d'autres sections, les innovations numériques récentes ajoutées à une transformation continue des pratiques des personnes et des groupes interrogés dans les radios ou dans les journaux conduit à l'expansion d'une demande de constitution puis d'organisation des archives. Les pratiques en développement des célébrations d'anniversaires, qu'il s'agisse des calendriers des institutions du territoire ou de ceux des médias eux mêmes ont pour effet de renforcer ce mouvement. C'est ainsi que dans les derniers mois, des radios comme Radio Grésivaudan en Isère, radio Mega à Valence, radio Dio à Saint Etienne, Fréquence è à Aubenas, radio Calade à Villefranche sur Saône, Couleurs à Bourgoin, à l'occasion de leurs trente ans ont été conduits à rechercher des enregistrements analogiques anciens, à les numériser, renforçant cette dimension de la mémoire collective de leur territoire. 5.2.6 Valorisation à travers les réseaux des médias associatifs des créations ou des initiatives intéressantes émanant du territoire : l' Epra Chaque émission produite par l'une des nombreuses radios associatives membres de ce Groupement d' Intérêt Public représente, pour les sujets qui sont traités, pour les personnes et pour les groupes ou institutions qui sont interrogées une occasion de présenter leur activité dont la portée dépasse le territoire puisque aujourd'hui plus de 170 radios couvrent les régions françaises. Un système d'archivage informatique en ligne, ouvert pour des raisons de droits d'exploitation, seulement aux radios partenaires permet de plus depuis quelques années un accès à des émissions plus anciennes et donc une mémoire collective extrêmement riche. l' Amarc L'Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires organise, dans certains de ses territoires, notamment dans la zone de l' Amérique latine et des Caraïbes des échanges de programmes et une coopération d'agence de presse interne du réseau, nommée PULSAR. Celle-ci reste un modèle pour les radios du monde entier et notamment à l'occasion des Forums sociaux mondiaux, elle a permis aux radios françaises d'accéder à des ressources en langue espagnole et en langue portugaise de grand intérêt. L' AMARC Europe a mené depuis plusieurs années des échanges de programmes internationaux sur des thématiques liées à des journées spécialisées telles que la journée contre le racisme du mois de mars. Une meilleure coopération dans ce cadre est actuellement en chantier. Elle devra s'atteler à mieux traiter les questions des traductions et les questions d'interopérabilité des bases sonores. le SNRL A l'époque où les radios du SNRL travaillaient ensemble sous le nom de CNRL, une petite équipe professionnelle sous l'égide de la confédération produisait, sur des financements européens ou des financements négociés avec des ONG, des séries d'émissions qui étaient diffusées par les radios adhérentes. Cette pratique est moins valorisée dans les années récentes mais elle pourrait reprendre vigueur notamment à travers des tâches menées dans le cadre des réseaux de l' Economie sociale et solidaire ou dans le cadre européen. 5.2.7 Institution du média territorial comme nœud de communication dans un réseau de pairs qui peut atteindre la dimension du monde entier. Qu'il s'agisse de questions culturelles, des réseaux scolaires, de tel ou tel style de musique, mais aussi de différentes questions sociales, littéraires, politiques, sportives, les compétences particulières rassemblées dans telle ou telle radio peuvent lui permettre de prendre des initiatives très diverses susceptibles de trouver dans le réseau global des radios une résonance particulièrement intéressante. Prenons un exemple dans le domaine de l'information internationale : Une radio lyonnaise a organisé lors des deux dernières élections présidentielles sénégalaises des soirées électorales en multiplex avec deux autres radios associatives françaises à Grasse et à Bordeaux et avec une radio de Dakar pour couvrir l'événement. Les soirées ont été très riches, les animateurs ont permis de développer des débats par téléphone avec des auditeurs dont plusieurs appelaient d'autres villes. Un meilleur usage des outils de l'internet aurait permis de donner à l'initiative plus d'ampleur. 5.3 Médias et territoires : l'angle de la communication Toujours dans le souci de bien faire comprendre l'étendue sociale et culturelle des dynamiques permises par l'usage des médias de territoires, continuons à en décrire les caractéristiques sous l'angle de leurs fonctions en termes de communication. Le linguiste classique Roman Jakobson (1981) distingue six fonctions du langage, qu'il met en regard d' un processus de communication global, destinateur, destinataire, contexte, message, contact, code. • « la fonction référentielle ou représentative, où l'énoncé donne l'état des choses. Elle est aussi dénommée sémiotique ou symbolique. • la fonction expressive, où le sujet exprime son attitude propre à l'égard de ce dont il parle. • la fonction conative, lorsque l'énoncé vise à agir sur l'interlocuteur • la fonction phatique, où l'énoncé révèle les liens ou maintient les contacts entre le locuteur et l'interlocuteur • la fonction métalinguistique ou métacommunicative, qui fait référence au code linguistique lui-même • la fonction poétique, où l'énoncé est doté d'une valeur en tant que telle, valeur apportant un pouvoir créateur. » (article « Roman Jakobson de wikipedia) De la même façon, il convient de distinguer, dans l'exercice d'un média des fonctions exercées dans la spontanéité de l'action comme si elles se confondaient, mais qui, quand un dysfonctionnement survient, apparaissent dans leur étrange effacement, comme le signe de leur importance. Reprenons, pour chacune des fonctions de Jakobson, l'attention nécessaire à ces fonctions pour en montrer la pertinence dans les médias. Ce n'est pas ici le filage d 'une métaphore mais la proposition d'une définition du média comme un langage : agencement de mots, d'images ou de sons, perçus dans la perception de leur succession. Un média est de la « parole congelée » (celles qu'inventait Rabelais dans Pantagruel, les paroles conservées de l'Isle Sonnant), salée, fumée, conditionnée pour être transportée dans l'espace et conservée dans le temps. Nous savons aujourd'hui décomposer les mots, les images et les sons des médias, les recomposer, mais ces agencements de langage ont des fonctions qui, d'emblée, vont au delà de leur fonction référentielle. La fonction expressive est démultipliée dans un média car elle combine l'expression de la ou des personnes qui prennent la parole devant le micro, la caméra, le carnet de notes et l'expression des auteurs du reportage, du film, de l'article. Chaque objet médiatique est le montage de l'expression des uns sous le regard de l'autre, l'objet d'une forme de synthèse expressive. C'est dans cette fonction expressive que réside cette part affective si importante, pour le meilleur et quelquefois pour le pire dans la vie d'un média local. Si des milliers de bénévoles se présentent au fil des ans dans ces médias, c'est sans doute parce qu'ils ont des informations qu'ils souhaitent rassembler et propager dans le domaine dans lequel ils ont compétence, mais aussi parce que la radio, la vidéo, le journal est aussi pour eux le moyen de pénétrer dans des territoires sensibles, d'être reconnus avec joie par des pairs, de s'éprouver affectivement dans des tâches de valeur. La fonction conative est importante car elle figure la présence du « lectorat », de l'auditoire, du public dans deux dimensions : les fidèles d'un média forment une sorte de communauté, se forgent, au fur et à mesure des contacts avec leur média, une image spécifique d'eux mêmes et des autres fidèles de ce média. L'autre dimension est l'effet en retour de l'existence des attentes supposées du public du média sur les choix éditoriaux. A travers la fonction phatique, on perçoit la création, le maintien d'un contact permanent entre le média et son public. Cela rejoint cette fonction que nous avons décrite du média comme instrument de densification des réseaux sociaux. Il ne faut pas sous-estimer la fonction métalinguistique. Pour les médias participatifs, il est nécessaire de permettre au public de s'approprier les conditions de production du document. Un média de territoire, au plus près des populations et de leurs institutions de formation est avant tout un média critique, qui se donne les moyens d'associer le public d'une manière ou d'une autre à la compréhension des savoir-faire professionnels, il est souvent un média participatif. La fonction poétique est également importante dans les médias associatifs. Le jeu avec les mots, les images, les sons est aujourd'hui partout possible, grâce aux nouvelles techniques d'archivage et de montage, moins coûteuses et plus faciles à pratiquer. Mais il est vrai que le travail sur chacun de ces aspects de la communication permise par un média associatif n'est pas toujours mené avec la conscience nécessaire pour un accomplissement optimal. S'organiser pour jouer au mieux par exemple de la fonction poétique d'un journal ou d'une radio demande à la fois un projet éditorial spécifique et des méthodes dont chacun n'est pas le maître. Un journal lyonnais comme No-dogs par exemple était particulièrement intéressé par ces travaux sur les jeux de la langue ou de l'image. A travers ses choix éditoriaux, le découpage de ses rubriques, l'attention portée sur tel ou tel personnage, sur telle ou telle initiative, un média local donne une vision originale de son territoire qui ne se réduit pas à la suite des messages qu'il véhicule. 5.4 Média associatif, média territorial, média alternatif, média militant, média participatif. Les acteurs réunis dans les médias territoriaux sont souvent confrontés, entre eux et avec les institutions qui en sont les partenaires à des interrogations sur tel et tel point de leur positionnement ou de leur identité. Chacun des adjectifs qui viennent préciser la nature de ces médias s'attache à une particularité qui peut être plus ou moins présente, plus ou moins mise en valeur. Toutes ces particularités ne peuvent pas être mises sur le même plan. Dire d'un média qu'il est associatif attire l'attention sur différents aspects de la gouvernance et de la répartition du pouvoir sur le média. Nous reviendrons plus loin sur les différents aspects qu'implique l'appartenance au mouvement associatif : une forme particulière de direction, dont les spécificités, plus ou moins bien maîtrisées par les équipes des radios associatives peuvent conduire à des effets divers et pas toujours voulus, une proximité avec d'autres associations avec lesquelles des partenariats peuvent être développés, des avantages dans leurs relations avec les pouvoirs publics, mais aussi des limitations dans l'exercice de telle ou telle action. Un média territorial se définit plutôt par les lieux de sa production et de sa diffusion, nous l'avons vu. Les termes « alternatif » ou « militant » caractérisent la ligne éditoriale de l'équipe du journal, de la vidéo, de la radio. Ils commandent la sélection qu'opèrent les membres du média à l'entrée dans l'équipe, ils limitent les ressources auxquelles acceptent de recourir les membres du groupe, mais garantissent souvent un engagement particulièrement fort autour du média. Comme dans le cas d'un média lié à une structure extérieure, ils sont soumis aux aléas du champ du militantisme, à ses recompositions, à l'évolution de ses thématiques. Dans les dernières années, le développement de thèmes nouveaux ou renouvelés par les mouvement sociaux, tels que les mouvements en faveur de l'environnement, les mouvements pour les droits de l'homme, les mouvements de solidarité internationale, le mouvements liés au genre s'accompagne de thématiques fortement renouvelées grâce aux mutations des outils techniques de la communication. C'est ainsi que se sont développés « des formes radicales de créativité et de distributions : les mouvement anti-copyrights et les mouvements de partages de fichiers entre pairs... » (Atton, 2004) Ces mouvements jouent un rôle radical de critique culturelle portant sur l'organisation même des institutions à l'échelle mondiale. On relève l'émergence d'une « sphère publique digitale » (Atton) de protestation qui se retrouve dans des pratiques qu'on appelle communément « hacktivisme ». Alexandra Whitney Samuel (2004) définit ainsi ce terme, auquel elle consacre sa thèse de sciences politiques : « l'usage non violent d'outils numériques illégaux ou ambigüs du point de vue de la légalité en vue de fins politiques » (Whitney Samuel , p.2). Les mouvements de la jeunesse iranienne contre l'élection d' Ahmadinedjad en 2009 (Hare, 2011), ceux des printemps arabes de 2011 (Burgat, 2012), le mouvement des indignés de l'Europe du sud ou les mouvements des jeunes américains contre Wall Street ont donné à la constitution de cette sphère publique de protestation quelques grands récits fondateurs. Marc Deuze (2006) insiste sur l'importance du caractère multiculturel des sociétés contemporaines pour souligner une des caractéristiques de ces nouveaux médias radicaux : ils sont des outils participatifs dans lesquels les acteurs s'impliquent avec ardeur dans la reconnaissance de leurs multiples appartenances, tenues pour des richesses expressives et pour des potentialités militantes, en ceci qu'elles favorisent des alliances, des synthèses, le renforcement des mouvements. Dire de ces médias qu'ils sont participatifs, c'est mettre en avant un rapport entre l'auteur et des cercles de collaborateurs plus larges. L'ensemble des radios communautaires et associatives dans le monde entier met en avant le terme de « radio participative » pour désigner un rapport différent entre les auditeurs du territoire, la radio elle même comme regroupement de personnes animées par des valeurs, et les programmes (Carpentier et al. 2003) . C'est d'abord l'identité du média communautaire qui le distingue des médias publics et des médias commerciaux : la radio communautaire est d'abord celle des habitants du territoire, qui en écoutant les programmes, reconnaissent leurs centres d'intérêt, les voix de personnes qu'ils pourraient rencontrer dans la vie locale, et surtout un usage de la langue qui est le leur. Dans les radios communautaires ou associatives, les langues des communautés, si elles sont différentes de la langue officielle du pays, trouvent leur place, que les habitants aient la nationalité du pays ou soient des étrangers. Ensuite, les habitants sont associés à la confection des programmes de différentes manières. Le recrutement des collaborateurs de la radio participative, qu'il s'agisse de salariés ou de bénévoles, peut privilégier des personnes issues de la communauté, dont ils partagent la langue et la culture, tout en acquérant, par des programmes de formation adaptés, les savoir-faire professionnels de l'information. Les formules des émissions peuvent faire participer un nombre important d'habitants à la prise de parole. Cela peut consister en une simple association des auditeurs par téléphone à des émissions touchant à des sujets divers, santé, vie quotidienne, relations hommes femmes, vie culturelle. Mais on peut aussi procéder à la confection d'émissions issues d'un travail d'atelier de création collective dans un groupe d'habitants. Par exemple des jeunes en recherche d'emploi, des groupes de femmes dans un centre social, des collégiens peuvent s'associer durablement pour traiter des dossiers de leur choix, couvrir des événements culturels, sociaux, sportifs pour la radio, organiser la collecte de la mémoire des anciens. Enfin un média participatif peut associer les habitants à la réflexion politique sur les choix qui sont soumis aux citoyens dans un territoire, en organisant des émissions, en ouvrant des dossiers dans un blog écrit ou dans un journal local. Un des éléments importants de la constitution de ces nouveaux usages des blogs et journaux personnels est qu'il sont non plus comme naguère, nous l'avons dit, des espaces privés voire secrets, mais qu'ils s'affichent, avec plus ou moins de succès à l'attention de tous. Cela conduit à une visibilité très largement étendue de textes et de documents et il est aisé, qu'il s'agisse d'écrits, d'images numériques ou de sons, de se procurer les documents, de les découper, de les remonter et de les inclure dans de nouveaux documents. La pratique de la citation plus ou moins honnêtement menée jusqu'au plagiat est une pratique très ancienne et de tous temps très répandue. Elle a été analysée par de nombreux historiens des idées. Citons particulièrement Antoine Compagnon (1979), qui , bien avant l'avènement des moteurs fabuleux du bricolage numérique mondial des meilleurs mots, s'amusait du travail de la citation, plaçant Montaigne parmi les bienfaiteurs, qui écrivait, « nous ne faisons que nous entregloser ». Le numérique en réseau favorise le repérage puis éventuellement la reprise de documents divers, mais il favorise aussi le repérage des citations non sourcées, essentiellement dans le domaine de l'écrit. Des affaires de plagiat notamment dans le monde académique mais aussi dans le monde de l'édition d'ouvrages d'actualité ont été récemment médiatisées. La délibération publique, au-delà des petits groupes impliqués dans la confection d'un dossier thématique, se fait par l'accumulation dans un même média participatif ou dans un même groupe de médias, reconnus pour leurs liens d'intention et la similitude de leurs méthodes. Elle agit également par un effet d'empathie, les personnes qui s'expriment sur un sujet, ou celles qui tendent le micro ou tiennent la caméra sont perçues comme semblables entre elles et semblables aussi à l'auditeur ou au spectateur. Ces capacités que peuvent construire les médias participatifs à s'insérer dans les délibérations publiques nécessitent un travail spécifique sur les protocoles, les manières de représenter la diversité des idées possibles avec des porte-parole en nombre forcément limité. Indications bibliographiques section 5 Alinsky Saül Manuel de l'animateur social une action directe non violente Le Seuil, 1976 Atton Chris An alternative Internet : radical media, politics and creativity, Edinburgh University Press, 2004 Becquart, A., X. Caroff D. 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Par exemple le traitement fait par les médias de Rhône-Alpes de la campagne électorale des européennes a permis de faire émerger la question des capacités d'influence des députés européens dans différents domaines proches de la vie des gens. 6.1. Les événements couverts A l'initiative de leurs regroupements régionaux ou nationaux mais aussi sous la seule influence de la présence conjuguée d'un agenda politique commun et d'institutions locales du même type, il n'est pas rare que des événements soient couverts en même temps par de nombreux médias associatifs. Nous en donnerons ici quelques exemples, en en montrant l'intérêt et la portée mais sans passer sous silence la nécessité de renforcer ces mouvement à tous égards, meilleur usage des potentiels des médias regroupés, meilleure coopération avec les organisateurs des événements, meilleures pratiques techniques, financements appropriés... 6.1.1 Couverture de festivals musicaux, cinématographiques, de rencontres culturelles variées. Dans le domaine du cinéma, à l'initiative d'Agora FM de Grasse, une couverture collective du festival de Cannes permet à la fois de donner aux radios qui le souhaitent des échos particulièrement copieux et travaillés de ce rendez-vous qui intéresse les auditeurs dans toutes les régions. Il en est de même pour le festival des cinémas du monde de Nantes, le Sixième continent. Dans les deux cas, la mise en réseau des radios dans le cadre du GIP Epra a fourni un cadre technique et social de coopération. A travers les premiers échanges de programmes permis depuis 2007 par la Cranc-ra, mais aussi à travers les rencontres régulièrement organisées entre radios associatives de la région, on se rend compte que, dans le domaine du cinéma, de nombreuses radios, d'une manière plus individuelle, couvrent un grand nombre de festivals. Ce sont des festivals qui se déroulent dans la région, festival d' Annecy du film d'animation, le festival du court métrage de Lussas (07), festival d'Annonay (07) du premier film , festival d' Aubenas (07), d' Autrans, dans la région lyonnaise, le festival Lumière et les festivals de Vaulx en Velin, de Bron, de Grigny, de Villeurbanne, de Villefranche-sur-Saône. Mais au-delà, des bénévoles des radios associatives de la région se rendent régulièrement dans des festivals extérieurs comme le festival de Venise. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, organiser la coopération entre les bénévoles des différents médias doit faire partie des objectifs des organisations fédérales. Dans le domaine musical, les émissions musicales des différentes radios de la région couvrent un très grand nombre de manifestations dont témoigne le serveur de sons de la Cranc-ra, elles rejoignent les couvertures permises par la presse d'expression écrite. Comme dans le domaine du cinéma, ces initiatives se rapportent au premier chef aux événements musicaux organisés dans la région, mais la plupart des événements de portée nationale sont également couverts par des membres des médias participatifs de notre région, printemps de Bourges, Eurockéeennes de Belfort, Francofolies de la Rochelle. Une organisation spécialisée comme la Férarock à laquelle appartiennent plusieurs radios de notre région assure une coopération construite pour la couverture des festivals de rock à l'échelle nationale, mais dans ce domaine, un travail coopératif entre médias, à travers la diversité de leurs supports, devrait permettre un meilleur service à la fois au bénéfice des musiciens et au bénéfice des publics. 6.1.2 Couverture d' événements sociaux, de débats citoyens Les rencontres solidaires et l'économie sociale et solidaire Chaque année, les organisations qui rassemblent associations, mutuelles et coopératives organisent en novembre le Mois de l'économie sociale et solidaire. En Rhône-Alpes, dans le cadre des rencontres solidaires et sous l'impulsion du Conseil Régional, de nombreux médias articulent leur action avec celle des acteurs du domaine, reportages, couverture d'événements, studios coopératifs. On retrouve dans plusieurs régions des initiatives de même inspiration : en lien, en Bretagne avec l'USGERES, en lien en Haute Normandie avec la Cress. La présence, quelquefois de longue date, dans ces régions, mais aussi en Aquitaine, en Champagne-Ardennes, dans le Centre, en Provence Alpes Côte d' Azur, de représentants de médias associatifs dans les instances des Cress ou des représentations régionales de l'USGERES favorise ces initiatives. La mise en commun nationale de toutes ces initiatives reste à renforcer. Les Dialogues en humanité A l'initiative du Grand Lyon ont lieu chaque année au mois de juillet au Parc de la Tête d’Or les « Dialogues en humanité ». Ce rassemblement se veut un « forum mondial de la question humaine ». Il est né en 2002 lors du Sommet Mondial de Johannesburg d' un projet commun entre Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon et président de la Communauté Urbaine du Grand Lyon, le philosophe Patrick Viveret et Geneviève Ancel qui coordonne tout au long de l'année cet événement qui a essaimé aujourd'hui dans plusieurs autres régions du monde. Les Dialogues en humanité sont placés sous le Haut Patronage de l’Unesco. Chaque année, un ou plusieurs médias de proximité installent un studio au sein du Parc de la Tête d'Or pour rendre compte des débats mais aussi apporter leur contribution à la réflexion sur le rôle des médias locaux dans un monde en changement. L' Université européenne de l'engagement L’Afev (Association de la Fondation étudiante pour la Ville) organise chaque année à la fin du mois d'août son Université Européenne de l’Engagement. Elle rassemble ses salariés , ses volontaires et ses bénévoles pour des rencontres de réflexion et d'engagement qui leur permettent d'approfondir des thématiques en prise sur les évolutions de nos sociétés et les nourrissent pour leur engagements quotidiens dans les quartiers populaires. Ces rencontres ont eu lieu à Lyon, en 2010 et 2011 et la réflexion menée avec des universitaires, des politiques et des membres de la société civile autour de l’engagement de la jeunesse dans la lutte contre les inégalités a été médiatisée par les médias citoyens de Rhône Alpes à travers la coopération des différents outils. Ainsi en 2011, Bresse TV, radio Pluriel, radio d’ Ici, radio Trait d’ Union, le journal No Dogs, accompagnés du Lyon Bondy blog et de l'association Esprits critiques ont couvert l’événement par des vidéos, des articles et des émissions radio. Forum de Lyon Lors du Forum du journal Libération qui s'est tenu à Lyon les 25, 26, 27 novembre 2011, un grand nombre de journaux, web radios, revues animées par des étudiants ou d'associations étudiantes lyonnaises ont partagé leurs efforts entre l'organisation de débats complémentaires, un Forum off et la couverture médiatique du Forum de Libération proprement dit. Soutenus pas les médias qui se sont donnés comme l'un de leurs objets de réfléchir sur l'évolution de l'espace public (« Sens public ») ou regroupements de médias jeunes (« Esprit critique »), les participants à ce regroupement ont développé un site web pérenne qui accueille leurs réalisations et sera ouvert à des initiatives récurrentes. 6.2 Les médias de la diversité Les médias associatifs sont essentiellement des médias de la diversité, mais ils pourraient aussi être les médias du repli communautaire, de l'exclusion réciproque. L'histoire de la presse des migrants est très ancienne. L'un des fondateurs entre les deux guerres de l'école sociologique de Chicago, dont on sait l'importance dans l'étude de l'immigration aux EtatsUnis était Robert Ezra Park. Il publiait en 1922 une étude très complète sur la presse migrante, pour conclure à l'importance de cette presse pour l'intégration sociale et culturelle des migrants. Le recours à l'histoire des évolutions depuis une trentaine d'années du traitement de la diversité des populations vivant ensemble en France est éclairant. Dès 1981 les radios de l'immigration et les radios des langues de France ont pris leur essor. Dans les deux cas le contexte éclaire les évolutions. Comme le relève l'un des fondateurs de Radio Gazelle à Marseille, Salah Bariki (1994) l'effloresence des radios montées par des personnes ou par des groupes immigrés ou issus de l'immigration est très importante et vient de la conjonction de « la fin du monopole » mais aussi de « l'égalité en matière de droit d'association et (des) conséquences de la politique giscardienne de l'immigration ». En Rhône-Alpes le développement de Radio Trait d'Union de l'aveu de son fondateur, Mohamed Messoussa, est bien en effet dû à ces ouvertures possibles que de petits groupes de personnes ont su saisir dans le courant de l'année 1981. Il en est de même de Radio Kaleidoscope à Grenoble, mais aussi de radio Arménie à Lyon, de radio A à Valence et de la radio italienne de Grenoble. C'est également en 1981 que naissent les radios confessionnelles, radio Fourvière, qui sera le point de départ dans les années ultérieures du réseau RCF et radio Judaïca à Villeurbanne. Dans les années qui ont suivi, plusieurs évolutions sont à noter. Le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) décide de subventionner plusieurs de ces radios susceptibles de renforcer le lien social entre les familles issues de l'immigration, conformément à l'objet social de cet établissement public. On rappelle que le FAS avait été créé en 1958 au plus fort de la guerre d'Algérie. Placé sous la tutelle de la Direction de la Population et des Migrations du Ministère des affaires sociales, il est chargé de « promouvoir une action sociale et familiale en faveur des salariés travaillant en France métropolitaine dans les professions visées par le régime algérien d'allocations familiales et dont les enfants résident en Algérie » (ordonnance du 29 décembre 1958). Il est financé à l'origine par les allocations familiales versées par les employeurs et les salariés. Salah Bariki relève que « les pays d'origine, absents lors de la création des radios, ont cherché à les influencer par la suite, à l'image de ce qui se passe pour la Mosquée de Paris.» (op. cit.) Dans les années 1980 et 1990, plusieurs évolutions sont à relever : – création de radios puis de télévisions commerciales souvent avec certains acteurs issus du mouvement des radios associatives. Le succès important des radios de l'immigration joint aux évolutions générales des lois touchant aux radios qui aboutissent à la loi de 1986 sur la communication conduisent à la création de radios commerciales en réseau dans le champ ouvert par les radios associatives. C'est notamment le cas de Beur FM , radio associative à l'origine dès 1981, mais devenue commerciale en 1992, et de Radio Orient, qui suit la même évolution depuis sa création en 1982 sous forme associative et son développement commercial en réseau ultérieur. Ces deux radios sont présentes en Rhône-Alpes, Beur FM à Saint-Etienne, Grenoble et Valence, Radio Orient à Lyon et à Annemasse. Un travail de recherche a été récemment consacrée aux Etats Unis à la comparaison entre l'usage de la radio par le FLN depuis le territoire français pendant la guerre d' Algérie et celui qu'en fit radio Beur dans les années 1980 sous l'angle de l'étude des « discours de l'identité postcoloniale » (Iddins, 2010). – Développement en France comme partout de la réception par satellite des télévisions et des radios des pays d'origine dans les foyers d'origine immigrée. – Travail de mise en réseau, à l'initiative du FAS, des radios associatives de l'immigration avec Radio France Internationale par la création de la banque d'échange de programmes EPRA, conçue à l'origine pour améliorer le contenu des radios associatives immigrées et qui au fur et à mesure de sa croissance, après sa création en 1992 a permis des évolutions intéressantes : – mise en place d'une relation de plus en plus construite entre les radios de l'immigration et l'ensemble des radios de territoires, en milieu urbain comme en milieu rural, qui s'est traduite par un nombre d'adhésions aujourd'hui au GIP Epra de plus de 160 radios dont beaucoup de radios de Rhône-Alpes, réparties dans les huit départements. – développement de la capacité des radios à produire des programmes de qualité, échangeable dans le réseau et représentatifs de la vie sociale des territoires. Cette évolution s'est faite à la fois par le système d'achat des programmes aux radios par le GIP, par un système de sélection et d'amélioration des programmes soumis, par un programme de formation des membres, bénévoles et salariés des radios, par une bonne émulation dans le réseau. – facilitation de la modernisation des radios associatives, incitées à utiliser, dans toute leur chaîne de travail, des outils numériques. Une étude commandée par l'Epra en 2005 à IPSOS Media (op. cit.) faisait notamment apparaître la rapide généralisation dans les radios liées à l'Epra d'équipements numériques et notamment d'automates de programmation d'antenne, ce qui a permis par la suite au GIP d'imaginer une chaîne de circulation et de transformation de documents sonores et de données associées ente les radios et l'équipe nationale du GIP. – développement des formules dans la politique de programmation des radios associatives visant à intégrer dans ses propres programmes locaux, des éléments partagés avec d'autres radios. Sous l'influence de ces évolutions globales et du travail de structuration des échanges entre les radios favorisé par l'action des pouvoirs publics, on a pu observer une maturation des radios associatives dans leur traitement de la diversité culturelle avec un passage progressif au traitement du vivre ensemble sur une base territoriale. Une étude menée en 2004 à la demande du FAS-ILD et portant sur les radios financées par cet organisme (le FAS-ILD avait succédé au FAS avant de devenir l'ACSE) a fait le point sur l'évolution de ces radios (Lataulade et al. 2004). Parmi les neuf radios dont les monographies avaient contribué à nourrir cette étude, une radio de Rhône Alpes, Radio Pluriel, dont nous donnons en annexe du présent rapport le descriptif développé par la sociologue Catherine Froissart. L'enjeu est de taille car comme l'ont abondamment documenté Hartmann et Gerteis (2005 ), la diversité peut recouvrir des démarches sociologiques tout à fait différentes, entre celle qui isole les communautés et celle qui au contraire favorise leur intégration dans un ensemble territorial. Rogers Brubaker (2005), dans son approche de sociologie cognitive des questions de l'identité nous conforte dans l'idée de l'importance à la fois du mouvement des radios associatives et de l'évolution, nécessaire mais qui devrait être mieux comprise et soutenue des médias associatifs vers la dimension d'une territorialité partagée, tenant compte des expériences prolongées telles que celles de l' Epra. Une autre dimension de la question de la diversité culturelle dans notre pays est liée au débat sur la globalisation et à l'évolution des relations internationales. Accueillir et renforcer l'expression d'une diversité linguistique et culturelle dans notre pays permet de maintenir et de développer des capacités de passages, de mises en relation qui peuvent être bénéfiques à une meilleure intégration économique et politique de notre pays voire de notre région dans le monde. C'est ce qu'évoque notamment Pierre-Jean Benhozi : « l’enjeu principal des débats publics autour de la diversité : favoriser l’émergence de solutions opératoires permettant de concilier les exigences de la dimension économique des échanges culturels avec celles tenant à leur dimension identitaire. Les politiques culturelles se situent probablement, de ce point de vue, au stade où en étaient les politiques environnementales il y a une vingtaine d’années, avant le forum de Rio. » (Benghozi 2004 p. 6) Parallèlement se construisait en France une « politique de la ville » à laquelle l'action en RhôneAlpes de la municipalité de Grenoble sous la conduite d'Hubert Dubedout n'est pas étrangère (Jobert et al. 1995, Chevalier, 1996). En quelques années, les priorités de l'action publique ont été placées moins sur les thèmes de l'intégration des immigrés que sur ceux de la vie commune dans les quartiers populaires. Parmi les thème corrélés celui de la lutte conte les discriminations est particulièrement important. La lutte contre les discriminations devient un thème central dans l'action des pouvoirs publics. Relevant l'apparition et la généralisation de tout une terminologie liée aux discriminations dans les propos des acteurs sociaux, le sociologue Didier Fassin Le travail collectif réalisé par les radios depuis 1992 dans le cadre de l'Epra a permis à ces radios associatives implantées dans les quartiers populaires des villes importantes et moyennes de notre région de répondre efficacement à la demande faite par le Ministère de la ville en 2010 d'infléchir les thématiques mises en œuvre pour les échanges de programmes d'un accent mis sur l'intégration des immigrés à un accent mis sur le « vivre ensemble » dans la ville. L'évolution générale, et tout particulièrement en Rhône-Alpes, des relations entre les villes et les territoires ruraux montre l'importance aujourd'hui de ce que les statisticiens et les administrations responsables de l'aménagement du territoire appellent les « aires urbaines » (Le Jeannic, 1996). Cette évolution est telle que les radios implantées en milieu rural, nombreuses dans notre région, ne sont pas exclues du système de partage de programmes du fait du développement croissant de l'influence économique des villes sur les territoires qui les environnent, notamment dans le domaine essentiel de l'emploi. Avec le soutien de l'Union Européenne et du Conseil de l'Europe, l'Institut Panos Paris a animé pendant plusieurs années une réflexion commune sur les médias de la diversité ou sur la diversité dans les médias. Cela a permis la rencontre de responsables ou de membres témoins des difficultés de la représentation des minorités visibles dans les médias dominants et d'acteurs de médias privés, commerciaux ou associatifs, animés de lignes éditoriales très diverses mais rassemblés par le souci de donner l'image de la France d'aujourd'hui dans la diversité des origines de ses habitants. A la suite de ces rencontres, l'Institut Panos a publié le premier guide des médias des diversités, recensant « quatre vingt titres de presse écrite, une soixantaine de sites d'informations en ligne, quatre vingt radios, 240 émissions de la diversité et Web radio et une dizaine de télévisions. » (MediaDiv, 2007) Depuis, le mouvement pour la reconnaissance de la nécessaire diversité dans les médias s'est poursuivi. Sur le plan légal, la loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances a modifié la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en confiant au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel « le soin de veiller à la représentation de la diversité dans les médias audiovisuels, et de contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations ». A cette fin, le CSA a créé un Observatoire de la diversité dans les médias audiovisuels présidé par Rachid Arhab, et dont le vice-président est Alain Méar. Dans cet observatoire sont associés des représentants d’organismes publics tels que la HALDE, la CNIL et le HCI et des professionnels de l’audiovisuel. Un rapport commandé « la diversité dans les médias » a été présenté à M. Yazid SABEG, Commissaire à la diversité et à l’égalité des Chances par la Commission Médias et Diversités présidée par M. Bernard Spitz. Inspirée par Convention de l’UNESCO du 20 octobre 2005 sur la diversité culturelle, la commission s'est principalement focalisée sur la diversité dans les médias nationaux et a peu enquêté sur les médias de territoires. Les radios de la diversité linguistique Certaines radios font également le choix de la pratique des « langues de France » autres que le français, qu'il s'agisse de langues minoritaires comme le breton, l'occitan, le basque, le corse ou le catalan, ou de langues portées par des personnes originaires d'outremer comme le tamazigh ou les créoles des Antilles ou de la Réunion. Certaines de ces radios, notamment au Pays basque ou en Bretagne utilisent exclusivement la langue de leur territoire, d'autres sont bilingues. Les radios basques travaillent en réseau régional à plusieurs radios mais développent des liens importants avec leur fédération régionale de radios associatives (la Fédération aquitaine des radios libres, FARL) mais aussi sur le plan national avec le SNRL et sur le plan international avec l'AMARC. Particulièrement en Bretagne et au pays basque ces radios associatives bénéficient d'un soutien financier important de la part des conseils régionaux du fait de leur fonction linguistique et civilisationnelle. Les contenus de civilisation portés par ces langues minoritaires contribuent à la conservation et à un nouvel essor de ces langues. Ils peuvent être de surcroît d'importants outils éducatifs pour les jeunes générations et figurer des instruments de liens intergénérationnels. Indications bibliographiques section 6.2 Abdallah Mogniss H. (2001) Médias et immigration. Dynamique interassociative sur les ondes, Hommes & Migrations, 1230, mars-avril 2001. Bachelet Frank, Rangeon François. 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Maxwell McCombs et Shaw (1972) avaient montré de longue date l'importance de la presse dans la détermination des agenda : qu'est ce qui dans l'actualité peut faire l'objet de récits suivis, qu'est ce qui va être attendu du public, à quoi vont devoir répondre les acteurs en position d'intervenir dans les jeux de pouvoir ainsi construits. Ces dernières années, McCombs (2005) montre la pérennité » de ce modèle et l'importance encore accrue que lui donnent les « nouveaux média ». Plus généralement des auteurs comme Dietram A. Scheufele (2007) montrent le rôle que jouent les médias dans la construction des représentations de la population. Il s'agit bien de cognition, de perception, de mémorisation, de langage : comment se constituent des problèmes sociaux, comment ils sont construits dans un vocabulaire évolutif et structuré, comment ils sont régis par des cadres spatiaux et temporels qui organisent les perceptions et les mémorisations et permettent aux groupes sociaux de formuler leurs représentations. En France, Jean-Gustave Padioleau (1982) avait montré l'importance de la notion d' « agenda politique » dans l'évolution des représentations et des pratiques des acteurs du champ public, qu'il s'agisse des élus ou des fonctionnaires. Dès 1928, le sociologue Karl Mannheim avait fait de la notion de génération un élément important d'une sociologie cognitive qu'il appelait de ses vœux. Comme le présente très bien l'une des ses traductrices en français, Nia Perivolaropoulou (1992, p. 167) , il faut comprendre une génération comme on comprend une classe sociale, comme un des lieux essentiels où se forgent les connaissances. Or Mannheim montrait bien comment les membres d'une génération se reconnaissaient entre eux et se différenciaient des autres générations autour de quelques dates et images fortes caractéristiques de leurs jeunesses. Instruits de l'importance de cette notion, nous serons particulièrement attentifs à la façon dont les événements en cours contribuent à construire le monde culturel des générations nouvelles et à la façon dont les événement passés doivent toujours être réinterprétés, repris, remémorés, génération après génération, dans les nouveau cadres que l'actualité la plus récente a contribué à dresser. Il y a là à la fois un élément à prendre en considération dans l'appropriation des médias d'aujourd'hui, et dans leur nécessaire adossement sur les connaissances historiques. Indications bibliographiques section 6.3 Benghozi Pierre-Jean De l’exception a la diversité : quel avenir pour le pluralisme culturel ? http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/26/25/11/PDF/2004-04-07-324.pdf Benson, Rodney, Saguy, Abigail C. Constructing Social Problems in an Age of Globalization: A French-American Comparison American Sociological Review April 2005 70: 233-259 Dahlgren, Peter, L'espace public et l'internet. Structure, espace et communication Réseaux 2000, 18, 100, pp. 157-186 Goguen, J. (1997), "Towards a Social, Ethical Theory of Information," In Social Science, Technical Systems and Cooperative Work: Beyond the Great Divide, G. Bowker, L. Star, W. Turner, and L. Gasser, Eds., Erlbaum, London, pp. 27-56. Deslandes Ghislain , Laurent Fonnet, Antoine Godbert, Éthique des médias sociaux et économie de la participation: Vers une nouvelle approche éditoriale? Une étude comparative 2009, Global Media Journal -- Canadian Edition I Volume 2, Issue 1, pp. 41-61 http://www.gmj.uottawa.ca/0901/v2i1_deslandes,%20fonnet%20et%20godbert.pdf Mannheim, Karl, Le problème des générations, Armand Colin, 2005 McCombs, Maxwell & Shaw, DL. (1972). The agenda-setting function of mass media. Public Opinion Quarterly, 36, p. 176–187. http://www.uncp.edu/home/acurtis/Courses/ResourcesForCourses/PDFs/McCombs_Agenda %20_Setting_1972.pdf McCombs, Maxwell & Shaw, DL. (1993). The Evolution of Agenda-Setting Research: Twenty- Five Years in the Marketplace of Ideas. Journal of Communication, 43 (2), p. 58-67. McCombs, Maxwell (2005). A look at agenda-setting: Past, present and future. Journalism Studies, 6, p. 543–557. Marien, S., The effect of electoral outcomes on political trust: A multi–level analysis of 23 countries, Electoral Studies (2011), doi:10.1016/j.electstud.2011.06.015 – in press Padioleau (Jean-Gustave), « La lutte politique quotidienne :caractéristiques et régulations de l'agenda politique », dans Jean-Gustave Padioleau, L'État au concret, Paris, PUF, 1982. Perivolaropoulou Nia. Karl Mannheim et sa génération. In: Mil neuf cent, N°10, 1992. Proudhon, l'éternel retour. pp. 165-186 Rosanvallon, P., 2008. Counter-democracy. Politics in an Age of Distrust. Cambridge University Press, Cambridge Scheufele, D. & Tewksbury, D. (2007). Framing, Agenda Setting, and Priming: The Evolution of Three Media Effects Models. Journal of Communication, 57, p. 9-20 http://www.scienzepolitiche.unimi.it/files/_ITA_/COM/3-Framing-AgendaSetting.pdf Van Gorp, B. (2007). The constructionist approach to framing: Bringing culture back in. Journal of Communication, 57, p. 60–78. https://lirias.kuleuven.be/bitstream/123456789/250813/1/Joc_The+constructionist+approach.pdf Section 7 Les innovations potentielles et petit à petit actualisées permises par la numérisation et par l'internet Penser les changements technologiques dans leurs impacts sociaux est un programme essentiel qui suppose à la fois une bonne connaissance des possibilités techniques et une observation fine des usages. Saskia Sassen (2002, p. 365) en développe l'ambition : « capturer les imbrications complexes de la technologie et de la société. » Toutes les possibilités ouvertes par la numérisation des données peuvent être pensées, d'une manière très générale, à la façon que propose Daniel Bougnoux quand il invite à reconnaître l'importance de la pragmatique au détriment des linguistiques de l'énoncé pour la bonne analyse des nouvelles pratiques de communication. C'est dans les nouveaux dispositifs qui nous mettent en relations, par la conjonction de plusieurs sens, avec les objets de connaissance et avec les autres personnes que nous transformons nos pratiques culturelles et que nous développons nos apprentissages. La réflexion sur la portée cognitive et culturelle de la reproduction mécanique des œuvres est essentielle. Elle fut inaugurée par Walter Benjamin. John Berger dans un court texte très pénétrant insiste sur la puissance des images reproduites à l'envi dans la constitution de nos répertoires perceptifs : tout ce qu'on voit aujourd'hui, de la perception la plus naïve, aux remémorations les plus construites incorpore ces corpus aujourd'hui immensément démultipliés des images reproduites. Avant même que ne soit posée la question de la numérisation de la diffusion pour les médias audiovisuels, et notamment, pour les radios avec la RNT (radio numérique terrestre), le numérique et l'internet ont pénétré dans les pratiques des médias associatifs. Ici comme ailleurs, la région Rhône-Alpes a été pionnière. La proximité en effet des réseaux universitaires et des médias associatifs a assez rapidement, dès le début des années 1990, permis l'émergence de pratiques nouvelles. C'est au milieu de ces années là que radio Brume, radio étudiante de Lyon-Villeurbanne a créé un des premiers sites web de radio qui a rapidement, du fait notamment qu'il mettait en ligne un annuaire des radios associatives, connu une belle fréquentation. Rapidement dans la suite, radio Pluriel créait son premier site, bénéficiant elle aussi de sa proximité avec le monde académique et cette radio mettait en place les premiers serveurs web de la fédération régionale DIRA (département inter-radios associatives) et de l'organisation nationale CNRL (confédération nationale des radios libres). Mais ces sites restaient des vitrines de communication et ne comportaient pas au début des fonctions utilisant les bases de données. L'équipe de radio Brume mettait alors au point un des premiers logiciels d'automation de gestion d'antenne, Paulo. Celui-ci fut adopté par un grand nombre de radios associatives et maintenu jusqu'à une période récente par les anciens de radio Brume après qu'il avaient contribué à créer la société VDL, très présente aujourd'hui ans le numérique terrestre radio à l'échelle nationale voire internationale. Cependant, ce n'est qu'au milieu des années 2000 que la pratique des outils numériques et de l'internet se généralisa dans les radios associatives comme dans les autres médias participatifs. 7.1. Le numérique dans les interactions entre les membres des médias et avec leurs partenaires L'étude ethnographique et historique de la pénétration dans les collectifs des formes numériques de collaboration reste à opérer pour les médias associatifs. Elle bénéficiera de toute une littérature internationale qui articule théorisation synthétique (DiMaggio et al., 2001) et études de cas (Howard, 2002). L'usage, à l'intérieur même de chaque équipe de média associatif, des formes numériques d'interaction s'est aujourd'hui généralisé. Elle produit des effets que les dirigeants des associations ont souvent du mal à maîtriser (voir à ce sujet les travaux de l'école de Raymond Boudon sur les effets pervers, effets non voulus de l'action). On retrouve ces formes d'interaction entre les différents médias, dans leurs structures de collaboration mais aussi dans leurs relations avec leur environnement, dans toute sa diversité. Mais la numérisation, locale et en réseau a bien d'autres effets, plus spécifiques aux différents médias et dont l'étude ethnographique promet beaucoup, car comme dans tous les phénomènes émergents massifs, elle pose des questions nouvelles et pose de façon nouvelle des questions anciennes : questions juridiques portant notamment sur les droits, questions économiques, y-a-t-il dans ces formes nouvelles le germe d'une disparition des médias, ou au contraire des possibilités de diversifications des méthodes de travail et des ressources ? Dans la suite des travaux classiques de Michel de Certeau sur les usages quotidiens et des travaux de muséologie d'auteurs comme Jean Davalon se sont développés dans les dernières années d'importants travaux visant à mieux comprendre la façon dont les publics, dans leur diversité, s'approprient les nouvelles possibilités ouvertes par les technologies multimédia, dans les différents espaces, souvent composites, dans lesquels elles se déploient (Joëlle Le Marec, Yves Jeanneret) 7.2. Maîtrise de la durée Quel que soit le média, le développement des outils d'archivage et la baisse très importante des coûts constatée assez récemment permet à chacun des médias, écrits, radios, audiovisuels, de conserver durablement une mémoire de ses documents. La numérisation permet de sortir du linéaire, de la submersion dans l'instant : chaque parole , chaque événement acquiert de la durée et permet la confrontation entre les périodes et entre les espaces. Là encore d'intenses débats sont menés dans les équipes sur l'opportunité et sur les formes de ces archivages. On réfléchira sur ces questions en s'appuyant sur l'observation des pratiques et le recueil de positions diverses. Mentionnons la réflexion élaborée dans d'autres champs de l'étude des usages culturels et commerciaux de l'internet : celle de Chris Anderson sur la « longue traîne » (2006). Le fort développement de l'offre documentaire sur internet pose aujourd'hui d'épineuses questions de sélection et de pertinence. C'est ce type de questions que les radios associatives réunies dans la confédération Cranc-ra se posent depuis la mise en place de leurs serveur de dépôt d'émissions fin 2007 ou qui préside à l'élaboration du site www.mediascitoyens.org. Il est nécessaire de comprendre la nécessité, pour les documents audiovisuels, d'une description pertinente dans un format texte de leurs contenus Et cela pour deux raisons : dans le mouvement pour la visibilité des documents, il est nécessaire de décrire finement les documents déposés en ligne de sorte qu'ils apparaissent accessibles avec pertinence. L'autre raison est qu'un document s'inscrit dans un ensemble cognitif complexe dans lequel des liens avec d'autres documents sont nécessaires. La complémentarité entre la base sonore des radios, qui pourrait être étendue à d'autres document audiovisuels et le site documentaire de MédiasCitoyens est celle là : comment articuler l'archivage des données de base et leur insertion dans des ensembles documentaires. Un élément de réponse pourrait résider dans le renforcement des outils d'archivages qui bénéficierait de l'expérience des documentalistes, bibliothécaires et archivistes. Dans les années, toutes récentes, du web sémantique, il est possible d'abord de maintenir l'autonomie des collectifs de toutes tailles qui déposent des documents sur le web, autonomie rédactionnelle et autonomie des gestion des accès aux documents. Mais en même temps l'interopérabilité des dépôts d'archives peut être assurée par l'adoption d'un protocole d'échanges bien utilisé aujourd'hui dans le monde de la recherche scientifique La question reste essentielle des relations entre des mondes divers, munis à la fois de bases documentaires et de présentations ouvertes. Il y a des possibilités techniques de développer l'interopérabiilité des documents, mais la question des traductions de groupe à groupe reste essentielle. La région Rhône-Alpes a été pionnière dans l'évolution des pratiques de mise en place des fournisseurs de données et des fournisseurs de services travaillant sous ce protocole. Nous disposons en effet à Villeurbanne, installé dans le cadre du centre de calcul de l'IN2P3, du CCSD (Centre pour la communication scientifique directe), qui a développé en France les archives ouvertes dans le monde de la recherche scientifique. Encore à Lyon, l'Institut des sciences de l'homme a été pionnier dans le développement des archives ouvertes dans les sciences humaines et sociales avec notamment la base HAL-SHS. L 'université Lumière Lyon 2 a joué un rôle important dans la mise en place de la base de revues en sciences humaines et sociales Persée. L' ENSSIB, à Villeurbanne a beaucoup fait pour favoriser la réflexion sur les archives ouvertes dans le monde des bibliothèques, des archives et de la documentation. 1 Les bases sélectionnées dans Calame restent dans le monde académique, mais l'interopérabilité permise par le protocole OAI-PMH ouvre à des usages plus ouverts sur les échanges avec le monde de l'éducation et le monde de la vie culturelle et associative. Le rôle des bibliothèques et médiathèques de lecture publique peut être important dans cette ouverture des types de documents et de bases accessibles à l'interopérabilité. Un exemple de fournisseurs de données dans le monde associatif : les échanges de programmes entre radios. Un exemple tout récent dans le monde des radios associatives montre la faisabilité pour une structure non académique de la migration sous ce protocole. Le GIP Epra qui favorise les productions et les échanges de programmes entre radios associatives et avec Radio France internationale à propos de l'immigration et la politique de la ville a récemment adopté le protocole OAI-PMH.2 Un exemple de fournisseurs de service à la jonction entre le monde académique et les pratiques sociales : le moissonneur du serveur Créville. Le moissonneur de Créville, qui s'appelle OAI ville, moissonne dans un nombre important d'archives documentaires francophones dans le domaine de l'aménagement urbain et des sciences sociales de la ville. Sa consultation donne une bonne idée du fonctionnement pour l'usager. 3 1Voici un chapitre de livre, par Muriel Foulonneau, de l' ENSSIB à Lyon Villeurbanne du même auteur Réseaux d’archives institutionnelles en Europe: logiques de développement et convergences http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/20/50/49/HTML/ 2 site de l' Epra http://archives.gip-epra.fr <http://archives.gip-epra.fr/oai?verb=ListRe liste mondiale des plus de 1300 dépôts dans lesquels figure l' epra http://www.openarchives.org/Register/BrowseSites 3http://crevilles.org/ http://crevilles.org/mambo/index.php?option=com_wrapper&Itemid=217 <http://crevilles.org/mambo/index.php?option=com_wrapper&Itemid=217> L'extension des possibilités de créer des serveurs de données sous protocole OAI-PMH mais aussi des moissonneurs pourrait être bénéfique à plus d'un égard dans notre région. 7.2.1. Développement de bases documentaires plus visibles De plus en plus d'acteurs de notre région ont mis en place des bases documentaires. Les visites dans les grands moissonneurs comme OAISTER 4 montrent que les tailles des réservoirs sont très variables et leurs thématiques très diverses. Une base de donnée sous ce protocole acquiert d'abord une plus grande rigueur due à l'adoption des normes bibliographiques du Dublin Core. Elle trouve, par sa proximité avec d'autres bases de même nature un environnement disciplinaire propice aux meilleures découvertes et aux meilleurs échanges. Le caractère mondial de l'OAI (1408 bases à ce jour dans de nombreux pays) 1 permet de développer des contacts lointains, ce qui a pour effet d'ouvrir les champs d'influence et de relations des auteurs et de développer ce que le sociologue Mark Granovetter appelait des « liens faibles »2. Dans le cas par exemple des bases de sons des radios associatives ou des bases de vidéo des télévisions et vidéos de quartier et de pays, la passage sous ce protocole documentaire des bases de chacun des opérateurs ou groupements d'opérateurs permettrait à la fois, de favoriser leurs échanges entre eux, de normaliser, en coordination avec des juristes, la gestion des droits à l'intérieur de chacune des communautés, de développer la légitimité de ces communautés de pratiques vis à vis de l'extérieur, d'attirer de nouveaux membres. 7.2.2. Développement et diversification des fournisseurs de service Un fournisseur de service ou moissonneur permet à ses visiteurs de chercher des documents dans les collections des fournisseurs de service de son choix. Sur son site web une radio associative peut ainsi permettre à ses auditeurs de découvrir les ressources proposées par la base documentaire de l'Epra ou par toute autre base de sons en mp3 sous protocole OAI-PMH que cette radio aurait choisi de proposer à ses visiteurs. Mais la radio pourrait donner également à visiter des ressources texte ou vidéo portant sur les thématiques qu'elle choisit de privilégier. Ainsi un moissonneur de radio pourrait donner accès à des articles de recherche en sociologie, histoire, anthropologie, économie, ou à des collections iconographiques, qui permettraient à ses auditeurs de compléter l'écoute des documents sonores moissonnés par la lecture d'articles, de mémoires ou de thèses sur des sujets proches ou par l'examen de dessins, de cartes, de documents scannés. A l'inverse, un enseignant, un lycéen pourrait lier à ses recherches de documents écrits, l'écoute d'interviews ou le visionnement de vidéos. On voit bien l'apport que donnerait le développement de ces outils dans la structuration des connaissances et des communautés de curiosité et dans les apprentissages. 4OAISTER http://oaister.worldcat.org/ 1 http://www.openarchives.org/Register/BrowseSites 2 http://171.67.216.14/dept/soc/people/mgranovetter/documents/granstrengthweakties.pdf 7.2.3. Des synergies nécessaires dans la mise en place de ces outils La mise en place de nouveaux sites de fournisseurs de données, plus tournés vers la jeunesse scolarisée et le grand public pourrait bénéficier de la présence dans la région d'universitaires ou d'informaticiens compétents capables de transmettre les savoirs nécessaires. Les outils documentaires déjà en place ou en projets dans le monde de l'éducation pourraient trouver dans le développement de nouvelles bases documentaires régionales un enrichissement. Un auteur qui souhaiterait publier ses travaux, un photographe qui dispose de belles collections qu'il souhaiterait partager, une famille qui souhaiterait faire connaître la mémoire de ses anciens dans une perspective pédagogique et citoyenne, devraient pouvoir trouver dans les bibliothèques et médiathèques publiques les soutiens techniques et juridiques nécessaires. Les médias locaux pourraient trouver dans ces nouvelles ressources un enrichissement et une pertinence qui à la fois leur permettraient de se rapprocher des populations de leurs territoires et de porter loin la parole des gens de leurs voisinages. 7.3. Partage de la maîtrise de la parole entre tous ceux qui l'ont produite De longue date, les médias associatifs ont été des médias dans lesquels l'investissement émotionnel et biographique des personnes qui font l'objet d'une interview ou d'un reportage est fort. Qu'il s'agisse d'un article de journal, d'un son radiophonique ou d'un film vidéo, très fréquemment les personnes qui sont interrogées n'ont aucune expérience préalable du contact avec un média. Une interview réussie est une épreuve joyeuse que les personnes interrogées conservent quelquefois longtemps après non seulement comme un beau souvenir, mais quand cela est possible sous la forme tangible d'une coupure de presse ou d'un enregistrement. Il est aujourd'hui, pour les radios, pour les vidéos, pour les photographes, à la fois rapide et peu coûteux de donner la trace du passage dans le média à la personne interrogée. Si certaines précautions techniques et juridiques sont prises, il est également possible aujourd'hui de communiquer à la personne interrogée, à l'association ou à l'institution à laquelle elle appartient l' URL du document et celle de la fiche descriptive du document de façon à ce qu'elle puisse déposer un lien sur un ou plusieurs sites personnels ou institutionnels et sur les réseaux sociaux. Cela a pour effet de développer très largement les actions de communication bien au-delà du cercle des artisans des radios ou des médias jusque dans le monde très largement ouvert des personnes susceptibles de prendre la parole dans les médias. En amont, de plus en plus de personnes sont en mesure de venir dans le média avec des documents iconographiques, sonores ou vidéo susceptibles d'être repris, éventuellement remontés, intégrés dans une émission de radio ou dans un article de page web ou de journal. Là encore la généralisation des clefs USB ou des disques durs externes à interface USB facilite l'intégration de ces documents. Les moyens matériels de monter ou d'intégrer rapidement ces « briques » sonores ou visuelles sont maintenant de plus en plus répandus. Un nouveau concept de télévision locale entièrement conçu dans cette perspective de construction de documents montés à partir des initiatives des personnes et des groupes d'un territoire est en cours à Salzburg en Autriche. Plusieurs possibilités sont offertes aux habitants de la ville : – déposer en ligne leurs propres vidéos qui seront diffusées à la fois par voie hertzienne et sur internet – organiser des prises de vues dans le studio de la télévision locale avec le matériel et l'accompagnement professionnel de l'association. Dans notre région, plusieurs associations de vidéo travaillent dans une perspective analogue. A Lyon, Soli tv et à Grenoble Ex-pression ont mis en place des plateformes vidéo pour les associations : elles accueillent et diffusent les vidéos, forment les associatifs à la vidéo. Mais l'expérience autrichienne montre la voie et fait sentir l'importance des réglementations et des financements nécessaires à un sytème vidéo participatif qui incluerait la diffuion hertzienne universelle. On retrouve dans cette organisation assez rare dans notre pays une parenté avec celles des « canaux ouverts » qui sont très répandus en Allemagne, avec soit une forme radiophonique soit une forme vidéo, rarement les deux en même temps. Ces formes d'organisation méritent d'importantes réflexions dans trois directions : – l'intérêt et les limites d'une expression morcelée aux mains directement d'une très grande diversité d'individus et de groupes, sans ligne éditoriale particulière – les questions juridiques des droits – la question du contrôle de la qualité des documents diffusés. Mais les « Offene Kanäle », développés à partir de 1984, au nombre de plus de quatre vingt aujourd'hui et répartis dans tous les Länder sont une forme d'organisation qui peut nous donner à réfléchir sur ces questions essentielles – des formes de l'agrégation des paroles, donc de la ligne éditoriale de nos médias – du financement public – d'une part l'équivalent de notre redevance audiovisuelle est partiellement dévolue aux canaux ouverts, radio et télévision, d'autre part le rôle des Länder est important dans l'organisation de cette expression du tiers secteur de l'audiovisuel – des formes que peut revêtir un canal télévisuel associatif, pour lequel nous n'avons pas pour le moment en France de formule bien établie. Or aujourd'hui un très grand nombre des « Offene Kanäle » sont des télévisions. http://www.bok.de/doku/offene-kanaele-engl.pdf 7.4. La convergence des approches entre les différentes formes d'expression Image fixe, image animée, son, texte correspondent à des disciplines de production et de lecture qui partiellement répondent à la spécificité de nos sens, mais aussi partiellement ont été travaillées depuis plusieurs décennies, dans des réseaux professionnels différents. Ceux-ci sont partiellement articulés de longue date notamment dans le cinéma, mais c'est l'expansion des outils et des savoirfaire numériques qui provoque aujourd'hui les possibilités d'un usage mixte des éléments naguère découpés. La narration, la mise en récit d'expériences recueillies au plus près des lieux de vie dans nos territoires est essentielle : elle permet l'expression, la mise au jour, puis la répétition, la remémoration d'éléments importants des cultures populaires qui sans cela resteraient enfouis. Reprenons la définition de la culture de Ward Goodenough « Le culture est constituée de tout ce qu'il faut savoir ou croire pour se conduire de manière acceptable pour les membres de cette société » (Ward Goodenough cité par Winkin p.9 puis par Lardellier, op. cit. p. 213). Or dans les sociétés sans écriture, le récit mobilisait l'ensemble des modes de communication (Ochs et Capps, p.20). L'expansion et la spécialisation des principaux médias au XXème siècle a institutionnalisé des séparations dans les pratiques et dans les codes : « visual representation, gesture, facial expression and physical activity for example, can be combined with talk, song or writing to convey a tale. » (ibidem, p. 20) 7.5. l'enrichissement des documents par le rapprochement avec d'autres documents Un des éléments essentiels dans l'innovation apportée à l'internet par Tim Berners Lee a été l'usage des liens hypertexte. Depuis plus de dix ans la pratique des liens, aussi bien pour l'écriture que pour la lecture a transformé les façons d'apprendre voire dans bien des domaines les façons de penser, de parler et d'écrire. Les médias associatifs se saisissent petit à petit des outils nécessaires à l'enrichissement de leurs propos de base par des données associées. L'examen des sites web des médias de communication sociale de proximité et de ceux des autres cercles qui donnent à ces médias leur nécessité, leur contenu et leur légitimité font apparaître dans la construction de ces liens hypertexte plusieurs caractéristiques qu'il convient de relever mais dont il convient aussi de tirer des résolutions : – quand un média de communication sociale de proximité produit une émission ou un article ou un film au contenu original, il lui est possible d'accompagner la mise en ligne de l'archive du film, de l'article ou de l'émission de liens hypertexte vers les documents qui permettent au public « d'en savoir plus » sur les invités reçus et leurs institutions et sur les thématiques abordées. Par exemple, les sites des journaux et des radios mais aussi les sites coopératifs comme celui de MédiasCitoyens présentent sur des questions comme celles de la Démocratie participative ou de la couverture d'événements tels que le Dialogues en Humanité de Lyon des dossiers documentaires. – les partenaires engagés dans la production d'une émission ou d'un article peuvent également valoriser leur participation par un lien (permalien est le terme consacré) avec soit le son ou la vidéo ou le pdf de l'article lui-même soit avec la page web qui en assure comme ci-dessus la présentation et l'enrichissement hypertexte. – les sites dédiés à un événement – quand en novembre 2011 de nombreuses associations étudiantes parmi lesquelles plusieurs médias associatifs ont couvert collectivement le Forum de Libération à Lyon, chacun a pu publier ses documents dans format éditorial habituel (plusieurs journaux papier comme l' INSAtiable, des blogs d'infos comme le Lyon Bondy blog, une web radio comme Trensistor...) mais tous ont contribué à la confection d'un site spécifique, – il existe des agrégateurs de contenus dont les plus connus sont Google news et en Europe wikio, mais bien d'autres opèrent dans des niches plus restreintes. Accéder durablement à ces sites procure un double avantage : – cela donne une visibilité plus importante aux document posés sur le site du média considéré – cela contribue à améliorer le « pagerank » de la page. En effet, pour Google, la visibilité d'un site est renforcée par la quantité et par la qualité des liens qui pointent vers les pages de ce site. Deux points essentiels doivent être distingués à cet égard : – Les Médias de Communication Sociale de Proximité sont potentiellement des réseaux de réseaux susceptibles d'engendrer, par la quantité et par la qualité des liens entrants et sortants avec le site de leurs meilleures productions, une importante collection de relations très largement étendue, touchant des thématiques très ouvertes. Mais ces réseaux ont la spécificité de recéler dans la communauté territoriale des points d'entrée, des traducteurs, susceptibles d'être sollicités de nouveau pour que reprenne une conversation créative, une acquisition locale de connaissances. Prenons quelques exemples pour fixer les idées : les fêtes du livre de Bron (69), les cafés littéraires de Montélimar (26), les « autres salons » de Grigny (69), réunissent régulièrement des auteurs et des éditeurs de grand intérêt. Le média permet à ses visiteurs de trouver à la fois la trace d'une rencontre locale avec un des acteurs venus rencontrer le public local, mais de retrouver les passeurs qui ont permis cette rencontre et d'imaginer de nouvelles rencontres, avec d'autres publics, qui prolongeraient la première. – De plus petites communautés éphémères ou plus durables peuvent naître d'un rapprochement dans la conversation permis à l'initiative du média : par exemple en 1997, une soirée organisée sous forme d'émission de radio par la radio de Saint Priest (69) et par le centre socioculturel de la Carnière à l'occasion du lancement d'un des premiers centres multimédias associatifs de la région, devenu depuis un des EPM. A la suite de ce débat qui portait sur les usages citoyens des connaissances scientifiques, d'une conversation à trois naquit l'idée d'un des premiers cafés des sciences français qui fonctionna pendant plus de dix ans et permis de développer des émissions de radio et des comptes-rendus sur internet des débats « sciences et citoyens » menés dans ce café. (pour une mise dans un contexte plus global, voir Jensen et Croissant, 2007, Grossetti, 2000) 7.6. La possibilité de créer ou d'enrichir des événements susceptibles d'intéresser un public et de solliciter sa participation Des auteurs comme Victor Turner (1969) et en France Pascal Lardelier ont bien étudié les rassemblements festifs et l'ensemble des rituels modernes qui permettent à la fois de rassembler des habitants qui se retrouvent rarement dans le quotidien de la vie de travail ou même de loisirs. Ces rituels sont également un outil de scansion du calendrier, ils offrent aux élus locaux une occasion de rencontre conviviale mais bien encadrée avec la population. Régulièrement, les médias locaux sont associés non seulement à l'annonce de ce type d'événement mais souvent à l'animation même de l'événement dans laquelle ils déploient ce qui fait la spécificité à la fois de leur ancrage territorial et de leur concept éditorial. C'est ainsi que chaque année radio Pluriel à Saint Priest participe à l'animation de la traditionnelle foire d'automne par la tenue d'une animation sur podium qui illustre par les prestations d'artistes de différentes origines le caractère multiculturel qui est celui de la ville et qui correspond à l'engagement éditorial de cette radio. 7.7. le dialogue prolongé avec le public La détermination des thématiques, les découpages des sujets de débats pertinents semblent rester l'apanage des politiques, du monde économique et des médias, ce qui n'est pas sans soulever des questions essentielles (Fog, 1999 op. cit., Matei, 2005). Mais de plus en plus les animateurs des radios associatives, les rédacteurs des sites web d'information mettent en place des dispositifs destinés à introduire les paroles de leurs publics dans leurs productions. La démarche est ancienne : dès les débuts des radios associatives, la pratiques s'était répandue de la reprise locale d'une très ancienne pratique menée à l'échelle nationale par les radios périphériques, celle des dédicaces de chansons. Cette pratique perdure dans de nombreuses radios associatives. Elle permet un contact chaleureux entre l'animateur de l'émission et son public, notamment celui des personnes âgées. Elle répond à une des fonctions essentielle des médias de proximité, celle du lien social, de la lutte contre la solitude souvent très importante et notamment chez les personnes âgées. D'autres pratiques se développent de plus en plus avec la généralisation des équipements informatiques dans les studios des radios associatives : l'appel aux interventions des publics à l'antenne. Celle-ci se fait de longue date par le passage à l'antenne d'intervenants par téléphone, qui réclame de la part des animateurs, une attention , un esprit d'à propos et une vigilance nécessitant une formation de qualité que les radios ne sont pas toujours équipées pour prodiguer à leurs bénévoles. Mais on peut aujourd'hui compléter ces dispositifs par le recours aux envois de messages électroniques qui là encore pour un développement optimal mériterait la mise en place de formations spécifiques adaptées. Les télévisions participatives ont quant à elles mis en place différentes démarches visant à mettre en valeur et à prolonger la parole des citoyens. Les techniques des plateaux participatifs réunissant une communauté, la population d'un quartier ou d'une commune autour du traitement d'une thématique mais aussi de l'organisation d'un événement en sont un exemple. Ces émissions peuvent être ensuite mises en ligne accompagnées d'un forum ouvert prolongeant le débat avec d'autres publics. A Lyon, Soli TV met en place des processus interactifs à partir d'outils innovants ou de mondes virtuels comme « Second Life » où l'on peut allier diffusion vidéo et participation publique en direct. Certaines démarches de la presse écrite poursuivent aussi le même objectif. Ainsi, Les antennes à Grenoble produit régulièrement des dossiers participatifs en réunissant des groupes d'habitants afin de co-élaborer les articles du journal. 7.8.le renouvellement des outils pédagogiques Dès les premiers développement dans les années 1920 de « l'école nouvelle », l'usage par les enfants eux-mêmes des médias comme outil de découverte du monde et de travail de la langue, mais aussi de travail en équipe s'est répandu. On connaît l'usage que faisaient Célestin et Elise Freinet de l'imprimerie dans leur travail pédagogique. Freinet dans un texte de 1927 décrit et théorise la porté pédagogique de ces pratiques. L'instituteur de Vence, fondateur de l'ICEM (Institut coopératif de l'école la quotidienne moderne)http://www.icem-pedagogie-freinet.org : « L'Imprimerie à l'Ecole a fait tomber dans le domaine de pratique l'expression libre et l'activité créatrice de vos élèves. Par l'expérience, plus efficace que les raisonnements prétendus scientifiques, elle a ouvert des horizons nouveaux à une pédagogie basée sur les, intérêts véritables, générateurs de vie et de travail. Elle a du coup rétabli l'unité de la pensée, de l activité et de la vie enfantines, elle a intégré l'école dans le processus normal d'évolution individuelle et sociale des élèves. » Fernand Deleam en 1971 montre l'étendue du mouvement de l'usage de la presse écrite à l'école : « Au 1er octobre 1971 en France , 6 490 journaux scolaires « Techniques Freinet » sont inscrits à la commission technique paritaire des papiers de presse pour bénéficier des tarifs spéciaux des P. T. T., au titre des échanges entre écoles. » Avant même les lois de 1981 et de 1982, l'usage de la radio à l'école a commencé à se répandre. Des formes nouvelles d'usage éducatif du son ont commencé à être expérimentées. Des radios associatives ont été installées en milieu scolaire, dans le premier comme dans le deuxième cycle. Deux d'entre elle fonctionnent aujourd'hui dans la région Rhône-Alpes, Info RC à Aubenas et radio Pytagor à Balbigny. Des ateliers radiophoniques ont fonctionné dans des dizaines d'établissements, plus ou moins pérennes selon la présence d'enseignants ou de membres de l'équipe éducative de l 'établissement sensibilisés à cet outil et capables de mettre en œuvre des projets. En effet, pour mener à bien un projet durable bien des difficultés doivent être surmontées qui nécessitent la contribution d'acteurs extérieurs au monde de l'établissement, et notamment celle des collectivités territoriales, municipalités pour les écoles du premier degré, conseils généraux pour les collèges, conseils régionaux pour les lycées. Certaines radios de Rhône-Alpes ont particulièrement travaillé des formules de soutien à l'activité radiophonique dans les établissements d'enseignement, radio Grésivaudan, notamment avec le lycée horticole de Saint Ismier, radio Calade à Villefranche sur Saône, radio Dio à Saint Etienne, radio Mega à Valence. Couleurs FM à Bourgoin Jallieu travaille avec certains lycées de son territoire à l'exploitaion radiophonique des kiosques de découverte de la presse écrite mis en place par la région Rhône-Alpes. Radio d'ici à Saint-Julien-Molin-Molette travaille avec une équipe d'enseignants implantée dans une douzaine d'établissements de l'agglomération d'Annonay et rassemblés dans une association spécifique, Elyco (Ecoles, Lycées, Collèges) qui a obtenu les crédits nécessaires à l'embauche d'un salarié chargé d'animer les ateliers en collaboration avec les enseignants. Radio Pluriel a été à l'origine de la création d'une association autonome, Fréquence Ecoles, qui s'est donné pour objectifs de travailler dans les établissements à l'éducation aux médias. http://www.radio-gresivaudan.org/Lycee-Horticole-de-St-Ismier.html Une fédération nationale des radios et ateliers en milieu scolaire existe, l' ANAREMS qui rassemble un bon nombre de ces établissements et dont pour le moment les radios de Rhône-Alpes ne font pas partie. Ce travail radiophonique associatif trouve à s'associer avec l'organisation spécifique en réseau que s'est donnée l'éducation nationale pour développer auprès des élèves l'éducation aux médias (media literacy, voir Buckingham, 2005 pour une bibliographie internationale bien complète et Meyrowitz, 1998) Le CLEMI est la structure interne aux académies qui organise ce travail interdisciplinaire. Il « est chargé de l’éducation aux médias dans l’ensemble du système éducatif français depuis 1983. Il a pour mission d’apprendre aux élèves une pratique citoyenne des médias. Cet objectif s’appuie sur des partenariats dynamiques entre enseignants et professionnels de l’information. Tous les enseignants, quels que soient leur niveau et leur discipline peuvent avoir recours au CLEMI, tant au plan national que régional, pour se former, obtenir des conseils ou des ressources. » (site web du CLEMI Centre de liaison de l'enseignement et des médias d' Information. http://www.clemi.org/fr/ Une réflexion est menée dans le monde de l'éducation sur la formation à la culture informationnelle, qui pourrait être développée en s'appuyant sur les professionnels de la documentation, les professeurs documentalistes qui peuvent jouer un rôle essentiel dans la vie des établissements autour des CDI (Centres de Documentation et d' Information). On renverra à ce sujet à une recherche déjà ancienne qui avait été menée pour le compte de la région RhôneAlpes sur le rôle des CDI dans l'innovation pédagogique (Berger et al. 1998). Pour un état récent de l'art dans ce domaine sur le plan national on renverra à l'ouvrage dirigé par Françoise Chapron et Éric Delamotte (2010) et à l'article d'Éric Delamotte (op.cit.) Le Clemi organise chaque année au mois de mars la semaine de la presse et des médias dans l'école à laquelle s'associent un grand nombre des médias de proximité. Les événements importants du calendrier peuvent être l'occasion pour les ateliers ou radios scolaires de travailler avec des partenaires de leurs territoires, journées de travail sur une question de santé, journées contre le racisme. De nombreuses initiatives sont prises que l'on devrait pouvoir recenser. A deux reprises, de nombreuses radios associatives de la région ont travaillé en réseau pour couvrir avec des équipes de lycéens et de collégiens des thématiques liées au risque en montagne et à l'écologie dans le cadre des programmes Bivouac en nouant de nombreux partenariats en France et en Suisse dans le cadre d'un projet international fiancé par l'union européenne avec l'appui des académie de Grenoble et de Lyon . Le travail coopératif des enfants et des adolescents munis des outils d'observation et d'expression des médias locaux permet également de traiter en profondeur des dossiers pédagogiques souvent interdisciplinaires et inscrits dans les programmes. Citons par exemple l'étude menée en 2011 par une association belge travaillant sur les médias (Verniers et al. 2011). 7.9. La convergence entre des champs d'activité divers permise par les outils numériques Dans la cité, se rencontrent d'ores et déjà, autour d'établissements scolaires, de centres sociaux, d'associations, d'événements festifs, des groupes d'acteurs très divers qui tous utilisent des techniques numériques et mettent en œuvre des procédures qui font l'objet, souvent sur le net, d'échanges, de réflexions croisées. Dans certains cas sont fondés des centres multimédias de communauté, directement construits autour des techniques numériques. Un peu partout dans le monde, ces pratiques ont été l' objet d'observations ethnographiques. On renverra à l'important travail mené au Sri Lanka dans le cas d'un centre multimedia qui fait une grande place à la radio comme nœud d'activités (Slater, Tacchi, Lewis, 2002). Ce qui est pertinent dans le tiers monde l'est également dans les quartiers populaires des grandes villes occidentales. C'est encore autour de la radio que se développe le travail communautaire qu'analyse Peter Lewis (2008). Dans ces deux documents le propos est étayé par une bibliographie qui met en valeur d'autres expériences de même nature dans différentes parties du monde. Au-delà de l'analyse des pratiques de terrain on sent bien la nécessité d'un regard prenant en compte les différents groupes sociaux intéressés par la révolution numérique. Ces derniers peuvent coopérer harmonieusement mais les découpages disciplinaires, professionnels, in fine cognitifs peuvent également se révéler tout à fait impropres à une coopération efficace. Lors des rencontres organisées dès septembre 2010 par la région Rhône-Alpes sur le numérique et la culture, les médias citoyens ont manifesté leur intérêt pour la démarche à double titre : – comme nous le voyons dans ces développements, ils sont eux mêmes concernés très directement par les processus de numérisation – mais ils sont également, à travers leur présence des veilleurs tant dans les territoires de leur ressort que dans les réseaux « médiatés » (mediated networks)(Matei, S, (2005)) à même de mesurer la nécessité de dialogues entre réseaux très divers autour des possibilités d'innovation sociales et culturelles offertes par ces outils. Se trouvant en position d'entrer en relations avec des acteurs très divers, ils ont une fonction de passeurs et peuvent permettre des rencontres fécondes. Or les questions de culture et de numérique, concernent bien entendu au premier chef les artistes, les entrepreneurs culturels, les élus, de toutes disciplines, mais aussi d'autres catégories d'acteurs : – Les associations ou groupes intervenant dans le champ de l'informatique et de l'internet et tout particulièrement du logiciel libre. Certains d'entre eux étaient présents aux rencontres de Lyon et de Saint-Etienne. Il s'agit notamment des Espaces Publics Numériques. Certains d'entre eux travaillent au quotidien avec les équipes de gens de culture pour le développement de leurs projets numériques. Or, une association comme l' Aldil à Lyon organise depuis douze ans les journées du logiciel libre qui réunissent le meilleur des développeurs internationaux dans le monde du logiciel libre. Mentionnons aussi le rôle fédérateur de la Maison de Grigny et de ses biennales – Le monde de l'éducation et notamment les enseignants ou documentalistes des établissements dont certains sont particulièrement investis dans la mise au point de méthodes pédagogiques numériques. La présence à Lyon de l'INRP et de l' ENSSIB rend particulièrement intéressante l'idée d'une relation construite entre la recherche de nouvelles méthodes en sciences de l'éducation et le travail sur le numérique dans le monde de la culture. – Les services et personnalités investis dans les transformations que le numérique permet de produire dans l'aménagement des territoires. Les travaux menés de longue date dans cette perspective dans le département rural de l' Ardèche laissent bien augurer d'une collaboration sur ce terrain. Indications bibliographiques section 7 Anderson, Chris The Long Tail : why the future of business is selling less of more, New York, Hyperion, 2006 Benjamin, Walter The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction http://dxarts.washington.edu/coupe/wk1/benjamin.pdf Berger J. 1972. Ways of Seeing. London: BBC/Penguin http://www.arts.rpi.edu/public_html/century/public_html/eao11/BergerWaysSeeingchp1.pdf Berger, Patrice, Alain Van Cuyck, Bernard Choffat, Joëlle Gardien, Christine Morin Rôles et enjeux des centres de documentation et d'information dans l'innovation pédagogique en région RhôneAlpes. Rapport final, CRDP, ENSSIB, 1998 Bevort, E. and Breda, I. (2001) Les Jeunes et l’Internet Paris: CLEMI Buckingham D., S Banaji, D. Carr, S Cranmer - 2005 media literacy of children and young people: A review of the research literature http://eprints.ioe.ac.uk/145/1/Buckinghammedialiteracy.pdf Certeau, Michel de L’invention du quotidien 1. 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En France, la loi de 1901 définit à la fois un modèle de gestion, l'appartenance, domaine par domaine, à des communautés, et plus généralement une vision du monde qui peut servir ou desservir les structures selon les règles des jeux sociaux dans lesquels elles s'insèrent (Reynaud, Jean Daniel, 1989). 8.1 Spécificité de la gouvernance La connaissance du monde associatif a progressé dans les dernières années en France, en Europe et dans le monde pour trois séries de raisons : – un inventaire des pratiques et des compétences Il fallait « rendre compte de la multiplicité des pratiques constatées dans des champs d'action divers. » Notamment parce que dans de nombreux pays, et y compris dans les directives internationales, la concurrence du secteur marchand se faisait sentir et qu'un état des lieux faisant apparaître nettement les atouts mais aussi les faiblesses du secteur associatif étaient nécessaires. – Une prise de conscience collective de la spécificité du secteur Il fallait « accompagner la prise de conscience par les acteurs d'une communauté de valeurs et d'intérêts qui les distingue à la fois du monde de l'entreprise privée et du secteur public ». – Une base de compétences et de bonnes pratiques « dessiner et valoriser des modèles d'action et des valeurs originales et pourvues de sens dans les champs où elles s'appliquent mais bien au-delà capables de soutenir un projet politique et économique global à la fois ancré dans des traditions historiques et apte à ouvrir des perspectives d'avenir. » A l''échelle internationale, qu'on l'appelle secteur sans profit (non-profit), non gouvernemental, volontaire, de la société civile, du tiers secteur, secteur indépendant ou secteur associatif, secteur de l'économie sociale, de l 'économie solidaire, de la coopération, il est présent partout dans le monde et prend des formes multiples et attestées dans l'ensemble des domaines de la production et des services. Pour mieux connaître ce secteur, nous disposons aujourd'hui d'un ensemble coordonné de recherches sociologiques internationales mené autour de l'Université John Hopkins de Baltimore (Salomon, Sokolowski and Anheier, 2000) auquel prend part notamment pour la partie française la sociologue Archambault (2001, 2002). Un média associatif est un média du tiers secteur, soumis aux règles juridiques, économiques, axiologiques des autres institutions de même statut, mais il peut être aussi compris et reconnu comme un média particulièrement pertinent par l'ensemble du secteur associatif et plus généralement en France de l'Economie sociale et solidaire. Le rôle d'un média local pour le resserrement des liens entre les personnes et les groupes dans un territoire et pour l'établissement de liens plus lointains et leur ancrage dans le territoire. Les comparaisons internationales entre les poids économiques du tiers secteur dans les différents pays, les domaines d'activités dans lesquels ils s'inscrivent, les relations qui prévalent entre les professionnels et les bénévoles dans les institutions étudiées varient fortement d'un pays à l'autre (Anheier, Seibel 1990, Archambault, 2002). Un élément essentiel pour la compréhension de ces différences réside dans le rapport construit au fil de l'histoire entre l'Etat et les citoyens dans la prise en charge des besoins de la population. L'étude internationale John Hopkins distingue quatre grands modèles de relations entre secteur public, secteur privé lucratif et secteur privé non lucratif. L'examen de ces modèles, modèle anglosaxon, modèle allemand, modèle français en particulier permettent de rendre compte par exemple de la puissance du monde associatif aux Etats Unis par le truchement duquel sont assumées des fonctions sociales et sanitaires auprès des populations qui sont en France dans le domaine du service public (Simonet-Cusset 2004 ). Une lecture des positions relevées dans le champ politique français face aux mouvements de libération des radios associatives dans les années 1970 permet d'articuler les grands courants politiques et philosophiques pérennes, notamment sur la question des rapports entre le service public et l'initiative associative, aux débats qui ont été menés dans ce domaine à la fin des années soixante-dix. (Prot 1997, Cheval, 1997, Cheval , 2004, Lefebvre 2008, Charasse 1981) On commente encore aujourd'hui la belle aventure de Lorraine cœur d'acier, la radio cégétiste de Longwy, dont la population était alors en lutte contre le démantèlement de la sidérurgie lorraine. Il faut d'abord observer que Lorraine coeur d'acier avait été précédée par une autre radio pirate montée à l'initiative de militants de la CFDT, SOS emplois. La position du PCF dans l'ensemble des régions où se développaient des radios pirates était hostile à l'installation de radios pérennes dans les territoires, mais la position de la CGT, plus souple permettait l'installation provisoire de radios de luttes, appui ponctuel à un mouvement, contrôlées par le syndicat. Un point essentiel dans la direction des associations est celui des objectifs, de la finalité de l'association, ce qui motive l'ensemble des membres à rester ensemble. L'objet social tel qu'il figure dans les statuts peut s'être figé dans une rhétorique qui n'a plus prise sur les aspirations des membres et des cercles de partisans de l'association qui la font vivre en lui faisant confiance. Il faut en permanence pour les membres de l'association vérifier la pertinence de leur projet alors que tout autour d'eux se transforme. Si un des critères importants de l'efficacité sociale et culturelle d'un média de proximité est celui de sa pérennité qui permet à la fois de maintenir et de renforcer une confiance de la part de l'ensemble des acteurs au média porteur de la parole de la communauté et de remplir sa fonction essentielle de mémoires sociale d'un territoire, la vie sur une longue période de cette forme d'association est tout particulièrement difficile à assurer. En effet le contexte institutionnel et politique de l'époque de la fondation est par définition passager, quand l'obtention d'une liberté nouvelle est conquise à la suite d'un combat politique, ce qui a été le cas pour les radios associatives à la fin des années 1970, l'installation dans un fonctionnement régulier, la mise en place de formes pérennes n'a pas toujours pu se faire sans que soient mises à mal les représentations qui avaient été à l'origine de la création du mouvement. En toute hypothèse, et quelle que soient les étapes qu'aient pu franchir les équipes qui font vivre les médias de proximité, un élément essentiel dans la vie d'un média associatif est celui de la confiance : confiance des membres dans l'objet de leur engagement, dans la qualité et dans la progression de leur média, confiance des membres dans les dirigeants qu'ils se sont donnés et confiance des dirigeants vis à vis des membres du groupe, confiance des cercles qui s'animent autour de la radio dans la structure et dans la qualité de ses membres. Cet aspect de la réalité des médias associatifs est partagé dans l'ensemble du monde associatif. D'importants travaux ont été consacrés à ces questions, notamment par des auteurs anglo-saxons (Anheier Helmut K. and Jeremy Kendall, 2000, Newton 2001). Chacun retient les mots de Simmel (1950: 326) "trust is one of the most important synthetic forces within society." Un élément essentiel est celui de la pérennité du projet de l'association d'un média associatif en tant que média d'éducation populaire. Nous l'avons vu l'enrichissement, la qualité d'un média local exige la durée. Celle-ci demande une puissance quantitative de couverture d'événements, de présences aux débats citoyens et donc une équipe de collaborateurs suffisamment riche et motivée, des ressources suffisamment régulières. C'est tout cela en effet qui contribue à construire un capital de confiance. Or l'environnement d'un média d'éducation populaire est notamment constitué de médias commerciaux qui peuvent apparaître à certains des membres de l'association comme une alternative possible face aux difficultés du fonctionnement de l'association, qu'il s'agisse de ses financements ou simplement de la vie interne de l'association, avec ce qu'elle suppose de contraintes dans son jeu démocratique. Un autre point que soulignent les auteurs touche aux relations entre les bénévoles ou volontaires et les salariés (Prouteau 1998, Prouteau,2006, Simonet-Cusset 2004). Plus se confirme la tendance à la professionnalisation du secteur des médias associatifs, plus la relation entre bénévoles et salariés devient une question complexe mais essentielle. Les éléments qui incitent les associations à développer une professionnalisation de leurs structures sont de plusieurs ordres : – les incitations des régulateurs – l'émulation entre médias associatifs – la technicités des tâches de gestion – les exigences de qualité provenant des cercles du média dans son territoire (voir notamment notre section 4 ici- même) – l'usure de l'engagement des bénévoles Ces différents aspects de l'environnement nécessaire pour les médias associatifs, capables de pallier les difficultés à faire vivre au jour le jour chacun d'entre eux militent pour le développement du travail de réflexion et de concertation entre médias mais aussi avec les partenaires de l'économie sociale et ceux du service public qui en partagent les valeurs. Certaines de ces raisons témoignent d'un opportun souci de la qualité des services que peut rendre le média de proximité, d'autres peuvent témoigner de la perte d'une dynamique qui reste nécessaire pour la pérennité d'une association. L'appartenance au monde associatif implique un ensemble d'atouts et un ensemble de contraintes que les responsables des médias associatifs, selon leur histoire individuelle ou selon l'histoire du groupe qui les a poussés à s'engager dans l'action sur l'information maîtrisent plus ou moins. On peut relever notamment des soutiens particuliers accordés par l'Etat et les collectivités territoriales : financement, exonérations de charges, attribution d'emplois aidés (voir le guide juridique et fiscal des radios associatives publié en 2007, Becquart et al.). Tout cela en contrepartie de cahiers des charges, définis quelquefois en négociation avec les organisations représentatives du secteur. Les radios avaient bénéficié d'un mouvement populaire corrélé avec d'autres mouvements sociaux dans d'autres champs dans les années 1970 (Touraine,1984 entre autres références possibles). Ces mouvements avaient rencontré un changement politique important et dès les origines à Lyon, avaient su se structurer en fédération nationale. Les vidéos de quartiers et de pays, si leur structuration nationale est plus récente sont , plus encore que les radios associatives, nées pour beaucoup d'entre elles dans le monde de l'éducation populaire. On trouve encore aujourd'hui un grand nombre d'activités vidéos de qualité dans les établissements scolaires, les centres sociaux, les maisons des jeunes et de la culture, et si toutes ces activités ne se définissent pas comme médias territoriaux à part entière, elles ont pour la plupart des structures fédérées dans la FVQP un ancrage associatif très fort, mais qui ne bénéficient pas de la reconnaissance institutionnelle collective qu'elles méritent.. 8.2 La dimension des regroupements de médias 8.2.1. Une nécessaire action collective La réflexion sur la nécessité d'un travail en commun entre médias associatifs est déjà relativement ancienne. Elle a pris corps surtout dans le monde des radios associatives mais aussi dans celui des télévisions et vidéos de quartiers et de pays à des échelles diverses et dans l'ensemble des secteurs dans lesquels une action collective était nécessaire. Beaucoup reste à faire mais nous présenterons dans cette section les principaux domaines dans lesquels une action collective est amorcée ou déjà plus travaillée. – la gestion de la ressource, le partage du spectre entre les médias audiovisuels et les opérateurs de téléphonie mobile et le « dividende numérique ». En France, l'arrêt de la télévision analogique terrestre le 30 novembre 2011 par le gouvernement a rendu disponible des fréquences dans la bande UHF et VHF du fait d'une meilleure utilisation du spectre par la TNT. Cette ressource de fréquences dégagée est appelée "dividende numérique". Plus généralement, sur le plan international, le partage des ressources hertziennes est un enjeu économique et politique important dans lequel les organisations nationales et internationales de radio et de télévision doivent trouver toute leur place en créant les alliances nécessaires à la fois dans le monde de la vie associative et communautaire, dans le monde de la création artistique et dans celui de l'ensemble des médias locaux indépendants. – la reconnaissance nationale et internationale d'un tiers secteur de la presse. Les médias d'expression sociale de proximité pourraient être considérés dans les institutions nationales et internationales comme des structures assimilables à des médias commerciaux et soumises aux mêmes règles de concurrence sans que soient reconnues les spécificités de leur rôle culturel, social et éducatif. Il appartient aux organisations représentatives de ces médias de faire valoir leur appartenance à un secteur particulier, nanti de responsabilités particulières, évaluables, normées, mais susceptibles d'être traitées spécifiquement sur le double plan de l'accès à la ressource hertzienne quand elle est nécessaire et de l'accès à des financements publics garantis par des cahiers des charges spécifiques. C'est ainsi que le rapport Resertarits (2008) définit les médias communautaires ainsi que les mesures qui devraient être développées pour leur reconnaissance de la façon suivante : « Le rapport envisage des mesures visant à soutenir les médias communautaires ou alternatifs en Europe afin de garantir davantage de pluralisme dans le paysage médiatique, une plus grande diversité culturelle et de définir clairement le secteur en tant que groupe distinct dans le secteur des médias. Les médias communautaires ou alternatifs (ci-après "MC") peuvent être définis comme: Des médias sans but lucratif et responsables vis-à-vis de la communauté qu'ils cherchent à servir. Les MC sont ouverts à toute participation à la création de contenu par des membres de la communauté. En tant que tels, ils constituent un groupe distinct au sein du secteur des médias parallèlement aux médias commerciaux et publics. Les MC s'adressent à des groupes cibles spécifiques. Leur tâche est clairement définie et mise en œuvre conformément au contenu. L'essentiel de leur mission est leur apport social. Les MC créent de la cohésion, confèrent une identité, encouragent les éléments communs et préservent la diversité culturelle et linguistique. Les MC sont le plus souvent gérés par des citoyens engagés et créatifs ayant des préoccupations sociales. Les MC contribuent à l'objectif de l'amélioration de la formation aux médias des citoyens grâce à leur participation directe à la création et à la diffusion de contenu. » La reconnaissance des radios associatives et communautaires comme de l'ensemble des « médias communautaires ou alternatifs » par les instances européennes comme des « Services d' Intérêt Economique Général » est un enjeu important. D'ores et déjà, le SNRL milite pour la reconnaissance par Commissaire européenne en charge de ces dossiers, Viviane Reding de la radiodiffusion associative en tant que SIEG (Service d'Intérêt Economique Général). – l'inscription des médias de communication sociale de proximité dans le cadre de la diversité culturelle. La Résolution du Parlement européen du 25 septembre 2008 sur les médias associatifs en Europe adoptée à la suite de ce rapport fait notamment référence à la « convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui reconnaît aux politiques publiques la légitimité de reconnaître et de promouvoir le pluralisme». – les relations entre les dirigeants des médias et leurs salariés, la formation des collaborateurs des médias, bénévoles comme salariés Dans le champ le plus structuré qui reste celui de la radio, le SNRL participe à la gestion de l'OPCA AFDAS, l'organisme de financement de la formation professionnelle et d' AUDIENS, le grand groupe de prévoyance, retraite et santé des salariés de l'audiovisuel, de la presse et du spectacle. Le SNRL est également l'une des vingt-six organisations patronales de l'Economie sociale et solidaire regroupées dans le cadre de l' USGERES, Union des syndicats et groupements d'employeurs dans l'économie sociale. Dans ce cadre, elle a signé aux côtés des autres membres de l'union la Charte de la diversité en entreprise en avril 2011. – l'insertion des médias de communication sociale de proximité dans le cadre de leurs réseaux coopératif ou associatifs d'appartenance (éducation populaire, création musicale, sociétés d'auteurs, économie sociale et solidaire...) Cela se fait au plan national par la participation des institutions représentatives des médias de communication sociale de proximité à des instances plus larges et par leur insertion dans des processus de dialogue social. C'est ainsi que la CNRA fait partie de la CNVA et que le SNRL est membre de l'APAR, l'Association Patronale de la Radiodiffusion privée et de la FESAC (la Fédération interprofessionnelle des Entreprises du Spectacle, de l’Audiovisuel et du Cinéma) qui regroupe les entreprises du cinéma, de la radio et télévision publique et privée, de la publicité, du théâtre public et privé, de la musique et du cirque. La Fédération de Vidéos des Pays et des Quartiers est membre du CNAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d' Education Populaire). Mais jusqu'à présent, sur le plan national, les médias de proximité d'une part ne coordonnent pas leurs représentations, d'autre part, ne sont pas reconnus dans une identité nationale commune. – couverture collective d'événements Sur le plan national comme sur le plan régional, les médias de proximité ont multiplié ces dernières années la ouverture coopérative d'événements , avec ou sans financements spécifiques. avec notamment le travail coopératif favorisé et financé par l' Epra 8.2.2 Regroupements régionaux – Les regroupement de radios, nous l'avons vu, sont anciens et pérennes. Les radios de Rhône-Alpes ont eu un rôle important dans la naissance des regroupements nationaux de radios et ont à toute époque joué un rôle dans les mouvements des radios et de l'ensemble des médias d'expression. Dès les années 1980 naissaient dans notre région deux fédérations de radios associatives. L'APROR-Alpes (Association pour la promotion des radios rurales du massif alpin) autour des Alpes et du Dauphiné développait essentiellement des projets d'implantation de radios en milieu rural, dans le cadre du projet plus global de l'APROR. Parallèlement se développait le DIRA (département inter-radios associatives) qui rassemblait surtout des radios urbaines. Certaines radios se trouvaient adhérer aux deux regroupements. L'APROR-Alpes a disparu en 1988, le DIRA a cédé la place au CORREX (Collectif Rhône Alpes des radios d'expression) puis de LIRRA (Liberté radiophonique en Rhône Alpes. LIRRA et Franc-RA (Fédération des radios associatives non commerciales de Rhône-Alpes) après cinq ans de coopération dans le cadre de la Cranc-RA (Confédération des radios associatives non commerciales de Rhône Alpes) ont décidé de fusionner lors de leurs assemblées générales du 28 septembre 2011. En 1989, est créée la fédération des vidéos de pays qui deviendra ensuite fédération des vidéos de pays et de quartiers qui reste aujourd'hui la seule structure représentative de l'audiovisuel participatif en France avec une trentaine d'adhérents dans la France entière. – Regroupements de médias de différents formats : le 22 avril 2006, à l'initiative du mensuel d' Annecy « Le Journal » ont été organisées les « Rencontres de Grenoble des médias alternatifs de la région Rhône-Alpes ». Celles-ci ont été suivies le mois suivant des « Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » qui ont réuni près de 150 médias français, du 5 au 8 mai 2006. A la suite de cette rencontre a été lancé « l' Appel de Marseille » (Annexe 1) A la suite des rencontres de Grenoble, 2007 voit naître un projet d'ampleur régionale qui réunit des médias associatifs de différents types : les radios de la Cranc-ra, le Journal, Vivé TV notamment autour de la rencontre mondiale de la démocratie participative. De ce projet est né le site www.mediascitoyens.org dont le travail, mené à partir des actions de la Cranc-ra aboutira à la constitution en 2009 de l'association MédiasCitoyens qui regroupe aujourd'hui, outre les radios de la Cranc-ra, une trentaine de médias associatifs de la région.) Regroupements de médias de jeunes : – Alors que sur le plan national mais avec une représentation de qualité en Rhône-Alpes, l'association « Jets d'encre », « association nationale pour la promotion et la défense de la presse d'initiative jeune... ») permet à la fois de favoriser les journaux d'établissements et de développer, en plus des grands moments comme la semaine de la presse et des médias dans l'éducation, une réflexion parmi les jeunes sur la presse dans son ensemble. (Bourhis, 2004), à Lyon, sous le nom d'Esprits critiques se développe depuis quelques années travail de concertation entre médias scolaires et universitaires mais aussi de formation régulière de bénévoles sur tous les aspects corrélés à la pratique et à la critique des médias.. Des regroupements régionaux de radios associatives existent aujourd'hui dans la plupart des régions. C'est dans ce cadre que, depuis 2004, région par région, des formes de relations diverses ont été discutées et mises en place entre les fédérations régionales de radios et les conseils régionaux. Un premier bilan des effets de ces innovations sur la communication dans les territoires permettrait d'améliorer les pratiques. Les liens entre les radios et les autres médias devraient pouvoir être traités dans chacune des régions comme ils ont commencé à être traités en RhôneAlpes. 8.2.3 Regroupements thématiques Pour des accords avec les institutions publiques et privées qui œuvrent dans leur champ de compétence, mais aussi pour des coopérations spécifiques, certaines radios se sont regroupées sur le plan national. Dans les limites de ce travail, nous n'aborderons pas dans ce cadre les regroupements confessionnels (FFRC pour les radios chrétiennes, radios protestantes, radios juives essentiellement) bien qu'elles présentent des caractéristiques particulièrement intéressantes et que certaines d'entre elles soient régulièrement associées à des collaborations entre médias, notamment à l'échelle des régions. La Ferarock : les radios rock De longue date a été posée la double question de la diversité musicale et des rapports avec les créateurs de musique et de chansons. Dans les toutes premières années de la libération de la bande FM, une des grandes motivations des membres des radios comme des milieux de la création musicale et du public résidait dans la possibilité de découvrir des musiques rares, peu diffusées dans les radios du service public comme dans les radios périphériques. Les premiers développements de la bande FM dans les années 70 et 80 ont permis la constitution ou la croissance de communautés d'intérêt pour des musiques jusque là mal distribuées et mal connues. Dans le domaine du rock avec la Ferarock, mais aussi dans celui de la chanson autour de radio Rennes, se sont constitués des regroupements interrégionaux qui ont permis de meilleurs échanges avec les métiers de la musique, la couverture collective de festivals ou d'événement importants, des échanges de compétences entre animateurs spécialisés. Avec radio Dio à Saint Etienne, Sol FM à Oullins dans la banlieue lyonnaise, radio Brume à Lyon, Rhône-Alpes est un des lieux importants de la Férarock. La Ferue puis IASTAR Se plaçant d'emblée dans une perspective européenne, les radios campus s'organisent très tôt de manière autonome dans le cadre de la FERUE (Fédération européenne des radios universitaires et estudiantines) devenue plus tard IASTAR et aujourd'hui connues sous leurs noms génériques grand public de « radios campus ». Il faut noter que ces radios, proches des milieux de l'innovation technologique, ont souvent été le creuset où se sont déployés la confection puis l'usage d'innovations qui se sont par la suite répandues dans l'ensemble des radios ou des autres médias. Nous avons rappelé le rôle des pionniers de radio Brume, la radio campus de Lyon dans l'usage du numérique et dans les premiers développements de l'internet pour les radios. Aujourd'hui, radio campus Paris utilise très bien le podcast de ses émissions sur des plates-formes d'interopérabilité très connues du public. Il reste à établir des relations plus importantes entre médias sur l'usage des outils techniques au service des objectifs sociaux et culturels des associations et de leurs partenaires territoriaux pour que les meilleures innovations trouvent leurs meilleur usage. Autre chantier de travail entre les initiatives média des équipes étudiantes et les médias associatifs des territoires : articuler les initiatives autonomes permises et pratiquées par les étudiants avec les pratiques plus installées. On observe comme c'est le cas traditionnellement l'existence de la création de médias dans certaines écoles ou dans certaines universités. Aujourd'hui ces médias font un usage, dans les trois domaines de la recherche d'information, de la production et de la diffusion, des pratiques numériques les plus nouvelles. On peut ainsi voir l'émergence dans notre région de web radios de qualité comme Trensistor à l'ENS de Lyon ou d'usages intéressants des réseaux sociaux combinés à des pratiques de convivialité sociale caractéristiques des jeunes générations comme les a développé à Lyon le journal « No Dogs ». Le renouvellement des pratiques des médias territoriaux implantés de longue date peut se faire par l'accueil de ces nouvelles forces, fût-ce au prix de transformations significatives dans les routines mises en place par les médias les plus anciens. L'Anarems « association nationale des ateliers et des radios en milieu scolaire » Nous le voyons dans une autre section de ce travail, l'usage pédagogique de la radio diffusion est essentiel. Il demande de la part des enseignants qui s'y attachent outre la capacité à mettre en oeuvre ces possibilités dans la classe, une capacité considérable à trouver les moyens de faire naître et de pérenniser la structure qui permettra un bon usage des possibilités éducatives des radios. Dans le cas des ateliers radios, il faut aux enseignants engagés négocier les formes de la coopération avec la radio locale de leur territoire mais aussi l'insertion de leur atelier dans les pratiques pédagogiques et administratives de leur établissement. Pour les radios associatives en milieu scolaire, la difficulté pour les pionniers de ce travail pédagogique réside dans la nécessité qui est la leur de développer toutes les pratiques de la gestion humaine, juridique et technique d'un média autonome tout en maîtrisant les relations avec le monde de l'éducation. C'est pour une entraide institutionnelle et l'approfondissement des réflexions pédagogiques que s'était mise en place l' Anarems. On trouve sous la plume de son ancien président Jean Marie Girardot (2004) et d'autres praticiens de la radio en milieu scolaire qui travaillent en bonne intelligence avec le CLEMI (2002) la mise en forme de ces réflexions et un tour d'horizon de bonnes pratiques. Une des grandes richesses de l' ANAREMS a été l'organisation annuelle de rencontres nationale, et même certaines année internationales entre les jeunes engagés dans les ateliers ou les radios scolaires. C'est dans le cadre de ces rencontres que la radio du collège Roca d' Aubenas Info RC avait organisé en 1991 les journées « Europhonia » très riches d'approfondissements des relations entre les jeunes praticiens des radios scolaires et les professionnels de la radio, qu'ils viennent des radios associatives ou du service public. 8.2.4 Regroupements nationaux et internationaux Dès 1978 est créé la Fédération nationale des radios libres. Cela se passe à Lyon où radio Canutsradio Guignol avait été créée par un groupe de militants associatifs engagés de longue date dans les mouvements populaires, syndicats ouvriers, mouvement des paysans travailleurs, mouvements de solidarité français immigrés, mouvement des femmes (Touraine, 1984), mouvement antinucléaire, mouvements des quartiers engagés dans le droit au logement et dans le refus de charges locatives excessives, associations de solidarité internationale... Les fondateurs de radio Canuts bien implantés à l'université maîtrisaient les techniques de la Haute Fréquence et ont pu bricoler, à partir de matériels achetés en général en Italie des émetteurs qu'ils ont pu partager avec d'autres équipes dans les régions désireuses de se lancer dans l'aventure de la libération des ondes. Une expérience fondatrice avait eu lieu en 1976 à Creys Malville dans l' Ain avec une émission éphémère montée par les militants antinucléaires. Une autre radio pirate, bénéficiant elle aussi d'un fort ancrage militant, notamment du côté de l'écologie encore peu structurée, mais aussi de bonnes compétences dans les milieux de la recherche scientifique se met en place très tôt à Lyon, radio Polyphème. Ces deux radios, composées de militants décidés à répandre les savoir faire technique au service de la liberté d'expression de mouvements sociaux auront un rôle important dans la création d'autres équipes radiophoniques dans la région. C'est ainsi que les initiateurs de Polyphème furent à l'origine de radio Calade à Villefranche sur Saône et de radio Jacasse à l' Isle d' Abeau. Ces deux radios restent parmi les plus actives des radios associative des notre région, Jacasse a seulement opté pour le nom de « Couleurs FM ». Ceux de Polyphème ont également aidé au développement de radio Julie à Bron. Parallèlement, radio Canut a soutenu le projet à Vénissieux de radio Pluriel. Ce mouvement d'essaimage que nous constatons en Rhône Alpes correspond à une tendance globale de l'époque dans laquelle la fédération des radios libres joua un rôle important. C'est bien dans cet esprit de développement d'un mouvement de libération de la parole qu'un nouveau congrès de la FNRL eut lieu à Longwy autour du mouvement des sidérurgistes du Pays Haut lorrain. Aujourd'hui le mouvement national des radios associatives est divisé en deux grandes organisations qui ont acquis une représentativité largement reconnue. Les regroupements se font sur des bases différentes. Alors que la CNRA est une confédération qui rassemble des fédérations nationales, notamment des fédérations confessionnelles, la Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes (FRTC), la Fédération Française des Radios Chrétiennes (FFRC) et l' Association des Radios Juives (ARJ) et des fédérations régionales, souvent autonomes dans leurs statuts et dans leur fonctionnement, le SNRL privilégie l'adhésion individuelle sur le plan national des radios réunies autour de valeurs. Membre titulaire de la CNVA, la Confédération nationale des radios associatives valorise particulièrement l'engagement collectif des radios dans les régions et leur insertion dans des réseaux inter-associatifs. « Avec des dirigeants assumant des responsabilités bénévoles ou salariées dans leurs radios, ... la CNRA a œuvré pour représenter aujourd’hui 18 fédérations de radios associatives. Plus de 260 radios implantées dans plus de 80 départements français dont 3 d’Outremer, avec près de 10.000 bénévoles et 1.200 emplois salariés ». « Depuis sa création en 1991, conformément à ses statuts, notre confédération s’est efforcée de regrouper, avec le soutien des fédérations régionales et nationales françaises, l’ensemble des radios associatives ; des radios de toutes sensibilité, obédiences, confessions ou courants, dès lors qu’elles ont pour but la communication sociale. » (site web de la CNRA) A sa création en 2004, le SNRL a choisi, en conservant les valeurs bien établies de la de prendre la forme d'un syndicat professionnel. Il attache une grande importance à l'insertion des radios dans l'univers de l'Economie sociale et solidaire. « Le Syndicat national des radios libres (SNRL) est l'organisation professionnelle représentative ...des six cent radios locales privées à statut associatif, dits « opérateurs de catégorie A ». C'est le syndicat de radios non-commerciales le plus important dans le monde, et le plus puissant en Europe. Créé en 2004 par 118 radios associatives ... le nouveau syndicat s'est substitué, en s'élargissant à de nouvelles radios, à la Confédération Nationale des Radios Libres (CNRL) l'organisation historique des radios libres fondée en 1984, sur la base d'une Charte des radios libres en référence à la promotion des droits de l'homme , à la déontologie de l'information et la laïcité républicaine. Elle regroupe 307 radios. » (sourcewikipedia) Pour les vidéos de territoire, le regroupement national est lui aussi assez ancien. Il revendique pour ses adhérents leur identité de média d’éducation populaire « La Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers, association nationale d’éducation populaire, regroupe une trentaine de structures de l'audiovisuel participatif en France, associations et sociétés de production locales, télévisions de proximité. Elle anime ce réseau, maintient le lien entre ces différentes initiatives, forme ses adhérents et les porteurs de projets. Elle est un lieu de rencontres et d’échanges et nourrit des réflexions sur la pratique et la démarche de l’audiovisuel participatif. Avec l’apparition de la vidéo légère, à la fin des années 70, des collectifs se développent dans le but d’utiliser cet outil pour animer leur propre territoire. Ils se regroupent en 1984 puis fondent en 1989 la Fédération des Vidéos des Pays, qui deviendra ensuite, pour intégrer la composante urbaine dans la dénomination, la Fédération des Vidés des Pays et des Quartiers. La spécificité de cet audiovisuel tient dans la démarche sociale qui l'accompagne : ancrer le média au sein d'un bassin de population précis et proposer cet outil de communication aux habitants comme un véritable moyen d'expression sociale, culturelle, alternative. En 1991, la Fédération se dote d'une charte à laquelle tout nouveau membre doit adhérer pour faire partie des Vidéos des Pays et des Quartiers. » (source, site web de la VDPQ) L'AMARC regroupe des milliers de radios communautaires (au sens anglais de territorial) ou associatives dans le monde entier. Elle est structurée à la fois par continents et sur la plan mondial. Les radios associatives françaises sont très actives à la fois dans le cadre de l' AMARC Europe et de dans le cadre de la direction mondiale de l' AMARC. Certaines radios adhèrent à l' AMARC directement à titre individuel, d'autres préfèrent une démarche d'adhésion collective par fédérations. Le président du SNRL, Emmanuel Boutterin a été élu vice-président de l' AMARC mondiale au Congrès de Buenos Aires en 2010. Parmi les tâches essentielles de ce regroupement mondial figurent les questions liées à la régulation, notamment celles de l'attribution de fréquences aux radios communautaires, ce qui suppose une bataille mondiale, au sein de l' International Telecommunication Union ou d'autres instances internationales mais aussi, la reconnaissance de l'importance de la diversité culturelle et le rôle que les médias communautaires jouent dans son développement. Les échanges entre les radios font également partie des tâches importances de l' AMARC. L'ancien président de l' AMARC à l'échelle mondial,e Steve Buckley (2011) a récemment publié un ouvrage, accessible en texte intégral sur le web consacré à l'échange des bonnes pratiques entre radios Une autre organisation non gouvernementale le CMFE (Community Media Forum Europe) est complémentaire de l' AMARC en Europe à laquelle elle apporte deux dimension intéressantes : réunissant des médias participatifs divers (vidéos, radios, journaux, sites web...) elle favorise à la fois les réflexions transversales et peut agir dans certains contextes comme un groupe de pression international plus pertinent. De surcroit, elle a développé une tradition de coopération bien établie avec le monde de la recherche en science sociales, ce qui donne à ses publications et à ses rencontres une qualité de débats appréciables. 8.3 La participation à des collectifs interassociatifs De nombreuses radios, de nombreuses équipes de vidéos sont nées d'initiatives locales portées par des Centres sociaux, des MJC, des groupes des Franca, des éclaireurs de France, se sont développées dans les foyers ruraux, dans le cadre d'activités portées par les fédérations des œuvres laïques. Dans le cas de bien des radios associatives, l'activité radio, du fait à la fois de sa croissance et de la nécessité d'une gestion autonome plus appropriée à la mise en place de relations diversifiées, tant sur le plan local que sur le plan national, s'est autonomisée de la structure d'éducation populaire dont elle émanait. Les relations se sont maintenues dans les regroupements de médias, au plan national comme au plan régional, mais mériteraient aujourd'hui d'être revivifiées. Elles se sont faites dans le cadre du CNAJEP (Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d' Education Populaire) ou de la CADECS (Coordination des Associations de Développement Culturel et Social) notamment avec la CNRL. En 2008 et 2009 les radios de la CRANC-RA ont notamment participé aux Forums de la jeunesse organisés par le conseil régional en partenariat avec le CRAJEP. La Fédération Nationale des vidéos de Pays et de Quartiers est membre du CNAJEP. Elle a aussi récemment aidé les Eclaireuses et Eclaireurs de France à mettre en place leur propre télévision participative. Les outils techniques de partage de ressources que nous avons analysés dans ce rapport sont l'occasion pour des équipes nouvelles dans les structures d'éducation populaire de se servir de l'outil radiophonique ou de l'outil vidéo à des fins de création artistique, d'expression locale, de mémoires partagées. L'articulation avec les médias locaux en place, pourvus de savoir-faire et de réseaux de distribution bien affirmés se fait d'ores et déjà mais pourrait se faire mieux encore. Dans ce sens une intéressante initiative nationale a été prise par un collectif d'associations et de fédérations d'éducation populaire sous le beau nom de « paroles partagées » (Centres sociaux, MJC, foyers ruraux, CIRASTI , Peuple et Culture). La relation plus construite depuis 2010 avec les deux grandes fédérations de radios associatives est riche de possibilités, elle pourrait gagner à se décliner plus fortement dans les régions. Les médias locaux en Rhône-Alpes ont formalisé en 2009 par la création de l' association MédiasCitoyens la mise en place d'une structure de débats, de représentation et d'échanges dont la nécessité avait été ressentie depuis plusieurs années à la suite de collaborations développées à l'échelle des territoires ou à des échelles plus larges comme celle de la région. 8.4. La représentation des médias dans des instances professionnelles Dans le courant des années 1980, les radios associatives ont commencé à se professionnaliser, encouragées à cela par les pouvoirs publics et notamment par le Fonds de soutien à l'expression radiophonique. Les organisations nationales représentatives (aujourd'hui SNRL et CNRA) ont pris part aux relations entre structures patronales et syndicats de salariés. En relations avec l'AFDAS (l'OPCA choisie par la majorité des radios), elles se sont notamment intéressées sur le plan national mais aussi dans les régions, à la mise en place de programmes de formations adaptés aux tâches des professionnels de la communication sociale de proximité. Aujourd'hui encore, dans le cadre d'un conventionnement européen Leonardo, le SNRL travaille avec d'autres partenaires de différents pays d'Europe à approfondir à l'échelle européenne la définition de ces métiers et à travailler par la suite à l'amélioration de l'offre de formations. En effet certains segments des tâches professionnelles adaptées aux médias de proximité sont aujourd'hui peu enseignés. 8.5 La représentation des médias dans les instances internationales Nous avons souligné l'importance de la représentation des médias associatifs dans les instances internationales à travers leurs organisations sur plusieurs plans : La ressource hertzienne : nous assistons aujourd'hui à un conflit feutré mais forte portée sur le partage international et national des fréquence hertziennes. L'enjeu en est rien de moins que le maintien et le développement d'une offre de contenus sur les ondes qui soit à la fois gratuite, anonyme et rédactionnellement indépendante L' encouragement à la diversité culturelle : les médias associatifs ont vocation à être présents dans le cadre de l' AGDC Une initiative lancée en 2002 pour renforcer les industries culturelles dans les pays en développement et promouvoir la diversité des expressions culturelles, par la création de partenariats entre les secteurs privé, public et la société civile. Voir sur ce travail de l' Unesco l'article d' Anne Marie Laulan (2004). La francophonie Même si elles font, comme nous l'avons vu, une large place aux langues de France et aux langues des communautés étrangères, les médias associatifs français ont la langue française en partage, ce qui leur donne une double responsabilité : – celle de contribuer à la défense et à l'illustration de la langue, dans toute sa richesse et dans la diversité de ses usages. C'est ainsi que beaucoup de radios et d'autres médias associatifs ont été associés, dès leurs origines à des initiatives collectives telles que « le printemps des poètes » ou « les dix mots de la langue française. » Radios comme vidéos associatives font dans tous ces contextes plus que fournir un relais d'information aux initiatives prises par ailleurs, elles peuvent être à l'initiative de projets, menés souvent en collaboration avec des structures d'animations ou d'autres associations ou établissements d'enseignement comme des concours de poésie ou de slam, des scènes ouvertes, des jeux interactifs.... – celle de trouver les voies d'échanges avec d'autres médias totalement ou partiellement francophones dans le monde entier. Dans ces deux domaines, les évolutions techniques récentes favorisent la prise d'initiatives diverses pour des coûts techniques modestes. Indications bibliographiques section 8 Addi-Jeandie Anna. Media juifs et cohésion sociale. In: Communication et langages. 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CONCLUSION Les médias de territoires, médias d'émergence des nouvelles locales et de l'appropriation des nouvelles du monde Nous sommes dans une époque de changements. On n'en connaît pas la direction, les débats sont complexes, les enjeux impressionnants (Hessel, Morin, 2011). L'économiste Daniel Cohen (Nos temps modernes, 2002 passim) attire l'attention sur une évolution essentielle de nos sociétés modernes : au-delà du capitalisme financier et des dérèglements qui lui sont imputables, nous allons, progressivement et non sans inégalités de progression et non sans fausses consciences, d'une économie des objets à une économie des relations humaines, du travail humain dirigé vers la production des biens au travail humain de la vie commune. Accompagner les grandes évolutions sociales au plus près des interactions qui les constituent, c'est le travail des médias. Et les médias qui sont accessibles massivement et dans la durée à chacun quel que soit son capital social et son capital culturel (Coleman, Bourdieu) sont, pourraient être, devraient être des médias locaux à la fois compétents et indépendants. Une belle idée apparaît quelque part dans les plus lointains réseaux de la planète, une connaissance nouvelle, une pratique intéressante, elle prendra un sens vraiment actuel, sera mémorisée, quand elle pourra être reprise ici et maintenant, insérée, commentée dans l'espace local, reprise par des acteurs connus ou connaissables. C'est un concernement, une conscientisation (Freire – voir à son sujet Gerhardt 1993), une appropriation, c'est aussi (Kuklys et al. 2005 à propos d' Amartya Sen) un « empowerment », une « capacibilité » de la communauté locale que de mettre en œuvre la nouvelle technique, que de commenter un nouvel événement, que de s'approprier de nouvelles façons de vivre ensemble. « Dans leur consommation des contenus numériques, les utilisateurs ne sont plus passifs. Ils prennent directement part à la conversation médiatique, qui n’est plus l’apanage des seuls professionnels. Ils deviennent ainsi une force à part entière, productive et critique, surtout à l’égard des professionnels de l’information, lesquels voient leur rôle transformé par l’émergence des médias sociaux. » (Deslandes et al. 2009, p. 41) On commence à travailler aujourd'hui sur une « économie de l'attention » (voir par exemple Merzeau 2009). Une nouvelle économie, dans laquelle les médias se trouvent valorisés à travers le sens originel du mot qui les désigne ensemble, médias, les artisans des passages. On s'intéressait traditionnellement dans l'économie des médias d'un côté aux recettes provenant des ventes aux consommateurs, vente de journaux et revues, par exemple, à l'unité ou par abonnements, de l'autre aux recettes provenant des acteurs qui souhaitent exercer à travers les médias une influence, recettes publicitaires, mais aussi différents types de financement d'influence dans le champ politique, religieux, économique... Des travaux se font jour sur les « marchés à doubles versants » pour lesquels l'important est la capacité à influencer les choix des individus dans la profusion des connaissances disponibles, dans leur perception, dans leur organisation, dans leur transmission. C'est dans ce rôle de moteurs des choix de connaissances dans une collectivité locale, d'accélérateurs des conversations heureuses, que peuvent aujourd'hui être considérés les médias de territoire. Tout peut changer dans l'organisation économique du monde, dans les instruments de calcul de la richesse, d'aide à la décision, en bref dans les outils de représentation du monde (Stiglitz et al. 2011). Tout est en train de changer dans la capacité de chacun à s'approprier les représentations, à les partager, et à agir. Dans ce contexte l'évolution des médias comme instruments collectifs dans l'économie de l'attention est essentielle (Benkler, 2009). Et cela peut se faire dans une dialectique entre le développement de médias territoriaux crédibles, indépendants, auxquels le public puisse faire confiance, articulant la collaboration de personnes compétentes et reconnues et le développement de territoires plus autonomes et en même temps ouverts sur le monde. Mais le modèle de coopération entre ces médias très divers répartis dans le monde entier, leur articulation avec les contributions de créateurs ou de passeurs de connaissances innombrables suppose la mise en place d'un droit adapté. Les débats sur la musique, les débats sur le cinéma, ont montré combien ces questions étaient complexes et combien les enjeux économiques et politiques étaient essentiels. Un mouvement de réflexion et d'action juridique est lancé depuis de nombreuses années sur le plan international, celui des « Creative commons ». Ce débat sur la diversité des licences permises sous ce titre est essentiel et il nous faudra l'approfondir dans le cadre de nos réflexions futures. Pour bien penser cette évolution, qui en est à son amorce, on reprendra une fois de plus les indications de Dominique Wolton. Le mouvement altermondialiste avait préféré à la position anti-mondialiste, arcboutée sur un localisme qu'il jugeait inconséquent et dangereux, le préfixe « alter ». De la même façon, Wolton (2003) parle d'une autre mondialisation qui implique, dans le monde de la communication et de l'information, un autre modèle de monde à construire. Cet auteur voit la mondialisation de l'information comme un terrible danger culturel et il n'invite pas aux replis frileux et polémiques (gros de guerres) sur des identités folkloriques, mais à la distinction conceptuelle essentielle entre information et communication. Et c'est dans cette nouvelle définition de la communication que la notion de territoire prend tout son sens. « Les deux dernières décennies du XXè siècle ont été dominées par la vision technique et économique de la communication. Le début du XXI è siècle, avec les conflits et le terrorisme, retrouve l'importance d'une communication. » (Wolton, 2003, p. 206). définition humaniste et politique de la Indications bibliographiques conclusion Benkler Y., La Richesse des réseaux. Marchés et libertés à l'heure du partage social , Presses Universitaires de Lyon, 2009 http://www.internetactu.net/2009/12/10/vers-la-richesse-des- reseaux/ texte intégral de l'ouvrage original (2006) http://www.benkler.org/Benkler_Wealth_Of_Networks.pdf Cohen Daniel Nos temps modernes Flammarion 2002 Deslandes Ghislain , Laurent Fonnet, Antoine Godbert, Éthique des médias sociaux et économie de la participation: Vers une nouvelle approche éditoriale? Une étude comparative 2009, Global Media Journal -- Canadian Edition I Volume 2, Issue 1, pp. 41-61 http://www.gmj.uottawa.ca/0901/v2i1_deslandes,%20fonnet%20et%20godbert.pdf Gerhardt Heinz-Peter PAULO FREIRE (1921-1997) in Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée, UNESCO : Bureau international d’éducation, vol. XXIII, n° 3-4, septembre-décembre 1993, p. 445-465. http://www.ibe.unesco.org/International/Publications/Thinkers/ThinkersPdf/freiref.PDF Hessel Stéphane, Morin Edgar Le chemin de l'espérance Fayard 2011 Kuklys W, Robeyns Robeyns Sen's capability approach to welfare economics in Amartya Sen's Capability Approach, 2005 - Springer http://www.dspace.cam.ac.uk/bitstream/1810/394/1/cwpe0415.pdf Merzeau Louise, Présence numérique : les médiations de l’identité 2009 http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/48/32/93/PDF/ENJEUX-MERZEAU.pdf Sen Amartya Poverty : an ordinal approach to measurement Econometrica: Journal of the Econometric Society, 1976 44 2 pp. 219-231 http://time.dufe.edu.cn/jingjiwencong/waiwenziliao/Sen07.pdf Stiglitz Joseph, Amartya Sen, Jean Paul Fitoussi eds. Report by the Commission on the Measurement of Economic Performance and Social Progress https://new.cbd.int/doc/case-studies/inc/cs-inc-report.commission-en.pdf Wolton Dominique L'Autre mondialisation Flammarion 2003 LES SIGLES ET LES LIENS ACRIMED Action Critique Médias http://www.acrimed.org/ ACSE Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances AFDAS Fonds d'assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs https://www.afdas.com/ AGDC Alliance globale pour la diversité culturelle AMARC Association Mondiale des Radiodiffuseurs Communautaires http://www.amarc.org/index.php?p=home&l=FR AMARC Europe http://europe.amarc.org/index.php?l=FR ANAREMS Association nationale des ateliers et radios en milieu scolaire APAR Association Patronale de la Radiodiffusion privée APROR Association pour la promotion des radios rurales APROR Alpes ARJ Association des Radios Juives AUDIENS, association de retraite complémentaire http://www.audiens.org/ CADECS Coordination des Associations de Développement Culturel et Social http://www.pariscadecs.fr/ CCFD Terres solidaire – regroupement associatif de solidarité internationale http://ccfd-terresolidaire.org/ CLEMI Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information http://www.clemi.org/fr/ CIRASTI collectif interassociatif d'éducation populaire pour la culture scientifique et technique http://www.cirasti.org/ CMFE Community Media Forum Europa http://www.cmfe.eu/ CNAJEP Comité pour les relations nationales et internationales des associations de Jeunesse et d' Education Populaire http://www.cnajep.asso.fr/ CRAJEP – structure régionale du CNAJEP CNM Centre national de la musique CNRA Confédération Nationale des Radios Associatives http://cnra.fr CNRL Confédération Nationale des Radios Libres CNVA Conseil national de la vie associative http://www.associations.gouv.fr/112-le-conseil-national-de-la-vie.html COE Council of Europe Conseil de l'Europe http://www.coe.int/lportal/fr/web/coe-portal CPCA Conférence Permanente des Coordinations Associatives CRANC-RA Confédération des Radios Associatives non commerciales de Rhône-Alpes CRESS : Chambre Régionale de l'Economie Solidaire CSA Conseil supérieur de l'audiovisuel http://www.csa.fr/ CUCS Contrat urbain de cohésion sociale http://i.ville.gouv.fr/reference/3723 DR Digital Radio http://www.radio-numerique.fr/ DRACE Digital Radio Culture in Europe http://www.drace.org/ ECREA European Communication Research and Communication Association http://www.acrimed.org/article1157.html EPN Espaces Publics Numériques http://www.netpublic.fr/net-public/espaces-publics-numeriques/programmes-reseaux-labels/ EPRA Echanges et productions radiophoniques www.gip-epra.fr FAS puis FASILD : Fonds d'action sociale pour ls travailleurs immigrés et leurs familles puis Fonds d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations FERAROCK Fédération des Radios Rock http://www.ferarock.org/ FERUE Fédération européenne des radios universitaires et estudiantines FESAC Fédération interprofessionnelle des Entreprises du Spectacle, de l’Audiovisuel et du Cinéma http://www.fesac.fr/ FFRC Fédération Française des Radios Chrétiennes http://www.ffrc.fr/ FNDVA Fonds National pour le Développement de la Vie Associative FNLL Fédération nationale Léo Lagrange http://www.leolagrange-fnll.org/ FNRL Fédération Nationale des Radios Libres FOL Fédérations des Oeuvres Laiques. Par exemple la fédération du Rhône : http://www.fol69.org/ FRANC-RA Fédération des Radios Associatives non commerciales de Rhône-Alpes FRAPNA Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature http://www.frapna.org FVDPQ Fédération des Vidéos des Pays et des Quartiers http://vdpq.org/ FRADIF Fédération Régionale des Radios Associatives d'Ile de France www.fradif.org FRANCA Fédération nationale laïque de structures et d'activités éducatives, sociales et culturelles http://www.francas.asso.fr/ FRTC Fédération des Radios et Télévisions Chrétiennes http://e-radiotv.org/frtc/ FSER Fond de soutien à l'expression radiophonique locale www.ddm.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=40 GRER Groupe de recherches et d'études sur la radio http://www.grer.fr/ IASTAR les radios campus http://www.radiocampus.fr/ ICEM (Institut coopératif de l'école moderne) http://www.icem-pedagogie-freinet.org IEICP (Institut Européen d' Informations et de Conjonctures Professionnelles) http://www.iplusc.com/ IFEX International Freedom of Expression Exchange http://www.ifex.org/ IFRB International Frequency Registration Board INJEP institut national de la Jeunesse et de l'Éducation populaire http://www.injep.fr/ ITU International Telecommunication Union http://www.itu.int/fr/Pages/default.aspx MJC Maisons des jeunes et de la culture Confédération des Maisons des jeunes et de la culture de France http://www.mjc-cmjcf.asso.fr/ Fédération Française des Maisons des jeunes et de la culture http://www.ffmjc.org/ OIF Office International de la Francophonie http://www.francophonie.org/ OPCA organisme paritaire collecteur agréé http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/orga-collecteur-paritaire.htm SIRTI Syndicat Interprofessionnel des radios et des télévisions indépendantes http://www.sirti.info/ SNRL Syndicat National des Radios Libres http://www.snrl.fr/ UE Union Européenne http://europa.eu/index_fr.htm UIT – ITU Union internationale des télécommunications (en anglais International Telecommunication Union ou ITU) http://www.itu.int/fr UNESCO http://www.unesco.org Alliance globale pour la diversité culturelle http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CLT/pdf/agdc_factsheet_fr.pdf USGERES Union des syndicats et groupements d'employeurs dans l'économie sociale http://www.usgeres.fr/ Annexe 1 APPEL DE MARSEILLE 8 mai 2006 Les « Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » ont réuni près de 150 médias français, du 5 au 8 mai 2006, en présence d'une vingtaine de représentants de médias européens, latino-américains et africains de même nature qui se développent dans le monde entier, et de représentants des « Rencontres de Grenoble des médias alternatifs de la région Rhône-Alpes » (22 avril 2006). Les « Rencontres de Marseille » ont permis de dresser le constat suivant : à côté des secteurs privé et public, il existe un vaste tiers secteur des médias constitué d’une multitude de médias non alignés, à but non lucratif, indépendants des pouvoirs publics, des puissances financières, des partis politiques et des obédiences confessionnelles. Que ce soit dans l’univers de la radio, de la télévision, de l’Internet ou de la presse écrite, les Médias du Tiers Secteur sont porteurs d’une même exigence de liberté d’expression, d’information et de création. Associatifs, coopératifs ou mutualistes, ils se définissent selon les cas comme des médias démocratiques, alternatifs, participatifs, libres, solidaires et/ou citoyens. La diversité assumée de leurs objectifs, de leurs contenus, de leur fonctionnement, de leur mode et de leur zone de diffusion, de leurs approches du local et de la proximité en résonance avec le niveau planétaire, et de leur rapport à leur public, participe de la richesse même de ce tiers secteur des médias. Les Médias du Tiers Secteur : des acteurs essentiels de la vie démocratique Les Médias du Tiers Secteur sont des outils irremplaçables au service de la démocratie participative, de la solidarité sociale et territoriale, et du débat d’idées. Ils se revendiquent du droit des citoyens à l’information, à la culture, à la libre expression et à la critique. Ils sont une antidote nécessaire à la pensée dominante assénée par les grands médias, au formatage des identités et des esprits, à la marchandisation de l’information et de la culture. Face à la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes financiers, ils inscrivent leur engagement dans le processus plus large des « Etats Généraux pour une information et des médias pluralistes ». Ils contribuent ainsi à la transformation de l’ensemble du paysage médiatique, par une appropriation démocratique de son devenir. Et ils proclament, comme beaucoup d’autres, que l’information et la culture doivent redevenir des biens publics, ce qui passe notamment par la refondation du service public. Principaux éléments de la Charte des Médias du Tiers Secteur Les Médias du Tiers Secteur partagent les mêmes valeurs essentielles : ils sont indépendants, laïques, pluriels, à but non lucratif et respectueux de la déontologie du journalisme, ainsi que des droits des créateurs. Ils considèrent que leur public est composé de citoyens actifs et non pas de consommateurs passifs. Leur gestion est démocratique et fondée sur les valeurs associatives. Ils sont ouverts, participatifs, constructifs et transparents. Ils explorent de nouveaux dispositifs au service de l’expression populaire directe. Ils favorisent l’esprit critique vis-à-vis de toutes les formes de domination. Ils défendent et pratiquent l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Ils sont soucieux de la lutte contre toutes les formes d’exclusion et de discrimination. Ils sont attentifs à la promotion des identités culturelles dans toute leur diversité, des droits de l’être humain et de tout ce qui contribue à un monde plus solidaire, plus juste et plus respectueux de l’environnement. Tournant le dos à toutes les pratiques concurrentielles, ils aspirent à travailler ensemble, dans la coopération et la complémentarité, en s’organisant en réseaux transversaux pour créer les indispensables synergies et solidarités locales, régionales, nationales, européennes et internationales. Pour la création d’une Coordination des Médias du Tiers Secteur Les participants aux « Rencontres de Marseille des médias associatifs et indépendants » lancent un appel à la création d’une Coordination des Médias du Tiers Secteur. Cette Coordination permettra de poursuivre et d’élargir les échanges, le débat et le combat commun pour que les Médias du Tiers Secteur soient reconnus par les pouvoirs publics et pour qu’ils disposent du cadre juridique, des moyens financiers et des espaces de diffusion nécessaires à la réalisation de leurs missions informatives, sociales et culturelles d’intérêt public. Les participants aux Rencontres de Marseille entendent oeuvrer à la création de cette coordination lors de la session nationale des Etats Généraux pour une information et des médias pluralistes, en octobre 2006, après que l’ensemble des Médias du Tiers Secteur auront pris connaissance de cet Appel, l’auront discuté, amendé et enrichi, et se seront déterminés quant à leur participation. Par ailleurs, les participants aux Rencontres de Marseille s’engagent à prendre contact avec les structures de coordination similaires existant en Europe et sur les autres continents, afin d’organiser avec elles les solidarités, les résistances et les échanges entre les Médias du Tiers Secteur existants ou naissants au niveau international. Enfin, les participants entendent interpeller les syndicats, les associations d’éducation populaire et les organisations politiques, afin qu’ils s’emparent de la question des médias comme d’un enjeu politique central. Synthèses des revendications principales des Médias du Tiers Secteur Ensemble, les Médias du Tiers Secteur demandent : 1. Pour l’ensemble des Médias du Tiers Secteur : Elaboration démocratique d’une loi contre la concentration financière et industrielle des médias. Représentation des Médias du Tiers Secteur dans toutes instances de régulation, de concertation et de gestion concernant les médias. Réforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel CSA), particulièrement du mode de désignation de ses membres, pour qu’il devienne représentatif de l’ensemble de la société et soit au service du pluralisme. Reconnaissance, protection et garantie d’exercice de l’activité des personnes contribuant à la vie des Médias du Tiers Secteur. Attribution aux Médias du Tiers Secteur d’une part équitable des budgets des campagnes de communication d’intérêt collectif et d’intérêt général. 2. Pour les radios associatives : Renforcement du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) : représentants élus, pourcentage sans plafond au lieu de fourchette plafonnée pour la taxe fiscale sur la publicité des radios et des télévisions alimentant ce Fonds, paiement des subventions dans l’année. Aide spécifique au passage au numérique (information et équipement). Protection du quota des fréquences associatives (30% des fréquences pour le secteur associatif). 3. Pour les télévisions associatives (reprise de l’Appel des télévisions associatives du 3 mai 2006) : Extension aux télévisions associatives du Fonds de soutien aux radios associatives (FSER) par une augmentation du montant et de l’assiette (grands médias et hors médias) de la taxe sur la publicité qui alimente actuellement ce Fonds, et par l’instauration d’une redevance sur l’utilisation des fréquences hertziennes par les opérateurs audiovisuels commerciaux. Obligation de transport gratuit des télévisions associatives par les distributeurs privés commerciaux du câble, du satellite, de la TNT, de l’ADSL et de la téléphonie mobile. Des appels à candidatures spécifiques du CSA réservés aux télévisions associatives indépendantes, pour que leur soit attribuées un quota équitable de fréquences analogiques et numériques au plan local, départemental, régional et national. 4. Pour la presse écrite et l’édition indépendante et sans but lucratif : Développement d’aides spécifiques à la diffusion et révision des conditions d’accès aux points de ventede presse (NMPP, MLP). Incitation des dispositifs publics de lecture (bibliothèques, centres de documentations) à diversifier leur offre par l’établissement de politiques d’achat spécifiques pour l’édition et la presse indépendante, et création de Maisons citoyennes de l’information et de la création. Extension et reventilation des aides publiques à la presse, afin qu’elle bénéficie prioritairement à la presse écrite à but non lucratif. 5. Pour l’Internet solidaire et non-marchand : Retrait de la Loi de confiance dans l’économie numérique (LCEN), attentatoire à la vie privée et à la liberté d’expression. Remise en cause de toutes les entraves à la libre circulation des contenus sur Internet (notamment celles introduites par la loi DADVSI et par le début de régulation d’Internet par le CSA), dans le respect véritable des droits des auteurs, des créateurs et des journalistes. Promotion de l’utilisation des logiciels libres et des formats ouverts par opposition aux formats propriétaires, et aide spécifique pour la formation à ces outils. Le 8 mai 2006 Annexe 2 Dans le cadre d'un programme d’étude du FASILD, en 2002 a été réalisé un travail de recherche sur les radios locales associatives à destination des publics immigrés. Le rapport final de cette étude réalisé par le cabinet de sociologie Résonance fait apparaître les fiches de présentation de quelques unes des neuf radios qui, sur le plan national, avaient été sélectionnées pour constituer l'échantillon de l'enquête. Radio Pluriel, de Saint Priest, figurait parmi ces radios. L'enquête avait été menée pendant deux jours à Saint Priest par la sociologue Catherine Froissart. Bénédicte de Lataulade, Catherine Froissart, Lucie Melas destination des publics immigrés : Les radios locales associatives à Résonance Rapport final au FASILD – radios associatives Mars 2004 1- Naissance et ancrage de Radio Pluriel sur l'Est Lyonnais Née en 1981, sur le quartier des Minguettes à Vénissieux, Radio Pluriel commence à émettre avec l'appui technique de Radio Canuts, première radio associative de la région lyonnaise (dont les premières émissions sont diffusées en 1975). Résultant d'un projet porté par les militants associatifs des Minguettes, Radio Pluriel se positionne dès ses débuts, comme une radio soucieuse d'intégration et ouverte aux différentes associations présentes sur le quartier. Dès ses premiers mois d'émission, la dimension "vie quotidienne" des familles d'origine étrangère est très présente dans sa programmation. En 1983, elle monte un projet de fréquence qui sera autorisé par la Haute Autorité, avec Radio Grain de SEL (Sud Est lyonnais) et Radio Canne à Sucre (radio antillaise) et s'installe à Saint Priest en 1984, où la mairie accepte de mettre un local à sa disposition. Depuis 1985, elle émet depuis Saint Priest en étendant peu à peu son territoire d'émission, soutenue dans un premier temps par les communes de Saint Priest, Mions et Corbas, puis par le FAS en 1987, après avoir repris à son compte le projet porté par Radio Julie (communes de Saint Fons et de Bron) et avant de sceller "son mariage" avec Cath FM, radio des associations, installée à Sainte Foy Les Lyons. En 1990, elle reprend le site d'émissions des Minguettes qui lui permet d'être mieux entendue sur la région Lyonaise. Dès 1986, Radio Pluriel entend travailler en réseau et participe à la création du DIRA (Département Inter Radios Associatives : couverture des événements de la région lyonnaise dans les domaines sanitaires et sociaux) qui regroupe une dizaine de radios associatives de la région Rhône Alpes. Puis elle adhère successivement à la CNRL, à la FERUE (Fédération Européenne des Radios Universitaires et Estudiantines), à l'ANAREMS (Association Nationale des Radios en Milieu Scolaire). Elle participe à la mise en place de l'EPRA et rentre au conseil d'administration de l'association (1992). Elle siège toujours au conseil d'administration de l'EPRA, est membre de la CNRL, du CORREX et de l'AMARC (Association Mondiale des Radio-diffuseurs Communautaires). Elle multiplie les contacts avec différentes radios (collaboration avec radio Arménie, après le tremblement de terre de 1988 ; collaboration avec radio campus Bruxelles autour de la production d'émissions communes en 1991,…) et pays (suivi des élections présidentielles au Chili en 1989 : formule développée par la suite avec d'autres pays; appui technique en 1990 à un groupe d'associations de Timisoara-Roumanie),…Elle participe, dès ses débuts, à la formation de travailleurs sociaux (premiers stages des travailleurs sociaux à l'usage de la radio en 1981, en relation avec l'IFES de Caluire : école d'éducateurs) et de jeunes, en lien avec les établissements scolaires (installation d'un studio au collège Henri Barbusse de Vaulx en Velin en 1991, pour une semaine de la presse à l'école). Deux axes qui sont toujours poursuivis aujourd'hui avec d'une part, des stages proposés au sein de la radio et des émissions produites avec des travailleurs sociaux ; d'autre part, un travail mené régulièrement avec les écoles en relation avec l'association "Fréquence Ecole". 2. Un projet radiophonique qui s'est peu à peu structuré Radio Pluriel s'inscrit dès ses débuts dans l'esprit d'une radio de proximité, ouverte à toutes les expressions et elle n'a pas dérogé à ces principes. Son projet initial : favoriser l'intégration des individus et des groupes, en donnant la parole aux habitants des banlieues populaires dans toutes leurs diversités, en facilitant leur participation aux activités de la radio, en cherchant à élargir leurs centres d'intérêts et leur implication dans la vie locale. Si ce projet n'a globalement pas changé, il s'est néanmoins peu à peu affirmé et enrichi de la diversité des échanges développés et des actions engagées. Avec des origines étroitement liée aux débuts mouvementés des radios Lyonnaises, marqués notamment par de nombreux conflits autour du partage de fréquences, Radio Pluriel portait de fait, à ces débuts, tous les projets et les toutes passions suscitées par le développement des radios libres. Dans les années 80, au cours des premières années de son fonctionnement, Radio Pluriel est ainsi marquée par une forte effervescence. Issus des milieux associatifs et des radios pré-existantes à Radio Pluriel, les animateurs bénévoles y participaient avec chacun leur bagage culturel, leur propre histoire et celle de la radio dans laquelle ils intervenaient auparavant. " On cherchait à donner du plaisir aux auditeurs et à se faire plaisir… tout le monde faisait ce qui lui plaisait, c'était magique, il fallait tout inventer. Même les personnes les plus timides faisaient de la radio et se mettaient à parler …" Les animateurs racontent ainsi de nombreuses histoires de bénévoles dont les émissions ont permis le repérage et qui sont aujourd'hui sur des "postes en vue". Au delà du projet initial qui portait Radio Pluriel, c'était aussi la "radio des copains", "la radio pour la radio", voire la radio permettant d'engager une thérapie personnelle, la "radio-miroir",…Aujourd'hui les choses ont changé, l'équipe s'est professionnalisée, l'évolution des techniques (avec en particulier la numérisation) a permis de mieux maîtriser la production et de diversifier les émissions, les animateurs sont plus présents sur le terrain et corrélativement, la radio a élargi son offre en participant activement à différents réseaux d'échanges de programmes. Même si la passion reste très présente dans nombre d'émissions, Radio Pluriel est entrée clairement aujourd'hui dans une phase de structuration. Au delà de l'extension de sa zone d'influence, et avec un projet globalement identique à celui de ses débuts, la programmation de Radio Pluriel a évolué. Cette évolution résulte sans doute, tout à la fois : - de la maturité de la radio qui lui a permis de rompre définitivement avec une radio émettant "pour soi" et favorisant "l'entre soi", au profit d'une radio centrée davantage sur son auditoire ou sur ses auditoires, leurs attentes et besoins. En associant passions et compétences techniques, en diversifiant les thèmes et types d'émissions, en élargissant ses sources, tout en développant sa présence sur le terrain : "Maintenant l'animateur n'est plus le roi, on donne de la place aux gens. On fait de la radio pour les autres". - de la volonté de la radio de se positionnerclairement vis-à-vis des médias privés. Il ne s'agit plus uniquement aujourd'hui de donner la parole aux habitants, mais aussi d'intéresser les auditeurs. Il ne s'agit plus non plus uniquement d'occuper l'antenne, mais de sortir de l'uniformisation, du modèle proposé par les "grands médias"…. "d'offrir un autre son de cloche"; - de son recentrage sur son projet d'intégration, en organisant plus systématiquement sa programmation au regard de la diversité des centres d'intérêt de ses auditeurs avec un double objectif de reconnaissance de ces diversités et de création de lien social inter-communautés et inter-générations. 3 - Une radio Multi-culturelle plus qu'Interculturelle Il reste toutefois que Radio Pluriel se positionne sans doute encore davantage comme une radio multi-culturelle, plus qu'interculturelle. Ainsi : - si la composition de son équipe reflète sans doute assez bien la composition socio-culturelle de ses territoires, ses interventions restent encore fortement cloisonnées. Les nombreux bénévoles (près de100 bénévoles) qui interviennent chaque jour à la radio sont retenus en fonction de leur projet plus que d'un projet d'ensemble, même si aujourd'hui on cherche à faire porter l'attention sur les complémentarités existantes et à promouvoir, pour mieux répondre aux besoins du territoire, ne pas négliger une communauté ou une catégorie de population et couvrir l'ensemble du territoire. - de même, si la grille des programmes répond bien au souci de diversifier les thèmes et types d'émissions, pour répondre à la diversité des centres d'intérêt, son "organisation verticale" participe néanmoins au "morcellement de l'espace public "14 . Ainsi seules certaines émissions d'information sont reprises régulièrement chaque jour, mais pour l'essentiel les émissions sont étalées sur l'ensemble de la semaine, selon une succession de tranches horaires assurées par les différents bénévoles qui n'entretiennent pas nécessairement de relations entre eux. De fait, le nombre important de bénévoles intervenant, leur "turn over" inévitable, mais surtout les contraintes horaires que cela engendre, ainsi que l'existence d'un très petit nombre de salariés permanents (4 salariés dont 3 sur des contrats "emploi-jeune") contribuent à produire un certain émiettement et à favoriser la juxtaposition d'émissions s'adressant à différents publics, plus que leur articulation. On notera toutefois qu' indépendamment des modalités de leur programmation, les nombreuses émissions musicales ou culturelles proposées chaque jour par la radio, l'utilisation courante de la langue française, y compris dans les émissions ciblées en direction des différentes communautés d'origine étrangère, constituent sans aucun doute un des moyens de construire du lien entre groupes sociaux et communautés d'origines différentes. Néanmoins, et en contrepartie en quelque sorte des effets négatifs induits par cette structuration majoritairement "verticale", Radio Pluriel a pu : - d'une part, conserver toute la souplesse nécessaire à l'adaptation de son offre, en fonction des événements locaux, nationaux ou internationaux ; réserver, en quelque sorte, des créneaux pour intervenir "à chaud" et venir éclairer l'actualité (ex : débat organisé avec les intermittents du spectacle en début juillet ; suivi journalier du rassemblement contre l'OMC ; suivi d'élections dans différents pays, en croisant des reportages réalisés en direct, des montages produits en studio, et des commentaires depuis le studio) ou développer de nouvelles émissions (autour de nouvelles thématiques, pour répondre à des demandes de terrain ou permettre à des projets portés par des bénévoles de se concrétiser). - d'autre part, se positionner comme média de proximité. Proche géographiquement et culturellement de ses différents auditeurs, ce fonctionnement semble en particulier favoriser leur participation à la réalisation des émissions produites et/ou au cours des émissions. Il reste cependant que ces aspects constituent aujourd'hui les points centraux de la réflexion conduite pour mieux positionner la radio sur la réalisation des objectifs qu'elle s'est fixée. Le passage à la production d'émissions mieux articulées entre elles est de ce fait peu à peu organisé tout à la fois avec : - l'instauration d'un groupe de réflexion sur la mise en place de nouvelles émissions ; - l'embauche d'un journaliste pour articuler l'information générale (via les différentes sources de deuxième année "Politique et communication"- Institut d'Etudes politiques de Lyon – 1999-2000 existante) à la vie locale, servir de fil conducteur à un travail d'équipe plus ancré sur le terrain et mieux structuré (mise en place d'un comité de rédaction) ; - le montage de projets collectifs (ex : projet de travailler en relation avec Paris Pluriel sur le Forum Social Européen de Saint Denis –octobre 2003 ; développement du travail en réseau et appui aux initiatives prises par les animateurs et/ou mobilisation autour de la production de nuits thématiques : nuit de la poésie, par exemple). 4 – Une radio généraliste qui a opté pour un traitement transversal des questions liées à l'intégration Multi communautaires et généraliste, Radio Pluriel consacre une très large partie de ses émissions à des émissions musicales et culturelles, tout en cherchant néanmoins le plus possible à y intégrer des débats, prises de position et points de vue, ceux des animateurs et de leurs invités. Les débats, les émissions thématiques ou d'information, s'inscrivent sur les créneaux laissés par la programmation musicale qui occupe largement les plages horaires de la journée en semaine. Néanmoins, la souplesse évoquée plus haut permet de consacrer ponctuellement du temps à certains événements (ex : micro ouvert à l'occasion du 11 septembre ou du tremblement de terre en Algérie) et les cloisonnements entre thématiques s'estompent au sein de certaines émissions. Comme c'est notamment le cas pour les émissions consacrées à l'Afrique ou à la Kabylie. Dans ce cadre, la question de l'intégration est traitée de manière transversale et intégrée à l'ensemble de la programmation. Même si certaines émissions font porter davantage l'attention sur cette thématique plus que d'autres, la tendance semble ici être tant à la ventilation des questions traitées entre diverses émissions, qu'à leur banalisation en quelque sorte, en optant pour la diffusion et la promotion des différentes cultures représentées sur le territoire. Au fond, la culture au sens large du terme, est appréhendée ici, comme le moyen de fédérer les différentes communautés entre elles, de favoriser la mise en réseaux des différentes communautés ou groupes sociaux avec les acteurs de la ville, d'articuler l'information concernant les pays d'origine des communautés d'origine étrangère à ce qui se passe sur les quartiers. Les émissions diffusées par l'EPRA sont reprises ponctuellement, à raison d'une heure journalière en moyenne, voire intégrées à d'autres émissions. 5- Une vie associative très active Radio Pluriel fédère près d'une centaine d'adhérents, individus bénévoles actifs pour la grande majorité d'entre eux. Ils viennent pour faire de la radio avec leurs projets, qui sont retenus en fonction, tout à la fois, de leur qualité, de leur pertinence vis-à-vis des caractéristiques sociales et culturelles du territoire, et de leur cohérence avec le projet radiophonique d'ensemble. Si les associations locales peuvent bien être interpellées pour participer à des émissions, voire pour quelques unes, être responsables d'une émission hebdomadaire, pour l'essentiel néanmoins, la programmation est construite avec la somme des projets individuels de chacun des bénévoles. Au delà des instances de concertation et de décision qui se réunissent autour des orientations, du choix des émissions, et gère la vie au quotidien de la radio,… parler de vie associative ici, c'est surtout parler du bouillonnement qui caractérise la vie de la radio : lieu de passage et de brassage, la radio est un véritable "lieu de vie " que font fonctionner les bénévoles, avec les salariés qui en assurent, en quelque sorte, la permanence (3 salariés équivalent temps plein, auxquels il convient d'ajouter la personne en charge de l'association « Fréquence-Ecole ») et le nombre important de stagiaires (une vingtaine par an) qui passent sur la radio. Il reste que la maîtrise de ce bouillonnement ne va pas de soi, que les modalités de la mise en cohérence sont au centre du débat qui anime aujourd'hui l'équipe. 6 - Une offre de services qui dépassent largement le cadre des émissions produites Plus avant Radio Pluriel est peut être aussi et avant tout une radio de terrain, qui entend se développer non seulement dans le paysage radiophonique local, mais aussi comme acteur, créateur d'évènements. A ce titre, la présence sur le terrain de Radio Pluriel ne s'organise pas seulement autour de la réalisation de reportages, mais aussi d'une réelle collaboration avec les organisateurs d'évènements divers et les associations de quartiers, en relation de fait avec la radio par le biais des bénévoles qui y sont adhérents. Plus spécifiquement, depuis 1991, l'association "Fréquence Ecole" permet de développer un travail en lien avec les établissements scolaires. Fréquence Ecole intervient à la demande des établissements et en accompagnement des enseignants dans une triple perspective : appui à la production d'émissions "pour donner du sens à l'information brute" (émissions d'informations, reportages et couverture d'événements, suivi de voyages : suivi d'une expédition dans l'Himalaya et d'un tour du monde en bateau,…) ; accompagnement technique ; diffusion des émissions, via Radio Pluriel. Les médias associatifs en Rhône-Alpes Annexe 1 Liste des médias associatifs de Rhône-Alpes www.mediascitoyens.org Un recensement de médias associatifs ne peut pas être exhaustif. En Rhône-Alpes comme ailleurs naissent et meurent régulièrement des structures trop fragiles pour devenir pérennes. Les médias étudiants ont aussi très souvent une espérance de vie limitée à la durée du parcours universitaire de l'équipe qui le fait vivre. Par ailleurs, nous avons souhaité réaliser un recensement suffisamment ouvert pour donner une image du dynamisme de notre région dans ce secteur. Ainsi, des journaux nationaux comme Le Sarkophage ou Silence, certains médias étudiants ne correspondent pas tous à la définition d'un média de communication sociale de proximité, ancré sur son territoire. Certaines associations « transversales » ou de production ne correspondent pas non plus à la définition d'un média. Enfin, la grande difficulté de ce type d'exercice est de « débusquer » les médias. Repérer leur existence et les identifier en tant que médias. Ainsi, nul doute que nous sommes passés à côté de journaux de quartiers qui ne font aucune promotion de leur existence, ou dont la durée de vie là encore ne nous permet pas de les connaître. C'est pourquoi nous avons souhaité adopter une méthode de recensement au plus proche des territoires de la région en confiant la première phase de l'exercice aux médias dans les départements, avec un cahier des charges très simple et ouvert : lister tous les médias citoyens de leur territoire. La seule partie dont on ait la garantie absolue de l'exhaustivité est celle des radios FM puisqu'il s'agit de la liste officielle des radios associatives autorisées sur la bande FM. En tout donc, 134 médias dont plus de la moitié se concentrent dans le Rhône et en Isère autour des deux grandes agglomérations régionales que sont Lyon et Grenoble. Le dynamisme associatif de ces deux villes se manifeste ainsi par un besoin accru de communiquer à travers des médias adaptés. Ce dynamisme régional porté par ces deux grands pôles urbains resurgit d'ailleurs au niveau national : Rhône-Alpes est la région qui possède le plus grand nombre de radios associatives en France, et fait partie des régions dorénavant les mieux dotées en structures de l'audiovisuel participatif (la région a vu naître un peu moins d'une dizaine de web tv ces dernières années). Parmi ces 134 médias, plus de la moitié sont des radios. Une situation qui s'explique clairement par l'histoire spécifique de ces médias. Apparaît aussi très nettement dans ce recensement leur utilité dans les zones rurales où elles sont très souvent seules à assurer une mission de communication sociale et d'information de proximité. Mais ce recensement montre aussi le développement de structures nouvelles, notamment grâce à internet qui montre aussi toute l'importance que la « toile » peut prendre dans les processus de développement des zones rurales. AIN Radio FM 1. Sorgia 2. PFM 3. Radio Zones 4. Tropiques FM 5. RCF 01 Bellegarde Bélignat Ferney-Voltaire Bourg-en-Bresse Bourg-en-Bresse Web TV 6. Bresse TV Bourg-en-Bresse Presse écrite « papier » 7. Ebullitions 8. Ain-pertinent 9. Gazette des Vennes Bourg-en-Bresse Bourg-en-Bresse Bourg-en-Bresse ARDÈCHE Radio FM 10. Info RC 11. Fréquence 7 12. Radio des Boutières 13. RCF Vivarais 14. Déclic FM Aubenas Aubenas Le Cheylard Annonay Tournon-sur-Rhône Production radio 15. Le Sonoscope Aubenas TV Web 16. TV Ardèche Villeneuve de Berg Ecrit web 17. Zacade 18. Drôme-Ardèche Solidaires Ardèche – Drôme Ardèche – Drôme Nouvelle radio (2011) DRÔME Radio FM 19. Radio Méga 20. Radio BLV 21. RCF 26 22. Radio M 23. Radio A 24. Soleil FM 25. Radio Saint Ferréol 26. Radio Royans 27. Radio Zig-Zag 28. Radio R-DWA Valence Bourg-les-Valence Valence Montélimar Bourg-les-Valence Montélimar Crest Pont en Royans La Roche de Glun Die + Nyons (26) Nouvelle radio (2011) Ecrit papier 29. Africulture Les Pilles Revue nationale Ecrit Web 30. La CEN 31. Médiascitoyens Diois Cornas Die ISÈRE Radio FM 32. Radio Grésivaudan 33. New's FM 34. Campus 35. Oxygène 36. Crock FM 37. Couleurs FM 38. Phare FM Grenoble 39. Phare FM aux portes du Dauphiné 40. Radio 100 kol hachalom 41. Radio Couleur Chartreuse 42. Radio italienne de Grenoble 43. Max FM 44. Pixel FM 45. Radio Cactus 46. Radio Fontaine 47. Radio Harmonie 48. Iris FM 49. Radio Kaléidoscope 50. Radio Millénium 51. Radio Mont Aiguille 52. Radio Passion 53. RCF Isère 54. RNI 55. Radio Oxygène Web radio Crolles Fontaine St Martin d'Hères Pontcharra Vienne Bourgoin-Jallieu Grenoble La Verpillière Grenoble St Pierre de Chartreuse Grenoble Eybens Morestel St Marcellin Fontaine Vienne Grenoble Grenoble Haute-Jarrie St Martin de Clelles Vaulxnavey le Haut Grenoble Panissage Pontcharra + Chambéry et Albertville (73) Nouvelle radio (2011) 56. Dyade Fontaine Presse écrite « papier » 57. Les Antennes 58. Le Champflo 59. Vibration clandestine 60. Inter-peuples 61. Le Postillon 62. Ecarts d'Identité Grenoble Bourgoin-Jallieu Bourgoin-Jallieu Grenoble Grenoble Grenoble Ecrit web 63. Grésivaudan Actu 64. Indymédia 65. Alpes solidaires 66. Rhône-Alpes Solidaires Crolles Grenoble Grenoble Grenoble Web TV 67. Ex-pression 68. Vercors TV 69. Journal tout en images Grenoble Les Eymes Grenoble LOIRE Radio FM 70. Radio Ondaine 71. Radio Dio 72. Loire FM 73. Radio D'ici 74. Radio Espérance 75. Radio Soleil 76. RCF 77. Radio Pytagor Firminy Saint-Etienne Saint-Etienne Saint-Julien-Molin-Molette Saint-Etienne Saint-Etienne Saint-Etienne Balbigny + Annonay (07) Web Radio 78. ACRA 79. Radio Val de Gier Saint-Germain-Laval Rive de Gier Ecrit Web 80. Portail des Droits Sociaux Saint-Etienne Web multimédia 81. Zoomacom Saint-Etienne RHÔNE + Loire Solidaires Radio FM 82. Radio Pluriel 83. Radio Brume 84. Radio Canut 85. Radio Trait d'Union 86. RCT Cap Sao 87. RCF Lyon Fourvière 88. Radio Calade 89. Radio Val de Reins 90. Radio italienne de Lyon et du Rhône 91. Radio Salam 92. Radio Arménie 93. Radio Judaica 94. SOL FM Saint-Priest Lyon Lyon Lyon Villeurbanne + Vienne (38) et Oyonnax (01) Lyon Villefranche sur Saône Amplepuis + Roanne (42) Lyon Villeurbanne Décines Lyon Oullins + Bourg-en-Bresse (01) Web radio 95. Trensistor Lyon web radio des étudiants de l'ENS Ecrit web 96. Lyon Bondy Blog 97. Qui ne dit mot... 98. Sens Public 99. Rhône Solidaires 100. Agenda Lyon 101. Rebellyon Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon Ecrit papier 102. Macadam 103. Casseurs de Pub 104. La décroissance 105. Silence 106. Le Sarkophage 107. Foutou' Art 108. L'insatiable 109. La gazette Mankpadère Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon Lyon 110. Le Journal International Lyon Web TV 111. Soli TV 112. Vive TV 113. La télévision paysanne 114. CLAP TV Lyon Grigny Lyon Villeurbanne Web multimédia 115. Free Landz Lyon Production radiophonique 116. Buzzique Lyon National National National National National Journal des Étudiants de l'INSA Journal des étudiants de droit et sciences-po Journal étudiant Associations « transversales » 117. Esprits critiques 118. Fréquences écoles 119. Reporters solidaires Lyon Lyon Lyon Soutien aux médias étudiants Education aux médias Solidarité internationale SAVOIE Radio FM 120. Radio Alto 121. Radio Ellebore 122. RCF Savoie 123. Radio Altitude Lescheraines Chambéry Chambéry Albertville, Moutiers, Bourg-saint-Maurice. Nouvelle radio Ecrit web 124. La voix des Allobroges Chambéry Web TV 125. TVNet Citoyenne Chambéry HAUTE-SAVOIE Radio FM 126. Radio Giffre 127. Radio Semnoz 128. Radio 74 129. Chablais Léman FM 130. RCF Haute Savoie 131. Radio FMR 132. Radio MplusM Samoens Annecy Archamps Morzine Annecy Rumilly Annecy Nouvelle radio (2011). Diffuse aussi à l'Alpe d'Huez et Courchevel Ecrit web 133. Librinfo 74 134. Et faits planète 135. Alambik.info 136. FSD 74 Annecy Bonneville Mont blanc Haute-Savoie Evolution web du titre papier Le journal Le site du forum social 74 Les médias associatifs en Rhône-Alpes Annexe 2 Les médias associatifs de Rhône-Alpes : Caractéristiques, identités, fonctionnements Questionnaire dirigé par Anne Benoit-Janin – Les Antennes www.mediascitoyens.org Sommaire : Identité des médias : p. 3 Fonctionnement : p. 12 Partenariat : p. 17 Particularités des médias : p. 20 Annexe (liste des médias interrogés) : p. 26 1- IDENTITÉ DES MÉDIAS 16 médias ont répondu à un questionnaire dont l'objectif était de cerner les identités et fonctionnements des médias associatifs de Rhône-Alpes. Parmi eux, 6 radios FM de catégorie A : New's FM, Radio Grésivaudan dans la région grenobloise (38), Couleurs FM à Bourgoin-Jallieu (38), Radio d'Ici à St Julien Molin Molette (42 – 07), Radio Pluriel à Lyon, Tropiques FM à Bourg-en-Bresse (01). 4 journaux « papier » : Ebullitions à Bourg-en-Bresse (01), Les Antennes et Inter Peuples à Grenoble (38), Vibrations Clandestine Bourgoin-Jallieu (38) mais diffusion régionale et au-delà. Ajoutons à ces titres Le Journal d'Annecy, qui, s'il a récemment évolué vers une version web intitulée Librinfo 74, conserve toutefois une impression papier ponctuelle. 3 journaux écrits web : ...Et Faits Planète (Bonneville, 74), Librinfo 74 (Annecy 74), Lyon Bondy blog (Lyon) 1 web radio : ACRA (Saint Germain Laval, 42) 2 télévisions participatives diffusées sur internet : Ex-Pression - Human report, (Grenoble, 38), Vercors TV (Méaudre, 38) Cet échantillon se veut représentatif et proportionnel, à l'exception faite du rapport entre le nombre de radios FM et des autres médias, cet échantillon gommant largement la grande supériorité numérique des radios. En effet Rhône-Alpes abrite désormais plus de 80 radios FM de catégorie A. Elle est la région la plus riche de France en ce domaine. Dès la première question posée, très simple : « Quel type de média votre structure édite-t-elle? », apparaît la complexité d'une réalité multiple : avec l'apparition d'internet et particulièrement depuis le web 2, les radios et médias écrits ont mis en place une double diffusion et souvent développé des supports associés (par exemple un site internet complétant la diffusion FM d'une radio). Ainsi, pour 16 médias analysés, 19 réponses ont été données à cette première question. 1.1. Type de média Votre structure édite un média : Nb. cit. Fréq. Ecrit w eb 5 31% Ecrit papier 4 25% Radio FM 6 38% Radio Web 2 13% TV 0 0% Web TV 2 13% Type m é dia TOTAL OBS. 16 Type média Ecrit w eb 26% Ecrit papier 21% Radio FM 32% Radio Web TV 11% 0% Web TV 11% D’autres supports sont-ils associés à votre média ? Nb. cit. Fréq. Oui 8 50% Non 8 50% 16 100% Support ass ocié TOTAL OBS. Support associé Oui 50% Non 50% Les médias associés cités : 5 écrits web 3 radios FM 1 écrit papier 1 web TV 1.2. Ancienneté L'échantillon analysé illustre assez bien l'histoire des médias associatifs en France et dans la région : la plus grand part – 31%- existe depuis plus de 30 ans. Il s'agit des radios associatives, nées de l'ouverture de la bande FM en 1981. Mais depuis, régulièrement, de nouveaux médias naissent. Si l'analyse montre un moins grand nombre de médias nés depuis moins de 3 ans, il convient de ne pas en déduire une diminution du nombre de médias naissant, bien au contraire. Cette étude s'est simplement donnée comme principe de s'appuyer principalement sur des médias dont la pérennité avérée permet l'analyse. Le pic à 19% des médias de « moins de 5 ans » montre en effet une tendance à l'accroissement du nombre de naissances de médias. Un accroissement qui correspond au développement du web 2. Votre média existe depuis : Nb. cit. Fréq. Moins d'1 an 1 6% Moins de 3 ans 1 6% Moins de 5 ans 3 19% Moins de 10 ans 2 13% Moins de 20 ans 2 13% Moins de 30 ans 2 13% Plus de 30 ans 5 31% TOTAL OBS. 16 100% Ancie nne té Ancienneté Moins d'1 an 6% Moins de 3 ans 6% Moins de 5 ans 19% Moins de 10 ans 13% Moins de 20 ans 13% Moins de 30 ans 13% Plus de 30 ans 31% 1.3. Définitions Participatif, alternatif, citoyen... les adjectifs qualifiant ces médias associatifs sont multiples. L'utilisation de l'un ou de l'autre par leurs acteurs peut être significative de la définition et des objectifs que chaque média se donne. Les réponses à cette question montrent combien les médias sont attachés à leur positionnement historique : de communication sociale de proximité et d'éducation populaire pour les radios (44%), citoyen ou alternatif pour la presse écrite. Mais à l'instar des télévisions qui se définissent comme participatives, le plus grand nombre se retrouve autour de cet adjectif mettant en avant la volonté commune de faire participer la population locale à la construction des programmes des médias. Dans cette notion de participatif et les définitions qui lui sont attachées par les acteurs des médias, se retrouvent tout autant celles d'éducation populaire, de citoyenneté et de communication sociale de proximité. D'ailleurs, 88% des médias interrogés développent des actions à visée pédagogiques. Quels sont les termes les plus appropriés pour définir votre média ? Trois réponses possibles Déf média Nb. cit. Participatif Fréq. 10 63% De communication sociale de proximité 7 44% D'éducation populaire 7 44% Citoyen 6 38% Alternatif 6 38% Autre 2 13% Politique 1 6% Traditionnel 0 0% Rien de tout cela 0 0% Collaboratif 0 0% TOTAL OBS. 16 Déf média Participatif 26% De communication social de proximité 18% D'éducation populaire 18% Citoyen 15% Alternatif 15% Autre Politique 5% 3% 1.4. Ligne éditoriale A la question « votre média est-il généraliste ou spécialisé », 81% se disent généralistes. Mais les thématiques citées par les médias s'affirmant spécialisés recoupent largement celles traitées par les médias généralistes (développement durable, citoyenneté, solidarité...).On s'aperçoit aussi de la subjectivité de ce type de positionnement, lié parfois à la lente construction de l'identité de chaque média. L'observateur extérieur aurait par exemple naturellement le réflexe de positionner le Lyon Bondy Blog comme généraliste de par la diversité de leurs champs d'intervention. D'autres médias objectivement généralistes pourraient aussi parfois laisser croire à une spécialisation éditoriale, comme New's FM dont les thématiques de prédilection sont la culture urbaine, le hip hop et le funk. Etes-vous un média : Nb. cit. Fréq. Généraliste 13 81% Spécialisé 7 44% Mé dia gé néral TOTAL OBS. 16 Média général Généraliste Spécialisé 65% 35% Thématiques de prédilection quand « généraliste » : 1 : Le développement durable 2 : social, culture, écologie et environnement, jeunesse, solidarité internationale, handicap... 3 : oui et non, un journal transthématique, mais axé sur las valeurs de solidarité, d'antiracisme, de résistances… 4 : Nature, vie locale et tout ce qui touche au Vercors 8 : Social / Environnement / Politique / International 9 : Culturel et citoyen 10 : Economie social culturel politique… 11 : citoyenneté, culture, écologie 13 : Politique, actualité, discrimination 14 : culture urbaine, hip hop, funk afros 15 : expression locale, musique régionale, techno, émissions des communautés d'origine étrangère, chanson française, jazz, accordéon 16 : expression locale, chanson française, jazz, accordéon Thématiques de prédilection quand « spécialisé » : 2 : pour les acteurs et actions de la société civile engagés pour des causes communes 7 : Citoyenneté et solidarité essentiellement locale. 13 : questions autour de l'Islam, des minorités ethniques, des quartiers dits sensibles. Ligne éditoriale de votre média : Chaque média interrogé a été invité à donner une définition de sa ligne éditoriale : 1 : Le développement durable et local avec ses quatre piliers : l'environnement, l'économie solidaire, le social, la démocratie participative 2 : Ne pourront être éditées et diffusées que les vidéos présentées par des projets, actions ou témoignages qui abordent d'une façon ou d'une autre les notions de solidarité, d'humanisme, d'écologie ou d'initiative citoyenne. 3 : Mieux informer pour être mieux solidaire. 4 : Cette web tv est la vôtre, nous vous écoutons. 5 : Critique des systèmes dominants, écologie, féminisme, humoristique. 6 : Radio Tropiques (Tropiques FM) est une radio associative d'information locale. Ses choix musicaux laissent une place prépondérante à la chanson d'expression française, aux nouveaux talents et aux artistes locaux. Sa programmation exclut les productions commerciales. Tropiques est une radio de proximité, un outil de communication locale et sociale de proximité. C'est aussi une radio qui donne la parole aux défenseurs des droits de l'homme et de l'enfant, qui donne la parole aux défenseurs de la nature et de l'environnement, qui lutte contre l'exclusion, le racisme et la xénophobie. Tropiques est là pour donner la parole à ceux qui ne l'ont pas. Entre les ateliers radio pour les enfants et l'accordéon musette, Tropiques FM est intergénérationnelle Mais surtout, Tropiques FM est une radio participative. Jeunes et adultes peuvent proposer leur projet d'émission et contribuer à enrichir la grille des programmes. Enfin, Tropiques FM est un média alternatif, indépendant de tout pouvoir politique, religieux ou pouvoir d'argent. 7 : Donner localement aux citoyens l'information alternative nécessaire leur permettant ensuite de faire des choix éclairés dans leur action quotidienne. 8 : Enquêter sur les situations vécues par les citoyens dans leur vie quotidienne, révéler les responsabilités politiques, économiques génératrices de leurs conditions de vie, informer des conséquences sur la vie des gens de décisions politiques et économiques au niveau local, départemental, régional, national et international, et donner la parole à ceux qui ne l'ont pas ou si peu. 9 : Culturel, indépendant, militant, ouvert d'esprit… Faire découvrir des talents artistiques et musicaux indépendants quels qu'ils soient à nos lecteurs. 10 : Libre, critique et indépendante. Élaborée collectivement. 11 : Radio généraliste locale de proximité. Non commerciale, aucune publicité à ce jour. Format musical scène française, rock et pop. 12 : Communication sociale de proximité (= information, expression, formation, expérimentation, production, création) 13 : " Le Lyon Bondy Blog est un média en ligne participatif lancé en avril 2008. Il se veut être l'écho de l'actualité des quartiers populaires et encourage les jeunes issus de la banlieue à écrire et à devenir journalistes... " 14 : Montrer une image positive des jeunes et des quartiers populaires 15 : Culture dans l'agglomération (cinéma, théâtre, arts plastiques, musiques actuelles, danse), expression des associations, sports, découverte de leur territoire par les enfants des écoles grâce aux ateliers scolaires, artistes de la région. 16 : Expression des associations, découverte de leur territoire par les enfants des écoles grâce aux ateliers scolaires, programmation musicale innovante liée aux artistes de la région. 1.5. Indépendance éditoriale L'objectif d'indépendance, au cœur du programme du Conseil National de la Résistance, et cher au mouvement des radios « libres » de la fin des années 1970 semble être pleinement atteint par les modèles mis en place par les médias associatifs. Du moins de manière subjective chez leurs acteurs. Ainsi, sur une échelle de 1 à 10, 95% des médias interrogés mesurent leur degré d'indépendance entre 8 et 10. Sur une échelle de 1 à 10, pouvez indiquer le degré d’indépendance de votre production ? Nb. cit. Fréq. 1 0 0% 7 1 6% 8 6 38% 9 2 13% 10 7 44% 16 100% indé pe ndance TOTAL OBS. M oyenne = 8,9 Ecart-type = 1,1 indépendance 10 44% 8 38% 9 13% 7 1 6% 0% 1.6. Publics et territoires A la question « Avez-vous un public ciblé? », 69% répondent non ou ne savent pas. Ceux qui y répondent se répartissent entre public communautaire ou de territoire. On peut interpréter ces résultats tout d'abord par le fait que la notion de « public cible » est profondément attachée à l'univers des médias commerciaux, qui « ciblent » leurs publics pour mieux vendre la publicité. D'autre part, il est en effet souvent bien difficile de définir, en tant que média de territoire, prônant la diversité dans ses contenus et ses acteurs, de se définir autrement que par les limites territoriales de sa production et de sa diffusion. Cette vision du média rejoint alors celle du média communautaire au sens qu'en donne l'UNESCO notamment – réunissant l'ensemble de la population, en tant que communauté appartenant à un même territoire. Ainsi, 94% des médias interrogés produisent des contenus directement reliés à leurs territoires. Les limites et définitions de ces territoires varient toutefois, de l'agglomération à l'international, bassins de populations aux dimensions diverses définis par leurs natures géographiques ou administratives. Ces limites sont aussi définies, pour les radios par des caractéristiques simplement techniques liées à la puissance de l'émetteur, et, pour tous les médias par la zone couverte dans les processus de production avec la population. Cette zone est donc alors construite au fur et à mesure de la vie du média par les actions développées en partenariat avec les structures du territoire environnant. Le territoire est donc ici un réseau, une toile de liens tissés entre ses acteurs autour du média. Avez-vous un public ciblé ? Nb. cit. Fréq. Non 8 50% Oui 5 31% Non réponse 2 13% Ne sait pas 1 6% 16 100% Public cible TOTAL OBS. Public cible Non 50% Oui 31% Non réponse Ne sait pas 13% 6% Presque tous les médias (94%) ont une production reliée à leur territoire Diffusion : Quelle est la zone de diffusion de votre média principal ? Plusieurs réponses possibles Nb. cit. Fréq. Votre département 5 33% Autre 5 33% Votre agglomération 3 20% La France 2 13% L'international 2 13% La région Rhône-Alpes 1 7% Non réponse 1 7% Votre quartier 1 7% Votre commune 0 0% Zone diffus ion TOTAL OBS. 15 Zone diffusion Votre département 25% Autre 25% Votre agglomération 15% La France 10% L'international 10% La région Rhône-Alpes 5% Non réponse 5% Votre quartier Votre commune 5% 0% Autre : 1 : La région grenobloise ; 4 : Isère et étranger ; 12 : Nord Isère ; 13 : Le territoire ; 14 : Du quartier à l'international 2- FONCTIONNEMENT 2.1 Les modes de financements Le graphique ci-dessous illustre le mode de financement des médias associatifs interrogés. On y remarque tout d'abord la diversité et la complémentarité des ressources de chaque structure. Des subventions publiques d'une part, mais bien plus souvent ponctuelles et ciblées que pérennes de fonctionnement ; des ressources privées d'autres part, allant des cotisations des membres ou des abonnements des lecteurs à la vente de messages publicitaires ou de prestations de services. Les médias écrits sont les seuls à ne pas mentionner l'obtention de subventions de fonctionnement et à ne pas vendre de prestations de service. Les parts de leurs budgets représentées par les abonnements et par la vente de messages publicitaires sont par contre plus élevées. Notons qu'en termes de subventions de fonctionnement, les radios sont les seules à disposer d'un fonds pérenne national grâce au Fonds de Soutien à l'Expression Radiophonique. Les médias associatifs sont représentatifs d'un modèle économique social et solidaire, mêlant avec pertinence, au service des territoires, ressources privées et publiques. Un modèle économique qui intègre aussi pour une large part le bénévolat, c'est à dire l'engagement citoyen. Ce modèle économique non lucratif est par ailleurs générateur d'emplois (88% des médias interrogés ont au moins un salarié. Ce nombre varie jusqu'à 8 personnes en contrat, qu'il s'agisse de CDD, CDI, contrats aidés, à temps partiel ou plein). Les salariés se répartissent essentiellement dans trois fonctions : journalistique, technique et administrative. La première des difficultés ressenties par les médias dans leur fonctionnement est le manque de financements. Les autres difficultés ressenties sont des conséquences directes de celle-ci : la charge de travail et le manque de personnel, le besoin en matériel notamment. Quels sont vos principaux modes de financement pour éditer votre média ? Type média x financement 13 Ecrit w eb 7 Ecrit papier 29 Radio FM 10 Radio Web 0 TV 10 Web TV Subventions de fonctionnement Subventions ponctuelles Vente de prestations de services Vente de messages publicitaires Vente de contenu Les abonnements Les cotisation Les sponsors Autre Autre : Bénévolat et apports propres, Fonds propres issus de prestations de services, Ateliers et formations, enregistrement de conférences, actions culturelles, convention avec la commune, subventions CUCS, vente de programmes EPRA, d'ateliers radio 100% des médias associent des bénévoles réguliers Leur participation équivaut à : Nb. cit. Fréq. Moins de 75 % 6 38% Moins de 100% ou 100% 4 25% Moins de 50 % 3 19% Moins de 25 % 2 13% Non réponse 1 6% TOTAL OBS. 16 100% part bé né vole s part bénévoles Moins de 75 % 38% Moins de 100% ou 100% 25% Moins de 50 % 19% Moins de 25 % Non réponse 13% 6% Un seul média n’associe pas de bénévoles ponctuels Nb. cit. Fréq. Moins de 25 % 9 56% Non réponse 4 25% Moins de 50 % 2 13% Moins de 100% ou 100% 1 6% Moins de 75 % 0 0% TOTAL OBS. 16 100% Part Bé né ponctue ls Part Béné ponctuels Moins de 25 % 56% Non réponse 25% Moins de 50 % 13% Moins de 100% ou 100% Moins de 75 % 6% 0% Nombre de salariés : Nb. cit. Fréq. Oui 14 88% Non 2 13% 16 100% Salariés TOTAL OBS. Salariés Oui 88% Non 13% Remarque : Les médias « écrit web », « radio FM » et « web TV » ont toutes un salarié au moins. Leur contribution représente : Nb. cit. Fréq. Non réponse 5 31% Moins de 50 % 4 25% Moins de 75 % 3 19% Moins de 100% ou 100% 3 19% Moins de 25 % 1 6% TOTAL OBS. 16 100% Part Salariés Part Salariés Non réponse 31% Moins de 50 % 25% Moins de 75 % 19% Moins de 100% ou 100% 19% Moins de 25 % 6% - Nombre de CDD : cinq structures ont un CDD et une 5. - Nombre de CDI : trois structures ont 1 CDI, une : 2, trois structures ont 3 CDI (dont une, 2 à temps partiel). Une structure a 1 seul CDI. - Une structure a 1 intermittent. - Nombre d’emplois aidés : 6 structures ont un emploi aidé, une : 2, une autre : 4, et encore une autre : 5. - Nombre de salariés journalistes : 4 structures ont un journaliste, une en a 3 et une autre 4 (pigistes). Aujourd’hui, quelles sont les premières de vos difficultés ? Classez par ordre de priorité (la plus importante en premier) Cité en … Le manque de financement La charge de travail Le manque de matériel Le manque de moyen pour promotion de votre média Le manque de personnel Le manque d’espace et de locaux adaptés Le manque de réseau Le manque de soutien Institutionnel Le manque de formation Classement par rang 3ème 4ème 5ème 0 2 0 1er 8 2ème 1 6ème 0 7ème 0 4 2 1 2 2 1 1 1 0 0 0 0 0 0 3 1 0 0 0 1 0 0 0 1 0 3 1 1 2 1 0 0 1 0 1 0 0 0 1 1 1 1 1 1 1 1 0 0 0 0 1 1 1 0 0 0 Difficultés Le manque de financement 19% La charge de travail 14% Le manque matériel Le manque de moyen pour faire la promotion de votre média 11% 9% Le manque de personnel 11% Le manque d'espace, de locaux adaptés 9% Le manque de réseau 9% Le manque de soutien institutionnel Le manque de formation 11% 9% 3- PARTENARIAT Les logiques de partenariats entre médias sont importantes à plus d'un titre. La mutualisation, de moyens ou de programmes, pour des médias aux budgets très faibles est une manière d'enrichir ses propres contenus, de s'enrichir des pratiques des autres. Ces partenariats sont aussi et surtout la recherche d'une complémentarité au service des territoires, de leurs habitants et des thématiques abordées. De plus, seules des démarches collectives peuvent permettre de promouvoir et défendre la place des médias associatifs dans le paysage démocratique régional, national et international. D'où l'importance des mises en réseaux à différentes échelles et de la constitution en fédérations nationales. En Rhône-Alpes, toutes les radios associatives sont fédérées aux niveau régional et national dans diverses structures : LIRRA (liberté radiophonique en Rhône-Alpes), FRANCRA (fédération des radios associatives non commerciales de Rhône-Alpes), CRANC-RA (Confédération réunissant les deux premières), SNRL (syndicat national des radios libres), CNRA (confédération nationale des radios associatives), FERAROCK (fédération des radios associatives rock) et l'AMARC, (association mondiale des radiodiffuseurs communautaires) Côté télévisions existe la FNVDPQ (fédération nationale des vidéos de pays et de quartiers) mais une seule structure de Rhône-Alpes y adhère directement. Rien n'existe pour l'heure du côté de la presse écrite au niveau national. En Rhône-Alpes se met actuellement en place un réseau des médias écrits, adhérent à MédiasCitoyens. La création de MédiasCitoyens permet de porter à plus de 80% la part des structures rhônalpines adhérentes à un réseau. L'adhésion de MédiasCitoyens à la FNVDPQ permet un rapprochement entre les autres TV et la fédération nationale. Par ailleurs, au niveau régional, la CRANC-RA est adhérente à MédiasCitoyens qui établit aussi des liens avec les syndicats et confédération nationaux de radios associatives. Cette notion de partenariats multiples prend d'autant plus d'importance à l'heure du numérique et de la société en réseaux (Manuel Castells) A noter aussi l'importance des échanges de programmes pour les radios associatives et de deux piliers dans leur fonctionnement : RFI et l'EPRA. Les radios associatives diffusent en effet largement les programmes d'informations de RFI grâce à un accord signé entre elles et Radio France Internationale. L'EPRA, échanges et productions radiophoniques, est né pour dynamiser les contenus et les échanges de programmes entre radios sur les thématiques de l'immigration puis de la politique de la ville. Ces deux institutions sont aujourd'hui menacées par des politiques publiques ne leur reconnaissant plus les rôles fondamentaux qui leur étaient confiés jusqu'alors. Diffusez-vous uniquement votre propre production ? Nb. cit. Fréq. Non 8 50% Oui 7 44% Non réponse 1 6% TOTAL OBS. 16 100% Auto diffus ion Auto diffusion Non 50% Oui 44% Non réponse 6% Noms des partenaires : 2 : Les acteurs engagés qui souhaitent être référencés et diffusés sur HumanREPORT.org 4 : TV, correspondants privés 9 : Aléatoire 11 : Radios associatives de Rhône-Alpes, Producteurs indépendants, OMS, EPRA 12 : RFI 13 : ''Free Landz '' ''69 Flow'' 15 : RFI, autres radios partenaires (CRANC-RA notamment) EPRA 16 : RFI, autres radios partenaires (CRANC-RA notamment) EPRA Appartenez-vous à un réseau ou des réseaux (collectif, syndicat, fédérations…) ? Nb. cit. Fréq. Oui 13 81% Non 3 19% 16 100% Ré se au TOTAL OBS. Réseau Oui Non 81% 19% Noms des réseaux auxquels les médias appartiennent : 1 : MédiasCitoyens 2 : Imagerie active (photographes et reporters engagés avec des collaborateurs de proximité. N'appartient à aucune fédération 5 : Le réseau des médias écrits web alternatifs et MédiasCitoyens 6 : SNRL, CRANC-RA, MédiasCitoyens 7 : MédiasCitoyens, Réseau régional de médias écrits papier et web, FSD 74, Savoie-Léman Solidaires, Après-Genève, Planète Village 74 8 : Réseau des médias indépendants/alternatifs "papier/web" de la Région Rhône- Alpes. Réseau des médias citoyens de Rhône-Alpes. 9 : MédiasCitoyens, FEPPRA etc 11 : CRANC-RA ; CNRA ; MédiasCitoyens, CRANC-RA ; CNRA 12 : CNRA, FRANCRA /, CRANC-RA 13 : MédiasCitoyens, Bondy Blog 14 : FRANCRA / CRANC-RA /CNRA 15 : CRANC-RA, SNRL, AMARC, EPRA, LIRRA 16 : CRANC-RA, SNRL, AMARC, EPRA, LIRRA Travaillez-vous en partenariat avec d’autres médias locaux ? Nb. cit. Fréq. Oui, régulièrement 7 44% Oui, ponctuellement 6 38% Non, jamais 2 13% Non, rarement 1 6% TOTAL OBS. 16 100% Partenaire m édia Partenaire média Oui, régulièrement 44% Oui, ponctuellement 38% Non, jamais Non, rarement 13% 6% 4- PARTICULARITÉS DES MÉDIAS Les journaux « papier » paraissent à des rythmes divers, principalement mensuels, bimestriels ou trimestriels. D'aucuns peuvent ne pas avoir de régularité acquise. En effet pour les titres les plus fragiles, la parution dépend souvent du moment où l'on trouve les fonds pour les frais d'imprimerie... Les plus nombreux sont petits et assurent des tirages de moins de 1000 exemplaires. Mais quelques plus grands titres publient à 15000, 20000 ou 25000 exemplaires, prouvant la vitalité de telles parutions. Allant de 6 à plus de 30 pages, ces titres sont majoritairement vendus à des abonnés ou en kiosque. Un partie d'entre sont distribués gratuitement dans les lieux publics de leurs territoires. Aucun, à notre connaissance n'utilise le service de messagerie traditionnel de la presse national, trop coûteux pour leurs budgets. Tous les titres écrits complètent leur diffusion par une autre sur internet, en mettant en ligne les parutions papier ou en y développant des contenus informationnels complémentaires. 4.1. Les médias écrits « papiers » Média papier Fréquence Nb. cit. Fréq. Mensuelle 2 13% Trimestruelle 2 13% Autre 1 6% Pre s se fréque nce TOTAL OBS. 16 Presse fréquence Mensuelle 40% Trimestruelle 40% Autre 20% Autre : Bimestrielle Nombre d’exemplaires : Nb. cit. Fréq. Moins de 1000 ex 3 19% Moins de 20 000 ex 1 6% Moins de 35 000 ex 1 6% Pre ss e nbr parution TOTAL OBS. 16 Presse nbr parution Moins de 1000 ex 60% Moins de 20 000 ex 20% Moins de 35 000 ex 20% Nombre de pages : Nb. cit. Fréq. Entre 6 et 10 pages 2 13% Entre 12 et 20 pages 2 13% Plus de 30 pages 1 6% Pre sse nbr de page TOTAL OBS. 16 Presse nbr de page Entre 6 et 10 pages 40% Entre 12 et 20 pages 40% Plus de 30 pages 20% Mode de distribution : Nb. cit. Fréq. Vendu aux abonnés et en kiosque 3 19% Vendu uniquement aux abonnés 2 13% Gratuit 1 6% Pre ss e distrib TOTAL OBS. 16 Presse distrib Vendu aux abonnés et en kiosque 50% Vendu uniquement aux abonnés 33% Gratuit 17% Mode de diffusion : Nb. cit. Fréq. Par envoi postal 5 31% Dans des points de dépôts 4 25% Pre sse diffusion TOTAL OBS. 16 Presse diffusion Par envoi postal Dans des points de dépôts 56% 44% 4.2. Média web A part un média qui se développe de manière originale sous forme d'échanges et d'une lettre d'informations, tous les autres sont constitués d'un site web. De 1000 à 30 000 visiteurs uniques par mois, ils ont un succès divers mais sont tous en voie de progression dans ce domaine. Forme du média web : Web form e Un site Une new sletter TOTAL OBS. Nb. cit. Fréq. 10 63% 1 6% 16 Web forme Un site 91% Une new sletter 9% Nombre de visiteurs uniques par mois : We b nbr vis ite Nb. cit. Fréq. Moins de 500 1 6% Moins de 1 000 2 13% Moins de 5 000 2 13% Moins de 10 000 2 13% Moins de 30 000 2 13% Inconnu 2 13% TOTAL OBS. 16 Web nbr visite Moins de 500 9% Moins de 1 000 18% Moins de 5 000 18% Moins de 10 000 18% Moins de 30 000 18% Inconnu 18% 4.3. Les radios Les radios diffusent 24 heures sur 24 sur la bande FM. Elles produisent et créent la quasi totalité de leurs programmes, hormis les programmes cités plus haut venus des échanges et partenariats avec RFI, l'EPRA ou les autres radios. Aucune des radios interrogées ne mesure son audience. Les sondages d'audience réalisés sont généralement destinés à des fins de valorisation publicitaire. Un sondage spécifique, plus adapté aux radios associatives, est proposé par l'institut Médiamétrie mais son coût ne permet pas à toutes les radios de le réaliser. De plus, beaucoup d'entre elles ne souhaitent pas entrer dans cette logique, la réalité de leur action résidant dans l'animation du territoire et les partenariats réalisés avec les acteurs locaux. La réalité de l'efficacité de l'action d'une radio ou d'un média participatif ne se mesure pas à son audience, mais à son impact sur le développement local. Les outils de mesure ne peuvent alors être que des études universitaires prenant en compte un nombre illimité de marqueurs de développement spécifiques à chaque territoire. Toutes les radios offrent une triple diffusion, sur la FM tout d'abord, en parallèle le « streaming » permet d'écouter la radio par internet et enfin, le podcast permet de mettre en ligne les programmes sur une longue durée, assurant ainsi « la longue traîne » de ses programmes, encore actifs et écoutés pendant des années après leur diffusion sur les ondes. Pourcentage de création/production hebdomadaire : Radio Nb. cit. Fréq. 100% 5 31% Moins de 50 % 1 6% TOTAL OBS. 16 Création/ production propre 100% 83% Moins de 50 % 17% Les programmes sont disponibles sur internet par : Nb. cit. Fréq. Poadcast 6 38% Streaming 6 38% Radio interne t TOTAL OBS. 16 Radio internet Poadcast 50% Streaming 50% ANNEXE Noms et coordonnées des médias interrogés 1 : Journal Les Antennes 2 : Humanreport.org 3 : Inter-Peuples 4 : Vercors-tv.com 5 : Journal Ebullitions, canard Ainpertinent 6 : Radio Tropiques FM 7 : …Et Faits Planète 8 : Librinfo74.fr (Le Journal) 9 : Vibration Clandestine 10 : ACRA 11 : Radio Couleurs FM 12 : Radio Grésivaudan 13 : Lyon Bondy Blog 14 : Radio New's FM 15 : Radio Pluriel 16 : Radio d'Ici Nom structure 1 : Composite 2 : Ex-Pression 3 : Centre d'Information Inter-Peuples 4 : Vercors-tv 5 : Ebullitions 6 : Radio Tropiques 7 : …Et Faits Planète 8 : AAPLE (Association annécienne pour la promotion de la liberté d'expression) 9 : Vibration Clandestine 10 : Atelier de Création Radiophonique de l'Aix 11 : Association Jacasse 12 : Association des auditeurs de radio Grésivaudan 13 : association Lyon Bondy Blog 14 : AEPCQ (association européenne pour la citoyenneté et la qualité de la vie ) 15 : Radio Pluriel 16 : Radio Piraillons Adresse : 1 : 1, rue Montorge, 38000 Grenoble 2 : 15 rue Georges Jacquet, 38 000 Grenoble 3 : Maison des Associations- 6 bis, rue Berthe de Boissieux- 38000- Grenoble 4 : Les Eymes / 38112 Méaudre 5 : AGLCA, Maison de la Vie Associative, 2, Bd Irène Joliot Curie 01006 Bourg en Bresse CEDEX 6 : 18, Rue Lazare Carnot 01000 Bourg en Bresse 7 : 59 rue du Pont - 74130 Bonneville 8 : B.P. 27 74001 ANNECY CEDEX 9 : 209, rue du vieux Clet 30410 Meyrannes 10 : Marcilleux 42260 Saint Germain Laval 11 : 8, route de Saint Jean de Bournay 38300 Bourgoin-Jallieu 12 : 94 rue du bricey 38920 crolles 13 : 1 rue Ste Marie des Terreaux 69001 Lyon, 14 : 57 quai du drac 38600 fontaine 15 : 15 allée du Parc du Château 69800 Saint Priest 16 : 6 rue de la Modure 42220 Saint Julien Molin Molette Les médias citoyens en Rhône-Alpes Annexe 3 Les médias associatifs face à la « nouvelle donne numérique » Thierry Borde Contribution à la concertation régionale : « Numérique : nouvelle donne, nouvelle politique culturelle » Février 2011 www.mediascitoyens.org Aborder la question du rapport entre médias et numérique, c'est d'emblée se situer dans une réflexion de l'instant, déjà sans doute partiellement dépassée par de nouvelles technologies générant nouvelles pratiques professionnelles et nouveaux usages citoyens. C'est à la fois penser l'adaptation en cours et anticiper les évolutions à venir dans un univers qui démultiplie les flux informationnels, les médias et leurs natures. En ce qui concerne les pratiques des médias associatifs, la « nouvelle donne numérique » peut être appréhendée à deux niveaux : celui des normes matérielles et des pratiques techniques quotidiennes et celui des nouveaux usages nés des évolutions numériques récentes. Les médias se sont adaptés aux nouvelles pratiques promues par la première révolution numérique qui a vu le remplacement des matériels analogiques dans la radio et l'audiovisuel et l'informatisation de la presse écrite. Ces nouveaux matériels numériques ont eu pour conséquences des changements dans les pratiques professionnelles et amateures et un certain nivellement des compétences avec le grand public, grâce aux usages simplifiés et aux coûts démocratisés du matériel. Ces évolutions sont une chance pour tous les médias associatifs et participatifs, et un vecteur de multiplication des médias existants. Dans ce premier niveau, une autre (r)évolution les touche particulièrement : celle des technologies libres, parfaitement cohérentes avec les pratiques et la philosophie des médias associatifs. Les balbutiements d'internet du début des années 1990 ont désormais laissé place au web 2.0. Les nouvelles générations d'internet permettent des flux importants, une interactivité démultipliée et des créations infinies de liens et de réseaux. Cœurs de réseaux dans leurs territoires, les médias associatifs font du développement local, de l'éducation populaire et de la participation citoyenne leurs vocations premières. Pour cela, la mise en relation du « global » et du « local », la mise à disposition de ressources documentaires au grand public sont des démarches fondamentales. Et dans ces domaines, les perspectives offertes aujourd'hui par les nouvelles dimensions numériques sont des horizons aux possibles infinis pour le développement et l'amélioration de leurs pratiques. Pour les médias associatifs, l'éducation populaire, c'est former tous les citoyens, à tous les niveaux, à exercer leur citoyenneté à travers les médias. La radio, la télévision, le journal ou le site web deviennent les outils de l'appropriation de l'espace public en même temps que de l'apprentissage de la maîtrise du discours public. Avec le numérique, la multiplication des flux d'informations et l'avènement de la société en réseau font aujourd'hui de la maîtrise de ces flux un véritable enjeu de pouvoir. Pour Manuel Castells, « l’information et la communication ont toujours été des vecteurs de pouvoirs dominants, de pouvoirs alternatifs, de résistances et de changements sociaux. L’emprise sur l’esprit des gens – que la communication favorise – est un enjeu fondamental. C’est seulement en façonnant la pensée des peuples que les pouvoirs se constituent en sociétés et que les sociétés évoluent, changent. » (in Le Monde Diplomatique août 2006) Les médias sont les vecteurs de l'information et de la communication. Face à ces enjeux, l'éducation aux médias est devenue fondamentale dans les processus participatifs et de formation citoyenne. Les médias citoyens, associatifs, participatifs sont les espaces locaux de proximité où cette « éducation aux médias » peut se faire, par tous et pour tous, en créant des modèles alternatifs d'information citoyenne. A l'heure où les flux d'informations se multiplient, le rôle des médias est de donner un accès simplifié, décodé, à ces informations. Alors que s'intensifient les luttes de pouvoir évoquées par Manuel Castells pour la maîtrise de ces flux, seuls des médias indépendants des pouvoirs financiers peuvent garantir les équilibres démocratiques liés à la liberté de la presse. Seuls les médias associatifs sont en mesure de mettre en œuvre des démarches d'éducation populaire et de participation citoyenne non rentables dans des logiques commerciales. Si l'éducation populaire consiste à former l'esprit critique des citoyens, l'enjeu majeur des médias associatifs dans cette ère numérique est donc de former les citoyens à la compréhension de l'information. Si elle consiste aussi à rendre les habitants acteurs de leur cité, l'appropriation par les citoyens des outils d'information et de communication paraît aujourd'hui essentielle. De cette maîtrise d'internet et de ces flux dépend le défi majeur de l'accès au savoir. Nous l'avons vu lors de cette concertation régionale, tous les acteurs culturels sont concernés par cette nouvelle donne numérique. Les grandes industries culturelles ont déjà commencé à développer leurs offres numériques – commerciales, centralisatrices. Si la multiplication des flux d'informations permet la multiplication et la démocratisation des lieux de savoirs et d'acquisition de connaissances, elle risque néanmoins d'approfondir le fossé entre ceux qui ont accès et ceux qui n'ont pas accès à internet, entre ceux qui maîtrisent ou non les flux d'informations, entre les grandes industries culturelles et les acteurs de terrain. C'est pourquoi Jean-Pierre Saez, directeur de l'Observatoire des Politiques Culturelles, insiste sur la lutte contre cette fracture qui risque de s'agrandir et qui, au-delà de la dimension purement numérique, touche de manière générale, l'accès au savoir. « Mais puisque nous sommes promis à intégrer la cybercivilisation, l'urgence n'est-elle pas de travailler à la formation aux outils numériques, à la maîtrise de nos rapports aux écrans ? Il faut à cet égard tout autant lutter contre la fracture numérique que contre la très insidieuse fracture cognitive. » Pour paraphraser J.P. Saez, « puisque nous sommes promis à la cybercivilisation », puisque nous sommes des médias de communication sociale de proximité, puisque nous sommes des cœurs de réseaux au centre de la problématique de la maîtrise du numérique et de la production d'informations, puisque nous sommes des outils d'éducation populaire, alors nous avons, en tant que médias, le devoir de donner à comprendre et à savoir au plus grand nombre. L'ignorance est l'outil de l'asservissement des peuples, le savoir est la garantie de la démocratie et d'une gestion active de la cité par ses citoyens. Plus que jamais, à l'instar de la bande FM qui, depuis trente ans maintenant, garantit la diffusion de programmes citoyens, Internet et les technologies numériques représentent aujourd'hui, à un niveau jamais égalé, la possibilité d'ouvrir des espaces de contre pouvoir démocratique face aux tentations globalisantes et monopolistiques. C'est pourquoi les médias de MédiasCitoyens militent et agissent pour le développement des logiciels et technologies libres et pour le développement et la coopération avec les structures de l'internet accompagné. L'une des plus grandes évolutions citoyennes portées par internet réside en effet dans cette démarche créatrice, coopérative et informelle, de création de logiciels et de technologies libres, menées par des citoyens tissant autour du monde des réseaux et de nouveaux outils permettant l'accès de tous aux technologies de l'information et de la communication. Cette possibilité nouvelle n'a pas d'égal dans l'histoire. Elle est la seule voie pour un développement équitable des territoires au sud comme au nord. Elle est une chance unique de répartir la formation citoyenne, l'accès au savoir et le développement humain en général en dehors des logiques économiques et commerciales creusant partout dans le monde le fossé des inégalités. A ce titre, le numérique est aussi un outil fondamental pour le développement des solidarités NordSud. C'est aussi, dans les territoires les plus démunis, une chance unique pour les médias communautaires, cités comme outils incontournables du développement local par l'UNESCO. Leurs mises en réseaux grâce aux technologies numériques permettent aujourd'hui de créer des coopérations constructives entre médias à travers le monde. Ces coopérations permettent de créer d'autres flux, de donner d'autres canaux à des messages citoyens généralement occultés par les logiques d'intérêts des grands médias. L'exemple de la diffusion des réflexions et avancées des forums sociaux mondiaux est particulièrement éclairant à ce titre. Sans la « toile », sans les réseaux créés autour de ces forums – et auxquels participent les médias associatifs et communautaires du monde entier – entendrions-nous aujourd'hui les représentants de grands Etats parler de régulation financière ou de luttes contre les paradis fiscaux ? Une erreur d'analyse consiste couramment à n'aborder internet que dans sa dimension mondiale – mondialisatrice. Mais la fonction réticulaire d'internet permet de nouer des liens au niveau local comme au niveau mondial, et de rendre ces deux niveaux inter-opérables. Le philosophe Bernard Stiegler prône la création de réseaux sociaux territorialisés : « Ces technologies relationnelles peuvent alors devenir des technologies de re-territorialisation, à la base d'un nouveau génie territorial, d'un véritable design territorial, et de formes territorialisées d'intelligence collective – où il ne s'agit évidemment pas de se replier sur soi, mais tout au contraire d'intensifier les rapports au lointain en densifiant les relations de proximité. (...) Si on développe des réseaux sociaux territorialisés puissants, on devient capable de nouer des relations avec des réseaux sociaux lointains... » Depuis plus de 30 ans maintenant les médias associatifs tissent des liens et construisent des réseaux citoyens sur les territoires, entre les territoires et dans le monde. Leur ancrage territorial et leur engagement démocratique a construit leurs pratiques autour du précepte « penser global, agir local ». Ils sont les coeurs de réseaux de leurs territoires. Ils agissent au quotidien avec tous les acteurs locaux et, grâce à leurs processus de production et à leur diffusion, rassemblent nombre de citoyens autour d'une dynamique locale démocratique. Le numérique est aujourd'hui une arme dont ils peuvent s'emparer pour accroître l'efficacité participative de leurs actions locales. Ils peuvent être parmi les acteurs essentiels en mesure d'aider à la mise en place de ces réseaux sociaux qu'évoque Bernard Stiegler. Aujourd'hui, par les technologies numériques, les réseaux locaux et internationaux peuvent se croiser, s'interpeller, échanger. Certains comparent internet à Babel : nous avons la possibilité aujourd'hui de numériser, de créer des bases de données, d'archiver des volumes gigantesques de ressources documentaires et de les mettre en réseau, d'organiser leurs flux vers la mise à disposition du plus grand nombre, dans le monde entier. En parallèle aux réseaux sociaux territoriaux, et avec eux, ces ressources peuvent être organisées au local, au régional, au mondial, dans une démarche dynamique et souple, non pas de centralisation, mais de réticularité où chaque point du réseau est un centre ressource à la fois local et global. La mise en place au niveau des médias et de leurs partenaires de protocoles comme l'OAIPMH peut aujourd'hui permettre de prétendre à la constitution d'une grande médiathèque citoyenne, à la fois une et multiple, constituée d'une myriade de points de jonction, où chaque média serait une partie constitutive du tout, et la porte d'accès à cette base de donnée universaliste. Dans « la société en réseaux », les médias associatifs peuvent et doivent développer leurs pratiques afin d'offrir aux citoyens un véritable contre-pouvoir démocratique dont ils seront les acteurs. Il leur faut pour cela trouver les moyens financiers nécessaires pour la mise en œuvre des solutions numériques adéquates. Un investissement assez modeste dédié au développement de solutions libres pourrait donner à tous les outils nécessaires à ce fonctionnement numérique en réseau et à la mutualisation de ressources entre les médias communautaires du monde entier. Mais, si les technologies libres apportent des solutions nouvelles aux démarches citoyennes et un nouveau rapport démocratique à l'accès au savoir, la question de l'accès au réseau internet demeure. Celui-ci passe toujours nécessairement par des réseaux gérés par des opérateurs privés. C'est aussi l'enjeu du débat autour de la Radio Numérique Terrestre. Faut-il maintenir, dans l'ère numérique, l'équilibre démocratique qui gère depuis près de trente ans un paysage radiophonique libre, gratuit, à vocation universelle, ou faut-il, par le numérique, laisser glisser le monde des radios vers une dérégulation propice aux intérêts économiques de quelques-uns ? Face à ces enjeux, il est essentiel de développer encore les partenariats entre les médias associatifs et leurs partenaires locaux et régionaux dans les domaines de l'internet accompagné, des logiciels libres, de la culture ou de la production artistique. Les médias associatifs sont les seuls médias à favoriser quotidiennement l'émergence des scènes artistiques locales, à mettre en valeur des secteurs culturels trop peu rentables pour les « grands médias ». Un rôle très fortement ancré dans l'histoire des radios associatives, nées des luttes sociales mais aussi des revendications pour la diffusion pour tous de formes culturelles et musicales diversifiées. L'ère numérique peut être l'ère de la participation et de l'émancipation citoyenne. Ses technologies peuvent être des outils au service du développement de tous les territoires. Mais elle peuvent être aussi les vecteurs les plus propices au développement d'un marché économique avide de nouveaux débouchés. Par le prisme du numérique et de l'internet se cristallisent tous les enjeux sociaux de notre époque. Comme les autres secteurs culturels, et liés à eux parce qu'ils en sont les relais, les médias associatifs pourront sortir de ce grand tournant numérique, ou acteurs d'un large processus de développement citoyen, ou noyés sous la puissance économique et la vocation monopolistique des grands médias commerciaux. C'est pourquoi il est désormais nécessaire de mettre en place des politiques publiques volontaristes qui garantiront pour l'avenir les équilibres démocratiques fondamentaux qui président traditionnellement à la politique culturelle et à la gestion du paysage médiatique français. Seules de telles politiques garantiront la possibilité de « la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ; la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent... » que revendiquait dans son programme le Conseil National de la Résistance en 1944. Remerciements La CRANC-RA Et en particulier Véronique Boulieu et Patrice Berger, ses co-présidents, pour leurs nombreuses contributions à ce travail et pour leurs rôles dans la constitution de collectifs forts de radios et de médias. Composite / Les Antennes Pour la contribution d'Anne Benoit-Janin, par ailleurs nouvelle présidente de MédiasCitoyens. Et Faits Planète, pour la contribution de Paloma Perez et d'Ismaël Ouattara. Le Conseil Régional de Rhône-Alpes, ses élus, et toutes les personnes de ses services qui nous accompagnent et soutiennent, patiemment... Et tous les autres : adhérents de MédiasCitoyens, médias et réseaux de médias, partenaires réguliers avec qui nous tentons chaque jour de participer à façonner un avenir citoyen et solidaire au sein de nos territoires. MédiasCitoyens est une association de loi 1901 née en 2009 qui regroupe des médias associatifs de la région Rhône-Alpes. Ces médias sont des radios FM, des télévisions participatives ou des web tv, des journaux « papiers » ou des sites web. Tous sont des médias locaux, acteurs d'une presse libre et indépendante et moteurs pour le développement de leurs territoires. L'association réunit à la fois des médias, des réseaux de médias comme la Confédération des Radios Associatives Non Commerciales de Rhône-Alpes ou comme le réseau des médias écrits et web de Rhône-Alpes, mais aussi des associations de production ou des journalistes individuels. Février 2012 MédiasCitoyens 8, route de Saint de Bournay 38300 Bourgoin-Jallieu www.mediascitoyens.org Siret : 519 879 985 00017