Poste à galène n°20
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Poste à galène n°20
Le poste à galène - bulletin de liaison n°20 - 9 mars 2009 Association Longueur d’ondes 48, rue d’Armorique - 29 200 Brest 02 98 49 00 15 / 06 08 30 34 89 / 06 61 99 68 88 [email protected] - www.longueur-ondes.fr édito La 7e édition, qui aura lieu du 3 au 6 décembre 2009, s’efforcera de continuer dans cette veine. Des thématiques se dessinent : l’argent, l’année 1969 ; d’autres atermoient : notre cœur balance entre Roumanie et Portugal. Des noms circulent – il est trop tôt pour les évoquer –, des imaginations galopent – bateau d’écoute, balade brestoise radioguidée, une soirée « Paris-Brest ». C’est le moment de l’année où chacun a toute licence pour élucubrer, proposer, échafauder… quand bien même il n’en resterait pas grand-chose au bout du compte. Nos envies passeront ainsi nécessairement par le tamis de la réalité, des coups de fil dans le vide, des courriers sans réponse… Mais bien sûr, des rencontres aussi, des découvertes stimulantes, des envies partagées, des enthousiasmes sincères. Voilà ce qui attend l’équipe de Longueur d’ondes au fil des mois jusqu’à l’été – trouvailles et tâtonnements. Pour suivre ces micro-événements, la rubrique « actualités » de notre site internet distille, tel un baromètre associatif, les humeurs, nouvelles et petits riens du quotidien. Mais avant d’en arriver à la 7e édition, une autre échéance se profile, celle de la sortie de notre revue Une larme du diable. Sans doute avez-vous reçu l’appel à souscription par mail. Merci à tous ceux qui y ont déjà répondu. Grâce à eux, nous sommes prêts du but ! Vous trouverez, en plus du bulletin d’adhésion qui accompagne traditionnellement le PAG, le bulletin de souscription pour ce nouveau projet éditorial. Si vous avez déjà souscrit, ou si cela ne vous intéresse pas (il n’y aurait pas de mal…), n’hésitez pas à le faire circuler autour de vous. Et maintenant, place au bric-à-brac de la galène : un souvenir de 1969, année… civique ; une rencontre avec Marie ; un auditeur de la BBC ; une évocation radio-ludique en famille ; un rapport de lecture sur l’écoute ; un arbre radio-généalogique… Premiers rayons sur la rade. Un PAG de fin d’hiver pour donner des nouvelles du temps : le temps d’une association qui se recompose après l’acmé de décembre, l’hibernation du début d’année et la reprise de l’activité au fil des premiers mois ; le temps qu’il fait sur la culture, plus particulièrement celle d’une ville qui doit arbitrer, faire des choix, trouver des solutions ; le temps qu’il fait dans le poste, à l’heure où nous explorons les possibles d’une programmation en chantier, tandis que Radio France ouvre un forum sur son avenir… Avis de tempête ou brise marine, clapotis rassurant ou quarantièmes rugissants, le moins que l’on puisse dire c’est qu’on est loin de la pétole ou du calme plat. Dans ce paysage de fortunes de mer (les bien mal nommées) ou de rafiots en péril, Longueur d’ondes se sent un peu miraculé. L’emploi de permanent pérennisé en 2008 n’est aucunement remis en question. La Ville de Brest, principal pourvoyeur de financements pour ce poste, a reconduit notre subvention alors que de nombreuses associations font face à des baisses parfois très sensibles. Ceci couplé à une gestion toujours aussi rigoureuse (pourquoi ne pas s’en féliciter ?), l’avenir financier paraît assuré, même s’il repose toujours sur la friable alchimie d’apports divers (département, région, sociétés d’auteurs) qui rendrait l’entreprise très fragile si un seul venait à manquer. Les mois qui viennent nous diront si l’équilibre est maintenu et si l’ensemble des partenaires continuent (ont les moyens de continuer) de nous soutenir. Rien ne permet d’en douter pour le moment, ce qui devrait nous permettre d’arriver à bon port. Celui de notre programmation 2009 par exemple, point de mire de la navigation aussitôt le cap de la 6e édition dépassé. Celle-ci, nous l’avons déjà dit par ailleurs, s’est soldée par un bilan positif : fréquentation en hausse sensible, première édition des Immédiatiques fructueuse, une journée du documentaire très suivie, une présence accrue des écoles, de belles rencontres, cartes blanches, échanges… L’année 2008 introduisait pas mal de changements dans les habitudes festivalières, en termes de lieux et de rythme notamment. Poste à galène n°20 Bonne lecture. L’équipe de Longueur d’ondes - 9 mars 2009 - p. 1 Fais comme chez toi… Un voyage. Des valises. Des retrouvailles. Les murs ont changé, je ne reconnais pas les lieux, j’y ai perdu mes repères. Ou bien peut-être n’en ai-je vraiment jamais eus. Dans tous les cas, à peine me suis-je installée dans la chambre qui sera la mienne pour quelques jours que mon hôte me rassure avec cette petite phrase bienveillante : « Surtout, tu fais comme chez toi. » Faire comme chez soi ; en voilà une belle idée ! Comme s’il était possible de débarquer chez quelqu’un avec toute son intimité, ses gestes quotidiens, naturels, sans que cela perturbe l’équilibre du lieu que l’on investit. « Est-ce que je pourrais regarder rapidement ma boîte mail ? » - Ah oui… Attends, il faut que je sorte l’ordinateur de sa housse, que je le branche… Je ne le sors pas beaucoup habituellement, tu sais. » Le matin, mon réveil sonne et la radio me manque. À la table du petit déjeuner, la radio me manque encore. À midi aussi. En voiture, je m’assois dans le fauteuil du passager et cherche machinalement le gros bouton rond de l’autoradio. « Ah, je ne t’ai pas dit ?, me lance mon hôte, je me suis fait voler mon autoradio… » Je ne peux tout de même pas lui en vouloir pour ça ! Les jours passent et je m’adapte au mode de vie de la maison. Je lis La République du Centre, j’oublie mon courrier électronique et me résous à ne pas mettre à jour mes podcasts. Je finis même par ne plus y penser. Dimanche soir, 0h30. Rebelote : voyage, valises, avec cette fois-ci la fatigue en prime. J’ouvre la porte d’entrée et dépose mes affaires dans la chambre. Machinalement, j’attrape la télécommande de la chaîne hi-fi tout en m’allongeant sur le lit. Une voix se déclenche et j’écoute. Le son me berce et un bien-être m’envahit. Comment aije pu vivre tout ce temps en étant privée de ce sentiment ? Quand on y pense, c’est rassurant : malgré mon âge avancé, je suis encore adaptable ! La radio tourne toujours et les voix se succèdent. À ce moment précis, je fais et je me sens comme chez moi. C. M. 8, 6, 1… partez ! Ça s’appelait Minuit dix. Depuis janvier, ça s’intitule Studio 168. L’horaire n’a pas bougé. Le principe de l’émission est le même. De l’art de recycler une idée qui put faire sens un temps et qui, à force d’être répétée, perd de son sel et, pour tout dire, de son intérêt. En officiant après que l’impérissable – c’est un compliment – Alain Veinstein fut rétrogradé et raccourci tout en demeurant, de justesse toutefois, un adepte « du jour au lendemain », Laurent Goumarre avait su trouver un ton auquel, sans adhérer totalement, j’avais appris à m’habituer peu à peu. Le café Costes Étienne Marcel avait ce petit côté Paris intramuros fashion et tellement chic que l’on pouvait se demander si ce nouveau « bar noir » avait des chances d’exister réellement ; Paquita Paquin ressemblait à ces icônes suffisamment surfaites dont on se plaît à penser que la loi selon laquelle la nature a horreur du vide est de temps à autre vérifiée ; les invités n’étaient pas toujours à la hauteur mais, de la hauteur à cette heure-là, ce n’est peut-être pas ce que l’on attend définitivement rompu. Intrigué par cette aptitude à parler dans le vague – un art de la prestidigitation en somme –, j’ai continué de me laisser porter. Il était tard et à cette heure tardive, des voix parlaient et ne disaient plus rien. Miracle de l’interlocution sans ces échanges qui font la discussion. Immense abîme. Profonde solitude de l’auditeur qui se regarde écouter et quitte l’éveil dans un état de soupçon – ne pas comprendre, ne rien capter, se sentir dans un état d’abandon (puisque la voix qui parle de l’autre côté du transistor ne dit plus rien qui vaille). camouflé(e) sous les draps. Bref, l’esprit était un brin primesautier à défaut d’être immédiatement audible et, les mois passant, on pouvait se prendre à « ouvrir » le poste afin de se trouver au rendez-vous. Laurent Goumarre appelé à piloter, depuis la rentrée 2008, le 18-20 de France Culture, on put se dire que Minuit dix avait eu la chance de disparaître suffisamment tôt – de cette mortalité juvénile qui accable nombre d’émissions de radio – au risque, sinon, de mal vieillir et de disparaître incognito. Minuit dix résista quatre mois. Quatre longs mois pendant lesquels Aude Lavigne officia, seule ou presque. Et la nuit s’étira. Longuement, l’on sombra. La nature n’avait donc pas horreur du vide. C’est ce que l’on pensa. Un générique identique, des chroniqueurs patentés, des articulations rôdées, des rires et des gloussements et un rythme saccadé ne restituaient plus le ponctuel alliage qui avait permis à l’équipe précédente de trousser un cinquante minutes en suspension. Le charme était Poste à galène n°20 - 9 mars 2009 Qu’il devint bon d’entrer dans la nuit en coupant le son. En janvier, Minuit dix est devenu Studio 168. Aude Lavigne n’est plus seule. Affublée d’un cicérone – Xavier Delaporte, en l’occurrence –, elle continue de nous faire croire que nos jours sont plus beaux que ses nuits. Pour combien de temps encore ? L. L. G. - p. 2 Retranscription documentaire Marie a 79 ans. Elle tient un bar et une ferme à Locmélar depuis qu’elle a 18 ans. Elle n’a pas fait d’études, parce que ça ne l’intéressait pas ; le bar, parce qu’elle aime le contact ; la ferme, parce qu’elle aime les bêtes. En décembre dernier, le 21 décembre à 9h00 pour être aussi précis qu’elle, Marie a été encornée par Ukraine. Elle va vendre ses bêtes au printemps, mais elle garde son bar, résolument. En juin dernier, elle me parlait de sa rencontre avec son mari. des chevaux, mais on avait pris un tracteur, un Renault, parce que c’était la mode. Bon, alors, fin septembre, mon père arrive à tomber paralysé, lui aussi, et il n’a été que huit jours avant de décéder. J’ai donc perdu, en quatre mois, deux de ma maison. Je me suis retrouvée seule avec un vieux tonton de 65 ans. Et quand on arrivait dans la maison, après le travail, on arrivait pour pleurer tous les deux. « Bon, écoute, qu’il me dit, si tu te décides pas à faire quelque chose, on va vendre. Parce que moi, je ne peux pas tenir cette ferme tout seul ». Et il y avait aussi le bar. Et en plus, je faisais restaurant à l’époque. — Et c’est comment que tu as rencontré Roger, alors ? — Oh vadoué ! Je n’avais que 18 ans. C’était pour le pardon de Rumengol, celui du mois d’août. À ce moment-là, il y avait un bar au Pontig, « chez Denise » au Pontig qu’on disait. Madame Costiou. Son mari était garde fédéral de chasse à Saint-Cadou. Et elle, elle tenait un bar et un restaurant. Oh, un très bon restaurant, c’étaient les grands chirurgiens de Brest qui venaient là ! Elle faisait une cuisine traditionnelle, elle savait cuisiner. Et pour le pardon de Rumengol, les gens allaient à pied. Bon. Alors. Pour stopper les clients là, elle avait mis deux bâches entre 2 maisons et puis elle avait fait un petit bal musette avec une sono et des disques… et les gens s’arrêtaient. Et moi, j’avais mes parents au bourg et j’étais libre, alors je suis partie avec ma copine qui tenait une boulangerie. Et c’est là que j’ai dansé pour la première fois avec mon mari… avec Roger. J’avais 18 ans et lui, il en avait 22. Ça, c’est formidable, parce que je me souviens toujours quel costume il portait ! Je l’avais bien copié quand même, puisque je me souviens toujours de son costume. Il me disait qu’il était de Lampaul. Et puis c’est tout… On est restés comme ça jusqu’en 73. Mariés trop tard Alors c’est arrivé comme ça, à la fin de l’année. Roger est venu à la fin du mois de novembre avec des copains. Même que quand il était au funérarium à Landerneau, quand il est décédé, ses voisins sont venus le voir et ils ont pleuré à chaudes larmes. C’était un bon copain. Voilà. Ils étaient bons copains. Et ils disaient qu’il travaillait comme deux. C’était un travailleur, mon mari, c’était un travailleur ; c’était pas un homme pour faire du chiqué. Tu as entendu ton père dire ? Il aimait bien prendre l’apéritif avec ton père, quand il venait là. Et puis, il a été paralysé en 1999. J’ai quand même gardé mon mari avec moi jusqu’à la fin… Je l’ai gardé sept ans et demi avec moi… Sept ans et demi que je l’ai gardé avec moi. Je ne voulais pas qu’il aille en maison de retraite. Il est tombé malade le 24 juin 2006. Et il conduisait encore son tracteur et sa fourgonnette, sa C15, le 24 juin. Il est tombé malade dans la nuit. La doctoresse m’a dit qu’il n’était pas opérable, qu’il avait un cancer au colon et au foie. Un homme qui n’a jamais… enfin, il faisait comme les autres… mais on ne buvait que de l’eau à table ou de la limonade. Il faisait comme tout le monde, mais jamais il n’a abusé, sauf du travail. Voilà comment ç’est arrivé. Mais nous n’avons pas eu le bonheur d’avoir des enfants. Mariés trop tard. 44 ans. La vallée pour nous séparer J’avais 44 ans quand je me suis mariée. Et lui, 48. On s’est mariés en mars 1973. Donc imagine, j’avais que 18 ans quand je l’ai connu ! Et restés comme ça… pendant 26 ans. Il n’y avait que la vallée pour nous séparer, parce qu’il habitait de l’autre côté. Donc lui, entre temps, il a fréquenté. Moi, j’ai fait aussi, bien sûr. Mais ça ne marchait pas. Et il a fallu qu’il vienne un jour, un soir, avec des voisins que je connaissais très bien, pour jouer aux dominos. Et ça a démarré comme ça. Imagine, en 73 ! Donc, il avait ça en tête, et moi, j’avais aussi. Je ne l’avais pas toujours en tête, mais bon, je le suivais un petit peu, et lui, de son côté, me suivait aussi. Oui… Alors tu vois, ce qui est écrit arrive. Ah, il faut attendre… Tu vois, moi, mon mari est venu vers moi. Moi, j’osais pas, et lui était timide. Et puis bon, c’est arrivé. Mais tu vois, ce qui est écrit arrive. Voilà, c’est comme ça C’est ici, à Locmélar, que nous nous sommes mariés et c’est mon oncle qui m’a conduit à l’église. Mais c’est compliqué quand même de se décider, c’est une voie difficile à prendre. Mais non, ça ne sera pas plus difficile pour nous que pour les autres, qu’on s’est dit. Alors, on s’est lancés. Il est venu jouer aux dominos et il a posé la question… à la fin de la soirée. Mon oncle jouait avec eux. Et il me disait : « Ceux-ci ne sont pas venus pour des prunes, ils sont venus pour quelque chose ». Et puis on s’est lancés comme ça. Il m’a donné un rendez-vous et après, il m’a demandé en mariage. Je le connaissais bien, je connaissais la famille très bien. Il tenait une ferme aussi, était avec sa mère, tout seul aussi. Il était coincé, comme moi. Il tenait une jolie ferme avec des poulaillers, des pondeuses. Voilà, c’est comme ça ! — Et comment c’est arrivé alors, en 73 ? — Je venais de perdre, en 72, un oncle qui conduisait le tracteur. Il charruait et il est tombé paralysé. Il n’y a eu qu’un mois entre tomber malade et décéder. Il est tombé en mars et il est décédé le 12 avril. J’avais un autre oncle et mon père. Mon autre oncle allait avec le tracteur, mais pas sur la route, seulement dans le champ ; il avait des notions, quand même, de tracteur, mais il n’avait pas appris à aller en tracteur. En fait, on avait surtout des étalons à ce moment-là, on faisait Poste à galène n°20 Ph. L. - 9 mars 2009 - p. 3 Radio : musique et parole ou parole et musique? Dans son ouvrage Radio paru chez Fayard, Dominique Jameux nous fait part de sa réflexion sur les rapports étroits qu’entretiennent radio, musique et parole. voix (son grain, ses réflexes de langage...). Une musique diffusée nécessite-t-elle un commentaire, une indication ou bien son écoute se suffit-elle à elle-même ? Le débat n’est pas clos mais une chose est sûre : un peu d’humour et de modestie ne nuisent pas. Dominique Jameux lance l’idée d’une radio musicale expérimentale qui sortirait des sentiers battus, rêve d’une radio parfaite qui créerait « un discours sonore inouï ». Permettez-moi d’évoquer ici quelques points qui m’ont particulièrement intéressée. Parle-t-on trop sur France Musique ? Selon l’intérêt et le besoin de l’auditeur, celui-ci écoute ou pas les « parleurs » ; en effet, il garde toute liberté quant à l’utilisation de son poste ! D’après l’auteur, Radio France est unique au monde avec ses différentes déclinaisons que sont France Inter, France Culture, Vivace et France Musique ; comme point de comparaison, l’Allemagne revendique ses écrivains-musiciens, la France ayant elle des écrivains mélomanes, des compositeurs qui « tâtent de la plume » et des « écrivants spécialisés sur la musique ». Plutôt que de lasser le lecteur en lui dévoilant la cuisine institutionnelle, Dominique Jameux nous fait entrer dans un studio et s’attarde sur ses moyens techniques et ses créateurs d’émissions radiophoniques : le micro, « un être vivant extrêmement sensible à la façon dont on lui parle », le Technicien « intouchable », le Réalisateur « ou plutôt la réalisatrice », le Producteur « un violoniste raté » (!). Pour le plus grand bonheur de notre imaginaire, nous voyons la musique avec nos oreilles, le son prend le pouvoir, temps et espace se confondent alors... Avez-vous déjà essayé le cinéma radiophonique ? En effet, quoi de plus fascinant que d’écouter un film ! Dominique Jameux revient sur ses expériences passées dans le domaine et en tire des enseignements sur le manque de présence de cinéma diffusé à la radio et l’importance du traitement de la bande-son (voix, musiques, dialogues, bruitages, silences...). Il évoque également les liens mystérieux qu’entretiennent film et musique, film et son. Il nous suggère de ne pas renoncer à aller entendre en direct la musique vivante lors d’un concert ; il n’y a rien de plus fort, de plus jouissif et communicatif. Sans oublier la musique contemporaine qui ne donne le meilleur d’elle-même qu’en salle de concert ! Il se remémore son émission hebdomadaire d’analyse musicale La Musique prend la Parole, titre faisant émerger quelques idées fortes : « La Radio, c’est de la musique qui prend la parole et l’inverse », « C’est dans leur relation intime que réside la magie radiophonique », « La Parole c’est l’avenir de la Radio ». Le Gai Savoir, ennemi de l’ennui, est une politesse à l’égard de l’auditeur curieux et ouvert qui partage délicieusement ces moments d’antenne avec le narrateur. Ce dernier nous entraîne à sa suite dans ses découvertes et ses univers, nous séduit en jouant au mieux de sa Dominique Jameux termine son ouvrage en essayant de répondre à « la règle des cinq Ws : Who ? What ? When ? Where ? Why ? » et surtout « How many ? » pour tenter de deviner qui nous sommes (mais le sait-on vraiment après tout ça ?), nous les auditrices et auditeurs sans qui la radio n’existerait pas et qui accompagne nos vies comme une amie fidèle et passionnée. H. P. Dominique Jameux, Radio, Paris, Éditions Fayard, 2009 God save the Queen Anglophile de la première heure, et au risque de passer pour un original parmi mes proches, j’ai toujours été un auditeur plutôt assidu des émissions de la radio anglaise. Écouter (sans tout comprendre of course) ces voix étrangères à l’accent d’Oxford était pour moi un moyen de revivre l’ambiance de séjours effectués Outre-Manche. Déçu par les conditions d’écoute sur mon vieux transistor, j’avais un peu délaissé nos amis anglais jusqu’à ce que je découvre le site de la BBC sur internet. Depuis j’y puise abondamment et j’aime particulièrement écouter, en direct ou en différé, des émissions de la BBC 4 (www.bbc.co.uk/radio4), que je conseille à nos lecteurs, comme Open Country ou Farming today sur BBC Radio 4. Ces émissions nous parlent de façon très vivante de l’Angleterre profonde, décrivant toutes les traditions qui en font son charme, mais également la vitalité de ses campagnes et de ses habitants en prise avec les évolutions du monde moderne, comme l’envahissement des rurbains et l’explosion du prix des terres. Je ne résiste pas à l’envie de vous donner quelques titres d’émissions récentes d’Open Country : - « Wild cornish weather » - « Beavers in Gloucestershire » - « Portland quarries » - « Spring in the Scilly Isles » Il suffit de tendre l’oreille pour franchir le Channel !!! Poste à galène n°20 M. L. B. - 9 mars 2009 - p. 4 Il a écouté et fait écouter France Culture très religieusement, le poste sur la table du salon. Quand la radio marchait, toute la famille se taisait. Ils n’écoutent la radio que quand leurs enfants leur rendent visite, afin de montrer qu’ils utilisent bel et bien leur dernier cadeau de Noël. Mais si le Figaro se lançait sur les ondes, ils resteraient jour et nuit autour du poste. Elle a écouté (obligatoirement) France Culture. Depuis son veuvage, elle est branchée sur RTL en permanence. Mère de famille parisienne oblige, elle est branchée sur Parenthèse Radio. Parfois, elle pose même des questions au Doc. Elle a écouté (obligatoirement) France Culture. A fait sa crise d’adolescence en écoutant le top 50 sur Europe enfermée dans sa chambre. Aujourd’hui, c’est plutôt Radio classique. Il Parisien n’a pas de goût oblige, il n’a prononcé pour la radio. jamais écouté que Mais en bon papa, il a été un FIP. Il nous parle fidèle des émissions - plus déjanencore de son histoire tées les unes que les autres - auxd’amour avec une quelles participaient ses enfants sur Fipette.. la radio associative du coin, Radio Tilt, puis sur Radio Campus. Aujourd’hui, il a coupé le son. Ado oblige, il écoute Fun et Skyrock. Mais il n’est jamais passé à l’antenne, nous dit-il. Depuis peu, il a son audioblog et se lance dans des bruitages plus que douteux avec ses amis. Elle a commencé à écouter la radio la nuit en travaillant sur ses démonstrations de mathématiques. Petit à petit, ce média a pris une place grandissante dans son quotidien. Aujourd’hui, elle est même bénévole dans l’association Longueur d’ondes. C. M. Poste à galène n°20 - 9 mars 2009 - p. 5 Énigme pourtant pas à décrédibiliser l’instant à son point d’acmé. Il fallait la réponse. Celle-ci déterminerait toute la suite de la conversation du repas : réponse trouvée, s’ensuivait un développement sur l’auteur, le personnage politique, la ville, l’animal incongru… Réponse restée énigmatique profilait une curiosité qui demandait à être éclairée ou une frustration (passagère) face à l’évidence qu’on n’avait pas su retrouver. La lutte se mettait aussitôt en place, parfois entraide, parfois fusion. Mon père était de loin le meilleur candidat aux questions improbables concernant les gypaètes barbus ou pipites des forêts à queue bleue. Bien entendu, il avait de nombreuses autres flèches à son arc. Mais quand son aînée venait à entrevoir la réponse quelques secondes avant lui (en général avant même que la question ne soit achevée), alors, le patriarche levait son chapeau bien haut et piquait son nez dans les sardines, la réponse au bout des lèvres, mais fier tout de même. Le frère, quant à lui, s’insurgeait avec force véhémence contre le pauvre bougre qui ne connaissait rien au trésor historique des cinq énormes volumes « 39-45 » goulûment dévorés entre 2 heures et 4 heures du matin avant de s’endormir pour une nuit pleine d’espoir. En effet, chacun son domaine de prédilection : politique, cinéma, histoire, science, littérature, botanique, et macramé… Ainsi se déroulait le repas, entre frustration de ne pouvoir porter à ses lèvres le morceau de beefsteak en même temps que la réponse à la question posée par Madame Untel, de la région Rhône-Alpes et qui a manqué de gagner 50 euros ; et délice de la réponse susurrée avec fierté et érudition. Rares ont été mes instants de gloire et je restais toujours fascinée par l’orgueil humble de mes prédécesseurs, fiers mais pas pédants, acceptant le bénéfice du doute et se soumettant à l’ignorance quand la question avait franchi le seuil du code couleur réglementaire… Puis la radio se faisait fond sonore des joyeuses mastications. J’avais, quant à moi, fini depuis bien longtemps. C’est grossir le trait que de parler de lutte et de ne voir en mes mentors que de pures pensées accomplies, perçant avec justesse et vélocité les questions les plus sinueuses et de couleurs inconnues pour moi. Mais c’est justement de ma vision de « petite dernière » dont il est question. Aussi, les personnes concernées ne m’en voudront-elles pas d’avoir livré si impudiquement l’un des plus réjouissants de mes secrets de famille concernant la radio. Petite boîte noire au gros bouton gris fer, posée sur le plan de travail de la cuisine, transformée pour l’occasion en salle d’enregistrement. Énigme. Qui, dans la boîte noire au gros bouton gris fer, rythmait d’une voix malicieuse et suggestive la mastication des familles rassemblées pour l’occasion autour de la table, et animait par cette voix toujours malicieuse et suggestive le débat du jour ? Un rayon de lumière caresse le bois brut de la table de la cuisine où quatre assiettes annoncent un repas imminent. Le premier geste en entrant dans la pièce consacrée aux affaires de bouche est d’allumer la radio, affaire d’oreilles. Le petit poste est défectueux et grésillant, il nécessite une incroyable torsion du cou pour satisfaire l’ouïe, d’où peut-être cette attention muette et concentrée qui n’a alors plus rien à voir avec une quelconque solennité du repas familial. En général, entendant le camion de mon père depuis le bout de la rue, je sais que celuici va demeurer quelque temps le moteur allumé afin de savourer encore les bribes du programme précédant, LE programme qui rythmera notre déjeuner. Les portes claquent, les bottes bouent, le pain atterrit sur le journal du jour, le bouton est tourné, deux trois contrepèteries de salut, et tout le monde est attablé pour participer au « jeu des 1000 euros ». Je dis bien « participer » ; et la ferveur est telle que Louis Bozon pourrait bien se trouver attablé avec nous sans que nous ne trouvions cela étrange. Imaginons la scène par un effet surplombant, digne des plus grands auteurs décrivant la bataille de Waterloo : un père, affamé par tant de labeur, qui convoite du regard une assiette prometteuse, se tient en face de ses trois enfants, sagement muets sous l’emprise du « tic-tac-tic-tac » qui fait résonner dans la cuisine un atroce suspense. Attente crispante dont l’effet principal est de plonger les esprits dans une profonde perplexité. Sur le bout de la langue, au bout des doigts, aux extrémités fumeuses des oreilles, la réponse se fait attendre… Comme une diva, il lui manque son plus bel apparat avant de se donner : les mots. Suspense voire énigme. J’entends, en fait, pour la plus petite de la fratrie qui reste fascinée par la rapidité d’exécution de ses mentors : le père, dont la sardine reste clouée au bout de la fourchette sous l’effet libérateur d’une réponse enfin avouée, la sœur qui a devancé le père de justesse et le frère qui est parvenu à se faufiler entre tous, par un mot plus haut que les autres, projeté du fin fond de la gorge et expulsé dans un grand bruit d’éclair. À cet instant, mon silence est d’or. Après les questions rouges, bleues, vertes ou roses à petits pois dont le code couleur n’effrayait pas plus mes poulains surexcités et ravis de se livrer à la bataille des méninges, venait le « banco » et le « super banco ». Je réprimais le fou rire dont mon père était la cause, puisque, nous ayant fait écouter Le tribunal des flagrants délires, un autre jingle me venait aussitôt en tête… Mais il ne parvenait Poste à galène n°20 V. T. - 9 mars 2009 - p. 6 Cette année, Longueur d’ondes reviendra sur l’année 1969 dans le cadre de la thématique « Mémorables » du festival. L’occasion d’évoquer des souvenirs de 1969 au fil des Poste à Galène de l’année. En voici un premier. Avis aux lecteurs qui voudront bien nous faire partager les leurs pour les prochains numéros. Le 27 avril 1969 , la première fois que j’ai voté départ après onze ans de règne ininterrompu. Le vent de contestation de Mai 68 était passé par là : j’étais en quête, comme tant d’autres, d’émancipation, de liberté, de modernité. Le souvenir est très précis : mon cœur battait la chamade. J’avais le sentiment de participer véritablement à un moment très important. On m’a dit de prendre les deux bulletins, d’aller dans l’isoloir pour en glisser un dans l’enveloppe. Dans la cabine, il restait plein de bulletins non utilisés. Je les ai mis dans ma poche. Je suis ressortie, j’ai glissé mon enveloppe dans l’urne. J’avais voté. J’ai toujours su que je m’inscrirais sur les listes électorales dès qu’il y aurait une élection. La première fois que j’ai voté, cela revêtait pour moi une importance particulière. J’allais pouvoir exprimer mon choix sur « la chose publique » et ce dans le secret de l’isoloir. C’était l’effervescence : trois mois plus tôt, le président Charles de Gaulle, affaibli par la crise de Mai 68, avait créé la surprise en annonçant qu’un référendum sur la création des régions et la rénovation du Sénat aurait lieu au printemps. En cas de rejet, avait-il précisé, il quitterait ses fonctions. Très vite les oppositions s’étaient mobilisées. Certains, par leur vote, entendaient sanctionner avant tout un homme, le Général de Gaulle, et provoquer son N. M. F. R. Présence de la radio Hasard des rencontres littéraires et cinématographiques de ces dernières semaines, la radio - l’objet et son contenu - m’apparaît partout présente. L’habitude s’est installée de dire que nous vivons dans une société de l’image, mais, comme un fait exprès, c’est le son qui, ces derniers temps, m’a sauté aux yeux. Rien, sans doute, d’anormal ni de surprenant. Tout d’abord, parce que la prégnance de Longueur d’ondes dans nos vies de bénévole de l’association nous convie incidemment à repérer tout ce qui touche de près ou de loin à la galène. Ensuite, parce que, dans ces rencontres culturelles, il s’agissait soit d’un film ou d’un livre anciens (Fleurs d’équinoxe de Yasujiro Ozu et Frankie Addams de Carson McCullers) dont les intrigues se déroulent à une époque où le primat de l’image n’était pas encore de mise, soit d’un film tourné récemment (Tulpan de Sergei Dvortsevoy) dont les personnages, perdus au milieu de la steppe kazakh, ne disposent que d’un petit transistor pour capter les nouvelles du monde par la voix de la très officielle radio d’État. Plus étonnante a été la découverte d’une pratique ultra-contemporaine décrite dans La formule préférée du professeur, l’un des derniers ouvrages (parution en France : 2005) de Yoko Ogawa. Un petit garçon, féru de baseball japonais, suit tous les matchs de son équipe favorite à la radio. Son intérêt pour son sport fétiche l’incitera à demander, comme ultime récompense à ses devoirs d’école, la réparation d’un vieux poste afin de ne pas perdre une seule retransmission des tournois... Accroc à l’antenne ou pratique usuelle de jeunes Japonais délaissant l’image pour le son quand il s’agit de suivre le sport par média interposé ? Ma lecture est peut-être biaisée. H. V. Poste à galène n°20 - 9 mars 2009 - p. 7 Rapport de non-écoute Il est des univers radiophoniques que l’on ne fréquente pas. Des contrées sonores étrangères, des terrae incognitae des ondes dont nos oreilles sont préservées, vierges presque. Elles sont pourtant toutes proches, puisque l’on ne parle pas ici des radios ultramarines – d’ailleurs devenues si faciles à capter désormais avec un simple ordinateur. Non, on pense bien à des stations à portée de FM, mais que de fortes habitudes confinant aux rituels – elles-mêmes héritées le plus souvent d’une éducation, d’un entourage, d’un manque de curiosité (ou le contraire) –, nous ont empêchée de fréquenter. La grève des ondes publiques pousse bien de temps en temps notre conservatisme d’auditeur à l’exploration forcée, nous l’avons déjà dit par ailleurs. Mais jamais aussi loin, aussi bas. Et c’est d’ailleurs bien un signe que notre soudaine prise de conscience soit plutôt le fruit d’une divagation sur la toile, que d’une traversée de la bande FM par le poste. C’est ainsi (venons-en enfin au fait !) que dernièrement, nous sommes tombée sur le site d’une radio certainement bien plus facile à capter que celles où nous avons nos habitudes – voix fortes et claires, son net, fréquence conquérante, quand on s’arrache parfois les cheveux pour maintenir une voix grésillante sur notre station préférée. Et pourtant, nous avons toujours passé notre chemin, en un geste de l’oreille tout à fait pavlovien, conditionnée par l’identification d’un son repoussoir. Quand on arrive sur le site internet, tout est différent, on maîtrise le jeu. On découvre une antenne et une grille par un support visuel sans subir son avatar sonore. On se promène à loisir, on peut même jeter une oreille d’un simple clic à deux ou trois émissions coup sur coup, en coupant-la-chiqueau-show quand on veut. Ah oui, un détail : point d’« émission » ici, c’est le règne du show radiophonique – un joli oxymore quand on y pense ! La notion du show se subdivise elle-même en un triptyque clé que je vous livre en mille : « talk, info, sport ». Il y a donc du talk, beaucoup de talk. On talk de tout et de n’importe quoi et surtout, tout le monde a le droit de talker : les animateurs, talkeurs en chef, mais aussi mon voisin de palier, moi et mon chien qui sommes invités à partager nos points de vue à l’antenne dès potron-minet dans un petit café du commerce sympa, bardé de bon sens et entrelardé de pub. À table ! Il y a ensuite le sport, à peu près 50% des shows. D’ailleurs, le sport, c’est surtout le foot, avec des after, des intégrales et des coachs. Une bière ! Enfin, il y a l’info, que nous gardons pour la fin pour ce que ce mot recèle de mystère : par quelle hérésie estil le rescapé sémantique du vent de dynamisme qui souffle sur le jargon de la station ? On aurait plutôt vu le news l’emporter, comme cela se dit déjà parfois dans la presse écrite vaguement branchée. Gageons qu’il ne perdure pas longtemps de toute façon. Be cool ! Une fois le système ternaire bien intégré, qui s’affiche dans le logo même de la station en question, la grille est vite digérée : des bonnes grosses tranches débitées propres et larges, au hachoir de boucher, cinq jours par semaine : ici c’est du 7-11, 11-14, 14-16, 16-18, 18-20 et 20-23. Et la nuit, on rediffuse. « Avec ça si t’as pas compris, on peut rien pour toi, man », aurait sans doute l’obligeance de rappeler un animateur du matin. Forcément, le weekend vient perturber un peu cet ordonnancement millimétré. Mais fort heureusement, la subtilité se décline aussi à la machette, ce qui permet de ne pas tout à fait perdre le fil quand on aborde la grille de fin de semaine. Les tranches sont plutôt moins épaisses : deux heures maximum (et minimum d’ailleurs, comme ça on n’est pas complètement noyé). Et comme c’est le weekend et qu’on va sans doute faire un tour par le Géant ou l’Ikea ou le Jardiland ou le Feu Vert, et qu’on veut s’occuper de soi parce que la semaine est vécue sur le mode du don de sa personne à l’autre (son patron, ses mômes, son jules), la radio dégaine les quatre points cardinaux : Votre maison, Votre jardin, Vos animaux, Votre auto. Tout y est pour terminer la semaine en beauté parce que « Vous êtes formidable ! ». Au secours ! A.T. P.S. : l’adresse du site de cette reluisante station dont nous tairons le nom ? www.rmc.fr Le poste à galène numéro 20, c’est terminé. Bulletin de liaison de l’association Longueur d’ondes, notre modeste pubication ouvre ses colonnes à toutes les bonnes volontés. Une ligne, une page, un aphorisme, des critiques, un dessin : Le poste à galène attend vos contributions : par courrier classique (48, rue d’Armorique - 29 200 Brest), par courrier électronique ([email protected]), par téléphone (02 98 49 00 15). À bientôt donc et... rendez-vous prochainement pour un Poste à galène estival Le poste à galène n°20 : édition-conception-diffusion : Hélène Petton, Philippe Lagadec, Nicole Magnier, Michel Le Bras, Félix, Céline Metel, Laurent Le Gall, Aurore Troffigué, Hélène Vidaling ; photographies du festival : Sébastien Durand Poste à galène n°20 - 9 mars 2009 - p. 8