CAA Bordeaux n° 13BX00464

Transcription

CAA Bordeaux n° 13BX00464
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE BORDEAUX
No 13BX00464
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Hôpitaux de Luchon
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M. Bernard Chemin
Président
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M. Jean-Louis Joecklé
Rapporteur
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M. Pierre Bentolila
Rapporteur public
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Audience du 29 septembre 2014
Lecture du 27 octobre 2014
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54-03-015
C
IJ
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La cour administrative d’appel de Bordeaux
(6ème chambre)
Vu la requête enregistrée par télécopie le 11 février 2013, et régularisée par courrier le 13 février suivant,
présentée pour les Hôpitaux de Luchon pris en leur établissement situé 5, cours des Quinconces à
Bagnères-de-Luchon (31110), représenté par son directeur, par Me Friederich ;
Les Hôpitaux de Luchon demandent à la cour :
1°) d’annuler l'ordonnance n° 1203502 du 29 janvier 2013 du juge des référés du tribunal administratif de
Toulouse qui les a condamnés à verser à M. Jérôme F une provision de 1 100 euros au titre des
rémunérations pendant le congé de maladie dont celui-ci a bénéficié à compter du 24 mars 2012 pour la
période comprise entre le 5 avril au 22 avril 2012, ainsi qu’une somme de 800 euros au titre de l’article L.
761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F devant le juge des référés du tribunal administratif de
Toulouse ;
3°) de mettre à la charge de M. F une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice
administrative ;
Ils soutiennent que :
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- en l’absence de demande indemnitaire préalable, la requête de M. F en première instance était
irrecevable ;
- la créance dont M. F se prévaut était sérieusement contestable dès lors que le régime du code de la
sécurité sociale, notamment en ses articles L. 321-1 et R. 172-12-3, n’est pas applicable en l’espèce, et
que la couverture sociale d’un agent de la fonction publique hospitalière est régie par la loi du 9 janvier
1986 et par le décret du 19 avril 1988 ;
- le juge des référé a considéré à tort que M. F avait droit aux congés de maladie pour la période entre le
5 et le 22 avril 2012 justifiant la provision de 1 100 euros ; à la date de l’arrêt de maladie dont il se
prévaut, M. F était suspendu à titre conservatoire de ses fonctions, puis révoqué ; il n’était pas en position
statutaire de congé de maladie ordinaire ; à compter de sa révocation, un agent n’a plus droit au maintien
de sa rémunération ; les certificats médicaux n’ont pas été transmis dans le délai de 48 heures imposé
par le décret du 19 avril 1988 ; M. F a tenté de faire une application abusive des dispositions applicables
en l’espèce, il a invoqué son premier arrêt maladie alors qu’il était déjà suspendu, le but étant d’éviter ou
de retarder la sanction qui allait être prononcée contre lui ; il y a une interruption de transmission des
certificats médicaux au moins entre le 22 avril et le 1er juin 2012, ce qui fait obstacle au maintien du
traitement postérieurement au 22 avril 2012 ; en tout état de cause, le montant est infondé du fait que le
système de « l’année de référence » n’a pas été appliqué ; le juge des référés qui ne peut trancher des
questions de droit aurait dû soumettre la question au juge du fond et se déclarer incompétent ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense enregistré 30 mars 2013, présenté pour M. F, par Me Rettig, qui conclut au
rejet de la requête, à ce que, par la voie de l’appel incident, la provision qui lui a été allouée par le
premier juge soit portée à la somme de 9 288,54 euros correspondant à trois mois de traitement plein et
trois mois à demi traitement, et à ce qu’une somme de 800 euros soit mise à la charge des Hôpitaux de
Luchon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- en vertu de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 22
novembre 2000, l’exigence d’une demande indemnitaire préalable a été supprimée ;
- sa demande de provision n’était pas sérieusement contestable en raison de l’indépendance des
procédures disciplinaire et de mise en congé de maladie ; le juge des référés a reconnu son droit aux
congés de maladie pour la période du 5 au 22 avril 2012 ; sa suspension à titre conservatoire à compter
du 25 novembre 2011 est sans conséquence sur les droits à congés de maladie ; la mesure de
suspension aurait dû être rapportée du fait du congé de maladie ;
- l’arrêt de travail du 24 mars 2012 a été envoyé dans les délais ; l’administration ne démontre pas une
gestion fiable du courrier et ne peut pas lui opposer le délai de transmission fixé à quarante-huit heures ;
l’administration l’a révoqué alors qu’il était déjà en arrêt maladie et ne peut donc pas prétendre qu’il
n’avait pas droit au maintien de son traitement du fait de la révocation ; l’administration ne saurait
l’accuser de mauvaise foi pour éviter d’être révoqué du fait qu’antérieurement à la révocation, il a fait état
d’épisodes médicaux sérieux ; l’administration l’a persuadé qu’il relevait du régime général de la sécurité
sociale, ce qui l’a conduit à envoyer ses arrêts maladies pour la période du 22 avril au 1er juin 2012 à la
caisse primaire d’assurance maladie au lieu de les transmettre aux Hôpitaux de Luchon ; l’administration
ne conteste plus avoir reçu les arrêts maladie du fait qu’elle en dresse la liste ; ainsi la période d’arrêt à
prendre en compte s’étend du 23 mars 2012 jusqu’à ce jour ;
- le présent litige porte sur une provision et non sur le versement intégral des droits à rémunération de
sorte que le juge des référés était bien compétent ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 25 septembre 2014, présenté pour les Hôpitaux de Luchon,
qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi modifiée n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;
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Vu le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 29 septembre 2014 :
- le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président assesseur ;
- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;
- les observations de Me Heymans substituant Me Friedrich, avocat des Hôpitaux de Luchon, et de Me
Rettig, avocat de M. F ;
1. Considérant que M. F, infirmier titulaire des Hôpitaux de Luchon, a fait l’objet d’une mesure de
suspension conservatoire des fonctions à compter du 25 novembre 2011, renouvelée jusqu’au 24 mars
2012 ; qu’il a alors été placé en arrêt de travail par des certificats médicaux jusqu’au 22 avril 2012 ; que
par une décision du 2 avril 2012, le directeur des Hôpitaux de Luchon a prononcé à l’encontre de
l’intéressé la sanction de la révocation, laquelle a pris effet le 5 avril 2012, date de notification de cette
décision ; que n’ayant plus perçu aucune rémunération, M. F a demandé au juge des référés du tribunal
administratif de Toulouse, la condamnation des Hôpitaux de Luchon à lui verser une provision, à titre
principal, d’un montant de 6 277,98 euros représentant six mois d’indemnités journalières de sécurité
sociale pour maladie, et, subsidiairement, une provision d’un montant de 9 288,54 euros correspondant à
trois mois de plein traitement plus trois mois de demi-traitement au titre des congés de maladie ; que les
Hôpitaux de Luchon font appel de l’ordonnance du 29 janvier 2013 du juge des référés du tribunal
administratif de Toulouse en tant qu’elle a mis à leur charge le versement à M. F d’une provision de 1 100
euros ainsi qu’une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
que par la voie de l’appel incident, M. F demande que le montant de la provision soit porté à la somme de
9 288,54 euros ;
Sur l’appel principal des Hôpitaux de Luchon :
2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés
peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi
lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office,
subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. »;
3. Considérant que l’objet du référé-provision organisé par les dispositions précitées de l’article R. 541-1
du code de justice administrative qui, dans la rédaction qu’en a donné le décret du 22 novembre 2000, a
supprimé l’exigence d’une demande au fond, est de permettre le versement d’une provision, assortie le
cas échéant d’une garantie, dans les cas où la créance invoquée par le demandeur n’apparaît pas
sérieusement contestable ; qu’il en résulte que la demande de provision peut être introduite avant toute
décision administrative et donc, sauf dans les cas où il existe une obligation spécifique de recours ou de
réclamation préalable auprès de l’administration, sans même avoir formé une demande susceptible de
faire naître une telle décision ; qu’une telle obligation n’existant pas en l’espèce, la fin de non-recevoir
opposée par le centre hospitalier et tirée du défaut de demande indemnitaire préalable doit être écartée ;
4. Considérant que si M. F a reconnu qu’il n’était pas fondé à demander une provision sur le fondement
des indemnités journalières de sécurité sociale pour maladie, l’intéressé a toutefois la possibilité de
demander au juge des référés le versement d’une provision correspondant aux rémunérations qui ne lui
ont pas été versées par le centre hospitalier au titre des congés de maladie ;
5. Considérant que la procédure disciplinaire et la procédure de mise en congé de maladie d’un
fonctionnaire hospitalier constituent des procédures distinctes et indépendantes, de sorte que l’inaptitude
temporaire et médicalement constatée d’un fonctionnaire à l’exercice de ses fonctions ne fait pas
obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire ; que, cependant, les sanctions disciplinaires dont il fait
l’objet ne peuvent avoir de conséquences sur sa situation de bénéficiaire d’un congé de maladie aussi
longtemps que la condition d’inaptitude physique est remplie et ne peuvent dès lors être légalement
exécutées que postérieurement à l’expiration du congé de maladie dont l’agent bénéficie ;
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6. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires
relatives à la fonction publique hospitalière : « Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2°) A des congés
de maladie dont la durée peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de
maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci
conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de
moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du
supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) » ; qu’aux termes de l’article 14 du
décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de
la fonction publique hospitalière : « Sous réserve des dispositions de l'article 15 ci-dessous, en cas de
maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, le fonctionnaire
hospitalier est de droit placé en congé de maladie. » ; que l’article 15 du même décret dispose : « Pour
obtenir un congé de maladie ou le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire doit
dans un délai de quarante-huit heures faire parvenir à l'autorité administrative un certificat émanant d'un
médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme. (…) » ;
7. Considérant que les Hôpitaux de Luchon soutiennent qu’à compter de la révocation qui a pris effet le 5
avril 2012, M. F n’avait plus droit à sa rémunération ; que, toutefois, les procédures disciplinaire et de
mise en congé de maladie d’un fonctionnaire étant indépendantes, les Hôpitaux de Luchon, qui avaient la
possibilité de prononcer la révocation de M. F en fixant la date de prise d’effet de cette sanction à
l’expiration du congé de maladie en cours dont bénéficiait l’intéressé, ont commis une faute en privant M.
F du régime de rémunération afférent à ce congé après le 5 avril 2012 ;
8. Considérant que les Hôpitaux de Luchon contestent avoir reçu les certificats médicaux datés du 24
mars et du 6 avril 2012 dans le délai de quarante-huit heures prévu par l’article 15 du décret du 19 avril
1988 ; qu’en admettant même que le certificat du 24 mars 2012 n’ait été reçu par le centre hospitalier que
le 27 mars suivant, il résulte de l’instruction que ce document a été transmis par M. F dans les délais
réglementaires ainsi qu’en atteste l’avis de dépôt du pli recommandé auprès du service postal daté du 24
mars 2012 ; que ni le document récapitulatif des arrêts maladie de M. F établi le 28 septembre 2012, ni la
mention manuscrite figurant sur le certificat médical du 6 avril 2012 ne sont suffisamment probants pour
justifier l’absence de transmission de ce dernier document dans les délais ; que la mauvaise foi alléguée
de M. F n’est pas établie ; que les Hôpitaux de Luchon n’apportent pas d’éléments précis de nature à
remettre en cause le montant de la provision allouée par le juge des référés pour la période allant du 5 au
22 avril 2012 ; que, dans ces conditions, les Hôpitaux de Luchon ne démontrent pas que leur obligation
se heurte, en l’état de l’instruction, à une contestation sérieuse au sens des dispositions précitées de
l’article R. 541-1 du code de justice administrative ;
9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les Hôpitaux de Luchon ne sont pas fondés à
demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur l’appel incident de M. F :
10. Considérant que M. F ne démontre pas avoir transmis aux Hôpitaux de Luchon les certificats d’arrêts
de travail maladie postérieurs à la date du 22 avril 2012, correspondant à la fin de son congé de maladie
et à l’effectivité de sa révocation ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’attestation d’activité établie le 4
mai 2012 par le directeur des Hôpitaux de Luchon aurait pu induire en erreur l’intéressé lors de la
transmission à la caisse primaire d’assurance maladie, et non au centre hospitalier, de ces nouveaux
certificats d’arrêt maladie ; que, par suite, M. F n’avait droit au régime de rémunération afférent au congé
maladie que pour la seule période comprise entre le 5 et le 22 avril 2012 ; que le traitement mensuel de
M. F s’élevait à 1 824, 33 euros ; qu’ainsi, en fixant à 1 100 euros le montant de la provision devant être
allouée à l’intéressé, laquelle ne porte pas sur un mois complet de traitement mais sur dix-sept jours, le
premier juge n’a pas fait une inexacte appréciation de la créance certaine de M. F ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. F n’est pas fondé à demander, par la voie de
l’appel incident, le relèvement de cette provision ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
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12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions
présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête des Hôpitaux de Luchon ainsi que les conclusions d’appel incident de M. F, y
compris leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont
rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié aux Hôpitaux de Luchon et à M. Jérôme F.
Délibéré après l’audience du 29 septembre 2014 à laquelle siégeaient :
- M. Bernard Chemin, président,
- M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,
- Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 octobre 2014.
Le rapporteur,
Jean-Louis Joecklé
Le président,
Bernard Chemin
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits de la
femmes en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de
droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition certifiée conforme
Le greffier,
Cindy Virin

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