Musique - Primeurs

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Musique - Primeurs
Philippe Malone
Musique
L’après-midi. Domicil Leidinger travaux Filmhaus Saarbrücken « Arts & Essais » Viva Zapata Haus
Brück Nachtcafé Madame Coyote Café droite Green Buddha GARAGE stop
noisehardtrashmetalgothBleichstrasse encore LSL Sportwagen UG Türkenstrasse stop parking ETD
(Encore Tout Droit) stop Grossherzog-Friedrich-Strasse Banana KlubLandwehrplatz stop gauche Alte
Feuerwache. Le soir. Entrée billets réception explication PUIS escaliers premier deuxième étage
badge stop chut première direct Saarländischer Rundfunk : « l’exercice est délicat, pour les acteurs il
s’agit de lire un texte en direct pour la radio, devant un public venu les regarder. Entre jeu et
retenue, entre adresse et intériorisation, il s’agit de livrer pour la vue mais à l’oreille, comme si les
deux sens se trouvaient subitement séparés l’un de l’autre ». La nuit noire. Silence maestro. Les
lectures s’enchaînent. Textes en français. Lectures allemandes. Dans tes mains, les textes en langue
originale t’aident à parcourir l’histoire. Sur le plateau, les comédiens produisent leur nouvelle
musique. Tu as la partition, place à l’interprétation. Les yeux et les oreilles, encore. Car c’est bien de
musique qu’il s’agit. Ces souffles nouveaux, ces accents toniques qui cherchent puis ouvrent de
nouvelles voies (voix), forcent d’autres chemins. Nouvelles tonalités, nouveaux rythmes. Les
accélérations ne sont plus les mêmes. Elles fusent. Créent des brèches. Assènent puis s’effacent. Tu
te perds. Et ces silences. Les longueurs ici prennent plus de brillance. Plus heurtées, elles acquièrent
plus de reliefs. Les longueurs dans cette langue ne sont-elles plus si longues ? Ou bien est-ce
l’interprétation nerveuse des musiciens ? Les notes virevoltent, la musique s’emballe, les traits
d’humour s’enchaînent, décalent la partition, les rires te sur - prennent, c’est que le public non plus
n’est pas le même, les attentes sans doute, ici aussi, diffèrent. Tu replonges dans le texte. Tu
cherches à te rassurer, parcours du doigt la partition, elle se fait Braille, se fait palimpseste, se fera
bientôt vaine, bientôt tu reprendras confiance, bientôt tu tomberas le texte. Tu désapprends ta
langue, elle te semble étrangère, tu t’imprègnes de la nouvelle. Y trouves goût. Y retrouve goût. « La
langue de l’Europe sera celle de la traduction » disait Umberto Eco. Lendemain matin. Domicil
Leidinger Filmhaus Saarbrücken « Arts & Essais » Viva Zapata Haus Brück Nachtcafé Madame Coyote
Café stop en face cafe Becker toujours TTD (Toujours Tout Droit) tu enchaînes Obertorstrasse Suhi
bar L’Esthétique De Lorenzo Nike plus loin Cocktail Bar Manhattan Hair (le commerce tu le sais ne
s’embarrasse pas de traduction, l’argent n’est pas polyglotte) Kulturcafé (un signe ?) pause Bretzel
puis Hauptbahnhof. Midi. Bilingue. Dans le train te reviennent les cours d’allemand de ta jeunesse.
Tu te souviens l’avoir parlé. Ces classes là restaient très prisées. Elles devaient être les meilleures. Te
reviennent les longues heures de cours fastidieuses, l’ennui tenace, la concurrence exacerbée entre
les élèves qui effa - çaient toute joie d’apprendre. L’utilitarisme n’a pas à être gai. C’est qu’il fallait
mériter d’être là. C’est qu’on attendait beaucoup de toi et l’allemand martelé comme une injonction
devait en être la clé. Une clé sans porte (sansportée ?). Tu te souviens avoir appris une langue. Tu
adorais la musique. On ne t’a jamais parlé de musique. Tu aurais aimé apprendre la musique. « Als
das Kind Kind war … ». Soir. Paris. Gare de l’Est. Ligne 5 changement République puis la 11 jusque
chez toi. Dans la tête des airs nouveaux. Dans ta poche les adresses mails des uns et des autres, ici,
là-bas. Promesses de futurs concerts.

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