Névralgie trigéminale et douleur faciale idiopathique persistante

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Névralgie trigéminale et douleur faciale idiopathique persistante
Névralgie trigéminale et douleur faciale idiopathique persistante
Définition
La névralgie trigéminale (NT) est un trouble douloureux unilatéral qui se caractérise par des douleurs brèves, similaires à
des décharges électriques, dont l’apparition et la disparition sont soudaines, et se limite à une distribution sur une ou
plusieurs divisions du nerf trigéminal. La société internationale des céphalées (International Headache Society, IHS)
établit la différence entre la névralgie trigéminale classique, souvent provoquée par une compression microvasculaire au
niveau de l’entrée de la racine trigéminale dans le tronc cérébral et la névralgie trigéminale symptomatique, provoquée
par une lésion structurelle autre que la compression vasculaire.
La douleur faciale idiopathique persistante (DFIP), précédemment nommée douleur faciale atypique, est une douleur
faciale persistante qui ne comporte pas les caractéristiques des névralgies crâniennes et ne peut pas être attribuée à un
autre trouble. La douleur faciale se manifeste quotidiennement et persiste tout au long de la journée. Généralement, elle
est limitée à une zone particulière sur un côté du visage au moment de la déclaration de la maladie, est profonde et mal
localisée, et n’est pas associée à une perte sensorielle ou à d’autres déficits neurologiques. Les examens, notamment la
radiographie du visage et des mâchoires ou la tomodensitométrie assistée par ordinateur (TDM) du crâne ou l’imagerie
par résonance magnétique (IRM) du crâne, ne démontrent aucune anomalie pertinente. La douleur peut être initiée par
une intervention chirurgicale ou une blessure au visage, aux dents ou aux gencives, mais elle persiste sans cause locale
démontrable.
Épidémiologie
La NT et la DFIP sont des maladies rares et le nombre d’études sur leur prévalence est restreint. L’analyse de quelquesunes des études disponibles suggère que la prévalence de la NT dans la population générale pourrait être de 0,01 % à
0,3 %. Le ratio sexuel entre les femmes et les hommes est d’environ 2/1. La NT peut apparaître pour la première fois à
tout âge, mais le début de la maladie survient après l’âge de 40 ans dans plus de 90 % des cas. Le pic d’âge du début de
la maladie se situe entre 50 et 60 ans. L’anxiété et la dépression, ainsi que la détérioration de la qualité de vie, sont des
conséquences fréquentes de la maladie. Les autres névralgies crâniennes et la DFIP sont beaucoup moins fréquentes
que la NT. Les données sur la prévalence dans la population générale ne sont pas disponibles.
Physiopathologie
L’avis actuel est que la NT est provoquée par une compression proximale de la racine du nerf trigéminal située près du
tronc cérébral (zone d’entrée de la racine) par un vaisseau sanguin tortueux ou ectasique (une artère ou une veine),
entraînant la torsion mécanique des fibres nerveuses et une démyélinisation secondaire, probablement médiées par des
lésions microvasculaires ischémiques. Ces changements abaissent le seuil d’excitabilité des fibres touchées et favorisent
une propagation éphaptique inappropriée vers les fibres adjacentes. Ainsi, les signaux tactiles provenant des fibres
myélinisées rapides (A-bêta) peuvent activer directement les fibres nociceptives lentes (A-delta), ce qui résulte en des
décharges à haute fréquence, caractéristiques de la névralgie trigéminale.
La physiopathologie de la DFIP est inconnue. La littérature disponible suggère que la sensibilisation anormale du système
nociceptif trigéminal peut jouer un rôle essentiel dans le développement de la DFIP.
Traitement
Le traitement médical de la NT est fondé sur l’utilisation de médicaments antiépileptiques. Le traitement de première ligne
doit être la carbamazépine (200 à 1 200 mg/jour) et l’oxcarbazépine (600 à 1 800 mg/jour), conformément aux directives
sur le traitement fondées sur les preuves. Le traitement de deuxième ligne est fondé sur très peu de preuves et comprend
un traitement adjuvant avec la lamotrigine (400 mg/jour) ou un changement de traitement pour la lamotrigine, le baclofène
(40 à 80 mg/jour) ou le pimozide (4 à 12 mg/jour). D’autres médicaments antiépileptiques ont été étudiés dans de petites
études en ouvert. Le traitement par phénytoïne, clonazépam, gabapentine, prégabaline, topiramate et valproate, ainsi que
la tocaïnide (12 mg/jour) a également été suggéré comme étant bénéfique.
Le traitement de choix pour la DFIP est les antidépresseurs tricycliques, comme l’amitryptiline (50 à 100 mg/jour). Les
inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noripinéphrine (duloxétine, venlafaxine et mirtazapine) sont
également utilisés.
Traitement chirurgical
Si le traitement médical ne réussit pas, des interventions chirurgicales devraient être envisagées. Elles comprennent la
décompression microvasculaire du nerf/vaisseau en contact ou la destruction du ganglion de Gasser La décompression
microvasculaire procure le soulagement de la douleur le plus durable, avec 90 % des patients signalant un soulagement
initial de la douleur et 80 % ne présentant pas de douleur au bout d’un an, 75 % au bout de 3 ans et 73 % au bout de 5
ans. Il s’agit néanmoins d’une intervention chirurgicale majeure qui nécessite une craniotomie pour atteindre le nerf
trigéminal dans la fosse postérieure. Le taux de mortalité moyen s’étend de 0,2 % à 0,5 %, et jusqu’à 4 % des patients
souffrent de problèmes majeurs, comme la fuite du liquide céphalo-rachidien, d’infarctus ou d’hématomes. Les
complications à long terme les plus fréquentes comprennent la méningite aseptique (11 %), la perte sensorielle (7 %) et la
perte de l’audition (10 %).
Les techniques percutanées relatives au ganglion de Gasser sont des interventions destructrices qui comprennent la
thermocoagulation par radiofréquence, la compression par ballonnet et la rhizolyse au glycérol percutanée. Quatre-vingtdix pour cent des patients signalent un soulagement à la suite de ces interventions. Un an après la thermocoagulation par
radiofréquence, 68 à 85 % des patients ne présentent toujours pas de douleur, mais au bout de 3 ans, le pourcentage
diminue de 54 à 64 %, et au bout de 5 ans, seulement 50 % des patients ne présentent pas de douleur. Les effets
secondaires les plus fréquents sont la perte sensorielle (50 %), les dysesthésies (6 %), l’anesthésie douloureuse (4 %) et
l’engourdissement cornéen avec un risque de kératite (4 %). Les traitements du ganglion de Gasser nécessitent des
anesthésiants à action rapide et sont des interventions principalement mineures nécessitant une hospitalisation jusqu’au
lendemain, avec un taux de mortalité extrêmement faible.
Dans le cadre de la chirurgie avec scalpel gamma, un faisceau de radiation est ciblé sur la racine trigéminale située dans
la fosse postérieure. Un an après la chirurgie avec scalpel gamma, 69 % des patients ne présentaient pas de douleur,
sans l’aide de médicament supplémentaire. Au bout de 3 ans, 52 % ne présentaient pas de douleur. Le développement
du soulagement de la douleur peut être retardé (pendant 1 mois, en moyenne). Les effets secondaires comprennent les
complications sensorielles chez 6 % des patients qui peuvent développer un retard jusqu’à 6 mois, l’engourdissement du
visage chez 9 à 37 %, qui s’améliore avec le temps, et les paresthésies chez 6 à 13 % des patients. La qualité de vie
s’améliore chez 88 % des patients. Le principal inconvénient de la chirurgie avec scalpel gamma en est le coût, limitant
son usage étendu et en faisant une option de dernier recours pour les patients qui ne peuvent pas subir de chirurgie
ouverte ou présentent des problèmes de coagulation (par ex., patients sous warfarine).
Références
[1] Cruccu G, Gronseth G, Alksne J, Argoff C, Brainin M, Burchiel K, Nurmikko T, Zakrzewska JM; American Academy of Neurology
Society; European Federation of Neurological Societies. AAN-EFNS guidelines on trigeminal neuralgia management. Eur J Neurol
2008;15:1013–28.
[2] Gronseth G, Cruccu G, Alksne J, Argoff C, Brainin M, Burchiel K, Nurmikko T, Zakrzewska JM. Practice parameter: the diagnostic
evaluation and treatment of trigeminal neuralgia (an evidence-based review): report of the Quality Standards Subcommittee of the
American Academy of Neurology and the European Federation of Neurological Societies. Neurology 2008;71:1183–90.
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