31295015503955

Transcription

31295015503955
L'ORIENTALISME DE LECONTE DE LISLE
by
ASHNADELLE AMIN HILÎ^IY, B.A.
A THESIS
IN
FRENCH
Submitted to the Graduate Faculty
of Texas Tech University in
Partial Fulfillment of
the Requirements for
the Degree of
MASTER OF ARTS
y'^
Approved
Director
Accepted
May, 1970
AEV\.3??:?
îos
/97â
l\/ô.S5
REMRCIEMENTS
J e v o u d r a i s b i e n r e m e r c i e r mon p r o f e s s e u r
Peter
B u b r e s k o , de s o n c o n s e i l a i m a b l e e t de s a p a t i e n c e
l a p r é p a r a t i o n de c e t t e t h è s e , mes p a r e n t s
dans
l'Ambassadeur
e t Mme Amin Hilray I I e t mon mari M. Amr Kamel Mortagy
l e u r a i d e dans l e s
de c e t t e
recherches nécessaires
étude.
11
à la
de
préparation
TABLE DE MATIERES
Page
REMERCIEMENTS
ii
LISTE D'ILLUSTRATION
iv
PREFACE
V
CHAPITRE
I.
L'INFLUENCE DE L'ORIENTALISME DU XIX^
SIECLE SUR LECONTE DE LISLE
A.
B.
C.
II.
III.
Voyages et l i t t é r a t u r e
de ces voyages
1
inspirée
1
La l i t t é r a t u r e orientale avant le
XIX^ et au XIX® siècles . . . .
La P e i n t u r e d ' i n s p i r a t i o n
a u XIX® s i è c l e
LECONTE DE L I S L E '
orientale
15
.
26
ETUDE DES POEMES D'INSPIRATION ORIENTALE .
hQ
Les S o u r c e s
L'HOMME ET SES IDEES .
d e s Poèmes
Indiens
.
.
.
.
E t u d e d e s Poèmes I n d i e n s
Les S o u r c e s
Etude
Etude
U8
51
d e s Poèmes A r a b e s
d e s Poèmes A r a b e s
Les S o u r c e s
IV.
h
.
.
.
.
. . . . . . .
d e s Poèmes E g y p t i e n s
d e s Poèmes E g y p t i e n s
. . .
90
92
106
108
L'ERUDITION DE L'OEUVRE DE LECONTE DE
LISLE
115
Table du lexique oriental des
poèmes étudiés
V.
CONCLUSION
,
Il6
126
NOTES
BIBLIOGRAPHIE
129
I36
APPENDICES
139
• • «
111
LISTE DES ILLUSTRATIONS
Figure
Page
1,
Massacres
2,
Les A l g é r i e n n e s
3,
C h a s s e au L i o n de D e l a c r o i x
h.
O d a l i s q u e C o u c h é e de D o m i n i q u e I n g r e s
5»
Le B a i n T u r c de D o m i n i q u e I n g r e s .
6.
La p o s i t i o n
Réunion)
L'Inde
7.
de S c i o de D e l a c r o i x
. . . . .
de D e l a c r o i x
18
20
. . . . . .
de l ' I l e B o u r b o n ( l a
par rapport à l'Afrique
. . .
21
.
22
23
et
33
Carte du monde démontrant le Voyage de
Bougainville autour du monde de
1766 à 1769
IV
163
PREFACE
Le but de cette thèse est de faire ressortir
l'orien-
talisme de Leconte de Lisle aussi bien que d'expliquer
l'homme et son oeuvre.
Pour comprendre pourquoi il a pris
comme thèmes de sa poésie les obscures épopées indiennes,
les religions éteintes du monde pharaonique, l'histoire de
la gloire des Arabes en Espagne, le livre sacré des Musulmans, le Coran, et les religions indiennes dans leurs ramifications, il nous faut examiner les influences orientales,
qui auraient pu influence son choix si peu banal.
Avant
d'aborder ses poèmes purement orientaux, nous allons discuter brièvement tous les courants d'inspiration orientale
qui se sont manifestés non seulement durant la vie du
poète, mais aussi ceux qui se sont fait sentir bien avant
e
le XIX
^
V
siècle.
Aussi etudierons-nous les voyages entre-
pris en Orient, incontestablement importants, la littérature d'inspiration orientale avant l'apparition de Leconte
de Lisle, le premier "maître" de l'Orient dans la littérature française, aussi bien que la peinture de la même inspiration.
L'étude de la vie, des voyages de Leconte de
Lisle et de ses idées primordiales précé dera l'analyse
des poèmes indiens, égyptiens et arabes comparés aux sources
de leur inspiration.
Notre but n'est pas de prouver que Leconte de Lisle
est un orientaliste mais de montrer comment il l'est
vi
devenu.
Nous limiterons le choix des poèmes qui seront
analysés dans cet ouvrage à ceux dont les héros sont des
personnages d ' im^portance légendaire, historique et religieuse.
Nous y omettrons les poèmes consacrés à la
nature et aux animaux.
Cette thèse s'arrêtera brièvement
à l'étude du lexique oriental dont le poète s'est servi.
Commençons donc maintenant à examiner l'oriene
e
talisme qui a précédé le XIX
siècle et celui du XIX
siècle qui ont exercé une influence considérable sur
l'oeuvre de Leconte de Lisle.
L'Orient
Vénérable Berceau du monde, où l'Aigle
d'or,
Le S o l e i l , du milieu des Roses é t e r n e l l e s ,
Dans l'espace ébloui qui sommeillait encor
Fleuves sacrés, forêts, mers aux flots
radieux
Ame ardente des fleurs, neiges des Vierges,
0 très saint Orient, qui conçus tous les Dieux,
Puissant évocateur des visions sublimes!
Vainement, à l ' é t r o i t dans ton immensité,
Flagellés du désir de l'Occident mythique.
En des siècles lointains nos pères t ' o n t q u i t t é ;
Le vivant souvenir de la Patrie antique
Fait toujours, dans notre ombre et nos rêves sans
Resplendir ta lumière à l'horizon divin.
Poèmes Derniers , II
vu
fin.
CHAPITRE I
L'INFLUENCE DE L'ORIENTALISME DU XIX®
SIECLE SUR LECONTE DE LISLE
A.
Voyages et littérature inspirée
de ces voyages
Le désir de voyager est une partie inhérente à la la
nature humaine.
se déplacer.
la mort.
L'homme dès la création a toujours aimé de
Pour l'humanité, l'immobilité est synonyme de
La migration individuelle de l'homme primitif,
las de l'épuisement du sol qui portait ailleurs sa tente,
se muait en migration collective.
Cette migration représentait
le désir de s'évader pour chercher des, contrées où les conditions de vie n'étaient pas rigoureuses,
Cario, l'auteur de
1'Exotisme donne un exemple seyant à cette migration:
les
Gualois qui descendèrent des cimes glacées des Alpes pour
aller au rivage de la Méditerranée et aux plaines dorées de la
Lombardie. •'•
Succédant aux exodes instinctifs de l'homme primitif,
les voyages ne furent inspirés que par la curiosité.
Ceux
qui les entreprenaient ne retournaient pas souvent à leur
point de départ.
Mais s'ils y revenaient ils racontaient
les merveilles qu'ils avaient entrevues dans les autres pays.
Lee paysages, les peuples les traditions qu'ils décrivaient
souvent en proportions exaggérées, inspiraient d'autres
voyages même plus lointains.
Commençant par les voyages
des Phéniciens, Cario étudie en détail tous les voyages qui
ont eu lieu depuis les Pharaons jusqu'au célèbre Tour du
monde entrepris sur La Boudeuse par de Bougainville en
1772,
La littérature des voyageurs professionnels, celle
de voyages proprement dite, a precurse la littérature d'inspiration étrangère dont seul l'aspect oriental nous intéresse.
Les récits d'un Tavernier ou d'un Bougainville
quoique intéressants et hautement documentaires, n'avaient
pas l'attrait des ouvrages écrits par des poètes d'après
leurs voyages ou ceux d'autres,
La description détaillée
que Bougainvilleafaite de Montevideo alla jusqu'au point
de décrire les fruits, les oiseaux et les fleurs sans compter tous les aspects de la vie des indigènes, les Indiens.
Malgré ses détails nous ne pouvons pas la comparer aux descriptions exotiques dans Paul et Virginie de Bernardin de
Saint-Pierre qui inaugura le sentiment lyrique de la nature
au XIX® siècle.
Les voyageurs volontaires ont suivi de près les
voyageurs professionnels.
La facilité croissante des com-
munications mondiales a encouragé ces voyageurs qui parcouraient le monde avec plaisir.
Le livre de voyage est de-
venu:
une évocation des êtres et des choses par des yeux
qui savent regarder et qui conservent le souvenir
des lignes et des couleurs. Ce que nous leur
demandons, à ces témoins de l'univers, c'est, la
peinture exacte de ce qui est. La qualité de leur
vision nous interesse presque même davantage que
la matière de ce qu'ils voient. C'est moins le
secret des pays inconnus que nous leur réclamons
que l'impression des contrées que nous voudrions
connaître et où nous transporte en esprit le
sortilège de leurs descriptions.^
La littérature française a toujours été influencée
par plusieurs aspects des voyages qui étaient différents
les uns des autres.
Les nomades primitifs, les exploraç
teurs anciens et nauveaux et les poètes errants ont en commun le magnétisme que leurs récits exerçaient sur leurs compatriotes.
Nous pouvons même citer ici les récits des Jé-
suites dont la mission religieuse les
emmena jusqu'en Chine,
Leurs récits respectés pour leur véracité ont influencé
plusieurs écrivains européens qui se sont inspirés de leurs
descriptions exotiques.
Tous les voyages dont nous avons parlas brièvement
aussi bien que les excursions imaginaires comme le Voyage
dans La Lune de Cyrano de Bergerac au XVII
siècle inspir-
aient bien des écrivains jusqu'au XX siècle.
L'avènement de la technologie moderne au XX® siècle
introduisit un nouveau genre de voygage aux hommes qui
avaient son dé le globe terrestre de long en large.
En quête
des autres possibilités exploratrices, ils se dirigèrent vers
la mer.
Dans ce domaine il y a aussi des voyageurs profes-
sionnels tel que Jacques Cousteau, un officier de la marine
française.
Il est océanographe et cinéaste.
Ses explora-
tions et ses expériences de la vie sous-marine lui ont
fourni les sujets de deux films qu'il a tournés:
du silence (1955) et le Monde sans Soleil (196U),
Le Monde
Le
domaine le plus récent de l'exploration au XX® siècle est
celui de l'espace.
Si le Voyage dans La Lune de Bergerac
était une oeuvre imaginaire au XVIII
siècle, ce même ex-
ploit est réel dans la seconde moitié du XX
B,
siècle.
La littérature orientale avant le
XIXe et au XIX^ siècle
Le XIX® siècle ayant contenu tellement d'oeuvres
dont le sujet était d'inspiration étrangère qu'on serait
peut-être incliné comme Gérard de Nerval à faire gloire
à cette époque pour la découverte de l'exotisme:
Les paysagistes littéraires sont presque tous de
notre temps. Il y a eu des temps où l'impression
de voyage n'existait pas . . . Il est donc possible qu'on voyage sans regarder, ou bien qu'on
regarde sans voir.^
Cette déclaration n'est pas tout à fait correcte.
L'ex-
otisme en effet est un des aspects favoris du XIX
siècle,
mais son début remonte à la littérature française du XII
siècle, à l'épogue de la Chanson de Roland.
L'ombre des Sarrasins que Charlemagne venait de combattre avant de franchir les Pyrénées, n'avait jamais
laissé l'imagination française.
Quoique les Basques chré-
tiens fussent les vrais assassins du comte de Bretagne,
l'auteur inconnu de cette chanson de geste attribua le
meurtre aux Sarrassins, pour faire ressortir une légende
hagiographique.
Les chansons de geste furent continuées avec le cycle
de la Croisade.
La Conquête de Constantinople de Ville-
hardouin vers la fin du XII
par cette épopée.
siècle est une oeuvre inspirée
Lanson maintient qu'il a écrit cet
ouvrage pour justifier ceux qui ont détourné vers Constantinople une expédition destinée à libérer le Saint-Sépulcre.
Il est naturel que la Turquie fut représentée dans cet
ouvrage.
L'Histoire de Saint Louis, de Joinville au début
du XIII® siècle est une oeuvre hagiographique.
Ce livre
contient les souvenirs du noble Français, de ses combats en
Orient aux côtés de saint Louis pendant les croisades.
Les cieux lointains n'enthousiasm èrent plus les
auteurs français jusqu'au XVI® siècle,
Joachim Du Bellay
célébra avec enthousiasme les voyages:
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage.
Ou comme cestui-là qui conquit la toison.
Et puis est retourne^ plein d'usage et raison.
Cependant son élan se tarit quand il fut pris du mal du pays.
Montaigne renouvela l'intérêt' à ce qui se passait hors des
frontières françaises en parlant dans ses Essais des Brésiliens qui étaient séparé's de l'Europe par un océan.
Le XVII
siècle entrevit dans certains ouvrages
classiques, l'Orient tel qu'il apparut dans les tragédies
suivantes:
Le Cid de Corneille, Andromaque « Bérénice ^
Bajazet et Esther de Racine.
Les Turcs furent amplement
représentés par Molière surtout dans Le Bourgeois Gentilhomme.
Ces ouvrages ne sont que les oeuvres qui ont
survécu au XVII
siècle qui vit pourtant un nombre dont le
cadre était l'Orient avec tous ses charmes,
Hattigi ou la
Belle Turque, Syroes et Mirama, histoire persane, les Amours
D *Antiochus, les Aventures Mystérieuses du Mandarin Fu Hoan,
et les romans africains, La Reine D'Ethiopie (1669) et Amosis
Prince Egyptien, sont parmi les ouvrages oubliés qui traitaient 1'Orient. ^
Le XVII
siècle était aussi traversé par un assez
fort courant d'exotisme oriental inspiré par les pirates de
la Méditerranée, et les les Turcs de fantaisie qui se retrouvent dans les comédies, les romans, les farces et les
tragédies comme nous l'avons vu.
Ce qui donna de la force
à cette inspiration orientale fut la popularité des récits
de voyages qui donnèrent aux quatre coins du monde une
réalité jusque là inexistante.
Les voyageurs tels qui Taver-
nier et Bernier furent honorés par Louis XIV.
Le nombre des
éditions du livre de Tavernier toujours croissant peut nous
indiquer à quel point les voyages de cet explorateur en
Perse, en Turquie et en Inde intéressaient le public et les
auteurs français.
Même les écrivains des Voyages Imagin-
aires s'en inspirèrent autant que les autres, car ils y
voyaient la société utopique qu'ils comparaient à leurs propres sociétés . -^
^
e
Les idées philosophiques et sociales du XVIII
siècle
ont commence à Germer vers la fin du XVII® avec les romans
utopiques de Cyrano de Bergerac déjà mentionnés.
L'influence
des récits de voyages fournis aux philosophes du XVIII
siècle par les voyageurs professionnels, et les ecclésiastiques augmenta considérablement.
Depuis près de deux
siècles, ces oeuvres ont préparé la révolution philosophique du XVIII® siècle qui est en un sens le résultat de la
comparaison faite par les philosophes après la lecture des
descriptions les plus minutieuses des moeurs et des pays
où l'on vivait paisiblement sans toute fois pratiquer les
lois et les traditions de la France.
Le Discours sur
L'Inégalité est l'apogée de ce mouvement; il est le résultat de deux siècles et demi de discussions de révoltés
et de rêves utopiques.'
Un des faits les plus importants du premier quart du
XVII
siècles fut la traduction de l'arabe en français des
Mille et Une Nuits par Galland de 170^+ à 1717.^
Cette tra-
duction érudite permit aux auteurs français d'imaginer les
Arabes et les Orientaux tels qu'ils "taient en effet et tels
qu'ils paraissaient dans ce livre arabe.
Ce n'est vraiment
qu'au XVIII® siècle que nous voyons apparaître le type de
l'étranger ou du sauvage qui se transporte en Occident,
prend des moeurs européennes une connaissance directe, et
s'étonne d'abord, puis s'indigne en découvrant des iniquités qu'ils acceptent sans les voir et presque sans en
Souffrir.
C'est ainsi que Les Lettres Persannes de
Montsquieu (1721) sont en effet une satire et une critique
des institutions françaises.
Chinard cite au moins une
8
quarantaine de romans, plus de cinquante comédies et environ
vingt tragédies où se trouve un décor plus ou moins oriental.
Il ne faut pas oublier aussi la série de romans per-
sans, turcs ou chinois, littérature pseudo-orientale à but
satirique qui suivit les Lettres Persanes.
Un fait tout
nouveau est ajouté à la description de ces Persans, Chinois,
Turcs ou Hindous.
Ils sont représentés comme des civilisés
qui au fond ne diffèrent des Français que par le costume,
la couleur de la peau ou la forme des yeux.
Leurs moeurs
sont parfois meilleures que les françaises et avant tout ce
sont des hommes qui apprécient le luxe et qui prennent sa
défense, qui ont un goût cultivé, un art qui ne cède en rien
à l'art français, et qui ont approfondi les sciences plus
que les Français n'étaient capables de la faire."
Les tragédies orientales de Voltaire continuèrent
les tendances du début du XVIII® siècle.
Dans Zaïre (1732),
Mahomet (17^2), L'Orphelin de Chine (1755) et dans Abufar
(1795) de Ducis il y avait un effort pour comparer les coutumes orientales avec les françaises ou pour décrir le
désert (Abufar), mais cette couleur locale était plutôt
extérieure et superficielle malgré, les noms et les descriptions exotiques.
Ce sont les idées des Français et
non des Orientaux qui étaient approfondies dans ces oeuvres.
Malgré l'intérêt à l'exotibme revive par L'Histoire Générale
des Voyages de L'abbé Prévost (I7H6-I789) et L'Abrégé de
L'Histoire Générale des Voyages de la Harpe (178O-I8OI) et
les Ré'cits du Voyage autour du Monde de Bougainville (17661769), l'état de l'exotisme à la fin du XVIII® siècle était
affaiblie par le manque de verve.
Cet état persista jusqu'à
l'apparition du chef-d'oeuvre de Bernardin de Saint-Pierre:
Paul et Virginnie (1788),
Cet auteur avait aussi subi
l'influença de son siècle car même dans cette oeuvre exotique dont l'action se passait dans les Iles, il y avait tout
de même des idées philosophiques.
Il a recrée l'exotisme
en regardant la nature exotique avec des yeux différents de
ceux de ses contemporains.
Il décrivait la nature comme
un tableau pittoresque que les missionnaires philosophes et
les politiques avaient fait oublier.
L'auteur de Paul et
Virginie devait peut être cette qualité à Rousseau.
Mais
il était le premier à insérer dans les paysages exotiques
des Iles, au milieu des scènes de la vie coloniale, une
historire simple et tragique.
Bernardin de Saint-Pierre
était le précurseur de l'exotisme sentimental à la veille
de la Révolution française.
Jusqu'ici l'exotisme était plus
ou moins philosophique et surtout descriptif.
L'année 17^9 marque le début de l'émigration française après la Révolution et pendant l'Empire,
Ces exodes
volontaires ont influencé énormément les Lettres françaises.
Les gens de lettres ne manquaient pas parmi les émigrés.
Lorsque les nobles, les prêtres et même les bourgeois retournèrent en France, ils rapportèrent avec eux le goût des
littératures étrangères et le désir de les mieux faire
10
connaître à la France,
Ainsi le courant de la pensée
éstrangère s'est établi en France.
Cet intérêt n'était
plus, désormais, une mode m.omentanée comme le pétrarquisme
ou 1'espagnolisme des XVI® et XVII® siècles et l'anglomanie
du XVIII®.-^^
Le XIX
siècle s'avérait comme le siècle le plus
exotique de tous les autres.
tribué à ce fait.
Plusieurs éléments ont con-
Il y a peu d'époques dans l'histoire de
L'Europe où les frontières aient été si souvent crevées et
sans cesse mouvantes; les armées françaises ont été à Berlin,
à Vienne, à Rome, à Madrid, à Moscou, aux îles Ioniennes et
surtout au Caire de I789 à I815.
C'est aussi dans cette période que les efforts des
initiateurs et des traducteurs furent particulièrement
énormes.
Les traductions des épopées et des religions
orientales qui seront discutées plus tard, inondèrent la
France et l'Europe,
C'est aussi de I8OO-I8IO que date le
goût profond, et qui s'accentuera pendant tout le siècle,
qui a orienté les Français vers les littératures étrangères,
et, par suite, vers l'étranger et l'exotisme. ^
Jourda con-
tinue en disant que la création de la Revue des Deux Mondes
et l'activité coloniale de la France après I83O ajoutées à
l'amélioration des routes et des voyages ont contribué à
solidifier le mouvement oriental au XIX® siècle.
Mais en
même temps ces progrés ont risqué de tuer l'exotisme
rendant un fait commun accessible "à tout le monde.
en le
11
On peut diviser le développement de l'exotisme au
XIX
siècle en quatre étapes:
la vague romantique qui dé-
ferle sur l'Europe, l'exotisme de l'Afrique du Nord, l'appel
des Parnassiens aux îles et l'étape moderne comprenant les
dilettanti et les coloniaux avec leurs souvenirs.
Avant de citer les ouvrages d'inspiration orientale
au XIX
siècle nous devons mentionner brièvement le goût des
sujets hispano-mauresques qui devint de plus en plus fort
dans le premier quart de ce siècle.
Plus les auteurs recher-
chaient la couleur locale, plus les Maures de L'Espagne qu'ils
peignaient avaient de caractéristiques orientales.
Ils fais-
aient ressortir les qualités orientales des Maures, leur costume, leur religion, leur langage, leur aspect physique en
même temps qu'ils mettaient en relief le caractère oriental
des villes de l'Espagne méridionale.
Un autre aspect dominant du XIX
siècle était l'étude
des civilisations antiques et des religions anciennes grâce
aux traductions des religions et des épopées orientales. -^
Le fait religieux s'est imposé comme un fait historique, le
plus extraordinaire, le plus passionnant des faits historiques.
L'initiateur de ce mouvement religieux qui marqua le
XIX® siècle et surtout Leconte de Lisle, fut un érudit
d'Allemagne, le Dr. Frédéric Creuzer, dont l'ouvrage capital
Les Religions de l'antiquité considérées principalement dans
leurs formes symboliques ou mythologiques, parut entre I8IO
et 1812.
Les religions de l'Inde, de la Perse, et de
12
l'Egypte, religions de l'Asie occidentale et de l'Asie
mineure, sont étudiées en détail dans les huit volumes de la
Symbolique de Creuzer.
En I82U, Benjamin Constant publiait
son livre De La Religion considérée dans sa source, ses formes
et son développement.
Il fut suivi par le Génie des Reli-
gions d'Edgar Quinet en 18^+1.
C'est Chateaubriand qui donna à l'exotisme sentimental sa forme la plus parfaite.
Nous pouvons citer parmi
tant d'autres Atala (I801) et René (l802) pour illustrer
l'exotisme amériacain et l'Itinéraire de Paris à Jérusalem
(1811) pour illustrer l'exotisme oriental.
Les Poèmes anti-
ques de Vigny (l837) avaient aussi une inspiration orientale.
Avant lui Lamartine avait visité l'Orient.
Il nous suffit
de citer Les Orientales (I829) de Victor Hugo qui n'avait
pas encore voyagé en Orient quand il écrit cet ouvrage.
Il
a puisé son inspiration du séjour d'un an qu'il avail fait
en Espagne dans son enfance.
La civilisation arabe en
Espagne fut primordiale à l'inspiration de ce livre.
A tous ces éléments nous pouvons aussi ajouter la
fondation du Journal asiatique en 1822 et l'intérêt que la
France portait aux affaires de l'Empire Turc, la campagne
de Napoléon en Egypte qui fut suivie par les grands progrés
en égyptologie.
La guerre de l'indépendance grecque en
1821 eut plusieurs sympathiseurs en France,
En I825 les
Français commencèrent à s'occuper de L'Afrique du Nord et
cet intérêt culmina par la prise d'Alger in I83O,
13
Tous les aspects de l'orientalisme du XIX
siècle
ayant été illustrés brièvement, il serait peut être très
important, avant d'aborder l'étude de textes proprement dit
exotiques, de définir le mot exotisme.
L'Académie française définit l'exotisme
Littré:
ce qui n'est pas naturel au pays.
16
d'après
M. Pierre Mar-
tino en a une définition plus précise:
L' exo tisme, e n mat ière littéraire, c 'est d'à bord,
une c onceptio n tou te faite que nous avon s d'u n pays
et de ses hab itant s. Il peut y entr er d es él éments
réels , vrais ou vr aisemblables, four nis par 1 es
voyag eurs ou les m arins; mais il peu t^y entre r aussi
et so uvent il y en tre surtout, des é léme nts c onventionn els . L' exoti sme peut n'être qu ' une f aço n préconçu e de voir ou d'imaginer un pays . . . un préjugé
artis tique et litt éraire, une habitu de . . . reçue de
nos 1 ectures, de n os conversations, de n os V I sites
aux m usées , d 'aill eurs. C'est ainsi que la p lupart
des r omantiqu es on t, d'abord, imagin é 1' étran ger avant
d'ail er le vo ir.lT
A part de cet exotisme documentaire qui s'est construit un
Orient de fantaisie, il peut être une peinture fidèle de la
réalité, d'une réalité simplement différente de celle dans
laquelle on vit.
Ce second exotisme peut être inspiré par
le désir d'un réalisme objectif ou, surtout après I815, par
l'état des esprits, en proie successivement au mal du siècle,
au bovarysme, à des formes du pessimisme, à tous les états
psychologiques qui poussèrent les auteurs français à
s'échapper, à fuir un monde dont ils ont le dégoût, à chercher
"cilleurs" des sensations inconnues.
Cette dernière forme
est l'expression d'une sensiblité tourmentée qui cherche à
s'évader vers des horizons inconnus.
lU
Le charme de l'orient a toujours attiré les Européens
selon les vers de Baudelaire:
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent.
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours:
Allons!
La séduction de la littérature exotique remplissait les
"assis," les "sédentaires" qui adressèrent leur prière aux
voyageurs :
Etonnants voyageurs! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers!
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires
Ces bijoux merveilleux faits d'astres et d'éthersî
Les écriavains français qui précédèrent Leconte de Lisle
comme Victor Hugo et Mérimée peignaient un Orient plutôt
conventionnel et plein de clichés représentés par trois
traits de l'Orient:
L'ardeur guerrière, la religiosité et
l'amour sensuel et jaloux.
que la terre de soldats.
Hugo a évoqué l'orient en tant
Comme il n'avait pas vu les
paisibles cafés d'Istanbul et de Damas, comment saurait-il
qu'il y a aux bords du Bosphore ou prés de L'Esbekieh au
Caire, de bons musulmans, fort peu guerriers, pour qui la
vie n'a de sens que s'ils passent leur journée à fumer leur
chibouk assis devant un humble café, ou à prier à la mosquée?
Plus qu'à cet Islam guerrier c'est à l'Islam sen-
suel des sérails qu'ils rêvaient comme tous les romantiques.
La harem était le mot magique de cette période.
Il dé-
chaînait l'imagination des écrivains autant que les peintres
dont nous parlerons.
Un poème de Philothée O'Neddy, le
cinquième épisode de Feu et Flamme est caractéristique de
cette mode qui fut illustrée plus tard dans les harems de
15
Leconte de Lisle:
L'émir dans son harem sur le divan repose;
Dans des vasques d'or pur, placide et souriant.
Il regarde fumer des parfums d'orient.
Un vieil ennuque noir, dans sa coupe qui fume.
D'un savoureux moka lui verse l'amertume.
On nourrit le foyer de cèdre et de santal.
Et, sur le dos d^un sphinx, marbre monumental.
Un nain jaune accroupi nonchalamment fredonne. . . .
L'heure est désormais proche où Leconte de Lisle,
aussi précis mais plus coloriste qu'un érudit, décrira le
suaire de Mohammed b en Amer al Ilançour et les harems de
l'Inde musulmane.
19
C'est ainsi que nous arrivons au dernier
courant qui fortifia l'orientalisme de cette période et influença l'amour de l'Orient de Leconte de Lisle autant que
les autres courants exotiques du XIX
C.
siècle.
La Peinture d'insDiration
orientale
au XIXe siècle
La peinture avec ses coulers vibrantes et ses scènes
exotiques était une influence concrète sur les tendances
orientales de ce siècle et en particulier sur Leconte de
Lisle.
Si le romantisme français littéraire n'avait pas avant
Hugo adopté L'Orient, il n'en est pas de même du romantisme
artistique.
Précurseur des romantiques, le peintre Gros
célèbre l'expédition de Napoléon en Egypte par des scènes de
bataille où il montre un souci évident de reproduire fidèle20
ment les paysages et les costumes orientaux.
Le premier tableau qui a marqué le début de L'orientalisme proprement dit dans la peinture du XIX
siècle était
16
la Bataille de Nazareth (I80I, Musée de Nantes) par Gros.
Il
eut un autre grand succès en l8oh avec la seconde peinture
orientale "Bonaparte à Jaffa." (Musée du Louvre).
Il a re-
crée le cadre exotique d'après l'information de première
main, fournie par Denon,
La Bataille d'Aboukir, près
d'Alexandrie, (I806, Versailles) reflète plus de turbulence
dans la mêlée des hommes et des chevaux que la Bataille de
Nazareth.
La Bataille des Pyramides (I8IO, Versailles)
abonde en détails avec des costumes et des types ethniques
qui transmettent l'atmosphère locale de l'Egypte d'une
21
manière révélatrice.
Après Gros, Géricault a peint des Turcs en costume
22
national et un épisode de la guerre d'Egypte.
dessiné et peint des nègres enturbannés.
Il a aussi
A l'heure où
Hugo allait publier ses Orientales Géricault révéla son oeuvre
la plus connue. Le Radeau de la "Méduse" en I819.
Pendant la guerre grecque un nombre de jeunes artistes, surtout Ary Scheffer, Bonington et Decamps font des
tableaux philhellènes où ils essaient de neindre avec exacti-
s»*
tude les scènes de la guerre grecque.
Mais le plus grand nom dans l'orientalisme artistique
est celui de Delacroix, qui s'intéresse en même temps aux
couleurs vives de l'Orient et à l'exactitude des costumes.
Dans ses oeuvres de cette époque du premier quart du XIX
siècle figurent surtout les cavaliers turcs, les odalisques, les soldats grecs et le grand tableau des Massacres
17
•^® ^^^Q (voi^ figure l ) . Ce tabeau était son chef-d'oeuvre
(I82I+, Le Louvre).
Il a été peint sous l'impact immédiat
d'un événement qui a outragé la conscience du monde civilisé
entier en 1822:
la guerre de l'indépendance grecque.
Il a
décrit les atrocités des Turcs sur l'île grecque de Scios en
1822.
Ce tableau a été présenté finalement le 26 Août a
l'ouverture du Salon de l82l+.^
En I82I1 il a demandé à Aline
la Mulâtresse de poser pour lui et en I825 il a représenté
le Comte Palatino en costume oriental.
En I827 il a peint
"La Grèce expirante sur le.g mines de Mis solonp.hi. "
En 1827 on célébra l'inauguration du musée Egyptien
de Charles X.
Delacroix était le plus important et le
meilleur interprète des sujets orientaux du XIX® siècle.
"La
Prise de Constantinople par les Croisés" (18U0, le Louvre)
est un autre tableau très pittoresque et très exotique,
Delacroix aimait appeler le "Massacre de Sardanaple" son
second massacre.
Cette peinture émouvante montre à mer-
veille le sentiment de détachement du despote oriental qui
ordonne le holocauste.
Après cette série de peintures représentant plusieurs
massacres, Delacroix s'intéressa à un nouveau genre qui en
différait à un grand
point.
Invité par l'Ambassadeur
français auprès du Maroc, l'artiste accompagna le Comte de
Mornay dans ce pays arabe.
du Nord en 1832.
Il a passé six mois en Afrique
Il a aussi fait un court séjour à Cadiz
et à Séville en Espagne.
Il a trouvé au Maroc tout le charme
18
I
15
Figure 1--Massacres de Scio
19
oriental, précisément arabe et aussi grec et romain.
vant sa peinture ne sera plus la même.
Doréna-
Son voyage au Maroc
était comme un souffle d'air frais et surtout d'air authentiquement oriental.
chef-d'oeuvre:
Au Salon de l83^ il a montré un autre
"Les Algériennes" (voir figure 2) qui révèle
le monde secret du harem dont nous avons déjà parlé.
En
1939 il a présenté "Un mariage Juif au Maroc" qui est un autre
résultat de sa visite ^ un pays arabe.
qu'il a en effet vu pendant son voyage.
Il peint un mariage
"La Chasse au Lion"
(1861, Institut d'Art à Chicago, voir figure 3) représente
un troisième genre de peinture propre à ce Michel-Ange fran. 27
çais .
En admirant ces tableaux il est facile de nous croire
en plein Orient car ces peintres essayaient d'atteindre autant que possible l'authenticité dans tous les détails de
leurs descriptions.
Ingres qui s'inspirait des miniatures
persanes, se fit de l'Asie une image d'une poésie plus juste^
2
8
ment évocatrice.
Mais le reste de ses peintures était plus
ou moins plus réel.
Baudelaire a remarqué dans sa première
étude d'Ingres en l8ii6 "son amour pour la femme" dont la
stylisation linéaire transforme en erotisme pure (voir figure
k),
Les obsessions erotiques de sa vie ont trouvé une ex-
pression dans son chef-d'oeuvre sensuel et réjouissant:
"Le
Ba-în Turc" (I862, Louvre, voir figure 5) qu'il a fini et signé
à l'âge de 82 ans.
Il a commencé le premier à mettre ses
"Baigneuses" dans des décors exotiques.
Il les a changées
20
Figure 2--Les Algériennes de Delacroix
^x
21
Figure 3 --Chasse au Lion de Delacroix
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22
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23
Figure 5-'-Le Bain Turc de Dominique Ingres
2k
en "Odalisques" qui reflètent les miniatures persanes. Pour
la composition finale du "Bain Turc" Ingres s ' e s t base sur
les descriptions de première main des l e t t r e s de Lady Montagu, la femme de l'ambassadeur anglais à Constantinople.^
Ces "maîtres" dont nous avons parlé n'étaient pas les
seuls orientalistes même s ' i l s étaient les plus connus.
Nous pouvons cité Jules-Robert August qui é t a i t le vrai
créateur de l'orientalisme (1789-I850).
I l avait voyagé
dans presque tout l'Orient: le Levant, l'Albanie, la Syrie,
l'Egypte, la Grèce et le Maroc.
Il en avait rapporté en
1820 une large collection de costumes, d'armes, de bijoux...
dont s ' e s t servi Delacroix pour le fond des Massacres à
Scios. I l a aussi beaucoup admiré ses pastels, ses études
de chevaux et ses scènes orientales dont le Musée d'Orléans
possède la plupart; le Louvre a sa "nude."
Alexandre Gabriel Decamps (1803-I860) é t a i t le représentant de l'orientalisme après I83I.
I l a fait un séjour
en Asie Mineure, principalement à Smyrna en I827.
I l a été
complètement séduit par le charme et l ' é c l a t de l'Orient.
La virtuosité de son art et le jeu des contrastes des lumières et des ombres dans ses tableaux ont ébloui les c r i tiques.
Le Louvre a son tableau historique "La Défaite
de Cimbri" (1833).
Prosper Marilhat (I8II-I8U7) est un autre peintre
orientaliste.
I l é t a i t a t t i r é par la Syrie, la Palestine
et particulièrement par l'Egypte,
Ses toiles ont tellement
25
influencé Théophile Gautier qu'il a voulu aller en Orient
après les avoir vues.
Adrien Dauzats (180^1-1868) était un peintre archéologiste qui a voyagé en Egypte et en Algérie,
Il a peint les
monuments dans leur place naturelle avec grandeur et avec
précision,
Eugène Fromentin (182O-I876) était un autre peintre
qui a été attiré par l'Afrique du Nord après Delacroix.
a visité l'Egypte une fois et l'Algérie trois fois.
Il
Il a
particulièrement peint avec beaucoup de succès le désert
avec des gris des plus subtils,
Alfred Dehodencq (181901882) était un merveilleux
coloriste qui devait beaucoup à Delacroix.
Il a fait un
voyage de peinture enthousiastique en Andalousie en I8U8
avant de découvrir le Maroc en 185^.
Il s'est intéressé
vivement à la vie du pays, à ses coutumes, à ses cérémonies
et à ses types ethniques.
Pa-rmi ses ouvrages célèbres sont
"L'Adieu de Boabdil" (I869, Roubaix) et "Le Maria-e Juif
à Tanger" (I87O, Poitiers).^°
Ainsi nous arrivons à la fin de l'étude de tous
les courants littéraires et artistiques inspirés par l'orient
au XIX® siècle dont l'influence sur Leconte de Lisle est
décisive.
Nous espérons avoir réussi à souligner la parenté,
ce lien intime de l'orientalisme de cette époque, avec les
poèmes d'inspiration orientale de notre poète.
CHAPITRE II
LECONTE DE LISLE, L'HOMME ET SES IDEES
Leconte de Lisle naquit à l'île Bourbon- aujourd'hui
île de la Réunion- le 22 octobre I818.
Ses ancêtres étaient
venus de Normandie et il se plaisait à dire qu'il était le
descendant des farouches Vikings,
C'est peut-être pour cette
raison qu'il jouissait si profondément du charme tropical de
son île.
Son père Charles-Guillaume Jacque Leconte était
chirurgien de profession et il était nommé médecin au corps
de Bavière en I813.
Il eut l'idée d'aller chercher fortune
aux colonies et c'est ainsi qu'il passait à Bourbon en I816.
Il épousa une créole Mlle de Lanux de la société aristocratique de l'île.
Elle venait d'une vieille famille du Languedoc
dont un représentant le marquis de Lanux prit part à une conspiration contre le Régent puis s'échappa à l'île Bourbon en
1720.
La dot de Mlle du Lanux était de ce qui faisait la
2
richesse des colons:
des terres et des esclaves.
A l'âge
de trois ans Lisle vint avec ses parents habiter Nantes.
Il
y restera jusqu'à l'âge de dix ans et il y fera ses premières
études au lycée actuel.
Cependant c'est de son île natale
où il rentra à dix ans, qu'il recevra l'empreinte décisive.
Il aura toute sa vie la nostalgie de son ardent soleil
équatorial, du paysage coloré, verdoyant d'une végétation
merveilleuse.
Ses poèmes sont parsemés de souvenirs et de
visions de Bourbon.
L'influence de la terre natale l'a
26
27
marqué, lui, le poète réputé impassible, plus profondément
qu'aucun autre poète de la littérature française.^
Lisle a reçu une éducation à la Rousseau pour développer en lui la rigueur physique et l'endurance.
Ce père ex-
périmentait sur son jeune fils les théories philosophiques
du XVIII
siècle.
Aucune contrainte n'a influencé ses
études.
Francis Vincent maintient que la rudesse de cette
pédagogie semble bien avoir eu pour résultat d'exaspérer
l'enfant.
Il est possible qu'elle ait déposé en lui le germe
de cet esprit de révolte, d'aigrueur pessimiste qui va être
le fond de sa nature d'homme.
Dès son enfance Leconte de Lisle était éloigné de la
religion.
Il a lu les livres des "philosophes" du XVIII®
siècle et il y a puisé son incroyance militante.
était orthodoxe mais son père ne l'était pas.
Sa mère
Le fait que
son père a été le premier à éveiller en lui la haine de
l'Eglise et à lui inculquer le culte de la Raison est une
question toujours contestable.
A l'âge de 19 ans il a
copié les mots suivants de l'Abbé Raynal:
La raison, dit Confucius, est une émanation de la
divinité; la loi suprême est l'accord de la nature
et de la raison, la religion qui contredit ces
deux principes directeurs de la vie humaine est
un mensonge infâme. Telle est la religion du Christ
dans son état dégénéré.
Ce genre de blasphème outrageant infleunçait Leconte de
Lisle.
Il avait un sentiment révérencieux envers la Christ
malgré cela, mais il lui était impossible de souffrir
28
l'authorité de l'Eglise,
6
Notre poète a connu dans une nature luxuriante un
impérissable amour, celui d'Elixenne de Lanux, qu'il chantera dans Le Manchy.
Il était envoûté par le sortilège de
la nature dont il en gardera le regret nostalgique, avivé
par le souvenir de sa cousine Mlle de Lanux qui est morte à
19 ans.
Elle était son premier amour:
"0 charme de mes
o
premiers rêves!".
Cet amour fut à la fois brûlant et pla-
tonique; cette cousine germaine était la fille d'un frère
de Mme Lisle, qui, au grand scandale des siens avait épousé
i
^
\ 9
une quarteronne (métisse).
Les critiques semblent vouloir
donner l'impression que Lisle, en tant que poète impassible,
n'a jamais connu l'amour en son essence.
Nous savons déjà
qu'il aimait sa cousine; son tempérament créole, l'avait
fait précocement sensible au charme de la femme.
Il s'est
aussi passionné tour à tour pour Anna Bestaudig à son escale
au Cap, pour Caroline et Marie Beamish à Dinan, et pour
Leontine Fay à Rennes.
A l'âge de 19 ans son rêve le plus cher était de retourner en France; il avait confiance en sa valeur.
La
France, pour lui, c'était l'avenir, la réalisation de son
rêve "de gloire et de génie."
poésie:
Il avait déjà écrit de la
Mon premier amour en prose, une nouvelle, et un
cahier intitulé:
Essais poétiques de Ch. Leconte de Lisle.
Mais Leconte de Lisle étant avant tout un François menant
la vie d'un colon, il écrivait ses vers en tenant toujours
29
ses yeux et son cerveau tournés vers la métropole.
"S'il
existe, en ce moment, dit Louis Bertrand, un romancier à
Nouméa, il est trop évident que ce n'est pas à ses coinsulaires qu'il se préoccupe de plaire, mais aux Français
de France.
C'est une revue parisienne qui publiera son roman
et c'est un éditeur parisien qui l'imprimera."
Notre poète revint en France pour faire son Droit en
1837.
Il avait 19 ans.
Il en a vite la nausée, il l'aban-
donne et fait publier ses vers dans Le Foyer et L'Impartial
deux journaux rennais.
Il s'est brouillé avec son oncle de
Dinan et avec ses parents pour qui il était:
un jeune créole, bien élevé, un peu insouciant
et désordonné, sympathique en somme.
Son père lui coupa les vivres.
Ainsi il se jeta corps et
âme dans la littérature à laquelle il prétend désormais
demander tout, même son pain.
raire avec des amis:
Il fonda une revue litté-
La variété.
Après un retour bref à
la foi catholique, il embrassa pour toujours ses idées antireligieuses et révolutionnaires.
Ses premières années
d'initiation littéraire de 18^+0-18^3, furent des années de
misère absolue.
Il était réduit à ne pas pouvoir se faire
la barbe comme il le raconte.
qui contribue à son malheur.
Il s'aigrit contre tout ce
Accablé et ressaisi par le
mal du pays il obtint le pa^^don de sa famille et retourna
à Bourbon.
Au contact des créoles incultes il retomba bien
vite dans l'ennui et le désespoir.
Mais il dit à son ami
Benézit en I8U5 après son retour en France:"
30
Mon séjour à Bourbon ne m'a pas été inutile dans
un sens: J'y ai vécu seul avec mes livres, mon
coeur et ma tête. Ces deux années ont été favorables au développement de ma poésie; ma forme est
plus nette, plus sévère et plus riche que tu ne
l'as connue; à Rennes, je n'avais que des dispositions .
Ainsi Leconte commença à publier des poèmes inspirés
de la mythologie grecque et des poèmes traduisant ses imquiétudes métaphysiques, religieuses et sociales.
Certains
de ces poèmes étaient d'inspiration fouriériste, autrement
dit d'inspiration socialiste.
Il s'installa à Paris et
collabora à la Démocratie pacifique et à la Phalla_n(ye,
revue littéraire à laquelle il réserva ses vers.
C'est de
cette période qu'il s'éloigna de la méthode romantique et
du Romantisme en optant pour la nouvelle doctrine de l'art
désintéressé, de l'art impersonnel et plastique.
Dès que
la Révolution de l8ii8 éclata, il s'y jeta en aidant la
commission de la préparation de l'émancipation des noirs
dans toutes les colonies françaises.
A son initiative la
résolution passa à la consternation des ses parents à Bourbon.
Il fonda un club républicain démocratique à Dinan.
A la suite d'un incident il fut enprisoné pendant quarantehuit heures.
Il fut ris de dégoût du peuple:
"une éternelle
race d'esclaves qui ne peut vivre sant bât et sans joug."
Les politiciens devinrent à ses yeux des politiciens mus
par des appétits, non par un idéal.
12
bêtes et trop ignorants."
Ils sont, dit-il, "trop
31
Il secoua la poussière de ses pieds sur la politique,
et, pour jamais, s'enferma en sa tour d'ivoire, au service
de l'art pur.
Désabusé sur l'efficacité des révolutions,
il se résolut à ne plus s'y mêler.
tout.
Il était poète avant
Il admet que l'artiste a des opinions politiques,
qu' il peut les défendre, mais qu!i1 ne doit pas pour elles
13
déserter son art et avilir son esprit.
Son attitude
d'isolement politique adoptée en l8U8 trahit un abandon
de certaines responsabilités sociales et le refus protestaire
du poète déçu par la révolution.
Cette déception et la nos-
talgie latente du paradis délaissé de Bourbon ont contribué
à préciser et à orienter la recherche culturelle de Lisle,
Si Baudelaire avait des sentiments fâcheux vers les créoles:
Pourquoi les créoles n'apportaient dans les travaux
littéraires, aucune originalité, aucune force de
conception ou d'expression. On dirait des âmes de
femmes, faites uniquement pour contempler et pour
jouir. De la langueur, de la gentillesse donnent
à un poète créole, quelle que soit sa distinction,
un certain air provincial.
Il avait des sentiments différents envers son confrère qui
est à son avis:
"la première et l'unique exception que
l6
J'aie rencontrée."
Louis Cario dit que Lisle, créole de
naissance ne l'était pas de l'esprit.
Pierre Mille main-
tient aussi que Lisle n'est pas différent d'un Français à
17
condition, du reste, qu'il eut du génie.
Mais s'il
ressemblait aux Français par le génie, l'esprit gaulois est
étranger à sa nature.
Il y a un contraste entre la gaîté
des tempéraments Gascons et Celtes et la nature trop
32
sérieuse du poète.
Son manque de sociabilité et sa nature
réservée sont en contraste avec le caractère français.
Il
avait des admirateurs mais très peu d'amis puisqu'il était
très difficile d'être admis dans son sanctuaire.
Il aimait
l'humanité (émancipation des esclaves qui lui a coûté ses
vivres), mais l'instinct grégaire lui manquait.
les cafés et les foules.
à se passer des autres.
point d'amis.
Il évitait
Il aimait vivre avec lui-même,
Il se déclara content de n'avoir
Il en eut pourtant mais ils ne lui étaient
chers qu'à distance.
Il dit lui-même:
Nous sympathisons beaucoup mieux de loin que de
près; je suis emporté de caractère et considérament fatigué des autres hommes. Nous sommes
plutôt faits pour nous entendre de l'âme que de
vive voix.
Mais malgré toutes ces admissions c'est lui qui dit plus
tard :
Mon Dieu!
seul!l9
s'ils savaient bien le malheur d'être
Avant d'aborder les idées maîtresses du poète nous
parlerons des voyages qu'il entreprit de son vivant et qui
ont contribué à son inspiration orientale due au contact
avec les pays qu'il a évoqués dans ses poèmes.
Il est tou-
jours contestable si Leconte de Lisle ait voyagé à Madagascar (qui est adjacente à Bourbon, voir figure 6 ) , à Ceylon
et en Inde avant de s'embarquer le 11 mars 1837 à destination de Nantes.
Les critiques se contredisent les uns les
autres à ce sujet.
Mais ce qui est important c'est son
voyage à Nantes durant lequel il a fait des escales au Cap
33
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Figure 6--La position de l'Ile Bourbon
(La Réunion) par rapport à l'Afrique et l'Inde
3h
de Bonne Espérance dans l'Afrique du Sud.
Il fut émerveillé
par la nature et par l'aspect européen de la ville.
C'est
là qu'il a vu une panthère pour La première fois de sa vie
en visitant M. de Lenoy un de ses amis.
Il y a vu aussi des
chien sauvages dont les aboiements il interpréta plus tard.
Cet animalier admira les babouins, les autruches et les lions
qu'il peindra exactement dans sa galerie zoologique comme la
reine de Java (la panthère).
Sa seconde escale fut à Sainte-
Hélène où il fit un pèlerinage à "la tombe du grand tyran"
Napoléon.
Et la troisième à Saint-Louis du Sénégal où il
visita les dépendances d'une maison qui faisait le commerce
X
20
des animaux féroces.
Après son arrivée à Paris il ne vit
plus de bêtes féroces qu'au Jardin des Plantes.
En Afrique
il ne fut impressionné que par les animaux sauvages, tandis
que ses voyages aux Indes l'ont familiarisé avec les paysages
et les religions de l'Orient, et lui ont fourni un riche
trésor de sensations et d'images. 21 Dans ses voyages de
l'île Bourbon en France, qui duraient trois mois, le poète
en faisant plusieurs escales dans les pays que nous venons
de mentionner, a pu éprouver certaines impressions que
raviveront les traductions de poèmes indiens.
Par sa lecture,
ses voyages et par les jeux de son imagination, il a embrassé du regard les paysages et la faune des cinq parties
22
du monde.
D'autre part certains critiques affirment que
ce paysagiste doué est allé en Inde pour préparer une car23
riére de commerce et non pour admirer la nature,
ce qui
35
n'est pas du tout fondé.
Le sentiment de la nature chez Leconte de Lisle est
caractérisé par ces deux aspects:
la nature aimable, riante,
humanisée, faite à notre mesure et pour notre plaisir, bref
une nature un peu conventionnelle.
Le second est celui
d'une nature majestueuse et magnifique, divine où l'oeil
ne perçoit que le jeu des forces permanentes qui entretiennent la vie du monde.
Le poète avait toujours de la
nostalgie pour son île à cause du manque de soleil en France
où il n'y avait pas à Paris des scènes comparables à celles
qu'il décrit dans son poème intitulé MidiH
2k
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine
Tombé en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu.
En contemplant les paysages de la nature l'homme est pleinement conscient qu'il est perdu dans l'ample sein de la nature.
De plus, il se rend compte tout particulièrement du sentiment
de la vie universelle et de l'idée de la mort omniprésente,
La nature à tout instant enfante des êtres; à tout instant
elle en détruit.
Elle est la matrice toujours féconde, et
la tombe toujours ouverte. Tout ce qu'elle produit est
voué à la mort. 25 Il s'incline devant la loi de la vie que
les êtres ne se renouvellent qu'aux dépens les uns des autres,
que toutes choses naissent, croissent et meurent pour faire
place à d'autres qui subiront le même sort.
Son attitude de-
vant la nature est stoïque; si la nature est insensible et
indifférente, cela n'est pas une raison suffisante pour que
36
nous ne l'admirions pas.
Le poète s'attend à ce que la nature
l'affranchisse de son individualité misérable par la contemplation.
Cette conception typiquement indienne précède les
sentiments des ascètes boudhistes qu'il devait peindre dans
ses poèmes du mêm.e cycle.
L'écoulement du temps est exprimé
dans ces vers extraits des Poèmes trapiiaues ;
Eclair, rêve sinistre, éternité qui ment,
La Vie antique est faite inépuisablement
Du tourbillement sans fin des apparences vaines.
L'idée du passage irrévocable de toutes les choses injecte
dans les replis de son âme d'étranges germes de tristesse
imbue de crainte et d'horreur devant la fuite destructive
de ce monde illusoire:
L'Universelle Mort ressemble au flux marin.
Tranquille ou furieux, n'ayant hâte ni trêve
Qui s'enfle, gronde, roule et va de grève en grève
Et sur les hauts rochers passe, soir et matin.
Le lecteur est souvent impressionné par la résignation du
poète à la mort.
Les vers suivants expriment le refus du
moi sentimental du poète de mourir étant affamé de la vie
individuelle :
Ahî tout
Chants de
Emportant
Qu'est-.ce
cela, jeunesse, amour, joie et pensée.
la mer et des forêts, souffles du ciel.
à plein vol l'espérance insensée,
_>que tout cela qui n'est pas éternel?
Ces sentiments sont liés au dégoût provoqué par la civilisation moderne qui a gâché notre vie:
"Ah!
Laideur au dedant!
Laideur au dehors!"
ont poussé Leconte de Lisle à chercher ailleurs sa consolation.
C'est ainsi que le rêve l'invite à un pèlerinage loin-
tain où les visions consolatrices lui montrent le paradis
37
des peuples anciens, 27'
I l est évident que ce désespoir
n'est qu'un mal du siècle qui a pénétré profondément son
être i n t e l l e c t u e l dont les poèmes seront tissés
d'idées
sublimes•
Déçu par le monde contemporain, i l ne renonça pas au
rêve de bonheur après la Révolution de l8ii8, mais le transmit de l'avenir dans le passé.
I l avait perdu sa foi dans
l'humanité; les radieuses visions d'avenir, de paix, de bonheur universel s'effacèrent
d'un mauvais rêve.
en l u i , en laissant le souvenir
I l transporta ses visions dans le passé
où l'existence é t a i t heureuse.
na son âme nostalgique.
C'est de ce côté q u ' i l tour-
Ses aspirations devinrent d'amers
regrets manifestés clairement dans ses vers.
Même en scru-
tant le passé notre poète s ' e s t rendu compte du fait que la
vérité humaine é t a i t immuable à travers les âges et que la
souffrance humaine é t a i t toujours renouvelée, mais jamais
. ee.
^ 28
apais
Paul Bourget affirme que Leconte de Lisle a atteint
la. synthèse de l ' e s p r i t scientifique qui ramasse dans un
p e t i t nombre de formules d'innonbrables files de phénomènes.
Ces formules expliquent des phénomènes sans les représenter.
Or, cette représentation colorée et vivante des choses est
propre à l ' e s p r i t poétique, dont le point de départ est la
conviction que chaque religion est vraie à son heure.
La
tâche de l ' e s p r i t poétique est d ' i l l u s t r e r cette l o i .
C'est
exactement cela que fait la vision évocatrice des poèmes de
38
Leconte de Lisle,
Ce procédé du poète, c'est la genèse
entière des Poèmes Antiques et des Poèmes Barbares,
Une autre idée primordiale de Leconte de Lisle est
l ' u n i t é des espèces de la nature: i l n'y a qu'une âme
éparse à travers les formes humaines et animales; ainsi les
facultés s p i r i t u e l l e s qui s'agitent en nous ne sont pas distinctes de celles qui frémissent dans les cerveaux rudimentaires des bêtes inférieures, "
En mariant ces deux pouvoirs ,
dissociés (science et poésie) notre poète a créé une nuance facile de beauté spéciale qui l ' a i d a à faire une trans i t i o n de l ' i d é e (science) à l'image (poésie), c'est
juste-
ment ce qui est caractéristique de l'école pa.rnasienne dont
i l est le chef de f i l e .
Aucun groupe depuis la Pléiade,
n'aura été plus complètement que le Parnasse, ce qu'on est
convenu d'appeler une "Ecole,"
En l i t t é r a t u r e , i l n'y a pas
de commencements absolus et rien non plus ne f i n i t
ment.
radicale-
Ainsi le romantisme s'annonce dans le classicisme, de
même que le Parnasse s'ébauche ou prend sa source dans le romantisme c'est pour cela qu'on peut voir dans le Parnasse une
30
efflorescence nouvelle ou l'achèvement du romantisme.
Les
i n i t i a t e u r s et les maîtres du Parnasse ont révélé
l'influence
que les Orientales ont exercé dans leur vie y compris notre
poète pour qui elles étaient une révélation.
un choc inoubliable depuis son adolescence,
I l en a gardé
A l'âge de 68
ans après avoir déclaré la guerre au romantisme et à Hugo,
dans son discours de réception à l'Académie française où i l
39
a fait r e s s o r t i r aigrement sa dissidence avec son prédécesseur, Leconte de Lisle faisait sort à part à ses Orientales
et leur accordait ce bel éloge:
Ces beaux vers, si nouveaux et si éclatants, furent pour toute une génération prochaine une révélation de la vraie Poésie.31
L'histoire de la formation du groupe parnassien, entre I86O
et 1866, se ramène à quelques faits essentiels:
l'histoire
éphémère de trois journaux (La Revue f a n t a i s i s t e , La Revue
du progrès . et l'Art) et l ' h i s t o i r e d'une maison de l i b r a i r i e , la maison Lemerre.
C'est seulement vers l'an I866
que fut publié une anthologie de vers nouveaux intitulée
Le Parnasse qui f a i l l i t
être
nommée Les Impassibles.^^
Un poème typiquement parnassien est une pièce impersonnell e , exotique, doublement et triplement descriptive sans
autre but que la Beauté.
Ce mouvement poétique é t a i t
fu-
rieusement opposé à la poésie essentiellement intimiste
et personnelle et surtout de form.e lâchée.
Musset devint
"la bête noire" des parnassiens comme Racine l ' a v a i t
été
33
pour les Romantiques.
L'idéal du Parnasse é t a i t un art impersonnel dans
lequel le moi est refoulé.
gré tous les efforts
C'était un art impassible.
Mal-
vers l ' i m p a s s i b i l i t é , les Parnassiens
remarquèrent q u ' i l é t a i t impossible d'écrire de la poésie totalement dépourvue
de sentiment.
En effet
ce qu'-
i l s voulaient proscrire de la poésie, ce n ' é t a i t pas
liO
l'émotion mais le sentimentalisme intempérant d'un Musset
ou d'un Lamartine,
Ils ont voulu substituer la sobriété,
la pudeur, l'élégante discrétion au lyrisme personnel.
Leur vrai idéal est exprimé dans le beau vers de Baudelaire:
"Sois sage, Ô ma douleur, et tiens toi plus tranquille."^
Le poème de Lisle intitulé Les Montreurs souligne "fei merveille
l'échec du rejet de l'émotion chez Leconte de Lisle dans son
poème écrit contre le sentimentalisme:
Promène qui voudra son coeur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, o plèbe carnassière! , , ,
Dans mon orgueil muet, dans ma tombe sans gloire
Dussé-je m'engloutir pour l'éternité noire.
Je ne te vendrai pas mon ivresse et mon mal.
Je ne livrerai pas ma vie à tes huées.
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées.35
Ainsi son poème contre la confession qui est une profanation, vibre d'émotion.
Mais cela n'empêche pas qu'il soit
contre l'étalage du moi volontaire comme celui de Lamartine
dans Le Lac,
Les vers suivants de Lisle sont un exemple
d'un lyrisme pure:
Puisque par la blessure ouverte de mon coeur
Tu t'écoutes de même, ô céleste liqueur.
Inexprimable amour qui m'enflammais pour elle!
("Soivenir")36
Sa poésie est caractérisée par certains oublis dans lesquels
des cris, des sanglots et des appels échappent au refoulement de "l'impassible":
0 malheureux! crois en ta muette détresse.
Rien ne refleurira, ton coeur ni ta jeunesse.
kl
Malgré le refoulement de la passion chez Leconte de Lisle,
sa sensibilité est partout discernable,
Néamoins, l'impres-
sion d'ensemble est celle de la sobriété et du calme parnassiens.
Notre poète a voulu maîtriser son coeur, et, dans
une large mesure, il y a réussi:
l'amour et moi, voyez-vous, c'est de l'eau sur
une pierre; elle peut la mouiller, mais elle ne
la pénètre jamais,38
Il est certain que d'une bonne part de l'oeuvre de notre
poète, la personne de l'auteur est absente, ou, elle ne
s'y révèle qu'indirectement.
épique ou dramatique,
C'est la partie purement
Mais le poète nous révèle sa per-
sonnalité par le choix même des sujets qu'il décrit.
Son
amour de la vie était un autre sentiment essentiel à sa
poésie où il se résigna stoïquement mais avec douleur et
désespoir aux lois de la vie,-^^
La seconde exigence esthétique du Parnasse "l'Art
pour l'Art" a été déjà formulé par Hugo au temps des Orientales (1829),
L'Art n'était pas un moyen mais un but.
Il
a pour pour objet le Beau qui est le sommet commun où aboutissent les voies de l'esprit, le poète n'est pas un prêtre ou
un conducteur de peuples, c'est tout simplement un artiste
qui fait de la beauté avec des mots sans souci d'enseigner
quoi que ce soit: c'est un peintre, un sculpteur, un
ciseleur.
Le poème est un bibelot d'art, un bijou sculpte,
colorié pour le seul plaisir des yeux et de le l'imagination.
k2
Le Parnasse exigeait que l'art est "un luxe intellectuel"
réservé à un très petit nombre d'élus.
Il n'est pas fait
pour la multitude dont Leconte de Lisle a horreur.
Il est
même persuadé que le peuple français n'est qu'une:
Race d'orateurs éloquents, d'héroiques soldats,
de pamphlétaires incisifs, soit; mais rien de
plus, 1
L'Art étant un objet de luxe, comme tout objet qui n'a
aucune efficacité sur la masse, c'est sa beauté, non sa
stricte utilité qui en fera sa valeur puisque comme dit
Baudelaire:
"Dès qu'une chose devient utile, elle cesse
d'être belle,**^^
Le troisième dogme du Parnasse est la prééminence
de la forme sur le fond,
La double phobie de la poésie per-
sonnelle et de la poésie utilitaire encouragea le mépris du
fond, des idées, en faveur de la forme.
Cette doctrine sera
atténuée comme les deux premières exigences de l'esthétique
parnassienne.
Les Parnassiens rêvaient d'une langue pure,
ou plus exactement correcte et d'une grammaire impeccable.
Selon leur critère la qualité essentielle d'un poéne réside
en ce que ses vers soient bien faits comme dit Paul Bour^ ^3
get,
Quelle différence existe entre les premiers vers
du poète du poète et ceux qui furent formés par la doctrine
du Parnasse,
Leur syntaxe était incorrecte et leur langue
incertaine; les tours d'un français suranné et le zézaiement
k3
du langage créole s'y mêlaient à des expressions insolites,
empruntes aux po*fetes nouveaux.
Mais la forme de ses
poèmes parnassiens était impeccable.
Elle était aussi classi-
que, fortement architecturée, symétrique, dépourvue de toute
singularité prosodique.
tique.
Elle visait surtout à l'effet plas-
On peut dire que le culte de la forme était pour
Leconte de Lisle la seule croyance qui donnât un intérêt et
V
. U5
^
^
un sens a la vie.
Le trait caractéristique de l'école par-
nassienne était celui d'une poétique fondée sur le travail
interminable.
La perfection et la concision de la forme
étaient pour lui une obssession fanatique, comme la concision elle-même.
C'était une poésie objective, descriptive aux lignes
sculpturales.
Les Parnassiens ont évoqué la nature en-
tière et tous les aspects de l'univers; mais c'est aux êtres
vivants, hommes, bêtes, et plantes que ces poètes furent attirés.
Mais comme la matière s'épuisait ils s'évadèrent
dans le réel lointain, plus prestigieux et plus neuf et c'est
ainsi qu'ils s'acheminèrent vers l'exotisme.
L'histoire et
l'archéologie leur offraient une inspiration attrayante.
Un nouvel aspect du Parnasse fut l'étude des animaux exotiques pour lesquelles le poète appliquait "la loi du dignostic
humain,"
Ce parnassien en tant qu'animalier fut connu pour
sa "galerie zoologique.."
inférieurs."
Pour lui ils étaient "nos frères
La poésie parnassienne a surtout essayé à nous
donner une vue synthétique des civilisations lointaines ou
^
kk
disparues, comme l'illustre la poésie Leconte de Lisle.
I^ans les Poèmes barbares, ce sont les dieux représentatifs
des civilisations qui appairaissent ainsi:
De siècle en siècle éclos, j'ai vu naître des Dieux,
Et j'en ai vu mourir! Les murs, les monts, les plaines.
En versaient par milliers aux visions humaines;
Ils se multipliait dans la flamme et dans l'air,
.„
Les uns armés du glaive et d'autres de l'éclair . . . !
Il y a une philosophie éparse à travers son oeuvre,
philosophie constituée par un mélange de Darwinisme, de
Boudhisme, de Fourrièrisme et qui se résume en ces vers:
Moi, toujours, à jamais, j'écoute, épouvanté
Dans l'ivresse et l'horreur de l'immortalité
Le long rugissement de la vie éternelle.
Il a voulu exprimer uniquement la philosophie des civilisations disparues.
Aussi son oeuvre est-elle une sorte de
film philosophique où les doctrines du passé défilent devant
nos yeux.
Lisle a été influencé par plusieurs personnes.
Louis
Ménard était son plus grand éducateur intellectuel; il lui
a appris le grec et lui l'a initié à toute une philosophie
de la civilisation antique.
Il n'appartenait à aucune re-
ligion mais il se flattait de participer à toutes.
Il
était le dévot de tous les dieux et le fidèle de toutes les
religions quoiqu'il ait préféré le polythéisme hellénique.
Toutes ces idées ne pouvaient manquer d'être transmises
à' Lisle par Ménard qui lui communiquait aussi les idées du
Dr. Creuzer, de Benjamin Constant et de Quinet, ^
Selon
Baudelaire notre poète fut aussi influencé par Théophile
Gautier :
k5
Tous les deux ils aiment l'Orient et le désert;
tous les deux ils inondent leur poésie d'une
lumière passionnée.
L'influence de Renan a poussé sa curiosité vers les religion:
50
anciennes.
Il connut aussi Théodore de Banville, Nous
savons aussi qu'il a subi l'influence de deux grands courants spirituels de son temps:
du courant scientifique ou
scientiste dont Auguste Comte a formulé la doctrine de I83O
à 18^5; et du courant archéologique, fait de curiosité ardente pour les civilisations antiques. 51
Outre du Fouriérisme, ce parnassien fut aussi influencé par Ferdinand de Lanoye qui se spécialisait dans
la littérature de l'Inde ancienne et par Paul de la Flotte
qui fit un voyage d'exploration aux mers du Sud.
aussi le poète symboliste Laprade,'^
né à Cuba en lBk2
fidèle.
Il connut
José-Maria de Heredia
devint son ami et le disciple le plus
Il consacra quelques grandes ensembles aux légendes
mythologiques mais il traita aussi des sujets orientaux
comme son ami et son modèle:
deux cycles célèbres consacrés
à Hannibal et à Antoine et Cléopatre. 53
En 1851 Leconte
de Lisle rencontra Emile Deschamps qui l'encouragea à sortir
du domaine grec.
y
Il a luson livre intitulé Etudes fran-
^
5k
çaises et étrangères.
La pensée Allemande avait aussi influencé notre
poète. L'ouvrage de Schopenhauer intitulé le Monde nui
fut publié en Allemagne en I818, n'arriva en France qu'en
1858.
Son pessimisme fut alors goûté et utilisé par des
k6
poètes comme le n^tre.
Il lui emprunta l'idée que l'homme
est l'instrument passif de la Nature, élément nécessaire de
perpétuité, condamné à l'existence et que l'Inde est de
toutes les civilisations celle qui a le mieux compris
l'unité des êtres, et qui a trouvé le remède à la souffrance:
la suppression de la volonté de vivre, remplacée par la contemplation.
Le poète fait aussi appel à l'amour, au
courage et à la résignation stoïcienne qui sont aussi des
remèdes qui l'aideraient d'aborder courageusement la grande
Ennemie dont seulement le courage nous fait une amie et une
consolatrice:
la mort.
Leconte de Lisle a toujours été pessimiste se plaignant que le contact avec le monde lui était meurtrier.
Il
a aussi senti un froissement personnel du coeur à cause de
la disproportion douleureuse entre son génie et sa destinée.
La misère que ce poète a endurée à la fin de sa vie devait
lui être atroce parce qu'il avait toujours
et de génie."
rêve de gloire
Pendant plusieurs années de son âge mûr
il- végéta dans une véritable misère qui le força, lui,
1'antibonapartiste acharné, à accepter de Napoléon une gratification de 300 francs par mois.
Cette humiliation fut
la plus grande douleur de sa vie.
Mais elle fut peut-être
atténuée quand le poète fut présenté trois fois à
l'Académie Française en 1873, I877 et en I886.
C'est en
1895 que Leconte de Lisle a décédé dans la sérénité mais
sans avoir retrouvé la foi perdue dans sa jeunesse.
kl
Nous espérons que cette étude de l'homme et de ses
idées nous aidera à mieux comprendre et goûter la complexité de la poésie de Leconte de Lisle impeccablement parnassienne .
i
ti
CHAPITRE III
ETUDE DES POEMES D'INSPIRATION ORIENTALE
Les sources des pojèmes indiens
La rêvé lation de L'Inde fut d'un effet considèrable au XIX
siècle.
Elle renouvela la goût de l'exotisme
alliimé par le succès des Orientales.
Elle donna plusieurs
de ses conceptions à la philosophie du XIX^ siècle.
Les
études indiennes avaient déjà commencé en France dés le
XVIII
siècle mais il est impossible de comparer les livres
d'un Anquetil-Duperron à ceux d'un Burnouf.
Sous la Res-
tauration, les études orientales se développèrent soudain
avec vigueur.
Ce mouvement est marqué par la fondation de
la Société Asiatique à Paris en l822.
Il commença à at-
teindre le public après quelques années quand les revues
et les journaux s'y intéressèrent après I83O,
L'Hi stoire
Générale de l'Inde Ancienne et_ Moj^exjie. par M, de Mariés
apparut à Paris en I828.
Un grand nombre des poèmes de
Lisle en furent tirés.
Dès l8i;0 la traduction des épopées indiennes se
répandit surtout avec l'avènement des études d'histoire
littéraire.
Grâce à ces traductions et à ses études la
France connut au milieu du 19
siècle la poésie épique,
la poésie lyrique et les doctrines religieuses de l'Inde,
Martino et Vianey citent tour à tour les traductions des
livres suivants par des érudits français.
1^8
On traduit
k9
d'abord les merveilleuses
èpopéesU
Le Mahabharata:
traduction fragmentaire de
de
et de
traduction complète
de
Pavie,
l8UU
Sadous, I858
Foucaux, I862
Fauche, I863-I87O
Le Bhâgavatâ-Purâna;
Le Ramayana:
traduction complète de Burnouf, I8I+O181+7
traductions partielles
de Burnouf,
LoiseleurDeslonchamps
et Parisot, 1853
traduction complète
de Fauche, 185^-1858
Le Bhâgavatâ-Gita :
Le Rig-Vèda:
traduction complète de Burnouf,
traduction complète
I86I
de Langlois, I8U91851
Les Poésies Populaires du Sud de l'Inde traduites par E.
Lamairesse en I867.
A part ces livres purement indiens mais de traduction
française, il y avait aussi des livres d'histoire littéraire:
Les Littératures de L'Inde de Victor Henry,
Joseph
Vianey ne cite pas la date de la publication de ce livre.
Un autre ouvrage initiant les Français au Budhisne parut
en 18^5:
Introduction à 1'Histoire_ du Boudhisme de Burnouf.
Tous les livres mentionnés dans cette introduction,
qui ont servi de source à plusieurs poèmes de Leconte de
Lisle, seront étudiés à fond dans ce chapitre.
Tous les ouvrages qui traitent Leconte de Lisle et
sa poésie ont critiqué son oeuvre sous tous les aspects
possibles mais il faut ajouter immédiatement qu'il y a des
lacunes énormes dans l'étude des sources et des documents
du poète.
Nous ne pouvons pas nier le fait que plusieurs
50
critiques ont parlé en général des études orientales et
des traductions q u ' i l s supposent que Leconte de Lisle ait
lues.
Mais Joseph Vianey est le premier et jusqu'à nos
Jours le seul critique qui se soit intéressé à consacrer
tout un livre à l'étude des documents de première main que
ce poète-historien a consultés pour y puiser la source de
son érudition et de sa dissertation qui est inceontestablement érudite.
Plus la poésie de ce poète est exotique dans ses suJ e t s , plus i l veut que par la clarté du plan elle soit profondément française.
I l a plus d'une façon d ' u t i l i s e r ses
sources: i l traduit plus ou moins librement (La Joie de
Siva), i l arrange l ' h i s t o i r e
racontée par son modèle
(L'Epée d'Agantyr), i l procède par contaminato (Prière Védique , La Vision de Brahma), d'après cette histoire i l en
invente une nouvelle (Néférou°Râ), tantôt i l imagine une
histoire composée de plusieurs pièces pour faire valoir les
documents puisés dans un ouvrage érudit (Le Dernier des
Maourys).
I l n'hésite pas à prendre de grandes libertés
avec les histoires purement légendaires, q u ' i l ne considère
pas avec raison comme intangibles.
I l prend parfois des l i -
bertés assez audacieuses avec les récits historiques: par
exemple i l termine l'aventure de Mouça-al-Kébyr par une
apothéose dont aucun annaliste arabe n'a Jamais parlé.
change l ' h i s t o i r e de Nurmahal,
Il
Ces modifications sont causés
par son désir de peindre des types au lieu des
individus.
51
une race, une époque, un milieu à la manière des classiques.
Nous pouvons ajouter une autre division contenant
certains de ses poèmes:
l'adoration des forces élémen-
taires (Sûryâ, Prière Védique), la conception panthéiste
de l'Univers
(Bhagavat), les religions de la nature qui
sont atteintes par le moyen de l'ascétisme, par la mortification et l'extase qui mènent à l'infini et libèrent des
o
passions terrestres (La Mort de Valmjj^i) ,
Etude
des Poèmes Indiens
3
La Mort de Valmiki
La Mort de Valmiki est un des poèmes les plus
nobles de Leconte de Lisle, Vianey a mis en lumière comment ce poèmeaété formé.
Il est basé sur un épisode assez
intéressant du début du Maha-Bharata, l'une des deux
épopées célèbres de la littérature indienne.
était le fils du grand saint Brigou.
pénitence au bord d'un lac.
un même endroit sans bouger.
Tchyavana
Il cultivait la
Il se tint longtemps dans
Ce rishi (en hindou:
de grande sainteté), devint une fourmilière.
homme
Il ressem-
blait à une boule de terre et ainsi il souffrait une
épouvantable pénitence.
Le reste de l'histoire est de
grand intérêt mais ce qui nous importe ici c'est le récit
d'où Lisle a puisé la source de ce poème.
Ce qui a surtout
attiré l'attention du poète c'est le fait que l'anachorète
était si absorbé dans sa concentration qu'il est devenu
52
devenu une fourmilière sans s'en apercevoir.
Lisle cher-
chait un autre personnage que Tchyavana pour le héros d'une
aventure aussi peu banale,
fut son choix.
Valmiki, l'auteur du Ramayana
Il a pris cette liberté parce qu'il a
senti que rien de précis n'était connu même de l'époque
approximative de la vie de Valmiki,
Au XVIII^ siècle on
reculait la date de la composition du Ramayana au XV
siècle avant notre ère.
rises du XX
Les indianistes les plus auto-
maintiennent qu'elle fut achevée au II
siècle avant notre ère.
Ils ne sont même pas sûrs que
Valmiki en soit le seul auteur.
forment les deux tiers du poème.
Les interpolations
Du poète
lui-même nous
savons vaguement qu'il était un sage anachorète au temps
de Rama,
daire.
Son histoire était considérée presque légenLisle s'est permis de développer cette histoire,
Vianey compare la première partie du poème de
Lisle à Moïse de Vigny,
Le prophète s'est dirigé au som-
met de la montagne pour se plaindre à Dieu, Valmiki a
gravi le Himavat pour contempler la vie de l'Inde pour une
dernière fois:
les fleuves, les cités, les lacs, les bois:
Mais, sans plus retourner ni l'esprit ni la tête.
Il ne s'est arrêté qu'où le monde s'arrête.
Il contemple, immobile, une dernière fois,
les fleuves, les cit^s et les lacs, et les bois.
Les monts, pilliers du ciel, et L'Océan sonore,
Valmiki âgé de cent ans, fatigué de la vie, songe au repos
éternel de la mort:
Médite le silence et songe au long repos,
à l'ineffable paix où s'anéantit l'âme,
53
Au terme du désir, du regret et du blâme,
Au sublime sommeil sans rêve et sans moment.
Sur qui l'Oubli divin plane éternellement.
Le temps coule, la vie est pleine, l'oeuvre est faite.
En admirant la beauté du monde reflétée dans un brin
d'herbe, un oiseau et même dans un radjah (prince en hind o u ) , l'âme de Valmiki plonge dans cette gloire et la
"vision des jours anciens" fait défiler devant nous les
héros du poète:
Le grand Dacarathide et la Mytiléenne,
Les sages et les guerriers, les vierges et les Dieux
Et le déroulement des siècles radieux
C'est de son Ramayana dont il se souvient, autrement dit
c'est l'Inde entière qu'il se rappelle, car le Ramay^ana
n'est qu'une oeuvre dans laquelle revit toute l'Inde ancienne.
C'est dans son émerveillement qu'il est rongé
sans merci par les fourmis qu'il admirait depuis un
moment :
Et de ce corps vivant font un roide squelette
Planté sur l'Himavat comme un Dieu sur l'autel.
Et qui fut Valmiki, le poète immortel,
Lisle prédit l'immortalité de Valmiki:
Dont l'âme harmonieurse emplit l'ombre où nous sommes
Et ne se taira plus sur les lèvres des hommes.
Comme l'esprit de Valmiki vit dans le Ramayana, l'esprit
de Lisle vit dans La Mort de Valmiki,
k
L'Arc de Civa
Ce poème est est tiré de la première partie du
Ramayana qui est un "large chant d'amour, de bonté, de
vertu" comme nous le dit son auteur Valmiki dans le poème
^k
précédent.
Vianey raconte avec tous les détails pr'écis,
l'histoire qui est à la source de ce poème.
Le roi Daçaratha ayant trois fils, choisit l'ainé.
Rama, le plus beau, le plus vaillant et le plus sage pour
lui succéder.
Avant la cérémonie une des ses femmes les
plus aimées l'a fait jurer de satisfaire tous ses caprices.
L'amour avait rendu le roi aveugle aux complots de sa favorite, dont le désir était que son fils Bharata reçoive
l'onction royale et que Rama soit exilé dans les bois pendant qutorze ans,
La parole donnéêtant sacrée, le pauvre
père supplia Kékéya mais en vain; Rama obéit instantanément à son père.
Sa femme Sita insista à l'accompagner
malgré ses avertissements quand il lui décrivait la difficulté de la vie dans la forêt.
Leur mariage avait été
raconté dans un chapitre au début du Ramayana.
Rama avait
aidé un anachorète, Vicvamitra, en tuant les démons qui
troublaient ses sacrifices dans la forêt.
Comme récom-
pense Rama devint d'une force miraculeuse.
Vicvamitra le
conduisit chez le roi de Mithila qui avait hérité l'arc du
dieu Civa.
Ce roi avait promis de marier sa fille Sita
qui était née d'un sillon ouvert par le roi dans la terre,
à celui qui soulèverait l'arc.
par huit cents hommes.
On apporta l'arc poussé
Non seulement Rama l'a-t-il
soulevé, mais il l'a aussi tiré.
Le mariage de Rama et
de Sita eut lieu après cet événement.
frère Laksmana se rendirent à la forêt.
Sita, Rama et son
Le père épouvanté
55
meurt après le départ de Rama,
Bharata le succéda etétant
honnête il chercha Rama et essaya de lui rendre le trône.
Celui-ci refusa alors, Bharata retourna et déposa les sandales de Rama sur le trône et gouverna au nom de son frère
pendant quatorze ans au désespoir de sa mère, la favorite
Kékéya.
Leconte de Lisle mania les faits de cette histoire
à sa manière.
Il commença le poème avec le chagrin du roi
sans nous dire les circonstances de l'exil de Rama:
Le vieux Daçaratha, sur son siège d'érable.
Depuis trois jours entiers, depuis trois longues nuits.
Courbe sa tête vénérable . . .
en disant:
Je meurs de chagrin consumé.
Il ordonne à son second fils Lakcmana de chercher son
frère.
En vérité Lakcmana partageait l'exil de Rama et le
père était mort après le départ de son fils qu'il ne devait plus revoir.
C'est Bharata qui cherchait Rama et non
Laksmana qui dans le poème français demande de son frère
partout :
Avez-vous vu Rama, laboureurs rudes?
Et vous, filles du fleuve aux ilôts de limon?
Ils lui repondirent:
Non! nous étions courbés sur le sol nourricier.
Non! nous lavions nos corps dans l'eau qui rend plus
belles.
Cet épisode n'a pas de source dans le Ramayana,
Laksmana
est sur le point d'être dévoré par un Rakcas (démon en
56
hindou) quand le sauve Rama avec sa flèche "aux trois pointes
acerbes":
Et le Rakças rejette en mordant le sol rude.
Sa vie immonde avec son sang.
Ces vers font allusion au récit antérieur au mariage de Rama
et de Sita dans lequel il tua les démons qui infestaient la
forêt de l'anachorète que Rama:
Le purificateur des forêts ascétiques
a aide en les tuant.
qu'il retourne.
Laksmana lui dit que leur père veut
C'était Bharata qui voulait que Rama re-
vienne au trône,
Lisle a éliminé Bharata dans son poème.
Rama accepta et en retournant ils traversèrent le royaum.e
du roi de Mythila:
Ils arrivent devant la grande Mytila,
. . . aux cents pagodes crénelées,
où le roi dit à Rama:
Ma fille est le trésor par les Dieux destiné
. . . à qui ploira l'arme splendide.
Il parlait de "l'arc immense d'or que Civa lui a donné,"
Ayant la force des dieux. Rama l'armé, cassa l'arc de Civa:
Et l'arc ploie et se brise avec un bruit terrible.
Le héros est dûment récompensé:
Sois mon fils.
Et l'époux immortel de Sita,
En effet Rama avait épousé Sita mais avant son exil et non
à sa fin,
Lisle a résumé la première partie de l'immense
épopée indienne qui contenait des milliers de vers:
l'exil
de Rama, le chagrin de son père, la mort des Rakças, le
57
brisement de l'arc et le mariage de Rama avec Sita dans ce
poème de trente stances.
Il est évident que ce résumé, quoique génialement
conçu, est marqué par les modifications exagérées.
Dans
l'histoire originalle Rama ne retourne à son royaume qu'à
la fin des quatorze années de l'exil qu'il a passées avec
sa femme et son frère Lakcmana, et c'est à son demi-frère
Bharata qu'il retourne et non à son père, puisque ce dernier était mort juste après le départ de Rama,
Chez Lisle
le père rappelle son fils après trois jours et le revoit
à leur suite, glorieux et marié avec Sita,
chronologie de Valmiki est changée.
Ainsi la
Mais il nous semble
?;
S
que les modifications de ce sujet du Ramayana n'importent
pas au lecteur qui ne connaît pas de première main l'épopée
indienne.
D'autre part pour l'élite qui s'y connaît elles
représentent une audacité littéraire qui n'a point diminué
la beauté de la poésie de notre poète.
Çunacepa
Ce poème est postérieur à l'Arc de Civa.
sait pas partie du premier recueil de Lisle,
Il ne fai-
Vianey ex-
plique l'épisode assez sec du premier volume du Ramayana
qui a inspiré le poème.
Sur le point de sacrifier un homme en l'honneur des
Dieux, le saint roi Ambarisha voit le dieu Indra venir au
secours de la victime.
Le roi est consterné parce qu'il
sait que les dieux frappent la personne qui ne sait pas
C
58
garder le sacrifice.
autre victime.
Il doit le continuer ou chercher une
Il court affolé, de village en village
sans trouver de victime.
Finalement il vit un pauvre brahme
appelé Ritchika qui avait beaucoup d'enfants.
Il lui de-
mande de lui donner un de ses fils et il le récompenserait
de cent mille vaches.
Le brahme dit qu'il ne pouvait pas
se séparer de son fils aine.
Sa femme ajouta qu'il lui
était impossible de vendre le plus jeune.
Le cadet, nommé
Çunacépa, grièvement blessé du manque d'affection de la
part de ses parents, s'offrit volontairement au roi qui
récompensa le père.
Ils s'arrêtèrent pendant le trajet
près du bois Poushkara,
non loin de l'ermitage de l'illus-
tre anachorète Vicvamitra auquel Çunacépa demanda l'aide.
Ayant échoué d'obtenir le consentement d'un de ses propres
fils de se sacrifier à la place du Jeune homme, il maudit ses fils.
Il dit à Çunacépa une prière secrète qu'il
devait réciter avant le début de la consécration et le
dieu Indra le délivrerait.
En effet c'est ce qui arriva
et au bonheur du roi Ambarisha, Indra lui accorda la justice,
la gloire et la plus haute fortune qui étaient le but du
sacrifice.
Telle est l'histoire de Çunacépa comme elle parait
dans le premier tome du Ramayana dans les chapitres qui sont
sensés être une interpolation,
Leconte de Lisle a choisi
cette légende épisodique, il en a changé plusieurs détails, mais il a gardé son esprit, ses ressorts, ses
59
éléments d'intérêt.
Il a ajouté un élément important au
sujet qui était autrement très sèchement présenté:
L'amour
pour donner une autre dimension au désespoir de Çunacépa.
Mais à part l'amour, l'âme du poème réside dans le respect
de la parole donnée.
Çunacépa aimait sa fiancée Çanta d'un amour passioné:
La vierge naïve aux beaux yeux de gazelle
Parle de loin au cour qui s'élance vers elle.
C'est dans le même poème que le jeune homme n'est pas le
favori de ses parents:
Bien que le moins aimé, c'est le plus beau des
trois.
Le roi Ambarisha devint chez le poète français:
Le vieux Maharadjah, roi des hommes.
L'histoire continue sans aucune modification jusqu'au
moment où Lisle change le but du sacrifice du roi.
Au
lieu de la gloire et de la fortune, le Maharadjah demande de l'eau pour son pays:
Car Indra, que mes pleurs amers n'ont point touché.
Refusera l'eau vive au monde desséche.
Et nous verrons languir sous les feux de sa haine
Sur les sillons taris toute la race humaine.
Il promit au brahme une récompence de "cent mille vaches
grasses."
Mais à sa demande le brahme, sa femme et la
cadet répondirent selon le texte indien:
Le père.
"Entre tous les vivants dont le monde fourmille.
Vaines formes d'un jour, mon premier-né m'est
cher."
60
la mère:
Le cadet:
"J'aime mon dernier fils avec trop de tendresse."
"Je vois que le jour est venu de mourir.
Mon père n'abondonne et ma mère m'oublie."
Ici Lisle effectua une grande modification en faisant le
héros demander au roi:
Fermez Maharadjah, que tout un jour encor
Je vive . . .
Çunacépa, inconsolable, chercha refuge au sein de la nature où Çanta le rejoignit.
Le récit pathétique des
pleurs du jeune homme et de sa fiancée est digne de la
plus belle poésie lyrique mérite le titre:
le poème de
l'amour et de la passion, comme l'appelle Rose VJollstein:
0 Çanta, coupe pure où ses lèvres fidèles
Buvaient le flot sacré des larmes immortelles,
C'était toi qu'il pleurait, toi, son unique bien,
JS
»*
<ti
i
En arrivant la jeune fille lui dit:
Depuis hier j'ai compté mille jours!
L'antilope aux jarrets légers courait moins vite,
Parle, pourquoi pleurer? Souviens toi que je t'aime,
Plus que mon père et plus que ma mère elle-même,
Çunacépa, tout chagriné, lui répondit:
Mon père vénéré, heureux soit-il sans cesse!
Au couteau du Brhmane a vendu ma jeunesse:
Je tiendrai sa parole,
Çanta essaya de le convaincre de fuir avec elle mais tous
ses efforts furent vains.
Comme tout Oriental noble le
ferait il lui résista en disant:
Non, non! mieux vaut mourir. J'ai promis, je tiendrai.
Aimons-nous! L'heure vole et ne revient jamais.
A cet instant propice un grand Oiseau, repliant ses ailes
sur un palm.ier, vint dire aux amants que c'est lui qui a
"S
j
9
!
61
vaincu les démons enleveurs de Sita, femme de Rama:
Enfants, je suis l'antique Roi
Des vautours. J'ai pitié de vous; écoutez-moi
C'est aux oreilles attentives de Çunacépa et de Çanta qu'il
murmura:
Cherchez dans la forêt Vicvamitra l'ascète.
Dont les austérités terribles font un Dieu.
Cette intervention du grand Oiseau qui ne fait pas partie
du texte original a pour but de rappeler le merveilleux
du Ramayana, où la vie des animaux est continuellement
mêlée à celle des héros.
Mais ce qui importe ici, c'est
un anachronisme.
Lisle n'a pas respecté la chronologie
du texte indien.
En situant l'enlèvement de Diva par les
Jj
S
démons avec la consécration de Çunacépa, le poète a
changé l'ordre historique des faits.
Mais en changeant
le nom du roi, il a évité la confusion,
Les amants se rendirent chez l'ascète.
|
Cependant
Lisle supprime la demande de cet anachorète adressée à
un de ses fils de se sacrifier,
A la place de cet épi-
sode Lisle fait une addition qui néamoins fait partie de
l'esprit de l'épopée.
ç
L'ascète, dont les yeux n'avaient
Jamais été fermés par le sommeil essaye de convaincre le
Jeune héros de délaisser le monde d'ici-bas pour entrer
dans le néant, et se plonqer dans la mort:
Tu va sortir, sacré par l'expiation.
Du monde obscur des sens et de la passion.
Et le monde illusoire aux formes innombrables
S'écroulera sous toi comme un monceau de sables.
;
62
Il est finalement persuadé et il aide Çunacépa quand
Çanta intercède en sa faveur, surtout parce qu'il se
rappelle sa jeunesse:
J'entends chanter l'oiseau de mes jeunes années.
Au bonheur des amants il leur donna la formule qui
sauvera Çunacépa.
sacré d'Indra.
Il doit réciter sept fois l'hymne
Mais l'ascète ne se lassa pas de
répéter son premier conseil en rappellant au jeune
homme :
Si tu veux souffrir encore, tu vivras!
Si l'entrevu entre l'anchorète et Çunacépa n'était pas
si long dans le R^amayana, Leconte de Lisle ne l'a pas
inventé.
Il est fondé sans doute sur un des plusieurs
récits de l'épopée où des ascètes prêchent leur doctrine dont l'essence est de "se plonger dans l'Essence
première" comme le conseille Vicvamitra.
Contrairement
à son habitude dans les poèmes d'inspiration indienne,
Leconte de Lisle ajoute des détails au lieu au lieu
d'en supprimer rien que pour la brièveté.
Vendu
punacjpa
était décrit trop sèchement dans le Ramayana.
En s'inspirant d'autres textes richement décrits,
notre poète ajouta de la couleur locale authentique
à ce poème, i.e. le trône de Rama est décrit dans ces
vers :
Le siège est d'or massif, et d'or et le pavillon.
Et le sacrifice est évoqué de la façon suivante :
fi
63
Le Brahmane qui doit égorger la victime.
Murmure du Sama la formule sublime.
Et les prêtres courbés à leur tour
Cent prières du Rig cent vers de l'Yadjour.
Le reste du poème est fidèle à sa source,
La terminologie indienne est plus qu'érudite, surtout dans les descriptions de la nature qui sont beaucoup
plus longues que dans le texte indien.
Elles sont tout de
même basées sur les descriptions du Ramayana.
Il ne s'y
agit pas seulement des moments de l'existence qui sont
éternisés, mais aussi de tous les éléments de la nature
opulente.
Le lecteur se sent transporté au sein de la na-
ture exotique pour jouir de ses délices.
Ainsi il peut
apprécier le bonheur de Çunacépa et de Çanta quand le
cauchemar du sacrifice est terminé:
Çunacépa sentait en un rêve enchanté,
Déborder le torrent de sa félicité.'
Et rien n'importait durant cette heure sainte
OÙ le temps n'a plus d'aile, où la vie est un jour.
Le silence divin et les pleurs de l'amour.
?
e
Sûryâ, Hymne Védique
iHh
Vianey explique concisément ce qu'est la poésie
védique.
Il base son explication sur "Les Littératures de
1'Inde" par M. Victor Henry.
Le mot Véda, qui signifie
science, désigne quatre recueils poétiques, composés pour
les besoins liturgique^ ayant un caractère vraiment littéraire.
Le plus remarquable des quatre est le Rig-Véùa,
ou livre des Hymnes qui est connu aux Français grâce à la
traduction de M. Langlois en l8U8, maigres les difficultés
6k
du sanscrit du Rig-Véda qui est le plus ancien des quatre
livres et qui est antérieur à l'an 1200 avant Jésus-Christ.
Le manque absolu de documents caractérise ce livre indien.
Ce recueil est consacré à l'honneur
des dieux,
Agni, le
feu, Indra le dieu solaire et le dieu de l'orage; Soma, le
suc de la plante soma et le dieu de la lune au croissant
clair.
Varouna, le seul dieu moral du panthéon verdique,
miséricordieuse qui pardonne et venge l'innocence opprimée.
Il est le père de Mitra, qui est le ciel diurne, et tous
les deux ont pour oeil commun Sûryâ,
Le livre cite une
centaine de dieux comme Vayou, le vent; Yama, le dieu de
;«
la mort.
Parmi les mille cents dix-sept hymnes du Rig-
Véda, quelques un qui sont adressés à Sûryâ,
Mais le livre
ij
^
même est un hymne au soleil, Sûryâ, car les phénomènes
8
solaires ont fourni les principaux éléments du poly-
'
théisme védique.
'
Sûryâ est ainsi un hymne pré-védique
qui représente cette religion avant sa floraison,
Lisle
a essayé de nous expliquer la naissance de ce dieu et
pourquoi il a été adoré aux pieds de l'Himalaya,
Le Sûryâ de Leconte de Lisle est un résumé de la
glorification du soleil nous rappellant les hymnes des
anciens Egyptiens qui vénéraient le soleil:
le grand
Dieu solaire Râ représenté sous les traits d'un homme qui
porte sur la tête un disque solaire.
caractérise cet hymne de la vie.
La couleur védique
Lisle a puisé les noms
du roi soleil et ses synonymes des hymnes à Varouna, à
65
Savitri, à Sûryâ et à l'Aurore:
Tu montes, 0 guerrier, par bonds victorieux;
Tu roules comme un fleuve, 5 Roi, source de L'Etre
Roi du monde, entends-nous, et protège à jamais
Les hommes à sang pur . . .
^
• ., V
Les epithetes:
guerrier. Roi du monde et source de
l,Etre sont inspirés par les hymnes indiens.
L'accumula-
tion dans ce poème de plusieurs traits brillants qui sont
dispersés dans le Rig-Véda, lui donne une beauté d'autant
plus magnifique qu'elle est authentique.
Le talent du
poète est augmenté par lé fait qu'il a rendu son poème
plus touchant que l'original.
Cependant il n'a pas
faussé les sources en rassemblant en un seul poème un
grand nombre des traits descriptifs de Sûryâ qui est le
i^
fi
dieu du soleil ou de la vie.
5
Prière Védique pour les Morts 7
Le second poème du recueil des poèiies antiques est
l'hymne pour les morts.
Il est logique que Leconte de
Lisle fait suivre le poème de la vie par un poème de la
mort.
Ce genre de poème était fort rare dans le Rig-Véda,
mais cela ne diminue pas son importance.
Lisle identifie
Agnie, dieu de la mort, avec le dieu du soleil en l'appelant:
Roi des Etres, cavalier flamboyant,
La composition de cette prière diffère de celle de Sûryâ,
Lisle a combiné des partie^ de trois hymnes funèbres du
Rig-Véda,
A la fin d'un hymne à Mrityou, le poète védi-
que demande à la terre en un long mais touchant passage
66
d'être douce comme une mère qui couvre son enfant, avec les
restes qui lui sont confiés.
Lisle a résumé ces quatres
strophes en quatre vers:
Ouvre sa tombe heureuse et qu'il s'endorme en elle,
0 terre du repos, douce aux hommes pieux!
Revêts-le de silence, 0 Terre maternelle.
Et mets le long baiser de l'ombre sur ses yeux.
Les trois strophes qui suivent sont extraites du début d'un
hymne à Agni le dieu des morts.
Le poète indien demande
au dieu de ne pas consumer l'ancien corps du mort devrait
retourner à la nature, et de protéger l'âme immortelle
envolvèe, en lui fournissant un nouveau corps.
Selon les
critiques littéraires cette source indienne était déjà
difficile à comprendre mais ils furent déçus par Leconte
de Lisle qui, à leur avis, au lieu de faciliter la compréhension des sources il les a obscurcies par des interpellations croissantes:
à la terre, à Yama, dieu de la mort,
au mort lui-même sans jamais en avertir le lecteur.
Il dit
à la libation:
0 libation sainte, arrose sa poussière.
et à l'âme:
Toi, Portion vivante, en un corps de lum^ière.
La troisième partie de cette prière védique a été
emprunté par Lisle à un hymne aux Pitris.
mânes des ancêtres?
Sont-ils les
Ou comme le croit Langlois, traducteur
du texte, les pères des sacrifices, en d'autres termes les
inventeurs des rites, soit les rites personnifiés, Vianey
ai
67
hésité entre les deux solutions.
Notre poète a été im-
pressionné par les voeux ardents d'une longue vie formes
par un vivant qui assistait à la commémoration du mort.
Le poète français a résumé cet hymne:
Tes deux chiens qui jamais n'ont connu le sommeil
Dont les larges naseaux suivent le pied des races
Puissent-ils, Yama! jusqu'au dernier réveil.
Nous laisser voir longtemps la beauté du soleil.
Leconte de Lisle est hanté par la peur de la mort, symbolisée dans la description des chiens d'Yama, que notre
poète a condensé en un refrain de sept couplets dont nous
ne citons que deux:
Que le berger divin chasse les chiens robustes
Qui rodent en hurlant sur la piste des justes!
|;|
'31
Berger du monde, aveugle avec tes mains brûlantes
Des deux chiens d'Yama les prunelles sa,nglantes.
"^
Jj
«
Ces variantes d'une phrase ont attiré l'attention du poète
||
a
i
dans l'hymne à Indra du Rig-Vèda.
Bien qu'il soit confus
à cause des apostrophes abondantes, ce poème a tout de
même un certain charme qui adoucit l'écho macabre des refrains des chiens d'Yama,
Leconte de Lisle termine le
poème en intercédant auprès du "Berger Divin" pour qu'il
donne le don d'une longue vie aux humbles vivants,
La Vision de Brahma
8
Le Bhâgavatâ-Purâna d'où est extrait ce poème est
séparé du Rig-Véda par de longs siècles qui ont été caractérisés par des changements dans la pensée des Hindous.
Les Dieux du Rig-Vèda ont été unifiés en un, Prajapati, le
maître des créatures.
Il est un être préexistant à tous
î
68
les dieux.
Une des plus importantes écoles philosophiques
qui se sont formées. Le Védanta, a prêché un nihilisme
panthéiste dans lequel Prajapati devient Brahma qui est
Tout:
le seul être existant.
Vers le VI
siècle avant Jésus-Christ, un philosophe
nommé le Budha, (en hindouN
L'Inspiré) a fondé une religion
nouvelle sans rites et sans dieux.
Elle s'intéresse exclu-
sivement à la souffrance humaine et à ses remèdes efficaces.
Elle enseignait que la source du mal était l'ignorance et
que l'erreur fondamentale était représentée par l'ègotisme.
Par conséquent, l'homme devrait s'oublier pour connaître
la plénitude de la joie totale.
Cette religion a coexisté
pendant dix siècles avec le Boudhisme,
Plus tard, elle a
à
disparu de L'Inde pour conquérir le Chine en laissant
L'Inde brahmaniste, jusqu'à nos jours.
Le néo-brahmanisme
qui est la religion de l'Inde depuis le moyen-âge représente la fameuse Trinité:
Brahma, Visnou, Civa,
dire Brahma est le dieu des théologiens.
A vrai
Le peuple ne
connaît que son som et n'adore que Civa ou Visnoy, dieux
d'origine populaires et non créations de la pensée philosophique.
Civa, continue Vianey, est le dieu propice à qui les
Indiens sont reconnaissants car ils vivent grâce à lui.
Il est hideux et grinçant dos dents.
Visnou est un dieu
solaire.
Il est gracieux et souriant.
Il guérit la misère
humaine.
Son histoire est racontée dans six des Purânas
69
(mot indien qui signifie anciens récits) qui illustrent
ses neuf incarnations.
Les Purânas sont les dix-huit
livres sacrés du néo-brahmanisme.
Le plus connu est le
Bhâgavatâ-Purâna ou Livre du Bienheureux, un surnom de
Visnou.
Il est le Tout, et il hérite tous les noms des
Védas, du Brahma et des diverses écoles religieuses.
Le Bhâgavatâ-Purâna est une série de conversations
où des hindous se racontent leurs efforts destinés à
résoudre le grand problème; ils se posent ces questions:
qui suis-je?
la vie?
Qu'est-ce-que le monde?
Quel est le but de
On ne cesse pas d'entendre ces mêmes questions
de nos jours, posées par les existentialistes.
Le plus
S
;<
souvent les hindous arrivent à la solution à l'aide d'un
"i
'il
sage ou de leurs propres réflexions:
ils doivent faire
>
4
M
pénitence, s'immobiliser, contenir leur souffle, c'est à
j
I
dire pratiquer le yoga, et mériter ainsi de voir le dieu
Bhagavat (le Bienheureux),
ront l'homme et le monde.
jour Brahma lui-même.
Après l'avoir vu, ils comprendUn de ces personnages fut un
Il faut se rappeler qu'il n'est
pas l'ominpotent aux yeux des Indiens, étant subordonné
à Visnou ou plutôt à une de ses manifestations.
Brahma
venait de paraître au sein d'un lotus sorti du nombril
de Bhagavat ignorant du principe du monde et de son
énigme comme tous les mortels profanes.
Il a vu Bhaga-
vat, l'a loue''; il a tout compris en un clin d'oeil:
n'existe sauf Bhagavat.
rien
Cette longue histoire est racontée
f
70
dans deux chapitres "Brahma voit Bhagavat" et "Hymne de
Bhagavat" qui ont fourni le fond du poème français.
Le-
conte de Lisle emprunte largement au livre toutes les
descriptions de Bhagavat telles que les racontent ceux
qui ont vu le dieu.
Il a changé tout ce qui lui par-
aissait fade et il l'a remplacé par des descriptions
lumineuses qui ont néamoins leur origine dans le livre
indien.
Notre poète commença le poème par la demande de
Brahma:
Brahma cherchait en soi l'origine et la fin.
Le Dieu finit par se révéler:
Il vit Celui que nul n'a vu, L'Ame des âmes.
Cette première partie est basée sur la description authentique d'un certain Uddahava,
La seconde partie pro-
vient de la description de deux solitaires:
Oh! qu'il était aimable à voir, L'Etre parfait.
Celui qui ne connaît les désirs ni les larmes.
Le choeur de mille vierges fait partie d'un autre passage
du livre:
Mille vierges, au fond de l'étang circulaire
Semblaient, à travers l'onde inviolée et claire
Ses colombes d'argent dans un nid de cristal.
Autour de Bhagavat Lisle a rassemblé un nombre de divinités;
Brahma osa finalement s'adresser au Maître des maîtres:
Je ne puis concevoir, en sa cause et ses lois,
Le cours tumultueux des choses et des êtres.
S'il n'y a rien, sinon toi, Hari, suprême Dieu!,
D'où vient qu'aux cieux troubles ta force se déchaîne?
D'où vient que, remplissant la terre de sanglots.
Tu souffres, Ô mon Maître, au sein de l'âme humaine?
î^
^
71
Et il lui posa la question éternelle qui est d'autant plus
intéressante q'elle provient du Brahma qui n'est qu'une
émanation du Tout, Le Dieu Bhagavat:
Et moi, moi qui, durant mille siècles.
Comme un songe mauvais dans la nuit primitive.
Qui suis-je? Réponds-moi, Raison des Origines,
Suis-je l'âme d'un monde errant par l'infini?
C'est en vain qu'enplorant mon coeur . , ,
Le dieu suprême le fixa de ses yeux "d'où naissent les
Aurores" et de ses lèvres:
un rire éblouissant s'envola dans l'azur
Tout l'univers fut bouleversé par son rire de Sûryâ qui fit
cabrer ses sept cavales rousses jusqu'aux vaches patientes
et douces.
Bhagavat parla à Brahma, mais sa voix n'était
point un son humain:
91
•i
i
1
. . . Voix grave, paisible, immense
Sans échos, remplissant les septs
sphères du ciel.
}
»
Brahma, haletant laissa entrer en lui cette voix
pour ne plus en sortir et il sentit la volupté de son coeur
s'anéantir.
Dans l'Oeuf irrévele qui contient tout
en germe . . . Pour éclore, il brisa, du front
sa coque ferme.
Il lui parla de l'oeuf qui contient toute la création en
germe, dont l'histoire y est brièvement racontée.
Il sàgit
de la répétition du récit raconté plus de vingt fois dans le
Bhâgavatà-Purâna.
Leconte de Lisle condense en trois strophes
la naissance des dieux, la création de l'homme, l'invention
des sacrifices, les incarnations de Visnou.
La liberté .que
72
le poète français a prise en résumant des livres entiers du
Bhâgavatâ-Purâna ne semble pas si osée si nous pensons à
l'efficacité d'un tel résumé.
Grâce à son sommaire, la
lecture de tous ces livres nous a été épargnée.
Un autre avantage de la liberté du poète est le fait
qu'il a simplifié la réponse de Bhagavat extrêmement obscura dans le texte indien, afin que les lecteurs soient
impressionnés par un pedantisme qui voile la nature de sa
personne.
Bhagavat dit à Brahma:
Car ma seule Inertie est la source de l'Etre:
La matrice du monde est mon Illusion.
Il ajouta que la souffrance aussi bien que le ciel, les
3
corps et les flots est une illusion:
Et qui mêle, toujours impossible en ses jeux,
Aux sereines vertus les passions perverses.
Il n'est pas probable que notre poète a puisé le conseil
du Bhâgavanâ donné à Brahma:
Brahma! tel est le rêve où ton esprit s'abîme
n'interroge donc plus l'auguste Vérité:
Quant à Vianey il ne doute pas de l'authencité de ces paroles
de Bhagavat:
Mais par l'inaction, l'austerite, la foi.
Tandis que, sans faiblir durant l'épreuve rude.
Toute vertu se fond dans ma béatitude.
Les noires passions sont distinctes en moi.
Tout lecteur français impressionné par l'explication que
Leconte de Lisle donne de la religion indienne doit d'abord
être reconnaissant aux efforts d'Eugène Burnouf, traducteur
du Bhâgavata-Purâna et de l'Histoire poétique de Krichna
i
1
)
«
73
en l8i+0.
De plus la reconnaissance est due à Vianey pour
son étude précise des sources des poèmes de Leconte de Lisle,
l'unique ouvrage de la sorte, sans lequel nous n'aurions
jamais pu comprendre les textes que notre poète a si
génialement condensés dans ses recueils.
9
Bhagavat
Après avoir déjà étudie à fond La Vision de Brahma,
basée sur le Bhâgavaj>_â_-Pur^âna,, nous allons parler de ce
chef-d'oeuvre colossale sommairement.
Ce poème a pour
intention de décrire la vie métaphysique des Ascètes visnuïtes au sein de la nature surabondante et mystérieuse,
en insistant sur le lien intime qui les lie aux dogmes
boudhistes.
Leconte de Lisle y a manié les faits à sa
manière en créant avec succès dans un seul poème tous les
éléments nécessaires à la compréhension de la religion
visnouïte, tellement propre à la majorité des légendes
populaires de L'Inde.
Sans cet ouvrage d'une authenticité
irréfutable on ne pourrait pas comprendre la conception
que les visnouïtes se font du monde, de ses origines, et
de son unité.
Etant donné que les adorateurs de Visnou
voient en lui ce que les adorateurs de Civa et ceux de
Brahma voient en leur dieu, c'est-à-dire le Grand Tout, il
est à faire remarquer qu'un lien étroit unit toutes ces
religions orientales.
Le poème commence par la description de la nature
opulente de l'Inde qui sert de cadre à ces religions:
Ik
Le grand Fleuve à travers les bois aux
mille plantes, vers le Lac infini roulait
ses ondes lentes . . .
Leconte de Lisle inspiré dans cette description par le texte
authentique, insiste sur les points qui montrent comment "la
Vie" immense, auguste, palpite dans les divers aspects de la
nature.
Au lieu d'un dialogue entre Brahma et Bhagavat, nous
voyons trois ascètes qui méditent assis sous les roseaux.
Ils interrompent le silence pour se raconter leur triste
histoire et pour se poser les mêmes questions éternellement
les mêmes,
Narada à la recherche d'une réponse non pour
une ro-ison philosophique mais à cause d'un chagrin dômestique:
^
Durant, la nuit, ma mère allait traire la vache:
Le serpent de Kala la mordit en chemin.
Et ma mère mourut, pâle, le lendemain.
Moi, je me lamentais dans ma douleur suprême.
Poussant des cris d'angoisse emportés par le vent.
Quand il rencontra Bhagavat il ne s'était pas encore remis
de la mort de sa mère:
Bienheureux, Bhagavat, si jamais tu m'acceuilles,
Puisse-je, délivré du souvenir amer,
m'ensevelir en toi comme un fleuve
à la mer!
Leconte de Lisle a intensifié la douleur de Narada contrairement à la version originelle.
JJ
Il implore les dieux
de la délivrer de l'amer souvenir des tendresses maternelles :
0 Vierge efface en moi ce souvenir cruel!
0 Vierge guéris-moi de tout amour mortel!
75
Narada s'adonne à la méditation mais il en est découragé.
Chez Leconte de Lisle la raison du découragement ne provient
pas de l'impuissance
du héros de voir le Dieu mais de l'im-
possibilité d'oublier sa mère.
Le second personnage est Maitreya dont le nom seul
est emprunté au livre indien.
Leconte de Lisle lui a
donné une physionomie humaine:
cause d'un chagrin d'amour:
il est devenu anachorète à
Il a vu une belle vierge qui
l'a foudroyé, mais il l'a cherchée en vain:
J'aperçus, semblable à L'Aurore céleste
La vierge aux doux yeux longs, gracieuse et modeste.
Je n'ai pas su le nom de l'Apsara rapide,
La jeune Illusion qu'en mes beaux jours j'aimais.
Le Jeune Maitreya du Bhagavata n'a que le nom en commun
avec le Maitreya de Leconte de Lisle,
Vianey affirme que
le poème en question n'est pas le produit de l'imagination
du poète.
Le nom est du Maha-Bharata ou du Bhâgavatâ-
Purâna , deux ouvrages traduits par Fauche que le poète
français a lus avec une soif avide.
Le troisième personnage, Angira, porte un nom indien mais il est totalement inventé par le poète.
histoire est la plus triste des trois ascètes.
Son
Il est le
captif du doute et il demande à Bhagavata de l'en délivrer.
Il a étudié la source de l'Etre s'est refusé à l'amour pour
se recueillir :
Et J'ai laissé mourir mon coeur pour mieux connaître.
J'ai tendu l'oreille aux augustes récits;
Mais le doute toujours appesantit ma face
Je suis très malheureux, mes frères, entre tous.
Il veut à tout prix chasser le doute pour qu'il puisse se
S
r
:i
76
perdre dans le Tout et s'ensevelir dans Bhagavat:
Puissé-je, ô Bhagavat, chassant le doute amer,
M'ensevelir en toi comme on plonge à la ner!
Les trois personnages se plaignirent à la déesse Ganga qui
promit de tarir leurs larmes après avoir entendu les trois
causes de leur souffrance.
Elle leur montra le mont Kaïlaça
où ils retrouveraient Bhagavat à sa cîme.
arrivèrent.
En effet ils y
Le poète profita de cette occasion pour dé-
crire la beauté de la nature tout le long du chemin qui
les conduit vers la montagne où:
Réside Bhagavat dont la face illumine
Son sourire est Mâyâ, l'Illusion divine
La description de Bhagavat nous dit Vianey est identique
à celle faite dans le Bh a£ âv^a t_â - Pu r â n a par un personnage
nommé Çuka.
Notre poète n'a choisi que trois des douze
ou quinze strophes du poète indien.
l'authenticité de ce passage:
Nous pouvons vérifier
celui où les Devâs chantent
l'histoire du Dieu suprême est aussi inspiré du livre indien.
Leconte de Lisle a gardé seulement trois éisodes de
ce chant fort long, qui donnent au lecteur français une
idée de la variété des incarnations de Visnou, qui devenu
un animal sauve la terre:
La Terre était tombé au profond de l'abîme.
Il plongea sans harder au fond des grandes Eaux
Il finit par la sauver et la terre lui fut éternellement
reconnaissante.
Nous le voyons encore incarné en un homme
qui sauve une seconde fois la terre du déluge causé par la
il
77
fureur d'Indra:
Il soutiendra d'un seul doigt, comme une large ombrelle.
Sous les torrents du ciel qui rugiront en vain.
Durant sept jours entiers, l'Himalaya divin!
Notre parnassien transforma la main de Bhagavat en un seul
doigt voulant ainsi faire valoir davantage sa force.
Pour
ne point confondre ses lecteurs il s'est servi du nom d'une
montagne beaucoup plus connu que le Govardhana:
laya.
le Hima-
Mais au moins il a gardé l'esprit de la légende tout
en l'abrégeant.
Pour cela il ne nous raconte pas comment
Bhagavat affronta les douleurs de la faim et de la fatigue
pour protéger les bergers et les habitants de la terre.
Au
lieu d'indiquer le vrai nom du dieu qui causa le déluge,
Krichna, il lui donna le nom plus connu d'Indra.
Dans une
troisième incarnation Bhagavat parut comme le symbole de la
5
«
)
miséricorde même envers les animaux.
Les musiciens célestes
'
I
I
racontent en long les détails les plus minimes de l'histoire
d'un éléphant que Bhagavat aidera.
narrateur indien était trop lent.
Vianey trouve que le
C'est justem.ent pour cela
que le poète français a raccourci le récit évoquant la lutte
de mille ans entre l'éléphant
et le crocodile.
Tandis que
la prière que l'éléphant adressa au Dieu est représentée en
trente strophes dans le texte indien, le poète français
la dit en deux:
Seigneur dit l'Eléphant plein de crainte, entends-moi!
Seigneur des âmes, vient>! Je vais mourir sans toi.
Bhagavat ne se laissa pas prier, accourut et sans le moindre
effort:
78
Brisa comme un roseau les dents du crocodile.
Après ces chansons les trois ascètes arrivèrent à voir leur
dieu et une description magnifique de cette entrevue.
Il
faut se rappeler que celle-ci est la seconde description de
Bhagavata, la déesse Ganga l'ayant déjà mis en relief.
S'étant rapprocher du Dieu, les trois ascètes virent:
Un Etre pur et beau comme un solei d'été.
Qu'était le Dieu. Sa noire chevelure . . .
Tel était Bhagavat, visible à l'oeil humain.
Cette description est au moyen des fragments empruntés à
trois des portraits de Visnou.
Emerveillés, les trois
ascètes restèrent sans mot dire, éperdus en face de:
"Bhagavat! Essence des Essences,"
Ils trouvèrent en un
J
instant ce qu'ils étaient en train de chercher:
I
Et, sous le crâne épais, à l'Esprit réuni,
!
Se fraya le chemin qui mène à l'infini.
;
Cette vision mystique unit les trois anachorètes au sein
illuminé de la divinité. Les trois religieux
que l'Essence première est:
comprirent
Le principe et la fin, erreur et vérité.
Abîme de néant et de réalité.
Qu'enveloppe à jamais de sa flamme féconde
L'Invisibel Mâyâ, créatrice du monde.
Espoir et souvenir, le rêve et la raison,
l'Unique, l'éternelle et saint Illusion.
Il s'ensuit que ce poème renferme la substance du BhâgavatâPurâna grâce aux résumés de Leconte de Lisle qui ont expliqué les légendes inombrables.
Nous n'aurions jamais pu
les comprendre, si elles avaient été présentées dans leur
forme originale.
79
Les poèmes indiens Jusqu'ici analysés épuisent le
recueil intitulé Poèmes Barbares qui parut en l852.
La Joie de Siva
Ce poème qui fait partie du receuil intitulé Derniers
Poèmes (1895) traite le sujet de Siva, déesse qui rivalisait avec Visnou.
Au lieu d'avoir une place d'une importance
secondaire dans le paradis de Visnou, c'est lui qui devint un
dieu d'une catégorie plus basse dans La Joie de Siva.
Vianey pense que notre poète s'est inspiré en lisant
L a T r a d u c t i o n ^ ^ ^ F . ,?P,^^A,^,^„ PP.P^-^.^f..-'",,^^ „.'^¥,..„^."'-'-.^,...4,^,.A..M.^.^,^.^.»
par Lamairesse en I867.
Le poème imite un des hymnes
chantés dans les pagodes de Siva.
L'idée maîtresse de cette
prière étrange a fini par éblouir le poète étant donné qu'elle contenait une pensée qui lui est bien chère:
les re-
ligions sont éphémères et dans la marche au néant les dieux
précéderont l'homme.
Cette dernière idée a été modifiée par
le poète puisque la prière indienne fait mourir les religions
seulement avec l'anéantissement
du monde.
Elle affirme la
supériorité de Siva sur Visnou; et que cette déesse va survivre non seulement à Brahma et à un seul Visnou, mais à tous
les millions Brahmans, à la terre et à la mort, à tous les
millions de Visnous à naître.
Alors elle fera un collier
de toutes les têtes des dieux morts, elle chantera et dansera avec un plaisir indicible.
Nous pouvons imaginer
comment ces idées macabres de Siva ont été reçues par notre
parnassien luiçmême tourmenté par tant d'idées semblables.
80
Pour mieux ressortir ses propres idées sur la misère humaine
le poète français ajouta un passage où il la décrit dans le
décor le plus magnifique du "monde":
Les siècles, où les Dieux, dès longtemps oubliés.
Par millions, jadis, se sont multipliés . . .
Quand la terre et la flamme et la mer et le vent.
Et la haine et l'amour et le désir sans trêve.
Dans la nuit immobile auront suivi les Dieux;
Se faisant un collier de béantes mâchoires,
Siva, dansant de joie, ivre de volupté,
0 mort, te chantera dans ton Eternité!
La Joie de Siva termine les poèmes hindous dont les religions védiques, visnouites, boudhistes et brahmaniques
forment la partie principale.
11
Nurmahal
Ce poème qui fut publié dans le recueil des Poèmes
barbares en 1862 inaugure une série de poèmes hindous illustrant l'Inde musulmane.
L'histoire de ce poème fut in-
spirée de l'appendice de 1 ' H JLf t o i^r e^^é^njj a le
cienne et moderne par M. de Mariés (l828),
fie l'Inde an-
Vianey en le
présentant, nous a fourni le fond histoirique nécessaire
à sa compréhension.
A la fin du XVI
siècle, Akbar, un moghol,
descendant de Timour Lank, conquérit le nord de L'Inde où il
fonda son régne connu par sa grandeur.
Bien qu'il fût musul-
man, il protégea impartialement les brahmanes, les boudhistes,
les fakirs et les Jésuites,
Il mourut en 1605,
Ses deux premiers successeurs, Djihan-Guîr et SchaDJihan consolidèrent la gloire de l'Empire moghol en étendant leurs frontières qui comprirent Lahore, Delhi et Agra
81
où ils bâtirent des monuments fabuleux.
Leur nom arriva
Jusqu'à l'Occident où ils furent reconnus par leur richesse
et leur gloire.
Leurs palais gagnèrent le nom des palais
du "Grand Moghol,"
Deux femmes étaient connues autant que
ces empereurs pendant cette période:
Nurmahal et Djihan
Arâ qui jouissaient d'une renommée remarquable grâce à leur
conduite quoique'elles fussent très différentes l'une de
1'autre.
L'histoire de Nurmahal représente tout ce qui est
romanesque en tant que légende populaire.
ChajaçAyas, un
Tartare d'une ancienne mais pauvre famille, décida d'aller
chercher fortune dans L'Inde où l'Empereur Akbar régnait
encore.
^
j
•
Sa femme était aussi pauvre que lui.
^
Elle eu une
fille pendant le voyage à travers le désert où le couple
laissa l'enfant à cause de la fatigue et l'épuisement.
Au
bout d'une heure de marche la mère consternée tint à revenir
chercher sa fille.
caravane.
Par chance ils furent sauvés par une
Ce début est sensé être légendaire mais le reste
du récit est authentique.
Azrof-Khan, un parent de Chaja-
Ayas l'acceuillit et en fit son secrétaire.
L'Empereur le
remarqua par sa distinction et l'employa comme grand trésorier de l'Empire.
C'est ainsi que sa fille eut une édu-
catin princière et distinguée.
On l'appela Mher-oul-Nissa ;
ce nom arabe veut dire le soleil des femmes.
Le prince héritier, Sélim, la vit un jour et en
devint éperdument amoureux quand elle laissa glisser son
»
82
voile exprés pendant que le prince rendait visite à son
père.
Elle fut obsédée par le dessein de devenir impéra-
trice dès qu'elle vut le prince.
Etant déjà fiancée à
Schère-Af-Koum, (ce nom arabe signifie l'honneur des gens),
son père la refusa au prince quand ce dernier la lui demanda en mariage.
Schére-Af-Koum était un des plus nobles
et des plus braves des officiers de l'armée.
Il se retira
dans le Bengale où il était gouverneur pendant tout le
règne de l'Empereur Akbar.
Devenu l'Empereur Djihan-Guîr
après la mort de son père, Sèlim rappela Schère et lui
accorda des distinctions.
Le noble officier crut que sa
femme avait été oubliée ne sachant pas que Djihan-Guîr comptait la lui enlever.
Plusieurs attentats sur la vie de
Schère furent complotés par l'empereur mais sans succès.
Schère comprit finalement ce qui lui arrivait et se retira dans le Bengale où il fut poursuivi.
Il mourut,
victime des mousquets de ses enemis, en se retournant vers
la Mecque sacrée.
Ainsi délivrée de son mari, î!her-oul-
Nissa se rendit chez l'empereur qui pourtant la négligea
pendant trois ans.
Mais un jour il vint la voir au harem
et aussi subitement qu'il l'avait oubliée, il lui jura son
amour auquel il tint jusqu'à la fin de ses jours.
devint la maîtresse souveraine de l'Empire,
Elle
Le jour de
sori mariage il changea son nom de Mher-oul-Nis sa en celui
de Nour-Mahal, un nom arabe qui signifie la lumière du
harem.
Son père devint grand vizir.
Elle employa tous
i
I
»
83
ses parents venus de Tartarie, mais le peuple finit par la
détester.
L'Empereur ordonna un édit qui la rendit Schaha,
impératrice, et en I616 il changea son second nom en NourDJihan, lumière du monde et non du harem seulement.
gueil la rendit tyrannique,
L'or-
Vianey dit que sans cette
longue explication de l'histoire de Nurmahal, le lecteur ne
comprendrait jamais le sens du poème qui est plein d'allusions historiques qui perdraient le profane.
Ne sachant
pas pourquoi Nurmahal avait changé de nom il ne comprendrait pas les vers suivants:
Ne sois pas Nurdjéhan, la lumière du monde!
Sois toujours Nurmahal, l'étoile du palais.
4
Leconte de Lisle parle ici du troisième nom de 1'impéra-
•
I
tirice qui instiquait la haine du peuple envers celle qui
?tait aimée sous le nom de llurmahal, lumière du harem et
non du inonde.
Djihan-Guîr mourut en 1627.
L'impératrice
se reliira dans son palais à Lahore où elle rejoignit son
mari en l6k^,
Le mausolée qui abrite les restes de JDjihan-
Guîr et, ceux du grand vizir, du père de Nurmahal est au
nord de Lahore aujourd'hui en Pakistan.
L'auteur de
l''iiiBl;oire générale de l'Inde consacra tout un aj)pendice
è J.''iils1:oiTe authentique de Nurmahal..
C'-est de cet appen-
îdi'ce ^ue Xisle s''est inspiré.
îhi gardant le
décor opulent de l'histoire indienne
il'B 3)061:6 ^'rançais effectua les modifications suivantes en
cc^ ^"ui ^t)iicerne les sources du poème:
;Djihan-Guîr entendit
81+
un soir quand il était particulièrement triste, la voix de
la blanche Nurmahal:
Une voix de cristal monte de dôme en dôme
Comme un chant des hûris du Chamelier divin.
Les huris sont les nymphes du Paradis dont on parle dans
le Coran.
Le Chamelier divin est un surnom attribué au
prophète Mohammed.
Le lecteur, dès le début du poème, est
transporté en plein Orient, dans l'Inde musulmane.
Le roi
sentit un bonheur immense l'envahir:
Jamis, sous les berceaux que le jasmin parfume
Djihan-Guîr n'a senti de plus riches ivresses.
La description de la cité musulmane est illustrée avec tous
les détails orientaux de la vie quotidienne.
Dans le
poème français l'empereur rencontre Nurmahal après son
mariage, ce qui est le contraire de la source,
Sélim n'était
pas encore l'empereur, Mher-oul-Nissa n'était pas Nurmahal
et ils se rencontrèrent chez le père de la jeune fille et
non dans la rue ce qui aurait été peu probable,
Koum devint Ali-Khân dans le texte français.
Schère-al-
Le fond de
l'histoire changea aussi car notre poète rendit Nurmahal
fidèle à son mari.
De plus on n'y parle d'aucun attentat
contre lui; au contraire on y fait ressortir l'amour conjugal de la jeune épouse:
Ali-Khan est parti; la guerre le réclama;
Son trésor le plus cher en ces biens est resté;
Mais le nom du Prophète, incrusté sur sa lame.
Garantit son retour et la fidélité,
Nurmahal Jura la fidélité à son mari contrairement au texte
J
85
originel; mais son sort était décidé par Dieu:
Mais, va! la destinée au ciel est étroite.
Djihan-Guîr sur sa tour ne reviendra Jamais.
Elle a pourtant été fidèle à son mari jusqu'à sa mort dont
elle n'était aucunement responsable en apparence.
pas été parjure.
Nurmahal.
Elle n'a
Lisle a rendu gloire à la fidélité' de
Il a supprimé aussi les trois années de dédain
pour Nurmahal après son veuage.
Il a envoyé le mari à une
guerre qui n'eût Jamais lieu et il l'a fait mourir d'un coup
de poignard tandisqu'il est mort d'un coup de mousquet.
Nurmahal lui Jura un serment de fidélité qui ne passa jamais les lèvres de cette femme qui se réjouit de la mort
i
de son mari :
I
Nurmahal n'a point parjuré ses promesses;
Nurmahal peut régner, puisque Ali-Khan est mort.
Vianey trouve que même si Lisle a altéré si radicalem.ent
les faits historiques, il a néamoins conservé le fond de
l'histoire illustré par la passion de Djihan-Guîr pour Nurmahal.
Il a surtout respecte le principe indien qui con-
siste à ne jamais violer la parole donnée à ceux qui ne
reculent point devant un meurtre.
Il trouve sans doute
très ironique que ne voulant pas devenir adultère une
personne préfère commettre un crime pour éviter ce péché:
Gloire à qui, comme toi, plus forte que l'épreuve.
Et Jusqu'au bout fidèle à son époux vivant.
Par un coup de poignard à la fois reine et veuve.
Dédaigne de trahir et tue auparavant.
Tout le long du poème Leconte de Lisle a souligné très
fortement la fidélité de Nurmahal pour surprendre le lecteur
86
à la fin du poème avec le meurtre commis afin de préserver
cette même fidélité.
Mais ici le poète français accuse
Nurmahal d'un crime comploté par l'Empereur
quoiqu'elle en fut réjouissante.
Djihan-Guîr
Ce poème dont le fond
historique a subi maintes modifications sous le plume de
notre poète, illustre un principe qui tout en étant authentiquement indien n'est pas celui dont l'histoire
s'agissait.
originale
Mais, c'est après l'analyse de ces faits que
nous trouverons qu l'intérêt du poème n'en diminuera pas
surtout aux yeux du lecteur qui ne se connaît pas dans
l'histoire
indienne.
De plus ce même lecteur en sortira
avec une ample connaissance du type de la favorite indienne
4
1
ou orientale,
13
Djihan-Ara
Ce poème fut aussi inspiré de l'ouvrage de M, de
Mariés,
Une des plus nobles femmes de l'histoire
indienne
fut Djihan-Arâ, fille de Scha-Djihan qui était le troisième
fils de Djihan-Guîr et de Nurmahal,
SchaçDjihan régna pen-
dant l'époque de la plus grande prospérité de l'Empire
moghol,
Vianey nous informe que le voyageur français Taver-
nier, à qui l'empereur Aurang-Ceyb montra le trône de SchaDjihan, estima ses joyaux à plus de I50 millions de livres.
Quand Scha-Djihan tomba malade, ses fils se disputèrent sa succession et ses richesses. . L'auteur de cette
étude qui a voyagé au Cashmir a vu plusieurs des palais
d'été dont le plus célèbre est le palais de Shalimar à
87
Srinagar, capita du Cashmir, une merveille de beauté et
d'architecture.
L'Empereur les fit construire au delà du
Himalaya pour sa favorite.
accessible au XVII
Ce paradis terrestre n'était
siècle qu'après un interminable et
dangereux voyage sur éléphant.
Ses quatre fils se dis-
putèrent et le plus jeune, Aurang-Ceyb, l'orgueil du trône,
l'emporta.
Il était le petit neveu de Nurmahal,
Il tua
ses trois frères et devint empereur sous le nom d'Alam-Guîr,
le conquérant du m.onde.
Il régna de I658 à 1707 et rendit
célèbre l'état moghole qui subit une lamentable décadence
après sa mort.
Le vieil empereur SchaçDjihan fut délaissé
de tout le monde, à l'exception de sa fille Djihan-Arâ
qui resta avec lui à Agra jusqu'à sa mort en I666 après
huit ans d'emprisonement.
C'est à Agra qu'il fit con-
struire le Tadj-Mahal, le mausolée qu'il éleva à Agra à
la mémeoire de sa femme.
De sa prison il fit construire
une fenêtre qui lui permettait de voir constament le
tombeau fantastique de sa chère épouse auprès de qui il
fut enterré.
Sa fille se rendit chez son frère Aurang-Ceyb
qui feignit une grande douleur.
Elle lui apporta le reste
des Joyaux de son père comme nous le dit Vianey.
décéda sous peu de temps.
Elle
On dit qu'elle mourut de chagrin
pour son père ou qu'elle fut empoisonée pour avoir trop
aimé son père.
Leconte de Lisle, qui a enlaidi le portrait de Nurma hal, a embelli la mémoire de la noble Djihan-Arâ.
N'ayant
88
aucun renseignement irréfutable sur la véracité de sa mort,
il la fit mourir de chagrin pour Scha-Djihan:
Le vieux Djihan t'aimait, ô perle de sa race!
Mais toi qui m'es restée, ô charme de ma vie.
C'est toi qui bénira mon suprême regard!
Les vers suivants reflètent l'idée que notre poète en a
formé :
Et quand il se coucha dans son caveau royal.
Ton beau corps se flétrit et devint comme une ombre.
Et l'âme s'envola dans un cri filial.
Le parnassien français a ajouté un autre aspect à la nobilitè du caractère de Djihan-Arâ, quoiqu'il n'en eût aucune
preuve historique.
Cependant il est probable qu'elle fut
bonne et charitable pour les pauvres:
Tu rêvais sur le pauvre et sur le délaissé.
D'épancher la bonté par qui l'aumône est sainte.
Et de prendre le mal dont le monde est blessé.
Il est aussi possible qu'elle fût douée de la charité corime
l'étaient plusieurs princesses indiennes dont le souvenir
est évoqué dans divers contes.
Aurang-Ceyb était détesté
par le poète français qui l'appela l'assassin
ascétique-parce
qu'il feignait la piété musulmane en disant:
C'est le Sabre d'Allah, le flambeau de la foi!
Le marqua de son signe, et dit: Tu seras roi!
Vianey affirme qu'on peut être sur du zèle musulman de ce
roi.
Un indice peut nous renseigner là-dessus:
on a dit
que ce roi avait essayé de convertir en masse les Indiens
à l'Islam.
Djihan-Arâ, contrairement à son frère, gardera
une place vénérée dans son pays.
89
Le Conseil du Fakir
Ik
On parle dans ce poème d'une jeune épouse qui tue
son mari.
Cette poésie recrée la vie en Inde si vivement
qu'on se croirait au pays de Brahma.
Le Fakir (en arabe,
un homme pauvre) avait deviné le sort du vieux nabab qui
allait être tué par sa femme:
Mais la suprême part que le destin t'a faite
Va t'échoir, ô Nabab, sans beaucoup de délais.
Il avait même devine qui le tuerait:
Et moi. J'ai reconnu la haine et son dessein
Par l'oeil de la prière et l'oreille du jeûne.
Le Fakir avait raison, la main de la Bégum (en urdu, femme
auguste) ayant frappé l'homme qui la chérissait:
I
I
I
Le sang ne coule plus de sa gorge; et nageant,
Au milieu d'une pourpre horrible et déjà froide.
Le corps du vieux Ilabab gît immobile et roide.
Le poème en question est aussi fondé sur l'oeuvre de Mariés,
Selon Vianey, les poèmes suivants:
La Vérandah,
le Sommeil de Léil a, 1'Oasis , un_ Coucher_du Soleil, 1'Or ient.
les Roses d'Ispahan et la Mâvâ, Quoiqu'ils soient pénétrés
de couleur locale assurément orientale, manquent de source
d'inspiration bien établie,
Néamoins cela ne les empêche
pas de figurer parmi les meilleurs poèmes de notre poète
du point de vue d'érudition exotique, de beauté formelle
et surtout de vif intérêt qu'ils suscitent.
C'est ainsi que se termine l'étude des poèmes indiens, légendaires, historiques et religieux de Leconte de
Lisle, dont nous avons tâché de faire l'analyse littéraire
^|1
90
en le comparant à leurs sources irréfutablement orientales.
Les sources des poèmes arabes
Vianey cite seulement une source pour les poèmes
arabes de Leconte de Lisle.
C'est l'Histoire de la domina-
tion des Arabes en Espaf^ne.gui attira l'intérêt du poète
quand il vut ce titre dans l'édition du livre de l'historien de Mariés d'où il a puisé l'histoire de Nurmahal : L'Histoire de L'Inde ancienne et moderne (1828).
Le premier
livre de Mariés était une adaptation d'une traduction de
l'arabe en espagnol de M. Joseph Conde.
avait paru à Madrid en 1821,
Cet ouvrage
Ce qui était fort intéressant
c'était le fait que le livre de Mariés basé sur celui de
Çonde contenait le produit d'une traduction d'un ouvrage
arabe, écrit par un Arabe sur un sujet arabe.
Pour cette
raison le livre ne contenait aucun renseignement sur les
généraux chrétiens, tandis qu'il traitait amplement tous
les personnages arabes et musulmans, ce qui était d'ailleurs
tout à fait naturel pour un ouvrage de la sorte.
En lisant ce livre, notre poète eut l'idée de s'en
inspirer pour sa création poétique.
Le sujet qui l'a cap-
tivé fut l'opposition des deux célèbres personnages du
fondateur de la domination arabe en Espagne et au Portugal
et de celui qui la porta à son apogée: Mouça-le-Grand
(al-Kebyr) et Mohammed-L'Invincible (al-Mançour) respectivement .
|
91
L'historienne Alison Fairlie affirme pourtant que
le chef du Parnasse s'est inspiré d'autres sources pour composer ses poèmes arabes.
Elle cite le roman historique de
Louis Viardot, Scènes de Moeurs Arabes qui fut publié en
l83^+, mais elle ajoute que Leconte de Lisle se servit aussi
de l'édition approfondie qui parut à la fin de L'Histoire
16
des Arabes et des Mores d'Espar.ne (I85I).
Fairlie a at-
teint cette conclusion en se basant sur un livre écrit par
Pierre Martino: Sur Deux Poèmes Musulmans de Leconte de
Lisle.
Elle cite aussi comane autres sources du poète fran-
çais : L'Histoire du Moyen Age de Victor Drury (I861) dont
le chaptire concernant les Arabes est extrait de L'PIistoire
des Arabes de Sedillot (185^).
Une autre source est l'his-
toire de La Vie de -Mg;Jlom_e.t de Jean Gagnier (1732).
Ce der-
nier livre contenait des matières traduites et compilées
de L'Alcoran, des Traditions authentiques de la Sonna et
des meilleurs auteurs Arabes.
Elle cite aussi L'Histoire
des Musulïïians d'Espagne de Leydon qui parut en I86I.
Tous ces livres constituant une bibliothèque assez
large à l'époque où il y avait très peu d'information au
sujet des Arabes, ont fourni à notre poète non seulement
une couleur locale riche et érudite mais aussi les idées
et les détails les plus minutieux qui touchent les lecteurs
et font revivre les scènes de l'histoire arabe.
92
Etude des Poèmes Arabes
L'Apothéose de Mouça-al-Kébyr
Mouça était le chef arabe qui a conquis l'Espagne
durant le règne des Ummayyades à Damas de 66l à 750. L'Espagne n'était pas la seule conquête de ce chef; il a vaincu aussi les Berbères de l'Afrique du Nord,
Le Khalyfe Wa-
lid lui donna le titre de wali du Magreb (L'Occident en
arabe).
Mais cette gloire ne lui suffisait pas car 'il pen-
sait à l'Espagne surtout quand le roi Goth Roderic fut élu
à la place de Vitiza dépossédé.
Les fils de ce dernier ap-
pelèrent à leur aide le comte Julien, gouverneur de la Mauritanie gothique qui à son tour appela les Arabes.
Le Khalyfe approuva le projet de Mouça et ainsi l'his
toire des Arabes en Espagne et au Portugal.
Vianey étudie
beaucoup plus de détails que nous le ferons ici. 19
Le commandant de l'armée du Wali, Tarek-Ibn-Ziyad,
traversa le détroit qui mène à l'Espagne et il brûla ses
vaisseaux pour forcer ses solats à être victorieux.
La
montagne qui est près de ce détroit fut nom.mée Gabal-Tarek
(la montagne de Tarek en arabe).
La bataille décisive eut
lieu sur les bords du Guadalète en 711 ou 712.
Il est dis-
putable si cette bataille ait duré trois ou huit jours.
Roderic fut décapité par ordre de Tarek qui envoya sa tête
à Damas.
Mouça fut Jaloux de son lieutenant général et lui
donna l'ordre de l'attendre mais Tarek continua sur Tolède
93
qu'il conquérit.
Il prit les trésors de la ville mais ce
qui importe au poème de Leconte de Lisle ce sont les vingtcinq couronnes d'or des rois Goths.
Mouça arriva avec une
armée arabe ayant 18.000 chevaux et avec son fils Abdelaziz
et Tarek ils gagnèrent le reste de la péninsule.
Mais la
Jalousie entre ces trois personnages augmentait.
Tarek dis-
tribua tout le butin à ses soldats tandis que Mouça en garda une grande partie.
dants à Damas.
Le Khalyfe rappela ses deux comman-
Tarek s'y rendit promptement mais Mouçca
le rejoignit lentement et avec regret.
C'est le nouveau
Khalyfe qu'ils virent, Suléiman le frère de Walid qui était
mort.
Ils lui rendirent les trésors mais Suléiman mit Mou-
ça en prison et donna l'ordre de tuer ses fils.
Ceux qui
étaient en Mauritanie furent exterminés mais personne n'osa
tuer Abdelaziz qui venait d'achever la conquête du PORTUGAL.
Ils l'accusèrent d'être un mauvais musulamn surtout quand
il avait épousé la veuve de Roderic à Séville.
Il fut frap
pé pendant sa prière et sa tête fut envoyée à Suléiman.
Après l'avoir vue, le père consterné d'Abdelaziz partit pour l'Arabie où il mourut de chagrin en 7l6.
Le poème de notre poète est tiré de cette histoire
de la conquête de l'Espagne par les Arabes,
Vianey affirme
que le but principal du poète était de faire revivre la physionomie du conquérant de l'Espagne.
Les modifications des
20
faits historiques sont la conséquence de ce but.
9k
Pour donner au lecteur une idée de la splendeur du
règne des Ummayyades, il le transporta au centre à Damas,
leur capitale:
La royale Damas, sous les cieux clairs et calmes.
Parmi les caoubiers,.les jasmins et les palmes.
Monte comme un grand lys empli de gouttes d'or.
Le poète en lisant les trois volumes de Mariés a profité
du vocabulaire arabe dont ils étaient bien rempli:
Au rebord dentelé des minarets, voilà
Les Mouazzin criant en syllabes sonores:
A la prière! à la prière ! Allah! Allah!
L'auteur de cette étude étant musulmane et Arabe, affirme
que ce sont ces exactes paroles que les Mouazzin ( les
sheikhs qui font l'appel à la prière cinq fois par jour dans
tous les pays musulmans) disent jusqu'à nos jours. Il décrit
même les rues, les piétons, les mendiants, les Emyrs et les
femmes en litière:
Dardant leurs yeux aigus sous leurs voiles légers.
Même les murs du Dyouân sont décrits:
Chaque verset du Livre, aux parois incrusté,
En lettres de cristal et d'argent s'entrelace
Du sol jusqu'à la voûte et sans fin répété.
Le Livre dont parle Leconte de Lisle est le saint Coran,
Tous les chefs Arabes défilent devant le Khalyfe,
Notre
poète continue et révèle que Suléiman est jaloux de la
gloire de Mouça et de Tarek, surtout de la fortune qu'ils
ont accumulée en Espagne,
Ces coffres débordent mais il
est cupide:
...mais qui sait la soif inassouvie
95
D'un coeur que l'avarice impure a consumé!
Le Hadjeb (le premier ministre de l'empire) entre en se
prosternant devant Suléiman le successeur d'Aly et adresse
la parole au Khalyfe:
... Très grand, très sévère et très juste!
Bouclier de l'Islam, Protecteur des trois fois!
Délices du fidèle et terreur du méchant!
C'est alors qu'il dit que Mouça attend le jugement qui va
décider de son sort.
Le général humilié entre sans baisser
la tête devant les princes de l'Empire musulman, en haillons
il a des blessures sur le front:
Qui se dresse, bravant l'envie accusatrice.
Indigne sous l'outrage et hautain sous l'affront.
Pour ajouter à l'humiliation de Mouça, le Khalyfe feigne
de ne pas le connaître.
Le Hadjeb alors lui dit que c'est
l'Ouali du Maghreb à qui ce n'était pas suffisant d'opprimer les Africains:
Sans attendre ton ordre et ton signal, ô Maître,
Il a passé la mer et combattu les Goths.
Volant ainsi ton bien et pillant ton trésor.
Il a voulu, rompant l'unité de l'Empire,
séparer l'Orient du Couchant révolté.
Ces accusations contre l'Ouali sont fausses car Mouça avait
consulté le Khalufe Walid qui a consenti à la conquête de
l'Espagne.
Leconte de Lisle change les faits pour que son
poème soit synthétique car l'unité de l'Empire musulman fut
rompue en effet quelques annes plus tard.
En vérité Mouça
avait entrepris cette conquête sous le régne de Walid et
non sous celui de son frère Suléiman,
Le poète français a
96
garde l'accusation historique contre le fils de Mouça qui
fut tué par ordre de Suléiman parce qu'il avait épousé la
veuve de Roderic.
Nous savons aussi que cette accusation
n'était pas fondée sur la vérité.
Leconte de Lisle modifie
les faits ici aussi en disant que Mouça lui-même était accusé d'être infidèle à la religion musulmane.
Le Hadjeb
se demanda devant le Khalyfe si Mouça:
... ne reniait Dieu du coeur et de la bouche
Pour le Fils de la Vierge et son culte insensée?
Vianey nous affirme qu'aucun texte n'autorisait foremellement notre poète à supposer que Mouça eut à se justifier
devant le Khalyfe d'accusations semblables.
21
Mouça répondit en disant que les louanges sont pour
Dieu seulement car lui seul est Très-Haut et Unique tandis
que les hommes ne sont que de vains spectres.
Il attend
le jour du jugement final du créateur éternel où le fidèle
sera récompensé par Dieu, c'est ici que le poète donne une
description authentique du paradis tel qu'il paraît dans
le Coranî
De mise et de benjoin et de nard parfumées.
Ses blessures luiront mieux que l'aurore du ciel.
Allah fera Jaillir pour ses lèvres charmées
Quatre fleuves de lait, de vin pur et de miel.
Vianey croit que Leconte de Lisle a donné tellement d'importance à ses emprunts au Coran parce qu'il voulait faire
la synthèse de l'Islam.
C'est pour cela qu'il cite plusi-
eurs détails qui font partie du livre sacré des Musulmans.
La description du Paradis continue avec des termes arabes
97
décrivant Satan: Yblis; les vierges du jardin céleste qui
ajoutent à sa beauté: les Hûris.
En comparaison avec le
Paradis, le chef du Parnasse décrit 1» enfer qui attend :
"le lâche, qu'il soit Emyr, Hadjeb, Khalyfe."
Mouça est
arrêté par Suléiman alors il rentre dans un silence méprisant.
Le Khalyfe fut offensé et lui demanda ce qu'il a fait
des trésors de l'Espagne:
Les vingt couronnes d'or des Goths et les dépouilles
Des royales cités, voleur! qu'en as-tu fait?
Mouça hautain répond à Suléiman avec dédain:
... J'ai parlé.
Les sages et les braves,
0 Khalyfe! apprends-le, ne parlent pas deux fois.
Nous savons de l'histoire originale qu'il s'agissait de
vingt-cinq et non de vingt couronnes.
D'ailleurs, Mouça
les avait données au Khalyfe.
La sentence prononcée contre Mouça fut doublement dure:
Liez, tête et pieds nus ce traître, et le traînez
Sur un âne ...
Qu'un ennuque le tienne au cou par une corde;
Que dans sa chair, saignant de l'épaule à l'orteil,
A chaque carrefour le fouet qui siffle morde,
Et tranchez-lui la tête au coucher du soleil.
Selon l'histoire arabe xMouça fut seulement fouetté par ordre de Suléiman, mais il ne fut point condamne à être paradé sur un âne avant d'être décapité.
Mouça s'est retiré
en Arabie où il est mort de chagrin.
Mais cette modifica-
tion de l'histoire de l'Ouali du Magrehb donna l'occaion
à notre poète de raconter en détails l'histoire de la conquête de l'Espagne qui était l'histoire même de îlouça.
En
98
passant à travers Damas, ignorant les gens qui l'insultaient
qui lui Jettaient des pierres au visage, et le fouet qui
lui coupait les reins, Mouça s'envola dans un rêve dans lequel il revoyait tous les événements de sa vie depuis le
Jour où il quitta sa tente de cuir au Yémen.
Il a revu ses
combats en Syrie et en Perse qui continuèrent en Egypte,
à
Carthage, en Mauritanie, en Afrique du Nord et finalement
en Espagne.
Il se rappelait tristement des temps:
Quand, du mont de Tharyq jusques aux Pyrénées,
L'étendard de l'Islam flottait victorieux
Il revoit la conquête des Arabes qui les mena jusqu'en France :
Sur le pays d'Afrank ruez-vous, mes lions!
En racontant le moment où Mouça devait être décapité, Leconte de Lisle s'est permis un liberté sacrilège surtout pour
les lecteurs musulmans.
Il emprunta les faits d'une des
plus importantes pages du Coran sacré.
Il les appliqua à
l'épisode de la mort de Mouça, un mortel.
Vianey raconte cet événement sacré aux Musulmans:
Gabriel, le conseiller habituel du Prophète Mohammed, le
réveilla un jour en lui disant que Dieu le convoquait.
Il
lui amena Al-Borak, 1'Etincelante en arabe, qui était une
cavale ailée
et très rapide.
Elle emporta le Prophète à
Jérusalem pendant la nuit puis de là aux sept cieux successivement.
ham,
Il vit Adam, Enoch, Joseph, Aaron, Moyse, Abra-
Ce qui nous intéresse dans le reste du récit c'est
la description du Paradis céleste dans lequel les quatre
99
fleuves délicieux mentionés par le poète. Dieu parla à MoHammed des règles de la religion qu'il prêchait.
Al-Borak
le retourna ensuite en Arabie d'où il était parti.
Vianey
dit que ce récit intéressa notre poète non parce qu'il était
un texte primordial du Coran mais parce qu'il y retrouvait
les caractères que peut avoir l'hallucination dans les
^
•
22
pays des mirages.
Ce qu'il appelé hallucination est pour
six cent millions Musulmans du monde entier, un miracle
divin, fondement de leur religion.
Dans ce poème Leconte de Lisle a donné la place du
Prophète à Mouça, un mortel, qui fut enlevé par Al-Borak:
Aux serres d'aigle, avec dix blanches paires d'ailes,
Al-Borak, dont la coupe est comme un bloc vermeil.
Agitant ses crins d'or, La Céleste Cavale,
Dans la sérénité de l'air ineffable embaume l'intervalle
Qu'elle a franchi d'un bond en s'envolant aux cieux,
La cavale emporta Mouça dans le poème français aux cieux
à la place du Prophète musulman:
Tous deux loin des rumeurs confuses de la terre.
En un magique essor, irrésistible et sûr.
Montent, Leur gloire emplit l'espace solitaire!
Ils touchent aux confins suprêmes de l'azur.
Et Mouça disparaît dans la pourpre du soir.
Le Suaire de Mohammed Ben-Amer-Al-Mançour
23
Ayant déjà exploré les fonds historiques du poème
précédent, nous ne citerons ici qu'un résumé fort concis
des sources du second poème d'inspiration arabe de Leconte
de Lisle,
Comme le craignait Suléiman, L'Occident de son Em-
100
pire s'était séparé de l'Orient et Cordoue comme Damas
avait son propre Khalyfe,
Mohammed Ben-Amer fut nommé Had-
jeb par la reine Sobéiah dont le fils Hischam II qui succéda au Khalyfe Alhakem, avait dix ans.
Ben-Amer était tou-
jours victorieux ce qui lui valut le surnom d'Al-Mançour
(l'Invincible, en Arabe).
Il conquit le reste de l'Espa-
gne sans aucune défaite Jusqu'à la bataille de Kala't-alNoçour (le fort des aigles, en arabe) qui fut sa dernière
et dans laquelle il a perdu un grand nombre de ses soldats.
Les Espagnols aussi avaient subi la débâcle.
Vianey n'est
2k
pas sûr si la bataille a eu lieu en 1001 ou 1002,
Al-Mançour fut blessé mais il refusa de se faire
panser.
Le Khalyfe lui envoya son fils Abdelmélik pour
le consoler mais sa mission était vaine.
sespéré de la seule défaite de sa vie.
976 à 1001,
Il mourut dé-
Son règne dura de
C'est lui qui régnait sur l'Em.pire Occidenta-
le mais il a toujours refusé de devenir le Khalyfe officiellement.
Il était très équitable et très généreux.
Son
histoire illustre a marqué l'apogée de la grandeur des Arabes en Espagne.
Il distribuait la moitié du butin à ses
soldats et il donnait l'autre au trésorier de l'Etat.
était le mécène des arts.
Il
Il attira à Cordoue des savants
du monde entier.
Al-Mançour était habitué depuis sa première bataille
en Galice de faire secouer ses vêtements de bataille.
Il
faisait ramasser dans une caisse qui le suivait partout la
101
poussière qui en tombait.
vrir dans son cercueil.
Cette poussière devait le couEn effet c'est ce qui arriva à
cet auguste personnage arabe; les nouvelles de sa mort consternèrent ses soldats qui crièrent:
Nous avons perdu notre ami, notre chef, notre défenseur, notre père.
Plusieurs historiens disent que maints poèmes arabes ont
été inspirés par la mort de ce grand chef.
Le sujet du poème français se rapporte à la dernière partie du récit historique.
Les soldats d'Al-Mançour
au lieu de se lamenter sur la mort de leur commandant en
simples paroles exprimant leur émotion, chantent en pleurant la mort du ministre.
du fort des aigles
La description de la bataille
devait apparaître dans ce poème qui
commence avec une lamentation:
Azraele a fauché de ses ailes funèbres
La fleur de Korthobah, la Rose des guerreirs!
Mais c'est l'histoire de la bataille qui est mise en relief:
0 gorges et rochers de Kala't-al-Noçour,
Qu'Iblis le Lapidé vous dessèche et vous ronge!
Vingt mille cavaliers et vingt mille étalons
Se sont abattus là par épais tourbillons.
Il est évident que le vers suivant a aussi sa source dans
le Coran qui défend aux Musulmans de manger du porc et de
boire du vin:
Contre ces vils mangeurs de porc, gorgés de vin.
Mais le poème ne délaisse pas pour longtemps le héros arabe :
Mohammed-al-Mançour, bon, brave et Justicier!
102
Brandissant la bannière auguste des Khalyfes....
Leconte de Lisle fait une autre allusion au Coran où tout
guerrier qui meurt sur le champ de bataille est recueilli
au Paradis à bras ouverts:
Devant le Paradis promis aux nobles morts.
Sans peur des hurlements de ces chacals voraces
Qui d'entre nous, honteux de languir sur tes traces.
Conduit par ta lumière. Etoile des trois races.
N'eut lâché pour mourir les rênes et les mors?
Tu nous a déchaînés, ivres de ta vertu.
Glorieux fils d'Amer, Ô Souffle du Prophète!
Vianey considère que la strophe suivante évoque la résistance de l'Espagne contre ses envahaisseurs:
Rien n'a rompu le bloc de ces hordes farouches.
Vers les monts, sans tourner le dos, lents, résolus.
Ils se sont repliés, rois, barons chevelus.
Soudards bardés de cuir, serfs et moines velus
Qui vomissent l'infect blasphème à pleines bouches.
Les soldats émus pleurent autour de la tente funèbre:
Où l'Aigle de l'Islam ferme à jamais les yeux.
La description de cet aigle de l'Islam est digne d'un poète arabes :
Le Hadjeb immortel, comme il était écrit.
Pour monter au Djennet qui rayonne et fleurit.
Rend aux Anges d'Allah son héroïque esprit
Ceint de palmes et des éclairs de cent batailles.
Djennet est un mot arabe qui signifie le Paradis.
Comme tout poème synthétique de Leconte de Lisle,
Le Suaire d'Al-Mançour l'a aidé à décrire l'Empire Immayyad
en plein gloire et en déclin, comme l'Apothéose de Mouça
l*aida à peindre le début de la gloire de cet Empire jusqu'
au temps où apparut Al-Mançour:
103
Nos temps sont clos, voici les jours expiatoires!
0 race d'Ommyah, ton trône est chancelant
Et la plaie incurable est ouverte à ton flanc.
Puisque l'Homme invincible est couché tout sanglant
Dans la cendre de ses victoires!
Alison Fairlie mentionne deux autres poèmes d'inspiration arabe que Vianey n'a pas analysés.
Désert
Ce sont Le
qui fait partie du recueil des Poèmes Barbares
S't la Fille de l'Emyr
qui parut dans la Revue Française
le premier Mai I861.
L-6-_Déser^t_ contient une description magnifique du
désert oriental:
Quand le Bédouin qui va de l'Horeb en Syrie
Lie au tronc du dattier sa cavale amaigrie.
Et, sous l'ombre poudreuse où sèche le fruit mort.
Dans son rude manteau s'enveloppe et s'endort.
Revoit-il ....
Il rêve du miracle du Prophète et d'Al-Borak puis des filles de Djennet (le paradis en arabe), et des récompenses
qui y attendent les fidèles.
Il se réveille comme s'il
sortait d'un mirage et se trouve au milieu de ce même désert qui brûle de chaleur:
Sa cavale piétine, et son rêve est troublé:
Plus de Djennet, partout la flamme et le silence,
Et le grand ciel cuivré sur l'étendue immense!
Fairlie compare les descriptions de ce poème à celles d'un
autre écrit par Reybaud, intitulé: S o u v e n i r s -_4 IQ rient, qui
27
parut dans la Revue des Deux Mondes en lo52.
28
La Fille de l'Emyr
Le second poème qu'étudie cette historienne est
lOU
La Fille de l'Emyr qui raconte l'histoire d'une jeune princesse arabe qui aime un prince étranger:
C'est l'heure où s'en vient la vierge Aysha
Que le vieil Emyr, tout le jour cacha
Sous la Persienne et les fines toiles.
Montrer, seule et libre, aux Jalouses nuits.
Ses yeux charmants, purs de pleurs et d'ennuis.
Tels que deux étoiles.
Ce que Fairlie n'a pas remarqué dans ce poème c'est le fait
que la fille du Prophète Mohammed s'appelait Aysha, qu'elle
a épousé Aly dont les partisans ont formé après sa mort
une secte qui s'est séparéede certains principes de l'islam en donnant l'importance du Prophète à son beau-fils,
Aly,
Dans ce poème Aysha rencontre un Jeune homme qu'elle
aime ne sachant pas qu'il est le Christ:
Surprise, Aysha découvre en tremblant
Derrière elle, calme et vêtu de blanc
Un pâle jeune homme.
Il faut dire brièvement ici, que la tournure de la phrase
dans la première partie de ce poème est le plus typiquement
arabe. Tout émue, Aysha lui dit:
Parle, tous tes noms, quels sont-ils? Dis-les.
N'es-tu point Khalyfe? As-tu des palais?
Es-tu l'un des anges?
c'est alors que le Christ lui répondit en souriant:
Je suis fils du roi, je viens d'Orient;
Mon premier palais fut un toit de chaume.
Mais le monde entier ne peut m'enfermer.
Je te donnerai, si tu veux m'aimer.
Mon riche royaume!
Aysha lui dit allègrement qu'elle voudrait bien l'épouser
105
mais elle ne sait pas comment sortir du palais de son père
qui est si bien gardé.
Le Jeune prince lui dit:
Auprès de l'amour, enfant, tout est vain
Et tout n'est qu'un rêve!
Les deux amoureux s'échappèrent et ils marchèrent longtemps.
Hélas l'enfant sentit les durs cailloux meurtrir ses pieds
las,
A la fin exténuée, elle s'adressa au Christ en disant:
--- 0 mon cher seigneur, Allah m'est témoin
Que Je t'aime, mais ton royaume est loin!
Arriverons-nous avant que je meure?
Mon sang coule. J'ai bien soif et bien faim!
Les deux voyageurs finirent par arriver à une maison noire
qui était le monastère où le Christ allait laisser la jeune Musulmane.
Il lui dit qu'il s'appelé Jésus
expliqué sa mision ici-bas.
et lui a
Elle le verra du coeur et des
yeux et lui réserve dans ses cieux, la vie éternelle après
cette terre.
Selon Fairlie notre poète a mis en relief dans la
strophe finale l'aspect uniquement humain de la mélancolie
du sacrifice,^ Ce qui est pathétique dans cette strophe
c'est la façon avec laquelle il représente le sacrifice
d'un ton purement macabre et lugubre:
Parmi les vivants morte désormais,
La vierge Aysha ne sortit jamais
Du noir monastère.
Sur cette note funèbre se termine Le Désert dont les sources d'inspiration sont vaguement attribuées par Fairlie
à un poème de Marmier qui parut en l8î+2.
Mais le seul dé-
tail historique que nous en ayons est le nom du père d'Aysha
106
qui est mentionné en passage: L'Emyr Abd-El Nur-Edin,
Pour,
tant ce nom n'appartient à aucun personnage de l'histoire
arabe.
Nous pourrons dire qu'en se basant
sur des noms
non-historiques, Leconte de Lisle voulait seulement ajouter
à la couleur locale du poème.
Ici se termine l'étude des poèmes d'inspiration arabe de Leconte de Lisle.
Nous n'examinerons pas les poèmes
qui évoquent la nature orientale, puisque nous limitons
notre étude
aux poèmes dont les héros sont des Orientaux
soit indiens, soit égyptiens ou arabes.
Les sources des _y>oiè_mes égyptiens
L'étude de 1'Egyptologie a commencé lentement au
début du XIXe siècle et cet intérêt fut soutenu par Napoléon avec ses campagnes en Egypte, où il entreprit une expédition contre les Anglais de 1798 à 1799.
Il fut vain-
queur aux Pyramides mais sa flotte fut détruite par Nelson
à Aboukir prés d'Alexandrie.
La découverte de Champollion qui parvint le premier
à déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens (Précis du système
hy e r q gly ph i c^ u e , 182^+) intéressait même le public général.
Les articles par Ampère sur la découverte de Champollion,
qui étaient publiés dans la Revue des deux Mondes ont fini
par populariser 1'Egyptologie.
Edgar Quinet est responsa-
ble d'une grande partie de la connaissance de Leconte de
Lisle en égyptologie.
Son chapitre sur l'Egypte dans Le
107
Génie des ReMgions, publié en l8iil, a fourni à notre poète des idées qu'il a illustrées dans le Voile d'Isis qui
parut en l8U6,
L'exposition de "La Chambre des Rois de
Karnak" qui a été transportée de L'Egypte au Louvre par
Prisse d'Avenne en iQkk^ a contribué à mettre l'Egypte en
30
vogue,
La présence d'un tel monument égyptien au Louvre
a sans doute beaucoup impressionné les Français et surtout
notre poète,
Vianey nous raconte les circonstances qui ont amené
à la publication d'un livre qui est de grande importance
dans le domaine de 1'égyptologie: Etude sur une stèle égyptienne appartenant à_ la__Bj.jliothèque_ Impèria.le (1858), Champollion avait découvert une inscription dans le temple de
Khonsou à Thèbes,
Prisse d'Avenne l'enleva et la donna
à la Bibliothèque nationale de Paris, qui la fit reproduire
sur papier de luxe pour l'Exposition universelle de l855.
Le vicomte de Rougé qui était considéré un des meilleurs
êgyptologistes du XIX® siècle, la traduisit et la commenta
dans une série d'articles publiés par le Journal Asiatique,
puis réunis en un volume sous ce titre: Etude sur une sté, égyptienne.
^31
le
L'arrière-plan égyptien n'était pas aussi étendu
XIXe siècle comme l'était l'arrière-plan indien.
C'est
peut-être pour cette raison que la civilisation égyptienne
malgré sa longue durée et l'importance de ses manifestations
n'est représentée dans l'oeuvre de Leconte de Lisle que
108
par deux poèmes dont l'un. Le Voile d'Isis. a été rejeté
du recueil des Poèmes Barbares qui pourtant inclut NéférouRâ.
Etude des Poèmes égyptiens
Le Voile D'Isis
Dans l'oeuvre définitive de Leconte de Lisle, L'Egypte n'est représenté que par um poème.
D'Isis
Pourtant Le Voile
est écrit par ce même poète quoiqu'il ne l'ait pas
inclus avec Néférou-Râ dans le recueil des Poèmes Barbares.
•MHMOmMiMi^HMaBMmawiHBïaBiaataaaMB
m i' wi MM • • • • — ^ 1 ni I • • • ^ i . m !• 11 lai» »ii •! ••'•mm—•••
En 181|6 La Phalange a publié Le Voile D'Isis qui
était le premier poème hors de son domaine classique.
Ali-
son Fairlie considère ce poème comme le premier qui ait
écarté le poète de la mythologie grecque.
C'est surtout
une pièce symbolique exposant les théories sociales du chef
du Parnasse passionné dans cette période des tendances
fouriêristes.
Il est inspiré d'un poème de Schiller, tra-
duit par Marmier en 18^^: L'image voilée de Saîs, quand
Marmier était conférencier à Rennes où Leconte de Lisle
a passé une partie de sa vie.
Un article de Gérard de
Nerval dans la Phalange en l8it5, a sans doute été remarqué
par notre poète qui collaborait à la même revue.
Ce poème
où Nerval se lamentait des croyances du passé, expliquait
aussi le mythe d'Isis, la déesse égyptienne:
0 nature! mère éternelle, levant ton voile sacré,
déess e de Sais !
109
Leconte de Lisle a aussi puisé son inspiration des poèmes
de Laprade: EJL^usJ^ et de Ballanche: Orphée dont les sujets
ne se rapportaient pas à l'Egypte pour écrire Le Voile
P*Isis.
Fairlie croit qu'il n'y a point de doute que l'es-
sence du Voile d'isis était le produit de certaines idées
favorites à notre poète, n'ayant aucune prétension d'Egyptologie.
Les source de notre poète sont plus littéraires
ou philosophiques qu'historiques ou archéologiques.
Mais nous ne pouvons pas nier que le premier poème
de ce genre soit radicalement imprégné de couleur locale.
Le poète parlait d'Osiris, de la symbolique Isis, du grave
Apis, du vieil Anubis, d'Amon, de Thèbes, de Memphis, du
désert, des pyramaides, des momies et de l'hiéroglyphe.
Il
a extrait cette information des lettres de Champollion et
du Génie des Religions de Quinet, Malgré cela, nous ne pouvons pas comparer la maîtrise de l'érudition exotique qui
pénétrera plus tard toute l'oeuvre du poète à ce début de
couleur locale dans Le Voile D'Isis, Fairlie dit que ce
poème a définitivement
établi son goût
pour le b i z a r r e .
33
Nous pouvons constater aisément que ce goût est évoqué sous
une forme embryonnaire dans le premier poème oriental de
Leconte de L i s l e ,
L'idée maîtresse de ce poème est inspirée du Génie
des Religions de Quinet,
Cet auteur a montré que la religion
égyptienne é t a i t la première qui a i t manifesté
humain vers l ' i n d i v i d u a l i t é :
l'effort
"En Egypte l'homme au lieu de
110
se laisser absorber comme dans l ' I n d e , par son idole, , , ,
a cherché souvent à r i v a l i s e r avec e l l e , "
Ceci explique
l'audacité des Pharaons contre les Dieux dans Le Voile d ' I sj^.
Fairlie affirme aussi que notre poète y a puisé la
terminologie égyptienne nécessaire pour donner donner à
l'ambiance une authenticité
définitive,
Néférou-Râ^^
Vianey donne comme source unique de ce poème qui
fut publié
dans la Revue Européenne en I861, le livre du
vicomte de Rougé dont nous avons déjà parlé,
Fairlie in-
siste cependant sur la possibilité d'une seconde source
qui est toutefois du même auteur.
Elle dit que dans la
Revue Contemporaine dans laquelle fut publié le poème de
Leconte de Lisle Le^ ^ Juge me n t ^ d_e _K o.mor , Rougé a publié un
autre article plus "populaire" contenant sa traduction de
la stèle et surtout ses principales conclusions historiques
exemptes des notes hyéroglyphiques et linguistiques. L'inscription était surmontée d'un tableau détaillé représentant
Ramsès II,
L'histoire raconte que le double actif du Dieu
Khonsou, le dieu-fils du célèbre dieu Amon, était un personnage fort puissant.
Il était le conseiller du pays dont
il était aussi la providence.
Le roi en faisant un voyage
en Mésopotamie, épousa une princesse qu'il ramena en Egypte
où elle fut couronnée.
té du soleil,
Elle s'appelait Néférou-Râ, la beau-
Ramsès envoya Khonsou en Syrie pour guérir
111
la soeur de la reine qui tomba malade.
qui demeurait en e l l e .
I l chassa l ' e s p r i t
Après un long séjour i l retourna
en Egypte où i l eut un entrevue avec son double qui é t a i t
un dieu très orgueilleux qui n'aimait pas se déplacer.
L'inscription i l l u s t r e cette rencontre entre les deux Khonsou,
Vianey continue en disant que cette source dont s ' e s t
inspiré notre poète n ' é t a i t pas en vérité authentique.
Il
explique en détail les faits historiques et atteste que
les prêtres égyptiens avaient faussé le document pour donner
plus de grandeur à leur Dieu.
C'est pour cela qu'ils ont
attribué cette histoire au régne de Ramsès II dont le règne marque une époque célèbre.
Une grande part des rensei-
gnements é t a i t pourtant vraie, et ce qui n'a pas empêché
le succès du poème est le fait que la partie falsifiée
avant tout de composition égyptienne.
était
Les descriptions et
le vocabulaire étaient aussi authentiques.
Leconte de Lisle à son tour a remanié plusieurs passages pour q u ' i l s soient seyants à ses propres idées.
Ici
aussi i l a résumé de longs passages en gardant tout de même la beauté du paysage:
Ura matin éclatant de la chaude saison
Baigne les grands sphinx roux couchés au sable aride.
Mais i l a changé les t r a i t s du dieu Khon qui ressemble plutôt au dieu Sovkhotpou dont la statue énorme est au Louvre,
I l a aussi préservé un des deux dieux Khonsou pour en simp l i f i e r l'évocation, comme i l le faisait souvent avec les
sources indiennes.
Ce n'est plus la soeur de Néférou-Râ
112
qui est malade mais c ' e s t la f i l l e de Ramsès, la beauté
du s o l e i l , qui attend, impatiente, l ' a r r i v é e du dieu:
Le grand Rharasès l ' a t t e n d dans sa vaste demeure.
Craignant que, si le Dieu ne se présente au s e u i l ,
La Beauté du S o l e i l , Néférou-Râ ne meure.
Tout le monde s'attend au miracle du Dieu quand i l s désespèrent ayant appris de quoi souffre la princesse:
Voici qu'elle languit sur son l i t virginal.
Très p â l e , enveloppée avec de fines t o i l e s ;
Quel démon l ' a touchée, ou quel Dieu la convie?
0 lumineuse fleur, meurs-tu d'avoir aimé?
La t r i s t e s s e envahit la t e r r e de Khêmi et l'âme de Ramsès
est comme la nuit noire, mais son eSpoir renaît quand le
dieu Khon arrive:
I l approche.
Un long cri d'allégresse
Cependant, Néférou-Râ
s'élance.
se meurt:
Néférou-Râ t r e s s a i l l e et sourit et s'incline
Comme un rayon furtif oublié par le jour.
Ce poème pathétique f i n i t sur une note t r i s t e .
Le
dieu a finalement guérit la princesse égyptienne mais i l
ne l ' a pas rendue à la vie et à son père:
Hélas! Khons a guéri la Beauté du Soleil;
Le Sauveur l ' a rendue à la vie immortelle.
Sa maladie é t a i t incurable mais e l l e repose après avoir
souffert un mal:
Qui dévorait ce coeur blessé jusqu'à la tombe;
Et la mort, déliant ses ailes de colombe.
L'embaumera d'oubli dans le monde divin!
Vianey est convaincu que malgré les modifications
radicales que le texte égyptien a subies, Leconte de l i s l e
113
a r é u s s i à r e c r é e r l a v i e de l a p é r i o d e l a p l u s
de l ' h i s t o i r e
égyptienne.
I l a a u s s i montré
glorieuse
l'importance
de l a femme dans l e s s u c c e s s i o n s p r i n c i è r e s de ce p a y s . Les
E g y p t i e n s c r o y a i e n t que l a femme t r a n s m e t t a i t l e sang d i v i n ,
l e sang du S o l e i l qui é t a i t s e n s é ê t r e l e v r a i p è r e ;
l e p è r e c h a r n e l n ' a v a i t aucune importance e t c ' e s t
ainsi
pour
c e t t e r a i s o n q u ' u n e p r i n c e s s e de sang r o y a l é t a i t beaucoup
p l u s i m p o r t a n t e pour l e s E g y p t i e n s q u ' u n p r i n c e de sang
royal,
S ' é t a n t i n s p i r é d'un t e x t e authentique l e poète a
pu t r a n s m e t t r e sans aucune m o d i f i c a t i o n l a façon dont l e s
poètes égyptiens décrivaient les
femmes:
H i e r , Néférou-Râ c o u r a i t parmi l e s r o s e s ,
La Joue e t l e f r o n t purs p o l i s comme un b e l o r .
Et s o u r i a i t , son coeur é t a n t p a i s i b l e e n c o r .
De v o i r dans l e c i e l b l e u v o l e r l e s i b i s
roses.^^
P o u r t a n t , t o u t en ayant i l l u s t r é l a c o n c e p t i o n
de l a v i e f u t u r e ,
égyptienne
l e p o è t e l ' a changée l é g è r e m e n t pour i n -
c l u r e une de s e s i d é e s l a - d e s s u s .
"La mort
d ' o u b l i dans l e monde d i v i n , " d i t - i l .
l'embaumera
Si l e s E g y p t i e n s
c r o y a i e n t que son âme e n t r e r a i t dans l e monde d i v i n ,
ils
n ' o n t Jamais c r u q u ' e l l e o u b l i e r a i t sa v i e m o r t e l l e .
Via-
ney c r o i t que n o t r e p o è t e a a j o u t é c e t t e p a r t i e au d e r n i e r
v e r s p a r c e que s e l o n sa p h i l o s o p h i e l a mort e s t l e comraencernent de l ' o u b l i é t e r n e l . 37
La p l u s b e l l e p a r t i e de ce poème, c o n t i n u e Viriney,
c ' e s t l ' i m p r e s s i o n donnée au l e c t e u r que dans l e s
palais
e t dans l e s t e m p l e s c o l o s s a u x de l ' E g y p t e v i v a i e n t des
rois
111+
qui étaient aussi humains que nous, ayant les mêmes joies
et les mêmes douleurs du dernier mortel du XIX^ siècle.
Comme nous pouvons nous en rendre compte par la simple lecture de cette étude des poèmes indiens, arabes et
égyptiens, l'oeuvre de Leconte de Lisle est un ouvrage de
savoir.
Le poète dit lui-même:
I l faut que le poète se soit assimilé tout d'abord
l ' h i s t o i r e , la religion, la philosophie de chacune
des races et des civilisations disparues.
C'est exactement ce qu'a fait notre poète avant d'écrire
ses poèmes d'inspiration orientale imbue d'érudition.
Il
a dépouillé de prés toute une bibliothèque pour se documenter sans se contenter comme le plus souvent Victor Hugo,
des encyclopédies, dictionnaires et d'autres ouvrages de
vulgarisation, dont l'usage est rapide et facile.
évité aucun véritable labeur.
I l n'a
I l a lu des textes entiers
de première main.
Ses offenses
à la vérité historique ne sont ni nom-
breuses, ni très graves.
Ellles sont en connaissance de
cause ayant le but de faire une synthèse des poèmes trop
longs.^^
I l a choisi les sources les plus sérieuses et i l
en a extrait ce qu'elles contenaient de plus
S ' i l a parfois choisi l ' e f f e t
significatif.
poétique au détriment de l'au-
t h e n t i c i t é , c ' é t a i t parce q u ' i l avait déjà reçu le choc
qui a ébranlé son imagination, tout en se servant autant
que possible des faits puisés dans les textes historiques.
CHAPITRE IV
L'ERUDITION DE L'OEUVRE DE LECONTE DE LISLE
Leconte
mait
toutes
plus
acharnés
les
vertus
affirma
des
exigeant
Mais
c'est
qu'il
dut
ça p e n d a n t
surtout
le
les
J a l o u x de s o n
ans
de c e t t e
littéraire
du v o c a b u l a i r e ,
d'accord
l'espèce
réputé
aussi
affirment
que son v o c a b u l a i r e
reproche
rares
ques.
et
qu'avec
injustement
suggestifs
Le l e x i q u e
expert
tous
n'est
qu'exigeaient
b e a u x que nous
connaissions.
pas
d'admettre
à quel
bes
et
ble
au p u b l i c
point
de m o t s h i n d o u s
français.
les
sans
ses
Mais
de l a
autres
étendu.
en q u ê t e
115
des
descriptions
est
cas
qui
On
mots
exoti-
un d e s
c e l a ne nous
le
Nous
critiques
a employé t a n t
bien
la
littérature
aucune e x p l i c a t i o n
C'est
est
le
sa p r o p r i é t é .
de n o t r e p o è t e
il
comme n o u s
pas b i e n
pas
exer-
poètes.
Joseph B è d i e r ,
de n ' ê t r e
d e s poèmes
impeccable
impeccable
et
par-
infiniment
de r o y a u t é q u ' i l
sa précision
avec cet
de
autorité.
d a n s l e monde d e s
française
lui
bien
un m a î t r e
de s a f a c t u r e
facture
Leconte
mieux que n o u s , " en
et
de v i n g t
écrit
José-Marie
d'ailleurs
plus
les
de s ' e x p r i m e r .
était
au p r e s t i g e
suppri-
a au m o i n s
il
et
n e sommes p a s
vers
on
critiques
pour qui
maîtrise
critique
qualité
que l e p o è t e
cette
Le s e c r e t
dit
ne f e r a
que s i
poèmes, l e s
à son d i s c i p l e p r é f é r é ,
Parnassiens
respecté,
de s e s
fermement
malgré son i n é p t i t u d e
Heredia:"Personne
lant
croyait
admetteraient
de b e a u x v e r s
de L i s l e
de L i s l e
plus
empêche
de m o t s
ara-
indispensa-
de l a
description
Il6
de Damas, c a p i t a l e e x o t i q u e de S y r i e q u ' i l a t â c h é
l i r dans l e poème de Mouça El^Kébyr.
Notre
d'embel-
connaissance
de l ' a r a b e e t de l ' h i n d o u nous a a i d é à comprendre ces emprunts d ' a i l l e u r s
français
p r é c i s et c o r r e c t s ; mais l e s
lecteurs
e t européens du p o è t e sans aucune c o n n a i s s a n c e de
ces l a n g u e s o r i e n t a l e s n ' é t a i e n t pas à même de l e s
q u o i q u ' i l s se s o i e n t e f f o r c é s
prendre.
goûter
d ' a r r a c h e - p i e d de l e s com-
Nous avons c h o i s i un nombre de ce ces mots em-
p r u n t é s pour i l l u s t r e r n o t r e p o i n t de v u e .
T ab 1 e d u L e x i g ue or i ^ ^ J ^ j ^ j i a n s l e s p o è m es _ é t u d i e s
R e c u e i l des Poèmes Antiques
Sûryâ: l ' o e i l
commun de Varouna e t M i t r a . Le Dieu du S o l e i l .
Apsara: mot s a n s k r i t , un ange
(féminin).
P r i è r e Védique ,pour Les Morts_, 11
Sôma: mot i n d i e n , l e rythme de l a musique.
Yama: l e d i e u de l a m o r t .
Bhagavat,111
SÛras: mot hindi, une plante exotique.
Kala: mot hindi, l'Art.
Pippala: mot hindi, arbre qui pousse en Inde.
Kinnaras: musiciens des Dieux.
Ganga: une déesse indienne.
Kalahamsas: pas de traduction,
Kokilas: mot indien: sanskrit, un coucou.
117
Védas: mot i n d i e n , s c i e n c e , q u a t r e r e c u e i l s
liturgiques,
R i c h i : mot h i n d i , homme d'une grande- s a i n t e t é ,
Açokas: mot s a n s k r i t , t i t r e d'un r o i
indien,
La Mort de V a l m i k i . IV
P a r i a : mot t a m o u l , t o u s l e s h o r s - c a s t e en I n d e ,
Radjah: mot h i n d i , p r i n c e
Nopal: f i g u e
indien.
d'Inde,
Rakça: mot h i n d i , démon,
Deva: mot s a n s k r i t , l e s e r v a n t de Dieu,
Ravana: mot h i n d i , t i t r e du r o i qui f u t t u é par Rama,
Çunacépa, V
Caïman: mot c a r a ï b e , un c r o c o d i l e à museau l a r g e .
Cudra: mot s a n s k r i t , l a c a s t e l a plus b a s s e en I n d e .
B e n g a l i : mot h i n d i , p e t i t p a s s e r e a u à plumage b l e u et b r u n ,
o r i g i n a i r e de l ' A f r i q u e
tropicale.
Mâyâ: mot s a n s k r i t , l ' e n s e m b l e des i l l u s i o n s qui
constituent
ce monde.
A s u r a : mot h i n d i , un o i s e a u .
K c h a t r y a : mot s a n s k r i t , l a c a s t e des
guerriers.
Sama: mot urdu qui s i g n i f i e l e c l i m a t ; mot h i n d i , l e temps;
mot s a n s k r i t , l i v r e s a c r é des p r i è r e s .
R i g : mot h i n d i ,
prière.
Y a d j o u r : mot s a n s k r i t , un l i v r e r e l i g i e u x e t
sacré.
Vîna: mot h i n d i , un i n s t r u m e n t m u s i c a l comme l e
Conque: mot h i n d i , un tambour.
sitar.
118
La V i s i o n de Brahjna. VII
H â r i : mot s a n s k r i t , t i t r e d'un
Dieu.
A ç v a t h a : mot s a n s k r i t , un c h e v a l ,
I n d r a : l e p l u s grand des d i e u x v é d i q u e s , m a î t r e de l a Foud r e e t Dieu des
guerriers,
Lanka: mot s a n s k r i t , nom de Ceylon.
R e c u e i l des Poèmes Barbares
N é f é r o u - R â . IV
Anubi: mot a r a b e , un é t h i o p i e n .
Amon: d i e u é g y p t i e n , p a t r o n de Thèbes.
Khêmi: mot a r a b e , nom d'un
état.
Nurmahal. XXII
Urarah: mot a r a b e , un homme qui a f a i t l e p è l e r i n a g e à l a
Mecque.
Arya: mot a r a b e , homme a r y e n .
M a h r a t t e : l a n g u e i n d o - a r y e n n e p a r l é e dans l a r é g i o n de Bombay.
Nagare: mot s a n s k r i t , un tambour.
Curma: mot h i n d i , un c h e v a l i e r .
F a k i r : mot a r a b e , p a u v r e ; nom donné en Europe aux a s c è t e s
de l ' I n d e .
Babou: mot h i n d i ,
seigneur,
Hùka: mot a r a b e , une p i p e o r i e n t a l à long t u y a u
flexible,
C a i s : mot a r a b e , b e r g e r de chevaux,
P a l a n k i n : mot h i n d i , une s o r t e de c h a i s e , de l i t i è r e ,
p o r t e n t des hommes.
que
119
PendJ-Ab: r é g i o n de l ' A s i e m é r i d i o n a l e , a r r o s é e par l ' I n d u s ,
K a r n a t e : mot s a n s k r i t , une danse du Sud de l ' I n d e ,
H û r i : mot a r a b e , une nymphe du P a r a d i s ,
L a l l - B i b i : mot h i n d i , un a r b r e qui pousse au Nord de l ' I n d e ,
Harem: mot a r a b e , femmes ( p l u r i e l ) , e t l ' a p p a r t e m e n t
l e s femmes
que
habitent,
Golkund: mot h i n d i , l e nom d ' u n e dôme,
V i ç a p u r : mot s a n s k r i t , une v i l l e en I n d e ,
Le D é s e r t . XXIII
Horeb: a u t r e nom arabe du S i n a ï ,
D j e n n e t : mot a r a b e du Coran, l e P a r a d i s ,
D j i h a n - A r â . XXIV
Akbar: empereur moghol de l ' I n d e ( I 5 5 6 - I 6 0 5 ) ,
descendant
de Timur,
Aurang-Ceyb: empereur moghol de l ' I n d e ( 1 6 5 8 - I 7 0 7 ) ,
Il
p o r t a l ' E m p i r e moghol à son apogée p a r ses
conquêtes et son a d m i n i s t r a t i o n
Judicieuse,
Aoud: a n c i e n royaume de l ' I n d e , b e r c e a u des A r y e n s ,
h u i dans l ' U t t a r
aujourd'
Pradesh,
DJerama: communauté de T u n i s i e , e n t r e Sousse et S f a x .
Tadjé-Mahal: mausolée é r i g é p r è s d'Agra par l ' E m p e r e u r Schah
Jahan à l a mémoire de s a femme au XVII^ s i è c l e ,
La F i l l e de l ' E m y r . XXV
Emyr: mot arabe, prince,
Allah: mot arabe, Dieu,
Khalyfe: mot arabe, le titre pris après la mort du Prophète
120
Mohammed, p a r l e s s o u v e r a i n s p o l i t i q u e s e t
reli-
g i e u x de l ' E m p i r e musulman.
Le C o n s e i l du F a k i r , XXVI
C i a p a y e : mot p e r s a n , s o l d a t
courageux.
Nabab: mot h i n d i de l ' a r a b e nawwab, t i t r e donné dans
de aux grands d i g n i t a i r e s
l'In-
de l a cour des s u l t a n s .
Bégum: t i t r e donné aux p r i n c e s s e s
indiennes,
A r k a t e : mot u r d u , une v i l l e en I n d e ,
Maskate: mot a r a b e ,
épice.
Mangalor: é t a t de l ' I n d e , a u j o u r d ' h u i
Y b l i s : mot a r a b e ,
Mysore,
Satan.
R e c u e i l des Poèmes Tragiques
L ' A p o t h é o s e de Mouça-al-Kébyr. I
Mouazzin: mot a r a b e , t i t r e du sheikh qui f a i t l ' a p p e l à
l a p r i è r e musulmane, cinq f o i s par J o u r .
Onagre: mammifère ongulé s a u v a g e , de Perce et d ' I n d e ,
t e r m é d i a i r e e n t r e l e cheval et
Syouân: mot a r a b e ,
in-
l'âne.
ministère.
Imam: mot a r a b e , un s h e i k h de l ' I s l a m .
Aly: l e b e a u - f i l s
du P r o p h è t e Mohammed.
H a d j e b : mot a r a b e , h u i s s i e r ; p r e m i e r m i n i s t r e de l ' E m p i r e .
S o u r a t e : mot a r a b e , chacun des v e r s e t s du Coran,
O u a l i ; mot a r a b e , synonyme de K h a l y f e , au Maroc,
Maghreb: mot a r a b e , l ' O c c i d e n t ,
Syrath: l'équivalent
en f r a n ç a i s
ou l e Maroc,
est
intraduisable,
121
B e n j o i n : mot a r a b e , une r é s i n e
aromatique,
Nard: mot h i n d i , un parfum e x t r a i t de l a n a r d o s t a c h y d e de
l'Inde,
Afrank: mot a r a b e , l e s
Français,
Le S u a i r e de Moha.mmed Ben-^Amer-al-Mançour, IV
Schamah: mot a r a b e qui s i g n i f i e l a S y r i e e t l e L i b a n ,
A z r a e l e : mot a r a b e , nom de l ' a n g e de l a m o r t ,
K o r t h o b a h : nom a r a b e de C a r t h a g e .
K a l a t - a l - N o u ç o u r : nom a r a b e , l a t o u r des a i g l e s ,
H e d j a z : nom a r a b e de l ' A r a b i e
Séoudite.
Ommyah: l e f o n d a t e u r de l a d y n a s t i e de c a l i f e s
a r a b e s , qui
r é g n a à Damas de 66l à 750.
Nous avons omis p l u s i e u r s noms e t mots
insolites
f a u t e de t r a d u c t i o n e t t o u s l e s mots dont l e sens peut ê t r e
a i s é m e n t dégagé du c o n t e x t e g r â c e à l e u r a s p e c t
étymologi-
que .
Selon Francis Vincent, l ' é r u d i t i o n
a t t r i b u e aux p a r -
n a s s i e n s une r i c h e s o l i d i t é impeccable e t à l a f o i s
technicité.
M a i s , d ' a u t r e p a r t , e l l e s o b s c u r c i e n t l e s poè-
mes de ces p a r n a s s i e n s i m p e c c a b l e s en a c c a b l a n t l e
moyen.
une
V i n c e n t semble s u b i r a u s s i l ' e f f e t
lecteur
frustatoire
termes é t r a n g e r s avec l e u r " o r t h o g r a p h e b a r b a r e " qui
m i l l e n t dans l ' o e u v r e de Leconte de L i s l e .
plusieurs
des
four-
Comme i l y a
c r i t i q u e s qui p e n s e n t que l e l e x i q u e de ce p o è t e
e s t t r è s s i m p l e , i l y en a d ' a u t r e s qui s ' y o p p o s e n t
goriquement.
Selon Edmond E s t è v e t a n d i s que l a
caté-
recherche
122
de l'exactitude a ses avantages pour un poète, elle a aussi
ses inconvénients.
Estève pense que notre poète surcharge
le lecteur confus tous les détails et par ces faits suggestifs q u ' i l a introduits dans ses poèmes et q u ' i l ne tient
point à lui faire grâce d'aucun.
Cet abus d'érudition a
pour résultat non seulement la lassitude mais i l engendre
même l ' o b s c u r i t é .
I l aurait été très facile au poète au
moyen de quelques annotations au bas des pages de f a c i l i t e r
la compréhension
des termes i n s o l i t e s .
Le critique l i t t é -
raire ajoute im.médiatement qu'un t e l procédé aurait pu imposer au poète une attitude pédantesque.
Un autre problè-
me concernant les emprunts étrangers est celui des noms
propres qui occupent dans la poésie de notre poète une place importante.
I l est toujours contestable pourquoi ce
poète a modifié les noms propres tels qu'ils paraissaient
dans les traductions des textes orientaux.
Des noms com-
me Sourya qui est ainsi prononcé en Inde et en Egypte, est
changé sans aucune raison en Sûryâ; Nourmahal qui est un
nom arabe com.posé de deux mots, Nour, qui signifie lumière
et qui est ainsi prononcé, et Mahal, qui veut dire endroit
ou harem.
On se demande en vain pourquoi ce poète français
a changé ces deux noms arabes dont la prononciation dans
leurs pays respectifs aurait été beaucoup plus facile pour
les lecteurs européens,
Si le but de Leconte de Lisle é t a i t de dépayser le
lecteur français en le transportant brusquement dans
123
l'univers
e x o t i q u e q u ' i l se p l a i s a i t t e l l e m e n t à p e i n d r e ,
i l e s t é v i d e n t q u ' i l y a a t t e i n t son b u t .
I r v i n g Brown, l e c r i t i q u e l i t t é r a i r e a n g l a i s ,
pas d ' a c c o r d avec E s t è v e ,
I l pense q u ' i l n ' y a pas de r a i -
son pour que l e p o è t e ne se s e r v e pas de termes
en t r a t a i n t
des s u j e t s
n'est
du même g e n r e .
exotiques
Pour défendre son
p o i n t de vue i l a c i t é l ' e x e m p l e de l ' é d i t e u r de Hearn qui
v o u l a i t s u p p r i m e r tous l e s termes J a p o n a i s ,
sanskrits,
c h i n o i s e t b u d h i s t e s de son o e u v r e ; a l o r s i l l u i
dit:
E l i m i n e r ces termes é t r a n g e r s c ' e s t demander
à un a c t e u r moderne de Jouer César en p o r t a n t
une p e r r u q u e ! Imaginez une p e i n t u r e o r i e n t a l e
s a n s des costumes e t sans une a r c h i t e c t u r e o r i e n tales! 2
Nous avons l a même o p i n i o n de Brown j u s q u ' à un c e r t a i n
degré.
I l e s t de r i g u e u r dans une d e s c r i p t i o n
exotique
de s e s e r v i r des éléments e x o t i q u e s mais à c o n d i t i o n q u ' o n
p u i s s e l e s a p p r é c i e r , q u ' i l s s o i e n t a c c e s s i b l e s au l e c t e u r .
C'est pourquoi c e t t e e x p l i c a t i o n s'impose
impérativement.
Si nous avons pu p l e i n e m e n t J o u i r de l a p o é s i e
orientale
de Leconte de L i s l e c ' e s t uniquement parce que nous avons
une c o n n a i s s a n c e de p r e m i è r e main de l ' O r i e n t
langues.
et de ses
Sans ces p r i v i l è g e s c u l t u r e l s nous n ' a u r i o n s
pas
compris l e sens des maints termes é t r a n g e r s de ces poèmes,
i,e.
Muazzin: l e s h e i k h musulman qui f a i t
p r i è r e dans l e s pays i s l a m i q u e s .
l'appel
I l nous a u r a i t é t é
impossible d'apprécier la description d'ailleurs
v é r i d i q u e des rues p i t t o r e s q u e s
à la
de Damas,
très
aussi
12i|
NOUS
sommes
convaincus que la poésie de notre poè-
te aurait été beaucoup plus appréciée si elle avait été
plus claire et moins encombrée d'érudition.
Cependant, i l
y 6 des critiques l i t t é r a i r e s comme Irvin Brown qui reproehaient au poète la clarté limpide de sa poésie.
Nous
pouvons c i t e r sa réponse d'un célèbre poète français du
XVi
siècle qui a dit à un des ses contemporains "symbolis-
t e s " , connu par l'obscurité de ses poèmes à son gré:
Si votre but principal est d'être incompréhensible,
i l n'y a pas de raison pour que vous n'essayez pas
le silence.
Si l ' e x a l t a t i o n devant le Beau est la marque propre
ÊiU poète, nous pouvons dire que Leconte de Lisle é t a i t un
vrai poète.
enviables.
I l possédait des qualités poétiques innées et
Que notre poète soit doué de la faculté poéti-
que , i l s u f f i t ,
pour s'en convaincre, de constater quelle
Vertu d'exaltation ses vers possédaient d'une part, et de
l ' a u t r e , comme l'image J a i l l i t chez l u i , toujours naturelle
Et Continue,
t&se qui
Ses vers révélaient une t e l l e ferveur d'ex-
suffit:
à fêvèler la présence en lui d'une s e n s i b i l i t é
toujours ardente et toujours froissée, la palpitation d'un coeur dont la souffrance n'a pu
triompher.- et ne sont-ce pas là les signes mêmes
du pôèteî^
Êft Ba ^.uàlité de philosophe autant que poète, i l é t a i t néCcBsâife qu*il s a i s î t de ce monde des idées q u ' i l représent a i t dans un cortège d'images.
Mais que dire de leur colo-
ï-is et de leur puissance évocatrice?
Francis Vincent
125
compare la splendeur et l ' é c l a t des images de la poésie de
notre poète
à des peintures,^
I l aimait reproduire la
couleur, les contours et le relief des oeuvres d ' a r t , évoquer les personnages historiques comme Nurmahal, légendaires comme Valmiki, dans leurs costumes et dans leurs ambiances historiques.
En tant qu'animalier le poète a excel-
lé dans la descrition des animaux depuis les oiseaux Jusqu'
aux éléphants.
Mais ses chefs-d'oeuvre sont les descrip-
tions de la nature dans toutes ses formes, ses saisons et
ses genres.
I l décrit avec art la nature tropicale à la-
quelle i l s ' é t a i t habitué à Bourbon et la nature nordique
q u ' i l ne connaissait pas et n'aimait pas autant,
Leconte de Lisle dans ses rares écrits théoriques
a dit :
Le poète, le créateur d'idées, c'est-à-dire de formes visibles ou invisibles, d'images vivantes ou
conçues, doit réaliser le Beau, dans la mesure de
ses forces et de sa vision interne, par la combinaison complexe, savante, harmonique des lignes, des
couleurs et des sons, non moins que par toutes
les ressources de la passion,de la réflexion, de
la science et de la fantaisie; car toute oeuvre
de l ' e s p r i t dénuée de ces conditions nécessaires
de beauté sensible ne peut être une oeuvre d ' a r t .
I l y a de plus: c'est une mauvaise action,5
Que pouvons-nous ajouter à ce principe de l ' e s t h ê que qui pénètre toute l'oeuvre de Leconte de Lisle, interprétée d'une façon si originale!
CHAPITRE V
CONCLUSION
L'érudition-toute
à part. rites
a conféré
qu'elle
une u n i t é
des
trente
sayaient
locale
mais
à quarante
ans
que l e s
aucun n ' e s t
té
à ce
le
vante
elle
le
nous
fait
serons
est
cohérence,
n'a
il
français
de l a
du p i é d e s t a l
y
s'es-
couleur
où
s'est
comme V i c t o r Hugo
ne p e u v e n t
restreinte,
et
et
non l e
aux c u r i e u x
littéraires
doit
mesuré par l a
forcés
de d o m a i n e f e r m é
érudits
qu'on
poète
une poésie
l'élite
une s o r t e
critiques
mé-
donné
publiés,
poètes
près
a
français
Edmond E s t è v e ,
Sa p o é s i e é t a n t
singulièrement
aux s e u l s
furent
Des m a î t r e s
d'un
d'initiés,
a conquis
titue
auteur
La L é g e n d e d e s S i è c l e s
succès
a échoué.
une p o é s i e
une
des
dans
être
poète-savant.
de s o n o e u v r e ,
de L i s l e
les
et
dit
arrivé
de L i s l e ,
Les O r i e n t a l e s
Si
autre
poèmes
comme l e
Elle
anciennes
ses
élevé Leconte
comparés
civilisations
mise
de L i s l e
autrement.
Lorseque
à faire
sur sa q u a l i t é
de L e c o n t e
pas eus
e t un fond q u ' a u c u n
pu a t t e i n d r e ,
avait
à la poésie
n'aurait
au d é f i l e m e n t
discussion
une p o é s i e
réservée
il
126
est
de
fort
au p r o f a n e ,
d'antiquité.
pas
Leconte
cénacle,
à une é l i t e
naturel
grand p u b l i c .
ne c e s s e n t
être:
de d i r e q u e
populari-
Elle
saqu'
cons-
accessible
Quoique
d'insister
sur
tous
127
historien, archéologue, o r i e n t a l i s t e , géologue,
h e l l é n i s t e , égyptologiste, indianiste et philologue pour comprendre sa poésie,!
Nous pensons que le lecteur ne doit pas être si pédant
pour la comprendre.
Mais i l doit avoir un idée des civi-
lisations que Leconte de Lisle a décrites.
I l y a de nos
Jours des livres qui pouraient i n i t i e r le profane, sans
trop d'érudition, aux idées principales de ces civilisations
mais pour la compréhension des mots insolites i l devrait
se résigner à son imagination.
Les Poèmes Antiques^ et les Poèmes Barbares^ n'ont
Jamais obtenu de vogue parmi les lecteurs imprisonnés dans
le domaine de la sensation, tandis qu'ils avaient une haute place parmi ceux qui pensent;
parce qu'ils ont l ' a s -
pect de poèmes essentiellement tissés d'idées.
Leconte de Lisle ne se plaisait pas dans la gloire
terrestre.
I l s'entêtait
de pratiquer une poésie savante,
tout en sachant qu'elle ne serait pas appréciée du public.
A propos du succès de Lamartine notre poète é c r i t :
I l n'est pas bon de plaire à une foule quelconque.
Un vrai poète n'est Jamais l'écho systématique
ou involontaire de l ' e s p r i t public.
Ainsi selon le chef du Parnasse l'Art n'ayant aucune influence efficace sur la masse, i l s'ensuit que l'Art est un
luxe.
I l acceptait avec sérénité son rôle de poète.
Il
pensait que la supériorité i n t e l l e c t u e l l e cause non seulement une souffrance marquée mais aussi l'isolement de l ' i n dividu dans la société,
Leconte de Lisle lui-même i l l u s t r e
128
s e s s e n t i m e n t s en d i s a n t :
Les grands p o è t e s , l e s v r a i s a r t i s t e s qui se s o n t
m a n i f e s t é s dans son s e i n ( l a France) n ' o n t p o i n t
vécu de sa v i e . , . I l s a p p a r t i e n n e n t à une f a m i l l e s p i r i r t u e l l e q u ' e l l e n ' a jamais reconnue et
q u ' e l l e a sans c e s s e maudite e t p e r s é c u t é e .
A son d i s c i p l e f i d è l e , J o s é - M a r i a de H e r e d i a , Leconte de
Lisle
écrit:
Les v r a i s p o è t e s s o n t l e s b ê t e s n o i r e s de l ' h u m a n i t é .
Malgré son mépris du succès e t de l a g l o i r e , b i e n
q u ' i l fût l'homme qui
disait:
Dans l ' A r t on e s t ou un p r o p h è t e , un a d o r a t e u r ,
un a p o s t a t ou un s p e c t a t e u r profane à qui i l
e s t i n t e r d i t de m e t t r e l e p i e d dans l e t e m p l e ,
Leconte de L i s l e f u t récompensé par l a France a y a n t
été
é l u membre de l ' A c a d é m i e f r a n ç a i s e en 1873, 1877 et 1886,
Quand i l mourut l e 17 J u i l l e t 189^» sa g l o i r e qui
fait
l'avait
" e n t r é v i v a n t dans l ' i m m o r t a l i t é " , comme l e d i t
b i e n Edmond E s t è v e , r é s i s t a i t
b o l i s t e qui s ' a n n o n ç a i t
au triomphe de l ' é c o l e
glorieusement.
si
sym-
NOTES
Chapitre I '
Louis Cario et Charles Regismanset, LJ.,E2^iism£,
la Littérature^ Coloniale (Paris: Mercure de FranceT7~
p. 10,
2
Ibid,, p. 13,
^ P i e r r e J o u r d a , L'Exotisme dans___la L i t t é r a t u r e
Franc a i s_e d e p u i s C h a t e a u b r i a n d (WarTsT
B^rvTn7~1938) ,
p. 17.
^Ibid,, p, 18,
5
'^Geoffroy Atkinson, The Extraordinary_ Voyage in
French Literature (New York: Burt Franklin, I92T) , p, 9.
Gilbert Ch i n ar d, I;J Ame H^que^^ .^.^9^331^^
^9.^^ R"^^
dans la Littérature Française au XVIÏ^ et au XVÏII^
•^"v
Siècles
(Paris: Librairie Drôz, r935"), p. 189.
'^Ibid. , p. VII.
o
N. H. Clément, Romanti_ci_sm_ in^ France (New York:
M o d e m Language Association, 19 39), p T ^ 5 6 .
^Chinard, p. 222.
^Qlbid., p. U28.
^•^Joseph Bédier et Paul Hazard, La Littérature
Française (Paris: Librairie Larousse, 19^9), II, P- I80.
12Jourda, p. 20.
13 Ibid,, p, 21,
Ik Elisabeth Barineau, Les Orientales de Victor Hugo
(Paris: Librairie Mercel Didier, 1952), p, XVIII,
^Pierre Martino, Parnas se et Symb oli s me (Paris:
Librairie Armand Colin, 19 35), P» 35.
Jourda, p, 10,
^''^Pierre M a r t i n o , L ' O r i e n t cL an s j ^ Lijb t e r j ^ u r e Fr anc a i s e au XVII^ e t au XVIÎT^~Si"ècTes ( T a r T s T ^ H a c e t t e , I 9 0 6 ) ,
p. 3.
129
130
18
Jourda, p. 13.
19
Jourda, pp, I80-I82,
20
Barineau, p, XIV,
21
•Jean L e y m a r i e , F r e n c h P a i n t i n g i n t h e XIX Cenm^y ( C l e v e l a n d :
World P u b l i s h i n g Company, I 9 6 2 ) , p , 5 3 .
22
Barineau,
p . XIV.
23
L o u i s H a u t e c o u r , L i t t é r a t u r e e t P e i n t u r e en F r a n c e
du XVII
au XXJ S^iècle ( P a r i s :
L i b r a i r i e Armand C o l i n ,
1963)T~P^^^
2U
Barineau, p, XIV.
25
Leymarie, p, 68,
26
Ibid,, p, 76,
27 Ibid., p. 82.
28
Hautecour, p. U9.
29
Ibid., p. 85.
30
Leymarie, p. 87.
Chapitre II
F r a n c i s V i n c e n t , Les Pa£_nas^jJ.j^j^^^^__^|^^s^JiJ_t^^
L ' E c o l e , Les Oeu^yj'es gA.J[igA,J-°Jî}J?JL?r^P^^^s ' G a b r i e l Beauchesne et Ses FilsT, p. 195.
Edmond E s t è v e , Le^^onte^d^e Lj^^le LJHjjjm^
(Paris:
L|Oeuvre_
B o i v i n , 1 9 ^ ^ ) , p . ^ . ""
^Vincent,
p. 199.
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'
Mi^iiMii»
I
rr~i I
1—I
« r iiirTW~nni—rnirm—~i~mfTn'TT?~~~~"'i
' "
p^i»^——»—.»——)JI——^-—J-
^Vincent, p. 199.
Brown, p. 32.
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B a r r a r e s , " Symposium. XVIII ( F a l l , I 9 6 I 1 ) , p . 1 9 7 .
131
8
^
e
K
André Lagarde et Laurent Michard, )CI_X^_S_iecle :
Les Grands AuteursFrancais_ du Programme (Paris: Bordas
Collection Textes et Li'tt'érature, X9*61") , p. U05.
o
^
^Estève, p, 11,
•^^Ibid, , p, 215.
•^•^Cario, p, 275.
^^Vincent, p. 210,
•^•^Estéve, p. 69.
"^ Carlo François, "Leconte de Lisle et le Paradis
Perdu," French Review, XXX® (February, 1957), p. 282.
"^^Estève, p. lUU.
Cario, p. IU5.
•'•'^Ibid. , p. 265.
Brown, pp. 5-6.
"^^Estéve, p. IU7.
^^Ibid., p. 129.
2lRené Doumic, Hi£ioi^re_d^e_La,^^Lit;tér^^
(Paris: Paul Mellote), p. 751.
^^Moreau, p. 202.
^^Vincent, p. 200.
Estève, p. 127.
^^Ibid., p. 135.
^^Paul B o u r g e t , N£^SL2,auxj:jj^ais_de^,Xsq^
Contemp^ojiaine, ( P a r i s :
A l p h o n s e L e m e r r e , 19^+0), p . 1 2 3 .
^'^Ibid.. p. 131.
^^Estève, pp,
^Bourget,
156-159.
pp, 110-111.
30
Vincent, p. 13.
132
31
I h i d , , p . 1Î+.
32
B è d i e r , p , 336,
Vincent, p. 20.
3k
Ihid.,
p.
32.
^ ^ i i i - â * » P- 3 2 .
E s t è v e , p. 225.
37
Vincent,
p.
217.
38
I b i d . , p . 218.
^^Estève, p. 213.
ko
Vincent, p. 37.
^•••Estève, p . 1 7 8 .
k2
P h i l i p p e Van T i e g h e m , Les Grandes D o c t r i n e s L i t t e r a i r e s en F r a n c e ( P a n s :
P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s de
F r a n c e , I 9 6 3 ) , p . 239.
k3
Vincent, p. 43.
E s t è v e , p. 16.
U5
'^G. Lanson e t P . T r u f f r a u , Manuel I l l u s t r é d ' H i s t o i rjs de La^ L i t^t é r aju. r^e _ F r an ç a i s__e ( P a r i s :
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k6
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(Berkeley:
U n i v e r s i t y of C a l i f o r n i a P r e s s , 1 9 6 1 ! , p . 2 9 3 .
kl
Moreau, p . 20n,
k%
V i n c e n t , p* 220».
^ E s t è v e , p, 180,
50 M a r t i n o , P a r n a s s e e t S ^_mboli^^£me , p ,
^•^Vincent, p ,
38.
209.
A l i s o n F a i r l i e , Lee on t e de j j i s 1 e_^^s^^^o ems oB^^h^g
B a r b a r i a n Races ( C a m b r i d g e :
Cambridge U n i v e r s i t y P r e s s ,
Ï 9 M ) , p. 13.
133
53
Lagarde, p, U20,
5U
Fairlie, p, 1 7 ,
55^
^Pi^i lippe Van Tieghem, I^nf luences ^_ Etranp:ères^ sur
iâ-^L^i££^^£|,«,|l£âE2.âi^ (Paris: * Presses UniTersitaires
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Brown, p. 13.
Chapitre
III
"Martino, P a r n a s s e et Symbolisme, p .
kl,
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3
Leconte de Lisle, P o èjj}£S__Anjtj^ u e s (Paris:
Lemerre),9 p. 26,
k jbid,
P
30,
^Jbid.
P
36,
'jbid,
P
1,
^Jbid.
8
Jbid,
P
k.
P
57.
jbid.
P
7.
Librairie
10
Leconte de Lisle, Derniers Poèj"ie_s_ (Paris:
Librairie Lemerre), p, 10,
Leconte de Lisle, Poèmes_ Barbares_ (Paris:
Lemerre), "p, 130,
Librairie
12
iisiè
J o s e p h Vianey, Lej Pog^gg.^Jj-i'^g-^gs de Leconte de
(Paris:
L i b r a i r i e N i z e t , 1 9 5 5 ^ , P. 120,
à3vi
Li si e , Poèmes^ Barbares , p. lU 5 .
Ik-
•
i i i l ' » P' 157.
^ J o s e p h V i a n e y , Les Sources de Leconte de L i g l e
tïJIbhtpè-iieir:
C o u l e t , 1 9 W m > . 225.
• ^ ^ F ' a i r l i e , p , 3U7.
Î M I - . P- 359.
13^
18,.
Lisle, P o é m e s T ragi gue^. p. 1,
19„..
Vi an ey , Les S o u r c G s_d e_J.^ co nt^e_d_e_T.i£l^, p , 227,
20
Ibid,, p, 229.
21
Ibid,, p, 231.
22
i i l â * . P- 2 3 6 .
23...
L i s l e , P o é m e s T r a g i q u e s , p. 19.
2k„.
V i a n e y , Les S o u r c e s de L e c o n t e de L i s l e ,
25
p.
239.
^ Ibid. , p.
21+2.
27
28
Ibid.,
Fairlie,
Lisle,
Ibid.,
p.
p.
238.
2kk»
PoèmesBarbares,
29 F a i r l i e ,
30
p.
p,
p.
152.
2^5.
30.
31„..
V i a n e y , Le_^s_ ?!?Hr„^.?.L..^i;, ,,^~.^^"^^- ^^
32 F a i r l i e , p . 2 5 .
L=LS£» P* ^^ •
33 Ibid., p. 32.
3k
Ibid., p. 30.
35_.
Lisle, Poèmes _Barbar_e_s_, p. 38.
36 „.
Vianey s Les So_ujr_c^es.„^6,.,.„1'6.99^,^^,,.,<ig,, l^};sl,e , p. 1 1 0 .
37 Ibid., p . 1 1 1 .
38
E s t è v e , p. 1 0 0 .
39 „.
Vianey, Les Sources
de Leconte de Lisle, p. I I .
Chapitre
Martino,
Parnasse
IV
e t Sym.bolisme, p .
6I.
2
Brown, p. 77.
3
Bourget, Nouveaux Ess ai_s^^e^ j'sy chologie
poraine , p. 97.
Contem-
135
II
Vincent,
p, 223.
^Bédier, p, 335.
Ch ap i t r e V
••MiiMiwri'nrîTiiir'acapcaigaaaant
Vincent, p, 75,
Bourget, Nouveaux Essais de Psychologie Contemp o r a m e , p, 133.
^
— W
II MIIWWIMIll l l W i ^ i l
IBllll l i r w
»•
! • ' ' I II • • • • I l •!! m i l I I W I l ï l l l • m i M ^ l
• IWi—••!•
IT~^lW
•^Van T i e g h e m , Les Grandes^^Doctri nés _ Li t t é r a i r e s
F r a n c e , p, 239,
"""^
k
^
P u t t e r , p, 35^.
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Paris:
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Poèmes T r a g i q u e s ,
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Littérature
XVII^ et au XVlïT^^^Si ècles ,
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Française au
au XVII
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APPENDICES
A,
Tableau Chronologique (XVII® et XVIII® Siècles)
B,
Table des Voyages autour du Monde avant le Tour
du Monde de Louis de Bougainville
139
ll+O
APPENDICE A
TABLEAU CHRONOLOGIQUE
(XVII® et XVIII® Siècles)
1598
Jacques Cartier, Discours du voyage fait par le capitaine
Jacques Cartier^ aux Terres Neuves de Canada, Norembergue, Hochela^e, Labrador et pays adjacents dites
Nouvelle France, avec particulières moeurs et cérémonies des habitants d'icelle,
Petit Val, 1598,
Rouen, Raphaël du
Traduit de Ramusio.
Acosta, Histoire naturelle et morale des Indes,
Paris,
in-8, 1598, 1600, 1606, 1616, 1617, 1617, 1621,
Traduc, de l'espagnol, Madrid, 1590,
1601
Du Périer, Les Amours de Pistion, par Antoine Du Périer,
sieur de Sarlagues, gentilhomme Bourdelois,
Paris,
chez Thomas de la Ruelle, in-12,
1603
Du Hamel, Acoubar ou la Loyauté trahie, tragédie,
Rouen,
1603, 1611.
Des Escuteaux, Les véritables et heureuses amours de Clidamant et de Marilinde,
Paris, in-12,
Champlain, Des Sauvages ou Voyage de Samuel de Champlain
lUl
de Brouage, fait en la France Nouvelle, l'an mil six
cens trois,
A Paris, chez Claude de Monstr'oeil,
s, d,, privilège du 15 novembre l603, pet. in-8.
1605(?)
Artus Thomas, Description de l'Isle des Hermaphrodites.
Chez les héritiers de Herman Demen, réimp. 172U,
in-12.
1609
Lescarbot, Histoire de^ la Nouvelle France.
Paris, I609,
in-8; réimp. Paris, 161I-I2, I618; (allemand),
Augspurg, l6l3; (anglais), Londres, l609(?), I610.
Lescarbot, les Muses de la Nouvelle France.
Paris, I609,
réimprimé à la suite du précèdent.
Tonti, Nouvelles <iècouv£r_t_e_s^ dans 1'^Amer iaue Septentrionale,
par M. de la Sale.
Paris, l697, in-12.
1611
François Pyrard, Dis^g.oiJJls,.du y_oyag_e des François aux Indes
Orientales .
Paris, I6II, in-12; Paris, I616, in-8;
1679, in-U.
D'après Brunet.
Fauteur véritable pour-
rait être Pierre Bergeron.
1613
Anonyme, Discours et congratulation à_la France sur l'arrivée
des Pères Capucins en l'Inde Nouvelle de l'Amérique
Méridionale . . ., Paris, in-12.
C h a m p l a i n , l e s Vo;vages du s i e u r de Cham,plain,
Paris,
lU2
Xainton^eois.
1 8 1 3 , i n - U ; P a r i s , I 6 2 O , I 6 2 7 , l 6 3 2 , I6Î+O.
D a v i t y , l e s E m p i r e s e t - p r i n c i n a u t e z du monde, P a r i s ,
^^^^^^^^^^^^^°^""^^^**^*™*^"*™*"**"*'™'~'~'*~~'rWil'*^''~'^"^TMr~l~ITWWM^MrtlinilMil«lliWI^BW^WWi'»MI«WiliMl
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I613,
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in-l+; Paris, l6ii3, 5 vol, in-folio; 1660, 6 vol, infolio.
161I1
Claude d'Abeville, Histoire de la Mission des Pères Capucins,
Paris, François Huby, I61J+, in~8,
1615
Yves d'Evreux, Suitte de 1 ' His^toir e^ des choses plus mémorables advenues en_^ Mara^non es années l6l3^^ et l6l^,
Paris, François Huby, I615, in-12; réimpr. ParisLeipzig, I86U, in-8.
1616
P. Biard, Relation de la Nouvelle France.
Lyon, I616, in-12.
C'est la première des relations vraiment sérieuses publiées par les Jésuites.
Les relations de l62k,
163k
et
1636 sont les plus importantes.
Jean Mocquet, Voyages en Afrique, __Asie, Indes Orientales et
Occidentales, Paris, I616; Rouen, 161+5, I665.
1617
Queiros, Copie de la requeste présentée au Roy d'Esp::,gne
par le capitaine Pierre-Ferdinand de Quir.
1617, in-12, trad.
Paris,
11*3
1619
Jardin et Monard, Histoire des drop;ues, espices et de
certains medicamens simples qui naissent es Indes et
en 1'Amérique.
Lyon, I619, in-12.
1620
Las Casas, Brève relation.
Paris, I620.
Le succès de Las
Casas continue au XVII^ et au XVIII® siècle, les éditions de l'Histoire^ des Indes et de la Brève relation
sont très nombreuses.
Paris, I63O, 1635; Lyon, 16^+2;
Paris, 1692, 1695, 1697, 1701.
Robin, Histoire des pJ:JJL'^es nouvellement trouvées en l'Isle
de Virginie.
Paris, I62O, in-l8.
1622
Gomberville, la Carithée de M. Le Roy, sieur de Gomberville.
Paris, l622, Pierre Billaine, in-12.
1629
Pierre Bergeron, Traité de la navigation et des voyages
de descouvertes.
Paris, chez Jean de Heucqueville,
1629.
Gomberville, le Polexandre, publié sous sa forme définitive, en 1637.
1632
Sagard, le Grand voyage au pays des Hurons.
in-8.
Paris, I632,
Ikk
163k
Garcilasso de la Vega, le_ Commentaire royal ou l'Histoire
des Yncas, rois du Peru, escritte en langue péruvienne
par l'Ynca Garcilasso de la Ve^a, natif de Cozco, et
fidellement traduite sur la version espagnole par I.
Beaudoin.
Paris, 163^, 2 vol. in-U, trad. Paris, I658,
1672; Amsterdam, I70I+; Leyde, 1731; La Haye, avec
préface de Lenglet du Fresnoy, 1735; Amsterdam, 1737;
Paris,
llkk,
1636
Sagard, Histoire du Canada et des voya^^es que les _Fréres
mineurs Recollets y ont faicts.
Paris, I636; réimp.
Paris, Tross, I866, k vol. in-U.
161+3
Grotius, De Orig ine Gentium Ameri c anorum.
Paris, I6U3,
in-12.
Davity, Description générale de l'Amérique, troisième partie
du monde.
Paris, 16U3, in-fol.
I6U5
Guillaume Coffier, Histoire et_y_qxB£±J.^2R^^''
tales .
Occiden-
Lyon, 16U5, in-8.
I6I18
Godwin (?), l'Homme dans la lune__qu_le_j;o.ya^g^_|:ait_au
monde de la lune, par Dominique Gonzalès, le Courrier
volant, trad. de l'anglais, par Beaudoin, Paris, I8U8.
Ik^
I6k9
Pierre Bergeron, les Voyages fameux du sieur Vincent Le
Blanc.
Paris, l6k9
(?); Paris, I658, in-12; Amsterdam
(hollandais), l63ki
Londres (anglais), I660, sous le
titre The World Surveyed, in-fol. avec portrait de
'
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111
II
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II '
Leblanc.
Arrivée des ambassadeurs du royaume de Patagoce et de la
Nouvelle France, traduit par le sieur I. R. Paris,
1659, in-8.
1651
Gomberville, la Jeune Alcidiane.
Paris, in-8.
1653
Anthoine de Calancha, Histoire du Péru, partie principale
des Antipodes au Nouveau Monde.
Tolose, l653, in-1;
trad.
I65U
Paul Boyer, Véritable^ relation de tout ce qui_ s'est passé
au voya/^e de M. de Bretigny.
Paris, 165!^, pet. in-8.
Jean de Laon, sieur Daigremont, Relation du voyage des
Français au Cap Nord de l'Amérique.
Paris, 165!^, pet.
in-8.
Du Tertre, Histoire générale des Isles de Saint-Christophe,
de la Guadeloupe, de la Martinique et autres dans
l'Amérique Septentrionale.
Paris, l65h, in-U.
Ili6
1658
Rochefort, Histoire naturelle et morale des Isles Antilles
de l'Amérique.
Rotterdam, I658, in-H; i^. , 1665, I667,
I68I; Londres (anglais), I666.
1659
Annat, Faussetez et imBosture d'un cahier oui a nour titre
Lettre de l'Illustrissime Jean de Pataf^ox.
Paris,
Florentin Lambert, I659.
Cyrano de Bergerac, Histoire comique de l'Empire de la Lune.
Herrera,^ Histoire générale^ des yoya^es^ et__conc^ue_stes des
Castillans^ aux Indes_ Occide^ntales,_ traduit de l'espagnol par N. de la Coste.
in-U; réimpr.
Paris, 1659-I66O, 3 vol.
Paris, I67I.
Palafox, Lettre de l'illustraissime Jean de Palafox au pane
Innocent X, traduit de 1'.2£J_^-^ri.a 1 latin, s. 1., l659.
Segrais (Mlle de Montpensier:), Relation de l'Isle imaginaire , Paris, in-8.
1661
Mme de la Calprenéde, la Princesse Alcidiane, Paris,
1661, in-8.
Palafox, Histoire des bonnes qualités de l'Indien, traduit
de l'espagnol,
Saragosse ( ? ) , I661,
1662
Cyrano de Bergerac, Histoire des Estât du Soleil,
1kl
1663
Anonyme, Mémoires touchant l'établissement d'une mission
chrétienne dans le troisième monde,^ autrement appelé
a Terre australe, dédiez à notre Saint Père le Pape
Alexandre VII^^_paj un ecclèsi.astique originaire de
cette mesme terre.
Paris, Cramoisy, I663, in-12.
Thevenet, Relations de divers voy^jages curieux oui n'ont
point esté publiés.
Paris, en diverses parties,
1663, I66U, 1666, 1672, 1683, 1696, in-fol.
166k
Biet, Voyage de la France Equinoxiale en l'Isle de Cayenne.
Paris, I66I+, in-U.
1667
Du Tertre, Histoire générale des_ Antilles, habitées nar
les François.
Paris, 2 vol. in-U, I667 (?); le privi-
lège est date de I666, vol. III et IV, publiés en I67I.
1672
Denys, Description géoF^raphique et historique des Costes
de l'Amérique Septentrionale.
Paris, l672, 2 vol.
in-12.
1676
Foi^ny, Usage du Jeu royal de la langue latine, Lyon, I676.
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Foigny, la Terre australe connue . . ., par M. Sadeur.
Vannes (?), chez Jacques Verneuil, 1676.
11*8
1677
Vairasse, Hi stqire__des Sévérambes . peuples gui habitent
une partie du troisième continent, communément
appelée Terre australe.
Amsterdam, I677 (voir Biblio-
thèque des Voyages imaginaries, t. V ) .
1678
Anonyme, Nouvelles de l'Amérique ou le Mercure amèriquain.
Rouen, I678, in-12.
1681
Marquette, Voyages et d^ecouyertes de quelques pays et
nations de l'Amérique Septentrionalej__par le P.
Marquette et le sieur Joliet.
Paris, I68I, in-12.
1682
Acugna, Relation de^ la^ rivière^ de^s__Amazones.
2 vol. in-12,
traduite par feu M. de Gomberville; réimpr. Paris, I716.
1683
Hennepin, Description de la Louisiane.
Paris, I683, in-12;
id_. I68I+, 1688.
168k
Anonyme, Recueit^ de divers voyages faits en Afrique et en
l'Amérique^ qui n'ont point estez encore publiez.
Paris, 1681;, in-12.
ll+9
1686
Exquemelin ou Oexmelin, Histoire d g ^ A y e n t u r i e r s qui se
s o n t s i g n a l é s _d^a_n_s_ 1 e s Indes.
Paris, 1686, traductionn
P a r i s , 1 6 8 9 , avec les Aventures de Raveneau de Lussan,
1726,
I7I+I+; Trevoax, 1 7 7 5 .
1687
Durans du Dauphiné, Voyage d'un_ Français exilé pour la
religion.
La Haye, i n - 8 .
1690
Antoine Arnauld, Histoire de Don Juan de Palafox, s. 1.,
1690,
in-12.
1697
Hennepin, Nouvelle découverte d'un très grand pays.
U t r e c h t , 1 6 9 7 ; Amsterdam, I698.
1698
Hennepin, Nouveau voyage d ' u_n JPjL^A...?l''-^-^ , -^.^,.^,^'^ '^-^•^,.,A .'.-^.^^TP ?,.?.«
U t r e c h t , I 6 9 8 , i n - 1 2 , et encore La Haye, I70I;; Amsterdam, 1 7 1 1 , 1 7 1 2 . Traduit en plusieurs langues:
voir Thwaïtes, Hennepin's travels.
Chicago, 1 9 0 3 ,
2 vol, in-8.
1699
F c n e l o n , Telemaque.
1700
Claude Gilbert, Histoire de l'ile de Cale.java.
in-12.
Dijon, 1 7 0 0 ,
150
1702
Ferrier, Montézume, tragédie en cinq actesfï Histoire du
Théâtre Français. XIV, 252.
Lettres édifiantes.
Le premier recueil est de 1702 la
collection véritable commence en 1703 et va jusqu'en
1776,
3I+ vol., réédition très augmentée, I780.
1703
Lahontan, Nouveaux voyages de M. le^_ baron de Lahontan.
La Haye, 1703, in-12.
Mémoires de l'Amérique Sepjbentri^ojriaj^e ou la suite des
voyages de M. le baron de Lahontan.
La Haye, 1703,
in-12.
Supplément
a u x X,^.!^3^.?M.^n ,AV.,„!^.,f'.r2?.. ,!^^..„.]^,?'„]^9.,^.i^,„?'.^.î 9,^,,..-^..!.i2^ t r o u v e
des dialogues curieux entr e 1'_aut^eur et _^un_
bon^ ^s e ns
ç^ui ^ a. y.oy âge .
sauvai^e de
La Haye, 1703, in-12.
1710
Tyssot de Petot (?), Voyages et^ aventures de Jacques
Massé.
Bordeaux (Amsterdam?), 1710, in-12.
1713
Gueudeville, Atlas historique, ou nouvelle introduction
à l'histoire, et à la chronologie et à la géographie
avec des dissertations sur l'histoire de chaque état,
par M. Gueudeville.
•"r» • '
1—^•Twni
•
Paris, 1713.
iniitfwiaWBi^i—W1111 — • I M I — W I —
'
1716
Zarate, Histoire de la découverte et de la conquête du Pérou,
151
1716, 2 vol. in-12, trad.
1720
Bontepos, Description du Mississippi; les moeurs des
sauvages qui y habitent; la manière de faire la guerre
et la paix . . .
la fertilité du pays et la chasse.
Paris, 1720; Rouen, 1772.
Tyssot de Patot, La vie, les aventures et le voyage de
Groenland _^du^jreyé^
, Pér e Mèsange .
Amsterdam, 1720, 2 vol. in-12.
1721
Delisle de la Drevetiére, Arlequin sauvage.
Paris, 1721,
in-12.
Defoë, Robinson Crusoë, trad. Saint-Hyacinthe.
Amsterdam,
1720, 1721.
1722
François Corèal, Vovage aux Indes Occidentales, traduction
de l'espagnol, nouvelle édition,
in-12n Amsterdam, 1722, 1738.
Paris, 1722, 2 vol.
Je ne connais pas
l'original espagnol, Sabin affirme qu'il n'existe pas.
Bacqueville de la Potherie, Histoire de l'Amérique
Septentrionale.
Paris, 172U, k vol. in-12.
Labat, Nouveaux voyages aux îles de_ 1_'Amérique.
Paris,
1722, 6 vol. in-12; La Haye, 172U, 1738, k vol. en
2 tomes; Paris, I7U8, 8 vol. in-12.
152
1723
Anonyme, Voyage du Pôle Arctique au Pôle Antarctique par
le centre du monde.
Voyages imaginaires, XIX.
Bernard Picard et Bruzen de la Martinière, Cérémonies et
coutumes ^6lig_^^'^,e_s„ ,^,e to"us_ les j)euples du monde,
11 vol. in-fol., 1723, I7I13.
Réimpression très
modifiée, due à Poncelin de la Roche Tilhac, I783,
d'après Brunet.
Marivaux, Ile des Esclaves, comédie.
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—iWill^llIlMI imil I I I M I • I
«^Mlll III IIMI • • • •
••IL^M II
I
'
I72I1
Lafitau, Moeurs des Sauvages Amériquains, Paris, 172l|,
2 vol. in-Ii.
1730
Charlevoix, Histoire de l'ile espagnole de Saint-Domingue
Paris, 1730, 2 vol. in-U.
Labat, Voyage du ch_eyali_er des Marchais en Guinée. Isles
voisines et Cayenne.
Paris, 1730, k vol. in-12;
Amsterdam, 1731.
1731
Du Perron de Castera, le Théâtre des passions. Histoire
australe.
Paris, 1731, in-12.
Prévost, le Philosophe anglaison Histoire de M. Cleveland.
Paris, 2 vol. in-12; Cleveland parut de 1731 à 1738.
Prévost, tomes V, VI et VII des Mémoires d'un homme de
qualité, ce dernier contenait Manon, qui ne parut
153
en France qu'en 1733.
1732
Bu f f i e r , Cours de_ sciences sur des^^princ ipes nouveaux
pour former le langage et le coeur dans l'usage
ordinaire de la vie.
Paris, 1732, in-fol.
Lesage, les Avantures de M. Robert Chey_aj._i_er, dit de
Beauchène, Paris, 1732, 2 vol. in-l6.
Lesage et d'Orneval, la Sauvagesse.
Théâtre de la Foire,
XIX, 222.
I73I+
Lesage et d'Orneval, les Mariages _de^ Canada.
Théâtre de la
Foire, IX, 301
1735
Fuselier, les Indes galantes , ballet.
Paris, 1735, in-12.
Riccoboni et Romagnesi, les Indes chantantes^ Histoire du
théâtre italien, IV, I8I.
1736
Voltaire, Alzire, tragédie.
Riccoboni et Romagnesi, les Sauva^ges, parodie d'Alzire,
Histoire des théâtres de Paris, I, 71.
Bonn, les Indes dansantes.
Paris, 1736.
1738
Lebeaù, Aventures du sieur Lebeau.
Amsterdam, 1738, 2 vol.
in-12; Erfurt et Frankfurt, 1752 (allemand); Leipzig, 1793.
15^
171+1+
P i r o n , Fernand Cortez ou M o n t é z u m e , tragédie.
C h a r l e v o i x , Histoire et description générale de la Nouvelle
F r a n c e , avec un Journal historique.
**^"~~'*'*~'^~~rTiM''^'~T*-T^—nmrwnnnm— wn—iTiini
• H M ' W irnwii larwaiiin 111^ iiwwiii
Paris, I7I+I* ,
i i w i » 111 1 u n mwi. 1 i i mti^mmiwm
'
*
3 vol, in-l+,
Prévost, Voyages du capitaine Robert Lade.
Paris, 17^^,
2 vol. in-12.
I7I+5
La Condamine, Relation abrégée d'un voyage fait dans
l'intérieur de l'Amérique Septentrionale.
Paris,
I7I+5, in-8.
I7I+6
Simon Berington(?), Mémoires de Gaudentio di Lucca, trad.
Paris, I75I+.
Prévost, Histoire générale des voyages, Paris, 1751+; les
tomes I à VII inclus sont la traduction des Travels
de John Green; les tomes suivants Jusqu'à XV inclus
(1756-1759) sont dus à Prévost et de XV à XX à une
société de géographes.
La publication se prolongea
jusqu'en I78O. •
I7I+7
Mme de Graffigny, L e 11 r e s ^^ p e r uy i e n n^e s .
Paris, 17^7; Amster^
dam, 1760, 2 vol.; Paris, I76I; Amsterdam, I76I1, avec
une suite, 2 vol. in-12.
155
17li8
Boissi, la P é r u v le nji e , comédie en cinq actes, non imprimée. Bibliothèque du Théâtre Français, III, l65.
17^+9
Anson, Voyage autour du monde, trad. par Elie de Concourt.
Paris, I7I+9, in-12.
1750
Béthunes(?), Relation du monde de Mercure.
Genève, 1750,
in-12.
Rousseau, Discours sur_ l^s,, l^i.'f^.'^.r.^i,^ ? •)-.,^,^,, .^ri^.^i, ^.^:
};^P.„.^„^/}-^^^.,?.^
1752
Maubert de Gouvet, L et t r_ e s _ i £0 g u o i s e s .
A Irocopolis, in-12.
1753
Chabert, Voyage^ i4,^-^i^ 1 l'Amérique _ Septentrionale .
1753,
Paris,
in-18.
Holberg, Voya^^eis^ de Nicolas Klimius, trad. par Mauvillon.
Copenhague, 1753, in-12.
1751^
Rochon de Chabannes, la^ Péruvienne, opéra comique en 1 acte.
Paris, Duchesne, in-12.
1756
Charlevoix, Histoire du Paraguay.
Paris, 1756, 3 vol. in-1;.
156
1757
VAe_du_ y.enérable Dom_Juan de P a l a f ^ .
Cologne et Paris,
1757, in-8.
1758
14me du Bocage, la^_^l_oja^ad_e3
Monde.
ou la foi portée au Nouveau
Paris, 1758, in-8.
Le Page du Pratz, Ijisjboire de_ la Louisiane.
Paris, 1758,
3 vol. in-12.
Voltaire, Candide.
1761
Vade, la Canadienne, comédie en 1 acte.
La Haye, I761 , in-12.
1763
Baurieu, l'Élève de la natur_e.
La Haye et Paris, I763, 2 vol.
in-12.
Leblanc, Manco^_ Capac, tragédie en 5 actes.
Les Homme s^X^l„ai}^,jgJj_ 1 ^,p.-.AZ.^^H£J.?--.4.-^-^-^-^-I-g—^LlJi-^ ^^ •
Paris, 1763.
1761;
Dorât, Lettrée de Zeila, février I76I+.
La Rèp^_s_e de^^ Valcourjb
à Zeila parut en juin I76I+.
Chamfort, la Jeune indienne, comédie en un acte en vers.
Paris, I76I1.
1765
Béliard, Zelaskim, Histoire américaine.
en 2 tomes, in-12.
Paris, I765, U vol.
157
1767
Mercier, l'Homme sauvage.
Neuchatel, llbk;
Amsterdam, 1767(?); Paris, I768;
traduction Pfeil(?).
Sauvigny, Hirza ou les Illinois, tragédie en 5 actes.
Paris,
Vve Duchêne, I767, in-12.
Voltaire, le Huron ou l'ingénu, I767.
1768
Bes su. Nouveaux voyages aux Indes Occidentales ^ __par_ M.
Bossu, capitaine des troupes de la_marine, nouvelle
édition.
Paris, I768, 2 vol. in-12.
tion est inconnue.
La première édi-
Amsterdam, I769, 2 vol.; Londres,
1781 (anglais); Amsterdam, I769 (hollandais); Francfort,
1771, et Helmstadt, 1776 (allemand).
Fontenelle(? ) , la République des philosophes ou Histoire
des Aj aciens, Genève, 1768, in-12.
Marmontel, le Huron, comédie en 2 actes et en vers (d'après
le roman de Voltaire), Paris, I768, in-12.
Poivre, Voya.g:es d'un philosophe.
Yverdon, I768, in-12;
Londres et Lyon, I769; Maestrich, 1779; Paris, an
II et an IV.
1769
Anonvme, Voyages et aventures du chevalier de P . . . Londres
V
9
^i^n^T—aMurBMiiiMi iwiniiji—fci
.1 I d j i B j ^ i ^ i i B w i M
iMiiBilt B l — i l f m • Il i«ii>iiTni»-iiiiii»KiW«Mi-|-•ir-w»niTi«tw^^«rw»frrwr-rnni—w——
et Paris, I769, in-12.
Lettres chérokiennes par Jean-Jacques^ Rus^s^us^__ sauyag^e
européen. Rome(?), I769.
158
Paw Cabbé d e ) . Recherches phi 1 o s oph igues sur les Ame r^ig a.i ri s .
Berlin, I768, pet. in-8.
Les volumes II et III paru-
rent en 1769, ce dernier contenait une De f ens e _ d e s
recherches adressée à Dom Pernetty, Londres (en français), I77I: Berlin, 1771, 1772, 177li, 1777; Paris, 1799.
1770
Anonyme, les Deux amis, conte iroquois, s.l., 1770, in-l8.
Du Rozoi, Azor ou les Péruviens.
Genève, 1770, in-8.
Raynal, Histoire Philosophique des Indes.
-.---Ti«.l-T—>!:—. »..^.,-^JH-*~...,^.-J^l>w
1771
Bougainville, Voyage autour du monde.
Paris, 1771, in-U.
1773
Rela,t ion du .^auf rage__d^_Mme G o d i n __sur_ la rivière d es
Amazones.
Paris, 1773.
Voir aussi Voyag es_ imagin-
aires, XII, 387.
Parny, Voyage à l'ile Bo^urbon.
Lettres à Bertin.
Bernardin de Saint-Pierre, le Voyage à l'isle de France
et à l'isle Bourbon.
Paris, 1773, 2 vol. in-8.
1776
Loaisel de Tréogate, Florello, Histoire méridionale.
1777
Lefèvre, Zuma, tragédie en cinq actes.
Marmontel, les Incas.
Paris, 1777.
Paris, 2 vol. in-8.
Paris.
159
1778
Inkle et Jarico, hi s toire_ américaine'.
Bibliothèque des
romans, XXVII, novembre, 1778.
Mémoire de la vie et des aventures de Tsonnonthouan.
Bibliothèque des romans, 1778.
1781
Restif de la Bretonne, la Découverte australe.
Leipsick,
1781, k vol. in-12.
1782
Poncelin de la Roche-Tilhac, Histoire des Révolutions
de Taïti.
Paris, I782, 2 vol. in-12.
Abbé Robin, Nouveau yoya_ge^ _^^.^__j:'-^^l^.^.r.A,^-?^,,. ^,^P,^^.^i^£^,P^^i^^ *
Paris, 1782, in-8.
1786
Chastellux, Voy^ar; e s dans 1 ' Am èr i qu e S ept ent r j onal e . Paris,
1786, 2 vol. in-12.
Mme Daubenton, Zélie dans le désert.
Londres et Paris,
1786, 2 vol. pet. in-8, 21 éditions jusqu'en I86I.
Favart (fils), 1'H eur eux ^ n au fr a g e, comédie en un acte.
Voir Grimm, C o r r e s po nd a n c^e _ 1 i 11 e r a i r e , 19 septembre
1786.
Mme de Montbart, Lettres taitiennes.
B. Le Francq, I786, pet. in-8.
A Bruxelles, chez
i6o
1787
Chastellux, Discours sur les avantages et dèavantages de
la découverte de l'Amérique.
Paris, I787.--Influence
de la découverte de l'Amérique sjur le bonheur de
Pari s.
La Chabeaussière, le Nouveau R o b in s o n, opéra comique,
devenu Azemia ou les Sauvages, comédie en prose la
même année, Paris, I787.
Radet et Barré, la_ Negr^ess e, opéra-comique en 2 actes.
Barnardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie.
1788
Abbé Genty, Influence de la dec^ojuy^te de l'Amérique sur
le bonheur du genre humain.
Paris, I788, in-8.
Maisonnuve, Odmar et Zulma, tragédie en 5 actes.
l6i
APPENDICE B
TABLE DES VOYAGES AUTOUR DU MONDE AVANT
CELUI DE LOUIS DE BOUGAINVILLE
Fernand de Magellan, navigateur portugais, né à Sabrossa.
Il entreprit le premier voyage autour du monde.
couvrit le détroit qui porte son nom en 1520.
Il déIl fut
tué aux Phillippines.
Sir Francis Drake fit un voyage autour du monde de 1577
à 1580.
Sir Thomas Cavendilf fit un autre voyage autour du monde
de 1586 à 1588
sans faire
de nouvelles
découvertes.
Olivier Van Noort entreprit un voyage autour du monde
de 1598 à 1599.
George Spilberg, navigateur hollandais fit le tour du
monde de l6ll| à I617.
James Lemaire et William Cornelieus Schouter découvrirent le détroit qui porte le nom d'un de ces deux voyageurs, le détroit de Lemaire, en l6l5.
James l'Hermite né en Hollande, découvrit le détroit de
Sonda en I626,
Cowley, navigateur anglais fit le tour du monde sans faire de nouvelles découvertes en I683.
162
Woodes Rogers, un Anglais fit un autre tour de monde
de 1708 à 1711.
Roggewein, un Hollandais a découvert le tropique du
Capricorne durant son voyage autour du monde de 1721
à 1723.
L'Amiral Anfon entreprit après un intervalle assez
long un voyage autour du monde en I7I1I .
Le commodor Byron découvrit plusieurs îles dans les
mers australes durant son voyage autour du monde.
Wallace et Carliret entreprirent un même voyage en I767.
Magellan, Drake, Lemaire, Rogewein, Byron et Wallace
étaient en quête de découvertes géographiques.
Ici commence la liste des voyageurs français qui entreprirent des voyages autour du monde.
La Barbinais le Gentil, navigateur français, entreprit le premier voyage fait par un Français autour
du monde.
Il visita Le Chili, Le Péru, et la Chine en
171^.
Palmier de Gonville a fait un tour incomplet de la
terre de 1503 à I50U.
Louis Antoine de Bougaii^ville, navigateur français né à
Paris,
Il a écrit de récit du célèbre Voyage autour
du Monde qu'il fit de I766 à I769 à bord de la Boudeuse (voir figure 7 ) .
163
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