CC Collage Conception - Ecole d`architecture de Toulouse
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CC Collage Conception - Ecole d`architecture de Toulouse
COLLAGE CONCEPTION du réel à l’imaginaire… Convention Hall, Chicago, 1953 Mies Van Der Rohe Séminaire Architecture, Mémoire, Conception Encadrement du mémoire Philippe LAMY DIDIER Laurent Année 2007 – 2008 SOMMAIRE DEFINITIONS COLLER COLLAGE MONTER MONTAGE BIDIMENSION EN QUESTION ART & COLLAGE LITTERATURE ET COLLAGE Le cadavre exquis (1927) ARCHITECTURE & COLLAGE Constructivisme International L’influence du Pop-Art DU COLLAGE AU PHOTOMONTAGE COLLAGE – OUTIL DE CONCEPTION DAVID HOCKNEY YVES BRUNIER (Kunsthal Park, Rotterdam) REM KOOLHAAS (Kunsthal Museum, Rotterdam) MVRDV (Pavillon des Pays-Bas, Hanovre) PERIPHERIQUES (Café musique, Savigny-le-temple) COLLAGE – EXPERIENCE AMC-PROJET PREMIER INTENSIF AMC DEUXIEME INTENSIF AMC PROJET BIBLIOGRAPHIE DEFINITIONS COLLER : - Joindre, assembler fixer avec de la colle - Appliquer, faire adhérer - Mettre, placer, ajuster exactement, adapter étroitement COLLAGE : - Action de coller son résultat - Insertion de matériaux et d’objets préexistants sur une surface, irruption d’éléments hétérogènes prélevés directement dans la réalité et incorporés tels quels sur une même surface. MONTER : - Ajuster, assembler - Disposer - Installer, Insérer - Réunir des éléments pour constituer un ensemble MONTAGE : - Action d’assembler différentes parties pour former un tout. - Assemblage d’éléments selon un schéma déterminé. - Composition picturale faite par superposition ou juxtaposition de nombreuses photos ou dessins Les mots montage et collage semblent être fréquemment utilisés pour décrire la même chose. Cependant, il existe une différence entre ces deux termes, le montage n’étant pas du collage. Le mot montage est souvent appliqué à des objets qui sont «construits». Il induit des opérations plus complexes de conception. . 1 BIDIMENSION EN QUESTION ART & COLLAGE En 1978, dans un numéro de la Revue d’esthétique consacré aux Collages, les auteurs du groupe µ [Mu, groupe de rhétoriciens liégeois] expriment la prise de conscience que le collage est un objet qui tend «à déborder les tentatives de classification, de réduction, de clôture». En effet, «on parle de collages, tantôt comme d’une activité artistique précise, tantôt comme d’une métaphore approximative, quand on n’en n’arrive pas à la généralisation extrême du “tout est collage”». Il n’en demeure pas moins qu’il existe, reconnaissentils, un procédé technique spécifique du collage, qui constitue une des principales innovations du XXe siècle. Ils en proposent cette définition approximative : « La technique du collage consiste à prélever un certain nombre d’éléments dans des œuvres, des objets, des messages déjà existants et à les intégrer dans une création nouvelle pour produire une totalité originale où se manifestent des ruptures, des discordances de types divers. » Cette définition décrit une technique en deux temps, dont le résultat est pour le spectateur ou le lecteur la perception de discordances à travers la totalité, artistique ou littéraire, qu’est devenue l’œuvre nouvellement réalisée. 2 Le terme collage provient de la terminologie de la peinture comme une remise en cause de la bi dimensionnalité du tableau. Une approche pragmatique de cette technique a surgit, à partir de 1912, dès l’instant cubiste des peintres P. Picasso et G. Braque, ouvriers d’un « art de laboratoire » qui transforma le papier collé, le collage, le relief en machinerie, fabriques, petits théâtres, montrant leurs cordes et leurs épingles, leurs coulisses et leur percées, leurs strates et leurs interstices. Cette énumération désigne le fondement de la recherche cubiste : l’espace à fonctionnement multiple. Leur travail consiste alors à coller sur la toile des matériaux divers déjà existants. Les deux peintres appellent d’abord cette technique «papiers collés». Une des premières œuvres à relever du collage fut « Nature morte à la chaise cannée » de Picasso, en 1912, devant être interprétée comme la mise à plat d’une élévation. « (…) Morceau de cannage de chaise qui n’est ni vrai ni peint puisqu’il s’agit d’un fac-similé en toile cirée, qui a été collé sur la toile et recouvert partiellement de peinture. En une seule image, Picasso jongle avec la réalité et l’abstraction dans deux supports, et à quatre niveaux ou rapports différents. (…) [Et] si nous nous arrêtons pour penser lequel est plus “ réel ”, nous quittons soudain la contemplation esthétique pour la contemplation métaphysique.» A. Barr Nature morte à la chaise cannée, P. Picasso, 1912 Les papiers semblent disposés de façon assez autonome par rapport au dessin, qui lui-même n'impose aucune certitude quant aux objets représentés. Au premier regard, les papiers collés imposent leur matérialité et leurs couleurs dans une vision frontale, plane et bidimensionnelle. Toutefois, cet aspect est contredit par le dessin, car il suggère une profondeur spatiale illusionniste, des décrochements de plans vers le regard, appose des ombres ou défait le caractère plan du papier. 3 Cette contradiction entre la fonction d'aplanissement des papiers et d'illusion du dessin est aussi une quête d'équilibre. Le caractère arbitraire des signes est dû à un exercice préalable de découpe (littérale avec le papier collé, métaphorique avec le dessin) de formes rendues autonomes par rapport à leurs référents, voire transformées. La mise en rapport équilibré de ces signes implique aussi une autonomie de la composition vis-à-vis de l'éventuel sujet. « … Le collage naît de la rencontre entre des réalités différentes sur un plan qui n’y semble pas approprié et l’étincelle de poésie qui surgit du rapprochement de ces réalités » M. Ernst Tout matériau devient bon à prélever et à intégrer chez les peintres cubistes: morceaux d’étoffe, coupures de journaux, faux marbres, faux bois, cartes à jouer, tickets de métro, planchettes de bois, découpées à la scie. « Il se peut que j’en aie fait quelque chose de beau mais c’était tout de même un détritus. » G. Rueda Cette technique, trouve une résonance un peu partout en Europe, des futuristes italiens à l’Avantgarde russe (A. Rodtchenko et G. Klutsis), et surtout chez les dadaïstes (R. Hausmann) puis les surréalistes (M. Ernst) qui renouvellent le procédé du collage. Dans un essai « Max Ernst, peintre des illusions », Louis Aragon distingue les collages de Max Ernst de ceux des cubistes. Chez le cubiste, le collage avait, selon lui, «la valeur d’un test, d’un instrument de contrôle de la réalité même du tableau» ; chez Ernst, « les éléments qu’il emprunte sont surtout des éléments dessinés, et c’est au dessin que le collage supplée le plus souvent. Le collage devient ici un procédé poétique, parfaitement opposable dans ses fins au collage cubiste dont l’intention est purement réaliste.». Le Rossignol chinois, M. Ernst, 1920 4 Rapidement, le collage et ses nombreux prolongements – comme le photomontage – s’incorpore complètement aux usages de l’art moderne, on le retrouve aussi bien chez Dubuffet que chez les affichistes du Nouveau Réalisme ou encore dans le Pop Art. « C’est comme des mariages d’amour et de raison : des choses s’attirent et je les mets ensemble, ou bien elles ne s’attirent pas et je les mets ensemble. » J. Tinguely Dans la seconde moitié du XXe siècle, le collage est partout ou presque, aucun art n’est épargné par la tentation collagiste. L’explosion des tendances et la multiplication des pratiques individuelles sont à l’origine de toutes sortes de collages en deux ou trois dimensions. Dans la diversité, refusant toute doctrine et tout modèle normatifs, en correspondance avec des intentionnalités multiples et parfois contradictoires, les expérimentations collagistes produisent des œuvres novatrices, défiant les règles de l’art «ancien». Les œuvres de collage mêlent la réalité concrète et le merveilleux, l’ici et l’ailleurs, l’identifiable et le bizarre, elles dépaysent, perturbent, déstabilisent et provoquent. Peut-on parler de collage non seulement en tant que procédé technique, mais aussi, et sans doute surtout, en tant que structure mentale ? Comment, dans la démarche de conception, le collage peut-il nous aider, en devenant un antidote aux structures mentales rigides comme un dopant de la «flexibilité» de la pensée ? Comment le procédé du collage peut s’affirmer alors comme un formidable instrument de «reconquête du temps» et d’initiation à la «poésie d’espaces savamment désordonnés»? Cheveux de Sylvain, J. Dubuffet, 1953 « …comme la rencontre fortuite d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table de dissection.» Lautréamont 5 LITTERATURE & COLLAGE « Cette vie émotionnelle des mots, très loin de n’être que fonction de leur sens, les dispose à ne se plaire les uns aux autres et à ne rayonner au-delà du sens que groupés selon des affinités secrètes, qui leur laissent toutes sortes de nouveaux moyens de se combiner.» A. Breton Le langage n’est pas seulement un moyen de communication, une médiation entre les locuteurs mais il a sa vie propre, son mode particulier d’existence indépendamment de l’utilisation que l’on peut en faire. Cette négation de sa fonction de communication révèle son activité créatrice. La découverte d’un « au-delà du sens », les combinaisons infinies proposées par le langage font signe vers un ailleurs. La leçon surréaliste consiste dans sa capacité à créer «un monde» qui dépasse les emplois ordinaires du langage, de transgresser ses limites, aller au-delà du concevable et du dicible tels que les détermine la pensée majoritaire. « Aujourd’hui toutes les opérations relèvent, même sans le vouloir, du cadavre exquis (…). » R. Koolhaas Les capacités poétiques de la pensée non dirigée peuvent être mises en lumière par une collectivisation de l’activité mentale ; en allant au-delà de la subjectivité personnelle, on découvre où peut mener un discours dont les éléments proviennent de différents locuteurs. Il est permis, dit le Manifeste du surréalisme de 1924, d’intituler poème ce que l’on obtient par l’assemblage, aussi gratuit que possible, de titres, de fragments de titres découpés dans les journaux. Cadavre exquis "Nude", Man Ray, Miro, Morise, Tanguy, 1926 6 Le cadavre exquis (1927) Cette pratique découle de cette théorie. Il s’agit d’un jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, chacune d’elles ignorant ce que les autres ont écrit ou dessiné préalablement. On va ensuite assembler les formulations, en espérant que de leur rencontre fortuite naîtront des phénomènes poétiques inattendus. Ce qui se vérifie c’est donc la puissance métaphorique du langage comme combinaison infinie en libérant, comme dit Breton, « l’activité métaphorique de l’esprit ». L’ensemble célèbre, qui a donné son nom au jeu favori des surréalistes est la phrase « Le cadavre exquis boira le vin nouveau ». Il existe une différence entre le cadavre exquis dessiné et le cadavre exquis écrit. Dans le dessiné, chaque exécutant laisse apparaître une partie de son dessin pour que le suivant puisse continuer ; dans l’écrit le suivant ne voit jamais l’écrit du précèdent bien qu’il doive toutefois écrire dans un ordre prédéterminé à l’avance (sujet, verbe, complément,…). Dans cet esprit, et toujours en quête de rencontres révélatrices, Breton, avec les poèmes objets (19301934) associe l’écriture, la photographie, la gravure, la peinture à des objets en trois dimensions. Il veut faire basculer le rêveur dans le rêve, faire jaillir l’inattendu, le merveilleux. Poème Objet, A. Breton, 1942 7 ARCHITECTURE & COLLAGE Constructivisme International « La construction » est l’objectif visé par les cubistes français et les constructivistes russes. Les tensions qui entourent la naissance du constructivisme international masquent le fait que le collage et son émanation, le photomontage, sont désormais considérés comme des techniques faisant partie intégrante de la pratique artistique et architecturale d’avant-garde, des arts graphiques, des publicités et même des beaux-arts. Le groupe De Stijl, fondé au Pays-Bas en 1927 a été le premier en Europe occidentale à essayer d’appliquer les principes cubistes, dans le cadre de la construction, à une synthèse de l’art, du design et de l’architecture. De Stijl défend le principe d’ « harmonie » ou d’ « équilibre » entre les différents éléments créés, entre leurs caractéristiques, ces éléments découlant les uns des autres et étant juxtaposés. Ainsi, l’architecture intérieure réalisée par Van Daesburg à Drachten, dans un ensemble d’appartements, démontre que la spatialité peut résulter de l’utilisation de tout un éventail d’ « éléments », de 4 couleurs par exemple qui, placées à proximité les unes des autres, entretiennent des relations semblables à celles unissant les éléments d’un collage. Axonométrie, V. Daesburg, 1932 « Construire, c’est réunir les choses d’une manière organique et calculée, en utilisant des moyens réels, tandis que créer une composition, c’est poser spontanément, de manière instinctive et selon les goûts. » V. Daesburg 8 Dans la maison Schröder, dessinée en 1924 par G. Rietvelt, membre du groupe De Stijl, se trouvent transposés en trois dimensions, les principes théoriques que sont le découpage en plans et la fluidité de l’espace. L’architecte a adapté une méthode finalement classique, puisqu’il a veillé à équilibrer entre elles les différentes parties et à respecter de justes proportions. L’utilisation de couleurs primaires et du noir et blanc souligne la rationalité de la méthode. L’influence du Pop-Art Le déferlement d’énergie suscité par le Pop-Art favorise un type d’imagination urbaine que les techniques de collage peuvent servir à merveille. En témoignent les travaux d’imagination architecturale de R. Koolhaas et de H. Hollein à partir du milieu des années 60. La tendance à l’ « émancipation », en vogue dans ces années là, donne à leurs projets une audace suggestive, en phase avec une époque avide d’expérimentations. En réalité, de nombreux groupes et artistes s’intéressent, tout au long des années 1960, au collage photographique comme moyen d’imaginer des schémas architecturaux et urbains, réels ou fantasmatiques : Maison Schröder, G. Rietvelt, 1924 Superstudio en Italie, Walter Pichler en Autriche, Raimund Abraham en Allemagne, Venturi et Scott Brown aux Etats-Unis. Cependant les références au « jeu » du collage n’ont nulle part été aussi évidentes que chez le groupe architectural le plus futuriste du début des années 1960, Archigram. Ce collectif britannique a exprimé une vision complètement fantasmée de l’architecture à travers la publication de leur mythique revue éponyme. Influencé par le Pop art, ils ont créé un univers industriel fun et démiurgique, complexe et décomplexé. Five Fondamental Acts series, Superstudio, 1972-73 9 Ils ont imaginé des mégalopoles ludiques et colorées, ironiquement peuplées par des gens idéaux tels que la pub les montrait à l’époque. Utilisé avec souplesse à partir des idées d’extensibilité, de provisoire, de « bricolage », et d’une certaine fascination pour les techniques et matériaux nouveaux, le collage est le moyen d’expression naturel d’Archigram et le véhicule de ses principes d’expérimentation (Capsule 1964 et Gasket Housing 1965 de W. Chalk, Plug-In City 1962 de P. Cook, Living Pod 1965 de D. Greene, … ). Les représentations de Ron Herron surpassent la plupart des autres par leur habileté extrême et leur liberté d’imagination. Avec « Tuned Suburb » en 1968, Herron imagine la renaissance d’un environnement familier par l’insertion de modules, de structures enfichables et de conduites d’alimentation ou d’approvisionnement. Selon Herron, le montage final est montré tel qu’il a été accompli par la juxtaposition du vieux et du neuf, afin de prévoir la possibilité d’un changement graduel en formant un « maintenant » possible. L’indétermination, la métaphore, et aussi ce que le groupe appelle ailleurs « émancipation », tels sont les slogans d’une théorie du plaisir urbain. Instant City, P. Cook, 1969 Le collage n'est pas seulement une forme d'art. Apparemment c'est aussi une méthode. Les collages d'Archigram étaient intentionnellement consternants, fougueux et difficiles, en fracturant délibérément l'illusion d'espace réel. Herron et les autres cherchaient à provoquer la discussion par les images évocatrices, entrant en collision les unes avec les autres. Le groupe avait des objectifs littéraires particuliers à leur manipulation du mot imprimé et de l'image évocatrice. Ils ont estimé que de cette manière leur message serait transmis le plus efficacement et rester en même temps libre de l'étreinte calmante de l'établissement littéraire et critique architectural. Tuned Suburb, R. Herron, 1968 10 DU COLLAGE AU PHOTOMONTAGE A la fin des années 60 et au début des années 70 vient le passage des méthodes de découpage et de collage de l’atelier à l’écran d’ordinateur : écran divisé en pixels et souris capable d’isoler un groupe donné de pixels et de les tirer d’un espace de localisation de données à un autre. Il s’agit de l’apparition des fonctions couper/copier /coller et la naissance de nouvelles possibilités de traitements d’image. On retrouve alors les même opérations qu’en atelier mais les outils ouvrent d’immenses possibilités : zooms, changements d’échelle, idée d’infini, … Cependant, le photomontage n’a pas attendu le règne des ordinateurs, des logiciels de montage et des “copier-coller”. Au contraire, alors qu’aujourd’hui, quand on pense trucage photo on pense difficulté technologique, auparavant, cette opération ne nécessitait que quelques outils, ciseaux et colle. Le photomontage, tant au niveau de l’imaginaire que de la pratique, était synonyme de liberté. Techniquement, il était possible de faire se côtoyer un train, une tête de chien géante et un magasin de chaussures. Utilisé ponctuellement au cours du XIXe siècle, le photomontage voit naître une vraie réflexion autour de sa spécificité au sortir de la Première Guerre mondiale, lorsque les dadaïstes berlinois se penchent sur ce moyen d’expression original. Assemblage de fragments divers, le photomontage est lui-même un agrégat de la pensée artistique du début du XXe siècle. La défragmentation qui le caractérise naît dans la manie du morcellement cubiste, et elle touche aussi bien des dadaïstes que les surréalistes, les constructivistes, le Bauhaus ou les futuristes italiens. Vérité, reproductibilité, subjectivité ou objectivité… Dada Siegt, R. Haussmann, 1920 11 Le photomontage est le fruit de deux étapes distinctes et immuables. D’abord, il faut sélectionner et découper des fragments d’images photographiques, le plus souvent en fouinant dans les journaux. Ensuite, il faut assembler, recomposer, harmoniser, recréer. En principe, de par leur nature photographique, les composants du photomontage s’inscrivent dans une vérité, la photographie étant une retranscription pure et simple de la réalité visible. Découpée, fragmentée, cette vérité devient partielle, amputée. Replacés dans un nouvel ordre, ces morceaux forment un nouveau tout, une nouvelle vérité soumise à la subjectivité de l’artiste. Avec le photomontage, la photographie coupe la relation mimétique qu’elle entretenait jusqu’alors avec la réalité : elle ne se contente plus de reproduire, désormais, elle donne sens. Le photomontage possède toutes les caractéristiques de l’outil de communication idéal. Bénéficiant du « vérisme » du support photographique qui floute les limites de la subjectivité et de l’objectivité, dans l’imaginaire collectif, la photo c’est la réalité. Le photomontage serait un ensemble de vérités qui peuvent cependant être travesties. Les avant-gardistes russes l’appelaient “factographie”, l’écriture des faits. Les politiques Russes l’ont d’ailleurs utilisé pour leur propagande, bel exemple de cette assertion. " La crise " A. Rodtchenko, 1923 12 COLLAGE - OUTIL DE CONCEPTION L’image réalisée par photomontage ou collage peut être une base afin de continuer le processus de conception commencé par la production de multiples objets et maquettes. L’image devient la poursuite de la maquette et peut être prise comme dessin en révélant des potentialités non perceptibles dans les volumes. Il existe, au moins, deux types de figures produites par l’image : - d’une part, les figures rhétoriques inhérentes aux fonctions du dire et du faire et ayant pour finalité l’objet produit et son effet sensible. - d’autre part, les images de l’ordre du signe. Lorsqu’on analyse l’image, on peut ne pas comprendre d’emblée de quoi il s’agit. On va alors douter, s’interroger et c’est alors que revient une part d’imagination. Que serait cette forme, ce dessin ? Ce dessin, peut-être essaiera-t-on de lui donner un sens, une continuité ? Peut-être une nouvelle idée naîtra-t-elle de ce dessin énigmatique ? C’est sans doute dans ces questionnements là que l’on se rend compte de l’influence indéniable du langage dans la conception. L’image comme élément qui participe de la création du concept, comme dessin, représente un outil de conception qui a la capacité de déplacer, d’aller audelà du simple travail de transcription, description. 13 DAVID HOCKNEY « Le cubisme est affaire de perception et de représentation du réel. La plupart des distinctions en art, comme l’abstrait opposé au figuratif, me paraissent fausses. Il y a très peu de conflits en art qui, selon moi, valent la peine, à l’exception d’un seul : le désir de représenter. Le désir de représenter est très fort en nous, très profond, et il refuse à disparaître. (…) Nous représentons le monde, afin de mieux comprendre. » D. Hockney De toutes les sources des collages de Hockney, le cubisme est sans conteste la plus revendiquée, sinon la plus sollicitée. Avec un polaroïd, il réinvente le cubisme. Tournant autour d’un objet, multipliant les prises de vue, il retrouve la mobilité, la temporalité propre aux cubistes. Déplier les objets, l’espace, lui permet de revenir à une vision toujours en mouvement. Pour cette réinvention, la photographie est le garant de celui des images de Hockney. Son projet vise à prouver l’objectivité du regard cubiste, sa vérité, tant optique que physiologique. De fait, les clichés juxtaposés sont autant d’anatomies d’un regard, fait de la somme des visées, d’un œil rendu à sa mobilité. Les photocollages sont autant de mosaïques, de « fenêtres perspectives » assemblées. Plusieurs de ses œuvres sont des commentaires explicites de compositions cubistes. Les photographies de guitares, par leur sujet même, renvoient au cubisme analytique. Il en est de même pour les changements d’échelle, la notion de continuité/discontinuité et de fragmentation. « Henry nettoyant ses lunettes » 1982, évoque particulièrement le « Portrait d’Ambroise Vollard » peint par Picasso en 1909. Portrait d’Ambroise Vollard, Picasso, 1909 14 Plus que des hommages, ces polaroïds sont des vérifications. Ils attestent du réalisme des peintures cubistes par la vérité de la photographie. Certains collages relèvent à la fois de l'emprunt d'éléments du vocabulaire, du pastiche et de l'application des conceptions de l'espace. Hockney parle d' "effet de cubisme" à propos de ses photocollages. Il s'agit en fait de réalisations inspirées autant par les expériences des futuristes italiens que par les diverses formes de cubisme. Les futuristes avaient fait de leur art une idéologie de la représentation du mouvement dans la société moderne, que le cubisme avait au contraire figé. Hockney introduit ainsi dans ses photocollages, en plus d'une exploration de l'espace, des notions aussi complexes que celles de la représentation du temps et du mouvement. Il réalise une forme de synthèse plastique de ces recherches à partir de la photographie. Au cours l'année 1982, il réalise une série de cent quarante collages avec des Polaroïds auxquels il finit par préférer les tirages obtenus au moyen d'appareils Nikon 35 mm et Pentax 110: les Polaroïds, avec leur format carré et leurs bords blancs, lui rappellent trop la vision cadrée dans une fenêtre, telle qu'elle a été codifiée à la Renaissance. Ce cycle de recherches se boucle dans l'œuvre de Hockney en 1986 avec « Pearlblossom Hwy », un paysage où il tente de faire la synthèse des expériences accumulées dans le domaine des collages. Dans « paint trolley» (1985), chaque objet indique des rapports de longitude-latitude, vitesse-repos, regard-opacité, et tout le collage n’est qu’une série d’objections de la surface porteuse du guéridon luimême. Henry nettoyant ses lunettes, D. Hockney, 1982 15 Dans « Sun on the pool » (1982), Hockney revient à l'un de ses sujets de prédilection. Il étudie le problème de l'articulation de plans suivant l'optique non naturaliste développée par les cubistes et continue à travailler avec des Polaroïds. Le second plan (le jardin, les chaises et les parasols) semblent ne pas s'inscrire dans la continuité du premier (le bassin et les dalles qui l'entourent). Il est difficile de se départir de l'impression que la piscine a été photographiée à la verticale, en plongée, alors que le jardin l'a été d'un point de vue médian. La tache bleue de la piscine, qui mange presque tout l'espace, montre que par ailleurs Hockney se soucie déjà de faire coïncider forme et format, et de faire disparaître les bords blancs des Polaroïds. Ils lui semblent contraignants et le dérangent. Il comprend que le format peut constituer une alternative à ce dispositif optique - formats horizontaux ou verticaux qui introduisent une rupture dans les habitudes visuelles. « Sun on the pool » se présente donc comme une des premières tentatives dans ce sens. A relever un détail intéressant : les motifs géométriques répétitifs du fond de la piscine - au moyen desquels l'artiste signifie les jeux de l'eau et de la lumière plutôt qu'il les imite - sont tout à fait dans l'esprit de Picasso et font subir à l'ensemble du collage une subtile imprégnation cubiste. L’apport de Hockney, s’agissant du cubisme, aura été de montrer que la parenté des camaïeux de Picasso et de Braque de 1906 avec la photographie n’était pas seulement une question de séquences, de prises de vues enchaînées, mais aussi, et peut-être surtout, un problème perceptif lié aux nouveaux médias, à leur essence même. Hockney dévoile que chaque photographie est une secousse du visible, une saisie aussitôt suivie d’autres. Paint trolley, D. Hockney, 1985 Sun on the pool, D. Hockney, 1982 16 YVES BRUNIER (Kunsthal Park, Rotterdam) Yves Brunier fait parti de ceux dont l’ambition est de recomposer le monde en mobilisant toutes les ressources de l’imagination dans un récit. Sa manière repose sur la puissance évocatrice des images et la force de conviction du récit qui les organise pour offrir une vision renouvelée du monde. Une vieille méfiance existe envers les images qui seraient inaptes à rendre compte des capacités de l’esprit contrairement à la parole. Cette opposition a souvent jeté l’interdit sur les représentations alors que notre environnement saturé d’images nous pousse souvent à apprécier la justesse de cette attitude. Pourtant, personne ne niera que l’ « imagination », la langue imaginée des représentations, ne recompose sans cesse l’univers autour de nous. L’image peut aussi être une « parole » opérant le passage de la pensée à la matière réorganisée. L’image est alors métaphore, déchirure de la trame des habitudes de pensée, révélant quelques dimensions restées jusqu’alors cachées. La métaphore est le moyen privilégié des conteurs qui bousculent le présent et annoncent l’avenir. La puissance de la métaphore réassemble, recompose les fragments chaotiques et dépourvus de signification de la réalité banale dans une image qui d’un seul coup fait sens. Plan du Kunsthal Park Arboretum de pommiers aux troncs blanchis L’architecture et le paysage, à la fois espaces mentaux et domaines concrets, ont toujours été environnés de figurations mentales. Si l’on sait manier les images, on pourra communiquer le contenu de sa pensée, laquelle pourra, de ce fait, être analysée par d’autres personnes. Yves Brunier est un créateur de formes, télescopant la distance entre la représentation et l’objet encore inexistant. Amphithéâtre de verdure 17 Dans son travail sur le Kunsthal Park de Rotterdam, il concrétise une traversée du parc en séquences, un défilement d’espaces complémentaires, collés côte à côte. Ce zonage en 4 portions se répartit successivement ainsi : - La zone 1 côté centre ville : un traitement minéral souple de raviers blanc dilate l’espace de la rue ; la création d’un arborétum de pommiers aux troncs blanchis à la chaux, accueille avec familiarité des fruitiers, rythme par la trame des troncs, casse l’échelle des grands peupliers existants : « ces géants voisins deviennent des signaux aux troncs blanchis également, de grandes chandelles ». Cet espace surexposé, brumeux, se duplique à l’infini dans le mur d’inox de l’arrière plan. - La zone 2 : un podium, surface artificielle surélevée, réceptacle en son sein des terres impropres et sur sa couche d’asphalte noire, des fêtes escomptées. Comme tombé du ciel, ce socle noir et tendu fait oublier les pommiers vaporeux, se heurte à des aubépines existantes et à la délicatesse presque dépassée de la roseraie du musée mitoyen. Seule une trame fonctionnelle des réseaux la matérialise ainsi que des confettis de végétation : bambous noirs, saule jaune fluo, et un rideau de séquoia pleureurs monumentaux. Cornouiller sur l'ile et le couvre sol au printemps Le pont a travers les fleurs et le chemin de pierres - La zone 3 : accessible par une rampe, elle est le résultat d’un parc arboré avec de beaux arbres d’un coté et un boisement en friche de l’autre, d’un canal, une pièce d’eau et une île, ainsi qu’un théâtre en plein air. « Ces états végétaux, cette atmosphère romantique, nous voulions les renouveler, réinjecter les couleurs, réinscrire des éléments poétiques. » ! - La zone 4 : parvis du Kunsthal Museum, moitié gazon, moitié dallage avec un traitement simple de services et de vie du musée, tantôt espace libre, tantôt terrasse. Le parc se prolonge dans le bâtiment par une rampe de mousses et de bambous amenant sur le toit terrasse. ! Podium d'asphalte des expo temporaires 18 REM KOOLHAAS (Kunsthal Museum, Rotterdam) Les systèmes et les techniques internes au cinéma, et surtout celles du montage, jouent un rôle clé dans le travail de conception de l’Office for Métropolitan Architecture. Il y a toujours en architecture une volonté de continuité alors que le cinéma est au contraire fondé sur un système de ruptures systématiques et intelligentes. C’est plus ce système de la rupture que l'imaginaire de la continuité qui constitue l'essentiel de l’engagement de l’OMA avec le cinéma. « J'ai toujours été mal à l'aise avec la notion de collage, parce que j'ai toujours été beaucoup plus intéressé par la notion de montage, car le montage est essentiellement de la planification d'une série d'événements, de visuels ou d'autres épisodes, comme des histoires dans un film, ou les épisodes dans une peinture. Je pense que le collage est quelque chose que tout le monde peut faire, mais le montage introduit un résumé, une valeur stratégique que je sens ici dans la main de ce bâtiment. Il est beaucoup plus un montage qu'un collage. » R. Koolhaas Le Kunsthal de Rotterdam a été construit par l'OMA de Rem Koolhaas en 1992. Culturellement, le musée crée une image composée de la culture par l'art classique, art moderne, photographie et design. Il s’agit d’une évocation directe de la National Gallery de Mies à Berlin avec un changement d’échelle. L'intérieur du programme a exigé trois grands espaces d'exposition qui pourraient être utilisés conjointement ou séparément, ainsi qu'un auditorium et un restaurant accessibles indépendamment. L'extérieur est bordé de deux faces directionnelles que les rampes réunissent pour former l'entrée principale. National Gallery, Mies Van Der Rohe, Berlin Kunsthal, OMA, Rotterdam 19 Le site lui-même présente une double condition avec le Maasboulevard au sud et le parc du musée sur le côté nord. Le bâtiment a alors été conçu comme un carré traversé par deux routes : l’une de circulation, Est/Ouest, parallèle au Maasboulevard, l’autre, Nord/Sud, une rampe piétonne qui s’étend jusqu’au parc du musée. Le résultat de ce croisement est le découpage du bâtiment en quatre carrés distincts. Ces quatre éléments créaient une séquence d'expériences contradictoires qui, en définitive, constitue une spirale continue en unifiant l'ensemble du projet. Les façades se trouvent ainsi normalement différenciées côté ville et côté parc. En regard au cubisme, ces façades jouent avec les notions de continuité/discontinuité, de facettes, et de temporalité de la perception. La nécessité de trouver des solutions inventives pour réduire les coûts de construction a contraint à imaginer toutes sortes de solutions, ingénieuses, incongrues ou ludiques, pour produire des résultats efficaces et bon marché avec les matériaux les plus ordinaires. Ainsi, sur les façades du Kunsthal, Koolhaas parodie les structures nettes et les beaux matériaux chers à Mies van der Rohe. Le polycarbonate ondulé et le verre profilé ont une large place dans une double fonction : amener de la lumière à l’intérieur du bâtiment et préserver l’intimité de la galerie intérieure. La façade Ouest composée de planches en verre exprime l’identité du matériau verre en le poussant à son extrême limite et de manière totalement dépouillée. Ces deux matériaux transparents ou plutôt translucides prennent toute leur force lorsqu’ils sont juxtaposés à des matériaux de nature et de connotations opposées, massivité et opacité, pérennité (le béton, la pierre), robustesse (le métal) ou naturel (tronc d’arbre brut en garde-corps). Façades 20 Le bâtiment constitue une sorte de laboratoire. Il en ressort que la combinaison de la « spécificité architecturale » et de « l’imprécision programmatique » aboutit principalement à leur adroite déconnection. Arbitraire, mais néanmoins fortement présent, le Kunsthal perturbe à peine le déroulement continu et hétérogène des activités humaines. Il constitue un fait en soi, capable à lui seul d’offrir une résistance à l’indéterminé urbain, précisément parce qu’il ignore la dictature de la fonction, de la construction et du contexte. Tel un bateau, l’édifice métropolitain est un macrocosme flottant, qui résiste aux imprévisibles marées urbaines grâce à la dynamique de sa forme et son mouvement. Coupe/Collage 21 MVRDV (Pavillon des Pays-Bas, Hanovre) Les membres du MVRDV, Viny Maas, Jacob van Rijs et Nathalie de Vriest ont développé leur propre processus de conception qui est influencée par leurs travaux au sein de l'OMA. En raison de la réussite de cette notion, ils ont pu réaliser un large éventail de projets y compris des plans directeurs urbains, des logements, de l'aménagement intérieur, et des installations de produits de designs. Au début de chaque projet MVRDV rassemble une grande quantité d'informations afin de faire une analyse minutieuse. Ces informations sont converties en diagrammes et en cartes permettant d'examiner les forces internes et externes les plus importantes pour le projet. Des facteurs comme la lumière et le bruit, les lois ou les restrictions constructives peuvent ainsi être représentées graphiquement. MVRDV appelle ces diagrammes « Datascapes ». Ces Datascapes limitent les possibilités sans fin et créent un cadre pour la construction désirée. Le projet est réalisé par conséquent en conclusion logique d'un recueil de données. Cette approche de l'architecture est le résultat d'un développement au sein de la société néerlandaise actuelle. Dans les années 1970, les Néerlandais ont commencé à interférer dans les projets de transformation de leurs villes. Ce processus de conception démocratique a prévalu jusqu'à aujourd'hui, entraînant un nouveau rôle de l'architecte. Dans l’impossibilité de satisfaire toutes les différentes parties prenantes (les clients, la ville, les habitants actuels et futurs) l'architecte a du fournir des solutions flexibles et gérer des processus de conception au lieu de présenter une solution finale et absolue qui était sa vision du projet jusqu’alors. Échantillonnage de paysages Empilement 22 Les Pays-Bas, pays plat par excellence qui ont gagné la plupart de leurs terres sur la mer, cherchent aujourd’hui à casser la monotonie du paysage par des rêves de verticalité. C’est ce que le Pavillon de l’exposition universelle de Hanovre en 2000 propose. Conçu comme une superposition de strates mêlant technologie et écologie, il a pour objet d’essayer d’anticiper les problèmes de grande densité prévisibles dans un proche avenir. Il s’agit d’une sorte de prélèvements d’échantillons des différentes provinces des Pays-Bas qui sont, par la suite, collés les uns sur les autres, créant cette stratification. Collage du parc empilé En mélangeant technologies et nature, ce pavillon démontre l’aptitude de la société à créer du naturel à partir de l’artificiel. Il fournit un espace public multiniveaux comme une extension des espaces publics existants, un parc multi-niveaux proposant à tous les étages des paradis artificiels. Au sous-sol, un aménagement de caves forme au dessus un paysage de dunes ; au deuxième étage, les espaces sont dédiés à l’agriculture et à l’horticulture. Les composantes de la culture hollandaise sont ainsi déclinées sans oublier l’espace consacré à la pluie. Cet acte d'entassement économise l'espace, l'énergie, le temps, l'eau et l'infrastructure. Un mini écosystème est créé : un kit de survie combinant une augmentation de diversité avec une augmentation de cohésion. Le bâtiment est également un parfait exemple pour illustrer le processus de conception de MVRDV. Dans FARMAX, publié en 1998, MVRDV propose déjà l'idée de calquer l'espace public comme une conséquence de leurs recherches sociologiques (Datascapes). 23 PERIPHERIQUES (Café musique, Savigny-le-temple) A=B+C+D 3 bâtiment en 1 : le billboard, la salle de diffusion, le restaurant. 3 programmes indépendants qui assemblés forment un tout. L’enjeu est de faire un bâtiment entre assemblage urbain et cadavre exquis. Le projet est l’occasion de prendre position quant à la notion d’architecture en tant qu’œuvre individuelle et d’expérimenter une esthétique non prédéterminée à l’image des surréalistes. La conception du bâtiment s’est alors faite à plusieurs mains, plusieurs auteurs et quelques règles. Chaque équipe travaille en aveugle pour après assembler. Pour visualiser le résultat, la modélisation de synthèse est utilisée. Marin + Trottin = Hall Billboard en vitrage coloré = Enseigne Paillard + Jumeau = Restaurant en béton = Camouflage Jakob + Mac Farlane = Salle de concert en inox mou = Reflets déformés Tout programme présentant plusieurs fonctions ou plusieurs bâtiments pourraient ainsi être conçu selon ces règles simples, aboutissant ainsi à une œuvre plurielle. 24 COLLAGE EXPERIENCE AMC - PROJET L’image joue un rôle prépondérant dans la démarche de conception de l’architecte. La place de l’image dans notre époque, va de l’image dessinée à l’image dite. L’image renvoie la plupart du temps à « l’idée » du projet que l’on peut aussi appeler le concept. L’architecte appuie tous ses projets sur une idée, d’emblée choisie, forte et simple, et qu’il ne cessera de toujours mieux simplifier jusqu’à la condenser en une image. Grâce aux processus d’analogie, de la métaphore ou de la métonymie on peut difracter cette image mais sans jamais la compliquer. À chaque fois, on s’empare d’une image et on la pousse jusqu’à sa dernière extrémité. « Je travaille beaucoup sur l’image figurative en relation avec l’architecture parce que je considère qu’il n’y a pas de contradiction et que c’est un vocabulaire qui devrait être intégré aussi à l’architecture au même titre que l’abstraction, la couleur ou des tas de choses qui sont la base même d’une expression formelle (…), tout est image dans l’architecture. On en prend connaissance par l’œil et c’est avant tout une création d’ordre visuel. » J. Nouvel Les images reflètent donc à la fois : un parti, un effet, un concept ou une idée. Toutes les nuances semblent converger vers un seul point qui les résume toutes. Il est peut être dangereux de n’axer une ligne de conduite que sur une image, une définition ou une sensation. Au cours de la recherche d’idées à travers l’image, on peut chercher à épuiser toutes possibilités du champ d’investigation, une tâche complexe d’où en résulte quelque chose de simple pur et sûr, conformément à la phrase de Mies Van Der Rohe qui assuré que « Less is more ». 25 PREMIER INTENSIF AMC Lors de ce premier atelier des fragments de notions de collage, de montage ou encore d’assemblage sont apparues instinctivement dans notre travail. D’une part, on les retrouve dans notre installation même, par la mise en équilibre puis en mouvement d’un échantillonnage d’éléments qui ont été prélevés puis assemblés les uns avec les autres. Nous avons cherché à mettre en équilibre des choses qui se confrontent et qui peuvent se neutraliser. Cette recherche d’équilibre est devenue un état d’esprit, mis en scène par « une machine » communiquant en permanence le mouvement. Le passage des vues de face au profil s’opère très rapidement. A l’image du fondement des recherches cubistes, nous avons créé un espace à fonctionnement multiple. D’autre part, lors du passage de l’objet à l’image, les notions de voir et de percevoir se sont placées au centre de nos préoccupations. Comment donner à voir cette machine en mouvement par des images figées. Le montage, ou plutôt le photomontage nous a alors permis d’arracher à la photographie sa seule valeur documentaire et de la pratiquer comme un dessin en mouvement. 26 DEUXIEME INTENSIF AMC Lors du deuxième atelier, collage, montage et assemblage ont été les fils conducteurs de l’ensemble de notre production. Lors de la proposition du programme architectural et urbain, nous avons travaillé en référence au pavillon des Pays-Bas de MVRDV. Dans la continuité du premier intensif, nous avons opéré un échantillonnage des espaces qui, à notre sens, « font la ville ». Nous avons ainsi élaboré une sorte de base de données, un ensemble de prélèvements d’espaces, qui, mis en équilibre les uns avec les autres, viennent créer un tout, une ville. Une ville bâtie à partir des espaces délaissés par les infrastructures liées à l’automobile, une ville constituée d’un empilement sans fin de plateaux horizontaux. Une activité particulière est attribuée à chacun de ces plateaux : industries, travaux, logements, loisirs, représentations, espaces verts, production d’énergies,… Chaque plateau est relié à une partie du vieux sol correspondant à son activité, par des circulations verticales, seuls liens entre ancienne et nouvelle ville. Un grand parvis permet de voir dans sa totalité, d’observer cette ville telle un biotope à l’échelle urbaine. Lors de la formulation de l’esquisse répondant au programme ainsi déterminé, les maquettes mais surtout les images nous ont permis d’expérimenter les techniques de représentations, de projections de l’esprit, par le collage et le photomontage. Maquettes 27 Photomontages 28 PROJET « Produire des images antérieures, c’est un processus naturel que nous connaissons tous. Cela fait partie de la pensée. Penser en images, par associations d’idées, de manière effrénée, libre, ordonnée et systématique, penser en images architecturales, spatiales, colorées, sensorielles – c’est ma définition préférée du projet d’architecture. Penser en image comme méthode de conception de projet (…) » P. Zumthor Suite aux expériences menées lors du séminaire AMC, les nouveaux outils de conception acquis ont été directement exploitables dans l’enseignement de projet. En effet, le site de travail, la gare Raynal de Toulouse, était particulièrement propice à l’imaginaire, à se laisser aller à la rêverie. Des idées, des ambiances et des scénarios plein la tête, le collage s’est avéré le moyen le plus adéquat pour dresser un décor, raconter une histoire tant au niveau rapidité de réalisation que de lisibilité du parti pris. L’image ainsi créée devient alors métaphore. Elle étoffe le scénario et en alimente ses composantes ; elle devient un moyen d’atteindre des concepts à partir de perceptions. Ces images, issues d’une première impression, d’un premier ressenti sont souvent les plus justes, les plus objectives et donnent un point d’ancrage, une sorte de respiration indispensable pour ne pas se perdre dans les méandres du projet. Scénarios 29 Le pouvoir de l’image devient un pouvoir extraordinaire. L’image permet d’opérer une rupture de schémas. Le cerveau est programmé pour comprendre des associations d‘images qu'il a l'habitude de connaître. En créant de nouvelles associations, on brise ce schéma et on crée un schéma nouveau. Dans notre travail de projet, nous avons ainsi élaboré une méthode d'idéalisation systématique ; une sorte de surestimation automatique de l'existant. Chaque fois que nous expliquons ou communiquons un concept en le comparant à autre chose, nous utilisons une métaphore. Une image métaphore est souvent utilisée dans les rendus par l'ajout de personnage, par le paysage, le cadrage. On essaye de transformer notre vision du projet par une vision appropriable par autrui, par le biais de la métaphore. Dans les projets qui partent d'une image souvent en rapport avec le site, la différence se fait entre ceux qui vont ne garder que " l'essence " de l’image et ceux qui vont garder l'image en tant que telle. L’image doit être utilisée comme "base conceptuelle", véritable esprit du projet. Ainsi, de l’image comme stratégie de la communication, on en arrive à l’image comme stratégie de conception. Il faut alors prendre conscience jusqu'où notre volonté de communiquer peut nous amener à faire des sacrifices. Le mot convaincre paraît d’ailleurs plus approprié que communiquer, car a travers le mot convaincre il y a toutes les valeurs personnelles qui doivent être mise en discussion. Communiquer peut très rapidement amener à stériliser ces dites valeurs pour peu qu'elles soient plus engagées que engageantes. Métaphores L'objectif de ces images en tout genre est de produire beaucoup, sans la charge de raison qui pousse à rester juste et cohérent. 30 BIBLIOGRAPHIE L’avant-garde Russe, Jean-Claude Marcadé, Flammarion, 1995 Collage, l’invention des avant-gardes, Brandon Taylor, Hazan, 2005 Le collage : papiers collés, papiers déchirés, papiers découpés, Florian Rodari, Flammarion, 1988 Le collage et après, Jean-Louis Flecniakoska, L’Harmattan, 2001 Du cubisme au Surréalisme, Elisabeth Lièvre-Crosson, les essentiels Milan, 2001 David Hockney, dialogue avec Picasso, Didier Ottinger, Musée Picasso, 1999 Yves Brunier, landscape architect, paysagiste, Arc en rêve centre d’architecture, 1996 Collage City, Colin Rowe et Fred Koetter, Paperback, 1978 AMC N°4, Septembre 1989 : Le Kunsthal de Rotterdam, OMA AMC N°111, Novembre 2000 : MVRDV pavillon hollandais de l'exposition universelle Hanovre AMC N°143, Mai 2004 : Expérimenter par l’assemblage, Karine Dana 31 32