Les mémoires d`un espion israélien ou le Moyen-Orient

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Les mémoires d`un espion israélien ou le Moyen-Orient
Les mémoires d'un espion israélien ou le
Moyen-Orient de l'ombre
L'ancien officier Yossi Alpher publie des mémoires, qui racontent les relations
d'Israël avec ses voisins, mais aussi avec la Turquie, l'Iran, le Maroc et le Yémen.
Engagé dans une section d'élite des services secrets militaires de Tel Aviv dès le milieu
des années 1960, Yossi Alpher était notamment en charge des relations avec les
services étrangers, rapporte le journaliste Ronen Bergman, qui l'a rencontré à l'occasion
de la sortie de son livre «Périphérie : Israël en quête d'alliés au Moyen-Orient»
(Rowman &Littlefield, Londres), disponible uniquement en anglais et en hébreu.
lpher raconte le soutien apporté il y a 50 ans par les Israéliens aux royalistes
A
yéménites face aux troupes égyptiennes de Gamal Abdel Nasser, soutenues par les
Soviétiques. «Nous avons livré aux Yéménites des armes prises aux Égyptiens en
1956», raconte-t-il. Ironie de l'histoire, les royalistes de l'époque étaient des zaidis chiites,
les houtis d'aujourd'hui. À l'époque, l'Arabie saoudite supportait les chiites houtis, qu'elle
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combat aujourd'hui.
TSN: Tout, sauf Nasser
À l'époque également, apprend-on, des leaders chiites se sont rendus en Israël pour
négocier le soutien de Tel Aviv à leur combat contre l'Égyptien Nasser et ses soutiens
communistes.
elon Alpher, «le but était de faire battre les Égyptiens». C'est ce qui arriva et eut un fort
S
impact sur le moral des troupes égyptiennes, contribuant à la cinglante défaite de juin
1967 et à la chute politique de Nasser, avant sa mort en 1970. De cette époque datent
également les premières collaborations entre services israéliens et saoudiens.
Comme le titre de l'ouvrage d'Alpher l'indique, Israël avait élaboré à la fin des années
1950 une doctrine de la périphérie, afin de contourner l'opposition de ses voisins
arabes au sionisme. L'idée était de contourner la Syrie et l'Égypte, principalement.
Tel Aviv voulait se montrer dissuasive, acquérir du renseignement et contrebalancer
l'hostilité des Égyptiens et des Syriens.
Selon le Mossad israélien, la périphérie est composée de trois ensembles. Le premier et
le plus éloigné comprenait les États arabes ou non, musulmans ou non, frontaliers de la
zone du conflit: l'Iran, l'Éthiopie, l'Érythrée et la Turquie, avec le Kenya et l'Ouganda, plus
en arrière.
e second ensemble comprenait les minorités ethniques vivant dans les pays arabes en
L
guerre avec Israël. Les chrétiens du Liban et du Soudan, les Kurdes irakiens.
Le troisième ensemble comprenait les États arabes éloignés du centre du conflit, tels le
Maroc ou les États du Golfe, opposés au militantisme nassérien et qui souhaitaient
entretenir des relations avec Israël pour des raisons de politique locale ou régionale.
Formation sécuritaire, échange de renseignements et livraisons d'équipements militaires
et électroniques suivaient.
Liens solides avec Ankara et Téhéran
lpher raconte dans son ouvrage comment Tel Aviv a pu forger une solide alliance avec
A
Ankara et Téhéran dans les années 1960 et 1970. Appelée Trident, l'alliance tenait des
réunions de coordinations très régulières et a disposé d'un siège dans la banlieue de Tel
Aviv.
e premier acte de cette alliance a été scellé en août 1958 à Ankara entre le Turc
L
Adnan Menderes et l'Israélien David Ben-Gourion. Le mois précédent, en juillet, Ankara
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avait notamment très mal accueilli le coup d'État des officiers irakiens pro-soviétiques
dirigés par Abdelkarim Qassem à Bagdad. Sa première décision fut de retirer l'Irak du
CENTO (Organisation du traité du Centre), une alliance militaire pro-occidentale fondée
en 1955 et comprenant le Pakistan, l'Iran, l'Irak, la Turquie et la Grande-Bretagne. La
Turquie et l'Irak partagent une importante frontière terrestre.
Sans surprise, les premières décisions de l'alliance Trident (Turquie, Iran et Israël) ont
concerné Nasser et la place des Soviétiques en Méditerranée et au Moyen-Orient. Une
répartition des tâches eut lieu et l'Iran fut par exemple chargé des relations avec le
Maroc. Jusqu'à la chute du régime du Shah en février 1979, Rabat et Téhéran ont
entretenu d'étroites relations militaires et politiques.
Rabat: la perruque blonde de Rabin
e Maroc n'est pas absent des mémoires de l'espion israélien. Les premiers échanges
L
d'information entre Marocains et Israéliens datent du milieu des années 1960.
Alpher raconte le premier voyage d'Ytzhak Rabin à Rabat, coiffé d'une perruque blonde
dans les années 1970 et l'organisation des premiers pourparlers directs égypto-israéliens
à la même époque au Maroc avec Hassan Touhami, Moshé Dayan et Menahem Begin.
ans son ouvrage, Alpher reconnaît une grande erreur et une «terrible ignorance» de
D
Tel Aviv : les Israéliens n'ont pas vu venir le soulèvement pro-khoméiniste en Iran. Et
lorsqu'ils commencèrent à discuter d'un éventuel projet d'assassinat du leader chiite en
liaison avec des proches de l'Iranien Shapour Bakhtiar, la hiérarchie israélienne finit par
s'y opposer, ce que Alpher avoue «regretter». Un autre échec israélien que raconte
Alpher est comment les chrétiens maronites du Liban ont manipulé les services
israéliens.
utre son travail d'espion, Yossi Alpher a travaillé aux côté d'Ehud Barak au début des
O
années 2000. Il a dirigé le centre d'études stratégiques israélien Jaffee et collaboré à la
lettre d'information israélo-palestinienne de Bitterlemons.org, qui défend une solution
«deux peuples, deux États» en Palestine et écrit pour le mouvement israélien la Paix
maintenant.
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