AFFIDAVIT DU D CHRIS SIMPSON - Canadian Medical Association
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AFFIDAVIT DU D CHRIS SIMPSON - Canadian Medical Association
Numéro de dossier de la C.S.C. : 35591 COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE) ENTRE: LEE CARTER, HOLLIS JOHNSON, LE DR WILLIAM SHOICHET, LA BRITISH COLUMBIA CIVIL LIBERTIES ASSOCIATION et GLORIA TAYLOR Appelants - et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA Intimé - et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE Intimé - et LES PROCUREURS GÉNÉRAUX DE L’ONTARIO, DE LA COLOMBIEBRITANNIQUE ET DU QUÉBEC Intervenants AFFIDAVIT DU DR CHRIS SIMPSON [Requête en autorisation d’intervenir de l’Association médicale canadienne] Je, le DR CHRIS SIMPSON, médecin dans la municipalité de Kingston, dans la province de l’Ontario, DÉCLARE SOUS SERMENT ce qui suit : 1. Je suis l’actuel président désigné de l’Association médicale canadienne (l’« AMC »). À ce titre, j’ai connaissance des faits que je présente ci-après, sauf indication selon laquelle ils sont sur la foi de renseignements tenus pour véridiques, auquel cas j’en cite la source. La version anglaise constitue la version officielle de ce document -22. J’ai été élu pour la première fois au Conseil d’administration de l’AMC en 2013 à titre de président désigné de l’AMC. Je suis actuellement professeur de médecine et chef du Département de cardiologie à l’Université Queen’s ainsi que directeur médical du Programme de cardiologie de l’Hôpital Kingston General–Hôpital Hôtel-Dieu de Kingston. 3. Au cours de ma carrière en médecine, j’ai occupé de nombreux postes. Notamment, je suis l’actuel président de l’Alliance sur les temps d’attente, fédération regroupant 14 sociétés de spécialité médicale, et l’actuel président du Comité permanent sur les politiques de santé et la représentation de la Société canadienne de cardiologie (SCC). Je dirige l’initiative régionale en cardiologie du Réseau local d’intégration des services de santé du Sud-Est de l’Ontario, qui a élaboré un modèle régional de soins cardiovasculaires intégrés pour cette région. Je siège également au Comité exécutif de la SCC (membre à titre personnel) et au conseil d’administration du Réseau de soins cardiaques de l’Ontario, et je suis un gouverneur de l’American College of Cardiology. 4. J’ai obtenu mon diplôme en médecine de l’Université Dalhousie en 1992. Sur le plan clinique et en recherche, je m’intéresse à l’accès aux soins, à l’aptitude médicale à conduire, au développement de cheminements pour les références, à la fibrillation auriculaire, à la mort subite chez les jeunes, à l’ablation par cathéter et à la thérapie de resynchronisation cardiaque. Mon curriculum vitæ à jour est joint au présent affidavit à titre d’Annexe « A ». 5. Le présent affidavit vise à appuyer la requête en autorisation d’intervenir de l’AMC dans l’appel en l’espèce. L’AMC ET SON EXPERTISE A. L’AMC en tant que le porte-parole national des médecins du Canada 6. Fondée en 1867, l’AMC est un organisme professionnel sans but lucratif qui représente la majorité des médecins du Canada. Elle regroupe plus de 80 000 membres. -37. Ses membres viennent de tous les horizons de la profession médicale : ce sont des médecins de famille et des spécialistes qui participent directement à la prestation des services médicalement nécessaires. 8. L’AMC collabore avec 12 associations médicales provinciales et territoriales et 53 organisations médicales affiliées et associées qui représentent des médecins de famille et diverses sociétés de spécialité médicale, dont la Société canadienne des médecins de soins palliatifs. La liste complète des sociétés affiliées et associées à l’AMC est jointe au présent affidavit à titre d’Annexe « B ». Sauf quelques centaines de membres à titre personnel, chaque membre de l’AMC est membre d’une association médicale provinciale ou territoriale. 9. L’AMC a pour mission d’aider les médecins à prendre soin des patients. Notre vision consiste d’exercer notre leadership pour mobiliser et servir les médecins, et agir en qualité de porte-parole national pour défendre les normes les plus élevées en matière de santé et de soins de santé. 10. Pour le compte de ses membres et de la population canadienne, l’AMC s’acquitte d’un vaste éventail de fonctions dont les principales comprennent la représentation en faveur de politiques et de stratégies de promotion de la santé et de prévention des maladies et des blessures, la promotion de l’accès à des soins de santé de qualité, la facilitation du changement au sein de la profession médicale et l’offre de leadership et de conseils aux médecins pour les aider à orienter les changements visant la prestation des soins de santé, à les gérer et à s’y adapter. 11. Les associations médicales provinciales et territoriales (les « AMPT ») négocient directement avec les gouvernements provinciaux sur les questions telles que les programmes incitatifs en région rurale et éloignée, les grilles tarifaires pour les services de santé assurés et les avantages (p. ex., l’éducation médicale continue) de même que les incitatifs de financement des dossiers médicaux électroniques. Les AMPT jouent également un rôle important de représentation en exerçant des pressions dans des dossiers liés à la qualité des soins de santé, comme le financement adéquat du système de santé, la planification préalable des soins, l’accessibilité des soins et les temps d’attente pour un traitement. -412. Depuis 147 ans, le Conseil général annuel de l’AMC (le « Conseil général ») offre une tribune aux médecins délégués de partout au pays pour discuter et débattre des préoccupations, politiques et questions d’actualité auxquelles font face la profession médicale et le système de santé du Canada. Le Conseil général donne à l’AMC une orientation stratégique générale, conformément aux règlements de l’AMC. Chaque année, l’AMC demande l’avis des délégués et des membres pour déterminer les questions qui seront débattues au Conseil général. Les délégués du Conseil général débattent des questions prioritaires en votant sur des motions. L’Assemblée annuelle a lieu après le Conseil général et comprend une séance consacrée aux affaires qui est ouverte à tous les membres et qui sert à étudier les questions soumises par le Conseil général. 13. Les travaux réalisés lors du Conseil général sont complétés par les travaux permanents du Conseil d’administration de l’AMC et de ses comités principaux : le Comité des soins et de la promotion de la santé, le Comité de la politique et de l’économique de la santé, le Comité d’éthique, le Comité de l’éducation et du développement professionnel et le Comité d’action politique. Tous les comités sont composés d’un membre de chaque province et territoire ou d’un membre d’une AMPT de l’AMC représentant une région, d’un membre représentant les étudiants, d’un membre représentant les médecins résidents, d’un membre du Conseil d’administration, en plus, dans certains cas, d’observateurs de différentes sociétés affiliées et associées. Ensemble, ces comités fournissent à l’AMC le point de vue inestimable des membres de la base. 14. L’AMC réalise fréquemment des enquêtes et des sondages auprès de ses médecins membres et de la population canadienne pour améliorer sa compréhension des questions et des préoccupations auxquelles est confronté le système de santé du Canada. 15. Les sondages de l’AMC auprès du public ont porté sur la perception qu’a la population de l’état du système de santé. Depuis 2001, l’AMC publie également un « bulletin » national annuel sur la santé fondé sur des sondages nationaux par téléphone et en ligne réalisés par des chercheurs tiers auprès d’un vaste segment de la population sur des sujets tels que les effets de la dégradation de l’environnement sur la santé et les effets du vieillissement de la population sur le système de santé. Une copie du bulletin annuel de 2013 sur l’avenir des soins de santé pour les aînés est jointe à titre d’Annexe « C ». -516. L’AMC s’emploie aussi à l’élaboration et à la promotion de politiques sur des enjeux économiques, de santé, éthiques et juridiques d’intérêt pour les médecins et les patients. Ces politiques orientent le travail des membres de la profession. Les cinq comités principaux de l’AMC mentionnés précédemment ont notamment le mandat d’examiner et de réviser les politiques de l’AMC. Lorsque de nouvelles politiques sont élaborées, la communauté médicale et les groupes d’intervenants intéressés sont largement consultés avant leur adoption par le Conseil d’administration de l’AMC. Durant la rédaction, toutes les AMPT de l’AMC, et souvent même certaines sociétés médicales affiliées et associées, sont invitées à commenter l’ébauche de la politique. Selon l’objet de la politique, les comités de l’AMC et d’autres intervenants ont la possibilité d’examiner l’ébauche et de suggérer des changements avant qu’elle ne soit présentée au Conseil d’administration de l’AMC aux fins d’examen et d’adoption. Ces politiques sont communiquées lors du Conseil général. 17. En élaborant et en établissant des politiques, l’AMC n’a pas pour objectif de se substituer au jugement des médecins ou de rendre obligatoire une norme de soins. Les politiques de l’AMC visent à communiquer les initiatives de représentation de l’organisation et à éclairer les membres confrontés à des problèmes délicats d’exercice de la médecine dans leur communauté. B. La reconnaissance du rôle de l’AMC dans l’éthique et le débat entourant l’établissement des politiques de santé 18. L’AMC joue un rôle important dans le milieu des politiques de santé : ses comparutions nombreuses et fréquentes devant les comités parlementaires permanents et spéciaux en sont la preuve. Entre 2012 et 2014, l’AMC a présenté des mémoires à ces comités et à des ministères sur des sujets tels que la taxe d’accise sur le tabac (2014) et le mauvais usage et l’abus de médicaments d’ordonnance (2013). Une liste des comparutions de l’AMC et de ses mémoires au gouvernement de 2012 à 2014 est jointe au présent affidavit à titre d’Annexe « D ». 19. Des tribunaux ont reconnu le rôle de l’AMC, tant à titre d’intervenant ou d’auteur de documents et d’énoncés de politiques sur l’éthique et les politiques relatives au système de santé. Par exemple : -6a) Dans l’affaire Maheu c. IMS Health Canada, 2003 CFPI 647, la Cour fédérale a examiné la conclusion du commissaire à la protection de la vie privée voulant que les données relatives aux ordonnances d’un médecin ne constituent pas des renseignements personnels; l’AMC a obtenu la qualité d’intervenant à l’instance. b) Dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, la Cour s’est penchée sur la constitutionnalité des restrictions relatives à la publicité sur le tabac; l’AMC était participante à une coalition d’organisations de soins de santé qui avait obtenu la qualité d’intervenant. c) L’AMC est intervenue, en association avec l’Association canadienne d’orthopédie, dans l’affaire Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791, pour présenter des arguments sur la nécessité de donner accès en temps opportun à des soins de santé de qualité. d) L’AMC est intervenue dans l’affaire Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, [2011] 3 R.C.S. 134, pour appuyer les programmes de réduction des préjudices, comme les sites d’injection supervisés, à titre d’initiatives éthiques et fondées sur des données probantes visant à prévenir la propagation de maladies, à sauver des vies et à aider certains des patients les plus défavorisés du Canada. 20. De plus, les politiques et publications de l’AMC, comme le Code de déontologie (dont une copie est jointe au présent affidavit à titre d’Annexe « E ») et l’Évaluation de l’aptitude médicale à conduire : Guide du médecin (anciennement Examen du conducteur : Guide du médecin), ont souvent été citées par la Cour lorsqu’elle examinait des questions relatives aux politiques de santé, aux obligations éthiques des médecins et aux lignes directrices de pratique clinique. Par exemple : a) Dans l’affaire R c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, le juge en chef Dickson a écrit au paragraphe 28 : Il ressort de la preuve que l'art. 251 porte atteinte à l'intégrité psychologique des femmes voulant un avortement. Un rapport de 1985 de l'Association médicale canadienne, étudié dans le rapport Powell, à la p. 15, souligne que la procédure qu'implique l'art. 251, avec les délais qui en découlent, accroît de beaucoup le niveau d'angoisse des patientes, ce qui peut accroître le nombre de complications somatiques liées à l'avortement. -7b) Dans l’affaire R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, le juge La Forest a examiné les répercussions sur la protection des renseignements personnels de la saisie par la police d’un échantillon de sang prélevé par un urgentologue et a écrit au paragraphe 29 : Le Code de déontologie de l'Association médicale canadienne porte, à l'article 6 des responsabilités déontologiques du médecin envers son patient, qu'il doit « respecter les confidences reçues du malade ou d'un confrère et ne divulguer ces renseignements qu'avec la permission du malade, sauf si la loi l'oblige à agir autrement […] » c) Dans l’affaire McInerny c. MacDonald, [1992] 2 R.C.S. 138, le juge La Forest, au nom de la Cour, a cité au paragraphe 13 un énoncé de politique de l’AMC publié en 1985 : La position actuelle des médecins relativement au droit des patients aux renseignements contenus dans leurs dossiers médicaux est reflétée dans l'énoncé de politique que l'Association médicale canadienne a publié en juillet 1985 : LE DOSSIER MÉDICAL : CONFIDENTIALITÉ, TRANSFÉRABILITÉ ET DROIT DE PROPRIÉTÉ L'Association médicale canadienne (AMC) juge que le dossier médical est un document confidentiel, qui appartient au médecin ou à l'établissement de santé qui l'a dressé ou commandé. Le patient a le droit de connaître les renseignements d'ordre médical qui figurent à son dossier, mais, en ce qui a trait aux pièces qu'il contient, il ne peut se prévaloir d'aucun droit. Le médecin, dont la préoccupation première est le bien-être du patient, doit faire preuve de discernement lorsqu'il est appelé à communiquer à son patient des renseignements provenant de son dossier médical. Par ailleurs, de telles informations doivent souvent être interprétées par un médecin ou par un autre spécialiste des services de santé, et, pour ce qui est de la divulgation, à des fins administratives, de renseignements du dossier médical à des tiers (à un autre médecin, à un avocat ou à un ajusteur d'assurance, par exemple), il faut avoir obtenu au préalable la permission écrite du patient, ou avoir reçu un ordre de la cour à cet effet. L'AMC s'oppose à toute mesure législative qui risquerait de compromettre la confidentialité des dossiers médicaux. d) Dans l’affaire R. c. Dersch, [1993] 3 R.C.S. 768, la juge L’Heureux-Dubé a écrit au paragraphe 41 : L'importance de préserver le caractère confidentiel des rapports entre le médecin et son patient est un objectif qui date de -8longtemps et qui, comme on l'explique à la p. 433 de l'arrêt Dyment, précité, a été intégré dans le Code de déontologie de l'Association médicale canadienne. e) Le juge Sopinka, s’exprimant au nom de la majorité, a renvoyé à la position de l’AMC sur l’euthanasie et l’aide au suicide dans l’affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519 au paragraphe 175 : Il est également révélateur, à mon avis, que diverses associations médicales ont pris officiellement position contre la décriminalisation de l'aide au suicide (Association médicale canadienne, British Medical Association, Council of Ethical and Judicial Affairs of the American Medical Association, Association médicale mondiale et American Nurses Association). Compte tenu des craintes exprimées à l'égard des abus et de la grande difficulté à élaborer des garanties permettant de les prévenir, on ne saurait affirmer que l'interdiction générale de l'aide au suicide est arbitraire ou injuste, ou qu'elle ne reflète pas les valeurs fondamentales véhiculées dans notre société. Je suis donc incapable de conclure que l'al. 241b) viole un principe de justice fondamentale. f) Dans l’affaire Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791, la Cour a cité au paragraphe 115 de sa décision finale la preuve qu’avait déposée l’AMC sur les conséquences pour la santé des temps d’attente excessifs pour recevoir des soins médicaux. g) La juge de première instance en l’espèce a cité l’actuelle politique de l’AMC en matière d’euthanasie et d’aide au suicide ainsi que les politiques d’autres organisations médicales à l’étranger au paragraphe 248 de son énoncé des motifs. C. La politique de l’AMC sur l’euthanasie et l’aide médicale au suicide 21. En ce qui concerne les questions de fin de vie, l’AMC a une longue tradition de représentation et d’analyse des politiques. 22. L’actuelle politique sur l’euthanasie et l’aide au suicide se trouve à l’Annexe « F » du présent affidavit. 23. La politique signale que « les médecins, les autres professionnels de la santé, les universitaires, les groupes d’intérêt, les médias, les législateurs et l’appareil judiciaire sont tous profondément divisés quant à l’opportunité de modifier les mesures législatives qui interdisent -9actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide ». La politique reconnaît la nécessité, pour les membres de l’AMC et la société canadienne, d’entamer un dialogue sur cette question importante. La question qui fait toutefois l’unanimité au sein de la profession médicale est la nécessité de défendre le principe central du Code de déontologie de l’AMC : « Tenir compte d’abord du mieux-être du patient. » L’application de ce principe aux situations très difficiles de feu Mme Taylor et de feu Mme Carter n’est pas claire. Il est toutefois établi qu’en cherchant à dissiper toute ambiguïté quant à ce en quoi consiste le « mieux-être » des patients en fin de vie, les médecins doivent d’abord et avant tout s’intéresser à ce que les patients eux-mêmes considèrent comme leur mieux-être. Ce principe d’autonomie du patient oriente tous les aspects de la prise de décisions médicales et des codes éthiques. 24. L’AMC se présente devant la Cour pour obtenir la qualité d’intervenant en tant qu’« amie de la cour », parallèlement à ses propres discussions et délibérations internes très animées concernant sa politique ainsi que les questions éthiques et médicales complexes qui sont en jeu, afin de favoriser une meilleure compréhension de l’éventail des options et des tensions que crée l’actuelle position adoptée dans la politique de l’AMC et d’aider la Cour à mieux comprendre les commentaires que nous sollicitons activement et recevons de nos membres et du public. Nous soulignerons également les problèmes que poserait pour les médecins l’interprétation de leur rôle traditionnel si la Cour venait à changer la loi. 25. Ainsi, bien que la politique précise que l’AMC s’oppose à l’aide médicale au suicide (« les médecins du Canada devraient s’abstenir de participer à l’euthanasie ou à l’aide au suicide »), elle définit l’enjeu comme un problème social et envisage la possibilité d’un changement, qui reposerait sur un dialogue entre médecins, patients et corps législatifs. L’AMC a engagé un dialogue national en 2014 sur les questions de fin de vie, et nous souhaitons présenter nos conclusions à l’honorable Cour. 26. L’actuelle politique de l’AMC énonce une série de conditions préalables à sa modification, notamment l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs, la nécessité de réaliser une étude canadienne sur la prise de décisions en fin de vie et la consultation du public. L’AMC doit examiner si ces conditions ont été remplies ou si elles ont changé. - 10 27. Nous reconnaissons que la politique s’intègre dans un contexte social et juridique1. L’AMC cherche à répondre aux changements à ce chapitre, mais elle reconnaît l’intérêt des remparts éthiques qui ont résisté à l’épreuve du temps. 28. Si la loi changeait et rendait l’aide médicale au suicide accessible à certaines catégories de patients, la politique de l’AMC ne prévoit pas de mesures de protection appropriées. Cela est compréhensible, étant donné que la politique actuelle s’oppose à la légalisation. Toutefois, la politique reconnaît que l’opposition de l’AMC n’est pas catégorique ni figée dans le temps. Elle souligne aussi les principes éthiques du Code de déontologie de l’AMC qui orientent ses dispositions. 29. Si la loi changeait, la politique de l’AMC présente des arguments et des mises en garde en ce qui a trait à la « pente glissante ». Comme nous le verrons plus en détail ci-après, dans le dialogue national sur les soins en fin de vie entamé en 2014, nous avons entendu divers points de vue du public et des membres au sujet de ces préoccupations. Nous prenons aussi note des conclusions du rapport sur la prise de décisions en fin de vie publié en novembre 2011 par la Société royale du Canada, qui abordait expressément les « pentes glissantes » dans le contexte de l’expérience néerlandaise. Il portait plus précisément sur l’allégation voulant que le fait d’offrir l’aide médicale au suicide à des patients adultes atteints de maladies incurables et ayant la capacité de décision donnerait lieu à l’acceptation d’actes involontaires commis à l’endroit de personnes vulnérables et handicapées. Le rapport de la Société royale du Canada a conclu que ces arguments n’étaient pas fondés2. 30. Puisque la politique de l’AMC en matière d’euthanasie et d’aide médicale au suicide a été citée par la juge de première instance et inscrite dans le dossier d’instruction et qu’elle a fait l’objet de discussions lors de notre dernier Conseil général en août 2013, l’AMC a ajouté à la politique des définitions plus à jour3. En août 2013, lors de l’assemblée des médecins délégués en Conseil général de l’AMC, certains commentateurs nous ont reproché de nous perdre dans les 1 Les énoncés de politique de l’AMC, par exemple, renvoient souvent au cadre juridique, comme c’est le cas dans nos politiques sur le dossier médical et sur les interventions de maintien de la vie. 2 Société royale du Canada. Rapports des groupes d’experts, « Prise de décisions en fin de vie » novembre 2011 [http://www.rsc.ca/fr/groupes-dexperts/src-rapports/prise-de-d%C3%A9cisions-en-fin-de-vie] 3 Révisions de décembre 2013. - 11 questions de terminologie et de faillir à nos responsabilités. Ce n’était certainement pas notre intention. L’honorable Cour comprendra que les mots ont un sens, surtout dans notre pays bilingue et bijuridique, et depuis, des efforts particuliers ont été déployés dans un souci de clarté. En décembre 2013, le Conseil d’administration de l’AMC a approuvé des révisions qui intégraient des définitions à jour à l’actuelle politique en matière d’euthanasie et d’aide médicale au suicide. Bien que le Conseil d’administration de l’AMC n’ait pas entrepris la consultation à grande échelle qui serait nécessaire à l’évaluation des principes propres à la politique, les définitions ont été considérées comme des préalables essentiels à cet examen de la politique4. 4 Voici les nouvelles définitions : On parle d’aide médicale à mourir dans une situation où un médecin participe intentionnellement à la mort d’un patient, soit en administrant lui-même une substance, soit en fournissant les moyens qui permettront à un patient de s’auto-administrer une substance, qui entraînera la mort. Euthanasie veut dire poser un acte sciemment et intentionnellement, avec ou sans consentement, dans le but explicite de mettre fin à la vie d’une autre personne, dans les circonstances suivantes : la personne en cause est atteinte d’une maladie incurable; l’intermédiaire est au courant de l’état de la personne, pose un acte dont le but premier est de mettre fin à la vie de cette personne et pose l’acte avec empathie et compassion et n’en tire aucun avantage personnel. L’expression aide médicale au suicide signifie qu’un médecin, sciemment et intentionnellement, fournit à une personne les connaissances et(ou) les moyens nécessaires pour mettre fin à sa propre vie, notamment en lui donnant des conseils au sujet de doses mortelles de médicaments, en lui fournissant l’ordonnance nécessaire pour obtenir les doses mortelles en question ou en lui fournissant les médicaments. On considère souvent que l’euthanasie et l’aide médicale au suicide s’équivalent sur le plan moral, même s’il existe clairement entre les deux une distinction sur le plan pratique de même que devant la loi. L’expression « sédation palliative » s’entend de l’utilisation de médicaments sédatifs chez un patient atteint d’une maladie en phase terminale, dans l’intention de soulager la souffrance et de gérer les symptômes. L’intention n’est pas d’accélérer le décès, bien que la mort puisse être une conséquence prévisible mais non voulue de l’utilisation de tels médicaments. Il ne s’agit PAS d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. Le retrait ou la non-administration d’interventions de maintien de la vie, telles la ventilation ou la nutrition artificielles qui gardent le patient en vie mais ne sont plus voulues ou indiquées, ne sont PAS des gestes d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. L’expression « mourir dans la dignité » qualifie un décès qui se produit selon les paramètres généraux souhaités par le patient en ce qui concerne ses soins de fin de vie. Elle n’est PAS synonyme d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide. La planification préalable des soins de fin de vie est un processus par lequel une personne exprime ses objectifs et préférences en ce qui concerne les soins qu’elle recevra en fin de vie. Ces souhaits peuvent prendre la forme d’une directive écrite ou d’un plan de soin préparé au préalable, document que l’on désigne aussi, notamment, par les expressions « testament de vie », « testament biologique » ou encore « directives de fin de vie ». L’expression « soins palliatifs » désigne une démarche d’amélioration de la qualité de vie des patients et de leurs familles face aux problèmes associés à une maladie qui menace la vie. Il s’agit de prévenir et de soulager la souffrance par l’identification, l’évaluation et le traitement précoces de la douleur et des autres symptômes physiques, psychosociaux et spirituels. - 12 Ces définitions encadrent aussi les discussions qui se déroulent dans le cadre du dialogue national de 2014 sur les soins en fin de vie. 31. L’adoption de ces nouvelles définitions illustre le dynamisme du processus d’élaboration des politiques de l’AMC. La définition de l’AMC de « mourir dans la dignité » mérite une attention particulière. La dignité se présente sous différentes formes et n’est pas synonyme d’aide médicale au suicide5. D. Les résultats du sondage de l’AMC sur l’aide médicale au suicide et l’euthanasie 32. L’AMC a sondé ses membres sur les questions de fin de vie. Nous reconnaissons toutefois que, malgré tous nos efforts, les outils de sondage peuvent comporter des failles de terminologie et de clarté et ne doivent pas être considérés comme déterminants dans des questions aussi délicates sur lesquelles les avis sont partagés. La terminologie est un élément essentiel qui peut nous induire en erreur dans ce débat, car certains sondages cités comme preuves d’un appui considérable des médecins sont pour ainsi dire truffés de confusions terminologiques. Il en va de même pour les sondages auprès du public sur la question. L’appui à l’endroit de la palliation, la sédation palliative et le retrait des interventions de maintien de la vie pourrait avoir accru l’appui à l’aide médicale au suicide dans les sondages, car ces termes étaient définis dans les sondages6. 33. Le dernier sondage exhaustif de l’AMC sur la question a été réalisé en juillet 2011 et publié en janvier 2013. Des 2125 médecins membres qui ont répondu au sondage, 24 % croient que l’aide médicale à mourir devrait demeurer illégale (et 14 % ont répondu qu’elle devrait probablement demeurer illégale), tandis que 34 % ont répondu qu’elle devrait probablement ou certainement être légale. Les réponses au sujet des attitudes à l’égard de l’euthanasie ont été 5 Les progrès des soins palliatifs ont produit, par exemple, la notion de « traitement qui préserve la dignité ». J Palliat Med. May 2010; 13(5): 495–500. doi: 10.1089/jpm.2009.0279, « Assessment of Factors Influencing Preservation of Dignity at Life’s End: Creation and the Cross-Cultural Validation of the Preservation of Dignity Card-Sort Tool », http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2938912/ . 6 Sondage sur l’euthanasie, Fédération des médecins spécialistes du Québec, septembre 2009, https://www.fmsq.org/documents/10275/0/Euthanasie_CdeP+FMSQ.pdf. - 13 presque identiques à celles portant sur l’aide médicale au suicide, et elles demeurent pour ainsi dire inchangées par rapport aux réponses à un sondage que l’AMC avait réalisé auprès de ses membres sur la question en 1993. Parmi les répondants, 16 % donneraient leur assistance, tandis que 44 % la refuseraient; plus du quart (26 %) des répondants ne savent pas comment ils réagiraient à une telle demande, et 15 % n’ont pas donné de réponse. Les résultats n’ont pas été ventilés par zone géographique afin de préserver l’anonymat des répondants. Les résultats du sondage sont jugés précis à ± 2,1 %, 19 fois sur 20. 34. Au moment de la diffusion des résultats du sondage, le Dr Jeff Blackmer, directeur exécutif de l’Éthique, du Professionnalisme et des Affaires internationales de l’AMC, a expliqué que la révision s’imposait à la lumière de l’évolution des valeurs sociétales, des nouvelles technologies et de l’évolution du cadre législatif. « Je crois que l’on peut établir un parallèle avec le Code de déontologie de l’AMC, qui a été révisé plus d’une dizaine de fois depuis 1868 », a-t-il dit. Devant des enjeux aussi complexes, rien n’est immuable. Nous devons veiller à demeurer à jour. » 35. Nos dernières consultations des membres (en 2014) indiquent une ventilation similaire de l’appui et de l’opposition à l’aide médicale au suicide. Nos membres recevront un « sondage éclair » sur la question à l’été 2014, et les résultats seront disponibles en août 2014. E. Le dialogue national sur les soins de fin de vie lancé par l’AMC en 2014 36. Comme il a été mentionné ci-dessus, l’AMC s’est engagée activement dans un dialogue sur les soins en fin de vie avec ses membres et le grand public en 2014. À ce sujet, un court document informatif, ci-joint à titre d’Annexe « G », a été distribué aux participants et publié sur le site Web de l’AMC. Le terme « dialogue » n’a pas été choisi au hasard : il évoque un libre échange d’idées menant à un résultat commun; un dialogue est un entretien imprévisible, ouvert et sans contraintes. Dans sa politique, l’AMC demande aux gouvernements de nourrir de débat « afin d’aider les médecins, le public et les politiciens à participer à une nouvelle analyse de la loi qui interdit actuellement l’euthanasie et l’aide au suicide, et à parvenir à une solution qui soit dans le meilleur intérêt des Canadiens ». À l’exception du projet de loi 52 de l’Assemblée législative du Québec, cela ne s’est pas encore produit. - 14 37. Dans le cadre du dialogue national, des assemblées publiques ont été convoquées le 20 février à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 24 mars à Vancouver (ColombieBritannique), le 16 avril à Whitehorse (Yukon), le 7 mai à Regina (Saskatchewan) et le 27 mai à Mississauga (Ontario). Le président de l’AMC, le Dr Louis Hugo Francescutti, a assisté à chaque assemblée, y prononçant les discours d’ouverture et de clôture. La composition du panel changeait selon le lieu mais comportait toujours des représentants locaux de la communauté médicale et des soins palliatifs aux patients. Le Dr Jeff Blackmer, directeur exécutif de l’Éthique, du Professionnalisme et des Affaires internationales de l’AMC, était également présent à chaque assemblée pour offrir des explications sur la terminologie utilisée, illustrée par des capsules vidéo cliniques. Les participants étaient ensuite invités à exprimer leurs idées et à relater leurs expériences et leurs anecdotes. 38. L’aide médicale au suicide n’est pas le seul sujet abordé dans le dialogue de l’AMC sur les soins de fin de vie. La planification préalable des soins et les soins palliatifs ont également été au premier plan des discussions. Nous avons entendu le public affirmer que de nombreuses perspectives doivent être prises en considération, y compris les croyances autochtones concernant l’apport des personnes mourantes à la vie de ceux qui les entourent. Bien que ces assemblées aient démontré que les Canadiens ont souvent des points de vue diamétralement opposés sur l’euthanasie et l’aide médicale au suicide, il est clair qu’ils s’entendent sur nombre d’autres questions importantes, de la pertinence des directives préalables à la nécessité d’avoir une stratégie exhaustive sur les soins palliatifs au Canada. Nos collègues des provinces et territoires ont eux aussi été très actifs dans ces débats. Les AMPT, notamment Doctors of BC et l’Association médicale de l’Ontario, ont publié des documents de travail sur la planification préalable des soins, et l’Association médicale du Québec a pris part activement aux discussions publiques sur le projet de loi 52 dans cette province. 39. Quoique la publication du rapport écrit sur les assemblées publiques ne soit pas prévue avant la mi-juin 2014, plusieurs éléments clés ont déjà fait surface : a) Tous les Canadiens devraient avoir accès à des services de soins palliatifs appropriés – nombre d’entre eux n’y ont pas accès. - 15 b) Il faut augmenter le financement des services et des centres de soins palliatifs. c) Il faut mieux former les étudiants en médecine, les résidents et les médecins praticiens sur les démarches et les services de soins palliatifs ainsi que sur la façon d’engager des discussions sur la planification préalable des soins. d) La population canadienne est divisée sur la question de savoir si l’interdiction de l’euthanasie et de l’aide médicale au suicide devrait être maintenue. e) Si l’on modifie la loi canadienne pour permettre l’euthanasie ou l’aide médicale au suicide, il faudra établir des mesures de protection et des protocoles stricts afin de protéger les personnes et les populations vulnérables. f) L’incidence que pourrait avoir la légalisation de l’aide médicale à mourir sur la profession médicale au Canada devrait être étudiée soigneusement et de façon plus approfondie. 40. Outre les assemblées publiques de l’AMC, d’autres assemblées de médecins membres ont été organisées dans le cadre du dialogue national le 21 février à St. John’s (Terre-Neuve-etLabrador), le 15 mars à Edmonton (Alberta), le 28 mars à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 2 avril à Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 avril à Whitehorse (Yukon) et le 10 mai à Regina (Saskatchewan). À ces rencontres en personne se sont ajoutées des consultations en ligne. Plus de 1000 membres se sont inscrits sur le site Web et y ont fourni une multitude de commentaires. 41. Les membres sont d’avis que les discussions sur les soins de fin de vie surviennent trop souvent dans le cadre de crises médicales, dans des unités de soins intensifs parfois chargées et pressées par le temps, et que ces circonstances ne se prêtent pas toujours à une bonne compréhension des enjeux. Cet exemple illustre bien la nécessité d’un dialogue constant sur la planification préalable des soins avec les familles et entre les patients et leurs soignants. 42. La consultation des membres a donné lieu à des discussions éclairées, fécondes en réflexions et en commentaires sur les moyens que pourraient prendre les médecins et le système de santé en général pour offrir aux patients la « belle mort » que tous s’imaginent. - 16 43. Les médecins membres ont aussi beaucoup réfléchi à leurs propres expériences diverses en tant que cliniciens et êtres aimés de parents malades et en tant que patients eux-mêmes. Certains ont exprimé des préoccupations semblables à celles du public concernant ce qui pourrait être considéré comme un « traitement excessif ». En effet, la Johns Hopkins Precursors Study révèle un écart entre les soins en fin de vie que la plupart des médecins choisiraient pour euxmêmes (interventions moins effractives) et ceux que leurs patients reçoivent7. 44. On remarque aussi que les médecins du Québec ont étudié de près et continuent d’évaluer les enjeux éthiques appropriés de l’aide médicale à mourir que soulève le projet de loi 52 dans leur province. Le Collège des médecins du Québec, organisme responsable de réglementer la profession médicale au Québec, s’est prononcé en faveur de cette loi8, tout comme l’Association médicale du Québec9. Toutefois, nombre de médecins québécois spécialisés en soins palliatifs, qui connaissent de près les questions liées aux soins de fin de vie, s’y opposent fortement10. Ils invoquent à cet effet le rôle du médecin en tant que guérisseur et la nécessité d’accompagner le patient à chaque étape de la maladie. Certains médecins de famille, particulièrement qui soignent des patients en soins de très longue durée, craignent que la légalisation de l’aide médicale à mourir n’obscurcisse le rôle du médecin et ne nuise à la relation de confiance si soigneusement tissée. 45. J’ai moi-même participé en ligne à plusieurs assemblées publiques diffusées en continu grâce au partenariat entre l’AMC et la revue Maclean’s, en plus d’assister en personne à l’assemblée des membres de ma province, le Nouveau-Brunswick. À chaque assemblée publique, mon collègue le Dr Francescutti, président de l’AMC, a parlé de sa propre expérience en tant que parent d’un être aimé ayant bénéficié de soins palliatifs. Le Dr Francescutti nous a 7 Gallo, J.J., Straton, J.B., Klag, M.J., Meoni, L.A., Sulmasy, D.P., Wang, N.-y. et Ford, D.E. (2003), LifeSustaining Treatments: What Do Physicians Want and Do They Express Their Wishes to Others? Journal of the American Geriatrics Society, 51: 961–969. doi: 10.1046/j.1365-2389.2003.51309.x 8 Projet de loi no 52, Loi concernant les soins de fin de vie, Mémoire présenté à la Commission de la santé et des services sociaux, Collège des médecins du Québec, le 17 septembre 2013, http://www.cmq.org/fr/public/profil/commun/Nouvelles/2013/~/media/Files/Memoires/PL52-soins-fin-viememoire.pdf?61402. 9 Mémoire sur le projet de loi 52, Loi concernant les soins de fin de vie, Association médicale du Québec, le 17 septembre 2013, https://www.amq.ca/fr/en-action/nouvelles-amq/download/103/552/17. 10 Projet de loi 52 concernant les soins de fin de vie, Société québécoise des médecins de soins palliatifs, 1 er octobre 2013,http://www.assnat.qc.ca/Media/Process.aspx?MediaId=ANQ.Vigie.Bll.DocumentGenerique_75309&process= Default&token=ZyMoxNwUn8ikQ+TRKYwPCjWrKwg+vIv9rjij7p3xLGTZDmLVSmJLoqe/vG7/YWzz. - 17 raconté d’un point de vue personnel le rôle crucial que jouent les soins palliatifs dans l’allègement du fardeau des patients et de leur famille. Il a décrit les excellents soins prodigués avec compassion à sa défunte mère par la Résidence de soins palliatifs de l’Ouest-de-l’Île, à Montréal. Pourtant, les interventions aux assemblées publiques portent à croire que trop peu de Canadiens ont la chance d’accéder à de si bons services. Le Dr Francescutti a d’ailleurs indiqué qu’il comptait prendre un congé sabbatique de sa pratique clinique pour étudier davantage les aspects des soins palliatifs qui ont si bien fonctionné à la Résidence de soins palliatifs de l’Ouestde-l’Île. En tant que médecins, nous avons été touchés et honorés d’entendre d’autres Canadiens parler de leurs bonnes comme de leurs mauvaises expériences en matière de soins palliatifs. F. Les soins palliatifs dans le dialogue national et la politique de l’AMC 46. La discussion sur les soins palliatifs aux assemblées publiques et aux assemblées des membres a été particulièrement enrichissante. Si l’AMC pouvait obtenir la qualité d’intervenant, elle soulignerait l’importance des soins palliatifs en tant que facteur décisif. Les médecins membres et les intervenants du public ont clairement et unanimement fait valoir la nécessité d’améliorer l’accès à ces soins. En ce moment, les services sont offerts de façon sporadique, a fortiori dans les régions éloignées du pays. Une étude a démontré que seulement 30 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs spécialisés11. Les participants aux assemblées publiques ont indiqué que sans l’accès à des soins palliatifs de qualité, les patients risquent de se voir ou d’être perçus comme étant un fardeau pour leur famille et leurs aidants. 47. Entre autres lacunes, on a signalé un manque de formation des médecins au Canada sur les soins palliatifs et le traitement de la douleur. 48. À l’heure actuelle, le travail de l’AMC sur cet enjeu critique repose sur plusieurs stratégies. Par exemple, lors des discussions ciblées sur un projet de politique en matière de soins palliatifs, le Comité d’éthique de l’AMC a insisté sur le rôle des médecins de famille dans la prestation des soins palliatifs primaires ou généraux. Dans un tel modèle, les soins palliatifs primaires seraient appuyés par des services spécialisés, y compris des consultations de 11 Carstairs S. Monter la barre : Plan d'action pour de meilleurs soins palliatifs au Canada. Ottawa (Ont.) : Sénat du Canada; 2010. - 18 spécialistes en soins palliatifs, des maisons de soins palliatifs, des équipes communautaires de soins palliatifs et des unités de soins palliatifs dans les hôpitaux. L’AMC reconnaît également la nécessité d’offrir aux étudiants en médecine et aux médecins en exercice davantage de formations uniformes sur le traitement de la douleur et les soins palliatifs, et elle s’emploie à favoriser cette formation. Les soins palliatifs reposent sur une approche multidisciplinaire intégrée et axée sur le travail d’équipe. 49. Comme l’a noté le Dr Darren Cargill, médecin spécialisé en soins palliatifs et membre du panel à l’assemblée publique de Mississauga, son domaine de spécialité touche au cœur de « l’art et de la science de la médecine » et représente l’essence même des soins centrés sur le patient. On fait appel à la science pour traiter des symptômes de douleur, et à l’art pour établir la communication constante, si essentielle, entre le médecin et le patient. Dans les mots du Dr Cargill, la question la plus importante à poser au patient est : « Qu’est-ce qui est important pour vous? » 50. L’accès aux soins palliatifs est un besoin urgent et essentiel en matière de soins de santé; certains vont même jusqu’à dire qu’il s’agit d’une condition préalable à toute modification de la loi. Aux assemblées publiques de l’AMC, de nombreux participants ont reconnu que si un bon système de soins palliatifs était offert à tous les Canadiens, cela pourrait réduire considérablement les pressions pour la modification de la loi concernant l’aide médicale au suicide. De nombreux spécialistes des soins palliatifs, comme la Dre Doris Barwich, membre du panel de l’assemblée publique de Vancouver, jugent qu’il serait prématuré de même parler de modifier la loi avant d’améliorer l’accès aux soins palliatifs. D’autres médecins estiment que le respect de l’autonomie du patient suppose aussi de respecter son choix de rejeter les formes existantes de soins palliatifs qui le garderaient en vie mais dans un état inconscient, si ces soins ne correspondent pas à ses valeurs et à ses désirs. 51. Il importe de noter qu’au Québec, le projet de loi 52 jumelle le droit d’accéder aux soins palliatifs à la disponibilité de l’« aide médicale à mourir » (telle que le projet de loi la définit). - 19 G. L’aide médicale au suicide dans le dialogue national de l’AMC 52. Sur le sujet précis de l’aide médicale au suicide, les participants aux assemblées publiques ont fait part d’un large éventail d’expériences. Les quelques citations suivantes ne sauraient rendre que partiellement justice à la diversité des commentaires reçus. « Je veux avoir la flexibilité de choisir le moment, l’endroit et la façon [de mourir]. » – Membre de l’auditoire à Mississauga « Je crois que les soins palliatifs sont un élément essentiel de notre système de santé. Et “oui”, il en faut plus. Je crois également que si nous avions tous accès aux soins palliatifs dont quiconque peut avoir besoin, il y a des gens qui préféreraient ne pas passer par ce processus. Je respecte leur opinion et leur choix. » — Membre de l’auditoire à Vancouver « Quand j’avais neuf ans, ma grand-mère, avec qui je vivais, est morte d’un cancer de l’estomac. Le personnel infirmier m’avait montré comment changer la stomie de son estomac. Je me souviens des moments passés avec elle, et aussi du moment de sa mort. C’est peut-être égoïste, mais je n’aurais pas voulu qu’on me prive de ces moments. Et je pense qu’elle n’aurait pas voulu me priver de ces moments et des liens qui nous unissaient. Je sais qu’elle souffrait énormément […] mais je pense que si elle était mourante aujourd’hui, elle aurait pu avoir l’impression de devoir choisir l’aide médicale à mourir, ce qui nous aurait empêchés de vivre cette période d’attachement, et ce qui m’aurait privé des souvenirs les plus précieux que j’ai d’elle. » — Membre de l’auditoire à Whitehorse « Et les personnes atteintes de maladie mentale? Elles peuvent avoir envie de se tuer à tout moment. Si la loi le permettait, elles mettraient fin à leurs jours. Mais si vous les aidez par la psychothérapie et la médication, elles peuvent changer d’idée. C’est pourquoi je m’oppose farouchement à l’euthanasie. C’est un manque de respect absolu de la vie. » — Membre de l’auditoire à St. John’s 53. Un participant à l’assemblée de Regina, âgé de 96 ans, a demandé pourquoi une société démocratique comme le Canada ne pourrait pas créer suffisamment de garanties pour éviter cette « pente glissante » si l’euthanasie était légalisée. Un autre participant, en ligne cette fois, a écrit ceci : « Certaines personnes abusent des médicaments antidouleur, mais nous ne les interdisons pas pour autant, préférant les réglementer. » - 20 54. Les membres de l’AMC ont eux aussi avancé toute une gamme d’opinions sur l’aide au suicide lors des assemblées publiques et des assemblées des membres. Par exemple : « Nous devons réfléchir sérieusement à ce à quoi nous ouvrons la porte si l’AMC choisit de soutenir le gouvernement dans le cadre de la légalisation de l’euthanasie. » — Spécialiste des soins palliatifs à la retraite, Regina « Nous ne sommes pas formés pour tuer les gens, bien au contraire. » — Un médecin, Whitehorse « Il y a des incitatifs pervers dans le système à cause desquels un médecin est payé davantage pour intuber un patient mourant que pour tenir une réunion significative avec les membres de la famille afin de discuter de meilleures options. » — Un médecin, St. John’s « Je suis en faveur de l’aide médicale au suicide et de l’euthanasie et j’ai l’impression de beaucoup de mes pairs sont du même avis. » — Un étudiant en médecine, Fredericton 55. La question de savoir comment la perception des patients qui souffrent d’affections graves ou terminales pourrait changer s’ils recevaient de bons soins a été soulevée à plusieurs reprises lors du dialogue. Le Dr Jeff Blackmer, directeur exécutif de l’Éthique, du Professionnalisme et des Affaires internationales de l’AMC et animateur des assemblées publiques, a raconté qu’il travaille auprès de gens atteints de lésions à la moelle épinière. Selon des études, les fournisseurs de soins pensent que de nombreux quadriplégiques ont une qualité de vie à laquelle ils accorderaient une note de seulement deux ou trois sur dix, alors que ces personnes y accorderaient eux-mêmes une note de huit ou neuf, surtout après s’être adaptés à leur nouvelle vie12. Le Dr Blackmer a expliqué qu’il rencontre souvent des patients qui, juste après avoir été blessés, demandent à ce qu’on mette fin à leur vie. Cependant, une fois qu’ils se sont adaptés à leur nouvelle réalité, il arrive souvent qu’ils apprécient l’indépendance dont ils bénéficient toujours. 12 Gerhart KA, Koziol-McLain J, Lowenstein SR, Whiteneck GG. Quality of life following spinal cord injury: knowledge and attitudes of emergency care providers. Ann Emerg Med. Avril 1994;23(4):807-12. - 21 H. L’intérêt de l’AMC dans l’appel en question : Les médecins, des acteurs importants 56. L’AMC s’intéresse particulièrement aux questions soumises à la Cour et les discussions qui s’y rapportent représentent pour elle un enjeu important. En ce qui concerne la question des soins en fin de vie en général, les médecins travaillent de concert avec les familles pour établir et faire respecter les directives et les désirs en matière de la planification préalable des soins. Si la loi vient à changer, les médecins deviendront des acteurs essentiels dans tout régime d’aide au suicide. En fait, ils auront deux rôles essentiels à jouer. D’abord, ils devront déterminer si le patient qui souhaite mettre fin à ses jours respecte les critères établis. Ensuite, ils devront prescrire les substances entraînant sa mort et rester au chevet du patient pour lui prodiguer des tout au long du processus. Il va sans dire que même si l’aide au suicide était légalisée, elle ne pourrait être appliquée que si un nombre suffisant de médecins de partout au pays sont persuadés que le régime établi est éthique, pratique et conforme aux normes médicales en vigueur. L’AMC peut aider l’honorable Cour à trouver des réponses à ces questions. INTERVENTIONS PROPOSÉES DE L’AMC 57. S’il lui est permis d’intervenir, l’AMC comparaîtrait devant l’honorable Cour en tant qu’« amie de la cour », non en défendant un programme précis ou une perspective catégorique, mais en exposant une multitude de renseignements sur la perspective des médecins à ce sujet. On peut s’attendre à ce que les interventions de l’AMC touchent les domaines suivants : a) les conclusions du dialogue national de l’AMC sur les soins en fin de vie avec ses membres et la population, y compris le rôle essentiel des soins palliatifs et la question de savoir si l’aide médicale au suicide devrait être légalisée avant que les soins palliatifs soient rendus entièrement accessibles partout au Canada; b) les mesures de protection nécessaires si l’on décide de légaliser l’aide médicale au suicide, afin de protéger les patients des décisions prises contre leur gré ou à l’encontre de leurs intérêts; c) l’incidence d’une telle modification de la loi sur la relation médecin-patient; d) les mesures nécessaires pour protéger les médecins contre toute responsabilité criminelle ou civile; - 22 - 58. e) les modifications à apporter au système de santé, y compris au niveau de la formation et des mesures de soutien nécessaires afin de permettre aux médecins de s’acquitter des importantes responsabilités supplémentaires qui leur seraient attribuées, comme l’évaluation de l’aptitude et de la volonté de la personne, dans les cas de soins en fin de vie; f) la position de l’AMC sur les recours appropriés si la loi vient à changer. Bien qu’ils accompagnent leurs patients à chaque étape de leur vie et du continuum des soins, les médecins ne prétendent pas avoir toutes les réponses. Ils sont eux aussi des patients et des parents et souhaitent guider leurs patients dans la période difficile de la maladie. Une perspective catégorique ne ferait que nuire à l’analyse des enjeux et au travail de la Cour, d’autant plus qu’une telle perspective n’existe pas. La politique actuelle de l’AMC n’est pas permanente et peut être appelée à changer. Enfin, l’AMC se présente devant la Cour dans un esprit d’humilité, reconnaissant qu’en tant qu’êtres humains, nous sommes tous vulnérables et impuissants devant le pouvoir de la mort. Or les médecins désirent offrir à leurs patients ce qu’ils veulent et ce qu’ils méritent : cette fameuse « belle mort ». Au cours de ce cheminement avec nos patients, nous nous inspirons des commentaires exprimés par les patients et les membres en 2014 dans le cadre du dialogue national sur les soins en fin de vie. 59. Aucune partie ne subira de préjudice si l’AMC obtient la permission d’intervenir. L’AMC ne cherche pas à ralentir l’audition de l’appel en question ni à soulever de nouveaux points. 60. L’AMC ne réclamera aucuns frais en échange de son intervention et demande à ce qu’il ne lui en soit pas attribué. 61. Par conséquent, l’AMC demande respectueusement la permission d’intervenir dans l’appel, y compris en présentant un mémoire de 20 pages ou moins ainsi que des arguments verbaux ne prenant pas plus de 15 minutes lors de l’audition de l’appel. Le tout déclaré sous serment devant moi ) dans la ville d’Ottawa, dans la province de ) l’Ontario, en ce 5e jour de juin 2014 ) ) ) - 23 ) Commissaire à l’assermentation DR CHRIS SIMPSON, MD, FRCPC, FACC, FHRS ENTRE LEE CARTER, HOLLIS JOHNSON, LE Dr WILLIAM SHOICHET, LA BRITISH COLUMBIA CIVIL LIBERTIES ASSOCIATION et GLORIA TAYLOR Appelants et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA Intimé et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIEBRITANNIQUE Intimé LES PROCUREURS GÉNÉRAUX Numéro de dossier : DE L’ONTARIO, DE LA 35591 COLOMBIE-BRITANNIQUE et DU QUÉBEC Intervenants COUR SUPRÊME DU CANADA (EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE) AVIS DE MOTION Polley Faith s.r.l. Édifice Victory 80, rue Richmond Ouest, bureau 1300 Toronto (Ontario) M5H 2A4 Harry Underwood (20806C) [email protected] Jessica Prince (59924Q) [email protected] Association médicale canadienne Jean Nelson (40265V) [email protected] Avocat de l’intervenant proposé, AMC