RECHERCHES ET SYNOPSIS développés entre juin

Transcription

RECHERCHES ET SYNOPSIS développés entre juin
OTAKU
LIONEL TRAN - IVAN BRUN
ÉDITIONS LES REQUINS MARTEAUX (2004)
RECHERCHES ET SYNOPSIS
développés entre juin 2000 et octobre 2002
LIONEL TRAN
NOTES DE LECTURE - page 3
STRUCTURE - page 11
ESSAI PREMIERES PAGES - SCRIPT DÉTAILLÉ - page 22
RECHERCHES AUTOUR DU JEU «EXIL» - page 27
TROISIEME JET DU SYNOPSIS -page 30
SIXIEME JET DU SYNOPSIS - page 60
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INTRODUCTION
Ma manière de travailler un scénario est jusqu’ici assez peu orthodoxe : je
ne pars pas d’une idée d’histoire, mais presque toujours d’un sentiment que
je désire véhiculer. Ce sentiment est toujours extrêmement précis au moment
où je commence à chercher une forme narrative qui puisse le véhiculer.
Pour Otaku, le projet était de tenter de restituer le désinvestissement
politique de ma génération.
Vous trouverez ci-joint divers éléments concernant l’élaboration du script :
Quelques notes de lectures, très partielles, qui nous ont aidé, Ivan Brun
et moi, à assurer les fondations de notre propos.
Une proposition de structure narrative pour l’ensemble de l’album, qui
se déroule sur une semaine. Les « événements » qui se déroulent sur cette
semaine ont changé au cours de l’élaboration du script, mais la logique en
est restée la même. Les divers jets du script ont d’ailleurs toujours couvert
l’ensemble de cette structure, à l’intérieur de laquelle les éléments se
déplaçaient, d’où l’aspect « fermé » et très contrôlé de l’album.
Quelques pages de script détaillé qui ont été le premier essai réalisé avec
Ivan Brun autour d’Otaku. Cet essai nous a aidé à démarcher un éditeur et
à voir les nombreux points qui ne fonctionnaient pas dans notre approche.
Ces pages, qui ont été dessinées par Ivan, nous montrent la fin du voyage
en avion de Ryu et Mui et leur arrivée en France, ce qui n’apparaît pas au
final dans l’album.
Quelques pages de recherches autour du jeu eXil qui est au cœur d’Otaku.
Dans l’album nous savons très peu de choses sur eXil. J’avais un temps
imaginé avec Jean Philippe Garçon des Editions 6 Pieds Sous Terre, et Eric
Terrier, de développer un faux site qui aurait annoncé la sortie du jeu
eXil. Vaste et vague projet, pour lequel ces pages ont été rédigées. Nous
avions même fait un logo pour le jeu ainsi qu’une bande annonce. Cela ajoute
un détail à l’élaboration de l’ensemble…
Suivent deux jets du script, dont il existe 7 versions différentes. Cela
vous permettra de voir l’évolution de nombreux points au cours de la
rédaction. Pas mal d’éléments ont été transformés par Ivan durant la phase
de story board, éléments que j’intégrais ensuite à la structure globale de
l’album. Sur l’avant dernier jet du script vous pourrez constater que de
nombreux points essentiels de l’album restaient encore à apparaître.
Comme je le disais au début de cette brève introduction, je pars d’une idée
très précise de ce que je souhaite véhiculer, il me faut ensuite chercher
la forme qui reflète de la manière la plus juste possible cette idée.
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NOTES DE LECTURE
Vitesse Virtuelle – La cyberculture aujourd’hui
- Mark Dery – 368 p. 169 F – AbbeVillePress
P. 43 « Comme le note Gitlin, les prophètes hippies comme Leary
étaient des puristes antipolitiques » pour qui la politique était
« un jeu idiot, un mauvais trip, une descente, une gueule de bois.
En fait, toutes les institutions sociales étaient des jeux […]
et le remède contre les jeux destructeurs, c’était […] d’autres
jeux, plus gai. » De la même façon, le militantisme politique,
l’activisme organisé sous quelque forme que ce soit est devenu
une chose ringarde pour les cyber-hippies : pour eux, la faute
capitale est de provoquer l’ennui. »
P. 59 « Comme tant d’autres prophéties millénaristes avant elle,
la vision, cyberdélique d’une apothéose dans un ailleurs technomystique détourne l’attention des injustices politiques et
socioéconomiques qui nous entourent, ici et maintenant.
P. 60 Walter Kirn : « La leçon que les Cybériens devront tirer de
leurs excursions dans une conscience purement électronique, c’est
que la liberté ne se réduit pas à cet extrême détachement, que la
fuite ne saurait tenir lieu de libération, ni l’extase de bonheur.
Le spectacle son et lumière de la fin des temps, tant attendu par
ces cadres dynamiques allumés, risque fort de les décevoir. »
P. 74 « Gödel a montré que la notion logique fondamentale de
« vérité » n’a pas de définition rationnelle. Pire encore, le
principe d’incertitude d’Heisenberg, l’un des fondements de la
mécanique quantique, a pour conséquence nécessaire que l’acte
même d’observation altère l’état du phénomène observé, axiome qui
met à mal l’idée de vérité objective. « L’époque des absolus, si
elle a jamais existé, est aujourd’hui totalement et définitivement
dépassée », conclut le mathématicien John L. Cast. « L’œuvre
d’Einstein a enterré une fois pour toute les idées d’espace et de
temps absolus, tandis que Heisenberg détruisait la croyance en une
mesure absolument précise. Quand à Gödel, il nous a débarrassés de
l’étrange idée surannée de preuve ou de vérité absolues. »
De tels bouleversements philosophiques, à l’intérieur comme
à l’extérieur de la communauté scientifique, ont radicalement
transformé la conception rationaliste matérialiste du monde,
laissant place à une réalité quantique, où physique rime souvent
avec métaphysique. Les techno-païens ont foi en l’indétermination
fluctuante d’une telle réalité, espérant qu’elle tolèrera, et un
jour même confirmera leur cosmologie.
Paradoxalement, le techno-paganisme se fait aussi l’écho de
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l’angoisse générale suscité par
de plus en plus incohérente, et
aliénante. Dans un essai sur la
Sterling analyse notre relation
Magique » :
une réalité que la science rend
la technologie, de plus en plus
« CyberSuperstition », Bruce
avec l’ordinateur comme « Machine
« Les ordinateurs sont des créatures effrayantes, chargée de
mystère et de puissance. Même pour les programmateurs et les
concepteurs de circuits, l’ordinateur reste une chose qui
dépasse foncièrement l’entendement. […] Une machine capable
d’accomplir des millions d’opérations par seconde est tout
bonnement trop complexe pour être entièrement comprise par un
cerveau humain, quel qu’il soit. »
En outre, comme le remarque Gary Chapman, ancien dirigeant
de l’association des Professionnels de l’Informatique pour la
Responsabilité Sociale, ces instruments insondables et miraculeux
se sont dissimulés partout, des appareils ménagers aux machines
outils, et ils prennent rapidement le contrôle de la techno
sphère :
Les microprocesseurs intégrés, qui font marcher aussi bien
les voitures que les cafetières électriques et les avions
de ligne, sont encore plus répandus que les ordinateurs
personnels, mais ils sont à peu près invisibles pour le
commun des mortels. La plupart des gens savent vaguement
qu’il doit y avoir un ordinateur sous le capot des derniers
modèles de voitures, et qu’il contribue à faire tourner
le moteur. Mais comment il s’y prend, où il se trouve,
comment il peut tomber en panne – le mystère reste entier
pour la plupart des gens. […] L’automobile n’est plus une
chose « naturelle », c’est à dire dont les propriétés
peuvent être comprises par quiconque a de vagues notions de
physique, c’est maintenant une chose quasi « surnaturelle »,
puisque ses opérations sont commandés par des modifications
imperceptibles à l’intérieur d’un logiciel. »
P. 80 Les invocations exaltées du cyberspace comme « zone
hermétiquement close », où les désirs sont des ordres, oublie
le monde qui demeure hors du cercle magique – une société à deux
vitesse toujours plus inégalitaire, « avec des ouvriers qualifiés
à hauts salaires et une « sous-classe » qui grossit de jour en
jour, sous-payée » ou au chômage, selon une commission spéciale
présidé par John T . Dunlop, ancien Secrétaire d’État au Travail.
« Nous vivons dans une société où l’économie symbolique, la
circulation d ‘ « informations » et de valeurs abstraites (crédit,
junk bonds, ect.) S’est accélérée davantage que l’économie des
biens matériels », écrit Stuart Ewen, historien de la société de
consommation.
Elle fonctionne de plus en plus indépendamment, comme un
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royaume autonomes, bien que nous soyons loin d’avoir vaincu
la rareté. […] Le marché boursier crève le plafond tandis que
la base matérielle de l’économie s’effrite. […]La crise de
l’assurance sociale, la pauvreté et le chômage […] sont des
signes alarmants de la désintégration progressive du tissu
social au niveau matériel.
Le secrétaire d’État au travail Robert Reich craint que
l’accélération exponentielle du progrès technologique n’accroisse
les inégalités au lieu de les combattre. Dans son éditorial du
New York Times, « La fracture de la classe moyenne », il écrit :
« Tandis qu’elles permettront à certains d’arriver plus vite dans
des lieux de plaisir, les autoroutes de l’information risquent de
laisser les autres en rade dans un équivalent technologique des
ghettos des grandes villes. »
P. 133 à propos du casque virtuel de Survival Research
Laboratories : « Une immersion prolongée dans le casque télévisuel
du lance missile produit un phénomène dit de « Télé présence » :
sensation de sortie du corps qui gagne quand la différence
entre perception et réalité simulée (ou, en l’occurrence entre
images vidéo en direct et environnement réel) est assez mince
pour persuader le spectateur qu’il et là-bas – plongé dans le
monde virtuel (ou fusionnât avec l’instrument télécommandé).
« La perception du relief est incroyable ; quand tout est bien
ajusté, on s’y noie », dit Pauline. « On se met à imaginer son
corps autrement, comme lorsqu’on est enfermé dans un caisson
d’isolement sensoriel : [la technologie] devient transparente
en raison du confort qu’elle procure, qui est la clé de tous les
dispositifs de ce genre. Une fois cette transparence obtenue, des
choses intéressantes se passent. Ça n’est pas difficile, parce que
l’esprit […] s’efforce de se fondre dans ce qu’il rencontre. […]
La réalité virtuelle enchaîne plus étroitement l’opérateur à la
machine. On a l’impression d’avoir la tête montée sur elle, comme
si on chevauchait le missile. »
P. 137 à propos des craintes et des phantasmes liés aux robots : «
[Les robots] nous fascinent parce que ce sont des images d’Épinal
auxquelles on a donné vie, des mécanismes d’horlogerie enfantés
par le génie humain. Et ils nous terrifient précisément pour cette
raison : ce sont des choses inhumaines, des trains d’engrenages,
qui se fichent bien de savoir que la créature terrifiée derrière la
croix de leur viseur laser est une personne vivante. Ces machines
prédatrices ressuscitent de vieux fantasmes dans l’inconscient
collectif – fauves mangeurs d’homme, dieux en colère.
Enfin, il émane de ces machines un certain érotisme nécrophile. Sur
leurs dos mats, leurs surfaces opaques, nous greffons nos fétiches
mortifères, notre peur délicieuse de l’inconnu. Dans la culture
occidentale chrétienne, le sujet humain s’affirme en affirmant ses
limites, mais ce sont ces mêmes limites qui font de lui une île,
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cernée de toute part un abîme qui le tient éloigné de tout ce
qui n’est pas lui. « Nous sommes des êtres discontinus, individus
mourant isolément dans une aventure inintelligible, mais nous avons
al nostalgie de la continuité perdue. » D’où la dualité de la mort,
qui promet de nous ramener dans cette continuité au-delà de la
tombe – dans la matrice où nous ne faisions qu’un avec l’enveloppe
nourricière qui constituait notre cosmos – et qui menace d’anéantir
le moi à jamais.
L’acte sexuel, où nous prenons le risque de la dissolution
pour atteindre l’extase de la fusion, recèle la même ambiguïté.
L’historienne des idée Claudia Springer a noté cette « perte de soi
si proche de la mort […] associée au plaisir sexuel », ambiguïté
qu’illustre en français la « petite mort. »
[…] Le fantasme nécrophile d’un abandon à des machines dévorantes
que « l’on ne peut pas raisonner », comme le techno-masochisme
du « Bonheur dans l’esclavage », cache une nostalgie de cette
« continuité perdue » dont parle Bataille : le sacrifice rituel de
la conscience réflexive intégrée sur laquelle se fonde la raison
instrumentale de l’Occident. Le sacrifice humain, affirme Bataille,
est imprégné d’un « érotisme sacré, qui touche la fusion des êtres
avec un au-delà de la réalité immédiate ». Qui se sacrifie est
« libre, libre de se jeter tout à coup hors de soi. »
P. 154, à propos de la robotisation de la main d’œuvre. « Mais
les industriels s’aperçurent bientôt que la « gestion de la
main d’œuvre » sur le lieu de travail ne suffisait pas, que
leur emprise devait s’étendre au delà de l’usine, dans l’arène
culturelle. Seul un système de valeur en accord avec une économie
consumériste – où le bien ne serait pas seulement utilisé, mais
périmés, rendus caduques par les changements de mode – assurerait
le fonctionnement docile d’une main d’œuvre hétérogène orienté
vers la production de masse. Les chefs d’entreprise capitalistes
eurent recours à la publicité, dont l’impact était accru par de
nouvelles techniques de reproduction et d’impression comme la
photographie et chromolithographie, pour promouvoir une idéologie
consumériste. Dans ce qu’Ernest Calkins, directeur d’une agence de
publicité, appelle la « gestion du consommateur », les images de
la vie heureuse reproduites à grande échelle, répétée ad nauseam
dans les catalogues de vente par correspondance, les publicités
des magazines, les présentoirs des grands magasins, les panneaux
d’affichage et les mélodrames hollywoodiens, étaient conçus
comme les ersatz séduisants d’un véritable changement social.
Fondée sur l’idée que tous les consommateurs ont été crées à la
même image, la publicité, selon Stuart Ewen, se développa comme
« serviteur de l’ordre social, dont le propos était d’ « anéantir »
les « coutumes ancestrales, [de] […] briser les barrières des
habitudes individuelles ». Le philosophe Walter Benjamin résuma
bien la chose dans cette formule : « La reproduction de masse est
particulièrement encouragée par la reproduction des masses. »
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P. 158, à propos de la surveillance électronique : « le cas du
personnel au sol de la TWA, qui travaille sur écran en répondant
au téléphone. Ce travail harassant est encore plus pénible
depuis que l’entreprise gère la productivité de ses employés
en comptabilisant leurs frappes sur le clavier, le temps qu’ils
passent au téléphone, l’heure à laquelle ils partent déjeuner ou
vont au toilettes. De telles pratiques, version électronique de
la surveillance dans les ateliers à l’époque de Dickens, sont fort
répandues. »
P. 159, à propos de Disneyland : « Umberto Eco a noté que
Disneyland est «un endroit de passivité totale », dont « les
visiteurs doivent accepter de se comporter en robots. » Et il
s’agit là à peine d’une métaphore. Le seul rôle que peuvent
jouer les « invités » de Disney, c’est celui de consommateur – de
hamburger, de sucrerie, et surtout d’images : les « Stand Photo »
de Kodak sont partout, et tout le monde a un appareil autour du
cou. En outre, un service d’ordre omniprésent et une surveillance
permanente font en sorte que la plupart des visiteurs empruntent
les chemins indiqués, respectent l’interdiction des flashs sur
les parcours motorisés, et ne sortent les mains des véhicules en
aucune circonstance. L’un des effets les plus étrange de cette
obéissance aveugle est une tendance à applaudir les acteurs dans
les drames robotiques de Disneyland. »
P. 175, à propos des fantasmes de « mutation totale » « Le Docteur
Richard Restak émet quelques doutes sur la vraisemblance technique
et anatomique des améliorations cyborgienne proposées par Sterlac.
Neuropsychiatre, professeur de neurologie à l’Université George
Washington […] a contesté le scénario post évolutif de Sterlac
d’un point de vue médical et psychologique.
« Ce n’est que de la science fiction, affirme-t-il, une vue de
l’esprit post-moderne concernant l’avenir de l’humanité. La
philosophie post moderne dit : « pourquoi préjuger de quoi que ce
soit ? Pourquoi ne pas remettre en question les données de base
– par exemple notre structure biologique ? »
« Je ne vois pas comment on pourrait décider quels organes
internes sont inessentiels, car des choses comme le système
immunitaire sont logées dans des organes peu intéressants comme
le thymus. On pourrait peut-être remplacer le foie et les reins,
mais l faudrait bien garder un certain système immunitaire.
Seulement, d’un autre côté, le système immunitaire va devenir fou
dès qu’un corps étranger sera inséré dans le corps. Et ce sera le
plus gros problème : qu’est ce qui empêchera le corps de rejeter
ces implants quand il sera en plein processus de métamorphose ?
Le système immunitaire devra être neutralisé, mais alors on sera
sans défense contre les virus et les bactéries. De plus, une fois
la peu décollée, avant même qu’on puisse la remplacer par autre
chose, les possibilités d’infection seront en nombre astronomique.
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Je ne vois aucune manière de passer d’un être humain à une chose
de ce genre, non seulement à cause des difficultés techniques, mais
plus encore à cause des difficultés biologiques.
« Et puis, qui voudrait vire comme ça, parmi les étoiles ? J’ai
écrit sur le cerveau et les prothèses ; elles ont accompli des
miracles, mais les fantasmes de Sterlac me paraissent morbides ;
ils font partie de ces fantasmes apocalyptiques – fantasmes
extrêmes, narcissiques, d’autarcie complète. Cette créature
vit dans l’espace toute seule, elle n’a besoin de personne
parce que son cerveau a été amplifié par une microprocesseur
ou par manipulation génétique, ce qui suppose, je crois, un
processus de repli où elle ne se préoccupe plus que de son propre
fonctionnement interne. »
« Les fantasmes de ce genre constituent une déformation du
cartésianisme. Nous sommes paralysés par la conception de
Descartes – nous serions un esprit, et le corps serait une chose
que nous devrions traiter comme une chose (sur le modèle général
de la machine) -, alors qu’en réalité nous sommes incarnés. Je
crois qu’il y a beaucoup de haine de soi dans cette réification du
corps, beaucoup d’aliénation. »
[…] « Sous cette vision triomphante d’une apothéose du corps
(fût-ce sous une forme qui peut être lue au contraire comme
une libération du potentiel humain par rapport aux contraintes
physiques), un tableau presque sadomasochiste transparaît :
le corps, « traumatisé » par sa réification, est « abattu
et déconnecté » de ses propres fonctions par la médiation
technologique, et n’a d’autre recours que « l’interface et la
symbiose ». Voilà l’auto amputation de McLuhan qui revient nous
hanter avec ce qu’il appelle la « Nécrose de Narcisse », mécanisme
d’autoprotection d’un corps torturé, littéralement écorché vif.
« Quand nous l’étendons ou le mettons en péril, il nous faut
mettre en sommeil notre système nerveux central », affirme Mc
Luhan, « sous peine de mort. »
[…] « Curieusement, les questions de pouvoir sont absentes du
schéma post évolutif de Sterlac, comme elles le sont toujours dans
les écrits de MacLuhan ; la technologie fraye avec le corps, mais
ne touche jamais aux questions économiques ou sociales. Qui donc
construit ces machines ? […]Qui contrôle les contrôleurs ? Ce qui
manque ici, c’est une politique post-humaniste. »
[…] « La notion même d’ « idées » pures de toute idéologie, d’un
espace social où le mariage des corps et des machines se célèbre
en dehors de la « politique du pouvoir », relève de la science
fiction. L’idée que la vérité est autant construite socialement
que découverte –autrement dit, que même les discours prétendument
indépendants de tout jugement de valeur sont teintés de préjugés
culturels – est une des pierres de touches des critiques récentes
de la science. La science et la technologie « ne sont pas à
l’abri des influences idéologiques, mais sont part et parcelle,
chaîne et trame des ordres sociaux dont elles émergent et qui les
soutiennent.
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[…] « Pour MacLuhan, l’invention de l’écriture constitua la
membrane séparatrice », coupant le « moi » de tout le « nonmoi » et jetant la civilisation occidentale dans le monde d’après
la chute, le monde de la solitude, de l’objectivité, de la
rationalité. Son récit de cet événement sonne exactement comme
l’allégorie biblique de la chute :
L’homme intégral devint l’homme fragmenté ; l’alphabet brisa le
cercle enchanté et les résonances magiques de l’univers tribal,
réduisant l’humanité à un agglomérat d’individus spécialisés et
psychologiquement appauvris, d’unités fonctionnant dans un monde de
temps linéaire et d’espace euclidien. »
P. 196 Marshal MacLuhan, à propos de l’excitation médiatique :
« L’excitation est liée au sadisme. Et, chez ceux pour qui l’acte
sexuel est devenu mécanique, simple rencontre et manipulation de
membres, il reste souvent un désir inextinguible que l’on peut
appeler métaphysique, mais qu’on ne reconnaît pas comme tel, et qui
cherche à s’assouvir dans le danger physique, parfois la torture,
le suicide ou le meurtre. »
« Aujourd’hui, plus de quarante ans après les remarques
prémonitoires de MacLuhan sur « l’image mêlée, largement
répandue, du sexe, de la technologie et de la mort », les thèmes
de la technique érotisée, du sexe assisté par les machines, de
l’accouplement avec la technologie et des désirs charnels déviants
pour aboutir à des orgies de destruction high-tech, se retrouvent
tous enchevêtrés dans la cyberculture. »
P. 233 à propos des désirs qui sous-tendent la technologie : « Pris
en lui-même, le jargon technique de l’industrie informatique –floppy
disk [littéralement : disque mou], hard drive [littéralement :
poussée dure], input/output [entrée, sortie], slot [fente],
joystick [littéralement : bâton de joie] – paraît plein de
connotations sexuelles. Dans une lettre au magazine Info World, le
chef comptable d’une entreprise informatique nota que son client,
éditeur de programmes, « considérait que les programmes devaient
êtres excitants, faciles à pénétrer, étroit et profond. »
Le mécano-érotisme, chez les pirates informatiques et les
cyberpunks, se teinte souvent d’une haine rampante de la chair,
faible et « féminine », qu’on appelle dédaigneusement « la viande »
dans l’argot cyber, encore un mot à connotation sexuelle. Manquant
de sommeil, gavé de Coca et de pizzas, le corps est aux ordres d’un
moi implacable qui cherche à se donner le pouvoir et le prestige
qu’on lui refusait dans les cours de récréation, les terrains de
sports et les boums. […] Mal dans leur corps souvent mollasson
ou maigrichon, certains rêvent de ne faire plus qu’un avec leurs
machines, dans une fusion transcendantale du moi et de l’Autre qui
tient à la fois du sexe machinique et de l’assomption divine. »
P234 « Un cocaïnomane trentenaire de Los Angeles rapporta que
les relations sexuelles avec des « unités biologiques» ne le
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satisfaisaient plus. Musicien de carrière, formé en électronique,
il parvint à créer un mécanisme de biofeedback qui enregistrait
les degrés d’érection de son pénis et transmettait l’information
à un ordinateur Apple. Il pouvait se toucher mécaniquement via un
tube à vide conçu pour procurer du plaisir sexuel à ceux qui ne
peuvent se masturber en raison de lésion à la colonne vertébrale.
Le biofeedback pénien programmait l’ordinateur pour qu’il projette
des images pornographiques archivées, d’intensité et de genre
divers, choisies dans une base de données contenant quatre cents
cassettes vidéo pornographiques. L’expérience était intensifiées
par les prises de cocaïne répétées et conséquentes. »
Encouragées par l’horreur du corps, par l’obsession des médias
de divertissement dans la société de consommation et par la perte
des idéaux communautaire traditionnelle, de telle perversion SF
et sans amour, même si elles sont en vogue, n’ont rien de nouveau.
Marshall MacLuhan, 1969 : « une conception mécaniste de corps
capable d’éprouver des émois spécifiques mais non d’atteindre
l’engagement total et la transcendance sexuelle-émotionnelle. »
P. 235, à propos de la guerre du golfe : « l’on n’a cessé, dans
cette guerre, de parler de « pilonner l’ennemi », de l »labourer
sans relâche ses positions », c’est le langage masturbatoire
des hommes qui n’arrivent jamais à jouir. C’est comme un viol
collectif sans fin, à l’aide du plus gros pilon : la verge du
châtiment. »
P. 248, à propos de « l’horreur du corps » : « Dans notre
condition présente, nous sommes des hybrides mal assortis,
moitié biologie, moitié culture, et une grande part de nos traits
biologiques sont en porte-à-faux par rapport aux inventions de
notre esprit », affirme le théoricien de l’intelligence artificielle
Hans Moravec.
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STRUCTURE du récit
PROJET AVEC IVAN : Perfomance – Otaku Party ( ?)
Synopsis
Deux jeunes japonais arrivent en France à bord d’un avion. Ils ne
parlent pas français, et ne cherchent apparemment pas à communiquer,
ni à faire du tourisme. Il s’agit d’un couple, qui passe la plupart
de son temps dans la chambre d’un petit hôtel, allongés sur des
lits, à lire où à somnoler. Le téléviseur qu’il y a dans la chambre
reste éteint. Lors de leurs promenades, le jeune homme, Ryú, reste en
retrait, donnant l’impression de se désintéresser à ce qui se passe. On
découvre qu’il enregistre sur Mini disk les conversations qu’engagent
des inconnus avec sa compagne. Il écoute ces enregistrements dans la
chambre, pris de violentes crises d’angoisses. Il s’éveille parfois
au milieu de la nuit et va se blottir dans la douche où il reste
recroquevillé sous l’eau qui coule. La jeune fille est inquiète pour
lui. Elle se laisse pénétrer de ce qu’elle sent par instants autour
d’elle. Les français qu’elle croise dans la rue où dans des cafés
se confient à elle. Elle ne comprend pas leurs mots mais est touchée
par leurs expressions. Parfois elle ramasse un objet sur le sol. Ces
objets s’accumulent sur la commode de la chambre d’hôtel.
Des gens seuls, en marge de la société, sont attirés par ce
couple de japonais. Ils se confient à eux plus librement qu’à leurs
connaissances. Ayant l’impression de pouvoir enfin être entendu,
considérés. Inconsciemment, ils sentent le désarroi du couple, qui
fait écho au leur. L’échange est réel, sensible mais sans racines,
sans extension possible.
Premier jet du synopsis – jeudi 4 mai 2000, train Lyon - Montpellier
–
Deuxième jet du synopsis – samedi 29 & dimanche 30 juillet 2000,
mardi 1er – lundi 7 août 2000 – Lyon –
Jour 1 :
Le désert.
Un couple de jeunes japonais dans un avion. La fille lit. Le
garçon dort. Une hôtesse vient le réveiller en lui annonçant que
l’atterrissage est imminent. Mui : « Ryù ? » « Tu as réfléchi à ce
que nous allons faire là bas ? » Il baille. Ryù : « Non. » répond,
non. Un passager voisin leur demande si c’est la première fois qu’ils
viennent en France. Mui lui répond en français. Ils débarquent dans
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un aéroport en France, prennent la navette qui mène en ville. Mui :
«Tu crois que nous allons trouver un hôtel ? » Ryù n’a pas l’air de
s’en soucier. Il dit : Là. Arrêtons nous là. Il y a de l’espace. La
fille constate qu’il ne lui demande jamais son avis. Il y a un mois
il a dit : allons en France.
Ils descendent dans un hôtel type Formule 1, dont les paiements se
font par carte électronique, et dont on ne croise jamais le personnel.
L’hôtel est isolé à la périphérie de la ville. Ils s’installent,
posent leurs affaires dans la chambre. Mui branche son portable,
elle envoie une image d’elle prise dans les cabinets de l’avion.
« Les photos sont réussies. » « Mm. » « Je n’était pas sûre. » Lui,
joue au jeu vidéo. Mui : « Tu ne crois pas qu’il faudrait les appeler
pour leur dire que nous sommes arrivés ? ». Ryù : « Tu as vus où sont
les toilettes ? »
Ryù et Mui se baladent en ville. Un clochard cherche dans une
poubelle. Les rues sont désertes. Mui : « C’est calme. Il n’y a pas
beaucoup de gens. Ça me fait un peu peur. C’est comme ces villes à
la campagne. Tu sais, ces villes où il n’y a pas de lumière la nuit.
Quand j’étais petite et qu’on allait chez ma grand mère ça me faisait
peur. » Ryù : « Tu crois qu’ils vendent des batteries dans ce pays
? » Ils arrivent sur une grande place. Autour d’eux ça s’agite.
Mui : «Ils sentent mauvais. »
Cela fait sept ans qu’avec Ryù nous sommes ensemble. Nous ne quittons
jamais notre quartier. La journée je travaille dans un salon de
beauté. Au début, je ne me sentais pas bien dans ce travail. J’avais
l’impression que mon identité était en train de se diluer. C’est là
que j’ai commencée à me prendre en photo dans les toilettes, pendant
les pauses. Juste moi, assise sur le siège des toilettes. Une photo
de moi à chaque pause, tous les jours. Sur mon visage on peut voir
si je suis triste où si je suis gaie. Et puis j’ai commencé à mettre
mes photos sur Internet, pour que des gens puissent les voir. Ryù
travaille toute la journée sur son ordinateur à la maison. C’est lui
qui m’a aidé à monter mon site. Depuis qu’il a quitté l’école, il
passe beaucoup de temps sur internet. C’est comme ça qu’on a commencé
à être contacté pour faire des shows. Au début, moi je n’étais pas
tellement motivé pour aller montrer mes images devant des inconnus.
C’est Ryù qui m’a convaincu. Il s’occupe de toute l’organisation.
Moi, je dois juste être là, pour établir un lien entre les images
et moi en tant que personne réelle. Ryù appelle ça le degré zéro de
la représentation.
Quand J’ai rencontré Ryù je crois qu’il n’avait jamais connu d’autre
fille. Je travaillais à mi temps dans une boutique de souvenirs à
( ?-rue principale des Otakus.) Il venait là tous les après midis,
passant des heures à feuilleter les fanzines des années 1980. J’ai
fini par comprendre qu’il cherchait des parodies des dessins animés
de son enfance. Il voulait quelque chose de très précis : pas des
parodies sexuelles ou violentes. Je lui ai proposé de m’accompagner
au Comiket, où il aurait peut-être une chance de trouver ce qu’il
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voulait. Nous avons fait le trajet en bus. Il ne disait pas un
mot. J’étais contente d’être avec lui. Je sentais qu’il fallait le
protéger, comme s’il était mon petit frère. Un petit frère froid
et silencieux. Quand nous sommes arrivés et que nous avons vus la
foule des Otakus, Ryù a dit : nous sommes comme eux, mais nous sommes
différents, tous différents, comme des bulles de savon. Je n’ai pas
rit. Je comprenais ce qu’il voulait dire. Ce jour là, sur un stand,
il a trouvé une collection de fanzines parodiant les émissions de
notre enfance en les plaçant dans un contexte réaliste, où il n’y
avait plus ni action, ni événement. Ryù était très excité. Nous avons
attendu pendant plus d’une heure, mais le type, qui avait laissé à
garder son stand par un autre n’est pas revenu et nous n’avons pas
pu le rencontrer. Sur le chemin du retour, nous n’avons pas arrêté
de rire.
J’étais eut des liaisons avec plusieurs garçons, au lycée ça ne
s’était pas très bien passé. J’étais sorti avec eux pour faire comme
les autres filles de l’école, qui faisaient le compétition entre elles
pour avoir des garçons. Ils était apeurés, alors ils disaient des
bêtises. Ma seule histoire sérieuse avait été avec un employé plus
âgé. Il m’achetait des vêtements et me faisait des cadeaux. Je le
laissais me toucher mais je ne pensais à rien. Je me disais : j’ai
le pouvoir qu’il s’occupe de moi. Il ne représente rien pour moi.
Je ne l’aime pas et pourtant je pourrais lui faire faire tout ce
que je veux. Ça a été le premier homme à me posséder. Lorsqu’il est
entré en moi. J’ai eut l’impression de me détacher de mon corps. Je
regardais ce qui se passait, c’était étrange, on aurait dit qu’il ne
s’agissait pas de moi. Cet homme un peu chauve s’agitait entre les
jambes d’une très jeune fille, dont le visage était contracté. !l n’y
avait aucun amour entre eux, pas le moindre sentiment de tendresse,
peut-être juste un vague désarroi. L’homme s’agrippait à ce corps nu,
qui regardait dans le vide.
Après je n’ai plus cherché à avoir de liaison. Parfois au travail,
il y avait des rapports de séduction avec des clients, mais cela
restait dans un cadre très précis : je souriais aux habitués, qui
m’appelaient Mlle Mui. Je leur faisais des remarques lorsqu’ils
achetaient des mangas pornos et ils faisaient semblant d’être gênés.
Cela établissait une complicité entre nous. Certains n’avaient pas
de vie en dehors de ces visites à la boutique. J’étais une des rares
personnes avec qui ils avaient un lien social. Cela me donnait un
rôle, qui me satisfaisait. Moi non plus je ne voyais pas grand monde
en dehors du travail. Je n’avais pas envie de ressortir le soir pour
aller au cinéma voir des films qui sortiraient en vidéo 2 mois plus
tard, je n’avais pas envie d’aller dans un café où je ne connaîtrait
personne. Je ne désirais qu’une chose : c’est être chez moi et faire
ce que je voulais sans que personne ne me mette mal à l’aise. Si
j’avais croisé un des clients dans la rue, nous ne sous serions pas
salués.
La première fois où nous nous sommes retrouvés dans un lit, avec Ryù,
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il ne s’est rien passé. Nous étions tous les deux étendus, côte à
côte, sans se toucher. Il respirait lentement. « J’ai toujours bien
aimé regarder des films pornos », il a dit, « je me souviens très bien
la première fois où j’en ait regardé un. J’étais très jeune, ma mère
qui restait tard à son travail pour aider le club, me laissait seul
les mardi soirs.
Jour 2 :
Ils se lèvent. « Tu veux appeler ? » Il ne répond pas. « Tu sais
ce qu’on va faire ? » Il ne répond pas. Regarde la web cam sur le
portable. Le désert de nuit. Miu sort sur le perron de l’hôtel. Des
femmes de ménages parlent entre elles, elle engage la conversation.
Ryù enregistre.
Ils sont en ville. Il fait beau. Ils sont dans le quartier arabe et
asiatique. Ryù entre dans un magasin de fournitures audio-visuelles.
Il achète des batteries et des C.D. vierges. Mui l’attend sur le
trottoir. Des cars de CRS sont stationnés dans la rue. Un policier
la cadre avec la caméra vidéo qu’il est en train d’essayer. Près de
la place centrale qu’ils ont découvert la veille, ils rencontrent
un autre couple de jeunes japonais, avec qui ils sympathisent. Il
s’agit de musiciens d’un groupe, qui ont fait un concert la veille
dans un squat artistique. Ils s’en vont le soir même. Ils boivent
un verre de coca à la terrasse du Mc Donald’s et se moquent des
autochtones. « Ils ont l’air bête, hein ? » Ryù et Mui leur disent
ce qu’ils sont faire une performance. Mui annonce vaguement quelle
sera leur action. Son ton est ironique. Ryù est crispé.
Ils passent la soirée ensemble dans un restaurant japonais, où leurs
tenues contrastent avec les tables alentour. Ils parlent de politique
et d’art. Il est question de manifestation pour le lendemain. Ils
n’ont pas trop compris pourquoi. Ils rient. Le serveur vient leur
demander de parler moins fort. Mui se lève pour aller aux toilettes.
Ils lui demandent où ils doivent passer. Ryù répond à la Camisole
de force. Les musiciens hochent la tête et disent qu’il s’agit
d’une salle avec une forte réputation. Ils auraient aimé passer làbas. Mui revient. Ryù se lève, mal à l’aise. Lorsqu’il revient la
conversation porte sur un film qui est attendu : l’homme invisible.
Chacun évalue les chances de succès du film.
Nous avons rencontrés Ryù et Mui le lendemain de leur arrivé
en France. Comme nous c’était leur premier voyage aussi loin à
l’étranger. Ils avaient l’air un peu perdus. Nous avions fait notre
concert la veille. L’avion partait en fin de soirée. Nous avons passé
l’après-midi ensemble. Ryù parlait peu. Mui nous a expliqué qu’ils
devaient faire une intervention artistique dans un lieu underground
très réputé. J’ai trouvé ça cool. Nous avons beaucoup discuté. Je
crois que c’était avant que les incidents éclatent. Oui, c’était
avant, parce que je me souviens avoir vu des images à la télé, dans
l’avion. Je ne me souviens plus si on en avait parlé avec eux. Je ne
crois pas. Tout ce dont je me souviens c’est que nous sommes allés
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dans ce restaurant traditionnel Japonais, qui n’était pas très bon.
Le patron faisait la tête, on aurait dit qu’il avait honte d’avoir
des japonais comme clients. Je me souviens également que nous avons
parlé de cinéma. C’était vraiment plaisant de pouvoir enfin discuter
avec des gens qui s’intéressent aux mêmes choses que vous.
San –guitariste du groupe Mind Bug-
Jour 3 :
DAY OFF
Ryù ne dort pas. Il se retourne dans son lit. La chambre d’hôtel.
Télé allumée. On ne sait pas s’il fait jour où nuit. Portable allumé.
La web cam. Du vent dans le désert. Ryù écoute les enregistrements,
les mains sur les oreilles. Les femmes de ménage qui racontent leur
vie. Une d’elle est étudiante en psychologie. Elle parle du syndrôme
des chômeurs. Ryù est tendu. Mui est dans la salle de bain, elle se
prépare, lui demande « tu as appelé ? » Mui dort. Ryù est debout,
nu au dessus du lit. La deuxième femme de ménage veut « faire
quelque chose d’intéressant. » Elle est belle. La première dit :
moi, je ne sais pas ce que je veux. Peut-être juste être tranquille.
Elles demandent à Mui ce qu’elle veut. Mui hoche les épaules. Elle
répète : juste être tranquille. Ryù, prostré dans la salle de bain.
Il éteint le Mini Disk. Mui est devant l’hôtel. Elle parle avec les
femmes de ménage. Les rires résonnent jusqu’à la chambre. Ryù tourne
en rond. Ils font l’amour, violemment. Mui dans la salle de bain.
Elle rentre dans la chambre. Ryù est tétanisé. Elle lit sur le lit.
Des photographies numériques de Mui sur internet, prises dans les
toilettes du Mc Donald’s. Ryù essaie de téléphoner. Ça ne répond pas.
Il ne laisse pas de message. A la télé des affrontements violents ont
lieu sur la place. Mui lui demande si ça va. Ryù répond qu’il ne sait
pas quoi faire. Il n’aurait pas du les entraîner ici. Mui essaie de
le rassurer. Il parle de son travail. Dit qu’il ne peut travailler
qu’intuitivement, que ce serait faux autrement. Mui parle de ses
photos. Elle dit qu’elle sent le même problème. Mais elle ne sait
pas quoi. Il ne l’écoute pas vraiment. A la télé, l’émeute s’étend.
Des voitures brûlent un peu partout. Ils sont couchés chacun sur un
lit.
Quand je les ai vu à l’hôtel, j’ai tout de suite pensé qu’ils
formaient un beau couple. Ils avaient l’air assortis, je veux dire
pas physiquement, mais il se dégageait une sorte d’harmonie dans leur
relation. Je les imagine mal se disputer, par exemple. Elle, elle
était très discrète. On a assez vite sympathisé. Elle se débrouillait
très bien en Français. Je ne sais plus exactement de quoi on a parlé.
Ah, oui, ça me revient. On a discuté de la situation sociale en
Europe, de ce genre de choses. Elle avait l’air curieuse. C’était
avant que les émeutes éclatent. Enfin, si on peut vraiment appeler
ça des émeutes. Je crois que c’était des sortes d’artistes, elle
m’a plus où moins expliqué, mais j’ai eut du mal à saisir ce qu’ils
faisaient exactement. D’ailleurs, ça me revient, elle m’avait invité
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à passer les voir, si j’avais envie, afin de me faire une idée. Et
alors, par contre, j’ai complètement oublié. En fait je n’avais pas
oublié, mais c’était dans une salle dont j’avais vaguement entendu
parler, où ils font des trucs bizarre, limite malsain, d’après ce
qu’on m’a raconté, enfin, je ne peux pas dire, comme ça, je n’y suis
jamais allé personnellement, mais bon, c’est pas trop ma tasse de
thé, alors je n’y suis pas allé. Je les ait juste croisé le jour
de leur départ. Ils étaient pressés, on n’a pas eut le temps de
bavarder.
Aurélie – étudiante - agent d’entretien à temps partiel.
Jour 4 :
Un cordon de sécurité est disposé devant les portes du Mac Donald’s. Le
clochard ramasse un papier parmi les débris. Ils passent leur chemin
et s’arrêtent à la terrasse d’un café, où ils mangent des sandwichs.
Ryù téléphone. Dans la rue des camions de vitriers n’arrêtent pas de
passer. Un serveur demande à Mui si elle est japonaise. Il s’excuse
pour les émeutes. « Ce n’est pas toujours comme ça. » Il lui demande
si elle aime les mangas. Mui fait la moue, ne poursuivant pas la
conversation. Ryù les as eu, mais ils ne peuvent pas les recevoir
aujourd’hui, à cause de la panique due aux émeutes. Ils ne savent pas
si la salle pourra être ouverte. Ils ont rendez vous le lendemain.
Mui demande : qu’est ce qu’on fait ? Tu veux qu’on essaye d’aller
dans le squat dont ils nous ont parlé ? Il ne sait pas.
Ryù et Mui dans la chambre d’hôtel. La web cam. Un nuage de fumée
passe à l’horizon. Une jeep ? Une tornade ? Ryù agrandit l’image en
vain pour tenter de discerner de quoi il s’agit. Mui attend dehors
que le portable soit libre pour mettre les photos des toilettes du
café sur son site.
Ryù et Mui sont dans le squat, qui est plein à craquer. Les gens
sont très excités. Un type sur l’estrade tente d’apostropher les
autres, qui préfèrent boire. Les gens parlent de ce qui s’est passé
la veille. Il y a beaucoup de chiens. Un d’entre eux est blessé.
Un type ivre s’approche d’eux. Aux murs sont exposés des peintures
représentant des présentateurs de télé. Des installations à base
de matériel audiovisuel sont disposées dans la salle. Un groupe
joue, personne ne l’écoute. Le type leur parle en français, ils
ne comprennent rien. Ryù parle avec des artistes, qui évoquent les
émeutes en termes désabusés. Tout le monde est mal à l’aise. Ils
commencent à boire. Mui s’ennuie. Le type est peintre, il propose
de les emmener chez lui, pour voir ses peintures. Chez lui, Mui
s’endort dans un coin. Des affiches de groupes japonais sont posés
sur les murs. Le type parle de stratégies à adopter pour réussir
artistiquement. Ils continuent à boire.
J’ai rencontré Ryù et Mui à trois reprises. La première fois c’était
à l’Akadémie de la contre culture. Je ne sais pas comment ils
avaient atterri là. Ils avaient l’air complètement perdus au milieu
de cette foule à moitié bourrée. Des gens essayaient de leur parler
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mais ils ne réagissaient pas. Je ne sais pas ce qui m’a plu en eux,
ils avaient quelque chose d’impressionnant J’ai tout de suite senti
qu’ils savaient où ils allaient. Il y avait quelque chose dans leur
manière de regarder ce qui les entourait, comme si leur regard
passait l’environnement aux rayons X. Quand Ryù a accepté de venir
à la maison, j’en tremblais. Chez eux c’est différent. Ils sont
tellement plus ouverts à des choses expérimentales. Le truc qu’il
a fait, a choqué les gens. Personne n’a compris ce qu’il essayait
de nous dire. Et dire que c’est un type de là-bas, qui vient nous
montrer ça. On s’est revu au Pez Ner, c’est dingue d’ailleurs, je
passais là par hasard, c’est pas le genre d’endroit où je vais super
souvent, mais là, je ne sais pas pourquoi, une intuition. Je les ai
revus un dernière fois avant leur départ au musée. Une coïncidence
également. Ryù m’a laissé leur adresse. Un jour, j’aimerai aller les
voir. Peut-être que là bas j’aurais ma chance.
Greg – peintre, inscrit au RMI-
Jour 5 :
Ryù et Mui rentre à l’hôtel, dans la mâtinée. Ils s’écroulent sur
le lit. Ryù se relève et écoute les bandes de la veille. Il éteint
le mini disk. Lorsqu’il se réveille, Mui discute dehors avec les
femmes de ménage. Elles fument des cigarettes et rient beaucoup. Ryù
enregistre.
Ryù et Mui prennent un café à l’intérieur d’un PMU. Les émeutes sont
à la une du journal régional. Ils parlent peu. Mui est enthousiaste,
Ryù taciturne. Elle trouve que les toilettes du café sont typiques.
Ryù coupe court à la conversation. Mui retourne faire une série de
photos. Ryù l’attend dehors, à côté de la salle fermée.
Ryù et Mui visitent la salle, qui est déserte, à l’exception
d’un petit bonhomme, qui suit Ryù partout. Les deux personnes qui
s’occupent de la salle les accueillent. Le type est poli et distant.
La fille est très enthousiaste, elle leur parle de la nécessité qu’ont
les artistes de lutter. Elle citer des noms d’artistes célèbres pour
leur engagement. Elle parle de la pauvreté qui progresse dans le
pays. Elle montre ses coupures de presse. Elle est un peu fatigué et
a un mauvais anglais. Ryù a du mal à s’intéresser à ce qu’elle dit.
Il descend voir la salle. Le petit bonhomme lui adresse la parole.
Ryù ne répond pas. Il continue de parler. Ryù lui fait signe qu’il
l’ennuie. Le petit bonhomme ne s’interrompt pas. Il parle comme si
Ryù n’était pas là. Ryù s’assied et l’observe.
Ryù et Mui sont couchés à l’hôtel. Ryù dit : « J’aurais besoin de
tes photos demain. » Il s’endort. Mui n’arrive plus à trouver le
sommeil. Elle dit : « La fille m’a parlé de ce petit bonhomme. C’est la
première personne qui est entrée dans la salle lors de l’ouverture.
Depuis il est tout le temps là. » La web cam veille, sur le lit d’en
face. Plein soleil sur le désert.
Ils étaient froids. Comme le sont toujours les japonais. J’ai essayé
de leur parler mais ils n’écoutaient pas. Je n’arrive pas à les
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comprendre. Quand même, on les invite, on les fait passer, on leur
paye l’hôtel et en retour, rien. Ils se sont contentés de venir la
veille, ils ont fait leur performance et puis tchao, à peine au
revoir. Bon, d’accord, ce qu’ils ont fait, ça tenait la route. Je veux
dire, ce n’est pas le problème avec eux. Ils ont fait une véritable
performance. Qu’est ce que j’entends par performance ? C’est bien
simple, une action sur la vie, quelque chose de réel, qui déchire
le voile dont nous entoure la société. Il n’y a qu’à voir comment
les gens ont réagit. Là il ne s’agit pas de spectacle, on n’est pas
là pour se divertir, pour CONSOMMER. Ça s’impose, et c’est comme
un viol. Bien sûr ça ne passe pas bien. Aujourd’hui on a tellement
l’habitude de gommer tout ce qui ne va pas. J’étais tombé sur leur
travail par le biais d’une vidéo d’un festival au Japon. C’était net
qu’il fallait qu’on les fasse passer ici. Bon, c’est sût, j’aurais
bien aimé qu’il y ait un peu plus d’échange.
Claudia Credo – artiste, directrice des Arutlimes-
Jour 6 :
La salle est vide. Deux assistants les aident à faire les balances et
à installer le matériel. Ryù est très directif. Le petit bonhomme le
suit de partout. Un moment Ryù le fait monter sur scène et fait les
réglages sur lui. Mui a connecté son ordinateur à celui du bureau.
Des filles de la salle lui posent des questions sur le Japon. Elles
n’aimeraient pas y aller. Une d’entre elle est photographe. Elle a
prit des photos des émeutes. Mui les regarde.
Ryù sort dans la rue pour aller chercher des cigarettes. Il croise
le clochard. Lorsqu’il revient, la salle a commencé à se remplir. Des
gens ont un caméscope numérique à la main.
La scène est noire. Les images de Mui prises dans les toilettes
défilent sur l’écran de la scène. Des voix enregistrées, forment un
brouhaha sonore, qui se mêle à l’indifférence générale. On entend le
rire des filles de l’hôtel. Des images d’émeute défilent. Les visages
fixent la scène, qui s’éclaire. Le petit bonhomme monte sur scène, et
se met à commenter ce qui se passe, comme s’il se parlait à lui même.
Dans la salle, les gens sont indignés. Le petit bonhomme commente
les réactions. Ryù qui est juché dans la loge des éclairagistes,
dirige sur eux un micro directionnel. « Comme si ce type n’était déjà
pas assez ridicule comme ça. » « Le pauvre gars. Ça fait vraiment
pitié… » Mui traduit au fur à et mesure à Ryù. Les commentaires sont
diffusés dans la salle. Le petit bonhomme se tait. Il pleure. Rires
de filles enregistrés. Images de Rui dans les toilettes. Ryù descend.
Le type avec qui il a sympathisé dans le squat lui demande quel est
le titre de la performance, Ryù répond : Émeute.
Les gens de la salle fument des joins dans le bureau, les yeux
cernés. Ils parlent du film l’homme invisible. Personne ne dit un mot
sur la performance. La fille de la salle lui tend des billets à Ryù.
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Le petit bonhomme, qui l’a suivit, tend la main.
Moi, j’aime bien le Japon, les japonais ils sont un peu spéciaux,
ils parlent pas beaucoup, ici j’en vois beaucoup, et des américains
aussi, mais les japonais, j’ai remarqué ils sont toujours habillés
en noir, ils doivent bien aimer le noir, ah oui, ceux là ils étaient
marrants, le type il parlait pas beaucoup, tu as déjà été à Center
Park ? Au japon ils il a des gros Center Park, ils ont Disneyland
aussi. C’est un petit pays on m’a dit mais ils ont beaucoup de Park.
Alors ils m’ont fait une sorte de blague, mais j’ai rien compris,
je suis déjà monté sur la scène avant ça, moi, alors j’ai expliqué
aux gens que c’était n’importe quoi, mais les gens ils faisaient la
foire dans la salle, c’était un peu le bordel. Moi des fois, chez
moi je mets le bordel. Je balance toutes mes affaires par terre et je
cours dans ma chambre. Des fois je mets mon slip sur la tête, c’est
n’importe quoi. Alors après ma mère elle n’est pas contente. Hier il
y avait un concert, mais alors là, c’était vraiment n’importe quoi.
Laurent
Jour 7 : Retour.
Avant leur départ Ryù et Mui visitent un musée d’art contemporain.
Des vêtements en peau humaine sont exposés dans une pièce. Dans une
autre pièce est exposé un immense miroir mural, qui ne reflète pas.
Un groupe de touristes français entre, guidé par le peintre. Il leur
fait un signe de main. Mui va aux toilettes. Les touristes s’arrêtent
face au miroir.
Mui dit au revoir aux femmes de ménages. Une d’entre elle dit qu’elles
ont oublié de passer voir la performance. Elle demande poliment si
c’était bien. Mui sent que cela ne les intéresse pas.
Ryù et Mui prennent leur dernier petit déjeuner à la terrasse du Mac
Donald’s, intact. Ils savourent l’espace qu’il y a autour d’eaux,
le calme. Avant de partir ils donnent les affaires qui leurs restent
au clochard. Celui-ci, sans les regarder, vide le sac et leur rend,
vide.
Dans l’avion, Mui dit : je ne me prendrai plus en photo dans les
toilettes. Qu’est ce que tu va faire, maintenant ? Je prendrai les
toilettes seules. Ryù dit, c’est une bonne idée. Elle ajoute : avec
des portraits de moi à côté. Ils rient. Elle dit : qu’est ce que tu
crois que le clochard fait de toutes ces choses qu’il ramasse ? Tu
crois qu’il les classe, chez lui ? Ryù dit : oui, forcément. Il se
réapproprie ces choses, sinon il ne les ramasserait pas. Mui a l’air
pensive. Sur les écrans disposé au dos des sièges, passe un vieux
film japonais : la femme du sable.
Les gens ne m’intéressent pas. Ils ne m’ont jamais trop intéressé.
Ils sont trop nombreux. Ils vont trop vite. Où, je ne sais pas… Ils
passent. J’en vois passer toute la journée. Vous n’imaginez pas le
nombre de personnes qui peuvent passer devant vous si vous vous
asseyez un instant. Les objets, c’est différent. Si vous saviez
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le nombre de choses que les gens laissent derrière eux sans s’en
soucier. Des choses qu’ils ont voulu un moment et qu’ils abandonnent
le moment suivant. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut
vouloir quelque chose autant si c’est pour le délaisser. Moi, j’aime
bien observer. Les gens souvent, vont tellement vite que je ne
retient d’eux qu’un détail. Un pull qui dépasse sous une veste. Un
lacet cassé que l’on a renoué. La lassitude dans le visage alors que
les vêtements sont impeccables. Avec les choses c’est différent. Je
les ramasse, je les pose dans ma main, tout doucement, je prends le
temps de les regarder. Elles racontent beaucoup sur le monde dans
lequel nous vivons, vous savez…
Notes sur le synopsis – Jeudi 20 juillet 2000 train Lyon
Perpignan –
Jour 2
Rencontre avec des japonais, musiciens, achat batteries, non échange,
critique sur le pays étranger.
Jour 3 les femmes de ménage, superposition, explosion d’angoisse,
décision d’appeler, amour, triste.
Jour 4
Soirée dans le squat, ambiance explosive, tension.
Jour 5
Échec. Le lendemain, arrivée dans le LIEU, incompréhension, couché
à l’hôtel, désespéré.
Jour 6
La performance, après un temps d’attente. Un type rencontré au
dernier moment (Eric Martin), est passé sur scène. Réactions,
diffusées aussi sur scène.
Jour 7
Départ, muet, blême, triste, regret, expérience qui s’éloigne très
vite, traumatisante.
Remarques : le récit tourne autour de ce qui est enregistré, gravé,
ce qui passe, qui échappe. Tout le long le personnage cherche à
attraper. L’objet récurent est la caméra, celles qu’on voit à la
performance (éteintes parce qu’il n’y a rien à montrer.) On s’abrite
derrière. Dans le squat caméras, où plutôt téléviseur cassé déco,
détritus.
// avec ce qui passe sur la Web cam. Image sans intérêt, où infime,
qui demande de l’attention.
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Les rencontres : le clochard, croisé à chaque chapitre, très
discretement, comme un élément du décors, qui cherche et trouve dans
tout, ce qui n’intéresse plus (faire attention à ce que cela ne soit
pas trop symbolique.)
Les femmes de ménage jeunes, jolies mais commençant à être usées.
Elles croient encore, ou du moins expriment dans leur regard qu’elles
aimeraient croire -> sentiment très triste ( # leur âge & leur
corps)
La fille de la salle de performance et le type, qui expriment avec
colère leur chance, qu’ils ne voient pas.
Les squateurs (ex étudiants),
d’impossible (des enfants)
qui
croient
dans
quelque
chose
Les japonais musiciens // aux protagonistes, soulagés, mais passés à
côté du voyage (ils ont terminé leur concert et partent) sans avoir
rien apprit.
Les lieux :
Terrasse d’un mac do sur la place.
Chambre d’hôtel automatisé.
Extérieur hôtel.
Squat.
Mélange entre l’Akadémie et le Wolnitza.
Salle de performance
Salle de réunion de la salle de performance
Thèmes parallèles : Les toilettes où Mui se prend en photo
systématiquement. Trace de ce qu’il y a de plus dégradé et d’intime
à la fois. Inscription dans un cadre existant (// photo souvenir ->
se poser cô. Un objet)
Évolution vers des photos de toilettes vides / des portraits côte
à côte.
21
ESSAIS PREMIERES PAGES : SCRIPT
DÉTAILLÉ
Jour un.
Extérieur.
Un désert non localisé. Dans le ciel, un avion, microscopique.
Ryù ne m’a pas dit un mot depuis notre départ de Shikoku il y a 8
heures.
Intérieur, avion de ligne international.
Un jeune japonaise aux ongles peints de vernis vert lit un livre de
Jean Baurdillard traduit en Anglais. Sur la tablette devant elle est
posé le guide touristique Lonely Planet consacré à la France, pages
ouvertes. A côté d’elle son compagnon, qui a les cheveux mi longs
et porte des lunettes de soleil noires, est assoupi, une couverture
sur laquelle est brodé le logo de la compagnie aérienne dépliée sur
les genoux.
Intérieur, avion.
La jeune japonaise regarde par le hublot. Au sol, on distingue des
étendues de champs à perte de vue. Un tracteur, de la taille d’un
jouet, les sillonne. Des voitures disparates roulent sur une route
nationale.
Intérieur, avion.
Une hôtesse brune au visage couvert de fond de teint, se penche
vers les japonais. Elle désigne la couverture, tout en continuant à
sourire.
« Sorry to wake you, sir, we’re about to land. Would you please… »
« Ryù ? (*)»
Intérieur, avion.
Le jeune japonais baille. Il a conservé ses lunettes. Une de ses
dents est cassée. Les autres sont noircies.
« Tu as une idée de ce que l’on va faire là-bas ? (*) »
« Non. (*)»
Intérieur, avion.
Un film touristique dont le commentaire est en anglais, est diffusé
sur
l’écran central disposé au centre des rangées de sièges
passagers. L’hôtesse récupère les couvertures et les appuis-tête
en mousse, qu’elle jette dans un sac poubelle suspendu à un petit
chariot métallique.
«C’est la première fois que vous venez en ici ? »
Intérieur, avion.
Le passager qui leur à posé la question ressemble à un cadre
commercial. Le jeune japonais regarde sa compagne, un faisant un
22
signe de main interrogateur. Elle secoue la tête, comme si elle
n’était pas sûre de comprendre.
« Ou…oui. »
Intérieur, avion, film.
Des plans de défilés de haute couture.
« C’est un beau pays, qui a subit des transformations… »
Intérieur, avion.
Le jeune japonais porte la main au sac en toile qu’il a à l’épaule.
Il presse la touche record de son Mini Disk.
« …radicales depuis une cinquantaine d’années. »
Intérieur, aéroport.
Le jeune japonais, Ryù, est forcé de poser le sac contenant son Mini
Disk à côté du portique de détection.
Intérieur, aéroport.
La jeune japonaise, Mui, marche à grandes enjambées dans les couloirs
de l’aéroport. Elle porte un petit sac à dos de couleur noir à la
main.
« Vol 747 à destination de Bologne. Tous les passagers sont priés de
valider leur carte d’embarquement»
Extérieur, aéroport.
Ryù et Mui côte à côte, l’air désemparés. Ils ont passé des vestes en
toile claire, ils portent des baskets. En arrière fond l’architecture
de verre et de métal aux formes aérodynamiques. Mui montre du doigt
un arrêt de bus.
Intérieur, navette.
Mui est assise contre la vitre. Son regard est inquiet. Ryù, qui a
relevé ses lunettes sur son front examine le Mini Disk posé sur ses
genoux.
«Je suis sûre que le chauffeur nous a arnaqués. J’ai donné un gros
billet. Tu as vu comment il regardait mes seins ? (*)»
« Ouais. Tu crois que je trouverais des piles compatibles, ici ?
(*) »
Extérieur, autoroute.
La navette s’éloigne de l’aéroport.
«Et maintenant, tu as une idée de ce qu’on va faire ? »
« Ne t’inquiète pas. »
Intérieur, navette.
A travers la vitre on voit défiler une zone d’activité commerciale.
Mui se tient le front. Ryù a une cigarette non allumée au coin des
lèvres.
« Je te signale quand même qu’il faut qu’on trouve un endroit où
dormir… »
23
Extérieur, autoroute.
Le bus longe une zone industrielle.
Extérieur, long de l’autoroute.
Le bus s’éloigne, laissant Ryù et Mui devant un arrêt. Ils traversent
un parking désert en terre battue se dirigent vers la façade d’un
hôtel automatique. Au dessus de la toiture un panneau indique
« .ROOM ».
« Pourquoi là ? »
« Il y a de l’espace. »
« Comme tu veux… »
Extérieur, hôtel.
Mui introduit sa carte bancaire dans la fente du boîtier placé à
côté de la porte de la chambre n°26. Un panneau comportant des
pictogrammes « lit », « douche », « téléphone », « câble », « @ »
surmonte le boîtier.
Ryù ne me demande jamais mon avis avant de décider. Il dit : allons
là.
Intérieur, hôtel.
La chambre est anonyme et moderne. Une baie vitrée, cachée par un
rideau opaque translucide donne sur le parking. Les valises de Ryù
et Mui sont posées sur le lit, ouvertes. Un ordinateur portable est
allumé sur le lit, une prise le reliant à celle du téléphone.
Il y a un mois, il a dit : nous allons en France.
Intérieur, hôtel.
Sur l’écran du portable, une photo numérique de Mui, prise par elle,
dans les toilettes de l’avion. Sa culotte est baissée. Son regard
fixe l’appareil qu’elle tient de la main gauche.
Intérieur, hôtel, salle de bain.
Le pommeau de la douche. De l’eau coule.
« Mui ? »
« Oui ? »
Intérieur, salle de bain.
Ryù, les yeux fermés sous la douche.
« Tu as prit des photos dans l’avion ? »
« Oui. »
« Elles sont utilisables ? »
« Je les ai mises sur le site. Mais je ne sais pas si on comprend
qu’on est dans un avion… »
Intérieur, chambre.
24
Mui est allongée sur le lit, l’appareil numérique posé à côté
d’elle.
«Ryù, tu ne crois pas qu’il faudrait contacter ces gens ? Je peux le
faire, si tu veux… »
Intérieur, chambre.
Ryù est assis sur le lit, à côté de Mui, qui fait la tête. Il consulte
quelque chose sur le portable.
« Tu as vu les toilettes de l’hôtel ? Ça pourrait être n’importe
où. »
Intérieur, chambre.
Un petit carré au milieu d’une page écran. On distingue l’image
pixellisée d’un coin de désert : un horizon de terre et de
cailloux.
«Tu ne crois pas qu’ils vont s’inquiéter ? »
Intérieur, hôtel.
L’image saute, remplacée par une image identique.
« Peut être que l’avion est passé au dessus de cette caméra. »
Extérieur, hôtel.
Ryù et Mui sortent de la chambre.
Intérieur, hôtel.
L’image du désert. Dans le ciel on distingue un minuscule point
noir.
Extérieur, ville.
Ryù et Mui, marchent dans une rue de la ville. La rue est commerçante.
Il fait nuit. Les vitrines des magasins de vêtements sont éclairées.
Des passants, assez peu, déambulent.
C’était il y a un mois. Il a juste dit : des gens m’ont contacté.
Extérieur, ville.
Les silhouettes de Ryù et Mui s’enfoncent dans la rue. Au premier
plan, un errant, le visage emmitouflé dans des chiffons sales fouille
une poubelle. Dont il extrait des feuilles de journaux froissés,
qu’il déplie soigneusement avant de les ranger dans un des nombreux
sacs plastique qu’il transporte.
On sera payé.
Extérieur, ville.
Les deux jeunes japonais traversent une rue Mui cherche la main de
Ryù, qui se dérobe. Le jeune homme a l’air tendu.
Pourquoi y a-t-il aussi peu de monde dans les rues ? Où sont passés
25
les gens ?
Extérieur, ville.
Mui et Ryù débouchent sur une immense place, dont la superficie
est presque déserte. De part et d’autre des gens sont attablés en
terrasse, mélange de vêtements de sport, et de tenues d’été. Les
visages sont gras et fatigués à cause de la chaleur. La plupart
portent des lunettes de soleil, bien qu’il fasse nuit.
Pourquoi Ryù a-t-il voulu venir ici ?
Je ne me sens pas bien. Ils nous regardent. Je suis sûre qu’ils nous
regardent. J’ai faim. Nous n’avons pas mangé depuis l’atterrissage.
Ça sent mauvais ici. Ces gens sentent fort. Ils conduisent vite. Estce que Ryù a faim, lui aussi ? Je ne sais pas où aller.
Note en bas de page : (*) : Traduit du japonais.
26
RECHERCHES
AUTOUR DU JEU «eXIL»
eXil
eXil est un nouveau type de jeu, en temps réel, particulièrement
réaliste et angoissant. Pour ses créateurs, il s’agissait d’appliquer
les principes des jeux de simulation à un jeu d’action. Les décors,
les textures, la lumière sont d’un niveau jamais atteint jusqu’ici.
La presse à parlé d’une esthétique à mi-chemin entre la peinture et
la photographie. Le cadre urbain dans lequel se situe l’action est
celui d’une ville moderne et tentaculaire, dont nous explorons chaque
recoin, des zones populaires délabrées aux quartiers développés.
Vous assistez parfois, au détour d’une rue à une scène étrange : des
enfants sont en train de mettre le feu à une poubelle, des gens entrent
dans des camions où ils vendent leur sang. La ville est en mutation
permanente : des maisons disparaissent, des immeubles surgissent. Une
boutique change de propriétaire, puis, du jour au lendemain devient
une vidéo club, qui loue des appareils étranges et des films sans
étiquettes. Le personnage que dirige le joueur se réveille un matin
dans un appartement au dernier étage d’un immeuble de trente étages,
des traces organiques maculent ses draps. Lorsqu’il porte les mains à
son visage, une matière visqueuse colle à ses doigts. Il se précipite
dans la salle de bain. Ce qu’il découvre dans le miroir le terrorise :
son visage est encore humain, mais il a commencé à se transformer en
extra-terrestre. L’homme se rue sur le téléphone, tirant les rideaux
au passage. Lorsqu’il compose les numéros préenregistrés, des voix
étranges, déformées, incompréhensibles lui parviennent. Que s’est-il
passé ? Pourquoi est-ce que cela lui arrive à lui ? Est-il possible
d’enrayer le processus ? De guérir ? Comment faire pour communiquer,
si on ne comprend plus le langage humain ?
Vous ouvrez la porte de votre appartement, en voyant votre visage,
la voisine pousse un cri. Vous tendez la main vers elle mais elle
verrouille la porte en articulant des sons étranges.
27
Une version moderne
de «La métamorphose» de Kafka.
Interview des créateurs d’eXil
Neo Games : eXil commence comme la métamorphose de Franz Kafka. Ce
texte est-il une référence pour vous ?
X : La nouvelle de Kafka a saisi, à la charnière du Xxème siècle, les
mutations qui étaient en train de se produire au sein de l’individu,
qui allait se sentir de plus en plus recroquevillé sur luimême, n’arrivant plus à communiquer avec sa propre famille. Notre
interprétation de La métamorphose, cent ans plus tard, met en scène
un autre type d’aliénation qui est, nous l’espérons, beaucoup plus
terrifiante : notre personnage n’est pas enfermé chez lui, il peut
sortir, se déplacer où il veut, il peut faire ce qu’il veut. Sauf que
cette liberté apparente ne l’aide en rien. Il ne peut plus communiquer
avec personne. Il ne peut pas demander d’aide. Et pourtant il peut
encore sortir dans la rue, surtout la nuit, croiser des gens, entrer
dans un cinéma et assister à une séance, prendre les transports en
commun, il peut même, en veillant à ne pas prononcer de sons, enter
dans un bar, séduire une fille et renter avec elle. Le lendemain
il devra juste fuir. Et en fonction de la manière dont il se sera
comporté, la transformation se stabilisera ou s’accélèrera. Nous
avons été très ironique en disposant un peu partout des instruments
de communication : notre personnage dispose d’un ordinateur sur sa
montre, il peut joindre qui il veut à n’importe quel moment, sauf que
les textes qui s’afficheront sur l’écran seront incompréhensible et
les voix transmises par le combiné inintelligibles. « Notre » Gregor
Samsa n’a pas besoin de se cacher, sa chambre a les dimensions de la
ville où il habite. Peut-être même s’étend-elle au monde entier…
Neo Games : La transformation en extra terrestre plutôt qu’en cafard
est plutôt surprenante. Pourquoi avoir choisi un extra terrestre ?
X : Selon David Skal, les envahisseurs de l’espace qui terrorisaient
les Terriens dans les films d’horreur des années 1950 exprimaient
l’angoisse de l’information qui commençait à ronger l’inconscient
américain. « Avec leurs yeux globuleux et leurs tête en forme de
bulbes, ils offrent une image de surcharge visuelle mentale intense
et insupportable, un portrait qui ressemble moins à d’éventuels
extraterrestres qu’aux effets du bombardement médiatique sans
précédent des années cinquante. Ces nouvelles créatures n’annonçaient
pas des violences infligées au corps, mais son dépérissement, son
atrophie. L’avenir serait fait d’images et d’informations passivement
ingurgitées ; les yeux et le cerveau seraient les seules parties
utiles de la forme humaine. »
Nous nous sommes demandé quelle métaphore pourrait traduire les
mutations induites par les nouvelles technologies. Et nous avons
réalisé que les représentations modernes des « extraterrestres »,
sont des créatures asexuées, d’un vert très pâle, tirant sur le gris,
28
aux doigts très longs (sans pouce, à ce qu’il me semble), et aux
grands yeux noirs, en amande, opaques. Ils ne donnent par l’impression
d’avoir d’oreilles, les bouches sont fines, on ne distingue pas de
dents, ils s’expriment en marmonnant, où communiquent par télépathie.
L’idée est qu’ils dominent déjà la planète, à l’insu des humains
(sauf les dirigeants, qui collaborent avec eux.) Ces hommes gris,
minces, aux doigts proéminents, sans sexe, ne figurent-ils pas l’homme
actuel, qui passe ses journées assis à taper devant son ordinateur,
cet homme dont même les désirs sexuels passent par l’ordinateur ?
Neo Games : Vous refusez le contact direct avec la presse. Jusqu’ici,
personne n’a vu votre vrai visage. Certains pensent que derrière le
pseudonyme « x » se cache un collectif de jeunes scientifiques, que
répondez–vous ?
X : Je ne peux pas physiquement vous rencontrer. Nous ne pourrions
pas communiquer. Je ne suis même pas sûr que quelqu’un reçoive ce
message et qu’il arrive à en décrypter le texte.
Neo Games : Comment vous expliquez vous le succès de ce jeu, pourtant
difficile et assez atypique.
X : Tout le monde cherche des sensations fortes. Longtemps les
développeurs de jeu ont cru que pour proposer des sensations fortes,
il fallait des jeux spectaculaires, avec beaucoup de combats et
d’explosions. Et pourtant, d’un autre côté on voyait le succès
de jeu très simples, au graphisme sommaire et au fonctionnement
essentiellement distractif, ainsi que des jeux dit de simulation,
au graphisme particulièrement fouillé et qui reposaient sur une
trame très mince. Nous avons beaucoup étudié les jeux de simulation,
dont le fonctionnement est particulièrement riche d’enseignement
sur le système de représentation de l’esprit humain. EXil est une
mutation de ce type de jeu. Nous avons remplacé la violence, qui
est une réaction due à la peur, par la peur elle-même. EXil peut
potentiellement toucher tout le monde, parce que tout le monde est
angoissé.
Neo Games : Est-il possible de terminer le jeu, autrement qu’en…
X : Autrement qu’en se suicidant ? (Rire) Je ne sais pas, c’est à
vous de jouer. Lorsque vous commentez certaines actions, elles ont
certaines conséquences... A vous de chercher à comprendre ou non.
Remarque : Le jeu Exil servira à annoncer l’album Otaku, dont il
constitue un des axes centraux. Pour que cela fonctionne, il faut
faire clair et simple. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée
de vouloir faire un « vrai faux site de jeu », avec version Beta &
compagnie. Il faut que cela soit le plus évident possible. Il faut
donner envie d’en savoir plus, de voir ce « jeu », où du moins être
intrigué, excité par l’idée. Le « site » doit travailler uniquement
dans ce sens : il doit faire désirer, avec le peu d’atouts qu’il
29
TROISIEME JET DU SYNOPSIS
Troisième jet du synopsis 10/12/2000
Jour 1 :
Première page :
Sur une tablette d’avion, un guide Lonely Planet pour l’Europe, un
plateau repas inentamé.
La première fois que je suis venue en Europe, je devais avoir six
ans. C’est assez rare que des japonais emmènent leur enfant avec eux
en voyage, mais mes parents étaient sur le point de se séparer et ils
avaient pensés que ma présence aiderait peut être leur ménage à se
ressouder. Je revois très bien ma mère face à l’appareil photo de mon
père, souriante, alors qu’ils passaient leurs nuits à se déchirer.
Deuxième page :
Une fille d’environ une trentaine d’année, Mui Murakami, observe un
morceau de camembert, écoeurée.
Un sourire de composition, impeccablement figé au dessous de ses yeux
rougis.
A côté d’elle, un garçon du même âge, Ryù Amagatsu, dort. Une
hôtesse vient le réveiller en lui annonçant que l’atterrissage est
imminent.
Mon père lui fait garder la pose pendant qu’il affine les réglages de
son appareil.
« Sorry to wake you, sir, we’re about to land. Would you please…»
« Ryù ?»
Ils débarquent dans un aéroport international. Le matériel
informatique est contrôlé au portique de détection. Notamment une
console de jeu triangulaire noire marquée du logo « ? » (Gamma)
« Je ne sais pas ce que me voulais ce type »
« Quel type ?»
« Celui qui m’a demandé si c’était la première fois que nous
venions en France.»
30
Ils marchent dans les couloirs, où sont affichés de publicités pour
la sortie prochaine de la console Gamma (?).
« En raison d’un mouvement de grève national, tous les vols internes
sont suspendus. Les passagers sont priés de vérifier…»
« Il me regardait comme s’il n’avait jamais vu de japonaise.»
Troisième page
Dans le hall, une foule de voyageurs inquiets. Ryù s’agrippe au
mur.
« Tu es tout pâle, ça va ? »
« Ça doit être la fatigue.»
Ils sont dans le TGV. Mui porte un croque monsieur à sa bouche,
écoeurée.
« Je ne sais pas comment il font pour manger ça…»
Le TVG s’arrête dans une gare à l’architecture futuriste, glaçante.
Mes souvenirs sont vagues. Tout me parait démesuré, oppressant.
Un groupe d’enfants portant des casquettes à oreilles Mickey
envahissent le wagon.
Les maîtres d’hôtel, qui débordent d’attentions à mon égard me
terrorisent. Le ton de leur voix doucereuse, leurs manières raffinées
tranchent trop avec leurs visages usés.
Les mêmes enfants, sans visage.
Un jour je m’enfuie pour aller me réfugier dans les toilettes du
restaurant. Tout le monde me cherche. Je retiens ma respiration pour
ne pas me faire repérer. J’aimerais disparaître.
Mui masque ses yeux derrière une main.
Je me souviens du moment où ils ouvrent enfin la porte, comment
l’expression de leur visage bascule de l’angoisse à la joie.
Quatrième page
Le train file à travers un paysage de campagne normalisée.
Et puis les querelles reprennent, pour savoir de qui je tiens ce
caractère capricieux.
31
Ils sortent de la gare, des affiches annonçant la sortie prochaine
de la console « ? » sont placardées.
Ils débattent toute la nuit de ce qu’ils vont faire de moi. Ils
pensent que je dors.
Ils entrent dans un vieil hôtel, L’hôtel des 6 continents, situé à
côté d’un terrain vague.
« Pourquoi là ?»
« Tu as une meilleure idée ?»
« Comme tu veux…»
Mui tape sur le portable, étendue sur un des lits de la chambre,
dont la décoration est défraîchie.
Ryù étendu dans une grande baignoire, une serviette sur les yeux.
Cinquième page :
Les informations défilent. Un présentateur et une journaliste
politique, l’un à côté de l’autre.
« L’annonce par le gouvernement d’un plan de suppression
allocations chômage semble provoquer de violentes réactions… »
des
« Les photos de la performance de Londres sont utilisables ?»
Les informations défilent.
«Oui, Christophe, en effet, la semaine pourrait être chaude et
certains craignent que dans le climat social actuel »
« Je les ai mises sur le site, avec celles de Berlin et de
Prague. »
« De quoi il parlent ? »
« Je ne sais pas, de politique, je crois…La grève va s’étendre. »
Ils prennent un métro sans conducteur.
« Si ça se trouve cette grève va durer toute la semaine. Il paraît
qu’il n’y a plus d’avions, presque plus de trains et qu’il risque
d’y avoir des coupures de courant.»
Ryù prend Mui en photo avec un petit appareil numérique. Mui
sourit en prenant une pose stéréotypée.
«
Mui, « cheese ».
32
« Arrête, on a l’air de deux cons de touristes japonais… »
Sixième page
Sur la banquette en face d’eux une femme maghrébine est assise avec
ses deux enfants.
Après le divorce, ma mère retrouve du travail. Elle me confie à mes
grands parents, qui vivent à la campagne dans le nord du Japon.
Ryù regarde par la vitre. Une patrouille de femmes militaires sur
le quai.
Là bas tout me dégoûte, les rues sont sales, la nourriture sent
mauvais, les gens sont pauvres. Ils me regardent comme une chose
étrange. Je crois que je leur fais peur.
La femme maghrébine, dont les traits sont effacés.
Mes résultats à l’école sont irréprochables. La carrière de ma mère
ne lui laisse pas le temps de me rendre visite. Pendant ses vacances
elle part en voyage, dont elle me rapporte des souvenirs hors de prix
pour se faire pardonner.
Ryù et Mui sortent du métro, devant un gigantesque bâtiment ancien
en chantier dont il ne reste que les murs extérieurs.
Je les détruis méthodiquement, utilisant les outils de mon grand père
pour les réduire en petits tas informes avant d’aller les enterrer
dans le jardin.
Septième page
Ryù et Mui se baladent dans la rue, un clochard cherche dans une
poubelle, un groupe d’adolescent rit bruyamment.
J’invente tout un rituel qu’il faut dire à voix basse pour les
exorciser.
« Tu as vu, il ramasse de la nourriture dans les poubelles. »
« Dans mon souvenir ce n’était pas aussi pauvre. Ça me fait penser
à l’Italie. »
Ils passent devant des marchands de merguez en plein air, où se
côtoient lascars et prostituées.
Ma grand mère me dit en riant : tu es un démon, tu as volé dans les
airs au dessus de l’océan, les humains ne font pas ça, ils ne vont
pas aussi vite.
33
« J’ai entendu dire qu’en France certains pauvres vivaient dans
des cabanes dans les bois… »
Ils arrivent sur une grande place, bordée de fast-food et de
cinémas diffusant des films américains.
« Certains croient aussi qu’au Japon on bande encore les pieds des
filles. »
« Ne t’énerve pas, je te répète juste ce que j’ai entendu dire… »
Elle dit que je suis allée dans le pays des fantômes. Pour elle les
fantômes sont en train de s’emparer du monde. Il est très difficile
de leur résister.
Ils mangent des hamburgers et des frites assis dans une salle
de cinéma pleine. Parmi la foule nous reconnaissons le groupe
d’adolescents vus dans la rue, ils mangent eux aussi. On ne voit
pas le film qu’ils regardent.
Leur magie est puissante. Ils peuvent nous faire croire des choses
qui n’existent pas, où nous donner l’impression d’être partout à la
fois. Elle dit : il ne faut rien avoir à faire avec les fantômes,
parce qu’ils vous rendent fou.
Huitième page
Ils sont allongés sur le lit de la chambre d’hôtel, une manette
entre les mains.
« Si on est coincés ici on ne pourra pas aller à Bordeaux jeudi. »
« Tu crois que ça va durer ? »
« Dans le cas où ça dure, on fait comment ? »
Mui couchée dans le noir, les draps sont défaits à l’emplacement
de Ryù.
«
«
«
«
On annulera. »
Et pour Marseille ? »
On annulera. »
Tout ? »
Ryù dans la baignoire, les bras écartés.
Le soir avant que je m’endorme elle me raconte l’histoire du
garçon triste qui est mort noyé dans un étang.
« On annulera tout. »
Ryù et Mui
nus, devant l’entrée d’une bouche de métro.
34
Les soirs d’orage ses pleurs résonnent sur la plaine. Dès qu’on les
entend il faut se boucher les oreilles. Sa voix est si douce qu’il
est impossible de résister.
Ils se retournent, derrière eux une foule nue apparaît.
A l’aube on retrouve parfois le corps d’un voyageur imprudent à la
surface de l’étang. Il s’est enfoncé dans l’eau noire et a cherché
l’enfant jusqu’à épuisement.
Jour 2 :
Première page.
Sur le lit sont posés des restes de Mac Do, la console
(?)triangulaire et ses deux manettes, des Cd de jeux vidéo pirates.
La première fois que je suis allée présenter mes photos dans un club,
je me demandais ce que j’allais dire aux gens s’ils me posaient des
questions. Ryù m’a dit : ne t’inquiète pas, soit sincère. Si tu ne
sais pas quoi répondre, dis le. Soit simple, naturelle. Contente toi
de correspondre à l’image que les gens peuvent se faire de toi.
Deuxième page
La télévision est allumée.
« Le mouvement de grogne est en passe de s’étendre à l’ensemble du
service public et les manifestations qui devraient débuter en milieu
de matinée risquent d’être particulièrement suivies»
« C’est tard ? »
« 10 heures »
La télévision. Des images du dessin animé Goldorak : Minos, le
méchant dont la tête s’ouvre en deux.
« Je suis crevée. Tu t’es réveillé tôt ?»
« 4 heures. Je n’arrivais pas à dormir. J’ai joué à Dawn. »
Mui regarde son visage dans le miroir de la salle de bain. Ses yeux
sont cernés.
« Tu as été loin ? »
« Le centre commercial. »
« Qu’est ce que tu veux qu’on fasse aujourd’hui ?»
Ryù téléphone.
« Il faut que j’appelle les autres salles et que je me renseigne pour
l’avion. J’en ai pour 1⁄4 d’heure. Ensuite il faut que je trouve une
batterie de rechange. »
35
Mui est sur le seuil de la chambre.
Quand j’étais enfant ma seule amie était Anita More. Je connaissais
ses chansons par cœur.
Deux jeunes hommes, Philippe et Christophe, passent l’aspirateur.
« Si tu es perdue dans la nuit, per-due toute seule dans la nuit,
n’oublie pas qu’il y a une étincelle dans ton cœur. »
Troisième page
Ryù et Mui assis dans le métro. Des bandes autocollantes
revendicatives sont apposés en travers des affiches. Nous verrons
de plus en plus de ces bandes collées dans la rue et dans les
couloirs du métro jusqu’au cinquième jour.
« J’ai discuté avec Philippe et Christophe, qui font le ménage de
l’hôtel. Christophe est étudiant en sociologie. Tu m’écoutes ? »
Deux lascars importunent une femme élégante.
« Ils m’ont posé des questions sur la position de la femme au
Japon. »
Même scène. Le visage de la femme est effacé.
« Ils voulaient savoir si c’était vrai que nous étions
complètement effacées.»
Les visages des voyageurs fixent le vide.
« Je leur ait dit que les hommes aussi commençaient à être
effacés. »
Dehors. Il fait beau. Le quartier arabe et asiatique.
Aujourd’hui tout le monde a oublié Anita.
Ryù et Mui sortent d’un Sex shop.
A l’époque elle avait des milliers de fans qui étaient prêt à attendre
toute la nuit devant son hôtel pour être les premiers à la voir..
Quatrième page
Mui attend sur le trottoir devant un magasin de fournitures
audiovisuelles.
36
« Ils en avait mais par contre c’est une sous marque. J’espère que
ça marchera.»
« Tu n’as pas essayé ?»
« Non, ils la vendent déchargée.»
Des cars de CRS sont stationnés dans la rue. Un CRS règle son
caméscope.
« Il y a beaucoup de policiers.»
« J’ai vu qu’il y avait une épicerie à côté. Tu veux qu’on prenne
des soupes ? »
Mui et Ryù sonnent à une porte métallique sur laquelle est tagé le
sigle « X », ils portent des sacs plastiques.
En 1986, son année glorieuse, Anita a placé trois titres des la liste
des meilleures ventes. Les célèbres « L’amour n’est pas un tabou »,
« J’ai soufflée sur les cendres de ma tristesse. »
Claudia Credo, une fille au crâne rasée dont le visage est très fin,
apparaît à la fenêtre.
Ainsi que le plus méconnu « Un monde cotonneux », que je considère
pourtant de loin comme son meilleur disque.
« Hi, I’m Claudia. I’m coming ! »
Claudia, qui porte une combinaison militaire, leur fait visiter la
salle déserte.
- C’est un monde tellement doux et blanc. Doux et blanc, comme une
neige sempiternelle.«You speak English ? »
« Je parle français. »
Ryù, les mains dans les poches, regarde les cimaises vides de
l’espace d’exposition.
-
On se laisserait glisser, glisser doucement -
Ils montent un escalier qui mène aux locaux administratifs, et qui est
tapissé de nombreuses affiches représentant des portraits d’artistes
de l’entre deux guerre.
- Sans craindre de ne jamais, jamais avoir mal. Cinquième page
La directrice de la salle, Stéphanie, une fille aux cheveux coupés
37
courts et aux traits durs bien qu’élégants, serre la main à Ryù.
« Stéphanie, please to meet you… »
« Ryù Amagatsu. »
Claudia parle à Mui.
« Vous partez quand ? Il faudra que je vous présente au Directeur du
Musée d’Art Contemporain.»
Sylvia, une métisse portant des dreadlocks, sert à manger.
de la table il y a une petite dizaine de personnes.
Autour
« Demain je vais à la manif. »
« Cette histoire de grève, ça sera fini d’ici la fin de la
semaine. »
« Attends, c’est toi qui me dit ça ? Tu n’es pas au chômage ? »
Mui porte une bouchée à sa bouche, les visages des gens autour
d’elle sont effacés.
« Si, et alors ? »
« Oh, les mecs, faudrait peut-être quand même vous bouger le cul.
Ça vous amuse de vous faire baiser la gueule ? »
Mui dans les toilettes, elle vomit. Les murs sont couverts
d’affiches de groupes de hard core américains invitant à la
révolte.
« Non, mais qu’est ce que tu veux qu’on y change ? »
La salle de bain de la salle. Claudia donne des cachets à Mui.
« La situation ici est terrible.»
« C’est à cause de ça qu’il y a les manifestations ?»
« On nous a supprimé les subventions pour la salle.»
Claudia revient avec Mui, la main posée sur son épaule. Les gens
fument des joints dans la salle à manger, aux murs sont placardés
de nombreuses affiches de groupes rock underground.
« Moi je te dis, dans une semaine ça sera finit. »
« Putain, j’hallucine, entendre ça ici. Vous me tuez les mecs. »
« Bon, vous voudriez pas parler d’autre chose et arrêter de vous
prendre la tête… »
Sixième page
Ryù monte sur la scène, un grand « X » est peint sur le mur de
fond.
38
Quand je suis monté sur scène pour la première fois cela s’est bien
passé, les gens me posaient des questions très simples.
La salle est comble, les gens sont assis sur des gradins,
plusieurs caméras tournent, comme si nous étions sur un plateau de
télévision.
Ils me demandaient mon âge, depuis combien de temps je
faisais
ça, quel appareil j’utilisais. Je répondais en faisant attention à
avoir l’air aimable, mais c’était comme si ce n’était pas moi qui
parlais.
La salle, vide.
Personne ne s’en rendait compte.
Septième page
Ryù fait installer par un assistant un moniteur au bout du couloir
de l’espace d’exposition. Un autre moniteur est installé à l’autre
bout du couloir. Les deux moniteurs se font ainsi face. Leur écran
est éteint.
Ce n’est pas vraiment toi qu’ils regardent, m’a dit Ryù. Ils voient
l’image de toi que tu leur a donné à voir.
Dans l’espace d’exposition un petit bonhomme dont les traits se
situent entre ceux d’un enfant et ceux d’un viellard est adossé à
un mur sur une console portative.
Ils n’ont pas vraiment envie de te regarder toi.
Ryù s’assied et l’observe.
D’ailleurs, tu n’as pas vraiment envie qu’ils s’intéressent à toi.
Mui contrôle le circuit vidéo dans la salle informatique. Un
technicien l’assiste. Claudia se dispute avec la directrice de la
salle.
«Mais arrête tes caprices. »
« Écoute, personne ne te demande de jouer les petits chef.»
Huitième page
Ryù et Mui rentrent à l’hôtel. Dans le terrain vague qui jouxte
l’hôtel, le clochard dort dans une cabane en carton.
Après 1986 on perd la trace d’Anita.
39
« Tu as vu ? »
Ryù et Mui mangent une soupe déshydratée dans la chambre d’hôtel.
Elle a décidé de réorienter sa carrière dans le cinéma. On a parlé
d’elle pour jouer le rôle d’une James Bond girl chinoise.
« D’accord, mais ça ne veut pas dire qu’une partie de la
population vit dans les bois. »
« D’accord, mais quand même, il vivait dans une cabane. »
Ryù et Mui sont couchés à l’hôtel.
Mais à cause des tensions avec la chine, le film a été annulé. Il n’y
a jamais eut de réédition de ses disques.
Mui n’arrive pas à trouver le sommeil.
«
Ryù ? J’ai peur »
Jour 3 :
Première page.
Le téléviseur est allumé, un émeutier au visage cagoulé en action.
A la maison nous ne regardons jamais la télé. Ryù dit que nous
l’avons trop regardée quand nous étions enfants. Pour nous la magie
n’opère plus. Nous savons pertinemment que les informations répètent
toujours la même chose : le monde va mal. En Afrique, c’est la
famine. Chez nous il faut travailler dur parce que c’est la guerre
économique. De temps en temps des gens deviennent fous. Alors ils
commettent des actes irréparables.
Deuxième page
Ryù au téléphone.
« Ok, not tomorrow. Ok, I understand. »
Mui est en train de taper sur le portable.
« Une voiture a brûlé devant la salle. La performance est repoussée
à demain. J’ai annulé Bordeaux.»
« Tu veux qu’on aille se balader ? »
Ils se promènent dans les allées d’un supermarché.
Notre génération fait ses programmes elle-même.
40
« Il y a presque autant de choix que chez nous. »
Sur les rayons les marques des produits sont effacées. Ne reste que
des boites blanches.
Elle n’a plus besoin qu’on lui dise : ceci est bien, ceci est mal.
« Mais est-ce que les gens ont les moyen d’acheter ? »
Troisième page
Dans la rue un homme très jeune mendie, la tête baissée. Mui et Ryù
passent devant.
Depuis l’enfance nous savions que nous serions touché par la crise
économique, que la planète continuerait à être détruite et que nous
n’y changerions rien.
Une vieille femme vend des robots japonais mécaniques, qui sont
posés sur une bâche plastique sur le sol.
Et quand à l’école on nous demandait quelle était notre message pour
l’avenir, nous répondions : la paix dans le monde et la fin de la
misère.
Mui se baisse pour en regarder un.
Est ce qu’on y croyait ?
« Aucun intérêt. »
Mui paye la vieille femme.
Cela nous nouait le ventre.
«Tu n’a pas faim ? »
Quatrième page.
De nombreux jeunes à la terrasse d’un Mac Donald. Dans
l’indifférence un cortège de manifestants passe dans la rue. Tous
ont plus de cinquante ans.
« Avec la batterie, la caméra aura 20 minutes d’autonomie, même
s’il y a une coupure de courant. »
« Elle sera sur secteur non ? »
Des cars de CRS sont alignés le long de la place. Parmi les CRS qui
attendent sur le trottoir on remarque plusieurs femmes.
41
« J’ai préféré doubler, par sécurité. Le portable lui, a une demie
heure. Mais c’est moins important. A quelle heure passent les
femmes de ménage ? »
« A 9 heures, tous les matins sauf le dimanche. »
Ryù et Mui assis à une table.
« Pour le site comment ça va se passer ? »
« Le fichier sera envoyé sur plusieurs site miroir en même temps, chez
des providers différents. J’ai déjà fait référencer la page dans les
moteurs de recherche. »
A la table d’à côté quatre jeunes japonais sont assis. Nous ne
voyons que les torses et les jambes des manifestants qui passent
derrière eux.
« Ils ne pourront pas le supprimer tout de suite. »
Cinquième page
Les six japonais sont assis ensemble.
« On arrive de Londres. Avant on était à Amsterdam»
« Nous aussi. On a fait Berlin, Prague, Amsterdam. Hier soir on a
joué dans un squat. On repart demain matin pour Milan.»
« Vous avez un train ? »
« Non, on y va en autobus, c’est une compagnie italienne. »
La manifestation continue de progresser, parmi les manifestants
nous reconnaissons la fille aux dredlocks vu dans la salle de
concert, elle prend des photos.
« Vous avez vu des choses intéressantes, ici ?»
« Il paraît qu’il y a une expo pas mal au musée d’Art
Contemporain…»
Les gens assis autour d’eux n’ont pas de visage. Mui rit.
«
«
«
«
Les français sont bizarres.»
C’est aussi pauvre que l’Angleterre.»
Tout est à moitié moderne.»
En comparaison avec la Hollande ou l’Allemagne, c’est sale.»
Les manifestants n’ont pas de visages.
« Ils sont fiers parce que des touristes du monde entier viennent voir
leurs ruines, c’est tout ce qu’ils ont.»
« Et le vin. »
« Ils me font chier avec leur vin. Je préfère la bière. »
42
« Vous arrivez à manger leur bouffe ? »
« Tu rigole, je n’ai jamais vu des trucs aussi dégueulasses. »
Sixième page
Le groupe de japonais passe devant une boutique qui vend des
masques tirés de Star Wars.
« Vous arrivez à en vivre ?»
« Je travaille comme éducateur. Yoshi bosse dans une agence de
voyage. »
« Hey, Takashi, on dirait ton père. »
« Le tien il est tellement laid qu’il ne pourrait même pas jouer
dans un film d’horreur »
Ils sortent de la boutique Ryù tient un sac plastique.
« Et vous ? »
« Ryù n’a pas de travail. Moi je bosse dans une librairie qui vend
des mangas. »
« Vous savez où sont fabriqués ces masques ? »
« Made in China, on sait . Tu ne vas pas encore nous gonfler avec
tes tirades sur les prisonniers politiques. »
« Bon, je me tais, je me tais. »
Ils passent devant un game store. La porte d’entrée est gardée par
un vigile noir.
« Tu fais la gueule, Kiku ? »
« On ne peut jamais discuter sérieusement avec vous. »
« Si, de chose qui valent la peine. »
Tous les quatre portent des casques virtuels d’où part un câble.
Ils tirent avec des armes en plastique sur une cible que l’on ne
voit pas.
« Vous comprenez quelque chose à cette histoire de grève ? »
« Je crois que c’est parce que les chômeurs veulent une
augmentation… »
« C’est pas plutôt pour les retraites ? »
« Oh, on joue ou quoi. »
Septième page
Ils entrent ensemble dans un restaurant japonais. Un groupe de
français de type collègues de bureau chantent au Karaoké. Ils sont
ivres.
Paroles : « Ohé, ohé, capitaine abandonné… »
« Ils faut toujours qu’ils copient ce qu’il y a de plus stupide au
43
Japon. »
« Je ne comprend pas ce qui leur plait tellement chez nous... »
Les membres du groupe fument, le serveur qui est habillé en tenue
traditionnelle s’en va de leur table.
« Le Japon n’a pas encore coulée ?»
« Sans blague ?»
« Ça arrangerait bien Kiku…Sa copine vient d’avoir un gosse »
Ryù se tourne vers son voisin et lui remet une enveloppe.
« Hauro, est ce que tu pourrais poster ça à votre arrivée à Tokyo
?»
« D’accord. Mais si ça se trouve vous serez revenus avant nous.»
« Peut-être pas. »
Mui vomit dans les toilettes du restaurant.
Nous avons été livrés à nous même, dans un monde qui ne nous laissait
pas de place.
A table, les garçons discutent de combinaisons de touches au jeu
vidéo. Leurs paroles sont remplacées par des icônes.
Un monde qui nous a toujours méprisé, nous considérant comme une
génération sans idéaux.
Huitième page
Ryù et Mui dans la chambre. Ils regardent la télé.
« Ces actions violentes sont le fait d’une minorité de casseurs
issus la plupart du temps de quartiers défavorisés. »
« Les japonais ne ressemblent plus à des japonais. »
Ryù joue à la console.
« J’ai annulé Marseille.»
Mui face au miroir de la salle de bain.
En quoi pouvons nous croire ?
Elle touche son reflet.
Aux crimes de nos ancêtres ? Aux désillusions de nos parents ?
Ryù assis sur le lit, au milieu de la nuit. De la neige défile sur
44
le téléviseur.
A notre propre vacuité ?
Jour 4 :
Première page :
Un masque de C3PO, une paire de menottes, des cordes et un rouleau
de scotch large argenté posé sur la table de nuit.
J’ai eut des liaisons avec plusieurs garçons au lycée, ça ne s’est
pas très bien passé. Ma seule histoire sérieuse a été avec un
employé plus âgé. Il m’achetait des vêtements et me faisait des
cadeaux. Je le laissais me toucher mais je ne pensais à rien. Je
me disais : j’ai le pouvoir qu’il s’occupe de moi. Il ne représente
rien pour moi. Je pourrais exiger de lui tout ce que je veux.
Deuxième page
Ryù examine la caméra numérique.
La première fois qu’il est entré en moi, j’ai eut l’impression de me
détacher de mon corps.
La chambre d’hôtel, dont les rideaux ont été tirés. Un drap noir
est disposé sur un des lits.
Je regardais ce qui se passait, comme s’il ne s’agissait pas de
moi.
Téléviseur allumé.
Il n’y avait aucun amour, pas le moindre sentiment de tendresse.
Mui en peignoir dans la salle de bain.
« On a reçu plein de mail. Les gens sont impatients de suivre la
performance. »
Mui passe un porte jarretelle.
Et puis il a été licencié et je ne l’aie plus revu.
Elle se maquille, couvrant son visage d’une épaisse poudre blanche.
Après je n’ai plus cherché à avoir de liaison
Troisième page
45
Ryù est debout sur le lit, il filme.
Parfois au travail, il a des rapports de séduction avec des clients,
mais cela reste dans un cadre très précis : je sourie aux habitués,
ils m’appellent Mlle Mui.
« Mui ?»
« Oui.»
Mui est attachée sur le lit, elle prend l’air effrayée.
Je leur fais des remarques lorsqu’ils achètent des mangas pornos.
« Je ne sais pas si c’était une bonne idée de venir ici.»
« Ne me fait pas rire, c’est pas le moment. »
Mui rit.
Ils font semblant d’être gênés.
« Je suis sérieux. »
L’image de Mui sur le téléviseur.
Cela établit une complicité entre nous.
« Si tu ris je vais être obligé de te mettre le bâillon. »
« Salaud. »
Quatrième page
Ils mangent un soupe déshydratée.
« Philippe est parti dans la forêt amazonienne travailler avec une
organisation humanitaire. Il est revenu parce qu’il n’était pas à
sa place.»
Mui, dans le couloir de l’hôtel.
Quand J’ai rencontré Ryù je crois qu’il n’avait jamais connu d’autre
fille.
On aperçoit les deux jeunes employés de ménage en train de repasser
dans la buanderie.
- Si tu est perdue, per-due toute seule dans la nuit, n’oublie
jamais, ja-mais qu’au fond de toi il reste une étincelle. Ils font semblant d’essayer des vêtements de clientes, prennent
des posent, rient.
46
- Sèche tes larmes et souris, ton cœur à nouveau va s’embraser,
s’em-bra-ser comme un feu de joie. Cinquième page
Ryù, prostré dans la baignoire de l’hôtel.
La première fois où nous nous sommes retrouvés dans un lit, nous
sommes restés étendus, côte à côte dans le noir, sans nous toucher.
Ryù prostré dans leur appartement de Tokyo : un petit deux pièce
avec un coin ordinateur.
Il respirait lentement.
Ryù face à la fenêtre de l’appartement.
Sa main s’est tendue. La mienne l’a serré très fort.
Des buildings, à perte de vue.
Le lendemain, je suis venue sur lui. J’avais tiré les rideaux. Le
ciel était gris.
Sixième page
Mui chevauche Ryù, qui est attaché au lit. Il porte le masque de
C3PO.
« J’ai toujours eut envie de faire l’amour avec un robot. »
Ils font l’amour.
« Tu es folle. »
Mui dans la salle de bain, face au miroir.
« J’ai eut les somnifères. Il m’en a apporté deux pleines boites. »
Ryù joue.
« Claudia m’en a donné une aussi. »
Le jeu.
«Il nous en faudrait au moins encore une. »
Mui face au miroir.
47
« Tu sais Ryù, des fois je me demande si c’est bien ce qu’on
fait.»
Septième page
Le téléviseur, des images d’émeute.
« Christophe est en train de faire une thèse sur la mortalité chez
les chômeurs en France. »
Des voitures brûlent.
« Des chercheurs se sont rendu compte que la mortalité est
beaucoup plus élevée chez les chômeurs qu’ailleurs. A cause de la
mauvaise alimentation, mais ça viendrait surtout du stress causé
par l’absence d’activité.»»
Ils sont couchés chacun sur un lit, une console à la main.
« Ici aussi avec le chômage il y a beaucoup de jeunes qui lorsqu’ils
ont finis leurs études restent chez eux sans rien faire. Il y a
beaucoup de suicides. »
Le jeu.
« Plus que trois jours, c’est bientôt fini. »
« Tout cela me semble irréel, Ryù. Est ce que nous avons pensé à
tout ? »
Huitième page.
Ryù
et Mui cours, nus dans les couloirs du métro désert.
- C’est un monde tellement doux et blanc. Doux et blanc, comme une
neige sempiternelle.Une foule nue les suit, se déversant comme un flot dans les
couloirs.
- On se laisserait glisser, glisser doucement Tous deux sautent sous la rame, à l’intérieur les passagers n’ont
pas de visages.
- Sans craindre de ne jamais, jamais avoir mal. La foule se déverse sur les voies.
- Un monde de coton, un monde de coton, nous vi-vons dans un monde
de co-ton.-
48
Jour 5 :
Première page :
Des débris de verre et une affiche du clown Mac Donald, déchirée.
Ryù ne travaille pas. Pas dans un vrai travail, comme moi, avec un
parton, des collègues et des clients avec qui on fait semblant d’être
ami. Ryù travaille à la maison, sur son ordinateur. Il rends des
« services», propose des « solutions». Il n’a pas de contact direct,
ses clients ne le connaissent pas. Il dit souvent que le travail n’a
plus de sens.
Deuxième page
Le clochard ramasse un papier parmi les débris.
Quand il était à la fac, il a rencontré beaucoup de gens qui étaient
complètement paumés.
Un cordon de sécurité est disposé devant les portes du Mac
Donald’s, Ryù et Mui passent.
Ils étaient sensés être l’élite de leurs domaine, mais en réalité
ils étaient largués. Les moins perdus d’entre eux ne suivaient
pratiquement pas les cours, ils bricolaient leur ordinateur chez
eux.
Ils s’arrêtent à la terrasse d’un café. Mui sort les tranches de
saucisson d’un sandwich, elle les laisse de côté. En devanture des
magasins des affiches annoncent la sortie imminente de « ? ».
Beaucoup s’occupaient de leurs collections. Accumulant des données
sur le nombre de rediffusion de tel épisode du prisonnier. Établissant
des statistiques sur les couleurs de mini jupe portées par telle
idole.
Ryù téléphone. Dans la rue des camions de vitriers n’arrêtent pas
de passer.
Socialement cela n’avait aucun sens mais c’était la seule chose
qu’ils pouvaient réaliser.
« On passe demain soir, si les blocus sont levés. »
« En attendant, on fait quoi ? »
Troisième page
Ryù et Mui dans un grande surface culturelle, ils regardent des Web
49
Cam aux formes ludiques. Des logos « ? » sont suspendus partout.
Le meilleur ami de Ryù a passé son doctorat dans une des écoles les
plus prestigieuses du pays. Aujourd’hui, il fait des maquettes de
vaisseaux spatiaux dans sa chambre.
Mui regarde le téléviseur, sur lequel s’affiche le visage de Ryù.
- Un monde tellement blanc et doux, doux comme du coton. « Ça marche ? Tu me vois ? »
« Oui, l’image est nette. »
Ryù se filme dans la baignoire.
- Nous vi-vons dans un monde de coton, un monde de co-ton « Si tu me vois qu’est ce que je fais ? »
« Tu as les yeux fermés. »
Ryù et Mui jouent au jeu vidéo.
- Un monde de co-ton, où les coups ne font pas malQuatrième page
A la porte du squat, qui est couverte de placards anticapitalistes,
une foule très jeune se bouscule.
Nous avons été éduqués dans l’idée que travailler était important
mais en fait cela ne sert plus à rien.
« J’ai un peu peur.»
«On ne restera pas longtemps.»
Ryù et Mui sont dans le squat dont les murs sont couverts
d’affichettes militantes et de placards revendicateurs. La plupart
des gens ont des bouteilles de bière à la main.
Nous sommes
importance.
devenus
transparents.
Exister
n’a
plus
aucune
Dans une autre pièce sont exposés des installations à base
de matériel audiovisuel et des peintures représentant des
présentateurs de télé. Des zonards fument des joins avachis sur
le sol.
Le fait d’en avoir ou non conscience ne change rien.
Cinquième page
50
Un groupe joue, personne ne l’écoute. Nobuko, un japonais vivant un
France dont le visage est arrondi, s’approche d’eux.
« C’est moi le peintre. Je fais de «
un verre ?»
l’art fossile.» Je vous paie
Mui s’ennuie, elle est assise sur un banquette, à côté de filles
jeunes aux visages piercés. Une d’entre elles montre son nouveau
piercing au nombril à l’autre.
Ryù est très attentifs à mes problèmes à la boutique.
Ryù et Nobuko sont en pleine discussion. Les gens alentours n’ont
plus de visages, leurs paroles ont remplacées par des icônes ayant
trait à l’argent, aux genres sexuels ou aux toxicomanies.
Lorsqu’il m’arrive de m’inquiéter ou de m’énerver il m’aide à avoir
du recul.
Sixième page
Ryù, Nobuko et Mui marchent dans la rue. Le long des façades des
affiches électorales sont lacérés et les poubelles éventrées.
« Je pense monter un site, pour vendre mes peintures. Par là. Il
n’y a plus de lumière. »
Ils montent dans une étroite cage d’escalier couverte de tags.
« Je suis sûr qu’Internet peut être une solution, d’ailleurs,
j’aimerais bien… »
Nobuko vit dans un grand appartement transformé en atelier.
Aux murs sont exposées des toiles qui représentent des scènes
quotidiennes, dont les personnages portent des masques de clowns.
« J’habite ici depuis 4 ans… »
« Je n’ai jamais vu un appartement aussi grand.»
« C’est vrai que vous vivez à Tokyo.»
Les toiles de Nobuko.
« Tu arrives à en vendre ? »
« Ça n’intéresse pas les galeries. Je fais le guide au Musée d’Art
Contemporain.»
Septième page
Mui pianote sur son portable.
51
Quand j’écoute Ryù c’est comme si la situation devenait une maquette
que l’on peut soulever dans sa main et regarder sous tous les
angles.
Ryù et Nobuko jouent sur un vieux téléviseur, ils portent des
lunettes virtuelles sommaires et tirent avec des pistolets bas de
gamme.
Moi-même je ne suis plus qu’une petite figurine, que l’on peut
déplacer là où là.
Catherine, la femme du peintre, une française, arrive, un bébé
dans les bras.
« Tu sais combien te temps ça m’a pris pour qu’il s’endorme ? Vous
voulez manger ? »
Les deux femmes préparent de la nourriture asiatique dans la
cuisine.
« Vous avez l’air heureux, tous les deux. »
« Ne te fie pas aux apparences. Il boit trop. »
Les deux hommes discutent, des combinaisons de touches sortent de
leurs bouches.
Ryù répète souvent que la vie ne comporte pas un nombre illimité de
possibilités.
Huitième page
Ils mangent dans le salon, assis autour d’une table basse fait
d’une bobine de câble récupérée. Nobuto sert du vin.
« Tu devrais peut-être y aller doucement. Je te rappelle que
demain tu travaille. »
« Les artistes ont besoin de boire. »
« Et les femmes d’artistes en ont marre d’entendre toujours les
mêmes salades. »
La chambre de l’enfant, qui s’est endormit dans les bras de Mui.
Catherine refait le lit. Le mobilier est pauvre.
« Je ne sais pas si j’ai envie d’un enfant »
« En tout cas, réfléchit bien à ce que tu fais. Nous, on ne s’en
sort pas. Nobuko n’arrive pas à garder une place, et moi depuis
mon accident de travail…»»
Ryù et Mui marchent dans la ville, ils se tiennent la main.
52
« Et si demain on ne faisait pas la performance ? »
« Toi, tu as bu. »
« Les artistes ont besoin de boire. »
« Et les femmes d’artistes en ont marre d’entendre toujours les
mêmes salades. »
Mui et Ryù endormis l’un contre l’autre.
« Je t’aime Mui. »
« Moi aussi, Ryù »
Jour 6 :
Première page.
Des photographies de visages blessés prises pendant les
manifestations.
Je ne sais pas comment cela a commencé. Une sorte de lassitude s’est
abattue sur nous. Je crois que nous avons compris qu’Internet ne
changerait rien à nos vies : nous ne rencontrions pas plus de gens.
Tout au plus cela nous permettrait de témoigner de ce que nous avions
vécu, de qui nous avions été.
Deuxième page
La salle à manger de la salle de concert, un téléviseur, que
personne n’écoute est allumé.
« A la suite d’un accord intervenu tard dans la nuit, le blocus est
relâché. La nouvelle loi ne s’appliquera en effet plus qu’aux jeunes
de moins de 35 ans, pour lesquels… »
Mui regarde les photos de Sylvia, qui attend à côté d’elle,
angoissée.
Ryù aime repérer
lessive».
les
signes
de
ce
qu’il
appelle
« la
grande
Mui tient les photos à hauteur de son visage, nous ne voyons pas ce
qu’elles représentent
Il dit que chacun d’entre nous est une bulle de savon
Ryù est dans les bureaux, en compagnie de Stéphanie, qui effectue
des réglages sur un ordinateur. Ryù tient sa caméra à la main.
Notre action conjuguée est en train de nettoyer tout ce qu’il y a
eut auparavant.
53
Troisième page
Ryù sort dans la rue pour aller chercher des cigarettes.
Ryù ne crois pas que nous allions vers un monde meilleur.
Dans une impasse, deux types sont en train de passer à tabac une
silhouette que l’on ne distingue pas.
Il dit cela se produit.
Ryù revient sans regarder l’impasse.
C’est tout.
On refuse l’entrée de la salle à des squatteurs.
Nous en faisons partie.
Quatrième page
Des images de Mui nue et attachée sont projetées sur un écran,
devant un public clairsemé.
Quand il a découvert Internet, Ryù est resté toute la nuit devant
son ordinateur.
Des images de Ryù attaché sur le lit avec le masque de C3PO sont
diffusées sur un des moniteurs de la salle d’exposition.
Lorsque je suis partie au travail il n’avait pas dormi. A mon retour
je l’ai trouvé allongé sur le canapé.
Des gens passent dans l’espace d’exposition, indifférents. Seul
Nobuko semble intéressé.
Lorsqu’il s’est réveillé, il s’est levé
l’ordinateur. Cela a duré une semaine.
Des images de Mui, attachée sur le lit
diffusées sur l’autre moniteur.
et
est
allé
allumer
de la chambre d’hôtel sont
Il dormait de moins en moins. Si je lui parlais il ne m’écoutait
pas.
Cinquième page
Ryù et Nobuko sont accoudés au bar, qui est occupé par une faune
au look est très étudié. Des icônes sortent de leur bouche.
54
« Tu ne regrette pas le Japon ? »
« Là-bas, je n’étais rien. Ici la vie est plus dure, mais les gens
prennent le temps. »
Mui dans la salle à manger, en compagnie de Claudia, qui lui
caresse les cheveux.
« Vous faites quoi, vous repartez demain ?»
« Demain soir.»
« C’est toujours d’accord, pour le Musée, demain après midi,
alors ? »
Ryù bois avec Nobuko, qui serre une fille contre lui. Dans le fond
de la salle les images de Mui nue sont toujours diffusées.
« Elle veut savoir si tu veux la prendre en photo ? Elle aime
beaucoup tes photos. Elle dit qu’elle aussi elle est photographe»
La directrice tend des billets à Mui dans le bureau. Des animaux
conservés dans du formol sont posés au dessus d’une cheminée
éteinte.
«Pas beaucoup de monde… »
Sixième page
Claudia et Stéphanie, qui la tient serrée contre elle, Mui, Ryù
et Nobuko sont assis dans le salon, une petite pièce sommairement
aménagée. A la télévision passe les informations : un présentateur.
« De nouvelles échauffourées ont éclatés dans la capitale, cette
fois ci pour la sortie d’une toute nouvelle console de jeu.»
Un soir il
navigateur.
m’a
fait
asseoir
sur
ses
genoux,
il
a
lancé
le
Téléviseur : une foule jeune se bouscule dans un grand magasin. Le
logo» ? » se détache sur la vitre.
J’ai vu défiler les premières pages.
Dans le salon, les visages, du même âge, regardent les
informations.
J’ai commencé à lire, j’étais un peu méfiante, je me demandais où
était le mensonge, ce que l’on cherchait à nous vendre.
« C’est barge, quand même, pour une console de jeu… »
« En attendant, tu vois, je t’avais bien dit que ça ne durerait pas
55
cette histoire de manifs. »
Téléviseur : un jeune homme, portant un piercing sous la lèvre
inférieure.
« Je sais bien que c’est un peu ridicule, mais il fallait que je
l’ai ce soir. »
Je ne comprenais pas bien au début.
Septième page
Ryù sort la Gamma de sa sacoche.
Il s’agissait de gens qui montraient ce qu’ils avaient de plus
intime.
Nobuko, Claudia et Stéphanie fixent l’écran, fascinés.
Sans chercher de contact physique.
Ryù joue dans le salon de la salle de concert.
Sans avoir à faire attention aux réactions de l’autre.
Dans le salon, les paroles sont remplacées par des icônes» ? ».
Des joints tournent.
Sans devoir craindre une réaction directe...
Huitième page
Ryù et Mui marchent dans la rue.
Et pourtant tout cela était vrai.
Devant l’impasse il y a une tâche de sang sur le trottoir.
Plus vrai que ce que je vivais quotidiennement.
Ryù étendu dans la baignoire, une serviette sur le visage.
« Il faut qu’on y soit, nous aussi», j’ai dit.
Mui nue sur le lit. Elle pleure.
C’est notre place.
Jour 7 :
56
Première page
Les affaires de Ryù et de Mui, rangées dans des sacs plastiques
dissociés, disposées sur le lit.
J’ai 10 ans. Chaque fois que ma mère revient de voyage elle organise
une soirée pour nous montrer à mes grand parents et à moi les diapos
qu’elle a prises. Nous lui posons des questions sur les lieux qu’elle
a visités. Elle ne sait jamais quoi répondre, elle dit : j’ai été là,
c’est très connu, voilà la preuve. Il y a toujours une image d’elle
devant tel où tel monument. Le sourire n’a pas bougé.
Deuxième page
Mui s’habille. Ryù regarde par la fenêtre.
« J’ai terminé le jeu cette nuit. »
« A quelle heure ? »
« Cinq heure. »
Les types de l’hôtel passent l’aspirateur. Mui leur remet un
paquet.
« J’étais sûre que tu arriverais à le finir. Qu’est ce qu’il y a au
bout ? »
« On entre dans une ville entièrement fantôme. »
Ils donnent leurs vêtements au restent au clochard qui vit à côté
de l’hôtel.
« Tu crois qu’ils vont faire une suite ?»
« Il faut user ce qui marche jusqu’à la corde. »
Le visage du clochard porte des traces de coups, il vide le sac et
leur rend.
« Tu n’aurais pas aimé y jouer ? »
Troisième page
Ryù et Mui prennent leur dernier petit déjeuner à la terrasse du
Mac Donald’s, intact.
Je n’aime pas tellement aller dans des lieux nouveaux.
Ryù et Mui sont assis dans un tramway sans conducteur, le paysage
semble artificiel.
Ryù dit que maintenant tout le monde sur la planète vit la même
réalité.
57
Ryù et Mui attendent devant l’entrée du musée d’art contemporain.
Ryù porte un paquet triangulaire.
Nous ne faisons même plus semblant de nous intéresser à ce qu’il y
avait avant.
Mui regarde sa montre. Ils entrent dans un hall immense et désert.
Peut-être que nos parents le faisaient sincèrement.
Quatrième page
Des vêtements en peau humaine sont exposés dans une pièce.
Peut-être que cela leur permettait de donner corps à leur vision du
monde.
Ryù et Mui face à un immense miroir mural, qui ne reflète pas.
Aujourd’hui nous savons que cette vision existe sans nous.
Un groupe de touristes japonais âgés entre, guidé par Nobuko.
Que nous ne faisons que la traverser.
Les touristes s’arrêtent face au miroir.
Sans l’altérer.
Cinquième page
Nobuko leur fait un signe de main.
« Alors, vous partez ce soir ? »
« Tout à l’heure… »
Nobuko s’en va, à la suite du groupe de touristes, le paquet à la
main.
« On se reverra ?
»
Mui va aux toilettes.
Peut-être n’y croyaient-ils pas non plus.
Elle se regarde dans le miroir. Elle pleure.
Peut-être avaient-ils moins le choix.
58
Sixième page
L’appartement de Mui et Ryù : un petit deux pièce avec un coin
ordinateur.
La vie était plus dure. Ils étaient obligés de s’accommoder.
La chambre de Mui et Ryù : un lit, un téléviseur magnétoscope, un
mur couvert de cassettes vidéo.
Ils n’ont jamais cru que tout était possible.
Deux siège d’avion inoccupés.
Septième page
Les passagers sans visages sont enfermés dans le wagon maculé de
sang.
Une montagne de corps nus recouvre la voie.
Des corps écrasés jonchent le sol des couloirs.
Huitième page
Les silhouettes de Ryù et Mui dans la baignoire, tête baissée.
Image numérique : le visage de Ryù, baignant dans l’eau.
Image numérique : le visage de Mui, baignant dans l’eau.
Il fait nuit. Les silhouettes n’ont pas bougées.
59
SIXIEME JET DU SYNOPSIS
OTAKU
Sixième jet du synopsis 8 septembre 2002
Page 1
Ivan Brun
Lionel Tran
OTAKU
6 Pieds Sous Terre Editions
Page 2
Collection Plantigrade
1- La comète par Vincent Vanoli
2- Trinité par Ambre
3- Piñata par Pierre Maurel
4- En Vrac par Gilles Rochier
Remerciements :
© 6 Pieds Sous Terre, 2002
Boite postale 91251 34011 Montpellier cedex 01 France
Tel 0467 15 56 90 Fax 04 67 15 56 91
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Page 3
1
Plan de grand ensemble. Une gare/ aéroport.
Mui (voix off) : C’était il y a dix ans.
Ryù a dit : « je ne veux pas d’enfant. » Nous venions de
nous rencontrer. Je lui ait répondu que mon père non plus ne
voulait pas d’enfant. Que ma naissance avait été un accident.
Qu’à l’issue de six ans de vie commune, mes parents s’étaient
séparés et ne s’étaient jamais revus, ni adressé la parole.
60
Page 4
1
Plan d’ensemble. Deux jeunes japonais, Mui Murakami et Ryù
Amagatsu sont assis face à face dans une salle d’attente.
2
Plan rapproché. Champ. En face d’elle, Ryù parle dans un
téléphone portable.
Mui (v.o.) : Il a détourné la tête. Il est resté silencieux.
3
Plan rapproché. Champ. Légère plongée. Ryù discute au
téléphone
Proposition inversée.
Ryù : « We are in France… You don’t understand the situation.
Yes… Thak you. »
4
Plan américain. Ryù et Mui face à face. Ryù éteint son portable.
Ryù : « Fuk off » Mui : «Qu’est ce qui ne va pas Ryù ?»
5
Plan rapproché. Ryù s’allume une cigarette.
Page 5
1
Plan rapproché. Profil droit. Ryù fume.
Ryù : « Notre programme est tombé à l’eau. »
2
Gros plan. Plongée, point de vue subjectif. Ryù tient entre ses
doigts une pochette d’allumettes portant un logo « Gamma. »
Ryù : « Tout le monde se défile. Je n’arrive pas à obtenir des
d’explications. »
3
Gros plan. Plongée, point de vue subjectif. Ryù déchiquette le
papier.
Ryù : « Les seuls qui ont pris la peine de répondre ne peuvent pas
couvrir les frais. »
4
Gros plan. Plongée, point de vue subjectif. Idem
Ryù : « Ils m’ont dit qu’ils allaient essayer de trouver un
hébergement jusqu’à dimanche. »
5
Gros plan. La boite d’allumettes est réduite en miettes.
Ryù : « Toutes les autres dates de performances sont annulés. »
6
Plan américain. Panoramique. Mui et Ryù, face à face. Ryù
regarde son
portable.
Mui : « Dans quelle ville ? »
61
Page 6
1
Plan rapproché. Ryù se tient la tête.
Ryù : « Le Zero One, à Lyon. Je ne les connais pas. Il leur
reste qu’une seule date. Samedi. »
2
Plan d’ensemble. Plongée. La foule à travers la vitre de la
salle d’attente.
Mui : « Samedi ? »
3
Mui entre dans les toilettes de l’aéroport. Elle a l’air malade,
Ryù la suit.
4
Mui sort des toilettes. Elle s’essuie la bouche. Ryù l’attend
devant la porte.
Ryù : « Ça va Mui? » Mui : « Non. »
5
Vue d’ensemble. Panoramique. Plongée. Ryù et Mui consultent le
tableau d’affichage des trains.
Mui (v.o.) : Il avait 18 ans. Il étudiait les sciences physiques.
J’en avais 22. Je venais de terminer des études littéraires.
J’étais en stage dans une grande librairie de manga de Tokyo.
Page 7
1
Plan rapproché. Contre champ. Un vieil vieux japonais.
Le vieil homme : « Tous les trains sont suspendus à cause de
la grève. Sauf les automatiques.»
2
Plan américain. Mui, Ryù, le vieil homme.
Le vieil homme : « Quelle est votre destination ? » Mui :
« Lyon... »
3
Plan rapproché. L’homme leur indique une direction.
Le vieil homme : « Vous avez de la chance. Attendez en face.
Quai N°4. »
4
Plan rapproché. Mui lui dit au revoir, Ryù s’en va.
Le vieil homme : « N’oubliez pas : quai n°4. Bon voyage. »
Mui : « Merci… Monsieur ?»
Le vieil homme : « Mochizuki. Au revoir. »
7
Vue d’ensemble. Panoramique. Un train entre sur un quai
bondé.
Mui (v.o.) : Un matin, Ryù est entré dans la librairie. Il
cherchait de la documentation sur les robots. / Tous les trois
ans se déroule un tournoi où s’affrontent les robots construits
62
par les étudiants
Japonaises.
des
principales
écoles
scientifiques
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1
Plan américain, légère plongée. Une foule de voyageurs énervés
entrent dans le train. Ryù regarde sa montre.
Mui (v.o.) : C’est l’opportunité pour chaque équipe de mettre
en application ses recherches théoriques avec l’appui financier
de sociétés privées.
2
Plan américain. Mui et Ryù entrent dans le TGV.
Mui (v.o.) : Ryù avait développé un prototype de robot « Boule »,
d’apparence passive, qui se plaçait au centre de l’arène et qui
e bougeait plus. »
3
Plan de semi ensemble. Légère plongée. Mui et Ryù, assis dans
le TGV.
Mui (v.o.) : Lorsqu’un adversaire entrait en contact avec lui,
« Boule » piratait ses donnés avant de les recharger, infectés
d’un virus. »
4
Gros plan. Profil droit. Mui regarde le paysage à travers la
vitre.
5
Plan d’ensemble. Plongée. Le TVG traverse un paysage normalisé.
Nous voyons passer un camion orné du logo Gamma.
Mui (v.o.) : Le jour de la compétition, « Boule » n’a pas
fonctionné.
6
Plan d’ensemble. La main de Mui sur la vitre. Une gare à
l’architecture froide. Sur les rail, un train de banlieue
couvert de tags.
Mui (v.o.) : Il a subit les assauts des autres robots, qui se
sont acharnés contre lui sans parvenir à le faire reculer.
Page 9
1
Plan rapproché. Panoramique. Mui et Ryù parmi les passagers,
qui descendent du train.
Mui (v.o.) : Il a été éliminé. : Ryù a cessé d’aller en cours.
Il ne s’est pas présenté aux examens de fin d’année.
2
Plan moyen. Mui et Ryù attendent devant la gare.
Mui (v.o.) : Il a vécu un moment sur l’argent que ses parents
avaient mis de côté pour ses études.
Plan américain. Ryù téléphone. Mui fume une cigarette. Derrière
eux, on distingue une affiche pour la sortie du jeu eXil.
3
63
Mui (v.o.) : Il a revendu ses vidéos.
4
Plan rapproché. Zoom avant. Les visages de Ryù et Mui. L’affiche :
des hommes qui flottent dans un paysage futuriste.
5
Plan américain. Un groupe d’enfant portant des masques de
robots passe devant Ryù et Mui.
Ryù : « Ils envoient quelqu’un nous chercher. »
6
Plan d’ensemble. Légère plongée. Mui et Ryù attendent assis sur
un banc.
Mui (v.o.) : Ryù est venu habiter chez moi.
Page 10
1
Plan d’ensemble. Légère plongée. Un jeune type, Laurent,
s’approche en les saluant. Des militaires patrouillent.
Mui (v.o.) : après la fac, Ryù a fréquenté un groupe de
développeurs de jeu qui se disaient « révolutionnaires. »
2
Plan américain. Laurent se présente.
Laurent : « Ryù Amagatsu ? I’m Laurent, your driver. »
Mui : « Hi. »
3
Plan de demi ensemble. Plongée. Laurent les aide à porter leurs
bagages.
Mui (v.o.) : Ils se prenaient très au sérieux. A les écouter, ils
étaient en train de définir « un degré de réalité supérieur ». En
fait, ils rêvaient de devenir millionnaires.
4
Plan moyen. Légère plongée. La voiture de Laurent.
Laurent : « My car. »
Mui (v.o.) : Ils considéraient les néophytes en informatique
comme un espèce en voie d’extinction.
5
Plan rapproché. Légère plongée. Ryù, Mui, Laurent, à l’intérieur
de la voiture. Laurent démarre.
Autoradio : [… pas rire avec vos utopies irréa… ](*)
Mui (v.o.) : Ils disaient que leur corps était « de la
viande. » Ils dormaient la journée et passaient la nuit devant
leur machine.
(*) : Traduit du français.
6
Plan américain. Mui, assise à l’arrière.
Autoradio : [… yez réalistes ! Dans le contexte… ]
Mui (v.o.) : Une fois j’ai ils m’ont demandé de servir de modèle
pour un jeu. J’étais sensé être une lycéenne nymphomane.
64
Page 11
1
Gros plan. Légère plongée. Vue depuis l’extérieur de la voiture.
Mui.
Mui (v.o.) : Ils ont pris des milliers de photos numériques, sous
tous les angles, en train de prendre des poses stéréotypées.
2
Plan d’ensemble. Plongée. La voiture sur le périphérique. Un
camion qui porte le logo Gamma (le même camion que celui vu
depuis la gare ?)
Mui (v.o.) : Ils ont agrandis mes yeux, qu’ils ont rendus
bleus ; il ont creusé ma taille, allongé mes jambes, triplé le
volume de mes seins.
3
Plan rapproché. L’autoradio.
Commentaire autoradio : « […l’état ne peux pas continuer
indéfiniment à protéger ARTICIFIELLEMENT les citoyens…] »
Mui (v.o.) : Ils étaient immatures, cons, naïfs et méchants.
4
Plan rapproché. Mui. Une voiture conduite par un homme qui
téléphone, dépasse.
Mui (v.o.) : Par l’intermédiaire de leur démonstration, on a
commencé à m’inviter dans des festivals.
5
Plan américain. Panoramique 2/3. Très légère contre-plongée. La
voiture entre dans le centre ville.
Mui (v.o.) : La seule chose qu’on me demandait, c’était de
signer des autographes en prenant des poses d’ingénue.
6
Vue de grand ensemble. Plongée. La voiture se gare.
Mui (v.o.) : Le transport était payé, on était reçus à l’hôtel
et au restaurant.
Page 12
1
Plan moyen.
coffre.
Légère
plongée.
2
Plan moyen. Plongée. Ils montent une cage d’escalier en bois.
Laurent : « Here we are... »
3
Plan d’ensemble. Ils entrent dans un appartement. Des bouteilles
de vin vides s’accumulent dans le couloir. Un locataire,
Philippe les accueille.
Laurent : « [Salut.] »
Philippe : « Hello. »
4
Plan moyen. Mui et Ryù posent leurs affaires dans l’entrée.
65
Laurent
sort
les
bagages
du
Philippe et Laurent discutent.
Philippe. « [Qui c’est ceux là ?] »
Laurent : « [C’est les Japonais qu’on fait passer samedi, ils
sont en carafe et vu que Rico à libéré sa piaule, Claudia a
pensé que…] »
5
Plan d’ensemble. Panoramique 2/3. Plongée. Ryù, Mui et Laurent
entre dans le salon, une locataire, Christelle est en train de
prendre le petit déjeuner. Philippe s’assied.
Philippe : « [‘Tain, vous êtes chiés.] »
Claudia : « [Muis qu’est ce qu’elle s’imagine ? Elle pourrait
prévenir, on n’est pas un squat, merde.] »
Laurent : « Okay, come in, have a sit. »
6
Plan rapproché. Légère contre plongée. Laurent les salue.
Laurent : « Okay… Enjoy your stay ! See you tomorrow at the
Zero ! »
Page 13
1
Plan américain. Philippe regarde la télé. Christelle discute
avec Mui. Ryu s’allume une cigarette.
Christelle : « Wanna drink some cafe ? »
Mui : « Uhh, thanks. Water. »
Commentaire télé : « [L’annonce par le gouvernement d’un
plan de réduction des allocations chômage semble provoquer de
violentes réactions… ]»
2
Gros plan, légère plongée. Un verre est remplit à une mini
fontaine.
Commentaire télé : « [La semaine pourrait être tendue et
certains craignent que dans le climat social actuel.] »
3
Plan américain. Mui et Ryù se lèvent. Christelle sort du
salon.
Christelle : « You must be tired, follow me. »
4
Plan de demi ensemble. Légère contre plongée. Vue depuis la
chambre. Une télé et un magnétoscope, des livres, une bouteille
vide sur le sol. Christelle, Mui et Ryù se tiennent dans
l’encadrement de la porte.
Christelle : « It’s a collectif flat. We’re five to live here. /
Here’s your room. »
5
Plan moyen. Légère plongée. Christelle et Mui se saluent. Ryù
entre dans la chambre.
Christelle : « By the way, I’m Christelle. »
Mui : « Murakami Mui. Nice meeting you. »
66
6
Plan de demi ensemble. Panoramique 2/3. Ryù sort les affaires
de la valise. Mui se dirige vers la salle de bain.
Page 14
1
Plan américain. Panoramique. Christelle lit les petites
annonces, Philippe regarde la télévision en fumant un joint.
Une bouteille de Ricard à demie vide, une cafetière vide et un
portable sont posés sur la table.
Mui (v.o.) : Un jour, j’en ait eut assez. Rùy m’a convaincu de
ne pas laisser tomber. Il m’a dit qu’on n’était pas obligé de
jouer le jeu qu’ils attendaient.
2
Plan moyen. Plongée. Mui se douche dans la baignoire.
Mui (v.o.) : Le lendemain, au moment de répondre aux questions
des fans, je me suis scotché du ruban adhésif sur la bouche. /
Le festival ne nous a jamais recontacté.
3
Plan moyen. Ryù joue au jeu vidéo assis nu sur le lit. Il porte
des lunettes virtuelles.
Mui (v.o.) : Quelques semaines plus tard, un club underground
nous a demandé si ça nous intéresserait de présenter quelque
chose. C’est comme ça que nous avons commencé à faire des
performances.
Chapitre deux.
Page 15
Image prise par le caméscope numérique de Ryù :
Le visage du type s’énervant dans le métro.
Date : Tuesday 02 - 12 : 05
Page 16
Page blanche
Page 17
Une puce électronique sur un plateau, entourée de matériel médical
et électronique
Cette page est la première d’une série de quatre têtes de chapitres
nous montrant l’implantation (/ L’incision / La pose de la puce/
La pose d’un pansement en forme de croix au dessus du sein gauche,
pour laisser cicatrice l’implant. d’une puce numérique équipée d’un
module avec des prises permettant à son porteur d’être relié à un
67
ordinateur. Il peut s’agir de plans rapprochés. Il est possible que
le lecteur pense ces images extraites du jeu eXil.
Mui (v.o.) : La première fois que je suis allée présenter
mes photos dans un club, je me demandais ce que j’allais dire
aux gens s’ils me posaient des questions. Ryù m’a dit : ne
t’inquiète pas, soit sincère. Si tu ne sais pas quoi répondre,
dis le. Soit simple, naturelle. Contente toi de correspondre à
l’image que les gens peuvent se faire de toi.
Page 18
1
Plan
américain.
Ryù
allume
la
télé.
Un
bulletin
d’informations.
Commentaire télé : « [Le mouvement, très dur, est en passe de
s’étendre à l’ensemble du service public … ]»
Mui : « Quelle heure est-il ? »
Ryù : « midi. »
2
Gros plan. Légère plongée. La machine à café.
Commentaire télé : « [série de manifestations qui devraient…
] »
3
Plan rapproché. Profil droit. Mui se maquille devant le miroir
de la salle de bain.
Mui : « Midi ? Tu t’es réveillé tôt ?»
4
Gros plan. Légère plongée. De l’eau est versée sur des sachets
de thé.
Ryù : « 4 heures. Je n’arrivais pas à trouver le sommeil. J’ai
joué à eXil. »
5
Plan américain. Mui apporte le thé. Des images de manifestants
défilent à la télé.
Ryù : « Je ne comprend pas de quoi il parlent »
Mui : « La présentatrice dit que la grève va s’étendre. »
6
Plan rapproché. Profil gauche. Ils prennent le thé.
Mui : « La grève va durer toute la semaine. Il n’y a plus
d’avions, plus de trains. Des coupures de courant sont
annoncées.»
Page 19
1
Plan américain. Champ. Légère contre plongée. Ryù et Mui à
table. Christelle entre dans le salon.
Christelle : « Morning ! »
Mui : « Hi Christelle. »
68
2
Plan américain. Contre champ. Légère plongée. Christelle
prépare du café.
-Quand j’étais enfant ma seule amie était Anita More. Je
connaissais ses chansons par cœur.
3
Plan rapproché. Mui, Ruy, Christelle à table. Christelle se
roule une cigarette.
Mui : « Could you explain us how to go the Zero One ? »
4
Plan américain. Plongée. Christelle sort une carte sur la
table, devant Ryù et Mui.
Christelle : « Hum. Buses are off. Take the subway. »
5
Panoramique. Plan moyen. Légère plongée. Mui et Ryù approchent
d’une station de métro.
-Aujourd’hui tout le monde a oublié Anita.
Page 20
1
Plan américain. Ryù et Mui entrent dans un wagon bondé.
- A l’époque elle avait des milliers de fans qui étaient prêt à
attendre toute la nuit devant son hôtel pour être les premiers
à la voir.
2
Plan moyen. Une jeune type, agressif, au milieu du wagon.
- En 2000, son année glorieuse, Anita a placé trois titres des
la liste des meilleures ventes. Les célèbres « L’amour n’est pas
un tabou », «J’ai soufflée sur les cendres de ma tristesse. »
Voix off : « [J’vais t’fumer p’tite tapette ! J’vais t’niquer ta
mère, j’vais te l’casser ton cul de tapette fils de pute !] »
4
Plan moyen. Champ. Ryù prend une photo.
Ryù : « Mui, « cheese ».
5
Plan moyen. Contrechamp. Mui, dont le visage se reflète dans la
vitre du métro.
Mui :
« Arrête,
nous
avons
l’air
de
deux
touristes
japonais… »
Voix
off :
« Pourquoi
tu
m’regarde ?
C’est
quoi
ton
problème ? »
6
Panoramique. Légère plongée. Ryù et Mui sortent du métro. Des
cars de CRS.
Mui (v.o.) : Ainsi que le plus méconnu « Un monde cotonneux »,
que je considère pourtant de loin comme son meilleur disque.
Page 21
69
1
Plan rapproché. Légère plongée. Mui et Ryù. Des piétons.
Ryù : « J’ai eut une fille au téléphone. C’est elle qui gère la
salle. »
C’est un monde tellement doux et blanc. Doux et blanc, comme
une neige éternelle.
2
Plan américain. Un CRS règle son caméscope.
-Un mon-de de CO-TON. Un monde où…
3
Plan d’ensemble. Légère plongée. Mui et Ryù marchent dans la
rue.
- On se laisse glisser, glisser doucement -
4
Plan rapproché. Mui et Ryù passent devant un mur couvert
d’affiches politiques.
- Sans craindre de ne jamais, jamais avoir mal. Mui : « Tu as passé un arrangement financier avec elle ?»
5
Plan américain. Légère plongée. Ryù et Mui passent devant des
poubelles qui débordent.
Ryù : Nous n’en avons pas parlé.
6
Plan de demi ensemble. Mui et Ryù sonnent à une porte métallique
sur laquelle est tagé le sigle « 01», ils portent des sacs
plastiques.
Page 22
1
Plan moyen. Les bureaux de la salle de concert. Deux personnes
sont en train de taper à l’ordinateur. Quelqu’un se penche à
la fenêtre.
Laurent : « Hé, c’est Amagatsu. Quelqu’un peut descendre
ouvrir la lourde ? »
2
Plan américain. Claudia Crédo, la directrice de la salle, qui
porte des vêtements militaires, leur ouvre la porte.
Claudia : « Claudia, nice to meet you. »
Ryù : « Amagatsu Ryù. »
3
Plan de demi-sensemble. Mui, Claudia et Ryù dans la salle
d’exposition aux cimaises vides.
Claudia : « How was your trip ? »
Mui : « Awful ! Good thing, we could have the train ride for
free. »
Claudia : « Ah ah. Ooh, I see. »
4
Plan moyen. Contre plongée. Claudia, Mui et Ryù monte un
escalier tapissé de nombreuses affiches représentant des
70
portraits d’artistes de l’entre deux guerre.
Claudia : « That’s the usual thing, you know, strikes and demos
are part of the folklore here. »
4
Plan américain. Panoramique. Légère plongée. Claudia, Ryù et
Mui dans la salle à manger collective. De nombreuses personnes
sont attablées. Une métisse, Sylvia, sert à manger.
Claudia : « During your stay you should visit the modern art
museum. There’s a good exhibit running thru… By the way, are
you hungry ? »
Page 23
1
Plan moyen. Plongée. Sylvia, et une dizaine de personnes
mangent. Ryù au premier plan.
Sylvia : « [Demain je vais à la manif.] »
Laurent : « [Tout ce cirque, ça sera mort avant la fin de la
semaine. ]»
2
Plan rapproché. Mui hésite à porter la fourchette à sa
bouche.
Sylvia : «[ J’hallucine, c’est toi qui me dit ça ? T’es pas au
chômage ? ]»
3
Plan de demi ensemble. Plongée. Extérieur. Le toit de la salle
de concert.
Laurent : «[ Au RMI, pas au chômage ! ]»
Sylvia : « [Oh, les keums, faudrait peut-être quand même
vous kicker le cul. Ça vous éclate de vous faire baiser la
gueule ?] »
4
Plan d’ensemble. Plongée. Les toits.
Laurent : « [De toute façon on touchera pas de retraites…] »
Claudia : « [Bon, vous voudriez pas fumer un buzz’ et arrêter
de nous prendre la tête… ]»
5
Plan américain. Plongée. Mui vomit dans les toilettes. Les
murs sont couverts d’affiches de groupes de hard core américains
invitant à la révolte. Gros plan. Légère contre plongée.
Claudia, Mui un verre d’eau à la Muin.
6
Plan moyen. Légère contre plongée. Claudia revient avec Mui, la
Muin posée sur son épaule. Les gens fument des joints dans la
salle à manger, aux murs sont placardés de nombreuses affiches
de groupes rock underground.
Claudia : « Are you okay ? »
Laurent : « [Dans une semaine tout le monde aura zappé les
grèves.] »
71
Sylvia : «[ J’hallucine, entendre ça ici. Vous faites trop d’la
peine les mecs...] »
Page 24
1
Vue de grand ensemble. Panoramique. Légère plongée. Champ. La
salle de concert déserte. Ryù monte sur la scène, le sigle « 01 » est peint sur le mur de fond.
Mui (v.o.) : notre première véritable performance s’est bien
passé, les gens n’ont pas posé de questions.
2
Ryù monte sur scène.
Mui (v.o.) : Une série d’interrupteurs portant les mentions
« FAIM », « SEXE », « SOMMEIL », étaient disposés sur scène.
3
L’ombre portée de Ryù et Mui sur les enceintes.
Mui (v.o.) : Lorsque quelqu’un pressait un bouton, je levais
un bras, je tournais la tête.
4
Panoramique, la salle vide.
Mui (v.o.) : Pour ne pas me sentir ridicule, j’ai pensé à ce
petit robot en forme de grenouille que je mettais dans mon bain
quand j’étais enfant. / Personne ne s’en est rendu compte.
Page 25
1
Plongée. Salle d’exposition. Un « nerd » joue avec une console
de jeu portable.
Mui (v.o.) : « Ils n’ont pas envie de re regarder toi. »
2
Plan de demi ensemble. Panoramique. Légère contre-plongée. Ryù
fait installer par Laurent un moniteur au bout du couloir de
l’espace d’exposition. Un autre moniteur est installé en vis à
vis à l’autre bout du couloir.
Mui (v.o.) : « Ce n’est pas vraiment toi qu’ils regardent »,
m’a dit Ryù. « Ils voient l’image de toi que tu leur a donné
à voir. »
2
Plan
américain.
Panoramique.
Légère
plongée.
Mui
et
Sylvia (changer) contrôle le circuit vidéo dans la salle
informatique.
Ryù fume une cigarette face au nerd qui continue de jouer comme
s’il était seul dans la pièce.
Mui (v.o.) : D’ailleurs, tu n’as pas vraiment envie qu’ils
s’intéressent à toi.
3
5
Plan américain. Légère plongée. Mui Ryù et Claudia dans la
salle d’expo. Claudia fume un joint.
72
Claudia : « So, what will you do until Sunday ? »
Ryù :
« Uh,
oh.
We
will
work.
Each
performance
different.. »
is
6
Plan américain. Claudia, radieuse.
Claudia : « You’ll do something especially for us ? Great ! »
7
Plan rapproché. Légère plongée. « Taff’ », Ryù, Mui et Claudia.
« Taff’ », qui a l’habitude de coller les affiches de la salle
en échange d’entrées gratuites, montre l’écran de son portable.
Claudia a un regard dégaigneux.
Taff’ : « [Hé, Claudia, t’sé y’a un groupe de Jap’ qui passé
au Garage]. »
Page 26
1
Insert : l’écran du portable.
Texte : Defuse. Jap Trash, massgrave market. Local tight
n’vicious P.V. Fightback + expo infoshop. Au garage. Vendredi
25 avril. Prix libre.
Taff’ : « [C’est le genre de del’ qui doit les kiffer]. »
2
Plan de demi-ensemble. Extérieur de la salle. Des gamins jouent
à se battre.
Claudia : « Maybe you should drop them a visit. But it’s at
your own risk ! Ah ah ! »
3
Plan moyen. Ryù et Mui à l’avant d’un métro sans conducteur.
Il y a une dizaine d’années, on perd la trace d’Anita.
4
Plan de demi ensemble. Ryù et Mui marchent dans la rue, ils
passent devant un terrain vague habité par des clochards.
Elle a décidé de réorienter sa carrière dans le cinéma. On
a parlé d’elle pour jouer le rôle d’un agent double chinois
travaillant pour la C.I.A.
5
Plan américain. Panoramique 2/3. Ryù et Mui, les occupants
de l’appartement. Philippe propose un verre de vin à Mui, qui
refuse. La télé est allumée.
Mais à cause des tensions avec la chine, le film a été annulé.
Il n’y a jamais eut de réédition de ses disques.
Chapitre trois
Page 27
73
Image prise par le caméscope numérique.
Mui se filmant dans le miroir de la salle de bain, nue.
Date : Wednesday 03 – 23 : 52
Page 28
Page blanche.
Page 29
Une voiture griffée du nom d’un peintre célèbre (Dali), est garée
devant une boutique vendant des objets décoratifs tirés du tableau
« les montres molles de Salvatore Dali.
Mui (v.o.) : A la Maison nous ne regardons jamais la télé. Ryù
dit que nous l’avons trop regardée quand nous étions enfants.
Pour nous la magie n’opère plus. Nous savons pertinemment que
les informations répètent toujours la même chose : le monde va
mal. En Afrique, c’est la famine. Chez nous il faut travailler
dur parce que c’est la guerre économique. De temps en temps
des gens deviennent fous. Alors ils commettent des actes
irréparables.
Page 30
1
Plan américain. Plongée. Champ. Ryù joue au jeu vidéo. Mui est
endormie.
1
Plan américain. Légère contre plongée. Contre champ. Mui se
réveille.
Notre génération fait ses programmes elle-même.
2
Plan moyen. Légère plongée. Le couloir de l’appartement, des
bouteilles vide.
Ryù : « Ils dorment encore. »
Mui : « Ils ont beaucoup bu hier soir. »
3
Plan américain. Légère plongée. Ryù devant la fenêtre.
Mui : « Tu as une idée de ce que nous allons faire pour la
performance ? »
4
Plan de demi ensemble. Légère plongée. Mui et Ryù se dirigent
vers un supermarché discount.
Elle n’a plus besoin qu’on lui dise : ceci est bien, ceci est
mal.
74
7
Plan moyen. Légère plongée. Ils se promènent dans les allées du
supermarché.
Mui : « Il y a autant de choix que chez nous. »
Page 31
1
Plan rapproché. Plongée. Ryù et Mui choisissent des produits
sur un rayonnage.
2
Plan moyen. Très légère plongée. Dans la rue un homme très
jeune mendie. Il porte une bouteille de vin à ses lèvres. Mui
et Ryù passent devant.
Mui (v.o.) : Depuis l’enfance nous savions que nous serions
touché par la guerre économique, que la planète continuerait à
être détruite et que nous n’y changerions rien.
3
Plan de grand ensemble. Plongée. Un marché aux puces en plein
air. Les objets sont posés sur des bâches.
Mui (v.o.) : Et quand à l’école on nous demandait quelle était
notre message pour l’avenir, nous répondions : la paix dans le
monde et la fin de la misère.
4
Plan moyen. Légère plongée. Une vieille femme vend des robots
japonais mécaniques, qui sont posés sur une bâche plastique sur
le sol.
Est ce qu’on y croyait ?
5
un.
Plan rapproché. Légère plongée. Mui se baisse pour en regarder
6
Plan américain. Légère plongée. Mui et Ryù, de dos, s’enfoncent
dans la foule.
Ryù : «J’ai faim, Ryù. »
Page 32
1
Plan d’ensemble. Panoramique. Plongée. Ryù et Mui mangent à
l’étage d’un Mac Donald. Le chapeau de Ryù est posé sur la table
à côté de lui. Dans l’indifférence un cortège de manifestants
passe dans la rue.
2
Plan rapproché. Légère contre-plongée. Champ. Ryù porte un
hamburger à sa bouche. Mui boit un coca.
Ryù : « J’ai continué eXil. »
Mui : « Ça te plaît ? »
3
Plan d’ensemble. Très légère plongée. Des CRS attendent sur le
75
trottoir parmi eux, une femme.
Ryù : « C’est un jeu étrange, très oppressant. Je ne prends pas
de plaisir à y jouer. »
4
Plan moyen. Légère contre plongée. Contre-champ. Mui boit son
coca, Ryù porte une frite à sa bouche.
Mui : « Pourquoi continuer à y jouer ? »
Ryù : « Je ne sais pas. C’est comme si on ne pouvait pas arrêter
une fois qu’on a commencé. » « Comme la vie ».
5
Plan de demi ensemble. Légère plongée. Les manifestant passent
devant le Mac Donald’s. Tous ont plus de cinquante ans. Pami
eux on remarque, Sylvia, la fille vue au Street Jacket.
Ryù : « Ce jeu est troublant. »
Page 33
1
Plan moyen. Contre-plongée. Ryù et Mui, regardent la rue depuis
l’étage du Mac Donad’s.
Mui : « On peut y aller. Ça s’est calmé. »
2
Plan d’ensemble. Panoramique 2/3. Ryù et Mui, dans la rue. Un
employé de la voirie lave le sol au jet.
Ryù : « Sa violence est insidieuse... »
Plan d’ensemble. Légère contre-plongée. Ryù et Mui se dirigent
vers le squatt « Le garage. » (Il manque les lettres « GA » de
l’enseigne)
Ryù : « Par exemple, un moment, tu entres dans un squat. »
Mui : « Un squat ? »
3
4
Plan moyen. Plongée. Ryù et Mui entrent sous le proche du
squatt.
Mui :
« Un bâtiment abandonné, avec des signes étranges
inscrits sur les murs. »
5
Plan de demi ensemble. Plongée. Champ. Ryu et Mui regardent
deux squatteurs, Cl ément et Blaz, qui poussent un caddie plein
de bouteilles vides.
Clément : « Putain !. »
Blaz : « Hey, fait gaffe ! »
6
Plan moyen. Légère plongée. Contre champ. Blaz et Clément voit
Mui et Ryù s’approcher d’eux.
Page 34
1
Plan américain. Légère contre-plongée. Clément, Blaz, Ryù.
Ryù : « Hello, we’d like to meet the members of the Japanese
76
band Defuse. Are they here ? »
2
Plan rapproché. Clément et Blaz.
Clément : « [Keski veut, lui ?] »
Blaz : « [Je crois qu’il cherche les japonais, attends…] »
3
Plan américain. Plongée. Un chien leur barre la route.
« WA ! WA ! WA ! WAWA ! WA ! WA ! WA »
4
Plan rapproché. Légère contre plongée. Ryu, Mui, le chien.
Blaz : « Zef ! Ta gueule ! »
5
Plan de demi ensemble. Panoramique. Très légère plongée. Fred,
une fille du squatt, Yoshi , le batteur de Defuse, Mina, une
autre fille du squat, Hauro, Le chanteur du groupe, Kiku, le
bassiste et Jiro, le guitariste et deuxième chanteur, affalé
dans la salle de séjour. Des canettes vides, des bouteilles de
vin et des chips sur la table basse. Yoshi, Mina et Jiro sont
en train de boire. Kiku se fait un trait.
Hauro : « Ah, ah ah, Fla ! »
Page 35
1
Plan rapproché. Légère plongée. Hauro, une clope au bec, Kiku,
une paille dans la narine gauche.
Hauro : « Asseyez-vous, mettez-vous à l’aise. »
2
De la poudre est extraite d’un kepa avec un cutter.
Hauro : « On est arrivés hier. On doit rester ici jusqu’à notre
concert vendredi. Notre planning est foutu en l’air depuis
notre entrée en France. »
3
Gros plan. Contre-plongée. Mui.
Mui : « Nous sommes dans la même situation. Tout s’écroule à
cause des grèves. »
4
Très gros plan. Vue subjective. Plongée. Le cutter sépare deux
traits sur un miroir.
Hauro : « C’est partout la même merde. On arrive à peine à
couvrir les frais. Je ne sais pas comment on va faire pour les
billets d’avion… »
5
Plan rapproché. Profil gauche. Yoshi et Hauro, qui fume.
Hauro : « Heureusement qu’on sait s’amuser. Il y aurait de quoi
se flinguer autrement…»
Yoshi : « En Europe, ils savent faire la fête ! »
6
Gros plan. Vue subjective. Plongée. Le cutter coupe une paille
en segments de 5 cm.
77
Hauro : « La défonce est bon marché. Y a du choix.
si vous cherchez quelque chose… »
D’ailleurs,
Page 36
1
Vue de grand ensemble. Panoramique. Plongée. L’extérieur du
« Garage » (il manque les lettre « GA » de l’enseigne), Blaz et
Clément reviennent, le chariot est vide, ils portent des sacs
plastiques.
Yoshi : « Les français sont bizarres.»
Hauro : « C’est aussi pauvre que l’Angleterre.»
Jiro : « Tout est à moitié moderne.»
Kiku : « En comparaison avec la Hollande ou l’Allemagne, c’est
sale.»
2
Plan rapproché. Yoshi , Hauro, qui tient la canette.
Hauro : « Ils sont fiers parce que des touristes du monde entier
viennent voir leurs ruines, c’est tout ce qu’ils ont.»
Yoshi : « Et le vin. »
4
Plan américain. Très légère plongée. Mui, Ryù, Yoshi. Kiku
passe le miroir à Yoshi.
Ryù : « C’est de la cocaïne ? »
Yoshi : « Non, du speed. Importé des ex-pays de l’Est… »
4
Gros plan. Profil gauche. Légère plongée. Hauro porte une
canette à ses lèvres.
Hauro : « Ils me font chier avec leur vin. Je préfère la
bière. »
5
Plan américain. Très légère contre-plongée. Mui, Ryù, Ferd, qui
s’ennuie, Yoshi , Hauro.
Mui : « Vous arrivez à manger la même chose qu’eux ? »
Hauro : « Tu rigole, je n’ai jamais vu des trucs aussi
dégueulasses. »
Page 37
1
Plan américain. Blaz entre en brandissant des sacs plein de
bouteilles. Clément le suit. Mui et Ryù se retournent.
Blaz : «[ Bingo !] »
2
Plan américain. Jiru sert, Clément, euphorique s’apprête à
faire de même. Yoshi a le sourire. Fred relève la tête.
Clément : « [Putain d’ambiance qui tue, on dirait !] »
Fred : « [Tu parles ! Depuis que les deux autres sont arrivés
ils jactent en japonais, on entrave queud !] »
78
3
Plan moyen. Légère plongée. Jiro boit à la bouteille. Mui et
Ryù se tiennent dans leur coin. Fred regarde le plafond, Yoshi
a un bras passé autour de Mina. Hauro tient une bouteille.
4
Plan américain. Profil gauche. Hauro, la bouteille rhum à la
Muin.
Hauro : « Dites, les artistes, ça vous tente d’aller se balader
un peu dehors ? »
5
Plan de demi ensemble. Très légère plongée. Hauro, Yoshi, Mui,
Jiro, Ryù et Kiku à côté de la camionnette du groupe.
Yoshi : « Il fait plus chaud qu’à l’intérieur. »
Jiro : « C’est strange. »
Kiku : « Je suis raide… »
Hauro : « Ça vous dit d’aller où ? »
Pages 38-39
Vue intérieure d’un centre commercial tentaculaire, aux étages
superposés.. L’éclairage est très vif. Les allées sont bondées
d’une foule compacte et hétéroclite, où se côtoient des gens
que l’on dirait sortis de publicités et des gens plus pauvres,
aux vêtements voyants. Une vieille femme et une fillettes sales
mendient au pied d’un escalator. Des vigiles se dirigent vers
elles. Plus bas nous voyons des femmes militaires armées. Les
boutiques proposent des vêtements, de coupe très géométrique, de
la décoration, des jeux vidéo (des affiches eXil sont disposées
de manière voyante dans la vitrine, des fast-food eskimos. Nous
remarquons une agence de voyage spécialisée dans le japon, une
librairie de Manga ainsi qu’une boutique à l’enseigne « Gamma »
neuve dont les vitres sont peintes en blanc.
Mui (v.o.) : Ryù dit que Maintenant tout le monde sur la planète
vit la même réalité. / Il dit que nous ne faisons même plus
semblant de nous intéresser à ce qu’il y avait avant. / Il a
la même voix blanche qu’avait mon père lorsqu’il parlait des
mutations de la société japonaise./ Peut-être que nos parents
le faisaient sincèrement. Peut-être que cela leur permettait
de donner corps à leur vision du monde. / Aujourd’hui, nos
savons que cette vision existe sans nous./ Nous ne faisons que
la traverser. Sans l’altérer./ Peut-être avons nous un peu trop
cru que tout était possible ?
Page 40
1
Plan américain. Profil gauche. Kiku, Ryù, Mui, Yoshi, Hauro.
Mui : « Comment gagnez vous votre vie ?»
79
Yoshi : « Je travaille comme éducateur. Hauro bosse dans une
agence de voyage. »
2
Plan américain. Légère plongée. Kiku (modifier coupe de cheveux),
Ryù, Jiro (modifier coupe de cheveux) dans une boutique qui vend
des masques tirés de série animées Japonaises.
Jiro : « Hey, Kiku, on dirait ton père. »
Kiku : « Le tient il est tellement laid qu’il ne pourrait même
pas jouer dans un film d’horreur »
3
Plan américain. Légère plongée. Ryù paye à la caisse, Kiku et
Hauro.
Kiku : « Vous savez où sont fabriqués ces masques ? »
Hauro : « Made in China, on sait . Tu ne vas pas encore nous
gonfler avec tes tirades sur les prisonniers politiques. »
Kiku : « Bon, je me tais, je me tais. »
4
Plan rapporché. Très légère contre-plongée. Mui et Yoshi.
Yoshi : « Et vous ? »
Mui : « Je suis vendeuse dans une librairie qui vend des
mangas. Ryù n’a pas de travail.»
5
Plan américain. Plongée. Jiro, Hauro et Kiku portent des
casques virtuels d’où part un câble. Ils tirent avec des armes
en plastique sur une cible que l’on ne voit pas.
Jiro : « Vous comprenez quelque chose à cette histoire de
grève ? »
Kiku : « Je crois que c’est parce que les chômeurs veulent une
augmentation… »
6
Plan rappoché. Légère contre plongée. Les visages de Jiro et
Hauro portant des lunettes virtuelles.
Jiro : « C’est pas plutôt pour les retraites ? »
Hauro : « Bon, on joue ou quoi ? »
Page 41
1
Vue d’ensemble. Plongée. Les japonais devant un restaurant
japonais.
Mui : « C’est bon marché. »
2
Plan américain. Un groupe de français de type collègues de
bureau chantent au Karaoké. Ils sont ivres. Hauro, Ryù, Kiku,
Yoshi et Mui effarés, en arrière fond.
Collègue 1 : « J’ai oubliééé de viiiiivreuh… »
2
Plan rapproché, légère contre-plongée. Les visages de Ryù, Mui,
Jiro, Kiku, Yoshi et Hauro. A l’arrière plan une serveuse en
tenue traditionnelle prend la commande.
80
Ryù : « Ils faut toujours qu’ils copient ce qu’il y a de plus
débile au Japon. »
Hauro : « Je ne comprend pas ce qui leur plait tellement chez
nous... »
3
Plan rappoché. Plongée. Des bières Asahi servies sur un plateau.
Kiku se sert.
Jiro : « Le Japon n’a pas encore coulée ?»
Kiku : « Sans blague ?»
Hauro : « Ça arrangerait bien Kiku… Sa copine vient d’avoir un
gosse »
5
Plan rapproché. Profil gauche. Très légère contre-plongée. Mui
vomit dans les toilettes du restaurant.
6
Vue de semi-ensemble. Plongée. Jiro, Kiku et Yoshi discutent
de combinaisons de touches au jeu vidéo.
- Leurs paroles sont remplacées par des icônes. Hauro et Ryù
mangent.
Page 42
1
Plan américain, légère plongée. Ryù et Mui dans la chambre. Ils
regardent la télé.
Commentaire télé : « [… petits groupes de casseurs masqués
particulièrement organisés. »
Mui : « Les japonais ne ressemblent plus à des japonais. »
2
Vue d’ensemble, plongée. Ryù joue à la console.
Mui (v.o.) : Nous avons été livrés à nous même, dans un monde
qui ne nous laissait pas de place.
3
Plan américain. Mui, dévêtue, se brosse les dents.
Mui (v.o.) : Un monde qui nous a toujours méprisé,
considérant comme une génération sans idéaux.
4
Plan rapproché. Vue subjective. Légère contre-plongée. La Muin
de Mui touche son reflet dans le miroir de la salle de bain.
Mui (v.o.) : En quoi pouvons nous croire ?
nous
5
Plan américain. Légère plongée. Ryù joue au jeu vidéo face à la
télé.
Mui (v.o.) : Aux crimes de nos ancêtres ? Aux désillusions de
nos parents ?
6
Plan rapproché. Vue subjective. Très légère plongée. La Muin de
Mui nettoie le miroir.
Mui (v.o.) : A notre propre vacuité ?
81
Chapitre quatre
Page 43
Image prise au caméscope par Ryù.
L’agression dans la rue, vue en plongée.
Date : Thursday 4 – 21 : 23
Page 44
Page blanche.
Page 45
1
Vue d’ensemble. Légère plongée. Mui en tenue d’écolière. Elle
a entre 12 et 14 ans.
Mui (v.o.) : J’ai eut des liaisons avec plusieurs garçons
au lycée, ça ne s’est pas très bien passé. Ma seule histoire
sérieuse a été avec un employé plus âgé. Il m’achetait des
vêtements et me faisait des cadeaux. Je le laissais me toucher
Mais je ne pensais à rien. Je me disais : j’ai le pouvoir qu’il
s’occupe de moi. Il ne représente rien pour moi. Je pourrais
exiger de lui tout ce que je veux.
Page 46
1
Vue subjective. Jeu vidéo, intérieur d’une voiture. Une autre
voiture à l’horizon.
Paroles de chanson : Tout va si vite, autour de nous.
2
Vue subjective. Jeu vidéo, intérieur d’une voiture. L’autre
voiture est sur le point d’être doublée.
Paroles de chanson : Si vite. Si vite.
3
Vue d’ensemble. La première voiture est distancée.
Paroles de chanson : Si vite. Si vite.
4
Vue d’ensemble. La deuxième voiture s’éloigne.
5
Vue d’ensemble. Une jeune fille traverse.
Paroles de chanson : Tout va si vite, autour de nous.
82
6
Vue subjective. Plan rapproché. La jeune fille est percutée.
Page 47
1
Plan américain. Légère plongée. La voiture, portière avant
ouverte, sans conducteur. La jeune fille est inanimée sur le
sol. Nous apercevons le bas d’un panneau publicitaire.
Paroles de chanson : JE
2
Plan américain, plongée. La jeune fille, morte.
Paroles de chanson : ME
3
Plan d’ensemble. Une foule, qui fixe le lecteur.
Paroles de chanson : RÉVEILLE
4
Plan d’ensemble. La foule. La jeune fille au sol. Sur le panneau
publicitaire : la jeune fille, en sous vêtements. Elle porte en
pansement en forme de croix au-dessus du sein gauche.
Paroles de chanson : EN
5
Plan de semi ensemble. Zoom avant sur la jeune fille. Elle porte
en pansement en forme de croix au-dessus du sein gauche.
Paroles de chanson : PLEURS
6
Plan américain. Zoom avant sur la jeune fille. Elle porte en
pansement en forme de croix au-dessus du sein gauche.
Page 48
1
Plan rapproché. Plongée. Mui, vue du dessus, la tête à l’envers.
Elle est songeuse.
2
Plan d’ensemble. Mui et Rui au lit. Ils ne dorment pas.
Paroles de chanson : En-pleurs-au-milieu-de-la-nuit
3
Plan rapproché. Champ. Ryù, Mui en arrière plan.
Ryù : « Mui, est ce que tu as vu ma montre ? »
Mui : « Je ne l’ai pas touchée. »
4
Plan rapproché. Contre-champ. Mui, Ryù à l’arrière plan.
Ryù : « Je te demande juste si tu as vu ma montre. »
Mui : « Non. »
5
Plan américain. Thierry, Bernard, Christelle en train de prendre
le petit déjeuner. Ryù et Mui entre dans la pièce. La télé est
allumée. Un vidéo clip.
83
Page 49
1
Plan rapproché. Thierry, Ryù, Mui, Christelle.
Thierry :
« [
La
France
is…
Merde,
comment
« fasciné» ? ]»
Christelle : « Fascineted. »
Thierry : « Ouais, fascinated by Japan. »
on
dit
2
Plan rapproché. Légère plongée. Ryù, Mui, Christelle.
Christelle : « Are you fascinated by France ?
3
Plan américain. Ryù se lève, Mui reste à table.
Ryù : « Je vais installer le matériel. »
4
Plan américain. Légère plongée. Mui, Christelle.
Mui : « Have you seen a watch… »
5
Gros plan. Christelle.
Christelle : « Many people come here. Friends of friends or
people we don’t even know. I’ll ask Thierry who was there
yesterday night. »
6
Plan américain. Stef et Patrice entrent dans la pièce. Mui,
Christelle, Thierry.
Stef : « Hey, man, devine ce que j’ai piratav’… »
Patrice : « Salut, la forme ? »
Thierry : « Cool, Patrice. »
Page 50
1
Patrice tend à Philippe un disque numérique.
Philippe : «[ Non, trop bon. J’y crois pas.] »
2
Philippe regarde la jaquette.
Philippe : « [T’as chargé ça où ?] »
Patrice : « [Hé, hé, réseaux… ]»
3
Patrice fume un joint.
Philippe : « [C’est par le site du russe, celui qui… »
Patrice : « Code refusé. Cherche pas.] »
4
Christelle vient parler à Thierry.
Christelle : «[ Thierry ? ]»
Patrice : «[ Bon, on s’le fait ?] »
Thierry : « [Tu m’éts…] »
5
Thierry bidouille le vidéo projecteur.
Christelle : « [ Est-ce que tu as vu traîner une montre ? ] »
Thierry : « [Putain, Christelle, tu vois pas qu’on est
84
occupés ? ]»
6
Christelle est hors d’elle. Les mecs sont assis
les pieds sur la table. Mui s’éclipse.
Christelle : «[ Attends, c’est toi qui voulais
de cette histoire de bouffe dimanche soir…] »
Thierry : « [T’es chiante, on verra plus tard.]
Christelle : « [Ouais, c’est ça.] »
Les autres : « [Ta-ta-ta-ta-ta-ta ]» « [Allez,
sale bâtard.] »
sur le canapé,
qu’on s’occupe
»
fait tourner ,
Page 51
1
Plan rapproché. Plongée. Ryù prépare la caméra numérique.
Mui (v.o.) : Il ne me pénétrait pas. Tout ce qui l’intéressait
c’était de me regarder en tenue d’écolière.
2
Plan moyen. La chambre d’hôtel, dont les rideaux ont été tirés.
Le chapeau de Ryù est posé sur le lit.
Mui (v.o.) : Il me faisait tourner sur moi-même, pour bien me
voir sous tous les angles.
4
Gros plan. Des câbles de raccordement. De la neige sur l’écran
du téléviseur.
Mui (v.o.) : Il n’y avait aucun amour. Pas le moindre sentiment
de tendresse.
4
Plan américain. Mui se prépare dans la salle de bain.
Mui (v.o.) : Il finissait par se masturber contre mes souliers
vernis. Il éjaculait par terre.
5
Plan américain. Plongée. Mui passe un porte jarretelle.
Mui (v.o.) : Après qu’il soit parti, j’attendais que la tâche
ait disparue.
6
Elle se maquille, couvrant son visage d’une épaisse poudre
blanche.
Mui (v.o.) : Le sol en toile de jute mettais dix minutes à
absorber son sperme.
Page 52
1
Plan moyen. Contre plongée. Ryù est debout sur le lit, il
filme. Le visage de Mui, que nous devinons attachée, au premier
plan.
Mui (v.o.) : Après que la librairie ait été rachetée par une
châine, les vendeurs ont été obligés de se déguiser en manga.
Ryù : « Mui ?»
85
2
Plan américain. Plongée. Mui est attachée sur le lit, elle
prend l’air effrayée.
Mui : « Oui.»
Mui (v.o.) : C’était ridicule. Les clients m’appelaient par le
nom du personnage dont je portais le badge.
3
Gros plan. Profil droit. Ryù filme. Le visage de Mui apparaît
dans le viseur.
Ryù : « Je ne sais pas si c’était une bonne idée de venir
ici.»
4
Gros plan. Plongée. Le visage de Mui.
Mui : « Ne me fait pas rire, c’est pas le moment. »
Mui (v.o.) : Beaucoup de filles arrondissaient leurs fins de mois
avec des clients plus âgés.
5
Plan rapproché. Plongée. Mui rit.
Mui (v.o.) : La plupart les obligeaient à garder leurs costumes.
Ils exigeaient qu’elles poussent des cris d’ingénues de dessins
animés.
6
Gros plan. Le viseur de la caméra. L’image de Mui, jambes
écartées.
Ryù : « Je suis sérieux. »
7
Plan américain, panoramique. Mui, attachée, a un sursaut.
Ryù : « Si tu ris je vais être obligé de te mettre un
bâillon. »
Mui : « Salaud. »
Mui (v.o.) : Et puis un jour on a retrouvé le corps de Yamada.
/ Les costumes ont disparus.
Page 53
1
fille.
Plan américain, panoramique. Ryù, torse nu au premier plan. Mui
étendue sur le lit.
Mui (v.o.) : Avant moi, Ryù n’avait jamais connu d’autre
2
Gros plan. Les Mains de Ryù posent une pince à linge sur un
téton de Mui.
Mui (v.o.) : La première fois, il avait tellement peur qu’il
m’a fait mal.
3
Gros plan. Le sexe de Ryù s’apprête à pénétrer Mui.
Mui (v.o.) : J’ai fait semblant de jouir.
4
Plan moyen. Panoramique. Ryù prend Mui. Nous ne voyons pas
86
leurs visages.
Mui (v.o.) : Le lendemain, il a réussit à me prendre plus
doucement.
Page 54
1
Plan rapproché. Plongée. Mui chevauche Ryù, qui est attaché au
lit. Il porte un masque de robot.
Mui : « J’ai toujours eut envie de faire l’amour avec un
robot. »
2
Plan américain. Plongée. Mui se retourne sur Ryù.
Ryù : « Tu es folle. »
3
Plan américain. Mui sur Ryù.
Mui :
« Tu
penses
faire
performance ? »
4
Plan américain. Contre plongée. Mui sur Ryù, vue de dos.
Mui : « Oui, pas de corps sur scène, juste des images et des
machines. »
5
Gros plan. Légère plongée. Le visage de Mui, qui transpire.
Ryù : « Des machines à images qui baisent entre elles.»
6
Plan moyen. Plongée. Ryù et Mui, allongés sur le lit.
Mui : « Les machines ne se reproduisent pas. Tout ce qui restera
de nous, c’est des images…»
un
montage
vidéo,
pour
la
Page 55
1
Plan américain. Plongée. Ryù et Mui, au lit. Mui fume une
cigarette.
Mui : « J’ai discuté avec les français qui nous hébergent.
Thierry a travaillé deux ans avec une O.N.G. en afrique. »
2
Plan rapproché.
d’émeute.
Mui : « Depuis
absurde.»
Légère
plongée.
qu’il
est
Le téléviseur,
revenu
ici,
tout
des
lui
images
paraît
3
Gros plan. Légère plongée. Des voitures brûlent.
Mui : « Christelle est étudiante. Elle écrit une thèse sur la
mortalité chez les chômeurs. »
5
Plan rapproché. Légère plongée. Ryù passe les lunettes
virtuelles.
Mui : « Des chercheurs se sont rendu compte qu’ils meurent plus
87
que les autres catégories sociales. La cause serait le stress
causé par l’absence d’activité. »
6
Plan américain. Plongée. Ryù joue à la console. Mui passe les
lunettes vituelles.
Mui : « Quelles sont les règles ? »
Ryù : « Un seul personnage, on le prend à tour de rôle. »
7
Plan américain. Ryù et Mui jouent à la console.
Mui : « Ce serait mieux si on pouvait le bouger à deux. »
Page 56
1
Plan américain. Mui se gratte la tête au second plan. Ryù fume
une cigarette au premier plan.
Mui : « Je ne trouve plus mon pantalon. »
2
Plan américain. Mui au premier plan. Ryù enfile son pantalon au
second plan.
Voix off : « Putain sors de là ! Sors de là ! J’vais t’piner
ta mère ! Fils de pute ! »
3
Plan américain. Légère contre plongée. Extérieur. Deux inconnus
sont sur le point de se battre.
« ILS DE PUT »
4
Plan moyen. Légère plongée. Extérieur. Un des deux type frappe
violemment l’autre, qui est sur le capot de sa voiture.
« TE ! ARRÊTE ! ARRÊT »
5
Plan d’ensemble. Panoramique. Extérieur. La façade de
l’immeuble. Les occupants de l’appartement collectif regardent
à la fenêtre.
« AAAAA AAAAHHHHH »
Chapitre cinq
Page 57
Image prise au caméscope par Ryù.
La tâche de sang dans la rue.
Date : Friday 5 – 00 : 02
88
Page 59
Une incision est pratiquée à l’aide d’un laser, dont le rayon se
superpose à une croix marquée au feutre légèrement au dessus du sein
gauche d’une jeune femme.
Cette page fait partie d’une série de quatre têtes de chapitres nous
montrant l’implantation (/ L’incision / / La pose d’un pansement
en forme de croix au dessus du sein gauche, pour laisser cicatrice
l’implant. d’une puce numérique équipée d’un module avec des prises
permettant à son porteur d’être relié à un ordinateur. Il peut s’agir
de plans rapprochés. Il est possible que le lecteur pense ces images
extraites du jeu eXil.
Mui (v.o.) : Ryù ne travaille pas. Pas dans un vrai travail,
comme moi, avec un parton, des collègues et des clients avec
qui on fait semblant d’être ami. Ryù travaille à la Maison,
sur son ordinateur. Il dit souvent que le travail n’a plus de
sens.
Quand il était à la fac, il a rencontré beaucoup de gens qui
étaient complètement paumés.
Page 60
1
Un cordon de sécurité est disposé devant les portes du Mac
Donald’s vandalisé, Ryù et Mui passent.
Mui (v.o.) : Ils étaient sensés être l’élite de leurs domaine,
Mais en réalité ils étaient largués.
2
Ryù et Mui passent devant une vitrine cassée.
Mui (v.o.) : Les moins perdus d’entre eux
pratiquement pas les cours.
3
Ils s’arrêtent à la terrasse d’un café. En devanture des
magasins des affiches annoncent la sortie imminente de la console
Gamma.
Mui (v.o.) : Beaucoup s’occupaient de leurs collections.
Accumulant des données sur le nombre de rediffusion de tel
épisode de la série Le Prisonnier.
4
Ryù et Mui à la terrasse du café.
Mui : « On y va ? »
Mui (v.o.) : Comptant le nombre de chances statistiques
pour que le ballon de baudruche vienne arrêter le personnage
principal.
5
Ryù et Mui marchent dans la rue. Des camions de vitriers
89
ne
suivaient
n’arrêtent pas de passer.
Mui (v.o.) : Socialement cela n’avait aucun sens mais c’était
la seule chose qu’ils pouvaient réaliser.
Page 61
1
Le toit du Zero One.
2
Ryù et Mui dans la salle de mixage du Zero One. Taf’ les
regarde travailler. Les images filmées la veille défilent sur le
moniteur.
Mui (v.o.) : Le meilleur ami de Ryù a passé son doctorat dans
une des école les plus prestigieuses du pays. Aujourd’hui, il
fait des maquettes de vaisseaux spatiaux dans sa chambre.
3
Des images de l’homme en train de se faire tabasser filmé par
Ryù.
4
Ryù et Mui devant le moniteur.
Ryù : « L’image est nette. On va la passer en boucle, au
ralenti, avec des inserts du visage masqué. »
5
L’image
lit.
Ryù : «
Mui : «
Ryù : «
de Mui sur le moniteur. Mui, nue, attachée sur le
Pour le son je pensais prendre du verre brisé. »
Ok. Avec un bruit de crissement ? »
C’est ça. »
Page 62
1
Taff’, Ryù et Mui dans un tramway automatique.
2
Ryù, Mui et Taff’ au milieu des usagers.
Ryù : « Je me demande s’il ne faudrait pas mettre des images
d’actualité en surimpression. »
Mui : « Des images d’émeutes ? »
Ryù : « Peut-être. »
3
Ryù, Mui et Taff’ se dirigent vers le « Garage. »
Mui : « Je n’ai pas trop aimé jouer à Exil, hier soir. »
Ryù : « Les jeux sont plus inquiétants que la réalité… »
4
Une foule jeune, aux visages marqués se bouscule à la porte du
« Garage », qui est couverte de placards anticapitalistes.
Mui (v.o.) : Ryù n’arrête pas de répéter que nous avons été
éduqués dans l’idée que travailler était important mais qu’en
fait cela ne sert plus à rien.
90
5
Depuis la fenêtre, Hauro leur fait signe de monter.
6
Ryù et Mui passent. Certains font la gueule.
« Hé, l’aut’, pousse pas. »
« Laisse-les passer, merde, c’est les keums du groupe. »
Page 63
1
A l’étage, le salon est dans un état pire que la fois précédente.
Hauro, Kiku, sont en train de discuter avec Fred.
Fred : « You ask for too much money. We are poor. »
Hauro : « Not my problem. »
2
Fred se lève.
Fred : « Je laisse tomber. Ils sont trop chiants. »
3
Fred sort en claquant la porte.
Clément : « T’énerve pas, on va discuter. »
4
Yoshi et Hauro fument devant la fenêtre
6
Mui met son Diskman en marche. Elle le gardera tant qu’ils
resterons dans le squat.
7
Jiro et Kiku se font des lignes. Clément propose tend un
shilom…
Clément : « Heu, allez, les mecs, je suis sûr qu’on va trouver
un deal. You want dope ?»
Page 64
1
Ryù et Mui sont dans la salle de concert du « Garage » dont
les murs sont couverts d’affichettes militantes et de placards
revendicateurs. La plupart des gens ont des bouteilles de
bière à la Muin. Les conversations sont réduites à des icônes,
qui symbolisent l’universalisation des centres d’intérêt : il
s’agit de matériel et de consommation culturelle.
Paroles de chanson : Nous vi-vons dans un monde de coton, un
monde de co-ton -
2
Mui et Ryù se baladent dans une pièce où sont exposées des
sculptures de matériel audiovisuel. Des zonards fument des
joins avachis sur le sol.
Paroles de chanson : Un monde doux et blanc. Doux et blanc,
comme la neige éternelle.-
91
3
4
Taf’ et Ryù s’arrêtent devant
représentant pas grand chose.
quelques
peintures
qui
ne
Paroles de chanson : On se laisse glisser, glisser doucement
Defuse joue, les paroles chantées sont révoltées, et
incompatibles avec l’attitude des membres du groupe.
Paroles de chanson : Sans craindre de ne jamais, jamais se
faire mal. -
Page 65
1
Mui, les écouteurs sur les oreilles, est assise sur un
banquette, à côté de filles jeunes aux visages percés. Une
d’entre elles montre à l’autre l’implant qu’elle a sur la
poitrine. Il s’agit d’une puce numérique lui permettant d’être
localisable et joignable à tout instant. L’implant dispose de
prises re liables à un téléphone et a un ordinateur.
Paroles de chanson : Un monde de coton, un monde de coton, nous
vi-vons dans un monde de co-ton.-
2
Taff’ leur présente Arno, le peintre, qui à l’air largué.
Arno : « Ryù, Arno wants to meet you. Arno is the painter.»
3
Arno parle, Ryù n’écoute pas, il a une canette de bière à la
Muin.
Paroles de chanson : Un monde de co-ton, où les coups ne font
pas mal4
Arno, Taf’, Ryù et Mui
marchent dans la rue. Le long des
façades des affiches électorales sont lacérés et les poubelles
éventrées.
Arno : « [J’ai tout de suite vu que vous êtes des artistes.
Nous, les artistes…] »
Mui : « Je ne comprends rien. »
Mui : « Sa bouche sent mauvais »
5
Ils montent dans une étroite cage d’escalier couverte
tags.
Arno : « Nous ne sommes pas des gens comme les autres. »
6
de
L’appartement où vit le peintre.
Mui (v.o.) : Quand il a découvert internet, Ryù est resté toute
la semaine devant son ordinateur. Quand je partais au travail
il ne dormait pas encore. A mon retour il était allongé sur
le canapé.
92
Page 66
1
Arno remplit trois verres d’alcool fort.
2
L’appartement où vivent Arno et sa femme. Des pendules qui
indiquent des heures différentes au mur.
Mui (v.o.) : Il dormait de moins en moins. Si je lui parlais
3
Arno parle, ses mots sont remplacés
stéréotypés.
Mui (v.o.) : il ne m’écoutait pas.
4
Arno montre ses peintures à Ryù et Mui.
5
Un détail de peinture.
6
Un détail de peinture.
7
Arno explique.
par
des
icônes
Page 67
1
Françoise, la femme d’Arno ouvre la porte.
Françoise : « [Moins fort, Arno, le bébé dort. ] »
2
Françoise, dans l’ouverture de la porte.
Françoise : « Tu sais combien te temps ça m’a pris pour qu’il
s’endorme ? »
3
Taff’, Ryù et Mui dans la rue. Le quatier est encore plus
délabré.
Taff’ : « Arno is not Bad guy… »
Mui (v.o.) : Un soir il a allumé l’ordinateur.
4
Taff’, Ryù et Mui passent devant des affiches fraîchement
collées.
Taf’ : « He was in, heu… psychiatric hospital, you know… Art
therapy…»
Mui (v.o.) : Le modem s’est mis à grésiller.
5
Ryù, Mui et Taff’ s’arrêtent pour regarder une tâche sombre sur
le trottoir.
Ryù : « Blood ? »
Mui (v.o.) : Une page s’est affichée. Il s’agissait de gens qui
montraient ce qu’ils avaient de plus intime
6
Ryù sort la caméra numérique. Il filme.
Mui (v.o.) : Sans chercher de contact physique.
93
Page 68
1
Façade d’un immeuble. Taf appelle quelqu’un par la fenêtre.
Taff’ : « [ Isa ? ISA !] »
Mui (v.o.) : Sans devoir craindre une réaction directe.
2
Franck apparaît à la fenêtre.
Franck : « [Taf ? Isa est pas là…] »
5
Taff’, Mui et Ryù, dans la rue.
Taff’ : « [Où sont les autres ? ]»
Franck : « [Ils sont sortis.] »
5
Plongée. Franck les regarde depuis la fenêtre.
Taff’ : « [Qu’est ce qui s’est passé ?] »
Franck : « [Un gus s’est fait tabasser.] »
6
Taf indique la direction des escaliers à Mui et Ryù.
Taff’ : « Your road, there. Ok ? »
Mui (v.o.) : Tout cela semblait plus vrai que ce que je vivais
quotidiennement.
7
Mui est allongée, Ryù enfile les lunettes virtuelles.
Mui : « Tu va jouer ? »
Mui (v.o.) : Ryù a dit : « Il faut qu’on y soit, nous aussi.
C’est notre place. »
Chapitre six
Page 69
Image prise au caméscope par le journaliste.
Ryù, crispé, est interviewé.
Date : Saturday 6 – 20 H 53
Page 70
Page blanche.
Page 71
94
Des Muins gantées de latex pose de une puce équipée de prises à
l’aide d’un appareillage électronique. Nous remarquons que la puce
est marquée d’un minuscule logo «Gamma. »
Cette page fait partie d’une série de quatre têtes de chapitres
nous montrant l’implantation (/ L’incision / La pose de la puce/
La pose d’un pansement en forme de croix au dessus du sein gauche,
pour laisser cicatrice l’implant. d’une puce numérique équipée d’un
module avec des prises permettant à son porteur d’être relié à un
ordinateur. Il peut s’agir de plans rapprochés. Il est possible que
le lecteur pense ces iamges extraites du jeu eXil.
Mui (v.o.) : Une sorte de lassitude s’est abattue sur nous. Je
crois que nous avons compris qu’Internet ne changerait rien à
nos vies : nous ne rencontrions pas plus de gens. Tout au plus
cela nous permettrait de témoigner de ce que nous avions vécu,
de qui nous avions été.
Page 72
1
Scène de rêve. La salle de concert. La fille du premier rêve
(Anita More) chante, seule, sur la scène. Les gens parlent
dans la salle, sans écouter la musique. D’autres ferment les
yeux.
Paroles de chanson : Si tu es perdue, per-due toute seule
dans la nuit, n’oublie jamais, ja-mais qu’au fond de toi il
reste une étincelle. -
2
La chanteuse danse de manière aguichante.
Paroles de chanson : Sèche tes larmes et souris, ton cœur
à nouveau va s’embraser, s’em-bra-ser
comme un feu de
joie. –
3
Du sang coule du nez de la chanteuse.
Paroles de chanson : L’espoir est
étincelle qui bril-le au fond de toi.
4
Du sang coule des cheveux de la chanteuse. Nous voyons
qu’elle porte un pansement en forme de croix au dessus du
sein gauche.
Paroles de chanson : Quand tu es perdue, seule dans la
nuit.
5
Le public continue de danser comme si de rien n’était.
Mui (v.o.) : N’oublie jamais…
Page 73
95
une
étincelle.
Une
1
La salle à manger de la salle de concert, un téléviseur, que
personne n’écoute est allumé.
Commentaire télé : « …très grave incendie la nuit dernière dans
une boite de nuit, plusieurs dizaines de… »
Mui (v.o.) : Ryù aime repérer les signes de ce qu’il appelle
« la grande lessive». Il dit que chacun d’entre nous est une
bulle de savon.
2
Mui est dans les bureaux, en compagnie de Sylvia, qui effectue
des réglages sur un ordinateur. Mui tient sa caméra à la
Main.
Mui (v.o.) : Notre action conjugué est en train de nettoyer
tout ce qu’il y a eut auparavant.
3
Ryù en train d’acheter des cigarettes dans un tabac.
Mui (v.o.) : Ryù ne crois pas que nous allions vers un monde
meilleur.
4
Ryù sort du bureau de tabac. Deux types discutent avec une fille
adossé à un mur (peut-être qu’elle tapine.)
5
Un des deux lève la main sur la fille, devant Ryù.
Type un : « Alors comme ça tu fais la fière ? »/ « L’autre soir
t’es montée dans ma Xara et là, tu m’dis même pas bonjour ? »
Mui (v.o.) : Il dit cela se produit.
Page 74
1
Ryù passe son chemin sans oser regarder.
Mui (v.o.) : C’est tout.
2
Ryù de dos. Une voiture de police arrive.
Mui (v.o.) : Nous en faisons partie.
3
Ryù se dirige vers le Zero One. Dans son dos les deux types
s’enfuient en courant. La voiture de police les suit.
4
On refuse l’entrée du Street Jacket est obstruée par Clément,
Blaz, Fred et d’autres squatters, qui sont en train de se prendre
la tête avec le videur. Clément prend à partie le videur.
Clément : « [J’ai que 6,5 Tu va pas me prendre la tête pour 0,5
euro ?] »
Fred : « [Allez, fais pas ton nazi, laisse nous entrer.] »
Page 75
1
Blaz essaye de rentrer en douce, le videur le rattrape et fait
96
signe à Ryù d’entrer.
Le videur : « [Toi tu reste-là.] / OK.»
Mui (v.o.) : Ryù répète souvent que la vie ne comporte pas un
nombre illimité de possibilités.
2
Clément interpelle Ryù.
Clément : « Hey, man, t’me remets ? »
Blaz : « Can you help us ? »
Mui (v.o.) : Chaque situation est une maquette que l’on peut
soulever dans sa main et regarder sous tous les angles.
3
Clément, Blaz sort une canette de sa poche, Fred, Ryù dans la
salle. Mui s’approche de Ryù.
Clément : « [Putain, le prix des bières, laisse tomber.] »
Mui (v.o.) : Nous sommes des petites figurines, que l’on peut
déplacer là où là.
4
Ryù a l’étage. Claudia est en train de discuter avec un type
qui porte des lunettes.
Claudia : « This guy want to make an interview. Is it Ok ?»
Mui (v.o.) : Nous sommes devenus transparents.
5
Ryù et le journaliste dans une des loges de la salle.
Le journaliste : « [Vous ne parlez pas français ?] My english
not good… »
Mui (v.o.) : Exister n’a plus aucune importance.
6
Ryù s’allume une cigarette. La journaliste le filme.
Le journaliste : « So, you only work with computers ? »
Ryù : « Yes, only computers. »
Mui (v.o.) : Le fait d’en avoir ou non conscience ne change
rien.
Page 76
1
Clément, Fred et Blaz sont accroupis dans la salle d’expositions,
ils ne s’intéressent pas à ce qui se passe, ils se roulent un
joint.
Mui (v.o.) : Le jeu « eXil » est sorti en mars 2004, dans
une relative confidentialité. Ses créateurs, deux étudiants en
sociologie, étaient inconnus du circuit.
2
Plan d’ensemble. Champ. Des images du type qui s’énervait dans
le métro sont projetées l’écran, du fond de scène devant un
public clairsemé.
Mui (v.o.) : La trame est assez classique : Vous vous réveillez
un matin et vous découvrez que vous êtes en train de vous
transformer en en machine.
97
3
Plan de demi-ensemble. Des images de Ryù attaché sur le lit
avec le masque de robot sont diffusées sur un des moniteurs de
la salle d’exposition.
Mui (v.o.) : Il vous faudra parcourir la ville afin de chercher
de l’aide. Vous pouvez utiliser tous les véhicules et moyens de
communication que vous trouverez en route.
4
Le public se bouche les oreilles.
Mui (v.o.) : La très grande difficulté de d’eXil est que les
gens que vous croisez vous fuient.
5
Laurent (qui était venu chercher Mui et Ryù
premier chapitre) scrute le moniteur où nous
Ryù portant le masque de robot.
Mui (v.o.) : Le principe, particulièrement
est qu’il vous faut éviter à tout prix de
autres.
à la gare dans le
voyons l’image de
original, du jeu
faire du mal aux
6
Laurent regarde le moniteur suspendu en haut, qui diffuse
l’image de
Mui attachée.
Mui (v.o.) : Chaque fois que quelqu’un que vous causez la
mort de quelqu’un, même accidentellement, cela accentue la
transformation. Vous perdez vos ongles, vos cheveux, votre peau
vire au gris
Page 77
1
Ryù et Laurent sont accoudés au bar, qui est occupé par une faune
au look est très étudié. Des icône sortent de leur bouche.
Laurent : « Hey, Ryù… »
Ryù : « Laurent !»
2
Mui et Claudia dans le salle de mixage. Claudia lui tend des
billets.
Claudia : « When does your plane leave ?»
Mui : « Tomorrow night.»
3
Claudia paie Mui.
Claudia : « It is
afternoon ? »
still
Ok
for
the
art
museum
tomorrow
4
Laurent et Ryù au bar. Sylvia est derrière le comptoir.
Laurent : «not many people…»
5
Ryù bois avec Laurent. Dans le fond de la salle les images de
l’homme se faisant tabasser sont diffusées. Un couple danse
sans les regarder.
Mui (v.o.) : Malgré l’absence de publicité, le succès a été
98
immédiat.
6
Mui compte les billets.
Mui (v.o.) : Une adaptation en manga est sortie peu après,
suivit d’un film, qui est devenu une série télé.
Page 78
1
Claudia, Mui, Ryù et Laurent sont assis dans le salon, une
petite pièce somMuirement aménagée. A la télévision passe les
informations : un présentateur.
Commentaire télé : « La sortie d’un nouveau jeu vidéo a
déclenché, cette nuit, de violentes ….»
Mui (v.o.) : Chacun de ces produits reprenant la trame : un
matin, vous vous réveillez et vous réalisez que vous êtes en
train de vous métamorphoser en robot.
2
Dans le salon, les visages, du même âge, regardent les
informations.
Sylvia : « C’est barge, quand même, pour une console de
jeu… »
Laurent : « J’avais dit que ça ne durerait pas cette histoire
de manifs. »
Mui (v.o.) : Un philosophe post-moderne à parlé de l’émergence
d’une esthétique de la déshumanisation, dont l’absence de
sentiments serait la clé.
3
Très gros plan : Ryù branche les câbles de la console au
téléviseur.
Mui (v.o.) : Le bruit court qu’il est impossible de terminer
eXil.
4
Claudia et Laurent fixent l’écran vide.
Mui (v.o.) : A la différence d’autres jeux, ceux qui y jouent
ne se mettent pas en réseau.
5
Ryù enfile ses lunettes de jeu, indifférent aux autres personnes
présentes dans la pièce.
pièce
Mui (v.o.) : Le plus effrayant dans eXil, c’est que vous êtes
seul.
6
Des joints tournent. Ryù joue, seul.
Mui (v.o.) : Vous ne croisez pas d’autres mutants.
Page 79
1
Ryù et Mui marchent dans la rue.
Mui (v.o.) : Le monde autour de vous est normal, le contexte
99
n’est ni apocalyptique, ni futuriste.
2
Ryù étendu dans la baignoire, une serviette sur le visage. Le
robot acheté à la vieille femme est posé sur le rebord de la
baignoire.
3
Mui nue sur le lit. Elle fixe le plafond.
Mui : « Tu es contents de la performance ? »
Page 80
1
Ryù joue avec le robot, il a une serviette sur la tête.
2
Mui, au lit.
Ryù : « Tu te souviens de «Boule », le robot que j’avais
fabriqué ? » / « Ses adversaires lui fonçaient dessus. Lui,
il restait au centre de l’arène, immobile. »
3
Le robot est plongé dans l’eau.
Ryù : « Ce soir, il n’y avait même pas d’autres robots pour
essayer de nous renverser. »
6
Mui regarde ses seins d’un œil médical.
7
Ryù, retenant sa respiration sous l’eau de la baignoire.
Mui : « Ryù, je suis heureuse d’avoir pu venir en France avec
toi. »
Chapitre sept
Page 81
Image filmée au caméscope par Ryù.
Mui, endormie, la Muin posée sur le ventre.
Date : Sunday 7 – 05 H 23
Page 83
Des Muins gantées de latex posent un pansement en forme de croix au
dessus du sein gauche.
Cette page fait partie d’une série de quatre têtes de chapitres
nous montrant l’implantation (/ L’incision / La pose de la puce/
100
La pose d’un pansement en forme de croix au dessus du sein gauche,
pour laisser cicatrice l’implant. d’une puce numérique équipée d’un
module avec des prises permettant à son porteur d’être relié à un
ordinateur. Il peut s’agir de plans rapprochés. Il est possible que
le lecteur pense ces iamges extraites du jeu eXil.
Mui (v.o.) : La première fois que je suis venue en Europe, je
devais avoir six ans. C’est assez rare que des japonais emmènent
leur enfant avec eux en voyage, mais mes parents étaient sur
le point de se séparer et ils avaient pensés que ma présence
aiderait peut être leur ménage à se ressouder. Je revois très
bien ma mère face à l’appareil photo de mon père, souriante,
alors qu’ils passaient leurs nuits à se déchirer.
Un sourire de composition, impeccablement figé au dessous de ses
yeux rougis.
Page 84
1
Rêve. Nous voyons la fille de l’accident et du concert, il
s’agit d’Anita More, elle est vieille.
Paroles de chanson : Les cendres du temps-
2
Elle vend des objets dans la rue, posés sur une bâche en
plastique. Les objets sont des cartes postales, des posters et
des poupées la représentant.
Paroles de chanson : les-cendres-du-temps ont emportées
3
Mui se baisse et regarde la poupée.
Paroles de chanson : les-cendres-du-temps ont dispersées, mes
rêves
4
Du sang coule de la tempe de la poupée.
Paroles de chanson : Les cendres du temps-ont-réduit-mesrêves-en-poussière.
5
La poupée dans la Muin de Mui.
Paroles de chanson : le-vent-se-lève-à l’horizon
6
La poupée est désarticulée.
Page 85
1
Mui se réveille, en sueur. Ryù dort toujours.
Mui : « Ryù ? »
2
Mui s’habille. Ryù se lève.
Mui : « Tu as terminé eXil ? »
Ryù : « Hmm. »
101
3
Ryù regarde par la fenêtre.
Mui : « Qu’est ce qu’il y a au bout ? »
Ryù : « La ville devient une immense machine. »
4
Ryù et Mui prennent leur dernier petit déjeuner à la terrasse
du Mac Donald’s, intact. Des publicités associent eXil aux
produits Mc Donald : Testez le Robotic meal.
Mui (v.o.) : Après le divorce, ma mère retrouve du travail.
5
Taff’ passe le balais dans la salle de concert vide. Des
gobelets en plastique et des mégots par terre.
Mui (v.o.) : Elle me confie à mes grands parents, qui vivent à
la campagne dans le nord du Japon.
Pages 86-87
Le musée des civilisations, vue du dehors. Situé au confluent du
Rhône et de la Saône, le musée de civilisation est un bâtiment ultra
moderne, dont la forme rappelle celle d’une machine organique. Ses
abords sont décorés de végétaux agencés d’une manière trop parfaite.
Des promeneurs qui semblent sortis de magazines se baladent dans les
allées ornées de panneaux publicitaires où alternent les affiches
d’eXil et la puce « Gamma », sur fond noir, que nous avons vu greffée
sur la squateuse. Quelques zonards avec des chiens boivent des bières
sur les marches de l’entrée. Un car de CRS est garé un peu plus loin.
Le lieu semble démesuré. Derrière lui, nous voyons les véhicules se
précipiter sur le périphérique. Parmi eux, le camion portant le logo
« Gamma » vu plusieurs fois dans l’album.
Mui (v.o.) : Ma grand mère m’emmène parfois au bord de
l’océan./
Nous nous asseyons sur les rochers et nous restons là pendant
des heures. / à une dizaine de mètres l’une de l’autre./
Lorsque je fait mine de parler, elle lève la main pour m’intimer
de me taire. Son geste est simple, sans agressivité. /
La question que j’étais sur le point de poser reste en suspens
dans ma bouche. / Mes yeux se posent à nouveau sur l’étendue
d’eau. / Je ne pense à rien.
Page 88
1
Mui et Ryù se promènent le long d’un parc très bien
entretenu.
Mui (v.o.) : Je ne m’habitue pas à la campagne. Là bas tout me
dégoûte.
102
2
Ryù et Mui attendent devant l’entrée du musée d’art contemporain.
Mui regarde sa montre.
Mui (v.o.) : Les rues sont sales, les gens sont pauvres,
3
Ils entrent dans un hall immense et désert.
Mui (v.o.) : la nourriture sent mauvais, tout à l’air vieux et
usé.
4
Ryù et Mui passent devant des œuvres ironisant sur la société
de consommation.
Mui (v.o.) : A l’école, les autres enfants ne m’approchent
pas.
5
Ryù et Mui face à un immense miroir mural, qui ne reflète pas.
Mui (v.o.) : Ils parlent à voix basse sur mon passage.
Page 89
1
Mui et Ryù passent dans la section réservé à l’art corporel.
Mui (v.o.) : Mes résultats à l’école sont irréprochables. Je
suis l’élève la plus discipliné de l’école.
2
Une œuvre.
Mui (v.o.) : La carrière de ma mère ne lui laisse pas le temps
de me rendre visite.
3
Une œuvre.
Mui (v.o.) : Pendant ses vacances elle part en voyage,
dont elle me rapporte des souvenirs hors de prix
4
Une oeuvre : Un couple nu, face à face, qui se donne des
gifles.
Mui (v.o.) : pour se faire pardonner.
5
Claudia attend arrive devant l’entrée du musée.
Mui (v.o.) : Je les détruis méthodiquement, utilisant les
outils de mon grand père
6
Elle regarde sa montre. Nous remarquons qu’elle porte
pansement en croix au dessus du sein gauche.
Mui (v.o.) : pour les réduire en petits tas informes
8
Claudia s’en va.
Mui (v.o.) : avant d’aller les enterrer dans le jardin.
Page 90
1
Ryù et Mui regardent une installation.
103
un
Mui (v.o.) : J’invente tout un rituel qu’il faut dire à voix
basse pour les exorciser.
2
Claudia s’en va, elle pose la main droite sur son pansement
(nous devinons qu’il est la cause de son retard.)
3
Un groupe de touristes japonais âgés guidé par Arno entre dans
la pièce où se trouvent Mui et Ryù.
Mui (v.o.) : J’ai treize ans. Un matin je surprend ma grand
mère avec deux de ses amies au milieu du jardin.
4
Les touristes s’arrêtent face au miroir sans reflet.
Mui (v.o.) : Elles sont en train de danser autour du pommier en
fleurs en psalmodiant à voix basse. Leurs mouvements sont lents
et gracieux.
5
Mui va aux toilettes.
Mui (v.o.) : Le fait de voir ces vieilles femmes tourner ainsi
comme des enfants, est troublant.
6
Elle se regarde dans le miroir.
Mui (v.o.) : Je le observe pendant une heure, fasciné et
intimidé à l’idée qu’un jour elles me demandent de me joindre
à elles.
Page 91
1
Christelle est en train de faire des sushis.
Christelle : « Tu les as vu aujourd’hui ? »
2
Philippe et Christelle, dans la cuisine.
Philippe : « Non, ils étaient sortis quand je me suis réveillé.
Tu veux un coup de main ? »
Christelle : « Pff, ça le fait pas vraiment »
3
Christelle bois un verre en compagnie de Thierry. Les « suchi »
sont empilés dans une grande assiette.
Philippe : « C’est l’intention qui compte. »
Christelle : « Tu crois encore à ça ? »
4
Philippe se sert un verre.
Philippe : « Non. »
Christelle : « Putain, mais, qu’est ce qu’ils branlent ? »
5
Christelle entre dans la chambre, qui est déserte. Le masque de
robot a été abandonné sur le lit.
Page 92
104
1
Mui se passe de l’eau sur le visage, dans les toilettes de
l’avion.
Mui (v.o.) : Mon père s’est suicidé moins de trois ans après
le divorce.
2
Elle rejoint sa place. Ryù est endormit.
Mui (v.o.) : Le jour de l’enterrement, on me laisse seule
dans son appartement. La décoration, sommaire est celle d’un
célibataire. J’’ouvre la porte de sa chambre.
3
Mui met les écouteurs sur ses oreilles. Elle met son baladeur
en marche. Le logo « Gamma » est affiché sur l’écran à cristaux
liquide devant elle.
Mui (v.o.) : Les murs sont couverts d’affiches de la chanteuse
Anita More. En épluchant ses comptes, je découvre qu’il a
consacré tout son argent à l’achat de pièces de collection la
concernant.
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1
Christelle, Philippe et d’autre amis, autour de la table, il
fait nuit.
Christelle : « Je pige pas... »
Philippe : « Te prends pas la tête. »
Christelle : « Qu’est ce que ça veut dire, se barrer comme ça,
sans un mot, comme si on existait pas ? Je prends ça comme une
gifle.»
Philippe : « Y avaient envie de passer à aut’ chose. »
Paroles de chanson : -Nous sommes les enfants fleurs, une
génération spontanée-
2
Le « Garage. » Clément et Blaz récupèrent des bouteilles de
bière vide dans la salle de concert.
3
Claudia travaille est en train de parler au téléphone. Le sigle
« X » est affiché sur l’écran d’un ordinateur.
Claudia : « Ouais, Christelle, un mec de Boston, Ok ? C’est
cool… »
Page 94
1
Le périphérique, le trafic automobile, les éternels panneaux
publicitaires (alcool, lessive, voitures.)
2
Clément et Blaz, en train d’argumenter avec le gérant d’une
supérette.
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3
Christelle discute avec un jeune artiste américain.
Christelle : « What kind of art do you do ? »
L’americain : «Neo Post Modern Art»
4
Christelle, l’artiste américain. Christelle roule un joint.
L’américain : « Performance, installation, movie… »
5
Christelle, l’artiste américain, qui fume un joint.
L’américain : « Everything is possible. Yeah. Everything is
possible. »
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Remerciements :
Lionel Tran remercie : Valérie Berge, Eric Terrier, Franck OddozMazet, Laurent Bramardi, François Henry, Emmanuelle Obry, Marie
Diaz.
Ivan Brun remercie :
…
106

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