quelle place pour les édulcorants

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quelle place pour les édulcorants
Sucre et « faux sucre »
quelle place pour les édulcorants?
Pr Jean-Louis Schlienger
Faculté de Médecine
Strasbourg
Strasbourg 16 juin 2016
Le goût sucré :
objet de débat
Une disposition innée
S’est imposé tardivement (Renaissance)
Guide le choix alimentaire, stimule l’ingestion
Générateur de plaisir
Perception changeante ; époque, culture, lieu.
Aujourd’hui, ostracisation du sucre
 Les consommateurs et les diabétiques devraientils en être privés ?





Le goût sucré
Un goût
physiologique inné
Le sucre stigmatisé
Relation entre obésité et apport en fructose (HFCS) et boissons sucrées
Rôle délétère de l’hyperglycémie (CVX)
Association avec le diabète
Bray G AJCN 2004
Caractéristiques des sucres
• Pouvoir sucrant
la référence : le saccharose = 1
Edulcorants intenses/artificiels : pouvoir sucrant x 100 à 3000
Edulcorants de masse ou de charge ont un pouvoir sucrant
moindre que celui du saccharose
• Pouvoir hyperglycémiant
• Pouvoir énergétique
• Pouvoir cariogène
Hydrates de carbone et goût sucré
saccharose
Lactose
FRUCTOSE
Le pouvoir hyperglycémiant ou index glycémique :
l’index glycémique d’un aliment dépend
- de la nature des glucides contenus dans un aliment
- de l’environnement dans lequel se trouvent les glucides
- du mode de cuisson,
- des transformations subies lors de la préparation
- de la vitesse de vidange gastrique
- de la digestion : destin hyperglycémiant des amidons variable selon leur teneur

- en amylopectine rapidement digérée (pomme de terre)

- en amylose digérée lentement (riz basmati, légumineuses).
Plus un aliment glucidique est cuit, plus il est transformé et moins il est associé
à d’autres nutriments et plus son IG sera élevé.
Pouvoir énergétique :
L’apport calorique des glucides est proche de 4 kcal/gramme.
Certains édulcorants dits de masse ou de charge ont un faible
taux d’absorption intestinale ce qui réduit l’apport calorique. Il en est
ainsi du xylitol ou du maltitol qui apportent respectivement 2,4 et 2,1
kcal/g.
Pouvoir cariogène :
Cette propriété est importante chez les enfants et les diabétiques (santé
bucco-dentaire)
Le saccharose est considéré comme le plus cariogène des sucres assimilables.
Le fructose, le glucose et l’amidon ont un potentiel cariogène plus faible, la
palme revenant au lactose.
Les édulcorants de charge et en particulier les polyols (ou sucre-alcool) qui
limitent la production acide n’ont pas d’effet cariogène voire sont protecteurs
(xylitol)
Le choix des glucides
• Empêcher les excursions glycémiques trop amples
• L'index glycémique (IG) évalue le pouvoir hyperglycémiant d'un aliment
par rapport au glucose (référence, IG = 100)
• Deux aliments contenant la même quantité de glucides n'ont pas le même
pouvoir hyperglycémiant, indépendamment de leur structure biochimique.
• Environnement alimentaire
• Charge glycémique : exprimé pour 100 grammes d’aliment cet index
intègre l’IG et la teneur en glucide de l’aliment ; il se calcule en multipliant
ces deux paramètres. Une charge glycémique est dite faible lorsqu’elle est
< 10 et élevée quand elle est > 20.
Les sucres de base
Le saccharose,
sucre de référence,
directement extrait de la canne ou de la betterave
sucre dit de « table » ou de « cuisine » utilisé à des fins domestiques
et pour la confection de desserts ou de confiseries
composé d’une molécule de glucose et de fructose
totalement absorbé dans l’intestin grêle.
1 G = 4 Kcal
Pouvoir sucrant = 1
Le fructose
se trouve à l’état naturel dans les fruits, dans certaines plantes (agave) et le
miel
se distingue du sucre par un
 pouvoir sucrant plus élevé : 1,1 à 1,7 selon les usages
 un IG plus faible : 20 à 30
 Son apport en excès expose à des manifestations d’intolérance digestive et
à l’apparition d’un hypertriglycéridémie, surtout en cas de diabète
hyperinsulinique, HTA, stéatose.
L’apport conseillé se situe autour de 20 g/jour et le seuil d’effets
métaboliques indésirables est fixé à 50g/jour.
Autres sucres :
Ils sont issus soit d’une hydrolyse des amidons, soit d’une transformation du
glucose. Leurs propriétés organoleptiques, texturantes, conservatrices font qu’ils
sont largement utilisés dans l’industrie agro-alimentaires .
-
sirop de glucose : obtenu à partir de l’hydrolyse de l’amidon. Sa composition
dépend de l’intensité de l’hydrolyse avec des assemblages de glucose plus ou
moins longs. Le pouvoir sucrant est compris entre 0,27 et 0,55.
- isoglucose : sirop de glucose contenant du fructose obtenu par isomérisation
enzymatique.
- sirop de glucose-fructose ou sirop de maïs à haute teneur en fructose
-
High Fructose Corn Syrup HFCS à 45% ou 55% de teneur en fructose : obtenu par
hydrolyse de l’amidon de maïs puis isomérisation enzymatique du glucose en
fructose. Très utilisé aux Etats-Unis pour édulcorer les sodas, en pâtisserie
industrielle (facilite le brunissement et préserve le moelleux des produits).
Les polyols (sucres-alcools): édulcorants de masse ou de charge
pouvoir sucrant : 0,5-1,4
index glycémique faible ; 20 - 30
moins énergétiques que le sucre : 2 - 3
peu ou pas cariogènes.
tolérance digestive souvent médiocre.
Les polyols sont considérés comme des additifs alimentaires et numérotés comme tels.
Largement présents dans divers aliments qualifiés de « sans sucre » comme les bonbons
et les chewing-gum.).
-
Maltitol : utilisé en pâtisserie, confiserie, chocolaterie et pour la confection de
desserts surgelés.
Xylitol : utilisé dans les pays nordiques comme substitut du sucre.
Sorbitol : utilisée comme excipient pour ses propriétés séquestrantes, humectantes
et stabilisantes. Absorbé lentement par diffusion, métabolisme lent non insulinodépendant, confère une texture moelleuse.
Les polyols
Type de polyol
Nom
Pouvoir
Index
sucrant
glycémique
(PS)
Monosaccharides
Disaccharides
Kcal/g
Nomenclature
(E)
(IG), %
Sorbitol
0,6
9
2,6
E 420
Xylitol
1,0
7-15
2,4
E 967
Mannitol
0,5
0
1,6
E 421
Érythritol
0,7
0
0,2
E 968
Maltitol
0,9
25-35
2,1
E 965
Isomaltitol
0,5
2,0
E 953
Lactitol
0,4
2,0
E 966
(lactositol)
6
Edulcorants moins connus
protéines sucrantes et autres

•
•
•
•
•
•
7 protéines :
Brazzéine - PS 500 à 2 000 .
Curculine - PS 550
Mabinline - PS100 à 400
Miraculine - n'est sucrée qu'en milieu acide
Monelline - PS 1 500-2 000
Pentadine - PS 500.
 Hydrates de carbone
• Hydrolysat d'amidon hydrogéné – PS 1,2 (à pouvoir calorique
équivalent)
• Tagatose - Ose PS 2,4 (à pouvoir calorique équivalent)
• Tréhalose - Diholoside, PS 0,45.
• Isomaltulose - Diholoside PS 0,42.
• Érythritol ( Zérose)
Edulcorants intenses
-
de synthèse
Naturels
-
quelques mg suffisent à sucrer
-
zéro calories, zéro impact sur la glycémie
IG = 0 pour un PS ++++
À opposer aux édulcorants dits de charge
Edulcorants intenses
• Additifs alimentaires utilisés pour donner une saveur sucrée aux
aliments dont l’utilisation est réglementée par le règlement (CE)
N°1333/2008 sur les additifs alimentaires
• Appellation unique, mais les édulcorants sont des substances très
diverses du point de vue chimique mais dont le point commun est
de présenter un pouvoir sucrant extrêmement élevé.
Les plus connus
• - Saccharine (historique)
- Aspartame,
- acésulfame K, …
- sucralose,
- extraits de stévia (glycosides de stéviol),
Une histoire déjà ancienne
1841-1855 : découverte de la thaumatine (une protéine)
1879-1880 : découverte de la saccharine
1887 : découverte des vertus sucrantes de la stévia
1937 : découverte du cyclamate
saccharine
1965 : découverte de l'aspartame
1967 : découverte de l'acésulfame K
1976 : découverte du sucralose (un dérivé du
saccharose)stable à la chaleur (Aqualoz)
• 1994 : 1ère directive européenne 94/35/CE concernant
les édulcorants
• 8 janvier 2010 : autorisation de la stévia en France !!
•
•
•
•
•
•
•
Ira Remsen
Édulcorants intenses de synthèse
Édulcorants intenses naturels
Édulcorants intenses et santé
• Avant d'être autorisés par la Commission européenne, les
additifs sont soumis à l’évaluation de l'Autorité européenne
de sécurité des aliments (EFSA).
• L’autorisation repose sur l’examen des données
toxicologiques disponibles :
- « dose journalière admissible » (DJA) avec une bonne
marge de sécurité : indique la quantité d’additif alimentaire
qui peut être consommée quotidiennement, tout au long de
la vie, sans poser aucun problème de santé.
• Une réévaluation européenne systématique de l'ensemble
des additifs autorisés a été entreprise par l'EFSA
Aspartame : dans le collimateur…
• l'aspartame aurait été agréé par la Food and Drug
Administration (FDA) en 1974 dans des conditions douteuses
avant d'être suspendu en 1975, puis autorisé à nouveau en
1981.
Formellement interdite dans la phénylcétonurie
• Un « tueur silencieux »? Du pain béni pour les lanceurs
d’alerte « vous souffrez de symptômes fibromyalgiques, de spasmes, de
lancements d'engourdissements dans les jambes, de crampes, vertiges,
nausées, maux de tête, acouphène, douleurs articulaires, dépressions,
crises d'angoisse, discours incohérent, vision trouble, ou pertes de
mémoire, vous avez probablement la maladie de l'Aspartame. »
Aspartame et toxicité : méthanol
1 litre de
soda
“light”
Quantité d’aspartame
(mg)
240 mg
0
0
Quantité de méthanol
apportée ou libérée
22,8 mg
~300 mg
100 à 300
mg
Mise en cause de l’aspartam :





1 litre de jus 1 litre de vin
de tomate du
commerce
effets neuro-toxiques attribués à son métabolisme qui libère du méthanol
élimination rapide du méthanol par voie respiratoire
Problématique supposée chez la femme enceinte
Innocenté par l’EFSA (2011)
10 décembre 2013, l'EFSA conclut que la dose journalière admissible (DJA)
actuelle de 40 mg/kg de poids corporel par jour est protectrice pour la
population générale (à l'exception des personnes souffrant de
phénylcétonurie).
Édulcorants intenses : artificiels ou naturels?
«Zéro calories, Pouvoir Sucrant, Index Glycémique nul »
Nom
Pouvoir
sucrant
DJA (mg/kg)
Code
Saccharine
300-400
5
E954
Cyclamates
20-40
11
E952
Aspartame
200
40
E951
7000-13000
2
E961
Acésulfame K
200
15
E950
Sucralose
600
15
E955
200-300
4
E960
Néotame
Rébaudioside A
DJA = dose journalière maximale admissible
Pouvoir sucrant par rapport à celui du saccharose considéré comme égal à 1
Édulcorants intense dans l’offre alimentaire
(Oqali-ANSES 2012)
Édulcorants : le pour et le contre
• Avantages :
• - goût sucré sans apport calorique : régime
hypocalorique, régime de maintien du poids corporel,
sujets diabétiques
• - facilité d’emploi d'emploi (tablettes, poudre, etc.).
• Réserves :
- entretiennent le goût pour le sucre, incitent à choisir des
produits plus sucrés : indirectement obésogènes?
- faible réponse insulinique au goût sucré.
 Quel impact réel sur la santé ?
Edulcorants intenses :
impact sur la faim et la consommation / comparateur
Impact sur le poids ?
While many of the existing studies cannot identify any causal links between use of
LES and appetite for sweetness, randomized trials in children and adults suggest that
use of LES tends to reduce rather than increase the intake of sugar containing
foods and to facilitate, rather than impair, weight loss.
France Bellisle : Intense Sweeteners, Appetite for the Sweet Taste,
and Relationship to Weight Management Curr Obes Rep (2015) 4:106–110
Santé publique : quelle place pour les
édulcorants ?
• Recommandations :
• dans un contexte de politique nutritionnelle où l’un des objectifs
prioritaires est la réduction des apports en sucres dans la
population générale, l’Anses estime (mise à jour juin 2016) qu’il
n’existe pas d’élément probant permettant d’encourager, dans le
cadre d’une politique de santé publique, la substitution des sucres
par des édulcorants intenses.
• L’objectif de réduction des apports en sucres doit être atteint par la
réduction globale du goût sucré de l’alimentation, et ce dès le plus
jeune âge.
• L’Anses recommande que les boissons édulcorées et les boissons
sucrées ne se substituent pas à la consommation d’eau.
Édulcorants : conclusions
???
Ni diable ni panacée
Utilisation limitée et concertée
Pas de toxicité démontrée à la DJA
Pas d’intérêt dans l’alimentation quotidienne
Peu de justificatifs dans l’industrie
Ne modifie pas la faim
Ne permet pas de perdre du poids
Utilisation de gré à gré chez le diabétique
Auxiliaire diététique possible
Merci de votre attention …