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Avantages et risques de la dissection ganglionnaire
inguino-fémorale vidéo-endoscopique
● D. Dargent, K. Nessah, P. Mathevet, S. Schettini, T. Gargiulo*
L
e curage inguinal est probablement la plus simple des
opérations du répertoire carcinologique. L’accès au
triangle de Scarpa est facile. L’anatomie de la région
est simple. Les ganglions lymphatiques sont peu nombreux. Ils
sont répartis dans une zone précise (en dedans de la veine
fémorale, au-dessus et au-dessous de la crosse de la veine
saphène interne). Le risque nerveux, au cours de la dissection,
est nul (le nerf fémoral ne traverse pas la région concernée). Le
risque vasculaire, certes, existe. Mais il est facile à contrôler.
Bien qu’étant extrêmement simple dans son exécution, le
curage inguinal expose à deux complications, qui ne mettent
pas le pronostic vital en jeu mais qui sont très préoccupantes.
La première est le lâchage, qui conduit à des hospitalisations
prolongées. La deuxième est le lymphœdème du membre inférieur, qui peut représenter un handicap majeur et devant lequel
* Hôpital Édouard-Herriot, place d’Arsonval, 69437, Lyon Cedex 03.
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on reste aujourd’hui désarmé. Or, le curage inguinal reste
indispensable. L’essai GOG 1 a prouvé qu’il ne pouvait pas
être remplacé par la radiothérapie (la différence était si nette
que l’étude a été interrompue après 25 cas).
La technique vidéo-endoscopique que nous utilisons depuis le
mois de juillet de l’année 1994 vise à abolir les deux principales
complications postopératoires. L’objectif de ce travail est d’évaluer les avantages et les risques de cette nouvelle opération.
TECHNIQUE
Entre juillet 1994 et décembre 1997, la technique a été modifiée. Nous avons, entre juillet 1994 et juillet 1996, utilisé une
première technique inspirée de la technique décrite par
Suzanne pour l’exécution du curage axillaire. Depuis juillet
1996, nous utilisons une technique originale faisant appel au
suspenseur de la paroi.
La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999
Première technique
Avant de démarrer l’exploration vidéo-endoscopique du triangle de Scarpa, on doit en marquer les limites : épine iliaque
antéro-supérieure, épine du pubis et croisement du muscle couturier et du muscle moyen adducteur. On marque également le
point où se projette sur la peau la crosse de la saphène interne
(deux travers de doigt en dehors et deux travers en dessous de
l’épine du pubis).
L’opération commence avec une infiltration du triangle de
Scarpa. Cette infiltration est faite avec 200 ml de sérum physiologique additionné d’une ampoule de 20 ml de lidocaïne
adrénalinée à 20 %. Une incision est faite à la pointe du triangle de Scarpa. Cette incision permet d’introduire une canule
de Karmann de calibre 6. En connectant cette canule à un aspirateur développant une pression négative d’une atmosphère, on
réalise, en une dizaine de minutes, l’évidement graisseux du
triangle de Scarpa.
Quand les manœuvres de liposuccion deviennent inopérantes,
on agrandit l’incision inguinale inférieure et on introduit un
trocart laparoscopique de 10 mm muni d’un système pneumatique de coaptation aux berges de la plaie (Blunt Tip Origin®).
On insuffle la zone évidée au gaz carbonique à travers le trocart endoscopique, puis on introduit le laparoscope. On introduit ensuite, par deux portes ouvertes de part et d’autre des
bords du triangle, les instruments opérateurs.
La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999
Le premier élément repéré est en général la collatérale verticale de la veine saphène interne (veine saphène accessoire).
C’est parfois la veine épigastrique superficielle ou la veine circonflexe superficielle. Toutes ces veines sont des affluents de
la crosse de la veine saphène interne. Il suffit de suivre celle
qu’on a trouvée pour arriver à la crosse de la saphène, puis à la
veine fémorale. Pour parvenir à cette dernière, il faut ouvrir le
fascia femoralis. L’artère fémorale est souvent repérée avant la
veine. L’objectif final est de dénuder complètement, sur sa
face médiale, le trépied vasculaire (veine saphène interne,
veine fémorale et artère fémorale). Il faut, vers le haut, aller
jusqu’à l’anneau fémoral (ganglion de Cloquet), mais il est
inutile de disséquer la région située en dehors de l’artère
fémorale.
Deuxième technique
Dans la deuxième technique, le marquage de la zone à traiter est
effectué comme dans la première. On commence d’emblée par
les micro-incisions réalisées à la pointe du triangle. On s’arrête
en arrière du fascia superficialis (à 5 mm de la peau en général).
Puis on décolle le lambeau supérieur sous protection d’un
rétracteur de Farabeuf en se dirigeant vers la crosse de la
saphène interne. Dès que le forage est amorcé, on remplace le
rétracteur de Farabeuf par un rétracteur lumineux à angle droit
(laryngoscope pédiatrique). On s’arrête quand on a atteint le
ligament inguinal (arcade crurale des anciennes descriptions
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anatomiques). Le cylindre creux qu’on a aménagé initialement
est agrandi latéralement sous contrôle de la vue. Le rétracteur
Laparofan® (Origin) est installé. Les valves en sont écartées.
L’instrument est enfin connecté au Laparolift® (Origin). On
exerce, grâce au bras hydraulique du Laparolift®, une traction
appropriée. On introduit, sous protection d’une gaine de caoutchouc, un laparoscope dans l’espace qu’on a ouvert. On introduit ensuite par deux portes latérales les instruments et on peut
commencer la dissection. Cette dissection est entièrement faite
sous contrôle de la vue. Les lobules adipeux contenant des
micro-ganglions, qui sont, dans la première technique, enlevés
par aspiration, sont, ici, enlevés de façon chirurgicale (figure 1).
Figure 1. Le trépied vasculaire à la fin d’une dissection vidéo-endoscopique
gazless. La dissection a été faite sur le triangle de Scarpa du côté gauche.
La crosse de la face de la veine saphène interne est au centre de la figure.
On voit deux affluents “céphaliques” : la veine épigastrique superficielle
et la veine circonflexe superficielle. Un affluent “podalique” a été coupé
(CLIP) : la veine saphène accessoire. La veine fémorale et l’artère fémorale sont visibles.
MATÉRIEL
Entre juillet 1994 et décembre 1997, nous avons pratiqué une
exploration vidéo-endoscopique du triangle de Scarpa chez
25 patientes. La plus jeune avait 33 ans, la plus âgée 89 ans.
Toutes sauf une étaient atteintes d’un cancer infiltrant de la
vulve. La tumeur était de type T1 dans 10 cas, T2 dans 12 cas
et T4 dans 2 cas. La dernière malade était atteinte d’un cancer
du tiers inférieur du vagin.
Dans 19 cas, la palpation inguinale était négative. Dans 16 de
ces cas, le cancer était développé sur la partie latérale de la
vulve. Dans 3 de ces cas, il était développé dans la région clitoridienne. Pour les 16 premières malades, on a fait un curage
unilatéral (du côté où siégeait la lésion). Pour les 3 autres, on a
fait un curage bilatéral. Dans 6 cas, la palpation révélait l’existence d’une adénopathie métastatique unilatérale. On a fait, du
côté atteint, un curage “ouvert”, et on a contrôlé le côté controlatéral par la technique vidéo-endoscopique. Au total, on a
donc fait 28 dissections vidéo-endoscopiques.
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RÉSULTATS
La durée moyenne du curage vidéo-endoscopique est de
l’ordre d’une heure et quart à une heure et demie. Il n’y a pas
de différence entre la technique n° 1 et la technique n° 2. Le
nombre moyen des ganglions retirés est de l’ordre de 7. Il n’y
a pas, là non plus, de différence entre les deux techniques.
Les complications postopératoires se limitent aux lymphocèles,
qui s’observent dans près de 30 % des cas. Il n’y a pas de différence entre les deux techniques pour ce qui concerne la fréquence de cette complication, qui est facile à traiter et n’impose
pas une hospitalisation prolongée. Les défauts de cicatrisation,
étant donné l’exiguïté des incisions, n’existent pas. Nous
n’avons pas non plus observé le moindre lymphœdème.
La question des récidives est la plus préoccupante. Nous en
avons observé deux, de type et de signification différents.
La première récidive est survenue dans les jours qui ont suivi
un curage inguinal réalisé avec la première technique. Un premier ganglion métastatique avait été extrait. On a poursuivi la
dissection par la technique vidéo-endoscopique. L’un des ganglions mis en évidence sur la pièce de dissection endoscopique
s’est avéré lui aussi positif. Les orifices cutanés ont été “parés”
avant d’être fermés. Dans les jours qui ont suivi, la peau a pris
un aspect marbré qui a fait penser à un hématome. On a vu
rapidement apparaître des nodules de perméation, et le diagnostic de lymphangite carcinomateuse a été fait grâce à la biopsie.
La radiothérapie inguinale a permis d’obtenir une régression
des signes locaux, mais des métastases pleuro-pulmonaires se
sont développées et ont emporté le malade en moins de trois
mois. C’est cette observation qui nous a conduits à modifier la
technique et à recourir à la technique “gazless”.
La deuxième récidive a été observée chez une patiente opérée
selon la technique gazless. Cette récidive a été découverte à
l’occasion du deuxième examen trimestriel de surveillance.
Elle se présentait comme une tuméfaction arrondie de 4 cm de
diamètre développée au devant du pubis, juste en dessous et en
dehors de l’épine. La ponction était positive. Une adénectomie
a été réalisée. Une radiothérapie complémentaire a été administrée. La patiente était libre de tout symptôme un an après
cette reprise.
DISCUSSION
Les avantages “chirurgicaux” de la dissection inguino-fémorale vidéo-endoscopique sont évidents. L’absence de lâchage
permet de raccourcir très sensiblement la durée moyenne de
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l’hospitalisation, qui n’est plus conditionnée que par la cicatrisation de la vulvectomie complémentaire. L’absence de lymphœdème est un autre avantage très appréciable.
L’inconvénient de la dissection vidéo-endoscopique est de ne
pas mettre à l’abri des récurrences. Ce phénomène, en fait, est
également observé après les dissections “ouvertes”, mais il est
peut-être favorisé par la dissection vidéo-endoscopique.
Dans la première technique, on peut accuser la liposuccion,
dont l’objectif est d’évacuer la graisse et les micro-ganglions
qu’elle contient. Si ces ganglions sont atteints, le traumatisme
lié à leur aspiration peut aboutir à l’ouverture de la capsule et à
l’essaimage des cellules cancéreuses. La lymphangite carcinomateuse que nous avons observée après une dissection faite
selon cette technique nous a conduits à l’abandonner.
Dans la deuxième technique, on peut, car la dissection est
moins facile, oublier un ou plusieurs ganglions. C’est ce qui
s’est passé dans notre observation. Un tel oubli peut être évité
si l’on s’attache à bien identifier les repères anatomiques. Le
trépied vasculaire doit être bien visualisé à la fin de la dissection endoscopique. Il faut également bien visualiser l’orifice
externe du canal inguinal, en vérifiant par transparence qu’on a
bien évidé la zone située en regard de l’épine du pubis.
CONCLUSION
La technique vidéo-endoscopique, sous condition de certaines
précautions (rejeter la liposuccion première, faire un évidement complet et, en cas de positivité, passer à la technique
ouverte), représente une alternative intéressante à la technique
“ouverte” pour la réalisation du curage inguinal. Mais l’avenir
se situe plutôt dans les recherches concernant le “ganglion sentinelle”. À partir du moment où il aura été formellement établi
que le ganglion sentinelle a une “valeur probatoire” absolue ou
voisine de l’absolu, on se contentera d’enlever ce ganglion. Si
le ganglion est négatif, le curage, fût-il vidéo-endoscopique, ne
se justifiera pas. Dans le cas contraire, c’est évidemment au
curage “ouvert” qu’il faudra recourir.
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POUR EN SAVOIR PLUS
❒ Stehman F.B., Bundy B.N., Thomas G. et coll. Groin dissection versus
groin radiation in carcinoma of the vulva : a gynecologic group study. Int
J Radiat Oncol 1992 ; 24 : 389.
Erratum...
Dans le numéro 244 de La Lettre du Gynécologue, il fallait lire p. 17 dans le tableau II :
Pour le fœtus et le nouveau-né :Hypotrophie du nouveau-né.
La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999
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