Pourquoi la France est-elle championne d`Europe de l`actionnariat

Transcription

Pourquoi la France est-elle championne d`Europe de l`actionnariat
Pourquoi la France est-elle
championne d’Europe de
l’actionnariat salarié ?
La France est le pays européen dans lequel l’actionnariat
salarié est le plus répandu. Ainsi, près de 3 millions de
salariés sont également actionnaires de leur entreprise.
A quoi est dû cette particularité française et est-elle amenée
à durer ? Eléments de réponse.
Ils sont venus, ils sont tous là... Les rencontres pour l’épargne salariale, organisées par
l’association Fondact le 20 septembre 2016 à la maison de la chimie à Paris, ont réuni la
plupart des acteurs de ce secteur encore méconnu du grand public. Pourtant, l’épargne
salariale, qui regroupe des choses aussi variées que la participation, l’intéressement ou
le Perco, est bien installée dans de nombreuses entreprises. De son côté, l’actionnariat
salarié, soit le fait de se voir attribuer des parts de la société dans laquelle on est employé, est même une discipline dans laquelle la France est championne d’Europe depuis
plusieurs années.
Et c’est une nouvelle fois le cas en 2016, selon l’étude sur l’actionnariat salarié en France
et en Europe réalisée par le cabinet de conseil Eres dont les résultats ont été publiés le
13 septembre 2016. Ainsi, «77% des entreprises françaises cotées ont des plans
d’actionnariat pour l’ensemble de leurs salariés contre une moyenne européenne de
47%» détaille l’étude. Ce sont donc près de 2,8 millions de salariés d’entreprise française qui sont également détenteurs de parts, soit 37,2% de l’ensemble des salariés
(contre seulement 23% en Europe). Comment expliquer que l’actionnariat salarié, qui
implique le salarié aux gains autant qu’il l’expose aux pertes de sa propre entreprise,
rencontre autant de succès dans notre pays par rapport aux autres Etats européens ? Il
y a plusieurs réponses possibles à cette question.
Une vieille tradition
Lors des rencontres pour l’épargne salariale, la table ronde ayant pour thème «Comment
renforcer l’actionnariat salarié» réunissait deux responsables de grands groupes français :
Orange et Essilor. Pour ce dernier, c’était le directeur général adjoint du groupe, Paul du
Saillant, qui était présent. Il est revenu sur l’histoire d’Essilor, né de deux entreprises,
Essel et Silor, fondées respectivement en 1849 et 1931. Essel était à l’origine une coopérative de treize ouvriers lunetiers parisiens, ce qui fait dire à Paul du Saillant que la
tradition d’actionnariat salarié a cet instant-là pour origine. Les salariés d’Essilor ont donc
toujours été associés aux résultats et décisions du groupe. A l’heure actuelle, les actionnaires salariés du lunetier aux quatre coins du globe sont regroupés dans une communauté appelée Valoptec, crée en 1972 au moment de la fusion entre Essel et Silor. Ses
6.000 membres détiennent à eux-seuls 6,5% du capital de l’entreprise.
Chez Orange, anciennement France Télécom, la tradition d’actionnariat salarié est évidemment très forte aussi. Pour preuve, si 1 salarié d’Essilor sur 5 est détenteur de titres
du groupe, ce taux monte à 4 salariés sur 5 chez Orange ! En revanche la part du capital
détenue est légèrement plus faible, à 5,47%.
Des performances meilleures que celles de l’actionnariat classique
L’étude d’Eres apporte un nouvel élément important : la rentabilité des opérations
d’actionnariat salarié sur 5 ans. Et les résultats sont plutôt positifs : «Les salariés ayant
souscrit à une opération d’actionnariat salarié (augmentation de capital réservée ou cession
d’actions), réalisée par les entreprises du SBF120 (Cac 40 et Next 80, ndlr) entre 2006
et 2010, ont été gagnants dans 72% des cas», selon Eres. Le spécialiste de l’épargne
salariale ajoute que «l’abondement et la décote permettent de limiter sensiblement le
risque pris par les salariés». Concrètement, un salarié qui a investi 100 euros en titres de
son entreprise entre 2006 et 2010 aura bénéficié d’un gain moyen de 78%, qui est, de plus,
«exonéré d’impôt sur les plus-values grâce au régime dérogatoire du PEE», précise Eres.
Une ombre au tableau
Tout n’est pourtant pas si rose dans le monde de l’actionnariat salarié. Ainsi, l’étude
d’Eres montre aussi que la tendance n’est pas franchement à la hausse... Ainsi, les
chiffres cités plus haut sont en réalité bien moins élevés que ceux des années précédentes : le pourcentage d’entreprises dotées d’un plan d’actionnariat salarié était de
82% en 2013 et 80% en 2014 (77% en 2015) et le pourcentage de salariés concernés
par ces dispositifs a perdu 10 points en deux ans, passant de 47,2 à 37,2%. Comme le
rappelle Eres, cette baisse est commune à tous les pays européens. Etre champion
continental ne préserve donc pas du déclin...
Comme pour conjurer le mauvais sort, les différents intervenants des rencontres pour
l’épargne salariale ont martelé leur conviction profonde : l’actionnariat salarié est le meilleur moyen de réconcilier les Français avec l’entreprise. Ainsi, selon Loïc Desmouceaux,
délégué général de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et
d’anciens salariés (FAS), ce dispositif permet de «dépasser les vieux antagonismes entre
le travail et le capital» et de mettre du lien «entre la performance économique et le bienêtre social».
Pour Michel Bon, président de l’association Fondact à l’origine des rencontres, l’entreprise
est «le premier moteur de l’intégration dans la société et dans l’économie» et «la généralisation de l’actionnariat salarié et du partage de la performance améliore le rendement
de ce moteur». Des déclarations en forme de piqûres de rappel aux différents candidats
à l’élection présidentielle, afin qu’ils ne délaissent pas l’actionnariat salarié, et le monde
de l’entreprise en général, dans leurs discours de campagne.
Source : La Tribune
L’actionnaire salarié, plus souvent
gagnant que les autres
Les salariés des entreprises du SBF120 ayant souscrit à une
opération d’actionnariat salarié réalisée entre 2006 et 2010
ont été gagnants dans 72 % des cas, contre 60 % pour un
actionnaire traditionnel.
C’est un coin enfoncé dans la théorie de ceux qui voient l’actionnariat salarié comme un
risque supplémentaire que les entreprises feraient courir à leurs salariés. Selon l’étude
annuelle réalisée par le cabinet Eres – qui, pour la première fois, s’est intéressé à la
performance des opérations d’actionnariat salarié dans le SBF120 –, les salariés ayant
décidé de monter au capital de leur entreprise (par augmentation de capital réservée ou
par cession d’actions) entre 2006 et 2010 ont été gagnants dans 72 % des cas, pour peu
qu’ils bénéficient d’une décote et du versement d’un dividende, alors qu’un actionnaire
traditionnel ne l’aurait été qu’à 60 %.
Un taux de succès qui, logiquement, s’améliore si le salarié bénéficie d’un coup de
pouce financier de la part de son entreprise : de 79 % pour un abondement de 25 %, il
peut grimper jusqu’à 97 % si la participation de l’employeur atteint le plafond légal, soit
300 %. « Or, on constate que 60 à 70 % des opérations se font avec un abondement,
assure Olivier de Fontenay, associé fondateur d’Eres. En moyenne, le risque pour un
salarié de ne pas retrouver sa mise de départ est donc très limité ». Surtout s’il décide
de souscrire régulièrement aux opérations qui sont proposées : les pertes consenties
lors d’une « opération perdante » pouvant être compensées par les gains engrangés à
l’occasion d’une « opération gagnante ».
Des opérations toujours plus importantes
D’autant que ces derniers sont souvent substantiels : entre 2006 et 2010, pour 100 euros
investis, les actionnaires salariés du SBF120 ont réalisé un gain moyen de 78 % (décote
et dividende compris, hors abondement). Avec un abondement de 25 %, il peut même
attendre 117 %, 158 % pour un abondement de 50 %, 195 % pour un taux de 75 % et
jusqu’à 547 % avec 300 % d’abondement. « Ce niveau de performance cumulé sur cinq
ans bat, et de loin, n’importe quel autre placement », se réjouit Jérôme Dedeyan, associé
chez Eres.
Une rentabilité très importante qui explique, sans doute, en grande partie, le succès
rencontré par l’actionnariat salarié en France, toujours championne d’Europe en la
matière. Si la part d’actionnaires salariés dans les entreprises du SBF120 est en net recul
(de 44,4 % en 2014 à 37,2 % en 2015), la taille des opérations (105,2 millions d’euros en
moyenne en 2015 contre 89 millions l’année précédente) et le montant moyen souscrit
(6.060 euros l’an passé contre 5.350 euros en 2014 et 4.760 euros en 2013) continuent
d’augmenter, avec un nombre d’opérations réalisées qui reste stable (27 en 2015 contre
29 en 2014, et 18, déjà, au cours du premier semestre 2016). « Si le taux de souscription
est globalement le même, compris, en général, entre 30 et 40 %, cette diminution de
la part d’actionnaires salariés dans les entreprises du SBF120 peut s’expliquer par
l’alourdissement de la fiscalité pesant sur les plans d’actions gratuites mondiaux et
collectifs. Il a très probablement dissuadé certains groupes d’en réaliser alors qu’ils ont
un impact très fort puisqu’ils touchent automatiquement 100 % des salariés », conclut
Olivier de Fontenay.
Source : Les Echos