Prince

Transcription

Prince
94 East », publié en 1986 sur Hot Pink. A l’automne 1976, l’agent Owen Husney et l’avoué
Gary Levinson, fondateurs de la compagnie American Artists, financent des maquettes de qualité
de celui qu’on va surnommer le nain pourpre en
raison de sa taille ne dépassant guère 1,55 m.
Deux firmes new-yorkaises s’intéressent à ses
maquettes, mais Prince refuse leurs propositions
parce qu’on ne veut pas le laisser réaliser luimême ses enregistrements.
I WANNA BE YOUR LOVER
Jacques Barsamian revient sur la première
partie de la riche et longue carrière de Prince,
un personnage controversé, extravagant. Un
phénomène unique. Ainsi quand il débarque
en studio avec une chanson dans la tête, il
l’enregistre, puis ajoute des pistes et mixe le
tout d’un seul jet contrairement à la plupart
des artistes qui s’attardent sur leurs titres.
Ses talents de danseur, guitariste et meneur
de revue offrent un spectacle d’immense
qualité. Inspiré entre autres par le funk de Sly
Stone, Shuggie Otis et George Clinton, il est
l’un des artistes les plus novateurs des années 80. Miles Davis disait de lui qu’il était le
nouveau Duke Ellington, Eric Clapton affirmant qu’il est l’un des plus grands guitaristes
au monde.
M
M
usicien autodidacte hors pair et inventif,
maîtrisant une trentaine d’instruments,
membre du prestigieux Rock & Roll Hall Of
Fame, Prince Rogers Nelson est né à Minneapolis (Minnesota) le 7 juin 1958. Son prénom, il le
doit à son père, plâtrier à l’usine Honeywell, excellent pianiste de jazz et leader du Prince Rodgers Trio où chante occasionnellement sa mère
Mattie, qui a 16 ans de moins que son mari. A
cinq ans, il voit pour la première fois sur scène
son géniteur dans un dancing d’Austin (Minnesota) : Ma mère avait quelque chose à lui dire. Elle
m’a laissé seul dans la voiture pour aller lui parler.
Curieux, voulant savoir ce qui se passait, je n’ai
pas pu résister, je suis entré dans le hall d’entrée
où j’ai entendu des gens criant de plaisir. C’est à
ce moment-là que j’ai pensé que, plus grand, j’aimerais connaître de telles sensations. A l’école,
de nature solitaire, on le surnomme Princess ou
Butcher Dog parce qu’il ressemble à un berger
d’Alsace. Il apprend seul à jouer du piano, reprenant les thèmes de ses séries télévisées favorites,
« Batman » et « The Man From Uncle ». Mais
chanter ne le tente guère. Il a trop peur qu’on rit
de lui en public : A huit ans, je savais pratiquement tout ce qu’il fallait connaître à propos du
piano. J’ai pris une unique leçon, abandonnant
parce que le professeur voulait m’imposer trop de
choses. Alors qu’il a dix ans, sa mère se remarie.
Il déteste son beau-père dès l’instant où il le rencontre, surtout qu’il lui ramène huit demi-frères et
sœurs : Il a fait une grave erreur. S’il nous apportait sans cesse des cadeaux, par contre il ne s’asseyait jamais avec moi pour me donner un peu
d’affection. J’en avais tant besoin ! C’est cependant Hayward Baker qui l’emmènera voir son premier concert de James Brown. Expérience qui
marquera à jamais sa future carrière : Ce fut un
choc, comme la première fois où j’ai vu mon paternel jouer. Pour James Brown, mon beau-père
m’a même fait monter sur scène. J’ai dansé
quelques instants jusqu’à ce que ses gardes du
corps me fassent redescendre. Les comparaisons
ne manqueront pas entre le parrain de la soul et
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lui, une fois la célébrité arrivée. James Brown
commente : Il est incontestable que Prince veut
me ressembler. Seulement, moi, je ne fais rien de
vulgaire sur scène. En vérité, je trouve Prince plus
proche de Little Richard que de moi.
LE KID
Prince s’enfuit de chez lui à douze ans, errant çà
et là : La présence de mon beau-père m’a forcé à
quitter le foyer familial. Pendant un moment, j’ai
habité chez une tante, puis avec mon père. Cela
n’a pas duré très longtemps. Il était aussi buté que
moi ! C’est son père qui lui offre sa première guitare dont il apprend aussi à jouer seul. En 1972,
son cousin, le batteur Charles Smith, le recommande à son orchestre Grand Station, des étudiants comme lui qui reprennent les derniers succès que le Kid de Minneapolis arrange. En 1973,
écumant hôtels et soirées d’étudiants, Grand
Central devient Champagne avec Prince pour
leader. Charles Smith est remplacé à la batterie
par Morris Day. La basse est tenue par André Cymone, un copain de Prince que sa famille a accueilli chez elle, qui se produira jusqu’en 1981
plus ou moins régulièrement avec lui. Sa sœur
Linda assure les claviers. Quand Champagne se
sépare, Prince décide de voler de ses propres
ailes. Jouant désormais aussi du saxo, de la
basse et de la batterie avant de maîtriser une
vingtaine d’instruments, il devient un musicien de
studio et écrit ses premiers morceaux sous l’influence de pointures de la musique noire mais
aussi de vedettes blanches telle la chanteuse folk
Joni Mitchell. A l’époque, je faisais des titres de
six-sept minutes et ils avaient quelque chose
d’étrange, voire de terrifiant. Cela me plaisait. Je
voulais être accepté à ma valeur, plus que pour
l’argent que j’étais susceptible de gagner. En
1974, Prince est à la tête de Flyte Tyme, dont fait
partie le chanteur Alexander O’Neal. En 1976, il
accompagne Pepe Lewis, artiste de Brooklyn
produit par Hank Cosby pour Motown, source de
l’album instrumental « The Minneapolis Genius :
En mars 1977, en
fin de compte, il
opte pour Warner,
séduit par son style,
qui lui signe un
contrat longue durée
avec
une
avance de 100 000
dollars. En avril 1978
paraît son premier 33 tours,
« For You », enregistré en cinq mois. Il y joue pratiquement tout
aux synthés. Les ventes déçoivent car chez Warner on ne sait comment le lancer. Comme un
disque black, disco ou de variété ? Mes chansons
n’entrent pas dans une catégorie particulière, tellement elles sont différentes les unes des autres.
Je propose du funk, du hard rock, quant au titre
« For You », il est tout ce qu’il y a de classique. Un
peu comme pour Earth, Wind & Fire, qu’on reconnaît dès qu’on les entend, il est difficile de
donner une étiquette à ma musique. Si l’album ne
fait que 163e, le simple « Soft & Wet » est 92e Hot
100, 12e R&B, se vendant à 350 000 exemplaires.
Autre extrait, « Just As Long As We Are Together » ne se classe pas. Faire de la scène tient à
cœur à Prince qui, en janvier 1979, fait ses débuts
en solo au Capri de Minneapolis. A l’instar de Sly
& The Family Stone plus tôt, il est accompagné
par un ensemble hétéroclite. A propos de son
rêve devenu réalité : La majorité des musiciens
noirs que je connaissais ne jouaient qu’un seul
style, le funk. J’ai donc monté un groupe avec des
Noirs mais également des Blancs. J’ai choisi volontairement des musiciens méconnus de ma ville
natale, tout frais. Outre André Cymone à la basse,
la formation comprend Bobby Z (batterie), Dez
Dickerson (guitare), Gayle Chapman et Matt Fink
(claviers). En février, Prince quitte American Artists. Cavallo & Ruffalo, managers d’Earth, Wind
& Fire, et Ray Parker Jr., le reprennent en main. En
octobre 1979 sort
son
deuxième
album, éponyme. Il
se classe 22e et se
vend à 500 000
exemplaires, score
qui sera par la suite
doublé. Du 1er au 14
décembre, il est N°1
R&B avec « I Wanna
Be Your Lover »,
11e Hot 100. Ce 45
tours lui vaut son
entrée au Royaumee
Uni, 41 . Le 33 tours inclut aussi « Why You Wanna
e
Treat Me So Bad ? », 13 R&B, et « I Feel For You »
dont Chaka Khan fera un N°1 en 1984. Les plus
grandes émissions le réclament, Soul Train, Midnight Special et surtout American Bandstand de
Dick Clark.
TIME/REVOLUTION
En janvier 1980, déjà critiqué pour son arrogance
par les médias, Prince assure la première partie
d’une tournée de Rick James, chanteur guitariste
punk-funk, révélé deux ans plus tôt grâce à « You
And I », qui a fait partie dans les années 60 des
Mynah Birds avec Neil Young, avant de connaître
un hyper tube avec « Super Freak ». Cette association suscite bien des querelles entre les deux
artistes. Rick James déclare : Prince est dérangé
mentalement. Le pire c’est que bien des gens en
font l’un des représentants de l’Amérique alors
qu’il ne veut pas vraiment être considéré comme