ortho magazine - Handicap et Maternité
Transcription
ortho magazine - Handicap et Maternité
MAI/JUIN 14 ORTHO MAGAZINE Bimestriel 62 RUE CAMILLE DESMOULINS 92442 ISSY LES MOULINEAUX CEDE - 01 71 16 55 00 Surface approx. (cm²) : 1042 N° de page : 8-9 Page 1/2 EJrtho magazine UHC journée aVCC... Béatrice Idiard-Chamois sage-femme en fauteuil roulant I Béatrice Idiard-Chamois est sage-femme à l'institut mutualiste Montsouns (IMM) I Elle propose une consultation pour recevoir et accompagner les personnes en situation de handicap moteur ou sensoriel désirant un enfant I Elle est la seule en France à le faire I Elle-même est en fauteuil roulant. E n 2002, à l'initiative dc la journaliste Delphine Siegrist, elle-même atteinte d'un handicap moteur, la mission Handicap dc l'Assistance publiqueHôpitaux de Paris (AP-HP) se lance dans l'organisation d'un colloque « Vie de femme et handicap moteur - sexualité et maternité », prévu poil! la Journée de la Femme de l'année suivante, Ic 7 mars 2003. Béatrice Idiard-Chamois participe activement à son organisation, dans un enthousiasme partagé. Elle-même mère et atteinte d'une maladie génétique rare faisant qu'elle est en fauteuil aujourd'hui, elle sait à quel point Ie parcours d'une femme handicapée est difficile. Mais Faprès-colloque la déçoit, elle s'aperçoit très vite « que les choses ne bougent que sw lf papier ». Elle fait de la reconnaissance du droit à la parentalité chez les personnes handicapées un combat. Premier objectif: ciéei une consultation pour les femmes en situation de handicap moteur et sensoriel. Uniquement? Elle nous explique. « Tf ha» dicap moteur mi sensoriel heurte déjà beaucoup le personnel soignant, alors k handicap mental, je vous laisse imaginer, surtout quand ll y u un désir de grossesse, il }ades questions smic devenir de l'enfant qui bousculent. » Béatrice constate que la question de la sexualité dérange: « On nous considère souvent comme des personnes asexuées ne pouvant pas avoir de rapports, ne pouvant pas enfants. Cela est encore hifi/ ancré chez fes soignants. Un peu moins à Montsouns, car Hy a du débnefing et de la formation mais (a reste difficile » Elle poursuit « Nns politiques ont oublié notre droit à une vie affective. Le sujet reste tabou. Et la société ne propose aucune aide aux mères en situation de handicap. » UNE CONSULTATION INÉDITE Béatrice se forme durant trois ans de facon poussée en neutologie Aucune formation spécifique n'existant, elle se retrouve à suivre des enseignements avec des ergothérapeutes, des psychomotricicns, dcs MNH 4807980400501/GFP/MVD/3 orthophonistes, dcs medecins dc medecine physique et réadaptation, des urologues... En lexandie au Centie d'ouveiture psy chologiquc ct sociale (Copes), la rencontre de la formatrice sur le handicap sensoriel s'avérera déterminante: la puéricultrice Edith Thoueille avec laquelle elle travaille dorénavant. Béatrice nous explique- « Elle rn 'a beaucoup apporté, notamment sur les pathologies de la grossesse, et, moi, après, j'ai repris taille la physiologie visuelle et je me suis dit: qu 'est-ce qui va ètre différent dans le cadre de telle ou, telle pathologie ?J'ai mis alors au point iles protocoles basés sur mes apprentissages théoriques que j'affine sans cesse avec ma clinique. » Béatrice nous donne l'exemple du teulie de gravité qui se déplace lors de la grossesse faisant que les femmes marchent petit à petit les jambes écartées Elles augmentent le périmètre de sustentation et se cambrent pour garder l'équilibre. Elle nous informe : « Dans lout ce qui est atteinte neurologique, on va donc avoir automatiquement des troubles de l'équilibre, c'est la logique. De la même façon, pour les femmes qui ont des amputations des membres inférieurs, avec les œdèmes de la grossesse el les troubles de l'équilibre, elles ne vont pas pouvoir mettre leur prothèse. Voilà, ce sont ces choseslà qu'il faut prévoir pour pouvoir proposer une prise en charge adaptée » LA COMMUNICATION AVEC SES PATIENTES Amblyope sévère, Béatrice est non-voyante jusqu'à une première intervention à l'âge de 15 ans qui lui a permis de récupérer une mfime partie de sa vue. Lorsque des patientes malvoyantes viennent la rencontrer, Béatrice est très précise dans les questions qu'elle pose: ont-elles vu ou non? (la lepiésentation en SD sera différente pour une personne ayant vu). Que perçoivent-elles? Par exemple, une peisonne voyante qui ferme les yeux voit noir, ce qui n'est pas le cas pour une personne non-voyante. Pour ces patientes. Beatrice Tous droits réservés à l'éditeur communique de façon tactile sur le dos de la main en illustrant ses propos avec le bout de son doigt. Elle propose également des échographies en relief sur des calques thermoformés (réagissant à la chaleur) qui permettent de reproduire en relief les contours du foetus. Béatrice leur fait également sentir leui ventre. Elle précise: « Beaucoup n'aiment pas toucher leur ventre 011 ant peur de le faùe. Cela est vrai pour les non-voyantes, maîs également pour les femmes atteintes de certains troubles neurologiques qui ne sentent pas lmr ventre ou les contractions. » Béatrice se réjouit qu'une élève sage-femme d'Amiens décide de faire son mémoire sur le thème « Haptimnmie, grossesse el handicap ». Elle souhaite se former en haptosynésie, application spécifique de l'haptonomie à l'aide aux personnes malades ou handicapées : « À condition que je sois acceptée! » Béatrice accompagne également des futures mamans sourdes. Pour cela, elle a appris la langue des signes. Elle leur propose des couts de pi éparation à l'accouche ment en langue dcs signes. Lile ne fait pas les accouchements mais peut v assister. Le plus souvent, elle leur explique le déroulement de l'accouchement en langue des signes, puis demande aux sages-femmes qui vont s'occuper d'elle de ne pas mettre de masques pour faciliter la lecture labiale. Béatrice est facilement joignable sur son téléphone pai l'ensemble de ses patientes, qui peuvent l'appeler quand elles le souhaitent. Ainsi, elles ne vont pas plus aux urgences que les patientes valides. UNE SAGE-FEMME AUX CASQUETTES MULTIPLES «Je fais aussi fonction d'assistante sociale», nous confie Béatrice. Elle s'est rapidement aperçue que ses patientes ignorent leurs droits ou bien se voient refuser des aides, par exemple à cause de certificats médicaux incomplets « Les médecins se contentent de ce qu 'ils voient en consultation, MAI/JUIN 14 ORTHO MAGAZINE Bimestriel 62 RUE CAMILLE DESMOULINS 92442 ISSY LES MOULINEAUX CEDE - 01 71 16 55 00 Surface approx. (cm²) : 1042 N° de page : 8-9 Page 2/2 .ES BONS PLANS DE BÉATRICE -iim 1 Handicap et maternité, coréalisé par la Mutuelle nationale des hospitaliers et des jrofessionnels de la santé et du social et le troupe Pasteur Mutualité Portrait de quèlques emmes handicapées qui ont su trouver les ares structures capables de les accompagner fans leur désir d'enfant Sites • www.imn org site de l'institut des maladies leuro-dégénératives • wwwfondationhospitalieresamtemarie com jour répondre aux besoins des personnes lependantes • www.handiparentalite.com. informations, invention, soutien des familles en situation Je handicap • handivol.org sur le thème de la vie sexuelle et jffective des personnes en situation de handicap. mais rt 'arrivent pas à carreler avec ln diffirul tés de la vie. Les certificats sont souvent lemplis en l'absence de la personne concernée en plus! Alors, je rattrape beaucoup de choses. J'obtiens ainsi des aides humaines, des cartes invalidité supérieures au pourcentage. J'en suis à plus de 200 dossiers depuis 2006. » Béatrice a des notions d'ergothérapie pour les femmes enceintes et aussi après la naissance du bébé. Elle prend d'ailleurs des étudiantes en ergothérapie en stage. Elle accompagne ses patients pour les aides techniques. Elle sait si un fauteuil convient ou pas. Elle s'offusque du nombre d'adultes handicapés marginalisés qu'elle voit arriver dans des fauteuils dont l'état fait pâlir. Elle évoque le rapport Jacob1 qui indique que la mortalité chez les peisonnes en situation de handicap est nettement plus élevée que chez les valides, soit par négligence des soins, soit par problème de diagnostic - le médecin pense eti piemiei à un symptôme du handicap. Elle poursuit. « C'est étayé par un rapport du Québec datant de 2010 sur les cancers (tous types) chez les personnes tous handicaps confondus (moteur, sensoriel, mental, psychique); lus se sont aperçus que la prise en charge des cancers était beaucoup plus tardive que chez les personnes valides pensant gué c'est l'expression d'une évolution du handicap, l.'anès aux wms n'est pas léellje suis làpimr MNH 4807980400501/GFP/MVD/3 reconnecter tout ça. Je ne m'intéresse pas qu'à l'utérus et au bébé mais à la personne également qui est en face de moi! » Enfin, Béatrice accompagne également des couples pour l'adoption lorsque certains renoncent à la parentalité, car il y a trop de risques pour la femme, notamment dans les maladies neuromusculaires: les cas de grossesse sont rares, les études et les recherches aussi et souvent discordantes. FORMATION ET PRÉVENTION Le constat de Béatrice est sans appel: le personnel soignant (sages-femmes, gynécologues. ..) n'est pas formé au handicap sauf dans les centres spécialisés qui reçoivent des personnes handicapées. Dans le cas des infirmières ou des aides-soignants, par exemple, il s'agit de modules optionnels.. Béatrice fait donc tout pour transmettre son savoir au plus grand nombre en accueillant des étudiantes sage-temme, en formant des sages-femmes diplômées, en intervenant dans des colloques... Elle ajoute1 « CK connaissances sont essentielles darts la mesure où la prévention joue un rôle Tous droits réservés à l'éditeur primordial dans h prise rn charge de personnes en situation de handicap. » Elle prend l'exemple des blessés médullaires pour lesquels toutes les éludes anglo-saxonnes (pas d'étude française!) détaillent la longue liste des complications liées à la grossesse : escarres, infections urinaires, accouchements prématuiés... Beat!ice est fièie de constater que dans la population qu'elle a établie (30 patientes) et pour laquelle elle a rendu un travail concernant leui prise en chai ge avec ses protocoles, elle n'a plus d'infection urinaire, plus d'accouchement prématuré et plus d'escanes. Elle conclut: « S'il y a mir anticipation de toute la pathe fagie par rapport à la grossesse et ses modifications, ça ne se passe pas plus mal que pour n 'importe queue autre personne. Ihi loup, mes patientes ne se contentent pas d'un enfant maîs en font plutôt deux im trois ! » • Noémie Gendrcm-Bouillori I. Rapport dePascalJacob sur l'accès aux soins et à la santé des personnes handicapées, juin 2013. La phrase de notre invitée du Jour «route personne a sa place sur terre. » L'accès aux soins et a la sante cles personnes handicapées, juin 2013