Faire l`amour quand on a la tête ailleurs

Sylviane Larose, M.A., Sexologue et psychothérapeute
Avoir du plaisir au lit quand on a la tête ailleurs
Une des réalités que rencontrent beaucoup de femmes et d’homme c’est la difficulté à
décrocher du quotidien. En effet, nombreuses sont les personnes qui se retrouvent
dans un moment intime sans y être vraiment.
Comment est-ce possible diront certains d’entre vous ? C’est sûrement plus fréquent
que l’on pense puisque c’est une des difficultés dont les gens parlent régulièrement.
Qui n’a pu s’identifier aux plaintes suivantes à un moment ou un autre de sa vie de
couple ?
Je la caresse mais elle ne réagit pas aux touchers qui habituellement la rendent très
excitée !
Il me touche mais j’ai tellement l’impression que c’est machinal que ça en est
désagréable !
Il m’approche et fait des avances, mais je n’arrive pas à embarquer, rien ne m’excite !
J’ai l’impression qu’elle fait la liste d’épicerie lorsque je la caresse.
Ces plaintes sont de plus en plus fréquentes dans une société où la performance au
travail devient un enjeu grandissant. En effet, depuis de nombreuses années, les
compagnies demandent à leurs employés de faire plus avec moins. Les préoccupations
liées au travail sont envahissantes et il devient difficile de s’en départir lorsqu’on rentre à
la maison.
D’une autre part, il est exigeant de combiner le tout (maison et travail). Ajoutons à cela
qu’il faut en plus avoir une vie de couple saine (en fait on essaye d’y arriver), s’occuper
des besoins des enfants quand on en a et qu’un couple doit avoir une vie sexuelle active
et nous avons ici une recette qu’il est facile de manquer.
Est-il possible d’y arriver, de laisser les soucis et préoccupations du quotidien (travail,
maison, enfants) pour se permettre de décrocher et de s’abandonner dans sa vie
sexuelle ? Certaines personnes vous diront même que pour elles c’est pratiquement
impossible! Elles sont beaucoup trop envahies pour pouvoir avoir du plaisir au lit.
Malgré les efforts faits pour participer à la relations, les pensées envahissantes (travail,
épicerie, courses à faire, maladie d’enfant, organisation des gardiennes, lavage, rendezvous à ne pas oublier, etc.) le sont beaucoup trop pour avoir du plaisir dans leur
sexualité.
La présence dans une relation sexuelle est primordiale pour arriver à ressentir du plaisir.
Vous serez peut-être aussi surpris d’apprendre que votre absence peut être grandement
ressentie par votre partenaire et cela même si vous le caressez et que vous essayez de
participer machinalement. Eh oui ! On peut percevoir votre absence. Comment est-ce
possible ? Mais par la façon dont vous le touchez. Même si les gestes sont les mêmes,
les émotions ou l’absence d’émotions (la présence ou l’absence dans le toucher) peuvent
être perçus par le partenaire. Bien voyons donc direz-vous, est-ce possible ?
Certainement et pour en faire l’expérience, tentez ce petit exercice. Peut-être sera-t-il
révélateur pour votre couple.
Prenez sa main, touchez-la, caressez-la en pensant à votre commande d’épicerie
pendant 30 secondes à une minute, pas plus (le supplice sera suffisamment long). Par
la suite, inversez les rôles.
Échangez sur l’expérience. Vous pourrez constater les émotions qui sont vécues par
chacun d’entre vous dans les deux exercices. Le premier réveille chez de nombreuses
personnes un sentiment de colère. La frustration est grande et le sentiment de ne pas
être important pour le ou la partenaire prédomine.
Refaites le même exercice en considérant la main de l’autre comme la chose la
plus importante au monde pendant 30 secondes à une minute. Par la suite, inversez les
rôles.
Échangez sur l’expérience. Vous pourrez constater que les émotions vécues sont
beaucoup plus positives et que le sentiment d’être important pour l’autre est souvent
celui qui prédomine.
Tout ce que cela nous permet de constater c’est que le fait d’être présent ou d’avoir la
tête ailleurs pendant que l’on touche l’autre peut être ressenti. Mais que faire si l’on est
confronté au fait qu’il nous est difficile d’être présent dans une relation sexuelle, si l’on
réalise faire partie de ces personnes qui sont plus dans leur têtes (dans leurs pensées)
que dans leur sexualité ?
Dans un premier temps, il est important d’évaluer la place que l’on désire laisser à son
travail et celle que l’on souhaite donner à sa relation de couple et à son intimité. Puis il
est important de réaliser l’envahissement de sa vie sexuelle par des éléments extérieurs
et de constater le type d’éléments qui peuvent être particulièrement prenants. Il
devient alors plus facile de tenter de minimiser leur impact dans l’intimité sexuelle. Il
faut tout de même réaliser qu’il peut être difficile pour de nombreuses personnes de
diminuer cet envahissement et qu’il peut leur être nécessaire d’aller chercher un support
dans un processus thérapeutique.
Dans un deuxième temps, je vous suggère d’expérimenter la présence à recevoir. Plutôt
que d’utiliser votre tête pour penser aux solutions à apporter aux difficultés quotidiennes
lorsque vous faites l’amour, utilisez-la pour suivre les mouvements lorsque votre
partenaire vous caresse. (Suivez les caresses dans votre imaginaire, comme si vous
suiviez le film des caresses). Il vous sera plus facile d’être présent à recevoir et vous
aurez ainsi moins tendance à partir sur d’autres fils d’idées. Lorsque vous caresserez
suivez ce que vous faites en vous l’imaginant si vous avez les yeux fermés ou encore en
suivant votre main du regard durant les caresses que vous donnez. Il est plus facile
d’être présent ainsi et le risque d’être envahi par des idées extérieures est moins grand.
Allez-y tentez l’expérience ! Si la difficulté persiste, n’hésitez pas à consulter, la qualité
de votre vie de couple et de votre vie sexuelle en vaut la peine.