À l`aube de son 15e sommet où elle doit élire son
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À l`aube de son 15e sommet où elle doit élire son
DE FRANCOPHONIE À « FRANCONOMIE » ? À l’aube de son 15e sommet où elle doit élire son prochain secrétaire général, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) cherche à se redéfinir. Un alignement nouveau que beaucoup souhaitent résolument orienté vers le développement et la prospérité économiques. La Francophonie mondiale peutelle se muer en « Franconomie » ? Et si sa survie en dépendait… Portrait d’un espace économique qui se cherche, mais dont les possibilités sont immenses et les bénéfices déjà bien réels. 42 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 47 LE FRANÇAIS EN AFFAIRES, C’EST PAYANT ! Parler la même langue facilite les échanges. Mais parler français favorise-t-il le commerce ? Selon la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international, la réponse est oui. Deux de leurs chercheuses ont démontré que l’impact économique du partage de la langue française est bien réel. D’après les calculs de Céline Carrère et Maria Massod, les flux commerciaux entre deux pays de l’espace francophone sont 22% plus important qu’entre deux pays équivalents qui n’en font pas partie. Elles sont également parvenues à la conclusion que l’appartenance à cet espace se traduisait par un supplément de PIB d’environ 6% par habitant. ALAIN LÉNAUD directeur général de Escom Industry (France) « Parler une même langue est source d’efficacité et d’économies », affirme Alain Lénaud avant d’ajouter que « la communication est bien plus limpide lorsqu’on n’a pas besoin de traduction. » Son entreprise commercialise des pylônes pour les réseaux GSM et des candélabres à énergie solaire qui sont conçus en France, fabriqués en Roumaine puis exportés en Afrique où ils sont ensuite installés. Tous les contrats d’Escom Industry sont ainsi rédigés en français. « C’est purement une facilité juridique en cas de litige. Mais c’est aussi un enjeu industriel, car il est très difficile de traduire un cahier de prescriptions ou des spécificités techniques, notamment parce que les métriques sont différents en anglais. » YVON KAMACH président du KGroup (Centrafrique) « Parler français, c’est bien souvent partager plus qu’une simple langue. C’est aussi parfois partager une culture, des valeurs, des codes… Autant de points communs qui facilitent la compréhension, et donc les affaires », estime le premier employeur privé de la République centrafricaine, où la langue de Molière est l’une des deux langues officielles. Dans ses choix d’investissements à l’international, l’anglais n’est pas une barrière pour Yvon Kamach : « On sait que les codes sont différents. Il faut s’adapter. » Le pdg du KGroup avoue toutefois qu’il tisse plus facilement des liens avec des pays comme la France, le Maroc ou le Cameroun. « C’est plus simple de pénétrer un nouveau marché francophone à l’exportation. Les échanges sont moins coûteux et on peut surtout gagner du temps lorsqu’il s’agit de déployer sa communication. » BENOÎT LA SALLE président de Windiga Énergie (Canada) « Les Africains désirent travailler en français. Pour nous qui sommes naturellement bilingues, c’est un avantage compétitif de pouvoir travailler dans leur langue à eux, et ça nous démarque des anglophones qui sont incapables de gérer des équipes francophones », affirme l’entrepreneur québécois, dont la nouvelle société spécialisée dans les énergies renouvelables opère en Afrique centrale et de l’Ouest. Fondateur et pdg de la Semafo jusqu’en 2012, il a exploité trois mines d’or en Guinée, au Niger et au Burkina. « Nos concurrents sud-africains ou du Canada anglais n’atteignaient pas les mêmes résultats. Nos mines marchaient mieux, car elles étaient exploitées en français. Le management est bien plus simple et l’on évite les incompréhensions lorsqu’on parle la même langue. » AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 47 43 DE FRANCOPHONIE À « FRANCONOMIE » ? BUSINESS FRANCOPHONIE UN ESPACE ÉCONOMIQUE À CONCRÉTISER Geoffrey Dirat L’Organisation internationale de la Francophonie est à la croisée des chemins. Parce qu’elle va se choisir un nouveau secrétaire général fin novembre à Dakar. Mais surtout parce que plusieurs appellent à une réorientation de ses missions vers des objectifs économiques. L e 15e sommet des chefs d’États de la Francophonie, qui se tiendra les 29 et 30 novembre à Dakar, sera-t-il placé sous le signe de l’économie ? C’est en tout cas l’espoir des gens d’affaires des 77 pays concernés, qui sont nombreux à appeler de leurs vœux une révision des priorités de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). De la défense du français et de la diversité culturelle à la promotion de la paix ou de la démocratie, en passant par l’appui à l’éducation, « la dimension économique de l’OIF a pâti de ses nombreux autres chantiers », constate ainsi le président de la Chambre de commerce de la capitale sénégalaise, Lamine Niang, qui affirme que « tout ou presque reste à faire en la matière ». Favoriser l’essor des économies de ses pays membres fait pourtant partie des six objectifs de la Francophonie. 44 AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 47 Mais celui-ci se retrouve relégué au quatrième et dernier rang de ses missions - et donc de ses actions - sous l’intitulé « développer la coopération au service du développement durable ». Une position et une formulation qui en disent long. Or, « parler francophonie sans parler développement économique, cela revient à passer à côté de la plaque », considère Georges Fischer. « La langue et la culture, c’est important », convient le directeur des réseaux et partenariats internationaux de la Chambre de commerce de Paris, « mais ce n’est pas la priorité dans les pays du Sud. » Ces critiques formulées depuis des années ont, semble-t-il, été entendues. Dans leur déclaration à l’issue du sommet de Kinshasa, en 2012, les chefs d’États ont demandé à l’OIF de « proposer une stratégie économique pour la Francophonie ». Ce plan, dont les grandes lignes sont tracées, E doit être amendé puis adopté à Dakar. « C’est un texte de moins de 10 pages qui indique les thèmes économiques sur lesquels il est légitime et nécessaire que la Francophonie intervienne et se fasse entendre », indique Hervé Cronel, le conseiller économique du secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf. Cette stratégie spécifie également « les domaines concrets où la Francophonie peut envisager d’agir, en fonction de ses moyens et des partenaires qu’elle pense trouver », précise-t-il. « parler francophonie sans parler développement économique, cela revient à passer à côté de la plaque » Reste à savoir quel compromis sera trouvé entre des pays du Nord plus ou moins en crise, qui lorgnent les marchés et les ressources naturelles de l’Afrique francophone, et ceux du Sud qui réclament davantage de coopération et d’aide au développement économique pour soutenir leur croissance. Seule certitude : les négociations s’annoncent tendues sur la question des moyens à allouer à cette nouvelle stratégie. Aujourd’hui, le budget de l’OIF 80 millions d’euros par an (101 millions de dollars US) - ne lui laisse guère de latitude. Elle soutient par exemple le réseau des chambres consulaires africaines et francophones en appuyant les partenariats et en contribuant à des études locales. Elle finance la formation des cadres et experts d’organisations régionales comme la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) ou celle des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Depuis 2012, la Francophonie a aussi lancé un programme d’appui au développement local (PROFADEL) qui est expérimenté dans des communautés rurales en Centrafrique, au Togo, au Sénégal et au Rwanda. Mais pour faire du développement économique en tant que tel, « il faut des ressources et l’OIF ne dispose pas d’un budget suffisant pour déployer des actions », admet Hervé Cronel. Dans ce contexte, Jacques Attali n’y est pas allé par quatre chemins dans son rapport sur « La francophonie et la francophilie, moteurs de croissance », remis fin août à François Hollande. Le conseiller des présidents français est catégorique : la francophonie doit être sauvée et son avenir sera économique, ou ne sera pas. En conclusion de ses 53 propositions, qui balayent aussi les enjeux linguistiques et culturels de la question, il préconise de « transformer à terme l’OIF en une Union économique, aussi intégrée que l’Union européenne ». UN POTENTIEL ÉNORME Sur le papier, l’idée est séduisante. La « franconomie » rassemble 270 millions de consommateurs, et leur nombre pourrait passer à 770 millions en 2050, dont 85% d’Africains, selon les scénarios les plus optimistes. Les 77 pays fran- LA FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE EN CHIFFRES 57 270 16% 7% 14% États membres et 20 pays observateurs à l’OIF millions de locuteurs répartis sur les cinq continents, soit 4% de la population mondiale du PIB mondial cophones et francophiles représentent 16% du PIB mondial, avec un taux de croissance moyen de 7%, et leurs sous-sols renferment 14% des réserves de charbon, pétrole, gaz et métaux, d’après les estimations de la Banque mondiale. Bref, un immense marché, plein de promesses à confirmer, dont l’unification et l’intégration se heurtent présentement à l’hétérogénéité des pays qui le composent. Dans l’immédiat, « ce n’est pas d’une nouvelle structure dont l’OIF a besoin », assure Michel Guillou. Le directeur de l’Institut pour l’étude de la francophonie et de la mondialisation milite plutôt pour la création d’un poste de secrétaire général adjoint dédié à l’économie. « C’est certes symbolique, mais c’est nécessaire pour développer une conscience et un réf lexe francophones », souligne-t-il, convaincu que la « franconomie » se fera par le concours des principaux concernés : les chefs d’entreprise. « Le potentiel est là, il est énorme, affirme le professeur de l’université Lyon III. Mais encore faut-il le catalyser et le valoriser. » Comment ? « Il existe des initiatives faciles à mettre en œuvre, sans que cela coûte des millions », considère Georges Fischer. Certaines ont d’ailleurs été formalisées lors des deux Rencontres internationales de la Francophonie économique qui se sont déroulées à Québec en 2008 et en 2012. Les participants ont entre autres plébiscité la création d’un visa francophone pour faciliter la circulation des gens d’affaires, la mise en place d’un label francophone, ou encore le développement de grappes d’entreprises et d’un espace numérique d’information et d’échange. Autant de pistes à suivre, dont la concrétisation dépendra du nouveau secrétaire général de l’OIF. Taux de croissance moyen des réserves mondiales en ressources minières et énergétiques. Source: OIF, FMI, Banque mondiale AFRIQUE EXPANSION Magazine N˚ 47 45 DE FRANCOPHONIE À « FRANCONOMIE » ? QUEL BUDGET POUR LA STRATÉGIE ÉCONOMIQUE ?