Frédéric Magné - Le monde est son jardin, La nouvelle

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Frédéric Magné - Le monde est son jardin, La nouvelle
L'invité du mercredi - frédéric magné
LE MONDE EST SON JARDIN
30/11/2011 05:37
Après une carrière prolifique sur la piste, le Tourangeau Frédéric Magné s'est construit
une deuxième vie professionnelle tout aussi riche et palpitante.
Directeur du Centre mondial du cyclisme, Frédéric Magné est autant ambassadeur qu'entraîneur. Sur cette archive, il
pose avec M. Kuramasu, représentant alors l'Association japonaise de keirin. - (dr)
Aujourd'hui directeur du Centre mondial du cyclisme (CMC), dans l'écrin suisse d'Aigle, Frédéric Magné ne
repasse par sa Touraine natale que « deux ou trois fois par an ». « Et souvent rapidement », précise sa maman
qui, pour nous, s'est replongée dans les archives familiales avec son mari. C'est que l'enfant de Montlouis a fait
un sacré bout de chemin. Star mondiale de la piste durant plus d'une décennie, il est aujourd'hui l'un des cadres
de l'Union cycliste internationale (UCI). Un parcours remarquable, fruit d'heureuses opportunités, et s'appuyant
sur une force de caractère particulièrement « affirmée », souligne sa mère.
Frédéric, de 1987 à 2000, vous avez dominé la piste, avec douze médailles mondiales. Les JO, en revanche, se
sont toujours refusés à vous. Onze ans après la fin de votre carrière, cela reste-t-il une frustration ?
« Cela a été une blessure au début. Mais, quelque part, les Jeux, c'est un rêve et moi, j'en ai toujours rêvé. Les
premiers qui m'ont fait vibrer, ce sont Gorski et Vails en finale de la vitesse. C'était à Los Angeles, en 1984. Et
moi, je vais aux Jeux dès 1988, soit un laps de temps très court entre les deux. Finalement, j'ai toujours été
spectateur et pas acteur des Jeux. J'étais tellement ébloui par l'évènement que je suis passé à côté. Avec le recul,
je me dis que c'est comme ça. Ça m'a blessé, oui, mais il y a tellement d'autres choses importantes. Et puis, mon
parcours a été suffisamment réussi après pour me faire relativiser. Les rêves ne sont pas toujours accessibles... »
Votre carrière sportive reste néanmoins plus qu'aboutie...
« Cela peut paraître présomptueux mais l'une de mes plus belles satisfactions est d'avoir été champion du monde
lors de mes premiers Mondiaux, en 1987, avec Fabrice Colas et alors que je n'étais que junior, et d'avoir encore
pu l'être lors de mes derniers, en 2000, où je gagne le keirin. Ce qui me rend le plus heureux, c'est cette longévité.
»
Votre expérience de pistard, avec les titres mais aussi les blessures, les déceptions, les séjours au Japon, ont-ils
été votre meilleur bagage pour votre reconversion ?
« J'ai fait un peu les choses à l'envers : j'ai quitté l'école très tôt pour me consacrer à ma passion et puis, début
1995, je suis retourné à l'université pour passer mon professorat de sport. Ce diplôme, à Bac + 4, m'a aidé à
gérer l'après carrière car ma reconversion était en partie assurée. Ensuite, la piste m'a aidé, bien sûr. Je n'ai
sûrement pas le même passé que ceux issus des Business School et autres écoles de management. Les sportifs,
nous sommes aussi formatés, mais différemment. »
Et sur quoi, alors, se fait la différence ?
« Dans le sport de haut niveau, on apprend à se connaître, à connaître son caractère, ses atouts, ses faiblesses.
Et c'est un plus considérable qui compense les lacunes que l'on peut avoir par rapport aux diplômés des grandes
écoles. »
Vous voilà donc à la tête du CMC, dans un rôle plus administratif que d'entraî- neur. On imagine que cela ne
s'improvise pas ?
« J'ai eu la chance que Verbruggen (N.D.L.R. : ancien président de l'UCI) m'ait pris sous son aile. Il a été mon
parrain professionnel. J'ai d'abord été chargé du développement à l'UCI, puis je suis parti au Japon où j'étais
manager. Trois ans qui m'ont donné l'expérience des autres langues, d'une autre culture ; des choses qui me
servent aujourd'hui. C'est donc une évolution professionnelle comme on peut connaître dans tout corps de métier.
Et puis, je ne suis pas totalement coupé du terrain et je ne veux pas me couper de ce qui m'a permis de me
développer. »
Vous étiez-vous imaginé à pareil poste ?
« On m'a proposé un plan de carrière ; moi je n'ai jamais postulé. J'ai juste essayé d'assumer au mieux les
missions que l'on m'a confiées. Il faut savoir saisir les opportunités. Mais il faut aussi garder les pieds sur terre et
toujours se demander si on a les aptitudes pour la mission proposée. »
Avec votre cursus, vous pourriez certainement faire carrière dans le privé. Cela pourrait-il vous tenter ?
« Lorsqu'on me propose des choses susceptibles de me développer personnellement, je les saisis. De là à
passer dans le privé... Il faut toujours être conscient de ses lacunes. Néanmoins, je suis déjà administrateur dans
un groupe, Delfingen Industry. C'est une expérience intéressante, dans le sens où c'est le monde de l'entreprise,
axé que sur le business, alors qu'ici on a une part de service public. Et puis, je suis aussi consultant à la
télévision, pour les JO et les Mondiaux, et j'ai commencé depuis six mois à faire des conférences sur le stress, le
coaching en mettant en parallèle le sport de haut niveau et les exigences du monde de l'entreprise. »
Arrêtons-nous sur ce poste d'administrateur. C'est peu banal pour un ancien pistard ?
« Il faut toujours s'adapter. C'est vrai dans ce cas comme ça l'est au CMC, où l'on brasse toutes les cultures. Il ne
faut pas vouloir changer les autres mais les respecter, les écouter et leur apporter un autre regard. Et c'est cette
approche différente que j'amène au sein de Delfingen Industry. »
Pour finir, quel regard portez-vous sur vos différents parcours ?
« Je me considère chanceux. J'ai rencontré les bonnes personnes, au bon moment. Il faut toujours être humble
par rapport à ce que l'on fait et ne pas avoir un regard présomptueux sur ce que l'on pourrait faire dans l'avenir. »
Propos recueillis
par Annaïck Mainguy

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